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1139. (1888) Journal des Goncourt. Tome III (1866-1870) « Année 1869 » pp. 253-317

Il professe que le roman est la construction à grand effort d’un miracle, le contraire absolu de ce que fait la science historique, la grande défaiseuse de miracles. […] » Cela est dit non avec un sourire, une grâce de parole, une légèreté de paradoxe : c’est formulé en axiome dur, tranchant, absolu.

1140. (1894) Journal des Goncourt. Tome VII (1885-1888) « Année 1887 » pp. 165-228

Dîner chez Daudet, et départ avec le ménage pour la première de Numa Roumestan. « J’emporte, dit Daudet, en train de farfouiller dans ses poches de droite et de gauche, j’emporte de très forts cigares et de la morphine… Si je souffre trop… Léon me fera une piqûre… Oui je resterai, toute la soirée, dans le cabinet de Porel, où il y aura de la bière, et je ferai ma salle pour demain. » En voiture, comme Daudet me dit qu’il a fait mettre à Mounet un col droit, qui lui enlève son aspect de commis voyageur de la répétition, je ne puis m’empêcher de lui dire, que je m’étonne du manque absolu d’observation de ces gens, qui en ont autant besoin que nous, et que je ne peux comprendre, comment un acteur, appelé à jouer Numa Roumestan, n’a pas eu l’idée d’assister à une ou deux séances de la Chambre, ou du moins d’aller flâner à la porte, et de regarder un peu l’humanité représentative. […] Samedi 14 mai Tous ces jours-ci, possession absolue de ma personne par le jardin.

1141. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre onzième. La littérature des décadents et des déséquilibrés ; son caractère généralement insociable. Rôle moral et social de l’art. »

Toute époque particulière du développement littéraire de l’humanité perd d’ailleurs son importance exclusive quand on la compare à l’ensemble de ce développement : même les époques classiques, si justement admirées, ne sauraient marquer toujours, pour l’historien de la littérature, un point culminant ; elles peuvent être un plus parfait modèle pour l’étudiant, comme Racine est un plus parfait modèle que Corneille, et Corneille que Shakespeare, mais leur supériorité classique ne saurait constituer une supériorité esthétique absolue. […] Baudelaire s’est trouvé vivre à une époque où l’accoutumance aux idées de négation absolue était loin d’être faite, et sur certains tempéraments ces idées, encore nouvelles, devaient produire des effets tout particuliers.

1142. (1894) Textes critiques

Et des mers d’un calme d’huile astrale ou lustrale, d’un noir de velours absolu où ondulent les scies serpentines, des lames filant douces l’oxycrat de cadavres. […] Il n’est pas interdit de penser que ce tableau — ou un autre — pourrait être le fameux vitrail dont il est question dans l’Amour absolu.

1143. (1857) Cours familier de littérature. III « XVIe entretien. Boileau » pp. 241-326

La beauté est absolue en elle-même ; elle résulte de quelques rapports mystérieux entre la forme et le fond dans toutes les choses morales ou matérielles, rapports qui ont été établis par Dieu lui-même, suprême type, suprême règle, suprême proportion, suprême mesure, suprême convenance de tout ce qui émane de lui. […] La critique ou la logique des arts n’est donc nullement un caprice ou d’esprit ou du goût ; elle est la logique absolue et divine appliquée par le sens commun, ce régulateur sans appel, aux œuvres de l’esprit, de la langue ou de la main de l’homme.

1144. (1857) Cours familier de littérature. IV « XXIIIe entretien. I. — Une page de mémoires. Comment je suis devenu poète » pp. 365-444

Il fallait un décorateur du passé qu’on voulait faire revivre et régner sous ses deux formes de trône absolu et d’autel populaire ; l’auteur du Génie du Christianisme, grand poète qui cherchait un poème, s’offrit avec ses magiques pinceaux. […] Ainsi Dieu a su réunir dans son ouvrage la durée absolue et la durée progressive.

1145. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XVIII. J.-M. Audin. Œuvres complètes : Vies de Luther, de Calvin, de Léon X, d’Henri VIII, etc. » pp. 369-425

S’il fallait à toute force une explication à ce qui n’était probablement que la changeante inquiétude de la jeunesse, nous aimerions mieux croire qu’Audin, né pour la vérité absolue, ressentit un mépris légitime pour une profession qui ne se préoccupe que de la vérité relative, et qui s’appuie le plus souvent sur le mensonge, la ruse, l’impudence, la dextérité et toutes les facultés de bas étage… La Fortune ne lui permettait pas ce luxe de la pensée, corrupteur parfois comme tous les luxes, — l’indépendance. […] Ce n’est pas un homme de génie ; mais la vérité absolue du point de vue catholique dispense de cette terrible nécessité d’avoir du génie, et ce n’en est pas moins un maître.

1146. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Mézeray. — I. » pp. 195-212

Parlant de je ne sais quelles superstitions publiques et à grand fracas, venues d’Italie ou d’Avignon, il dira tout courant : « Ces spectacles inconnus aux âmes françaises… » Parlant des amours de la dame de Sauve, un des premiers aides de camp du brillant escadron de Catherine de Médicis, il la montrera « n’employant pas moins ses attraits pour les intentions de la reine que pour sa propre satisfaction ; se jouant de tous ses mourants avec un empire si absolu qu’elle n’en perdait pas un, quoiqu’elle en acquît toujours de nouveaux ».

1147. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « M. Daru. Histoire de la république de Venise. — III. (Suite et fin.) » pp. 454-472

Cette république noble et marchande, dont l’origine se perd dans les plus anciens débris de l’Empire romain ; qui eut la première en Italie, en face et à côté de la nouvelle politique romaine, une politique à elle, profonde, suivie, consommée, indépendante ; qui eut ses épisodes de grandeur héroïque et de chevalerie maritime, bien qu’un intérêt de commerce fût toujours au fond ; qui, dans le cours de sa longue et séculaire décadence, sut trouver tant de degrés encore brillants et des temps d’arrêt si glorieux ; qui ne s’abaissa véritablement que depuis la fin du xviie  siècle ; ce gouvernement jaloux, mystérieux, si longtemps sage, de qui la continuelle terreur était tempérée par un carnaval non moins continuel, comme en France la monarchie absolue l’était par des chansons ; cette cité originale en tout, et qui le fut hier encore jusque dans l’insurrection dernière par laquelle, déjà si morte, elle essayait d’un réveil impossible ; cet ensemble d’institutions, d’intérêts, d’exploits et de prouesses, de conjurations, d’espionnages et de crimes ; tant de majesté, de splendeur et d’austère vigilance, se terminant en douceurs molles et en plaisirs, tout cela se suit et se comprend d’autant mieux dans le récit de M. 

1148. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Madame Dacier. — II. (Fin.) » pp. 495-513

En ce qui est du langage en particulier, il se prononçait exclusivement dans le même sens absolu de la rectitude analytique.

1149. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Agrippa d’Aubigné. — I. » pp. 312-329

Je vous somme, au nom de Dieu, de ne nous frauder plus, ou je serai témoin contre vous en son Jugement. » Religion égarée, fanatisme opiniâtre sans doute, et sourd aux raisons de prudence et d’humaine sagesse ; appel, sous le nom du Christ, à la vengeance du sang par le sang ; générosité pourtant et grandeur d’âme, comme il en est en tout sacrifice absolu de soi : c’est ce qui respire en cette scène nocturne, digne des plus grands peintres, et d’Aubigné, qui en a senti toute l’émotion, nous l’a conservée et, on peut dire, nous l’a faite de manière à n’être point surpassé.

1150. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Léopold Robert. Sa Vie, ses Œuvres et sa Correspondance, par M. F. Feuillet de Conches. — I. » pp. 409-426

Ce n’est pas ici le lieu d’examiner si Raphaël, même en les ayant vues ainsi réunies, eût cherché à exprimer les figures juives avec ce caractère marqué et absolu que leur voit et que leur veut Léopold Robert.

1151. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Journal du marquis de Dangeau — II » pp. 18-35

s’écriait l’orateur sacré en terminant, c’est pour cela même que vous multiplierez les jours de cet auguste monarque, et que vous le conserverez, non seulement pour nous, mais pour vous-même ; car, avec une âme aussi grande, avec une religion aussi pure, une religion aussi éclairée, avec une autorité aussi absolue que la sienne, que ne fera-t-il pas pour vous, après ce que vous avez fait pour lui ; et par quels retours ne reconnaîtra-t-il pas les grâces immenses que vous avez versées et que vous versez encore tous les jours sur lui ?

1152. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Charron — II » pp. 254-269

Charron n’entre en rien dans cette intelligence et cette explication vraiment philosophique de l’humanité, qui, pour la mieux comprendre, en suivrait d’abord les directions générales et en reconnaîtrait les vastes courants : il prend l’homme au rebours et dans ses écarts ; il l’observe malade, infirme, le voit toujours en faute, dans une sottise continuelle, dans une malveillance presque constante : « La plupart des hommes avec lesquels il nous faut vivre dans le monde, dit-il quelque part, ne prennent plaisir qu’à mal faire, ne mesurent leur puissance que par le dédain et injure d’autrui. » De ce qu’il y a certains cas où les sens se trompent et ont besoin d’être redressés, il en conclut que ce qui nous arrive par leur canal n’est qu’une longue et absolue incertitude.

1153. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Henri IV écrivain. par M. Eugène Jung, ancien élève de l’École normale, docteur es lettres. — II » pp. 369-387

Il a le pouvoir absolu plus agréable, voilà tout.

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