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645. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « M. Daru. Histoire de la république de Venise. — II. (Suite.) » pp. 434-453

À merveille, mon cher confrère, lui écrivait le vieux Cailhava, partisan déclaré de Molière et de l’ancienne comédie, et qui ne parlait qu’avec sourire de ce qu’il nommait la nouvelle école, devenue bien vieille pour nous aujourd’hui ; — à merveille ! […] D’abord, vous vous êtes débarrassé en maître de la plus pénible des corvées, celle de parler de soi… Ensuite, digne ami d’Horace, vous avez décomposé l’art dramatique avec une profondeur qui m’a fait frémir pour l’intéressant Collin ; mais bientôt le peintre habile, en ne ménageant aux curieux que le jour favorable à son modèle, a glissé adroitement sur la sévérité de l’ancienne école pour ne nous peindre que le brillant de la nouvelle. […] Quoique ces auteurs, même les plus classiques comme Andrieux, n’eussent point à beaucoup près, autant que Fontanes, le culte et la vive intelligence de la langue du xviie  siècle, ils ne laissaient pas dans leurs principaux membres (et le nom de Daru nous les résume et nous les garantit) de composer une bonne école, somme toute, une bonne race en littérature.

646. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Divers écrits de M. H. Taine — I » pp. 249-267

Ce qu’on ne saurait oublier en le lisant, c’est qu’il a été élève de l’École normale, qu’il s’y est formé dans le recueillement et la méditation, que sa première jeunesse, dont il est à peine sorti, a été forte, laborieuse, austère. […] Que si l’on veut rompre avec l’École en en sortant, si l’on se sent épris des fantaisies, des descriptions mondaines, piqué du démon de raillerie et curieux du manège des passions, on s’y jouera dès l’abord avec un art d’expression plus savant, plus consommé, et une ivresse plus habile que celle de personne : il n’y a plus de noviciat à faire en public ; il s’est fait dès auparavant et à huis clos. […] S’il y avait de l’École au point de départ, il l’a usée en partie, il achèvera de l’user encore.

647. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Ducis épistolaire. »

Turgot est au pouvoir, la vertu respire ; « les gens de bien, cette graine timide qui n’ose se montrer, peuvent maintenant sortir de terre, prendre racine et porter des fruits. » Toute cette école vertueuse et cordiale, les Sedaine, les Thomas, les Ducis, les de Belloy, se croient presque sur leur terrain à Versailles : on les voit d’ici se réjouir et se féliciter. […] Toute la branche des lettres de Ducis qui s’adresse à lui est d’un charme douloureux et délicat, et je ne sais pas, dans les figures de second plan qui passent et repassent devant nous sans qu’on les remarque d’abord, de physionomie plus attrayante à la longue que celle de ce futur membre de la Convention et de l’Institut naissant, et à qui l’on dut même l’idée des fameuses Écoles normales. Car le nom de Deleyre figure, à côté de celui de Lakanal, au bas de l’Arrêté qui institue ces Écoles, un moment si utiles.

648. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Le père Lacordaire. Les quatre moments religieux au XIXe siècle, (suite et fin.) »

Que ceux qui en furent témoins disent si j’exagère : dans l’Université, la suppression des hautes écoles, le silence des hautes chaires, l’expulsion complète, méthodique, non-seulement de tous les maîtres jeunes, ardents, enthousiastes, mais même des modérés et des prudents, s’ils refusaient de donner des gages au parti dirigeant ; et ces gages étaient des actes indignes d’hommes sincères qui se respectent ; c’étaient des affectations publiques de sentiments et de convictions qu’on n’avait pas, c’était un patelinage de monarchisme et de dévotion : tous ceux qui résistaient aux insinuations qui leur étaient faites furent éliminés. […] Vous vous ralentissez pour lui un jour : il vous a déjà quitté et lâché tout le premier. — D’autre part, je vois le courant du milieu, ce flot d’élèves sortant chaque année des écoles de l’Université, avec des idées toutes contraires, bien qu’eux-mêmes très-divers entre eux : idées politiques très-brouillées, très-mélangées, connaissances littéraires (si l’on excepte une élite) trop incomplètes au point de vue de l’Antiquité et trop peu consistantes, malgré tous les efforts et l’excellence des maîtres. […] — Enfin, troisième courant, je vois d’autres élèves moins lettrés, tout pratiques et positifs, dressés au bon sens et aux applications utiles, sortir des écoles du commerce et de l’industrie pour vaquer à toutes les professions usuelles du siècle.

649. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Horace Vernet »

Il était de ceux qui, dans l’art, s’enrôlent simples soldats, sans avoir passé par aucune école militaire : Rose et Fabert ont ainsi commencé. […] Fallait-il peindre à perpétuité des Ajax, des Léonidas ou des Hector, des Ulysse, des fleuves Scamandre, comme le faisaient encore les peintres chers aux anciennes écoles et amis de l’ennuyeux ; ou bien aborder hardiment et coûte que conte des sujets nouveaux, vivants, — vivants ou dans l’imagination moderne ou dans la réalité, — comme le fit toute cette vaillante élite, les Delacroix, les Schnetz, les Scheffer, et Horace Vernet ? […] Les anciennes écoles, selon lui, ont très-peu cherché cet idéal qu’on adore et qu’on exalte après coup en elles ; le plus souvent, elles n’ont fait que reproduire exactement la nature qu’elles avaient sous les yeux : il suffisait, pour nous donner l’impression élevée qui en sort, que cette nature fût généralement belle, et que les organisations d’élite qui s’y appliquaient sussent y choisir leurs sujets.

650. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Mémoires de l’abbé Legendre, chanoine de Notre-Dame, secrétaire de M. de Harlay, archevêque de Paris. »

Ces Mémoires, qui ont déjà été publiés successivement et par parties dans le Magasin de librairie, sont aujourd’hui réunis en un volume in-8° (Charpentier, libraire éditeur, 28, quai de l’École). […] Jacquinet, ancien élève de l’École normale. […] Jacquinet est depuis des années directeur des études littéraires dans cette même École, dont les traditions vivent en lui.

651. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Œuvres complètes de Molière »

Cette gageure, Molière l’a remplie et gagnée dans l’École des Femmes, et probablement sans s’en douter. […] Mais enfin l’École des Femmes est la seule pièce au théâtre qui présente cette particularité assez piquante71. […] On y mettrait une école de dessin ou une salle d’asile, et les enfants du quartier viendraient y étudier ou y apprendre à lire sous l’invocation de ce nom illustre et trois fois populaire.

652. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Idées et sensations : par MM. Edmond et Jules de Goncourt. »

Hommes d’observation, de sincérité et de hardiesse, ils se sont fait une doctrine à leur usage : ils se sont dit de ne pas répéter ce qui a été dit et fait par d’autres ; ils vont au vif dans leurs tableaux, ils pénètrent jusqu’au fond et aux bas-fonds ; ils veulent noter la réalité jusqu’à un degré où on ne l’avait pas fait encore ; ils tiennent, par exemple, à copier et à reproduire la conversation du jour et du moment, les manières de dire et de parler si différentes de la façon d’écrire, et que les auteurs, d’ordinaire, ne traduisent jamais qu’incomplètement, artificiellement ; ils ne reculent pas au besoin devant la bassesse des mots, fussent-ils dans une jolie bouche et du jargon tout pur, confinant à l’argot ; ils imitent, sans rien effacer, sans faire grâce de rien ; ils haïssent la convention avant tout ; pas d’école : « Aussitôt qu’il y a l’école de quelque chose, ce quelque chose n’est plus vivant. » Ils haïssent la fausse image et le ponsif du beau : « Il y a un beau, disent-ils, un beau ennuyeux, qui ressemble à un pensum du beau. » Très-bien : Je les comprends, je les approuve, je les suis volontiers, ou à très-peu près, jusque-là. […] Si j’osais, si j’en avais le temps, si c’était le lieu, j’aimerais à faire une petite dissertation là-dessus, qui tiendrait quelque peu de l’Addison et du Quintilien, qui ne serait qu’à demi pédante, qui ne sentirait pas trop l’école.

653. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « THÉOPHILE GAUTIER (Les Grotesques.) » pp. 119-143

Après les diverses tentatives de réhabilitation et de renaissance auxquelles s’était livrée l’école romantique, il en restait une, de tous points indiquée, mais devant laquelle on avait reculé encore. […] Il a, pour les mœurs, pour le déréglement de la vie et de la veine, plus d’un rapport avec les poëtes de ce temps-ci : je lui voudrais pourtant plus de talent eu égard à son malheur. » Je ne me dis simule pas les points nombreux de rapprochement que cette école poétique de Louis XIII peut offrir avec l’école poétique d’aujourd’hui ; mais, loin de m’en applaudir, j’en suis bien plutôt à le regretter, car ces rapports sont en général ceux d’une corruption hâtive et d’une décadence prématurée.

654. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre II. La première génération des grands classiques — Chapitre I. La tragédie de Jodelle à Corneille »

Une Didon suivit bientôt Cléopâtre, Jodelle lui-même fait école, et de 1552 aux premières années du xvie  siècle, poètes tragiques et tragédies se multiplient : l’école de Ronsard fait un vigoureux effort pour acclimater chez nous le drame antique304. […] L’école de Ronsard a été si totalement dépourvue du sens dramatique, qu’elle ne s’est pas aperçue que pour faire une révolution au théâtre, il fallait en premier lieu occuper le théâtre.

655. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre II. L’époque romantique — Chapitre IV. L’Histoire »

Ainsi, occupé à chercher des armes « contre les tendances réactionnaires du gouvernement », Thierry ne voulait encore que faire l’histoire « à la manière des écrivains de l’école philosophique, pour extraire du récit un corps de preuves et d’arguments systématiques ». […] Il a donc précédé Guizot et Villemain : il est le premier. — Augustin Thierry (1795-1856), au sortir de l’École normale, fut quelque temps saint-simonien. […] Biographie : Jules Michelet (1798-1874 . fils d’un imprimeur ruiné par le Consulat et l’Empire, répétiteur dans une pension en 1817, professeur au collège Sainte-Barbe en 1822, maître de conférences à l’Ecole normale en 1827. supplée Guizot à la Sorbonne (1833-1836), puis est désigné pour la chaire de morale et d’histoire du Collège de France (1838).Éditions : Principes de la philosophie de l’histoire ; Précis d’histoire moderne, 1828 ; Histoire romaine, 1831 ; les Mémoires de Luther, 1835. 2 vol. in-8 ; Du Prêtre, de la Femme et de la Famille, 1844. in-8 ; le Peuple, 1816. in-8 ; le Procès des Templiers, 1841-52, 2 vol. in-4 ; l’Oiseau, 1850, in-12 ; l’Insecte, 1857, in-18 ; l’Amour, 1858, in-18 ; la Femme, 1859, in-18 ; la Mer, 1861, in-18 ; la Sorcière, 1832, in-18 ; la Bible de l’humanité, 1861. in-18 ; la Montagne, 1868, in-18 ; Histoire de France (Moyen Age, 1833-13, 6 vol. in-8 ; Révolution, 1847-53. 7 vol. in-8 ; Renaissance et Temps modernes, 1855-67, 11 vol. in-8), 1878-80, Marpon, 28 vol. in-12 ; 1885 et suiv., Lemerre, 28 vol. pet. in-12. — Œuvres posthumes : Histoire du xixe siècle, 3 vol., 1876 ; Ma Jeunesse (pub. p.

656. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre IV. Précieuses et pédantes »

Leur banalité à la dernière mode révèle un de ces écoliers obstinés qui ont fait, au lycée puis ailleurs, cinq ou six rhétoriques au lieu d’une et qui restent toute leur vie « élèves de l’École Normale ». […] Bordeaux, et un de ces imbéciles qui ne voient que les faits extérieurs m’objectera peut-être que celui-ci n’a point passé par l’École. […] [Saint-Georges de Bouhélier] Saint-Georges de Bouhélier, jeune réclamiste habile, mais écrivain inférieur même à son père, le pauvre Lepelletier de l’Écho de Paris, est, comme vous savez sans doute — il s’est fait faire tant de publicité — le chef de « l’école naturiste ». « Naturisme » peut sembler aux malveillants une imitation de « naturalisme ».

657. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Monsieur de Balzac. » pp. 443-463

Il a dit quelque part d’un artiste sculpteur découragé et tombé dans la paresse : « Redevenu artiste in partibus, il avait beaucoup de succès dans les salons, il était consulté par beaucoup d’amateurs ; il passa critique comme tous les impuissants qui mentent à leurs débuts. » Ce dernier trait peut être vrai d’un artiste sculpteur ou peintre qui, au lieu de se mettre à l’œuvre, passe son temps à disserter et à raisonner ; mais, dans l’ordre de la pensée, cette parole de M. de Balzac, qui revient souvent sous la plume de toute une école de jeunes littérateurs, est à la fois (je leur en demande bien pardon) une injustice et une erreur. […] Comme romancier, ses caractères sont souvent bien saisis à l’origine, bien dessinés ; mais ils tournent vite à un certain idéal qui rentre dans l’école de Rousseau, et qui touche au systématique. […] Peut-être, sur la tombe d’un des plus féconds d’entre eux, du plus inventif assurément qu’elle ait produit, c’est l’heure de redire que cette littérature a fourni son école et fait son temps ; elle a donné ses talents les plus vigoureux, presque gigantesques ; tant bonne que mauvaise, on peut penser aujourd’hui que le plus fort de sa sève est épuisé.

658. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Bernardin de Saint-Pierre. — II. (Suite et fin.) » pp. 436-455

Il parlait contre les méthodes, contre les bibliothèques, les écoles et les académies ; il protestait contre l’abus et même contre l’usage de l’analyse : « Pour bien juger du spectacle magnifique de la nature, il faut en laisser chaque objet à sa place, et rester à celle où elle nous a mis. » Il voulait donc qu’on s’accoutumât à considérer les êtres en situation et en harmonie, non pas isolés et disséqués dans les cabinets et les collections des savants. […] Nommé professeur de morale à cette École normale qui fut improvisée en l’an III, il parut deux ou trois fois dans sa chaire, et y recueillit des applaudissements pour ses moindres paroles. Il s’estima heureux pourtant que la fin prochaine de l’École vînt le délivrer de cette charge de la parole publique, pour laquelle il était peu fait.

659. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Boileau. » pp. 494-513

Jusque dans cette désagréable Satire contre les Femmes, j’ai vu les plus ardents admirateurs de l’école pittoresque moderne distinguer le tableau de la lésine si affreusement retracé dans la personne du lieutenant criminel Tardieu et de sa femme. […] Passy (Bibliothèque de l’École des chartes, 3e série, t.  […] Passy, il me paraît impossible que cette pièce, qui est de 1662, c’est-à-dire postérieure aux premières Satires que Boileau avait déjà composées à cette date, lui appartienne réellement ; elle est d’un faire tout différent du sien, plate et de la plus mauvaise école.

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