Serait-il vrai qu’on ne remarque point dans ses derniers livres la grande tendresse de la Vie de Jésus, cette émotion, cette part d’imagination sentimentale et de religieuse sympathie, que M. […] Mais je ne puis voir sans émotion le cercle familier ou l’horizon natal des hommes qui ont apporté à l’humanité une nouvelle façon de concevoir l’univers. […] C’est ainsi que ce poète romantique et amer raisonnait ses émotions. […] Comment peut-il vivre, lui qui était l’homme des émotions délicates, des sentiments raffinés et des conceptions lyriques, au milieu de ces natures abruptes, de ces esprits ébauchés à coups de hache, toujours fermés à toute clarté d’un monde supérieur ? […] Rappelez-vous Oswald : « Jamais il ne racontait une action généreuse, jamais il ne parlait d’un malheur, sans que ses yeux se remplissent de larmes, et toujours il cachait son émotion.
Il est sincère, non parce qu’il avoue toute sa pensée, mais parce qu’il pense tout son aveu ; et il est simple parce qu’il a étudié son art jusqu’en ses derniers secrets et que de ces secrets il se sert sans effort avec une inconsciente maîtrise : Les roses du couchant s’effeuillent sur le fleuve Et, dans l’émotion pâle du soir tombant, S’évoque un parc d’automne où rêve sur un banc Ma jeunesse déjà grave comme une veuve… Cela, c’est, il semble, d’un Vigny attendri et consentant à l’humilité d’une mélancolie toute simple et déshabillée des grandes écharpes. […] Par cette bombarde, j’entends non la grande foule, mais ce large public, déjà trié une fois, qui, insensible à l’art pur, exige néanmoins que ses émotions romanesques lui soient servies enrobées dans de la vraie littérature, originale, fortement parfumée, de pâte longue savamment pétrie, et de forme assez nouvelle pour surprendre et séduire. […] Cette réflexion (p. 142) résume assez bien l’état d’esprit d’André Walter : « Ô l’émotion quand on est tout près du bonheur, qu’on n’a plus qu’à toucher — et qu’on passe. » Il y a un certain plaisir à ne pas s’être trompé au premier jugement porté sur le premier livre d’un inconnu ; maintenant que M. […] Si toutes ces images, dont quelques-unes sont ingénieuses, se suivaient à la file vers les Reposoirs de la Procession où les mène le poète, la lecture d’une telle œuvre serait difficile et le sourire viendrait trop souvent tempérer l’émotion esthétique ; mais semées çà et là, elles ne font que des taches et ne brisent pas toujours l’harmonie de poèmes richement colorés, ingénieux et graves.
On ne traite d’ordinaire que de trois unités, de temps, de lieu et d’action : or, j’en ajouterai une quatrième, sans laquelle les trois autres sont inutiles, et qui toute seule pourrait encore produire un grand effet : c’est l’unité d’intérêt, qui est la vraie source de l’émotion continue ; au lieu que les trois autres conditions, exactement remplies, ne sauveraient pas un ouvrage de la langueur. […] L’avantage des incidents, bien ménagés et enchaînés avec adresse les uns aux autres, est de promener l’esprit d’objets en objets, de faire renaître sans cesse sa curiosité, et d’ajouter aux émotions du cœur, la nouvelle force que leur donne la surprise ; d’amener l’âme par degrés jusqu’au comblé de la terreur ou de la pitié ; si l’action est comique, de pousser le ridicule ou l’indignation jusqu’où ils peuvent aller. […] L’émotion de la haine est triste et pénible ; celle de l’horreur est insoutenable pour nous ; celle de la joie est trop passagère et ne nous affecte pas assez profondément. L’admiration qu’excitent en nous la vertu, la grandeur d’âme, l’héroïsme, ajoute à l’intérêt théâtral ; mais cet enthousiasme est trop rapide : au lieu que les émotions de la crainte et de la pitié agitent l’âme longtemps avant de se calmer, elles y laissent des traces profondes qui ne s’effacent qu’avec peine.
Des sermons mêmes de Massillon sur la Pécheresse et sur l’Enfant prodigue, il tirait des émotions sensuelles. […] Mais Chateaubriand n’en pourra jamais parler de sang-froid ni sans une sorte d’admiration épouvantée où vivent des souvenirs d’émotions fortes et secrètement délicieuses. […] J’entourai ma cuisse de mon mouchoir… Pendant ce temps-là, le sang coulait à torrents dans les prisons de Paris : ma femme et mes sœurs étaient plus en danger que moi. » Et voilà des émotions. […] Même alors, je conçois mal que l’intérêt qu’on peut prendre aille jusqu’à l’émotion et jusqu’aux larmes. […] C’est toujours le chercheur d’images et d’émotions.
Voici par exemple le chapitre sur la Mémoire affective ou mémoire des émotions. […] Autrement dit, l’homme est fait dans une certaine mesure pour oublier ses émotions et la femme pour s’en souvenir. Donc la première émotion amoureuse de la femme doit retentir éternellement dans son être et l’attacher indéfiniment à celui d’où elle lui est venue. […] Cette thèse, c’est que toutes les émotions, toutes les passions, tous les sentiments ont leur source dans des conditions biologiques et sont des expressions de ce qu’il y a de plus intime et inné en nous, de notre vie végétative. […] L’émotion était sincère ; mais c’était joué comme une scène de théâtre : les bras croisés, la tête haute, le regard circulaire ; puis demi-tour, la larme au coin de l’œil enlevée du bout du doigt, et reprise de la première position, tête en face, regard haut et ferme cette fois, avec piétinement du pied gauche et petit fredon contenu du bout des lèvres : « Tiens-toi, mon cœur. » Tout cela réglé, mis en scène avec une précision, un convenu… Et pourtant l’émotion était réelle.
C’est affaire à l’artiste qui viendra derrière ce man œuvre de communiquer son émotion à l’instrument. » Ajoutons pourtant qu’il est pas mal de maris qui préfèrent accorder eux-mêmes leurs pianos, ce dont je n’aurai pas le courage de les blâmer ; il n’y a pas de petites besognes en amour. […] Le volume renferme des pièces bien plus considérables d’inspirations diverses ; il en est qui émeuvent par leur éloquence, d’autres qui touchent par leur grâce, toutes sont œuvre de poète et par l’émotion involontaire et par la perfection voulue. […] Que cet homme aime une jeune fille infirme que la médecine aux abois envoie guérir à Lourdes, et l’on devinera les tourments de cette conscience que révolte l’idée seule du miracle et qui, en présence du miracle accompli, n’y veut voir qu’un accident nerveux guéri par une émotion. […] » Comme on le voit, peu de mots à effet, pas de recherches de pittoresque quand même, l’émotion par le seul exposé de la vérité ou le langage le plus simple. […] Masson-Forestier nous dit ses prédilections littéraires, il avoue qu’aux grands maîtres qui s’appellent Flaubert, Tolstoï, Daudet, Maupassant, il y a quelqu’un qu’il préfère encore de beaucoup, c’est le grand ironique, le grand chercheur d’émotions aiguës, qui menait tambour battant et dans une si belle langue Mateo-Falcone, Carmen et l’Enlèvement de la redoute.
son émotion qui n’était qu’une ruse de métier fit sur le champ dissoudre en larmes ma raison. […] une émotion, jamais ! […] Champfleury est de décrire cela si clairement que le lecteur passe par toutes les anxiétés du héros et partage ses douces émotions. […] Édouard, suffoqué par l’émotion, pouvait à peine manger. […] — Partout et toujours c’est la recherche du contraste, de l’effet, au prix du baroque et du burlesque ; et je le répète, jamais une émotion, toujours une description matérielle : il aperçoit l’œil de sa mère morte.
Chaque émotion lui fait découvrir une vérité, chaque objet de la nature un bienfait. […] Au premier mot qu’elle en dit à son élève, mademoiselle de Pelleport s’évanouit d’émotion ; elle ne cacha point l’attachement secret que ce beau vieillard lui avait inspiré. […] élève ton âme vers l’infini pour supporter les peines d’un moment. » Ma propre émotion mit fin à mon discours.
Gurney et Myers, beaucoup de personnes ont éprouvé des impressions de diverses sortes représentant une personne éloignée qui, au même moment, était ou mourante ou en proie à quelque grande émotion. […] L’impression deviendrait une idée, l’idée entraînerait une émotion, l’émotion donnerait le branle à l’imagination, qui construirait une vision et l’objectiverait : de là une hallucination, œuvre de celui qui l’éprouve, mais cependant provoquée par une impression qui se serait transmise d’un cerveau à un autre.
C’étaient des jouissances, comme l’émotion d’un péril d’où l’on serait sûr de sortir, et qui vous ferait passer dans le corps un frisson de plaisir peureux. […] Par moments, la note douloureusement raclée sur un violoncelle, fait tressaillir leur engourdissement ravi ; et des pâleurs d’une seconde, des diaphanéités d’un instant, à peine visibles, passent sur leur peau qui frémit ; suspendues sur le bruit, toutes vibrantes et caressées, elles semblent boire, de tout leur corps, le chant et l’émotion des instruments. […] Le triomphateur est d’abord éreinté, il tombe de fatigue et d’accablement, il est tout au bout de ses émotions et de ses sensations nerveuses, et, pour ainsi dire, trop usé pour jouir de sa réussite.
Pardon, cet enthousiasme provoqué, cette émotion produite ne seront pas infructueux ; la contagion du bien existe dans une proportion moindre, sans doute, que celle du mal, parce qu’il est plus aisé de suivre ses penchants que de les combattre, mais cependant, dès que nous sommes profondément impressionnés, secoués par une émotion générale, il en reste quelque chose, une certaine émulation qui nous entraîne. […] Le roman est déjà un mode de lecture inférieur, plus propre à égarer l’esprit qu’à l’éclairer, soit qu’il dépeigne la vie en rose, soit qu’il la représente en noir ; il développe chez les uns, le goût des intrigues amoureuses ou d’une sentimalité outrée ; chez les autres, le besoin de sensations et d’émotions violentes, ne considérant l’existence qu’autant qu’elle fournit une suite de péripéties variées.
Les émotions étant senties dans le cœur, et la pensée imaginée dans la bouche, deux jugements s’élaborent lentement et d’une manière inconsciente dans nos esprits : la pensée est un phénomène céphalique, le sentiment est un phénomène cardiaque149 ; ce sont deux croyances naturelles, deux préjugés instinctifs, que nous exprimons implicitement dans plus d’une locution150, et dont, à l’occasion, nous prenons nettement conscience. […] Taine donne alors ici un autre exemple, montrant cette fois la concentration intime d’émotions comme de représentations morales et sociales dans un mot, d’où son pouvoir sur nous. […] Quant au second jugement, il est peu à peu infirmé par les observations suivantes : petites émotions sans réaction sur les mouvements du cœur ; alliance intime de tout sentiment avec la pensée de ses causes, de son but, de sa nature ; en définitive, on localise le sentiment dans la tête avec la pensée.
. — Mais au moment d’entamer le dessert, spécialement composé de fruit défendu, le jeune premier se trouve subitement atteint d’une indisposition qu’il chercher à excuser, en prétextant tour à tour le chaud, le froid, l’émotion ou l’abus de fromage glacé. […] D’aucuns arrivent dans des toilettes préméditées— depuis huit jours. — En saluant l’artiste, ils feignent une émotion qui doit, pensent-ils, amener quelque bienveillante question à la suite de laquelle ils pourront faire l’offre de leur cœur— Quant à leur main, ils la laissent dans leur poche. […] Mais, à son grand étonnement, quand elle parut en scène à son tour, — la salle reste muette ; — elle surprit bien des émotions, des larmes, mais de bravos, aucun… Elle ne dit rien, mais elle pensa davantage. […] Il commence cette périlleuse lutte, sans plus d’émotion qu’il entamerait une partie de piquet. […] Mais au moment où nous franchissons la passe, quelques personnes commencent à se moucher, ce qui en mer comme au théâtre est un signe d’émotion.
Des ouvriers, des soldats, des femmes en discouraient, y pénétraient, s’animaient par les détails de leur expérience et la publicité de leur émotion. […] Tous les ornements, toutes les émotions sont exclus du style de Hobbes ; ce n’est qu’un amas de raisons et de faits serrés dans un petit espace, attachés entre eux par la déduction comme par des crampons de fer. […] Des paysages entrevus dans un éclair, la crinière grisonnante d’une longue vague qui surplombe, un coin de forêt humide où les biches lèvent leur tête inquiète, le sourire subit et la joue empourprée d’une jeune fille qui aime, le vol sublime et changeant de tous les sentiments délicats, par-dessus tout l’extase des passions romanesques, voilà les spectacles et les émotions qu’ils venaient chercher. […] Ce qui manque le plus à l’homme de cour, c’est l’émotion vraie de l’idée inventée et personnelle. […] Denham n’est pas seulement courtisan, il est Anglais, c’est-à-dire préoccupé d’émotions morales.
Si Parny n’avait continué que sur ce ton, écrivant vers et prose mélangés comme dans ses lettres de 1773 et de 1775 à son frère et à Bertin, il aurait été plus naturel encore que Dorat et Pezai, mais il ne se serait guère distingué des Bouflers et des Bonnard ; il n’aurait point mérité la louange que lui décernent unanimement tous les critiques de l’époque, d’avoir ramené, introduit l’émotion simple et vraie dans la poésie amoureuse. […] Cette portion d’art et de réflexion, appliquée à des souvenirs encore tout brûlants et à des émotions toutes naturelles, est ce qui a fait de ce dernier livre de Parny son chef-d’œuvre, la production qu’il n’a plus jamais surpassée ni égalée.