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768. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Gustave III »

Il n’est ni l’écrivain pittoresque, ni l’écrivain moraliste, ni l’écrivain judicieusement profond qu’il faudrait pour constituer la triplicité de talent qui est de rigueur quand on ose toucher à l’Histoire.

769. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XI. Gorini »

L’auteur de ce travail, M. l’abbé Sauveur Gorini, ne peut pas passer pour un écrivain dans le sens littéraire du mot, quoiqu’il ait souvent ce qui fait le fond de l’écrivain, — une manière de dire personnelle, — mais c’est un érudit, et un érudit d’une nouvelle espèce, venu en pleine terre, à la campagne, comme une fleur sauvage ou comme un poëte… Jusqu’ici vous aviez cru, n’est-ce pas ? […] À cette époque de rénovation littéraire, l’Histoire si longtemps hostile à l’Église, et devenue presque innocente à force d’imbécilité sous les dernières plumes qui l’avaient écrite, l’Histoire remonta dans l’opinion des hommes parle talent et parle sérieux des recherches, mais elle remonta aussi dans le danger dont l’abjection de beaucoup d’écrivains semblait avoir délivré l’Église.

770. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XXVI. Médecine Tessier »

Blafard et douceâtre écrivain, élégant, mais à la manière des Incroyables de son temps, appliquant aux matières philosophico-médicales la rhétorique effacée de son ami Garat, Cabanis, malgré une médiocrité foncière, a laissé un sillon profond que d’autres ont fécondé, et a exercé une influence décisive sur l’enseignement en France, tel qu’il est encore aujourd’hui. […] M. le docteur Tessier n’est pas uniquement préoccupé de spiritualiser l’instruction et de tenir compte de la magnifique duplicité humaine, même dans l’intérêt de l’observation physiologique ; il va plus loin et plus haut… « Le rationalisme dogmatique, dit-il, ne saurait coordonner les phénomènes physiologiques, et comprendre les rapports de la physiologie et de la médecine, mais, sur le terrain de la pathologie, ce rationalisme devient la négation de TOUTE vérité. » Ainsi, comme on le voit, l’enseignement n’est pas seulement matérialiste ; il est de plus arbitraire et antimédical, et l’habile écrivain le prouve avec une rigueur dont, certes, il n’avait pas besoin aux yeux de ceux qui savent jusqu’où peut porter une idée. […] « C’est la pyramide renversée sur la pointe et replacée sur sa base », comme le disait ce grand écrivain qui, pour son compte, a fait si bien un jour ce qu’il avait dit.

771. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XXXII. L’Internelle Consolacion »

L’écrivain de l’Internelle Consolacion, qui a partagé la destinée de l’auteur de l’Imitation (l’anonyme convenant comme le silence de leur règle à ces hommes humbles qui ne vivaient, comme disent les saintes Chroniques, que sur la montagne de l’éternité, in monte æternitatis), l’écrivain ignoré de l’Internelle Consolation ne s’est point attaché à la glèbe du mot à mot de son auteur. […] L’écrivain quelconque de l’Internelle Consolacion déborde aussi son texte, mais il ne le transforme pas, il ne le transfigure pas avec cette toute-puissance qui fait qu’il n’y a plus là que du Corneille.

772. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Georges Caumont. Jugements d’un mourant sur la vie » pp. 417-429

… » On ne répond pas à une démence si furieuse, si contradictoire, et, disons-le, si bête… Madame de Staël a dit un jour que le secret de la conscience des écrivains se révélait par le mot qu’ils répétaient le plus. […] La douleur lui a donné toutes les intensités qui font l’écrivain, et s’il n’était pas un écrivain, que serait-il ?

773. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Gustave D’Alaux »

La philanthropie, qu’il avait jusque-là évitée, emboîte le pas tout à coup à cet écrivain rapide et pratique qui marchait plus vite qu’elle, et on le regrette. […] Gustave d’Alaux a de la force dans la raison, et il l’a bien prouvé en peignant sobrement le monde noir, ce monde que l’imagination conçoit seule, et qui emporterait, le mors aux dents, tout écrivain de quelque pente vers la fantaisie. […] Quoique, après tout, l’éclat de rire soit le coup de fouet final et mérité qu’on puisse appliquer sur le râble de ce singe féroce qui a l’ingénuité de ses instincts puérils ou monstrueux, cependant la raillerie de l’écrivain serait plus noblement limitée et l’accent général de son livre y gagnerait si, au lieu de voir uniquement dans Soulouque le masque d’une individualité singulière, il voyait davantage en lui la nature et la destinée de sa race.

774. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE STAEL » pp. 81-164

Telle que nous la voyons réalisée pourtant, sa part d’écrivain est assez belle. […] Artiste à un haut degré par Corinne, Mme de Staël demeure éminente en ses autres développements, à titre de politique, de moraliste, de critique et d’écrivain de mémoires. […] Exact et bien dirigé en ce qui touche les sentiments politiques de Benjamin Constant, l’ingénieux écrivain n’a pas rendu la même justice à Mme de Staël. […] Avec Fontanes y allaient écrire La Harpe, l’abbé de Vaux-celles, Gueneau de Mussy, M. de Bonald, M. de Chateaubriand, plusieurs des écrivains des Débats. […] Mais Bonaparte nota dès lors, du coin de l’œil, l’habile écrivain comme un organe décent et modéré, acquis à ses futures entreprises.

775. (1923) L’art du théâtre pp. 5-212

Plus rien d’hybride dans son cas : l’écrivain et le « producteur » ne font qu’un. […] Écrivain d’un autre âge, il a influencé le nôtre plus qu’aucun. […] Dramaturge et grand dramaturge, il est d’abord écrivain — et grand écrivain. […] Notez que j’ai dit : écrivains. […] J’ai trop insisté devant vous sur l’union indispensable de l’écrit et du jeu pour plaider encore sa cause : si tout bon écrivain n’est pas un dramaturge, tout bon dramaturge est un bon écrivain.

776. (1938) Réflexions sur le roman pp. 9-257

Elle-même mettait d’ailleurs Rousseau au-dessus de tous les écrivains. […] Ce sont là des écrivains suisses locaux au sens et dans la mesure où Roumanille est un écrivain provençal local, qu’il faut lire en Avignon ou dans l’esprit d’Avignon. […] Le naturalisme c’est avant tout le groupe dit de Médan, les six écrivains sur qui MM.  […] C’est le privilège d’un grand écrivain. […] Un impressionniste qui ne compose pas n’est pas un écrivain très français.

777. (1846) Études de littérature ancienne et étrangère

Mais cet heureux travail qu’il avait fait sur la traduction d’un ouvrage, artificiel dans son origine, et, chose unique, rendu naturel par la traduction, il a voulu le tenter, de prime abord, sur le plus naturel des écrivains, sur un écrivain vraiment simple, sur Hérodote. […] Ce grand homme n’a rien perdu de sa gloire en traversant les siècles ; il reste au premier rang comme orateur et comme écrivain. […] Quelques écrivains ecclésiastiques ont même avancé que Tibère fut attentif aux miracles qui s’accomplissaient dans la Judée. […] Une foule de faits, et les noms même de beaucoup d’écrivains, ne nous sont connus que par Plutarque. […] Deux écrivains célèbres reprochent aux nations de l’antiquité de n’avoir pas connu le genre rêveur et mélancolique.

778. (1913) Poètes et critiques

Sa traduction ne grimace jamais : elle est d’un écrivain de race. […] Ces écrivains sont des conteurs, des romanciers, sincèrement épris des coutumes de leur pays, et avec eux, au-dessus d’eux, les grands poètes scandinaves. […] Bourget dans ces dix écrivains après s’en être pénétré ? […] Victor Giraud a traité d’égal à égal avec un écrivain qu’il appelle son maître. […] Il suppléa, pendant deux semaines, dans la rhétorique de Stanislas « un écrivain parfait et un pénétrant moraliste, Paul Desjardins ».

779. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Le cardinal de Bernis. (Fin.) » pp. 44-66

Les écrivains se moquent quelquefois de cette bonne compagnie avant d’y être admis, mais il est bien rare qu’ils en saisissent le ton ; or, ce ton n’est autre chose que « l’art de ne blesser aucune bienséance ». Il indique alors quelques ridicules du jour qui sont un sujet tout fait pour la moquerie : « Il est plaisant, dit-il, que l’orgueil s’élève à mesure que le siècle baisse : aujourd’hui presque tous les écrivains veulent être législateurs, fondateurs d’empires, et tous les gentilshommes veulent descendre des souverains. » Il finit surtout par un conseil que Voltaire a trop peu suivi, et qui, au lieu de cette ricanerie universelle à laquelle il s’abandonnait, aurait dû être le but idéal suprême du grand écrivain en ces années de sa vieillesse : Riez de tout cela et faites-nous rire, lui dit Bernis en lui développant son plan ; mais il est digne du plus beau génie de la France de terminer sa carrière littéraire par un ouvrage qui fasse aimer la vertu, l’ordre, la subordination, sans laquelle toute société est en trouble. […] Aussi suis-je surpris de voir avec quel sans-façon et quel ton de supériorité des écrivains qui sont plus ou moins historiens, ont parlé de lui quand ils l’ont rencontré sur leur chemin à titre de témoin et de confident diplomatique dans les grandes affaires de Rome. […] Le père Theiner, dans son Histoire du pontificat de Clément XIV, est l’écrivain qui, ayant eu sous les yeux la plus grande partie des dépêches de Bernis, probablement d’après les minutes mêmes recueillies après sa mort et déposées au Vatican, et qui, en ayant fait un usage et un extrait continuel, nous permet d’en porter aujourd’hui le jugement le plus motivé et le plus complet.

780. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Le général Jomini. [V] »

Au lieu de cela, après toutes sortes de dégoûts et d’ennuis, la lutte terminée, il ne se voyait en position que de demeurer un grand consultant militaire sur le pied de paix, et de redevenir ce qu’il avait été tout d’abord, un écrivain tacticien, ce nom qu’on lui avait jeté si souvent à la tête en manière de raillerie ! […] Si, par hasard, un de ces aimables ou doctes écrivains me tombe sous la patte, je feuillette et admire, mais je le referme aussitôt, pour ne pas me laisser entraîner à une déviation de mes ennuyeux travaux. […] Mais surtout, moyennant ce tour, l’écrivain militaire en Jomini était satisfait et à l’aise, car il pouvait pleinement exposer et développer les grandes vues et les combinaisons savantes qui avaient en général présidé aux actions de guerre de ce règne entre tous mémorable. Selon l’opinion de Jomini, quoique Napoléon, à partir de 1806, eût commis de grandes fautes militaires, « sa chute néanmoins avait été plutôt le résultat de ses fautes politiques et de ses erreurs comme homme d’État. » En passant condamnation sur le cadre, disons vite que dans un genre faux Jomini a montré un talent véritable, même parfois un talent d’écrivain. […] Je ne crois pas m’écarter de la pensée de Jomini en signalant deux ouvrages publiés sur ce sujet de la guerre de 1866, et dus l’un et l’autre à des écrivains militaires qui étaient de sa familiarité et de son école : le premier et de beaucoup le plus considérable, qui a pour titre : Guerre de la Prusse et de l’Italie contre l’Autriche et la Confédération germanique en 1866 : Relation historique et critique, par le colonel fédéral Lecomte (2 vol. 1868) ; — et l’autre écrit plus court et en forme de discussion, intitulé La Guerre de 1866, par le major belge Vandevelde (1 vol. de 211 pages, 1869).

781. (1892) Boileau « Chapitre II. La poésie de Boileau » pp. 44-72

Pour être juste, il faut tenir compte de la différence des temps, et ne pas chicaner un écrivain sur les moyens d’expression qu’il a choisis, quand on n’en connaissait pas d’autres de son temps. […] Ce n’est pas procédé de littérateur rompu au métier d’écrivain : c’est vraiment vision, sensation présente ou ravivée. […] Sainte-Beuve s’applaudit quelque part de l’heureuse influence exercée par Louis XIV sur les écrivains de son temps : sans Louis XIV, Boileau, pour ne parler que de lui, eût fait plus de Repas ridicules et d’Embarras de Paris. […] Et puis, il a voulu faire des « discours » : lui qui était le moins orateur des écrivains de son temps, infiniment moins que Corneille et Racine qui le sont éminemment, que La Fontaine, qui l’est encore quand il veut ; moins même que La Bruyère qui l’est si peu. […] La meilleure édition de Boileau est encore celle de Berriat-Saint-Prix (4 vol. in-8º, 1830-1837), en attendant celle que la Collection des Grands Écrivains de la France devra comprendre — Quant aux travaux consacrés à Boileau, il suffira de signaler : Sainte-Beuve, Port-Royal, surtout t. 

782. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Armand Carrel. — II. (Suite.) Janvier 1830-mars 1831. » pp. 105-127

Nous avons vu Carrel débuter en quelque sorte au métier d’écrivain sous les auspices de M.  […] Le peuple, sans doute, composé de la masse des laboureurs, ouvriers, soldats, marchands, écrivains, est à ses yeux « la plus imposante de ces réalités manifestées par la Révolution » ; mais la royauté, de son côté, est une chose essentielle : La royauté d’abord ! […] Il se décida donc à rester écrivain, à prendre la rédaction en chef du National, et il fit son article de déclaration le 30 août 1830. […] Ce que je relève, ce n’est pas telle ou telle de ces notes, c’est l’habitude et l’intention qu’elles témoignent dès l’origine, de se tenir à la disposition du premier écrivain mécontent, qui demandera raison d’être ainsi châtié et blessé d’une façon si directe. Sans doute il importe que l’écrivain politique sérieux, et celui surtout qui médite une carrière d’action plus haute, se conserve dans son intégrité de bon renom et se fasse respecter.

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