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1843. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre II. L’époque romantique — Chapitre IV. Le théâtre romantique »

Un gentilhomme rebuté par une femme, déguise son valet en seigneur et lui donne ordre de se faire aimer de cette femme : il y a là un scénario de farce. […] Il fait aimer Hugo, qui n’est pas sensiblement moins humain, et qui du moins est poète : le style de Delavigne est cruel, là surtout où il fait effort pour teindre son vers de poésie. […] Dumas y vint, après que sa fièvre de 1830 fut calmée, lorsqu’il fut rendu à son naturel de bon enfant qui aimait à conter des histoires, et à son tempérament d’homme de théâtre, apte à faire jouer tous les trucs qui tirent le rire et les larmes. […] Scribe ferait aimer les excentricités morales de la passion romantique.

1844. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre huitième »

Il n’aime pas la décadence il en détourne la vue ; mais de ce regard détourné et fugitif il n’en aperçoit pas moins les causes principales. […] S’il pouvait faire en sorte que tout le monde eût de nouvelles raisons pour aimer ses devoirs, son prince, sa patrie, ses lois ; que ceux qui commandent augmentassent leurs connaissances sur ce qu’ils doivent prescrire, et que ceux qui obéissent trouvassent un nouveau plaisir à obéir ; s’il pouvait faire que les hommes pussent se guérir de ce qui fait qu’on s’ignore soi-même, il serait le plus heureux des mortels. » Cette déclaration, par laquelle s’ouvre l’Esprit des lois, parut au grand nombre une précaution contre les gouvernants et la Sorbonne. […] De là certains mots de mauvaise humeur contre Montesquieu, où l’on aime mieux voir le désappointement du chef des désapprobateurs que la jalousie de l’émule. […] C’est encore un trait qui lui est commun avec Montaigne d’avoir été si heureux, ou d’avoir si bien conduit sa vie, qu’il ne lui est venu aucun mal, même de ce qu’il n’aimait pas, et que son génie semble n’avoir eue que la plus grande de ses aises.

1845. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre XIV, l’Orestie. — Agamemnon. »

En quittant la maison nuptiale, la femme aimée a éteint les yeux des statues qui la décoraient. […] Les vieillards écoutent ces accusations étouffées, ils entendent crier le sang répandu ; une parole terrible leur échappe : — « Je pressens un grand malheur embusqué dans l’ombre ; les Dieux ont l’œil sur ceux qui ont fait périr beaucoup d’hommes. » — Le Chœur est pourtant un sujet fidèle, il aime son roi et il le vénère ; mais une justice supérieure parle plus haut en lui que son affection. […] La lutte fut violente, il brûlait d’amour. » — On lui demande : — « Lui as-tu accordé de s’unir à toi, comme font ceux qui s’aiment ?  […] Égisthe est là, l’homme qui l’aime, « le fort bouclier qui la couvre ».

1846. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Chateaubriand homme d’État et politique. » pp. 539-564

Il ne cherchait qu’une porte pour sortir : la mort du duc d’Enghien lui en offrait une, belle et magnifique, une sortie éclatante, comme il les aimait ; il n’y résista pas, et, le lendemain de cette démission, il se trouva, on peut l’affirmer, bien autrement royaliste qu’il ne l’avait jamais été jusque-là. […] Et il ajoute, parlant toujours des femmes et de l’amour : Quand vous vous desséchez sur le cœur qui vous aime, Ou que ce cœur flétri se dessèche lui-même ; Quand le foyer divin qui brûle encore en nous Ne peut plus rallumer la flamme éteinte en vous, Que nul sein ne bat plus quand le nôtre soupire, ………………………………………………… Alors, comme un esprit exilé de sa sphère Se résigne en pleurant aux ombres de la terre, Détachant de vos pas nos yeux voilés de pleurs, Aux faux biens d’ici-bas nous dévouons nos cœurs. […] Je crois voir exactement une femme de caractère acariâtre, la Xanthippe de Socrate, si vous voulez, qui, sous prétexte qu’elle est femme d’honneur et fidèle, s’en autorise pour dire à son mari, sur tous les tons, qu’elle ne l’aime pas, et pour le traiter comme un nègre. […] Ceux pourtant qui continuent d’aimer les phrases, les belles pensées détachées, les fragments spécieux de théorie, les prédictions inutiles et frappantes, les fantaisies poétiques dont on peut faire collection, trouveront amplement encore, en le lisant, de quoi se satisfaire ; mais les esprits qui demandent de la suite, de la raison, un but, quelque conséquence dans les actes et dans la conduite, savent désormais à quoi s’en tenir sur la valeur de l’écrivain éminent qui, avec de si hautes parties, n’a été en politique qu’un grand polémiste toujours personnel, et un agent lumineux de dissolution.

1847. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1861 » pp. 361-395

* * * — Le peuple n’aime ni le vrai ni le simple : il aime le roman et le charlatan. […] Je vais écrire ici ce que je pense sincèrement de l’œuvre d’un homme que j’aime, et dont j’ai admiré sans réserve le premier livre. […] » De là, la parole de Sainte-Beuve saute à Flaubert : « On ne doit pas être si longtemps à faire un livre… Alors on arrive trop tard pour son temps… Pour des œuvres comme Virgile, ça se comprend… Et puis après Madame Bovary, il devait donner des œuvres vivantes… des œuvres, où l’on sente l’auteur touché personnellement… tandis qu’il n’a fait que recommencer Les Martyrs de Chateaubriand… S’il avait fait cela, son nom serait resté à la bataille, à la grande bataille du roman, au lieu que j’ai été forcé de porter la lutte sur un moins bon terrain, sur Fanny… Alors, Sainte-Beuve s’étend sur l’ennui de sauter de sujet en sujet, de siècle en siècle… On n’a pas le temps d’aimer… Il ne faut pas s’attacher… Cela brise la tête : c’est comme les chevaux dont on casse la bouche en les faisant tourner à gauche, à droite, — et il fait le geste d’un homme qui tire sur un mors. — « Tenez, me voilà engagé pour trois ans… à moins d’un accident.

1848. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des romans — Préface des « Derniers Jours d’un condamné » (1832) »

Il aima mieux attendre qu’elle fût comprise et voir si elle le serait. […] Seulement, nous eussions mieux aimé que la Chambre choisît une autre occasion pour proposer l’abolition de la peine de mort. […] Il y en a d’autres qui n’aiment la peine de mort que parce qu’ils haïssent tel ou tel qui l’attaque. […] Ce n’est pas à eux que nous nous adressons, mais aux hommes de loi proprement dits, aux dialecticiens, aux raisonneurs, à ceux qui aiment la peine de mort pour la peine de mort, pour sa beauté, pour sa bonté, pour sa grâce.

1849. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « II — La solidarité des élites »

Figurez-vous un homme aux formes athlétiques, au visage splendide, rempli de séduction et de bonté, se promenant dans les rues, vêtu comme un ouvrier, causant familièrement avec tous, riant, interrogeant ou consolant, aimé de tous pour sa douce majesté, sa cordialité et son humeur joyeuse ; qui se baigne et ensuite se promène nu dans l’herbe humide au soleil, déclarant que « peut-être celui ou celle à qui la libre et exaltante extase de la nudité en pleine nature n’a pas été révélée, n’a-t-il jamais connu le sentiment de la pureté, ni ce que la foi, l’art ou la santé sont dans leur essence » ; parcourant la campagne ou soignant les blessés de la guerre civile ; prêchant l’exaltation de toutes les forces vives de l’individu, et allant vers tous, homme ou femme, les mains tendues, un cordial sourire aux lèvres ; en un mot, réalisant dans sa complète acception, encore insoupçonnée, l’homme de la Démocratie américaine, ou plutôt de la Démocratie universelle. […] De ce que j’aime mon foyer, parce que toutes les racines de mon être primitif y sont attachées, parce que j’en ai tiré l’origine de ma vie, il ne s’ensuit pas nécessairement que je n’aime pas les autres foyers. J’aime d’abord les foyers environnants, puis ceux qui s’en éloignent, et puis tous enfin !‌

1850. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Histoire littéraire de la France. Ouvrage commencé par les Bénédictins et continué par des membres de l’Institut. (Tome XII, 1853.) » pp. 273-290

J’aime mieux trente vers de vous (trente vers de Cideville !) […] Mon cher Formont, croyez-moi, j’aime mieux deux ou trois conversations avec vous que la bibliothèque de Sainte-Geneviève. […] Certes, elle aimerait mieux la paix qu’un tel éclat ; elle se déclare innocente ; elle est prête à en passer par l’épreuve ou de l’eau froide ou du fer chaud ; elle jure par tous les saints, par le Dieu tout-puissant, que Renart lui fut toujours étranger.

1851. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Œuvres de François Arago. Tome I, 1854. » pp. 1-18

J’aime ce titre donné à des fragments de mémoires : Histoire de ma jeunesse ; il me semble que ce n’est guère qu’ainsi et dans cette mesure que chacun devrait écrire les siens. […] Il aima jusqu’à la fin la gloire, mais la gloire plutôt étendue que grande. […] Arago a mieux aimé poser en toute rencontre l’antagonisme et se porter d’un seul côté.

1852. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Fénelon. Sa correspondance spirituelle et politique. — I. » pp. 19-35

Quand il parlait comme lorsqu’il écrivait, Fénelon se tenait plus volontiers à mi-côte et sur les collines : « Son style noble et léger, a-t-il dit de Pellisson, ressemblait à la démarche des divinités fabuleuses qui coulaient dans les airs sans poser le pied sur la terre. » On peut le dire de lui-même et en supprimant l’image de fabuleuses ; sa parole avait quelque chose de noble et de léger qui rappelle ces figures angéliques, amies de l’homme, et se tenant toujours à sa portée, qui pourraient s’enlever plus haut, qui ne le veulent pas, et qui aiment mieux, dès qu’il le faut, redescendre. […] On a depuis longtemps recueilli sous le titre de Lettres spirituelles les lettres de Fénelon qui portent spécialement sur ces points de la vie intérieure, et dans lesquelles il enseigne à faire de vrais progrès « dans l’art d’aimer Dieu ». […] Elle lui vient pourtant, discrète, courante, familière, et quelquefois trop familière : « Vous pouvez faire de moi, écrit-il au duc de Chaulnes, comme d’un mouchoir qu’on prend, qu’on laisse, qu’on chiffonne : je ne veux que votre cœur, et je ne veux le trouver qu’en Dieu. » J’aime mieux qu’il dise à Mme de Grammont : « Vous êtes une bonne montre, mais dont la corde est courte et qu’il faut remonter souvent.

1853. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Vicq d’Azyr. — I. » pp. 279-295

comme on aime le contraste de son savoir avec son âge, et celui de son ardeur avec sa modestie ! […] Celui qu’une longue expérience a formé, l’emporte sans doute par la précision des idées ; il a rassemblé plus de faits, et la vérité lui est mieux connue : on y parvient plus difficilement avec l’autre, mais on la désire plus vivement, et il sait mieux la faire aimer. […] Les nombreux éloges de Vicq d’Azyr ne portent pas tous sur des sujets importants ni sur des hommes supérieurs ; mais dans tous, même dans les plus tempérés, on sent des parties vives, l’art de connaître et de faire aimer les hommes.

1854. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « La Divine Comédie de Dante. traduite par M. Mesnard, premier vice-président du Sénat et président à la Cour de cassation. » pp. 198-214

J’aime encore mieux pourtant dans ce monstre une cinquantaine de vers supérieurs à son siècle, que tous les vermisseaux appelés sonetti, qui naissent et meurent à milliers aujourd’hui, dans l’Italie, de Milan jusqu’à Otrante. […] Mais comme Dante est un génie compliqué et qui pense toujours à plus d’une chose à la fois, il n’est pas moins vrai qu’en même temps que l’apothéose de Béatrix, de la femme aimée, est le but principal de La Divine Comédie, le poète, pour mieux parer et honorer cette âme céleste, lui a prêté bien des traits allégoriques par lesquels il tend à la transformer insensiblement et à la confondre dans la plus noble et la plus lumineuse des sciences selon le Moyen Âge, dans la Théologie elle-même. […] De sorte que si Dante avait écrit lui-même le commentaire de son grand poème, comme il l’a fait pour d’autres de ses poèmes moindres, il aurait pu soutenir doublement qu’en effet Béatrix était bien la Béatrix qu’il avait aimée, la fille de Folco de’ Portinari de Florence, et qu’elle n’en était pas moins aussi, en définitive, la Théologie sublime, revêtue de rayons, et dirigeant l’œil humain, qui la considère et qui l’étudie, vers les plus hautes vérités.

1855. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « M. Biot. Essai sur l’Histoire générale des sciences pendant la Révolution française. »

Quoiqu’il aimât beaucoup à raconter, on sait peu de choses précises sur sa jeunesse et les premiers temps de sa vie ; car les anecdotes contées et écoutées debout, au coin de la cheminée, s’envolent et, il lui répugnait de rien écrire qui ressemblât à une biographie, ou même de répondre aux questions de ce genre, pour peu qu’elles eussent un but. […] Il aimait à parler de ce temps-là, des circonstances qui précédèrent et suivirent la bataille. […] J’aurais aimé à entendre M. 

1856. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « APPENDICE. — CASIMIR DELAVIGNE, page 192. » pp. 470-486

Il y a dans ces premiers choix du talent un instinct qui rarement égare ; le vrai poëte a bientôt démêlé ce qu’il aime, comme Achille saisissait un glaive parmi les parures de femme. […] Je n’aime point cette manière de recopier un mot heureux et de vivre à satiété sur le passé. […] Aujourd’hui que l’opinion publique, soit littéraire, soit politique, se détend un peu, il a fait trêve à cette déviation toujours savante, mais sensiblement contrainte, de son talent ; il est rentré, avec ce soin qui ne se lasse pas, dans sa manière vraie, dans celle qu’il doit aimer, j’imagine, de préférence.

1857. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre X. De la littérature italienne et espagnole » pp. 228-255

Les Italiens, si l’on en excepte une certaine classe d’hommes éclairés, sont pour la religion, comme pour l’amour et la liberté ; ils aiment l’exagération de tout, et n’éprouvent le sentiment vrai de rien. […] Les esclaves doivent aimer à se réfugier dans un monde chimérique ; et comme le soleil du Midi anime l’imagination, les contes arabes sont infiniment plus variés et plus féconds que les romans de chevalerie. […] Il est dans leur caractère d’aimer à réunir, dans les objets même d’une plus haute importance, la gravité des formes à la légèreté des sentiments ; et l’Arioste est le plus charmant modèle de ce genre national.

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