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730. (1913) La Fontaine « III. Éducation de son esprit. Sa philosophie  Sa morale. »

De la même époque — nous sommes encore à l’époque de sa jeunesse — il faut encore nommer l’Astrée d’Honoré d’Urfé. […] Voilà pour sa jeunesse : Voiture, Marot, Malherbe, Horace et l’inévitable Astrée, car elle passait pour inévitable à cette époque-là, et je dois déclarer  certains d’entre vous sont certainement du même avis pour l’avoir lue  je dois déclarer que l’Astrée n’est nullement méprisable et, par endroits, n’est rien de moins que délicieuse. […] À la vérité, le Nord, à cette époque-là, c’était la France, car il est bien certain que La Fontaine n’a pas lu Shakespeare, ni Marlowe, mais il veut dire : « Je lis les Français, les Italiens, quelquefois même un peu d’Espagnols, et je lis les auteurs anciens. » Autre particularité, et très importante, à laquelle on a fait attention et sur laquelle j’appelle la vôtre, il n’était pas seulement un livresque, comme a dit Montaigne, il tirait sa fable souvent d’aventures qui lui étaient racontées, de choses présentes, de choses du temps.

731. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « De la dernière séance de l’Académie des sciences morales et politiques, et du discours de M. Mignet. » pp. 291-307

Il y a, selon lui, deux espèces d’époques, celles où la philosophie est en honneur et où l’on pense, celles où la philosophie est découragée et où l’on ne pense pas : Là où il n’y a pas de philosophie, a-t-il dit en homme qui sait les lois et presque les dogmes de l’histoire, il n’y a pas de civilisation ; là où il n’y a plus de philosophie, la civilisation dépérit et l’humanité s’affaisse. […] Il y eut une époque où, se croyant sûr de lui et de sa science nouvelle, il ne craignit pas à son tour de porter l’attaque dans les croyances d’autrui et de les battre en brèche, afin d’y substituer ce qu’il estimait plus raisonnable et mieux démontré. […] Parlant des premières années de la Restauration, de cette époque où lui-même il avait un peu moins de vingt-cinq ans, M. 

732. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « La marquise de Créqui — III » pp. 476-491

Elle y répand un peu de la teinte animée et de la fraîcheur qui signalèrent les printemps d’une autre époque recommençante, et elle revoit le passé à travers un léger voile embelli que son imagination gracieuse et son émotion colorent : Mon Dieu, s’écrie-t-elle, qu’on est injuste pour ce temps-là ! […] Voltaire, dont notre Révolution eût fait le désespoir (car jamais esprit ne fut à la fois plus aristocratique et plus libéral), excitait ses disciples de Cour à mêler aux discussions littéraires l’examen de l’état social de leur époque ; ce puissant intérêt, tout nouveau pour des esprits légers, les élevait à leurs propres yeux, en même temps qu’il ouvrait à leur curieuse ardeur un champ inconnu et sans bornes. […] Cette première époque de notre Révolution est celle d’une grande injustice envers la jeunesse de la haute classe.

733. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Tallemant et Bussy ou le médisant bourgeois et le médisant de qualité » pp. 172-188

Même à l’époque de la corruption commencée, ils avaient la mesure des grandes choses et la vue nette des plus belles ; ils avaient Virgile sous les yeux, et Homère à l’horizon. […] À la date où il rimait cette épître, si la prose de Tallemant en était au même point que ses vers, il avait bien baissé. — Né et nourri dans la religion réformée, il se convertit en vieillissant ; on ne dit pas si c’est à l’époque de la révocation de l’Édit de Nantes. […] Le monde que nous fait voir Tallemant, c’est la ville proprement dite, la ville à l’époque de Mazarin, avant ou après la Fronde et sous la minorité de Louis XIV, ce qui répond assez dans notre idée à ces premières satires de Boileau des Embarras de Paris et du Repas ridicule, le Paris où remuait en tous sens une bourgeoisie riche, hardie et libre, dont les types sont dans Molière, dont Gui Patin est le médecin comme attitré, et dont sera un jour Regnard.

734. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Divers écrits de M. H. Taine — II » pp. 268-284

On ne sait précisément à quelle époque il vint à Rome ; il est probable qu’il y vint après la victoire d’Actium, âgé d’environ trente ans ; il commença son histoire dans ces belles années d’Auguste, et quand le temple de Janus était fermé pour la troisième fois depuis la fondation de la ville. […] On a ensuite, il est vrai, l’admirable seconde guerre punique, les guerres de Macédoine et la première guerre d’Asie ; mais tout ce qui suit et ce qui eût été d’un si haut intérêt, manque, les luttes de Marius et de Sylla, la rivalité de Pompée et de César, la vraie histoire politique réelle, ces époques récentes que Tite-Live savait dans leur esprit et dans leur détail par les mémoires du temps, par les récits d’une tradition prochaine, par cette transmission animée et vivante qui est comme un souffle fécondant. […] Il excelle, quel que soit le sujet, et qu’il s’agisse de Shakespeare, de Saint-Simon, de Fléchier, de Bunyan, de Thackeray, etc., à situer (je l’ai dit) le personnage dans son époque et dans son milieu, à établir les rapports exacts de l’un à l’autre, à l’y enserrer comme dans un réseau, à rapprocher, à faire saillir coup sur coup, dans des phrases fermes et courtes qui tombent dru comme grêle, les traits et les signes visibles du talent personnel, de la faculté principale dominante qu’il poursuit et qu’il veut démontrer.

735. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « L’abbé de Marolles ou le curieux — I » pp. 107-125

Elle était, à l’époque où Marolles y fut nommé abbé, dans un grand désordre, plus grand qu’il ne l’a osé indiquer dans ses Mémoires imprimés. […] Marolles, d’ailleurs, n’avait pas en lui la moindre étoffe d’un réformateur sérieux, tels qu’on en vit quelques-uns à cette époque. […] Cet événement, on peut le dire, fait époque dans son existence et la partage en deux moitiés : jusque-là, il avait été du monde, de la Cour, des belles sociétés, s’y accordant bien des distractions permises, et non sans une pointe légère d’ambition : à partir de là (1645), il fit une demi-retraite et s’adonna tout à l’étude, à ses traductions des auteurs, à sa collection d’images, deux passions rivales qu’il mena de front jusqu’au bout ; il vécut beaucoup dans son cabinet, soit à son abbaye de Villeloin, soit à Paris (quand il y était), dans son faubourg Saint-Germain, ayant quitté l’hôtel de Nevers, mais logeant toujours près des Quatre-Nations.

736. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Sainte-Hélène, par M. Thiers »

Cette messe dite sur un rocher désert avait pour lui un charme qui réveillait ses souvenirs d’enfance, et qui suscitait même d’autres mémorables souvenirs inséparablement attachés à l’époque de sa plus brillante et de sa plus pure grandeur. […] Qu’on veuille songer à ce qu’on doit de reconnaissance à celui qui, dans une publication continue de vingt années, nous a initiés à ce degré, tous tant que nous sommes, à l’esprit et au détail politique, administratif, militaire, de la plus grande époque et la plus invoquée dans les entretiens de chaque jour ; qui, sans que nous soyons hommes d’État ni politiques de métier, nous a fait assister, par le dépouillement des pièces les plus secrètes et les plus sûres, aux conseils et aux débats diplomatiques d’où sont sorties les destinées de l’Europe et de la France pendant l’ère la plus mémorable ; qui, sans que nous soyons financiers, nous permet, avec un peu d’attention, de nous rendre compte des belles et simples créations modernes en ce genre ; sans que nous soyons administrateurs, nous montre par le dedans ce que c’est que le mécanisme et les rouages de tout cet ordre civil et social où nous vivons ; sans que nous soyons militaires, nous fait comprendre la série des mouvements les mieux combinés, et par où ils ont réussi, et par où ils ont échoué en venant se briser à des causes morales et générales plus fortes. […] Or, je défie de répandre une telle couleur sur des tableaux de notre temps, quelque tragiques que soient les époques que nous reproduisons. » C’est là un post-scriptum à joindre désormais à la célèbre préface du XIIe volume, c’est un dernier éclaircissement que je suis fier d’avoir provoqué et heureux de produire.

737. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Don Quichotte (suite.) »

Revenant sur le parallèle avec Berlichingen, ce représentant de l’époque féodale, il marque les rapports et les différences ; Don Quichotte, selon lui, est bien autre chose ; « il ne doit pas seulement représenter une époque, c’est un caractère, c’est le type de l’idéal à toutes les époques : « Dans quelque siècle que vous le placiez, enseigne le livre, l’homme qui asservira sa conduite aux lois d’un idéal absolu ne pourra que contraster, que grimacer avec la réalité, et ce contraste ne manquera pas d’engendrer le comique… « Et qu’était-ce que Cervantes lui-même, à le bien prendre, se demande le critique, qu’était-il, sinon un Don Quichotte ?

738. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section première. Des passions. — Chapitre premier. De l’amour de la gloire »

Pour les républiques populaires, il faut distinguer deux époques tout à fait différentes, celle qui a précédé l’imprimerie, et celle qui est contemporaine du plus grand développement possible de la liberté de la presse ; celle qui a précédé l’imprimerie devait être favorable à l’ascendant d’un homme sur les autres hommes, les lumières n’étant point disséminées ; celui qui avait reçu des talents supérieurs, une raison forte, avait de grands moyens d’agir sur la multitude ; le secret des causes n’était pas connu, l’analyse n’avait pas changé en science positive la magie de tous les effets. […] Quand les difficultés des premiers pas sont vaincues, il se forme à l’instant deux partis sur une même réputation ; non, parce qu’il y a deux manières de la juger, mais parce que l’ambition parle pour ou contre : celui qui veut être l’adversaire des grands succès reste passif, tant que dure leur éclat, et c’est pendant ce temps, au contraire, que les amis ne cessent d’agir en votre faveur ; ils arrivent déjà fatigués à l’époque du malheur, lorsqu’il suffit au public du mobile seul de la curiosité, pour se lasser des mêmes éloges ; les ennemis paraissent avec des armes toutes nouvelles, tandis que les amis ont émoussé les leurs, en les faisant inutilement briller autour du char de triomphe. […] Le grand homme, qui arrive à la vieillesse, doit parcourir plusieurs époques d’opinions diverses ou contraires.

739. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « La comtesse Diane »

Il est donc furieusement honorable pour notre temps qu’un genre si difficile y fleurisse : apparemment, si nous écrivons tant de Pensées, c’est que, tard venus dans le monde et à une époque où l’observation est plus et mieux pratiquée qu’elle ne l’a jamais été, nous sommes un tas de moralistes très forts qui avons fait le tour des choses, qui sommes allés partout, et qui en revenons surchargés d’expérience… Mais je me méfie, comme dit M.  […] Une époque avancée, comme celle où nous nous agitons stérilement, est sans doute une époque de grande expérience, mais aussi d’habileté extrême en tout genre.

740. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. James Mill — Chapitre I : Sensations et idées. »

Une longue exposition de doctrines bien dépassées depuis l’époque où écrivit l’auteur, serait inutile ici. […] Elle n’a point le sentiment de ce qui est primitif, de cette époque lointaine ou les sens et l’imagination prédominaient, et ou l’âme ne saisissait que les choses vivantes et concrètes29. […] Ce passage, qui se ressent fort des connaissances imparfaites de l’époque sur l’antiquité, donne lieu à une ample et très instructive note de M. 

741. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Qu’est-ce qu’un classique ? » pp. 38-55

Lisez Le Siècle de Louis XIV par Voltaire, La Grandeur et la Décadence des Romains de Montesquieu, les Époques de la nature de Buffon, Le Vicaire savoyard et les belles pages de rêverie et de description de nature par Jean-Jacques, et dites si le xviiie  siècle n’a pas su, dans ces parties mémorables, concilier la tradition avec la liberté du développement et l’indépendance. […] un Homère avant tout, le père du monde classique, mais qui lui-même est encore moins certainement un individu simple et bien distinct que l’expression vaste et vivante d’une époque tout entière et d’une civilisation à demi barbare. […] Nous le savons trop, nous autres, en nos époques sans lien où des talents, égaux peut-être à ceux-là, se sont perdus et dissipés par les incertitudes et les inclémences du temps.

742. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Le maréchal Marmont, duc de Raguse. — III. (Suite et fin.) » pp. 47-63

Et avant tout, pour aborder sans hésitation une question délicate, et qui, soulevée un jour devant lui, fit rougir le front du noble guerrier, mais une question qui est trop chère à la calomnie pour qu’on la lui laisse, je dirai qu’à l’étranger, le maréchal Marmont, privé de ses traitements en France, vivait surtout de sa dotation d’origine et de fondation napoléonienne, datant de l’époque de ses grands services en Illyrie, dotation qui, par suite de la reprise des Provinces illyriennes, lui avait été légitimement garantie dans les traités de 1814, comme cela arriva à d’autres grands feudataires de l’Empire en ces provinces. […] Le premier était du temps de la première guerre d’Italie, et se rapportait à l’époque du traité de Campo-Formio qui brisa l’antique république de Venise. […] Une remarque qui ne saurait échapper à ceux qui ont lu ces Voyages, et qui en ressort sans aucune jactance, c’est à quel point le général Marmont, partout où il se présente, est accueilli avec considération, traité avec estime, et combien, par son esprit comme par ses manières, il soutient dignement à l’étranger la réputation de l’immortelle époque dont il est l’un des représentants.

743. (1888) La critique scientifique « La critique scientifique — Analyse psychologique »

Les âmes de Flaubert et de Leconte de l’Isle nous sont connues ; le pessimisme ironique de l’un, hautain de l’autre, leur amour d’une sorte de beauté opulente, barbare et dure, leur fuite vers les époques lointaines qui la réalisent et leur mépris tacite ou haineusement exprimé pour les temps modernes qui la nient, sont autant de traits aisément discernables de leur physionomie morale, que leur œuvre cache mais moule. […] Les idées de Lombroso furent en particulier diffusées en France par Georges Sorel, tout en faisant l’objet de vives critiques de la part de criminologues comme Alexandre Lacassagne, ou Gabriel Tarde, à l’époque de la naissance de l’anthropologie criminelle française. […] Sur cette vaste et complexe question de l’hypnose, qui connut un regain d’actualité à l’époque de la querelle entre l’Ecole de Nancy et l’Ecole de la Salpêtrière, voir notamment J.

744. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre V. Mme George Sand jugée par elle-même »

et elle a publié un volume dans lequel ses éditeurs, folâtres, la comparent d’abord à saint Augustin (de la seconde époque), puis, très respectueux, nous déclarent qu’elle a jugé ses propres œuvres avec une liberté que personne n’oserait se permettre… Et pourquoi donc pas, Messieurs les éditeurs ? […] l’appeler le plus grand homme de son époque. Qui, de l’homme ou de l’époque, voulait-il insulter ?

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