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1152. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Vte Maurice De Bonald »

La forme en est sobre et très mâle, et d’une simplicité si forte que ce n’est qu’après coup et à la réflexion qu’on s’aperçoit de la puissance de cette simplicité.

1153. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. de Vigny. Œuvres complètes. — Les Poèmes. »

Chose singulière et qu’on n’a peut-être pas assez aperçue !

1154. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Corneille »

C’est un livre érudit, où rien n’est oublié, et qui ajoute la vérité de l’aperçu à une érudition qui ne l’a pas toujours.

1155. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Charles Didier » pp. 215-226

Tout cela est la défroque pittoresque et littéraire de l’Italie, haillons en poudre qu’une main distinguée ne touche plus et dédaignerait de remuer, mais sous lesquels l’œil fin aperçoit des réalités sociales et individuelles de l’intérêt le plus attachant et le plus vif, — comme celles-là, par exemple, que, dans sa Chartreuse, Beyle a su peindre avec génie, mais qu’il n’a pas épuisées.

1156. (1892) La vie littéraire. Quatrième série pp. -362

À mesure qu’on avance dans la vie, on s’aperçoit que le courage le plus rare est celui de penser. […] André Mariolle s’aperçoit bien vite qu’elle y met une distraction impardonnable. […] Ceux qui entraient dans sa tente apercevaient une grande belle fille sans nom, sans histoire, favorite muette, dit M.  […] Mais on s’est aperçu que Scarron, lorsqu’il fut dépouillé, portait le bagage des autres. […] Et si l’on compare ces deux manières d’envisager le divin, on s’aperçoit bien vite qu’elles ne diffèrent pas autant que les théologiens l’ont cru.

1157. (1888) Études sur le XIXe siècle

Mais sa conversation spirituelle dans le meilleur sens du mot, riche en aperçus ingénieux et profonds, d’une suprême élégance et d’une politesse raffinée, lui gagnait en un instant toutes les sympathies. […] C’est là un rare bonheur, mais qui repose sur une contradiction inévitable dont il faut bien qu’à la fin on s’aperçoive, et que nous allons essayer d’indiquer. […] Dès la première page, par un rapide aperçu général du pays qu’il va visiter, il vous donne l’envie de partir avec lui. […] Il arrive à Turin le soir, court à l’Opéra où il sait la rencontrer, l’aperçoit dans sa loge « en grand deuil, portant sur la plus douce des figures des traces de longues et cruelles souffrances ». […] À vrai dire, il doute encore un peu, il est beaucoup plus froid que son amie, il s’aperçoit de temps en temps, non sans honte, qu’il aime moins qu’il n’est aimé.

1158. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre VI. La poésie. Tennyson. »

Le propre du poëte, c’est d’être toujours jeune et éternellement vierge : Pour nous autres, gens du commun, les choses sont usées ; soixante siècles de civilisation ont terni leur fraîcheur originelle ; elles sont devenues vulgaires ; nous ne les apercevons plus qu’à travers un voile de phrases toutes faites ; nous nous servons d’elles, nous ne les comprenons plus ; nous ne voyons plus en elles des fleurs splendides, mais de bons légumes ; la riche forêt primitive n’est plus pour nous qu’un potager bien aligné et trop connu. […] Et çà et là aussi on aperçoit la profonde expression de leurs grands yeux rêveurs. « Des larmes, chante l’une d’elles, de vaines larmes, je ne sais pas ce qu’elles veulent dire. —  Des larmes sorties de la profondeur de quelque divin désespoir — s’élèvent dans le cœur et se rassemblent dans les yeux — lorsqu’on regarde les heureux champs de l’automne — et qu’on pense aux jours qui ne sont plus1530. » — Voilà la volupté exquise et étrange, la rêverie pleine de délices et aussi d’angoisses, le frémissement de passion délicate et mélancolique que vous avez déjà trouvés dans Winter’s Tale ou dans la Nuit des Rois. […] À ce moment un grand tumulte s’élève, et l’on aperçoit dans la cour un spectacle étrange. « De la salle illuminée partaient de longs ruissellements de splendeur oblique — qui tombaient sur une presse — d’épaules de neige serrées comme des brebis en troupeau, —  sur un arc-en-ciel de robes, sur des diamants, sur des yeux de diamant, —  sur l’or des habits, sur des cheveux d’or.

1159. (1860) Cours familier de littérature. IX « LIe entretien. Les salons littéraires. Souvenirs de madame Récamier. — Correspondance de Chateaubriand (3e partie) » pp. 161-240

Elle aperçut une femme voilée dans un carrosse ; c’était l’infortunée duchesse qui respirait un moment l’air extérieur pendant que la cloche de la ville tintait par-dessus les murailles les obsèques prochaines de son ami. […] Quelques groupes de curieux et d’hommes de lettres de Dijon, instruits de son passage, obstruaient la rue et les escaliers pour apercevoir son visage ou pour entendre sa voix à travers les fenêtres ou les portes. […] Le pauvre ami Joubert me montrait souvent un chemin de sable qu’on aperçoit sur une colline au milieu des bois, et par où il allait voir la voisine fugitive.

1160. (1863) Cours familier de littérature. XV « LXXXVIIIe entretien. De la littérature de l’âme. Journal intime d’une jeune personne. Mlle de Guérin » pp. 225-319

La boue, la terre nue, me déplaisent, m’attristent ; aujourd’hui je n’aperçois que la trace des chemins et les pieds des petits oiseaux. […] « Quand tu liras tout cela, mon ami, souviens-toi que c’est écrit le 1er décembre, jour de pluie, d’obscurité, d’ennui, où le soleil ne s’est pas montré, où je n’ai vu que des corbeaux. » Le 3 décembre, un seul mot… « Il est sept heures, j’entends le ruisseau et j’aperçois une belle étoile qui se lève sur Mérin : tu n’as pas oublié ce hameau ?  […] Que de fois je me prends à considérer, à suivre des yeux de tout petits insectes que j’aperçois dans les feuillets d’un livre, ou sur les briques, ou sur la table !

1161. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CVe entretien. Aristote. Traduction complète par M. Barthélemy Saint-Hilaire (3e partie) » pp. 193-271

À considérer les analyses qu’a faites Aristote de ces idées essentielles, je n’hésite pas à lui donner la préférence ; et j’ajoute même que, dans toute l’histoire de la philosophie, je n’aperçois rien d’égal. […] Je ne dis pas certainement que Descartes ou Newton y eussent rien appris ; mais, en écoutant un moment ces leçons de l’antique sagesse, ils se seraient aperçus combien de choses ils avaient eux-mêmes omises, les supposant probablement assez connues, ou trop claires pour qu’il fût nécessaire de les rappeler. […] Tant que la biche tient les oreilles droites, elle entend le moindre bruit, et il est difficile de n’être pas découvert ; quand elle les a baissées, on la tire sans qu’elle s’en aperçoive. » Telle est l’Histoire des animaux par Aristote : c’est le chef-d’œuvre du laconisme pittoresque.

1162. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre IV. Les tempéraments et les idées (suite) — Chapitre V. Jean-Jacques Rousseau »

Les germes qu’apercevait M. de Conzié dès 1738, se développent dans sa pauvre tête ; et une vraie folie l’envahit. […] La conclusion des deux discours, c’est qu’il faut revenir à la nature, mais — et c’est l’idée qu’il faut bien apercevoir pour ne pas attribuer à Rousseau une inconséquence qu’il n’a pas commise — mais « la nature humaine ne rétrograde pas il y a trop loin de l’état civil à l’état naturel pour qu’on puisse repasser de celui-ci à celui-là. […] Il a hardiment fait sortir l’humanité de l’animalité par une lente évolution : c’est lui, non pas Darwin, qu’on peut accuser d’avoir fait descendre l’homme du singe ; et, quand on saisit sa vraie pensée, on s’aperçoit qu’il n’exclut pas du tout de notre histoire « l’homme loup pour l’homme », la brute féroce et avide de Hobbes ; mais il n’y voit pas l’homme primitif : c’est l’homme déjà homme, apte et condamné à la société.

1163. (1922) Enquête : Le XIXe siècle est-il un grand siècle ? (Les Marges)

Je crois que l’aliment littéraire le plus riche gît dans les profondeurs de l’abîme que chacun de nous aperçoit à son côté — abîme individuel. — Tout ce qui remonte de là n’est pas propre à être mangé à la table commune. […] Or, qu’on parle littérature ou art, science ou politique, on s’aperçoit vite qu’au xixe  siècle ceux qui pensaient librement ont été fort nombreux ; ils ont même remporté quelques-unes de ces victoires dont on peut être fier sans remords, puisqu’elles ne sont pas sanglantes. […] Il faut être le dernier des imbéciles pour ne pas s’en apercevoir.

1164. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « VII »

Les exceptions qu’on peut trouver à cette règle ont toutes une raison spéciale : c’est un aperçu soudainement ouvert sur une signification symbolique, ou bien une réminiscence mythologique légèrement indiquée (Voir Wolzogen : la Langue dans les poèmes de Wagner). […] « Le mal que le traducteur a cru devoir se donner, c’est de décorer sa langue vulgaire de rimes ineptes, quoique dans le chant on ne s’aperçoive presque jamais de la rime. […] Ce sont de vieux mythes réchauffés, des aperçus théoriques de pure fantaisie, des analyses de drames cent fois refaites et toujours inutiles puisque la nature même du drame reste incomprise, et toujours les mêmes psychologies profondes sur la distinction entre l’homme et l’artiste, et autres inepties !

1165. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « IX »

Mais à mesure que le désir de le faire s’accentuait, il s’apercevait « que l’œuvre, dans cette forme-là, n’était point viable sur la scène » (iv, 416). — Pour essayer ce parer autant que possible aux défauts de cette pièce, il imagina, dans les premiers mois de 1851, de mettre sur la scène la jeunesse ce Siegfried (telle qu’il l’avait déjà conçue dans son Esquisse de drame), et de montrer dans cet autre opéra quelques-uns des exploits dont on parlait dans le premier ; il écrivit donc un poème d’opéra intitulé le Jeune Siegfried, qu’il termina le 24 juin 1851. […] Teodor de Wyzewa y a développé ses aperçus si étrangement neufs et subtils, qui énoncent, en des formules incisives de paradoxes, de curieuses vérités et d’ingénieuses comparaisons. […] Lamoureux, j’ai eu le bonheur d’apercevoir des groupes que l’on m’a dit formés de l’élite de nos Wagnériens.

1166. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre deuxième. L’émotion, dans son rapport à l’appétit et au mouvement — Chapitre premier. Causes physiologiques et psychologiques du plaisir et de la douleur »

Il en est de même pour les fonctions de la pensée, fût-ce la simple attention et « aperception » : ce que nous pouvons difficilement apercevoir, ce qui est trop grand ou trop petit, trop confus ou trop indistinct, ce qui arrête le regard de la pensée et tend à supprimer la pensée même, produit un commencement de déplaisir. […] C’est que, devant l’immensité du ciel, de la mer ou de la montagne, la possibilité d’apercevoir l’ensemble, d’embrasser tout du regard ou même de l’imagination nous est enlevée ; mais, par un effort supérieur de la pensée, nous concevons l’infini et anéantissons l’obstacle matériel devant l’idée intellectuelle. […] « Et dans le fond, ajoute Leibniz, sans ces demi-douleurs il n’y aurait point de plaisir, et il n’y aurait pas moyen de s’apercevoir que quelque chose nous aide et nous soulage en ôtant quelques obstacles qui nous empêchent de nous mettre à notre aise37. » Un philosophe italien du XVIIIe siècle, Verri, développant la pensée de Leibniz, arrive à cette conclusion : Il dolore precede ogni piacere.

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