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693. (1897) La vie et les livres. Quatrième série pp. 3-401

Au temps de Tacite, c’était la Germanie qui, par ses vertus barbares, faisait rougir les décadents de la Ville éternelle. […] Ils soupçonnaient qu’en leurs imprudentes démarches, ils avaient négligé quelque chose de très puissant, un réconfort également accessible aux lettrés et aux ignorants, aux savants et aux simples, la source éternelle de toute joie et de toute consolation. […] Au lendemain de ces ravissements, de ces délices sacrées, le bureau, l’éternel bureau. […] On s’emporte contre les retardataires qui disent que « la femme est la déesse du foyer, l’ange, la mère éternelle ». […] Il avait vu clairement la vie primitive, les éternels instincts qui se cachent sous le vêtement changeant des hommes, l’inexorable loi qui veut qu’on soit chasseur ou chassé, guetteur à l’affût ou gibier aux abois, vainqueur ou vaincu.

694. (1899) La parade littéraire (articles de La Plume, 1898-1899) pp. 300-117

Eugène Montfort a su donner à ses confidences un tel caractère de généralité, que ce qu’il chante vraiment, ce ne sont plus les angoisses intimes d’un être, mais les éternelles joies et les éternelles douleurs ressenties par les hommes de tous les temps et de toutes les races, dans leur désir de beauté, dans leur soif de lèvres plus divines. […] Il voudrait que l’on vît siéger au parlement nos philosophes et nos grands poètes, et il écrit : « Aucune voix, dans une démocratie, n’est plus nécessaire que ces voix graves et hautes qui dominent les passions éphémères des individus au nom des aspirations éternelles de la race. […] Il n’a pas animé les formes qu’il façonna du souffle surhumain de l’éternelle jeunesse. […] Ce que Montfort a célébré ici, ce sont les transports de l’humanité toujours adolescente, soulevée dans la tempête éternelle de l’Amour bouillonnante et gonflée de toutes les sèves futures. […] Ce boulanger du voisinage, qui a vécu avec amour, et procréa dans la santé toute une famille de jeunes garçons blonds et de belles filles roses, peut-être est-il supérieur, dans son obscure conscience des lois éternelles, au super-Homme de Nietzsche, puisqu’il atteignit au bonheur et il présente, pour le moins, autant d’intérêt que l’Homme Libre de Barrès.

695. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Œuvres de Louise Labé, la Belle Cordière. »

Non, non, plutôt la Nuit, la Nuit sombre, éternelle ! […] Dans un sommeil sans fin, ô Puissance éternelle !

696. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Entretiens sur l’architecture par M. Viollet-Le-Duc (suite et fin.) »

Difficile et insoluble question : sujet de méditation éternelle. […] je reconnais bien là cette éternelle façon de combattre celui qui nous gêne et qui nous déplaît.

697. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE PONTIVY » pp. 492-514

On y verra, en une situation simple, toute l’ardeur et toute la subtilité de ce sentiment éternel ; on y verra surtout la force de vie et d’immortalité qui convient à l’amour vrai, cette impuissance à mourir, cette faculté de renaître, et cette jeunesse de là passion recommençante avec toutes ses fleurs, comme on nous le dit des rosiers de Pœstum qui portent en un an deux moissons. […] mais je vivrai d’un passé détruit, et ma vie sera une désolation éternelle et fidèle. » Et en parlant ainsi, il reprenait ses avantages près de ce cœur qui le revoyait s’animer comme au temps des premiers charmes.

698. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre III. Les grands artistes classiques — Chapitre II. Boileau Despréaux »

La nature que la poésie imitera sera donc la nature commune, celle qui est partout et toujours, les objets qui existent en vertu de ses lois éternelles, non pas les accidents de l’individualité, ni les bizarreries des phénomènes monstrueux. […] Mais il vaut la peine d’y faire attention pour consoler ceux qui ont cru le génie français opprimé par le culte de l’antiquité : la raison ne reçoit de loi que d’elle-même ; et, du moment que c’est la nature qu’on aime dans l’antiquité, il pourra bien arriver que parfois (comme dans l’épopée ou l’églogue) on reçoive pour vraie nature ce qui n’existera pas hors des œuvres anciennes ; mais il arrivera bien plus communément qu’on trouvera dans les œuvres anciennes la nature contemporaine, crue éternelle ; et si elle n’y est pas, on l’y trouvera cependant.

699. (1887) Discours et conférences « Rapport sur les prix de vertu lu dans la séance publique annuelle de l’Académie française »

Selon ces beaux récits, qui ont charmé des siècles, l’homme ne trouve sur la terre que l’épreuve ; cela est tout simple, il aura un jour la vie éternelle ; mais l’animal, qui n’a point de place dans l’éternité, est toujours récompensé ici-bas de ce qu’il fait pour le bien ; car enfin il faut que Dieu soit juste. […] Mais, croyez-moi, aucune autre race n’a dans ses entrailles autant de cette force qui fait vivre une nation, la rend immortelle malgré ses fautes, et lui fait trouver en elle-même, au travers de tous ses désastres et de toutes ses décadences, un principe éternel de renaissance et de résurrection.

700. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XVIII. Formule générale et tableau d’une époque » pp. 463-482

Les hommes de ce temps-là essaient de donner aux formes du moment une éternelle fixité. […] Ils s’attachent au général plus qu’au particulier ; ils cherchent dans l’individuel ce qui est universel ; ils conçoivent une sorte d’homme abstrait et éternel, qui est, pour ainsi dire, hors du temps et de l’espace et qui ne se modifie jamais qu’en apparence.

701. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « V »

Une saison de concerts nulle, sans nouveautés wagnériennes, sans efforts intéressants, avec le rabâchage des mêmes et éternels morceaux et jusqu’à l’oubli des œuvres classiques, une saison de concerts si déplorable que les meilleurs amis de M.  […] Certes, ce furent là de profondes, de graves paroles… ― Mais, comme l’a dit Charles Baudelaire, à quoi bon répéter, ces grandes, ces éternelles, ces inutiles véritésy !

702. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Monsieur de Broglie. » pp. 376-398

Que si vous le voulez absolument, mettez ce noble discours en regard d’autres discours plus récents du même honnête homme politique, lesquels ne sont ni moins sentis, ni moins animés d’un accent de vérité, et vous aurez sous les yeux en abrégé toute la leçon de l’expérience, l’éternelle leçon qui recommence toujours. […] En le voyant tout à coup sombrer sous voiles, M. de Broglie a dû comprendre qu’il n’y a aucune portion de la théorie humaine qui puisse être assurée contre le naufrage, et sa pensée, qui n’est pas faite pour le scepticisme vulgaire, se sera plus que jamais tournée en haut du côté du port éternel.

703. (1899) Esthétique de la langue française « Le cliché  »

Mais Kant, avant sa triste conversion, a proféré des choses éternelles, et peut-être la seule vérité, avec les phrases toutes faites, pâles froides, de la vieille scolastique. […] Car c’est la nuit, ou bien ce clair de lune éternel mélancolique d’avoir touché tant de fronts polis par la sottise — per amica silentia lunæ !

704. (1864) William Shakespeare « Deuxième partie — Livre II. Shakespeare — Son œuvre. Les points culminants »

Grâce à ce cap, vous pouvez vous en aller au milieu de l’eau illimitée, marcher dans les souffles, voir de près voler les aigles et nager les monstres, promener votre humanité dans la rumeur éternelle, pénétrer l’impénétrable. […] Le droit transitoire, la royauté, le droit éternel, l’hospitalité, Macbeth assassine l’un comme l’autre.

705. (1906) La nouvelle littérature, 1895-1905 « Première partie. Écoles et manifestes » pp. 13-41

Car dans le moindre frisson où se pâment les blés et les cœurs, le poète percevra une loi éternelle ; de la réalité il déduira le paradis et sur ce banal fait divers, que nous apporte le gris papier du jour, il bâtira une éclatante épopée… » M.  […] Car il y a deux sens au mot classique, ainsi que l’a marqué Sainte-Beuve : « Le mot classicus se trouve employé dans Aulu-Gelle et appliqué aux écrivains ; un écrivain de valeur et de marque, classicus assiduusque scriptor, un écrivain qui compte, qui a du bien au soleil… Un vrai classique, comme j’aimerais à l’entendre définir, c’est un auteur qui a enrichi l’esprit humain, qui en a réellement augmenté le trésor, qui lui a fait faire un pas de plus, qui a découvert quelque vérité morale non équivoque ou ressaisi quelque passion éternelle… qui a rendu sa pensée, ou son observation, sous une forme n’importe laquelle, mais large et grande, fine et sensée, saine et belle en soi, qui a parlé à tous dans un style à lui, et qui se trouve celui de tout le monde, dans un style nouveau sans néologisme, nouveau et antique, aisément contemporain de tous les âges.

706. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Notes et éclaircissements. [Œuvres complètes, tome XII] »

Il m’aimoit ; j’ai forcé sa justice éternelle D’appesantir son bras sur ma tête rebelle : Je l’ai rendu barbare en sa sévérité ; Il punit à jamais, et je l’ai mérité. […] Que si les justes sont le spectacle de Dieu, il veut aussi à son tour être leur spectacle : comme il se plaît à les voir, il veut aussi qu’ils le voient : il les ravit par la claire vue de son éternelle beauté, et leur montre à découvert sa vérité même dans une lumière si pure qu’elle dissipe toutes les ténèbres et tous les nuages.

707. (1860) Ceci n’est pas un livre « Hors barrières » pp. 241-298

Eugène Guinot, — un journaliste qui se croit toujours à la mairie, — célèbre, pour la cinquante-troisième fois, le mariage du jeune clerc d’huissier Nanouchet avec la charmante comtesse Pascalowich, dont le saute-ruisseau a sauvé, — au péril de ses pantalons, — le voile vert pris aux branches d’un acacia ; alors, l’éternel suisse d’Aix-la-Chapelle étale en montre, dans la colonne réservée que lui loue tout chroniqueur bien élevé, les deux crânes de Charlemagne enfant et de Charlemagne empereur. […] Romain-Caze d’avoir placé le trône de la Vierge Marie sur une estrade d’un gris si pâle et si effacé : le gris ne sera jamais de mise dans ce lumineux pays du Paradis qui fera l’éternelle joie des coloristes morts en état de grâce !

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