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318. (1856) À travers la critique. Figaro pp. 4-2

Voltaire et M.  […] Jules Janin qui s’y connaît, — car il s’est beaucoup occupé de Voltaire dans le temps, — baptise le style de l’auteur un goupillon impitoyable. […] » — s’écrie en finissant le critique des Débats, — « ces honteuses violences nous ramènent à Voltaire, et je l’en aime davantage ! […] Fiorentino est un disciple de Voltaire. […] Fiorentino rachetait du moins les banalités de sa critique avec les vivacités d’un esprit où le sel gaulois, épuré par Voltaire, saupoudrait la finesse Italienne.

319. (1825) Racine et Shaskpeare, n° II pp. -103

Nous répondons : nos tragédies seraient plus touchantes, elles traiteraient une foule de grands sujets nationaux auxquels Voltaire et Racine ont été forcés de renoncer. […] monsieur, qui a jamais parlé de siffler Voltaire, Racine, Molière, génies immortels dont notre pauvre France ne verra peut-être pas les égaux d’ici à huit ou dix siècles ? […] Continuez-vous à leur imposer l’armure gênante portée jadis avec tant de grâce par Racine et Voltaire ? […] Au lieu d’implorer l’esprit du successeur de Voltaire, ou la faconde si jolie de l’auteur de l’Histoire de Cromwell, l’Académie nous a dit par l’organe sec et dur de M.  […] Cette vénération savait cependant qu’il y avait une littérature ancienne, elle attendait des jouissances des pièces de Racine et de Voltaire.

320. (1864) Physiologie des écrivains et des artistes ou Essai de critique naturelle

La France dans Voltaire, dans Molière, dans La Fontaine et dans Mme de Sévigné ? […] Si Voltaire a été l’apôtre de la liberté, Rousseau a été l’apôtre de l’égalité. […] Et Voltaire, à son tour, qu’est-il, — physiologiquement parlant ? […] Voltaire, dans un autre endroit, reconnaît le contraire avec raison, et l’exprime à merveille. […] Voltaire était bien, cependant, aussi spiritualiste que ces messieurs, et un peu plus spirituel.

321. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Duclos. — II. Duclos historien » pp. 224-245

Voltaire, déjà historien, qui s’occupait de son Siècle de Louis XIV, et qui avait donné son Histoire de Charles XII, s’empressa d’applaudir à Duclos, et il lui laissa, en passant chez lui, ce petit billet des plus scintillants et qui semble écrit sous le coup de l’enthousiasme : J’en ai déjà lu cent cinquante pages, mais il faut sortir pour souper. […] Ce billet est le plus vif de tous ceux qu’on lit dans la correspondance de Voltaire avec Duclos ; car ils ne furent jamais dans des termes intimes ni bien tendres. […] Voltaire lui écrivait par compliment : « Bonsoir, Salluste. […] Je ne croyais pas aujourd’hui que cette considération de Duclos historien dût me mener si loin : il me resterait à son sujet, en le suivant dans son rôle de meneur ou de censeur à demi républicain à l’Académie, dans ses relations avec Voltaire et avec le parti encyclopédique, à compléter un des principaux chapitres de l’histoire littéraire du xviiie  siècle ; mais, si je dois l’écrire, je demande à l’ajourner, n’oubliant pas que nous sommes dans l’Avent et ayant à parler de Bourdaloue.

322. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « [Chapitre 5] — II » pp. 112-130

Il nous apprend qu’on lui faisait l’honneur de dire de lui « que comme don Quichotte avait eu la tête tournée par la lecture des romans, il lui était arrivé la même chose par celle de Plutarque. » Il n’est que bizarre, et il montre plus de bonhomie que de tact et de goût (de ce goût qu’avait si fort son ami Voltaire, et qui est avant tout sensible au ridicule), lorsqu’il écrit de lui-même à la date de juin 1743, environ un an avant de devenir ministre : Je me sens doux et sévère, je tiens beaucoup de Paméla et de Marcus Porcius Caton. […] Un jour (mai 1741), il parla tout haut de lui avec humeur et conclut en ces mots : « Enfin, pour tout dire, c’est le digne ami de Voltaire, et Voltaire son digne ami. » En février 1741, M. d’Argenson succéda à son cadet dans la place de chancelier du duc d’Orléans, et cette succession peu expliquée parut singulière dans le monde. […] Dans le monde, dans les lettres, depuis Fontenelle, La Motte, Marivaux, Duclos, Maupertuis, jusqu’à Voltaire lui-même ; depuis les Richelieu, les d’Ayen, les Duras, les Forcalquier, les Maurepas, jusqu’à M. de Choiseul, c’était un genre que la finesse, surtout la finesse caustique, l’épigramme continuelle, l’ironie, épouvantail du simple et du bien, ennemie mortelle du grand ; « et la politesse semblait ne réprimer toute violence extérieure que pour faire germer davantage la noirceur intérieure ».

323. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Le comte-pacha de Bonneval. » pp. 499-522

Il tenait du duc d’Orléans, futur régent, du marquis de La Fare, de Chaulieu et des habitués du Temple, du grand prieur de Vendôme chez qui, plus tard, Voltaire jeune le rencontrera au passage : il lui suffisait, en tout état de cause, de rester digne de ce qu’il appelait la société des honnêtes gens, mais ce mot commençait à devenir bien vague ; et Saint-Simon, plus sévère et qui pressait de plus près les choses, disait de lui : « C’était un cadet de fort bonne maison, avec beaucoup de talents pour la guerre, et beaucoup d’esprit fort orné de lecture, bien disant, éloquent, avec du tour et de la grâce, fort gueux, fort dépensier, extrêmement débauché (je supprime encore quelques autres qualifications) et fort pillard. » Ce qui s’entrevoit très bien dans le peu qu’on sait du rôle du chevalier de Bonneval dans ces guerres d’Italie, c’est qu’il n’était pas seulement né soldat, mais général : il avait des inspirations sur le terrain, des plans de campagne sous la tente, de ces manières de voir qui tirent un homme du pair, et le prince Eugène dans les rangs opposés l’avait remarqué avec estime. […] Cette histoire de la conversion de Bonneval faisait la joie de Voltaire, qui n’a pas manqué de badiner là-dessus en maint endroit de ses œuvres. […] Voltaire, qui, lorsqu’il a raison, l’a avec une gaieté et une grâce qui n’est qu’à lui, a jugé Bonneval à fond, en disant : Tout ce qui m’étonne, c’est qu’ayant été exilé dans l’Asie Mineure, il n’alla pas servir le sophi de Perse, Thamas Kouli Khan ; il aurait pu avoir le plaisir d’aller à la Chine, en se brouillant successivement avec tous les ministres : sa tête me paraît avoir eu plus besoin de cervelle que d’un turban. […] Voltaire ajoute, en concluant : « On lui passera tout parce qu’il était un homme aimable. » Cette dernière qualité, il l’avait certainement : « Le voir et l’aimer est la même chose pour ceux qui en approchent », écrivait le chevalier de Bauffremont, qui l’avait visité à Constantinople en 1741, et qui l’avait trouvé gai et enjoué comme il était à vingt-cinq ans.

324. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Rollin. » pp. 261-282

C’est l’homme du précepte orné et sensé, qui ouvre à l’école une fenêtre du côté du monde : Et, quoique en robe, on l’écoutait, a dit de lui Voltaire. […] D’Aguesseau, résumant cette impression si juste, lui écrivait après l’avoir lu : « J’envie presque à ceux qui étudient à présent, un bonheur qui nous a manqué, je veux dire l’avantage d’être conduit dans les belles-lettres par un guide dont le goût est si sûr, si délié (délié est un peu fort), si propre à faire sentir le vrai et le beau dans tous les ouvrages anciens et modernes. » Voltaire lui-même, qui fut sévère et une fois surtout injuste pour Rollin, l’a proclamé « le premier de son corps qui ait écrit en français avec pureté et noblesse. » Il l’a loué dans Le Temple du goût en des termes qui sont le jugement même, et il est allé jusqu’à appeler le Traité des études « un livre à jamais utile », ce qui est même trop dire, puisque ces sortes de livres n’ont qu’un temps, et que les générations qui en profitent les usent. […] Voltaire, injuste cette fois, écrivait à Helvétius (24 mars 1740) : « Le janséniste Rollin continue-t-il toujours à mettre en d’autres mots ce que tant d’autres ont écrit avant lui ? […] » À cette parole trop dure et que Voltaire lui-même rétractera, Montesquieu semble avoir voulu répondre quand il écrivait sur un petit papier cette parole souvent citée, parole d’or et qui montre combien la vraie supériorité est indulgente : « Un honnête homme a, par ses ouvrages d’histoire, enchanté le public.

325. (1906) La nouvelle littérature, 1895-1905 « Deuxième partie. L’évolution des genres — Chapitre I. La critique » pp. 45-80

Avec les dons de dissociation qui l’apparentent à Voltaire dont il a la causticité et dont il emploie les sophismes, M.  […] Il a la phrase agile de Voltaire ; un grand goût de nouveauté l’anime : il est excessivement habile à défendre ses admirations. […] À propos d’un hémistiche de Bérénice, Voltaire écrit : c’est une Expression heureuse et neuve dont Racine enrichit la langue, et que par conséquent on critiqua d’abord 26. […] Comp. de Voltaire.

326. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre X. Première partie. Théorie de la parole » pp. 268-299

Voltaire, ainsi que Lucain, ont entièrement méconnu les lois de l’épopée. […] L’esprit philosophique de Voltaire a frappé de stérilité une composition déjà aride par elle-même ; car il ne faut pas qu’un homme de talent s’imagine qu’il puisse créer la poésie, s’il ne la trouve pas toute faite. […] Voltaire, au reste, est bien loin d’avoir embrassé tout entier le sujet de la Henriade. […] Sans le triple rideau de l’écriture, de l’imprimerie, de l’anonyme, Voltaire, sans doute, eût été chaste et sérieux comme les poètes antiques, comme les premiers philosophes, comme Homère, et comme Pythagore.

327. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « TABLE » pp. 340-348

. — Prix sur Voltaire décerné à M. […]      247 LXV. — Éloge de Voltaire. — Faiblesse et souplesse de M.

328. (1920) La mêlée symboliste. I. 1870-1890 « Le lyrisme français au lendemain de la guerre de 1870 » pp. 1-13

 » En somme, la France reste encore le pays de Voltaire. […] On reprend le mot sceptique de Voltaire : « Quand on est aimé d’une jolie femme, on se tire toujours d’affaire », mais on épingle à côté cette pensée de Joubert qui va devenir l’évangile symboliste : « Les beaux vers sont ceux qui s’exhalent comme des sons ou des parfums. » La querelle des idéalistes et des réalistes s’y poursuit.

329. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « IV »

On conteste même que le style de Voltaire soit un style d’idées. […] On aura beau découvrir dans Voltaire quelques notations vivantes, des détails vus, des choses concrètes, l’auteur de Candide et de l’Essai sur les mœurs n’en reste pas moins un écrivain d’idées, et c’est, dans J.

330. (1862) Cours familier de littérature. XIII « LXXVIe entretien. La passion désintéressée du beau dans la littérature et dans l’art. Phidias, par Louis de Ronchaud (1re partie) » pp. 177-240

Voltaire a dit d’eux : « Et dans cette Comté, franche aujourd’hui de nom, on peut ajouter plus franche encore de cœur. […] Christin, fils de l’ancien et spirituel correspondant de Voltaire, ami aussi de mon grand-père et de mes oncles, m’avait écrit pour se réclamer de ces souvenirs de famille et pour me prodiguer de bons offices. Hommes d’élite, très respectés dans la contrée, ces Christins avaient été très liés du temps de Voltaire, leur voisin de Ferney, avec mon grand-père paternel et surtout avec l’aîné de mes oncles, grand propriétaire à Saint-Claude. Cet oncle, M. de Lamartine de Monceau, était, par son esprit, par son érudition attique et par ses opinions libérales, quoique royaliste, très digne de correspondre avec ces correspondants de Voltaire ; c’est à lui que je dois, non ma poésie, mais ma prose. […] Il y a loin de là à Athènes, avec le Parthénon pour diadème, le ciel transparent de l’Attique pour dais, l’olivier pour ceinture, la mer étincelante pour horizon, et c’est là pourtant que l’adorateur d’Athènes, l’idolâtre de Phidias, le Winckelmann français, le lapidaire du beau dans la nature, dans la poésie, dans l’architecture, dans la statue, dans la pierre, dans la femme, dans toutes les réalités et dans tous les rêves, habite seul, jeune et grave comme un solitaire du mont Athos, dans son couvent tapissé de lambris de planches de sapin, ces lambris étant sculptés par les artistes autrefois si justement renommés de Saint-Claude pour leurs bustes de Voltaire, taillés au couteau dans la racine de buis.

331. (1869) Cours familier de littérature. XXVIII « CLXIVe entretien. Chateaubriand, (suite.) »

Sans doute, à son arrivée en France et pendant son séjour à Londres, où il écrivait l’Essai sur les Révolutions, ses premières impressions s’étaient évaporées, et la philosophie de Voltaire, de J. […] Voltaire s’amuse du genre humain sans l’instruire. […] Voltaire est parfait dans sa prose ou dans ses facéties en vers, mais on craint de rire de soi-même en riant avec lui ; le dernier mot de toute chose n’est pas un éclat de rire, c’est un acte d’adoration ; une moquerie n’est pas la sagesse ; tout détruire n’est rien fonder. Voltaire, en disparaissant, laisse l’univers moral en ruine. […] Voltaire et Jean-Jacques Rousseau n’étaient plus ; Mirabeau, Danton, Vergniaud avaient joué leur vie contre leurs doctrines et l’avaient perdue.

332. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Les Mémoires de Saint-Simon » pp. 423-461

Il mourut quand Voltaire régnait, quand l’Encyclopédie avait commencé, quand Jean-Jacques Rousseau avait paru, quand Montesquieu ayant produit tous ses ouvrages venait de mourir lui-même. […] On a souvent cité son mot dédaigneux sur Voltaire, qu’il appelle Arouet, « fils d’un notaire qui l’a été de mon père et de moi… » On en a conclu un peu trop vite, à mon sens, le mépris de Saint-Simon pour les gens de lettres et les gens d’esprit qui n’étaient pas de sa classe. […] Quant à Voltaire, il en parle, il est vrai, comme d’un aventurier d’esprit et d’un libertin : on en voit assez les raisons sans les faire, de sa part, plus générales et plus injurieuses à la classe des gens de lettres qu’elles ne le sont en effet. […] Voltaire sur sa fin avait, dit-on, formé le projet « de réfuter tout ce que le duc de Saint-Simon, dans ses Mémoires encore secrets, avait accordé à la prévention et à la haine. » Voltaire, en cela, voyait où était le défaut de ces redoutables Mémoires, et aussi, en les voulant infirmer à l’avance, il semblait pressentir où était le danger pour lui, pour son Siècle de Louis XIV, de la part de ce grand rival, et que, lorsque de tels tableaux paraîtraient ; ils éteindraient les esquisses les plus brillantes qui n’auraient été que provisoires. […] La forme de Saint-Simon tranchait trop avec les habitudes du style écrit, au xviiie  siècle, et on en parlait à peu près comme Fénelon a parlé du style de Molière et de cette « multitude de métaphores qui approchent du galimatias. » Tout ce beau monde d’alors avait fait, plus ou moins sa rhétorique dans Voltaire.

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