Molière écrit pour les plaisirs de Sa Majesté des pastorales médiocres et des farces immortelles qui s’appellent l’Impromptu de Versailles ou le Bourgeois gentilhomme. […] Après le règne de Louis XIV, on s’avise que de grands écrivains font autant pour la gloire d’un peuple que de grands capitaines ou de grands diplomates ; on s’aperçoit que les Corneille, les Molière, les Racine ont opéré des conquêtes plus durables que celles du grand roi, et si Voltaire peut traiter presque d’égal à égal avec des têtes couronnées, en sa qualité de roi de l’opinion publique, s’il a des correspondants et des flatteurs parmi les souverains d’Europe, il doit en partie ce prestige au souvenir de ses illustres devanciers, à l’admiration qu’ils ont inspirée, à la haute idée qu’ils ont donnée des droits sacrés du génie.
On se rappelle la réponse de Sganarelle à Géronte quand celui-ci lui fait observer que le cœur est du côté gauche et le foie du côté droit : « Oui, cela était autrefois ainsi, mais nous avons changé tout cela, et nous faisons maintenant la médecine d’une méthode toute nouvelle. » Et la consultation des deux médecins de M. de Pourceaugnac : « Le raisonnement que vous en avez fait est si docte et si beau qu’il est impossible que le malade ne soit pas mélancolique hypocondriaque ; et quand il ne le serait pas, il faudrait qu’il le devint, pour la beauté des choses que vous avez dites et la justesse du raisonnement que vous avez fait. » Nous pourrions multiplier les exemples ; nous n’aurions qu’à faire défiler devant nous, l’un après l’autre, tous les médecins de Molière. […] Quand Molière nous présente les deux docteurs ridicules de l’Amour médecin, Bahis et Macroton, il fait parler l’un d’eux très lentement, scandant son discours syllabe par syllabe, tandis que l’autre bredouille.
C’est ainsi qu’il a des paroles d’aversion, non seulement pour La Rochefoucauld, mais pour Voltaire, pour Molière.
Visiblement destiné à l’éloquence de la chaire et à l’action de l’orateur, on ne lui laissa pas complètement ignorer l’action même du théâtre : il vit donc des spectacles dans sa jeunesse, mais sans s’y attacher ; et après en avoir profité pour ce qui le concernait, il n’en fut que plus sévère ensuite contre la Comédie, jusqu’à nous sembler violent même et cruellement injuste : son jugement sur Molière restera une des taches, une des inintelligences comme des duretés de Bossuet.
Molière, La Bruyère et Boileau se sont couverts du monarque pour railler le reste.
C’est là aussi que quatre-vingt-deux ans après les premiers Gelosi, Molière, de retour de ses excursions en province, devait inaugurer par Les Précieuses ridicules sa brillante carrière.
Tant pis pour vous cependant, si Corneille et Bossuet ne vous ont pas élevé l’âme, si Racine ne vous a pas arraché des larmes, si Molière ne vous a pas paru le plus grand peintre du cœur humain, si vous ne savez pas.
Quels sont les personnages le plus ordinairement drapés dans le théâtre de Molière ?
LITTÉRATURE FRANÇAISE Cycle de Charlemagne Cycle d’Arthur Charles d’Orléans Villon Poème chevaleresque Poème satirique Fabliaux Bibles Romans Joinville Froissart Commynes Mystères Farces D’Aubigné, Rabelais, Calvin, Marot, Montaigne, Ronsard, Malherbe, Régnier Les familiers de l’hôtel Rambouillet, Corneille, Descartes, Balzac, de Sales, Retz, La Rochefoucauld Pascal, Racine, Molière, Boileau, La Fontaine, Bossuet, Fénelon, Malebranche, Saint-Simon, de Sévigné, La Bruyère Montesquieu, Buffon, Voltaire, Diderot, Rousseau, Lesage, Prévost, Delille, Bernardin de Saint-Pierre, Danton, Robespierre Chateaubriand, Chénier, les auteurs de l’Empire Lamartine, Béranger, Vigny, Hugo, Musset Baudelaire, Balzac, Dumas, Sand, Thiers, Michelet, etc. […] Molière et La Fontaine n’ont pu passer ni le Rhin, ni la Manche.
Son Éminence a besoin de repos ; elle a l’estomac dérangé : M. de Luynes sait dans la dernière exactitude tous les détails de santé qui font rire quand Molière nous les étale, mais qu’on n’écrit plus ; il les note ; on a le compte, le chiffre exact des coliques du cardinal dans les vingt-quatre heures ; et « d’ailleurs, les différentes situations de la santé de M. le cardinal se remarquent aisément, se reflètent — sur le visage du roi. » Quant au cardinal, il continue de s’occuper d’affaires dans ses intervalles de répit ; il reçoit le viatique, mais il ne songe pas à lâcher le ministère ; il n’a pas l’idée qu’il puisse s’en aller déjà, et il le dit même assez agréablement à l’adresse de ceux qui attendent.
Et il y a l’autre Veuillot, celui qui s’amuse, qui, assis dans la tribune des journalistes ou étendu dans son fauteuil, lorgnant et lardant son monde, se tord de rire, a le rictus des servantes de Molière, exerce les justices du bon sens ou les avanies de sa passion, et mord à belles dents à même du prochain.
Ainsi la petite société de Boileau, Racine, La Fontaine et Molière vers 1664, à l’ouverture du grand siècle : voilà le groupe par excellence, — tous génies !
Petit-fils par sa mère de l’ingénieur Métezeau, qui proposa et fit exécuter la digue de La Rochelle dans ce fameux siège, il avait pour père un protégé de Colbert et de Pussort, successivement greffier de la Chambre des comptes, de la Chambre de justice chargée de juger bouquet, et enfin secrétaire du Conseil d’État, homme chagrin redouté dans famille, estimé dans sa profession d’un mérite spécial pour rédiger les procès-verbaux, pour dresser les édits, et qui « travaillait toute l’a journée en robe de chambre. » C’était alors une grande singularité, à tel point que le père du président Hénault, qui connaissait Molière, lui donnai la robe de chambre et le bonnet de nuit de M.
Certes, quand nous nous apitoyons sur ces premières années de campagnes comiques et de caravanes de Molière, parcourant le midi de la France avec sa troupe, et de temps en temps chassé d’une ville, molesté par le magistrat et obligé de porter ailleurs ses tréteaux, il n’est pas de comparaison à faire entre ce genre de tracasserie et de souffrance (si souffrance il y a) et les épreuves auxquelles fut soumise la jeunesse de Cervantes, cet autre inimitable rieur, et un rieur sans amertume.
Et d’abord elle n’a rien fait en art dramatique qui ajoute à notre glorieux passé littéraire des deux siècles : Corneille, Molière, Racine, sont demeurés debout de toute leur hauteur et hors d’atteinte.