Et puis l’Impératrice avait désormais son œuvre d’Etat à accomplir ; elle pensait à la grandeur, à l’éclat, à se faire le plus grand empereur qui eût régné en Russie depuis Pierre Ier. […] En vain l’on dirait qu’elle n’y mettait pas grande importance, politiquement parlant ; que dans cette suite de favoris venant à la file, dont on sait les noms et le numéro d’ordre, depuis Soltikoff, depuis Orlof jusqu’à Zoubof, elle sut garder pour ministres investis de sa confiance les serviteurs habiles, fussent-ils même disgraciés à ses yeux à titre d’amants, et qu’elle ne prit, entre ceux-ci, pour serviteurs de l’État, que ceux qui en étaient réellement capables.
Tout cède au roi, incarnation de l’État. […] La société du xviiie siècle est trop désintéressée de la chose publique, pour conserver le patriotisme ; elle tient les malheurs de l’État pour indifférents.
Veut-il tracer les devoirs d'un Ministre, d'un Homme d'Etat ? […] Vous apprendrez que cent mille hommes opposés à cent mille hommes forment des masses redoutables qui s'étudient, s'observent, combinent avec une sage lenteur tous leurs mouvemens, & balancent avec un art terrible & profond la destinée des Etats *.
Pour son compte, le commentateur ne doute ni de la préoccupation de cet homme d’État qui se rêvait, ni de son aptitude. […] et ni le grand écrivain ni le grand penseur ne nous consolent du grand homme d’État que nous n’avons pas.
Pour son compte, le commentateur ne doute ni de la préoccupation de cet homme d’État qui se rêvait, ni de son aptitude. […] et ni le grand écrivain, ni le grand penseur ne nous consolent du grand homme d’État que nous n’avons pas !
Il fut à la fois écrivain et homme d’État. […] On sait qu’il était né dans cette ville où la plus étonnante des institutions avait créé une nature nouvelle ; où l’on était citoyen avant que d’être homme ; où le sexe le plus faible était grand ; où la loi n’avait laissé de besoins que ceux de la nature ; de passions que celle du bien public ; où les femmes n’étaient épouses et mères que pour l’État ; où il y avait des terres et point d’inégalité ; des monnaies et point de richesse ; où le peuple était souverain quoiqu’il y eût deux rois ; où les rois absolus dans les armées, étaient ailleurs soumis à une magistrature terrible ; où un sénat de vieillards servait de contrepoids au peuple et de conseil au prince ; où enfin tous les pouvoirs étaient balancés, et toutes vertus extrêmes.
Le même orateur a traité deux autres sujets moins pathétiques, sans doute, mais non moins intéressants, ce sont les éloges funèbres de deux grands hommes ; l’un était ce maréchal de Luxembourg, élève de Condé ; impétueux et ardent comme lui, mais vigilant et ferme comme Turenne, quand il le fallait ; persécuté par les ministres, et servant l’État ; fameux par les victoires de Fleurus, de Leuze, de Steinkerque et de Nerwinde, et qui, de dessus un champ de bataille, écrivit à Louis XIV cette lettre : « Sire, vos ennemis ont fait des merveilles ; vos troupes encore mieux : pour moi, je n’ai d’autre mérite que d’avoir exécuté vos ordres ; vous m’avez dit de prendre une ville et de gagner une bataille, je l’ai prise et je l’ai gagnée. » L’autre, qui avait un genre de mérite tout différent, était ce maréchal de Boufflers, fameux par la défense de Lille, appliqué et infatigable ; d’ailleurs excellent citoyen, et dans une monarchie, capable d’une vertu républicaine. […] C’était prolonger sa vie que de lui donner lieu de la perdre pour l’État ; mais acceptant l’honneur de partager le péril, il refusa celui de partager le commandement.
Les grandes écoles de l’Italie, les tribunaux impériaux, les conseils d’Etat étaient peuplés de nos orateurs et de nos professeurs. […] Les enfants sortis de ces unions seraient élevés en commun par l’Etat suivant les méthodes les plus strictes et les plus perfectionnées. […] Notre programme devrait donc constituer l’enseignement en monopole d’Etat. […] Tous les édifices consacrés au culte, avec leurs annexes, passeraient entre les mains de l’Etat ou de la commune. […] Mais il n’en resterait pas moins en état d’agitation permanente, fomentant l’émeute, entretenant un courant d’opinion hostile à l’Etat.
L’Histoire Comique des Etats & Empires de la Lune & du Soleil, prouvent combien il étoit capable de devenir grand Physicien, habile Critique & profond Moraliste, si la mort ne l’eût enlevé presque aussi-tôt qu’il se fut entiérement consacré aux Lettres.
Il est aisé de s’appercevoir que des personnes de différens Etats, de différente Religion, de différent Parti, de différent génie, ont contribué à cette augmentation.
En Suisse de telles choses peuvent sembler toutes simples ; dans un État foncièrement monarchique et administratif comme la France, elles ont une extrême gravité.
A l’âge de 23 ans, il succéda à son pere dans la charge de Secrétaire d’Etat ; on sait qu’il fut disgracié dans la suite.
Heureux l’Etat dont les Chefs, ayant l’esprit Philosophique, favorisent ceux qui s’efforcent de l’acquérir ; car il paroît que désormais les Arts, les Sciences & les Etats, suivront le sort de la Philosophie, & l’on peut voir que les gens sans études & sans Lettres, se polissent & s’enrichissent insensiblement (la plupart même, sans y penser) par les idées, les opinions & les vues nouvelles que les Philosophes ont répandues. […] Le Législateur qui trouvera le moyen de hacher les propriétés, de diviser & subdiviser les fortunes, servira merveilleusement l’Etat & la population. […] Tout Etat qui favoriser par ses loix cette injuste disproportion, n’a qu’à éteindre son code pénal. Dès qu’il y aura de nombreux Palais, il faudra bâtir de vastes prisons ; tout Etat, au contraire, attentif à diviser les héritages, à faire descendre le suc nourricier dans toutes les branches, aura moins de délits à punir. […] Rire & faire rire, étoit le propre d’un grand-homme qui servoit dignement son Prince, & l’Etat & toutes les dignités appartinrent de droit aux plaisans qui narroient les plus joyeuses facéties.
Le grand fait des troisième et quatrième siècles, c’est la diminution de l’idée d’État. […] La grande République romaine devait voir l’adoration de l’État décliner par le seul fait de son immensité. […] J’emmène Verdier aux États. […] L’individu n’y est encadré, enrégimenté et soutenu par l’enrégimentation, que dans l’État. […] Entre l’État et l’individu il y a trop de distance.
Pendant son séjour dans l’État romain, tout en faisant des fouilles et en déterrant des vases noirs « qui ont 2700 ans, à ce qu’ils disent » (je doute là, comme ailleurs, ajoutait-il), il avait mis ses économies à acheter le droit de faire des copies dans des archives de famille gardées avec une jalousie extrême, et d’autant plus grande que les possesseurs ne savaient pas lire : J’ai donc, disait-il, huit volumes in-folio (mais la page écrite d’un seul côté) parfaitement vrais, écrits par les contemporains en demi-jargon. […] S’il fallait discuter la vraisemblance de l’action dans le roman, on pourrait se demander comment il se fait que cet accident de grande route ait une si singulière influence sur la destinée future de Fabrice ; on demanderait pourquoi celui-ci, ami (ou qui peut se croire tel) du prince de Parme et de son Premier ministre, coadjuteur et très en crédit dans ce petit État, prend la fuite comme un malfaiteur, parce qu’il lui est arrivé de tuer devant témoins, en se défendant, un comédien de bas étage qui l’a menacé et attaqué le premier. […] Il a fort loué dans La Chartreuse le personnage du comte de Mosca, le ministre homme d’esprit d’un petit État despotique, et dans lequel il avait cru voir un portrait ressemblant du prince de Metternich : Beyle n’y avait jamais pensé.