Ceux qui se sont fait un nom dans la Traduction, ne l’ont dû qu’à leur attention à se pénétrer de l’esprit de leur original, à en saisir les beautés, & à les faire passer dans une Langue étrangere, sans s’attacher à l’exactitude des mots. […] Le volume de Fables qu’il a publiées, a déjà prouvé combien il est capable de saisir, dans la pratique, le vrai caractere de chaque genre.
La connoissance du monde, la facilité à en saisir les ridicules, l’art plus piquant encore de les peindre agréablement, donnent à ses Romans un caractere qui les distingue de ces Productions frivoles, chargées d’aventures & de sentimens parasites, rebattues cent fois, & toujours exprimées d’une maniere insipide ou bizarre. […] Un ambitieux les eût saisies comme un don imprévu de la fortune ; l’homme foible & facile à se laisser éblouir, se seroit trompé lui-même : l’homme de société, mais de bonne foi, ne vit dans ces honneurs, que la gravité d’un ministere capable d’alarmer par l’étendue des devoirs qu’il impose ; & ce qui pouvoit peut-être l’en rapprocher, c’est qu’il fut très - éloigné de s’en trouver digne.
Ce n’est cependant que par les exemples, qu’on peut faire saisir & goûter les regles, que ces exemples renferment : Longum iter per prœcepta, breve per exempla. […] Sans assujettissement, sans plagiat, à peu près comme Virgile lui-même a imité Homere, comme Malebranche a marché sur les pas de Descartes, comme Despréaux a saisi la maniere d’Horace, & Rousseau celle de Pindare. […] La vue d’un Tableau de Raphaël sera plus d’impression sur un jeune Peintre ; la lecture d’une Oraison funebre de Bossuet, saisira plus un jeune Orateur, fécondera plus l’imagination de l’un & de l’autre, que tous les préceptes des Maîtres.
Un tremblement le saisit, il reste muet, la bouche entrouverte, et les yeux attachés sur son épouse. […] Cependant la faute est connue au ciel, une sainte tristesse saisit les anges ; mais that sadness mixt with pity, did not alter their bliss ; « cette tristesse, mêlée à la pitié, n’altéra point leur bonheur » ; mot chrétien et d’une tendresse sublime. […] Mais un doute le saisit… s’il avait en lui quelque chose d’immortel ?
Les desseins des rois, les abominations des cités, les voies iniques et détournées de la politique, le remuement des cœurs par le fil secret des passions, ces inquiétudes qui saisissent parfois les peuples, ces transmutations de puissance du roi au sujet, du noble au plébéien, du riche au pauvre : tous ces ressorts resteront inexplicables pour vous, si vous n’avez, pour ainsi dire, assisté au conseil du Très-Haut, avec ces divers esprits de force, de prudence, de faiblesse et d’erreur, qu’il envoie aux nations qu’il veut ou sauver ou perdre. […] Dans cette ligne de vie qui nous fut transmise par nos ancêtres, et que nous devons prolonger au-delà de nous, on ne saisit que le point présent ; et, chacun se consacrant à sa propre corruption, comme un sacerdoce abominable, vit tel que si rien ne l’eût précédé, et que rien ne le dût suivre.
Voici le début : Traduction Leconte de Lisle Les chefs des Panakhaiens dormaient dans la nuit, auprès des nefs, domptés par le sommeil ; mais le doux sommeil ne saisissait point l’Atréide Agamemnôn, prince des peuples, et il roulait beaucoup de pensées dans son esprit. […] Il dit, et celui-ci allait Supplier lui Ayant saisi son menton De sa main épaisse ; Mais lui le frappa Au cou au milieu, S’étant élancé avec son épée, Et lui coupa deux nerfs ; Et la tête donc De celui-ci parlant encore Fut mêlée à la poussière.
Son livre, comme son titre l’indique, est l’histoire, jour par jour, pendant l’époque terrible, de la classe la moins nombreuse et la plus élevée de cette société que MM. de Goncourt ont cru si légèrement saisir et reproduire dans sa confuse et profonde complexité, et cette histoire du Sacerdoce, spécialisée et restreinte à un seul département français, occupe deux volumes de cinq cents pages d’un très grand format. […] Les faits que ces volumes exposent ne sont pas, d’ailleurs, de ces faits déjà connus, déflorés et cités dans des publications à la portée de toutes les mains ; ce sont des faits pour la première fois recueillis, — ce qui constitue le vrai mérite de l’érudition de détail à laquelle Fleury paraît voué, — ce sont des documents saisis à la double source de la tradition écrite et de la tradition orale, la meilleure des traditions lorsque l’histoire est toute fraîche encore et qu’elle semble saigner dans toutes les mémoires.
On comprend donc que tout organe saisisse avec plaisir une occasion de s’exercer, même si cette occasion n’est pas utile et sérieuse. […] Les parfums saisis par l’odorat ont la même valeur que l’arôme saisi par le goût. […] L’amour ne peut saisir ici-bas son objet ni, lorsqu’il croit l’avoir saisi, le garder : cet objet fuit toujours dans l’inconnu, sans laisser en nous autre chose qu’une blessure. […] Je me dis : Je monterai sur le palmier, j’en saisirai les rameaux ! […] C’est qu’elle donne lieu à des rapports numériques très faciles à saisir.
Si on a été attentif à regarder en soi comme au dehors, si on a essayé de noter ses émotions, d’en saisir les causes, les effets, les nuances, les degrés, la communication ira se resserrant chaque jour entre la sensibilité et l’intelligence ; les émotions multiplieront les idées, l’esprit affinera le cœur, et la subtilité du jugement s’augmentera avec la délicatesse du sentiment. […] Il suffira de quelques conseils bien simples, bien évidents pour former le style ; quand l’esprit saisit bien, quand le cœur sent bien, quand on a échappé à la tyrannie paresseuse de la mémoire, on n’écrit jamais mal et l’on est tout près de bien écrire.
(Il saisit les chaînes pour les détacher.) […] Ne me saisis pas si violemment ! […] (Elle le saisit.) […] Ne me saisis pas si brutalement ! […] Comme ils me garrottent et me saisissent !
Sa physionomie ouverte et bonne, la politesse décente de son langage, laissent transpirer à son insu une sensibilité intérieure profondément tendre, et, sous la généralité de sa morale et la multiplicité de ses récits, il est aisé de saisir les traces personnelles d’une expérience bien douloureuse. […] Mais une nouvelle inconstance le saisit, et, sortant encore une fois de la retraite, il reprit le métier des armes avec plus du distinction, dit-il, et d’agrément, avec quelque grade par conséquent, lieutenance ou autre. […] Riche de savoir, rompu à l’étude, propre aux langues, regorgeant, en quelque sorte, de souvenirs et d’aventures éprouvées ou recueillies qui s’étaient amassées en lui dans le silence, il saisit sa plume facile et courante pour ne la plus abandonner ; et par ses romans, ses compilations, ses traductions, ses journaux, ses histoires, il s’ouvrit rapidement une large place dans le monde littéraire. […] Dans cette première, qui est la plus courte, après avoir moralisé au début sur les grandes passions, les avoir distinguées de la pure concupiscence, et s’être efforcé d’y saisir un dessein particulier de la Providence pour des fins inconnues, le marquis raconte les malheurs de son père, les siens propres, ses voyages en Angleterre, en Allemagne, sa captivité en Turquie96, la mort de sa chère Sélima, qu’il y avait épousée et avec laquelle il était venu à Rome. […] Il en faut dire autant de l’inclination du vieux marquis pour la belle milady R… Prévost n’a voulu que rendre son héros perplexe et intéressant : le comique s’y est glissé à son insu, mais un comique délicat à saisir, tempéré d’aménité, que le respect domine, que l’attendrissement fait taire, et comme il s’en mêle dans Goldsmith au personnage excellent de Primerose.
* * * Notre activité sans but, nos mouvements dans l’espace, doivent paraître à des êtres supérieurs comme ces étreintes des mourants qui saisissent leur couverture. […] Nous arriverions peut-être ainsi à saisir le secret de cette manière qui consiste à ne développer jamais l’idée morale, mais à lui substituer un emblème ou un symbole. […] Il faut qu’on nous accorde que toute poésie vit de métaphore, et que le poète est un artiste qui saisit des rapports de tout genre par toutes les puissances de son âme, et qui leur substitue des rapports identiques sous forme d’images, de même que le géomètre substitue au contraire des termes purement abstraits, des lettres qui ne représentent rien de déterminé, aux nombres, aux lignes, aux surfaces, aux solides, à tous les corps de la nature, et à tous les phénomènes7. […] Pour saisir la différence qui existe entre la manière de M. […] Que fait le poète, en effet, que fait tout artiste, et que font en général tous les hommes, sinon substituer continuellement le sensible aux conceptions pures, ou en d’autres termes saisir des rapports et leur substituer des rapports identiques pris dans un autre ordre d’idées, de même que le géomètre substitue à volonté des nombres aux surfaces, des surfaces aux nombres ?
Je connais que pauvres et riches, Sages et fols, prêtres et lais (laïques), Noble et villain, larges et chiches, Petits et grands, et beaux et laids, Dames à rebrassés (hauts et plissés) collets, De quelconque condition, Portant atours et bourrelets, Mort saisit sans exception. […] On saisit ici ce qui peut faire la faiblesse on la fausseté de tels raisonnements : il est facile de tirer rigoureusement et sans erreur la conséquence nécessaire des prémisses. […] Les choses au contraire où l’on hésite sur la certitude et qui sont pourtant certaines, sont à l’ordinaire des propositions universelles, dont l’esprit, peu habitué aux abstractions, ne saisit pas clairement la portée et la clarté. Il conviendra ici d’en bien repasser les termes, et souvent, par une courte réflexion sur le sens précis des mots, l’évidence de la chose apparaîtra : on pourra aussi parfois la saisir dans les applications particulières qui s’en peuvent faire, où la vérité se découvrira d’une façon en quelque sorte matérielle et sensible.
Mais Raphaël voit un moment le pere éternel peint par Michel-Ange : frappé par la noblesse de l’idée de ce puissant génie, que nous pouvons appeller le Corneille de la peinture ; il la saisit, et il se rend capable en un jour de mettre dans les figures qu’il fait pour représenter le pere éternel le caractere de grandeur, de fierté et de divinité qu’il venoit d’admirer dans l’ouvrage de son concurrent. […] Il ne les opposa point à ses belles actions : Cesar fut saisi. […] S’il avoit la vivacité et la délicatesse de sentiment, qui sont inséparables du génie, il seroit tellement saisi par les beautez des ouvrages consacrez, qu’il jetteroit sa balance et son compas pour en juger, ainsi que les hommes en ont toûjours jugé, je veux dire par l’impression que ces ouvrages feroient sur lui.
Et le plus doucement possible, avec lenteur et circonspection, déplaçant sous le drap celui de ses bras qui se trouvait le plus éloigné de la figure imaginaire, il l’allongea avec précaution dans la direction opposée, afin de sortir sa main aussi loin que possible de celle qu’il contemplait et de revenir sur celle-ci par un détour fait en l’air, bien lentement, comme on fait quelquefois pour atteindre un papillon ; il s’attendait à voir la main s’envoler avant de l’avoir touchée ; mais pas du tout, les légers plis de la couverture qui se firent malgré ses soins pendant cette grande opération ne modifièrent en rien l’apparence de cette main charmante : voilà que la sienne en est tout près et va pouvoir la saisir. Mais alors il hésite, il se dit : “Je ne saisirai évidemment que les plis de ma couverture, et adieu l’illusion !”
Comme on s’écarte d’un point de vue pour le contempler, le moi s’écarte de soi-même, et, s’avançant sur la ligne du temps, il ne saisit dans le passé qu’une image dont la conscience a conservé le reflet, une image qu’une mémoire plus ou moins fidèle présente à sa vue, plus ou moins déformée, privée de vie toujours. […] Veut-il s’en saisir, il lui faut s’endétacher, la repousser dans le royaume mort du passé, et tirer de sa propre substance un nouveau sujet qui va échapper à son tour à ce nouvel effort de possession intégrale.
Il crut saisir ce rêve en se faisant soldat. Il n’en saisit qu’une ombre misérable et vide. […] Ce doute qui a saisi d’une angoisse immense l’âme du siècle, étreint celle du poète. […] Essayons de le saisir dans toute sa pureté. […] C’est là le trait principal de Molière finement saisi.
Car c’est un avantage capital de Taine, et que nul de ses ennemis ne songerait à lui contester, qu’il est net ; il ne masque point ses ambitions ; il ne dissimule point ses prétentions ; brutal et dur, souvent grossier, et mesurant les grandeurs les plus subtiles par des unités qui ne sont point du même ordre, il a au moins les vertus de ses vices, les avantages de ses défauts, les bonnes qualités de ses mauvaises ; et quand il se trompe, il se trompe nettement, comme un honnête homme, sans fourberie, sans fausseté, sans fluidité ; lui-même il permet de mesurer ce que nous nommons ses erreurs, et par ses erreurs les erreurs du monde moderne ; et dans les erreurs qui, étant les erreurs de tout le monde moderne, lui sont communes avec Renan, il nous permet des mesures nettes que Renan ne nous permettait pas ; nous lui devons la formule et le plus éclatant exemple du circuit antérieur ; je ne puis m’empêcher de considérer le circuit antérieur, le voyage du La Fontaine, comme un magnifique exemple, comme un magnifique symbole de toute la méthode historique moderne, un symbole au seul sens que nous puissions donner à ce mot, c’est-à-dire une partie de la réalité, homogène et homothétique à un ensemble de réalité, et représentant soudain, par un agrandissement d’art et de réalité, tout cet immense ensemble de réalité ; je ne puis m’empêcher de considérer ce magnifique circuit du La Fontaine comme un grand exemple, comme un éminent cas particulier, comme un grand symbole honnête, si magnifiquement et si honnêtement composé que si quelqu’un d’autre que Taine avait voulu le faire exprès, pour la commodité de la critique et pour l’émerveillement des historiens, il n’y eût certes pas à beaucoup près aussi bien réussi ; je tiens ce tour de France pour un symbole unique ; oui c’est bien là le voyage antérieur que nous faisons tous, avant toute étude, avant tout travail, nous tous les héritiers, les tenants, la monnaie de la pensée moderne ; tous nous le faisons toujours, ce tour de France-là ; et combien de vies perdues à faire le tour des bibliothèques ; et pareillement nous devons à Taine, en ce même La Fontaine, un exemple éminent de multipartition effectuée à l’intérieur du sujet même ; et nous allons lui devoir un exemple éminent d’accomplissement final ; car ces théories qui empoignent si brutalement les ailes froissées du pauvre génie reviennent, elles aussi, elles enfin, à supposer un épuisement du détail indéfini, infini ; elles reviennent exactement à saisir, ou à la prétention de saisir, dans toute l’indéfinité, dans toute l’infinité de leur détail, toutes les opérations du génie même ; chacune de ces théories, d’apparence doctes, modestes et scolaires, en réalité recouvre une anticipation métaphysique, une usurpation théologique ; la plus humble de ces théories suppose, humble d’apparence, que l’auteur a pénétré le secret du génie, qu’il sait comment ça se fabrique, lui-même qu’il en fabriquerait, qu’il a pénétré le secret de la nature et de l’homme, c’est-à-dire, en définitive, qu’avant épuisé toute l’indéfinité, toute l’infinité du détail antérieur, toute l’indéfinité, toute l’infinité du détail intérieur, en outre il a épuisé toute l’indéfinité, toute l’infinité du détail de la création même ; la plus humble de ces théories n’est rien si elle n’est pas, en prétention, la saisie, par l’historien, par l’auteur, en pleine vie, en pleine élaboration, du génie vivant ; et pour saisir le génie, la saisie de tout un peuple, de toute une race, de tout un pays, de tout un monde. […] Par lui nous voyons les gestes, nous entendons l’accent, nous sentons les mille détails imperceptibles et fuyants que nulle biographie, nulle anatomie, nulle sténographie ne saurait rendre, et nous touchons l’infiniment petit qui est au fond de toute sensation ; mais par lui, en même temps, nous saisissons les caractères, nous concevons les situations, nous devinons les facultés primitives ou maîtresses qui constituent ou transforment les races et les âges, et nous embrassons l’infiniment grand qui enveloppe tout objet. […] La seule garantie qu’on nous donne à présent est qu’« une société d’anthropologie vient de se fonder à Paris, par les soins de plusieurs anatomistes et physiologistes éminents » ; nous qui aujourd’hui savons ce que c’est, dans le domaine de l’histoire, que l’anthropologie, et ce que c’est, dans la république des sciences, que la société d’anthropologie, une telle garantie nous effraye plus qu’elle ne nous rassure ; c’est bien sensiblement à l’humanité présente, à la grossière et à la faible humanité, que Taine remet non pas seulement le gouvernement mais la création de ce monde ; il ne s’agit plus d’un Dieu éloigné, incertain, négligeable, mort-né ; c’est à l’humanité que nous connaissons, aux pauvres hommes que nous sommes, que Taine remet tout le secret et la création du monde ; par exemple c’est lui, Taine, l’homme que nous connaissons, qui saisit et qui épuise tout un La Fontaine, tout un Racine ; c’est la présente humanité, c’est l’humanité actuelle que Taine, au fond, se représente comme un Dieu actuel, réalisé créateur. Ainsi les propositions de Taine ont l’air moins audacieuses que les propositions de Renan, parce qu’elles ne parlent point toujours de Dieu, parce qu’elles ne revêtent point un langage métaphysique et religieux, parce qu’il était malhabile, maladroit dans les conversations religieuses, grossier, inhabile à parler Dieu ; mais elles sont d’autant moins nuancées, d’autant moins modestes au contraire ; et en réalité elles impliquent une immédiate saisie de l’homme historien, moderne, sur la totalité de la création ; c’est parce que les propositions de Renan revêtent un langage surhumain qu’elles sont modestes, sincères, qu’elles ne nous trompent pas sur ce qu’elles contiennent ou veulent révéler de surhumanité ; et c’est parce que les propositions de Taine revêtent un simple langage professoral, modeste, qu’à son insu elles nous trompent et que, nous donnant le dernier mot de la pensée moderne en tout ce qui tient à l’histoire, elles nous dissimulent tout ce qu’elles contiennent et admettent de surhumanité. […] Choisi, le grand mot est là ; choisir est un moyen d’art ; comment choisir, si l’on ne veut absolument pas employer les moyens d’art ; choisir, c’est faire un raccourci ; et le raccourci est un des moyens d’art les plus difficiles ; comment choisir, donc, si l’on refuse absolument d’employer les moyens d’art ; comment choisir, enfin, dans l’indéfinité, dans l’infinité du détail, dans l’immensité du réel, sans quelque intuition, sans quelque aperception directe, sans quelque saisie intérieure ; aussi longtemps qu’un moderne, un historien poursuit toutes les indéfinités, toutes les infinités du détail, et la totalisation du savoir, il est fidèle à lui-même, il travaille servilement, il ne produit pas ; aussitôt qu’il produit, fût-ce un article de revue, un filet de journal, une note au bas d’une page, une table des matières, c’est qu’il est infidèle aux pures méthodes modernes, c’est qu’il choisit, c’est qu’il élimine, qu’il arrête la poursuite indéfinie du détail, qu’il fait œuvre d’artiste, et par les moyens de l’art.
A la tête de l’ouvrage, on trouve le traité des Beaux-Arts réduits à un même principe, qui est l’imitation de la belle nature : principe simple, aisé à saisir, facile à expliquer, également propre à soulager l’artiste qui travaille & l’amateur qui juge. […] Marmontel est pleine de finesse & de goût, mais l’ordre que l’auteur a suivi n’étant pas assez méthodique, on a de la peine à saisir tout ce que son livre offre d’ingénieux & de neuf.
Taine ne vécut que pour saisir la cause ordonnatrice dans la multitude des faits que nous classons sous les noms de littérature anglaise, civilisation italienne, Révolution française, etc., etc. […] Là-dessus, il est intraitable ; nulle considération n’assujettissait cet honnête homme ; il veut voir clair et saisir les faits sous les mots.
Dans le premier cas je saisis la chose du dehors ; dans le second je m’identifie à elle, je la vis, je la possède du dedans. […] De ce Poème total le parnassien ne comprend pas l’esprit, ne saisit pas le sens profond, s’en tient à la lettre, à une version humaine à une Belle infidèle. […] On saisit la différence. […] « Beaucoup d’images diverses, empruntées à des ordres de choses très différents, pourront, par la convergence de leur action, diriger la conscience sur le point précis où il y a une certaine intuition à saisir. […] Peu à peu mes mots, mes images, mes gestes, le son de ma voix, l’expression de mon visage se sont saisis de votre esprit, l’ont capté dans leurs réseaux émotionnels.
Thiers n’a pas eu d’effort à faire pour en saisir d’abord le courant principal et pour nous le faire remarquer. […] Il n’insiste pas trop sur les gaucheries et les inexpériences inévitables dans tout noviciat, il est plutôt frappé de la promptitude de certains députés à se saisir des sujets qui occupaient l’opinion publique, et à conquérir aussitôt une part d’influence plus grande qu’on ne l’aurait cru. […] Le spectacle d’hommes remarquables par le caractère, l’intelligence, le talent, pensant différemment les uns des autres, se le disant vivement, rivaux sans doute, mais rivaux pas aussi implacables que ces généraux qui, en Espagne, immolaient des armées à leurs jalousies ; occupés sans cesse des plus graves intérêts des nations, et élevés souvent par la grandeur de ces intérêts à la plus haute éloquence ; groupés autour de quelques esprits supérieurs, jamais asservis à un seul ; offrant de la sorte mille physionomies, animées, vivantes, vraies comme l’est toujours la nature en liberté ; — ce spectacle intellectuel et moral commençait à saisir et à captiver fortement la France.
En vain l’autre s’agiterait lorsqu’un bras inflexible va tantôt la saisir. […] Incline-toi vers lui et saisis dans chaque chose Le reflet de la vie où tout espoir rayonne. […] Le monde sensible lui apporte des images d’elle-même, car elle ne saisit des choses que ce qui peut l’affecter ; le raisonnement, rapport de plusieurs souvenirs, n’est que la comparaison de divers états de son développement ; tout songe, toute idée, lui révèlent quelqu’un de ses aspects.
Il classa méthodiquement, scolastiquement, lourdement et par cela seul il outra les saillies de Montaigne : mais ce qu’il en saisissait, ce n’était pas l’irréligion, c’était l’observation de la vie et du cœur. […] On saisit dans les traités moraux de Du Vair, on saisit encore distincts, bien qu’unis, les deux éléments qui feront la forte beauté de la littérature chrétienne au xviie siècle ; toute la richesse intellectuelle de l’antiquité s’ajoutant à toute l’élévation religieuse de l’Évangile. […] Il a et il donne par le physique la sensation du moral : il saisit au vol le geste ou l’accent significatifs d’un caractère ou d’une profession. […] Résultats généraux du xvie siècle Dans ce défilé rapide des écrivains du temps de Henri IV, on n’a pas eu de peine sans doute à saisir au passage quelques traits communs de ces physionomies si différentes.
. — Un exemple plus tragique encore est celui du prisonnier de la révolte d’Égine qui, s’échappant du massacre de ses compagnons, s’élança sous le portique du sanctuaire de Déméter et parvint à saisir les poignées des portes. […] Ne souffre pas que, suppliante, je sois arrachée du pied de ces statues divines, entraînée comme une cavale, saisie par mes bandelettes bigarrées, tirée par mes voiles. » — Une image bucolique semble évoquer leur mère commune dans sa métamorphose douloureuse : — « Regarde-moi, je suis là, suppliante, exilée, errante, comme la vache poursuivie par le loup sur un haut rocher. […] » — « À parer ces figures d’ornements nouveaux. » — Tu parles par énigmes. » — « Nous nous pendrons aussitôt aux statues des dieux. » — Terrible image qui rappelle les servantes d’Ithaque, qu’Homère nous montre dans l’Odyssée, pendues, à la file, au câble tendu entre les colonnes du palais d’Ulysse. — « De même que les grives aux ailes ployées et les colombes se prennent dans un filet, au milieu des buissons du champ clos de murs où elles sont entrées, et y trouvent un lit funeste ; de même ces femmes avaient le cou serré dans un lacet, afin de mourir misérablement, et leurs pieds ne s’agitèrent point longtemps. » — Cette fois, Pélasgos n’hésite plus, l’horreur le saisit. […] la terreur me saisit ! […] Perséphone précipitée sous la terre par le sombre Hadès, Europe emportée par le taureau divin à travers les flots, Orythie saisie par Borée, le Vent orageux dont le souffle fécondait les femmes, figurent peut-être, par un côté, ces tragédies de la plage.
Pour nous, qui sommes incompétent sur le fond de ces doctes matières, nous nous bornerons ici à ce qui est de notre portée et de notre coup d’œil, et aussi à ce que nous demandent nos lecteurs, je veux dire à tâcher de saisir et de marquer la forme de l’esprit de M. […] Il a, trois fois dans sa vie, en trois circonstances mémorables, saisi le moment et l’occasion. […] Raynouard saisit l’occasion, ou du moins ne la manqua pas. […] Parlant de ce qu’aurait pu faire le poète Le Brun, son prédécesseur, s’il avait assez vécu pour tenter en vers l’apothéose de Napoléon, Raynouard ajoutait : Le chantre de Napoléon l’aurait représenté d’après l’histoire, grand au-dessus des rois, tel qu’Homère, d’après la fable, a représenté Jupiter grand au-dessus des dieux ; gouvernant l’univers par l’autorité de sa pensée, toujours prêt à saisir de sa main toute-puissante l’une des extrémités de la chaîne des destins, si tous ses ennemis ensemble osaient s’attacher à l’autre, et toujours certain de les entraîner tous. […] À peine si on peut en saisir quelque indice, quelque vestige imprévu qui se glisse dans des écrits d’un autre ordre, et qui est ainsi arrivé par hasard jusqu’à nous.
On raconte que, dès ce temps-là, il recherchait les productions littéraires nouvelles, et qu’il s’essayait même à la composition ; il avait une finesse singulière pour saisir certains travers de société, et il avait fait quelques petites comédies qui sont restées en portefeuille. […] Vieux, dans sa retraite, ayant eu l’occasion d’être présenté, à Genève, au Premier consul qui partait pour la campagne de Marengo, et de s’entretenir avec lui, il en rapporta surtout l’impression de cette force de volonté, de ce qui lui manquait à lui-même, et il écrivit cette note : Ce qui distingue éminemment le Premier consul, c’est la fermeté et la décision de son caractère ; c’est une superbe volonté qui saisit tout, règle tout, et qui s’étend ou s’arrête à propos. […] Mais, dans tout ce qu’il disait de général et où l’on pouvait saisir un coin de ressemblance avec son propre mérite, il ne faut pas croire que M. […] Mais toujours il écrira dans le même goût : toujours il amalgamera la métaphysique et l’image dans des alliances ternes et fatigantes ; toujours les esprits vifs et restés encore français seront arrêtés en le lisant, et saisiront un léger ridicule là où lui, si fin, n’en soupçonnait pas. […] Il a saisi et rendu ces détails de société avec la curiosité du physicien qui observerait le phénomène de la rosée ou celui de la cristallisation, ou comme le Genevois Huber observait les abeilles ; un Français n’aurait pas eu l’idée de considérer ni de décrire de la sorte les choses de son propre monde.
La mère a saisi une des mains de son enfant, ainsi la composition présente en cet endroit, au centre, sur le massif, à quelque hauteur au-dessus de la terrasse qui forme la partie antérieure et la plus basse du tableau, un groupe de six figures ; la mère éplorée soutenue par deux de ses femmes, son enfant qu’elle tient par la main, son époux entre les bras duquel l’enfant est tourmenté, et une troisième suivante agenouillée aux pieds de sa maîtresse et de son maître. […] De cent personnes, même intelligentes, il n’y en a pas quatre qui aient saisi le local. […] C’est un trait de nature que Saurin a bien saisi dans sa pièce du joueur, et je lui en fais compliment. […] Si cette ligne, que j’appellerai ligne de liaison, se plie, se replie, se tortille, se tourmente, si ses circonvolutions sont petites, multipliées, rectilinéaires, anguleuses, la composition sera louche, obscure ; l’œil irrégulièrement promené, égaré dans un labyrinthe, saisira difficilement la liaison. […] Une chose d’expression forte, un démoniaque qui se tord les bras, qui écume de la bouche, dont les yeux sont égarés, sera mieux senti de la multitude qu’une belle femme nue qui sommeille tranquillement et qui vous livre ses épaules et ses reins ; la multitude n’est pas faite pour recevoir toutes les chaînes imperceptibles qui émanent de cette figure, en saisir la mollesse, le naturel, la grâce, la volupté.
A mes yeux, il n’est point d’honneur plus grand pour une intelligence humaine que de saisir et d’embrasser l’ensemble de vérités qui constituent les lois des nombres et des mondes. […] A ceux dont la pensée, subtile et ferme tout ensemble, saisit une fois et ne lâche plus ces séries et ces enchaînements de vérités immuables, un juste respect est dû. — Que s’ils joignaient à la possession de ces hautes vérités mathématiques le sentiment et la science de la nature vivante, la conception et l’étude de cet ordre animé, universel, de cette fermentation et de cette végétation créatrice et continue où fourmille et s’élabore la vie, et qui, tout près de nous et quand la loi des cieux au loin est connue, recèle encore tant de mystères, ils seraient des savants plus complets peut-être qu’il ne s’en est vu jusqu’ici, quelque chose, j’imagine, comme un Newton joint à un Jussieu, à un Cuvier, à un Gœthe tout à fait naturaliste et non plus seulement amateur, à un Geoffroy Saint-Hilaire plus débrouillé que le nôtre et plus éclairci. — Que s’ils y ajoutaient encore, avec l’instinct et l’intelligence des hautes origines historiques, du génie des races et des langues, le sentiment littéraire et poétique dans toute sa sève et sa première fleur, le goût et la connaissance directe des puissantes œuvres de l’imagination humaine primitive, la lecture d’Homère ou des grands poèmes indiens (je montre exprès toutes les cimes), que leur manquerait-il enfin ? […] Il était fier, et avec raison, de cette découverte : « Auparavant, disait-il, les chimistes ressemblaient à des architectes qui, pour connaître un édifice, auraient commencé par le démolir et auraient prétendu ensuite juger de sa structure intérieure d’après la nature, le nombre et le poids des matériaux bruts, au lieu que maintenant, dans bien des cas, on peut saisir la constitution intime des corps sans les endommager, et distinguer les propriétés essentielles des particules mêmes en situation. » — Se plaignant que les chimistes tardassent trop à user de ce nouveau moyen d’investigation délicate : « Les chimistes ne sont que des cuisiniers, disait-il encore ; ils ne savent pas tirer parti de l’admirable instrument que je leur ai mis entre les mains. » Mais, enfin, il y eut de jeunes et habiles chimistes qui en essayèrent et qui donnèrent à M. […] Biot, visiblement ému, le saisit par le bras et lui dit : « Mon cher enfant, j’ai tant aimé les sciences dans ma vie que cela me fait battre le cœur. » C’est en vertu de l’observation de M.
Ses renseignements, les faits qu’il cite, pris de tous côtés, font que ses créatures sont plutôt des types que des individus, sont plus instructives que vivantes, plus générales et diffuses que particulières, sont plutôt les exemples d’un genre que des individus saisis et étudiés à part. […] Dans un cheval blanc promené le soir aux lumières dans un manège, il saisit « un flottement de soie au milieu duquel s’apercevaient des yeux humides ». […] Grâce aux infinies ressources de son style et au biais particulier de sa manie observante, il est parvenu à saisir quelques-uns des faits profonds et obscurs de notre vie cérébrale. L’organisation de ses sens et de son style, ressemble à ces instruments infiniment complexes mais infiniment sensibles de la physique moderne qui saisissent des phénomènes et permettent des approximations inconnues aux anciennes machines.
Il est de la nature de l’homme de ne sympathiser qu’avec les choses qui ont des rapports avec lui, et qui le saisissent par un certain côté, tel, par exemple, que le malheur. […] Milton a saisi cette idée, lorsqu’il représente les anges consternés à la nouvelle de la chute de l’homme ; et Fénélon donne le même mouvement de pitié aux ombres heureuses.
Une facilité acquise par des expériences réitérées, à saisir le vrai ou le bon, avec la circonstance qui le rend beau, et d’en être promptement et vivement touché. […] C’est elle qui fait souvent entrer dans son calcul subtil des éléments que la géométrie de l’Académie ne saurait saisir.
En un sens Racine resserra le domaine de la tragédie : il ne crut point suffisant, comme Corneille, de présenter des caractères ; il estima nécessaire de les saisir dans la passion, et même dans une crise aiguë de passion. […] On s’est étonné de certaines affinités qu’on a saisies entre la tragédie de Racine et la comédie de Molière : rien de plus naturel. […] d’Hermione, le Seigneur, vous changez de visage, de Monime, le Sortez d’Hermione, voilà le sublime de Racine, des mots de situation, terribles ou pathétiques par les causes qu’on saisit et par les effets qu’on pressent. […] Mais quand il s’inspire des historiens, c’est là qu’il faut saisir l’opposition des deux génies. […] Il est poète, et dans toutes les actions qu’il met en scène, il saisit une puissance poétique qu’il dégage.
Une œuvre a de l’unité, si les parties qui la composent sont en nombre assez restreint pour que l’esprit les embrasse toutes ensemble d’une seule vue, si ces parties ont entre elles assez d’affinité pour qu’il en saisisse aisément la liaison, si enfin les impressions qu’elles font sur lui ne sont pas diverses au point de se contrarier et de s’annuler. […] Elle n’est point matérielle, mais idéale : elle ne consiste pas dans la répétition indéfinie d’une seule note, dans l’extension indéfinie d’une seule couleur, dans le développement indéfini d’une seule passion ; elle est dans le rapport, dans l’harmonie que l’auteur établit et que le public saisit entre les notes, les couleurs, les passions différentes. […] Quand les idées se succéderont, nombreuses et pressées, ne restant devant les yeux que le temps justement nécessaire pour en être bien reconnues et cédant la place à l’instant qu’on les a saisies, le mouvement sera vif, et le discours sera bref ; si chacune d’elles, au contraire, est retenue en scène, tournée et retournée sous tous ses aspects, le mouvement sera lent et le discours sera ample.
Ils savent que rien n'est beau que le vrai ; que chaque chose doit être revêtue des couleurs qui lui sont propres ; que trop de faste dans le style est une preuve certaine de la stérilité de l'esprit ; que le naturel seul a droit de plaire, de saisir, de toucher. […] Il vous dira qu' il doit gouverner comme la Nature, par des principes invariables & simples, bien organiser l'ensemble, pour que les détails roulent d'eux-mêmes ; qu'il doit, pour bien juger d'un seul ressort, regarder la machine entiere, calculer l'influence de toutes les parties les unes sur les autres & de chacune sur le tout, saisir la multitude des rapports entre les intérêts qui paroissent éloignés ; qu'il doit faire concourir les divisions même à l'harmonie du tout, veiller sans cesse à retrancher la somme des maux qu'entraînent l'embarras de chaque jour, le tourment des affaires, le choc & le contraste éternel de ce qui seroit possible dans la Nature & de ce qui cesse de l'être par les passions *. […] L'indulgence est devenue pléniere, dès qu'il s'est montré digne d'être admis in illo docto corpore, d'en saisir l'esprit & d'en adopter le terrible langage.
L’Abélard saisira le Rémusat comme le mort saisit le vif, ou plutôt comme le vif saisit le mort, — car c’est ici le mort qui est le vivant !
Les œuvres de Villon, pour nous, malgré tant de commentaires, de conjectures érudites et ingénieuses, sont et resteront pleines d’obscurités ; elles ne se lisent pas couramment ni agréablement ; on voit l’inspiration, le motif ; on saisit les contours, mais à tout moment le détail échappe, la ligne se brise, la liaison ne se suit pas et fuit. […] je vois le moment où tout cela vous sera compté à plus grand honneur que si vous aviez mieux conduit votre talent et mis en œuvre tout votre généreux esprit ; et nos neveux diront en vous lisant : « Tant pis pour nous, là où nous ne saisissons pas ! […] Pour Villon, ç’a été une manière de distribuer bien des malices et des épigrammes à ses ennemis, de bonnes paroles à ses amis et quelques-uns des objets qui lui avaient appartenu, dont ils avaient la signification et le secret, et qui à eux seuls, si on saisissait bien son intention, raconteraient toute sa vie : mais là encore l’épigramme, la contrevérité et la farce, on l’entrevoit, se glissent à chaque ligne, et ce qu’il lègue repose bien souvent sur les brouillards de la Seine. […] Très heureusement pour Villon, il naquit vers ce temps-là une princesse qu’on croit être Marie d’Orléans, fille de Charles d’Orléans le poète : le prisonnier, pour qui l’appel n’était qu’un répit, saisit l’occasion aux cheveux, célébra l’illustre naissance et obtint sa grâce. […] Campaux qui a veillé et pâli sur cette œuvre gothique bizarre, et qui a pu y saisir un secret et un art de composition qui n’y paraît pas d’abord ; il va même jusqu’à y remarquer trois inspirations bien distinctes et comme trois époques.
D’ailleurs on ne saisit rien dans ses origines qui soit de nature à éclairer son talent. […] Cette géométrie première, qu’il poussera plus tard jusqu’à la science, lui servit de tout temps à mieux saisir les disproportions et les désaccords ; il eut de bonne heure, comme on dit, le compas dans l’œil. […] J’ai entendu l’un des hommes qui l’apprécient le mieux regretter qu’il eût été ainsi accaparé, saisi comme au collet par la nécessité. […] le crayon de Gavarni est innocent, il est pur et innocent de toute attaque et injure personnelle ; cet homme, si habile à saisir le ridicule, ne fit jamais de caricature Contre personne. […] Après La Fontaine, après nos vieux conteurs, après les fabliaux, Gavarni a fait, sans réminiscence aucune, sa série toute moderne, saisie sur le vif, d’après nature.
Une sorte d’impatience l’a saisi : d’autres se contentent encore de publier leur pensée, il veut réaliser la sienne, et voilà pourquoi il fait une propagande effrénée. […] C’est un charme de l’entendre causer librement, avec son infatigable curiosité, son universelle intelligence, avec son esprit pétillant, ce don étonnant qu’il a de saisir des rapports inattendus, ingénieux ou cocasses, avec ses passions aussi toujours bouillonnantes et débordantes, qui ne laissent pas un instant refroidir les choses sous sa plume. […] On pouvait railler ses prétentions de propriétaire, la fierté avec laquelle il montrait son haras, son troupeau, ses taureaux, ses charrues : mais on était saisi de son ardeur de réformes, de sa fièvre d’améliorations, de sa bienfaisance épandue largement. […] Mais tandis que le mathématicien convertit ses formules sous nos yeux, et nous conduit à sa conclusion par une suite de propositions constamment évidentes, Voltaire supprime les intermédiaires ; il substitue brusquement la vérité connue à la proposition non démontrée, l’absurdité sensible à la proposition non réfutée ; et il nous laisse le soin de saisir l’équivalence des termes de chaque couple. […] Il ne saisissait pas le rapport de l’idée métaphysique de Dieu au Dieu réel et sensible des humbles d’esprit, qui ne raisonnent guère, mais qui aiment et qui espèrent.
C’est ce qu’il est intéressant pour nous de saisir. […] Quand on saisit Mirabeau dans ce développement intermédiaire, dans la plupart de ses écrits et de ses pamphlets, on le trouve inégal, inachevé, indigeste, et on en triomphe aisément. […] Mais ici la croyance et l’âge des adversaires lui fournissaient un ressort puissant à mouvoir, et, aussi sûrement que s’il en avait eu le principe en lui-même, il s’en est saisi. […] Il disait encore de lui, après l’espèce de réconciliation de 1781 : Tandis que mes amis, que son étrange réputation et son talent pour faire peur avaient effarouchés, l’étaient au point de me croire mort seulement à son approche, je n’ai trouvé que ce que j’avais laissé : de l’esprit autant qu’il est possible d’en avoir ; un talent incroyable pour saisir toutes les surfaces, et rien, rien du tout dessous ; et, au lieu d’âme, un miroir qui prend passagèrement toutes les images qu’on lui présente et n’en conserve pas le moindre souvenir. […] Il ne s’applique rien, mais saisit tout… De quelque art, science, littérature, antiquité, connaissance et langue quelconque que vous lui parliez, il en sait trois fois plus, enlève tout, brouille tout, mais il affirme avec une sécurité et une chaleur qui en imposent… Bon diable au demeurant, et, au fond, n’étant qu’un fantôme en bien comme en mal.
Aussi, pour Guyau, la métaphysique même est une expansion de la vie, et de la vie sociale : c’est la sociabilité s’étendant au cosmos, remontant aux lois suprêmes du monde, descendant à ses derniers éléments, allant des causes aux fins et des fins aux causes, du présent au passé, du passé à l’avenir, du temps et de l’espace à ce qui engendre le temps même et l’espace ; en un mot, c’est l’effort suprême de la vie individuelle pour saisir le secret de la vie universelle et pour s’identifier avec le tout par l’idée même du tout. La science ne saisit qu’un fragment du monde ; la métaphysique s’efforce de concevoir le monde même, et elle ne peut le concevoir que comme une société d’êtres, car, qui dit univers, dit unité, union, lien ; or, le seul lien véritable est celui qui relie par le dedans, non par des rapports extrinsèques de temps et d’espace ; c’est la vie universelle, principe du « monisme », et tout lien qui unit plusieurs vies en une seule est foncièrement social1. […] Pour bien comprendre un artiste, dit Guyau, il faut se mettre « en rapport » avec lui, selon le langage de l’hypnotisme ; et, pour bien saisir les qualités de l’œuvre d’art, il faut se pénétrer si profondément de l’idée qui la domine, qu’on aille jusqu’à l’âme de l’œuvre ou qu’on lui en prête une, « de manière à ce qu’elle acquière à nos veux une véritable individualité et constitue comme une autre vie debout à côté de la nôtre. » C’est là ce que Guyau appelle la vue intérieure de l’œuvre d’art, dont beaucoup d’observateurs superficiels demeurent incapables. […] C’est s’arrêter à la superficie des choses que d’y voir seulement des effets à saisir et à rendre, de confondre la nature avec un musée, de lui préférer même au besoin un musée. » Le grand art est celui qui traite la nature et la vie « non en illusions, mais en réalités », et qui sent en elles le plus profondément « non pas ce que l’art humain peut le mieux rendre, mais ce qu’il peut au contraire le plus difficilement traduire, ce qui est le moins transposable en son domaine. […] Pour sentir le printemps, il faut avoir au cœur un peu de la légèreté de l’aile des papillons, dont nous respirons la fine poussière répandue en quantité appréciable dans l’air printanier11. » L’art, étant ainsi presque synonyme de sympathie universelle, consiste à saisir et à rendre l’esprit des choses, « c’est-à-dire ce qui relie l’individu au tout et chaque portion du temps à la durée entière ; » mais ce rapprochement entre la grande vie répandue à l’infini et la vie humaine ne s’opérera qu’en écartant les limites, élevées par l’individualité, au besoin en brisant ce que l’individualité a d’exclusif et d’égoïste.
Au-dessous de Jupiter sévère, je vois un scélérat qu’on se prépare à lier ; il est désespéré, il regarde la terre, il se frappe le front du poing. à côté de ce brigand, car il en a bien l’air, un jeune homme qui lui a saisi le bras, qui tient une chaîne de sa main gauche, et qui serre si fort cette chaîne qu’on dirait qu’il craint plus qu’elle ne lui échappe que son coupable. […] Celui-ci saisit son enfant et l’enlève de son berceau.
Perdu dans l’abstraction où ils se perdent tous, il a dédaigné de regarder cette tête de l’homme, qui s’est déformé en tombant et dont les facultés, devenues inaptes à saisir la vérité d’une prise souveraine, ne font plus pour la prendre que de gauches mouvements. Il n’a vu ni le dehors ni le dedans de ce Condamné politique de Dieu, en prison dans ses organes et en prison sur sa mappemonde, ce double pénitentiaire parfaitement construit, avec ses climats et ses langues, qui, à lui seul, dirait la faute, quand l’Histoire, plus certaine que la Philosophie, ne nous la dirait pas, et il a eu la prétention superbe, froide, mais naïve, de pénétrer les essences, de saisir l’absolu dans sa notion la plus précise et la plus profonde, de construire enfin ici-bas scientifiquement la vérité (je parle sa langue, non la mienne). […] Pourquoi prenez-vous à partie, entre tous, ce grand mystère d’une religion qui a fait une vertu, pour l’homme orgueilleux, de la résignation au mystère et qui l’a condamné à la foi obéissante, si ce n’est pour faire preuve de la possibilité de saisir tout mystère sous une forme scientifique, et de l’exposer à ce que vous appelez le jour ?
L’homme ne joue guère de rôle dans cette manière d’envisager les lieux et de les reproduire : le groupe d’usage n’y est pas ; la pastorale et l’élégie y sont sacrifiées ; point de ronde arcadienne autour d’un tombeau ; point de couples épars et de nymphes folâires et d’amours rebondis ; point de kermesse rustique, de concert en plein air ou de dîner sur l’herbette ; pas même de romance touchante, ni de chien du pauvre, ni de veuve du soldat : c’est la nature que le peintre embrasse et saisit ; c’est le symbole confus de ces arbres déjà rouillés par l’automne, de ces marais verdâtres et dormants, de ces collines qui froncent leurs plis à l’horizon, de ce ciel déchiré et nuageux, c’est l’harmonie de toutes ces couleurs et le sens flottant de cette pensée universelle qu’il interroge et qu’il traduit par son pinceau. […] Huet en a profité d’avance ; dans sa manière d’envisager et de peindre la nature, il serait tombé tout à fait d’accord avec Hoffmann et avec le petit Maltais ; voici le passage : « Saisir la nature dans l’expression la plus profonde, dans le sens le plus intime, dans cette pensée qui élève tous les êtres vers une vie plus sublime, c’est la sainte mission de tous les arts.
La causerie élégante de M. de Ségur se joue tour à tour sur des riens qu’elle relève, sur des sujets sérieux qu’elle égayé, ramène soigneusement toutes choses au ton de la bonne compagnie, et, à l’image de cette société passée qu’elle retrace, confondant le grave et le léger dans une même nuance d’agrément, n’offre qu’une superficie uniformément brillante et polie où il est difficile de rien saisir. […] Saisi du désir de le soulager, il s’élance de voiture, en habit de bal, arrête le brancard, magnétise le patient, malgré des torrents de pluie, aux yeux des porteurs étonnés, et, quand, fatigué du peu de succès de sa ferveur, il les interroge sur la maladie du pauvre homme, il reçoit pour toute réponse : « Malade !
On pourroit seulement lui reprocher d’avoir trop dirigé les essors de sa Muse vers l’admiration ; mais s’il subjugue trop despotiquement l’esprit, il a tant de ressort dans l’action, une marche si aisée, si imposante, si ferme, si rapide ; ses intrigues sont si habilement ménagées, conduites avec tant de dextérité, terminées par une explosion (qu’on nous passe ce terme) si lumineuse, si frappante, que la terreur & la pitié qui naissent au gré du Poëte & saisissent le Spectateur, ne sont jamais affoiblies par le sentiment de l’admiration. Il est inutile de s’étendre davantage sur cet étonnant Génie ; ce n’est qu’à la représentation ou à la lecture qu’un homme de goût peut en saisir les nuances & en découvrir les riches beautés.
Notre poète, au contraire, avec cette heureuse idée d’une Croisade contre les mœurs contemporaines, a fait poser devant lui une société tout entière, et l’a saisie par tous ses vices et tous ses ridicules, comme le terrible chêne saisit par les cheveux Absalon !
Il fallait donc essayer de saisir Dieu dans les apparences dont la raison est juge. […] Il a l’art surtout de les saisir en profondeur. […] Les choses qu’on lit ailleurs, dans Montaigne même, sans y faire grande réflexion, ni y apercevoir grande conséquence, prennent, lorsqu’il les rend, presque dans les mêmes termes, une gravité, une portée qui saisissent l’esprit : par un mot, ou même par l’insaisissable frémissement de sa phrase, on sent qu’il y voit un monde, et on se dispose à l’y voir avec lui. […] Et voilà tout ce que sa raison en effet peut se flatter de saisir. […] Ici d’amples raisonnements, là un mot saisissent l’imagination frissonnante.
Il faut la saisir. […] Il saisit le rapport constant entre la fuite du monde et l’immobilité de Dieu. […] Elle est là, je vais la saisir. […] comme me saisit sa demande ! […] Aussi son impatience est-elle saisie de modestie.
Mais l’esprit humain est ainsi fait, qu’il ne peut saisir les objets que quand ils s’offrent à lui sous des formes déterminées, discontinues, quand ils présentent des caractères suffisamment tranchés. […] L’œil saisit non-seulement la couleur, la grandeur et la forme, mais la distance dans l’espace, le mouvement, son espèce, sa direction, sa rapidité. […] Tous deux consistent à saisir des ressemblances et des différences, seulement le savant en aperçoit des centaines, des milliers, là où l’enfant et l’animal n’en voient qu’un petit nombre. […] Les rapports qu’il saisit, ajoute, transforme, compare, sont homogènes. […] Mais, en se simplifiant, le procédé reste identique et consiste toujours à saisir des égalités.
Et si on saisit du premier coup la différence du rouge et du bleu sur le fond blanc, n’est-ce pas que toutes ces sensations co-existent ? […] En fait, nous ne pouvons saisir, comme élément du temps, qu’une durée ayant déjà une grandeur. […] Nous saisissons le rythme, le retour régulier des mêmes sons sans les aligner sur une ligne ; un prolongement de silence entre les sons se fait immédiatement sentir. […] Une simple conception est elle-même un complexus de sensations possibles et, pour saisir ce complexus, il faut embrasser les parties dans un même regard intérieur. […] Nous étendons la main, et l’espace s’ouvre devant nous, l’espace que des yeux immobiles ne pourraient saisir avec la succession de ses plans et la multiplicité de ses dimensions.
Ce qu’il connut bien vite, ce qu’il goûta et saisit aisément du xviiie siècle, ce fut le côté mondain, la façon spirituelle, sceptique, convenable toujours, l’aperçu vif, court, net, délibéré, léger quelquefois, sensé en courant, moqueur avec grâce ; en un mot, M. […] quelle révélation, pour qui sait les saisir, sur les secrets de naissance de la pensée littéraire ! […] Villemain afin de bien saisir ce qui était derrière, l’idée et le sens du discours n’en souffraient jamais. […] Pour nous, aux yeux de qui Byron, si nettement saisi par M. […] Ce n’était ni verve ni saillie éblouissante, mais quelque chose de plus doux ; une pensée perpétuelle sans effort, de l’animation sans fumée ni flamme, la proportion juste des idées, chaque objet saisi à son point et avec détachement, tout le nonchaloir des loisirs.
Au dernier terme, il ne faut plus à Ney qu’un effort pour saisir la victoire ; les lignes anglaises sont trouées ou ébranlées de toutes parts ; la première ligne, la seconde est rompue, il ne reste à percer que la troisième et dernière ; un peu d’infanterie déciderait tout : Ney en fait demander en toute hâte à Napoléon par son aide de camp Heymès. « De l’infanterie ! […] Et voici que la réserve de grosse cavalerie de la garde, entraînée elle-même par le mouvement de Kellermann, saisie à son tour de je ne sais quel élan vertigineux (ô noble malheur d’une armée trop électrisée ce jour-là !) […] On saisit à merveille ces moments où l’action de Napoléon, libre alors et non plus partagé, s’ajoutant à l’impétuosité de Ney qui avait poussé les choses à l’extrême, penchant sur le plateau, eût tout renversé et achevé Grouchy, par son absence totale, fut le seul auteur de la perte.
On y saisit bien à son point de départ et à son origine la moderne école philosophique qui est devenue plus tard l’éclectisme, et qui n’était encore à ce moment que le spiritualisme. […] En revoyant cette première partie du Cours ainsi rajustée et heureusement rajeunie, on pouvait se demander si les leçons de 1828-1829, que nous possédons saisies et fixées par la sténographie, mais saisies au vol et dans toute la rapidité de l’improvisation, si ces leçons, jusqu’ici très-goûtées et plus que suffisantes, n’allaient pas souffrir quelque peu du voisinage et réclamer de l’auteur une retouche légère à leur tour.
Elles voient les morceaux de blanc d’œuf qu’on leur jette, les suivent, les saisissent ; elles luttent avec les carpes intactes pour happer ces morceaux. […] Lorsqu’un bras séparé du corps est disséqué par l’anatomiste, si on voyait les doigts saisir le scalpel, le repousser, ou le pouce essuyer l’acide irritant, pourquoi demande Lewes, refuserait-on d’admettre que les centres du bras sentent, quoique ie cerveau et l’homme ne sentent pas ? […] — Puisque tout sent en nous, diront les partisans de l’inconscient, comment expliquer les cas d’apparente inconscience, où notre moi ne saisit plus rien ?
C’est, dit-il, ce qui l’a saisi le plus dans sa vie. […] L’infini dans le clair est bien autrement sublime et prodigieux que l’infini dans l’obscur. » On vient de supprimer, à l’École des Beaux-Arts, le grand prix de paysage, et l’on a bien fait : en fait de paysages, les comparaisons sont impossibles ; les plus humbles, les plus inattendus, les plus agrestes sont souvent ceux qui plaisent le plus : et cependant il y a une grandeur dans l’éclat qu’il n’appartient qu’aux vrais maîtres de savoir saisir, et dans cette belle page le peintre a tout réuni. […] Un vrai couplet à mettre en musique par Mozart. — Théophile Gautier a dû à Grenade et à son ciel enchanté des heures de mélancolie, — « d’une mélancolie sereine bien différente de celle du nord. » Le poète plastique, tout occupé de « donner une fête à ses yeux », et leur recommandant de bien saisir chaque forme, chaque contour des tableaux qui se développaient devant eux et qu’ils ne reverraient peut-être plus, s’y révèle avec une vivacité de sentiment et d’émotion qui témoigne d’une organisation particulière. […] En présence du Parthénon, du temple d’Érechthée, de ces immortels débris d’un art qui fait comme partie de la nature, de ces montagnes pas trop hautes, de cet horizon aux lignes sobres et parfaites, il fut saisi par un sentiment d’harmonie et de proportion.
Perrot934, qui — je laisse toujours le mérite spécial — nous fait voir dans ses expressions artistiques le mouvement général des civilisations anciennes, et saisir la vie même des siècles lointains dans tous les débris qu’elle a laissés, depuis le temple ou la forteresse jusqu’aux bijoux et aux vases ; c’est aussi comme une ample leçon d’esthétique expérimentale. […] Sorel938, où les faits bien choisis, bien contrôlés, bien évalués, conduisent d’eux-mêmes la réflexion du lecteur à saisir les états moraux collectifs ou individuels qui s’y révèlent. […] Toutes les précautions que ce loyal esprit a prises pour éviter le parti-pris, les vues étroites ou exclusives, pour saisir toutes les parties et manifester tous les aspects de la vérité, ont donné le change aux esprits superficiels ou prévenus : en même temps que notre grossière façon d’entendre l’opposition théorique de la science et de la foi nous faisait mal juger tous ces fins sentiments, ces expansions affectueuses ou enthousiastes, qui se mêlaient sans cesse chez Renan aux affirmations du déterminisme scientifique. […] Cependant, je saisis trois traces de son passage : c’est d’abord la curiosité si universellement éveillée sur les choses religieuses, le goût des artistes et du public pour les restitutions des plus singuliers effets de la foi, pour les analyses psychologiques de la sainteté ou de la dévotion.
Ainsi Droz fera de tout temps ; il essaie de rapprocher et de concilier tant qu’il peut ; il est plus enclin à saisir les rapports qui unissent les hommes, que les oppositions qui les séparent. […] Les différentes phases de l’opinion publique sont saisies avec finesse et rendues avec assez de vivacité. […] En 89, un enthousiasme, une illusion presque universelle saisit les esprits et les emporta au-delà du but : ceux qui résistaient aux réformes y opposaient des colères non moins vives, non moins exagérées que l’étaient les ambitions et les prétentions des autres. Dans ce conflit ardent, il y eut sans doute des moments qui eussent été décisifs si un homme puissant s’était rencontré pour les fixer au passage et les saisir.
Bref, le comte de La Blache, usant de toutes sortes de moyens, gagne son procès, fait saisir les meubles du prisonnier, le ruine de frais, et Beaumarchais se voit, en deux mois de temps, « précipité du plus agréable état dont pût jouir un particulier, dans l’abjection et le malheur : Je me faisais honte et pitié à moi-même », dit-il. […] Le courage de se rompre ainsi, m’a toujours paru un des plus nobles efforts dont un homme de sens pût se glorifier à ses yeux. » Un fait singulier et des plus minces fut l’ouverture qu’il saisit pour rentrer dans ses avantages et reconquérir, à force d’adresse et de talent, tout ce qu’il avait perdu. […] C’est, dis-je, de cette extrémité d’oppression et d’abattement que Beaumarchais se relève et qu’il se remet en campagne la plume à la mainc, s’adressant cette fois par quatre Mémoires consécutifs à l’opinion et au public, qu’il a l’art de saisir et de passionner. […] Pendant ce temps-là le Parlement Maupeou croulait ; on jouait Le Barbier de Séville à Paris ; Beaumarchais, relevé de son jugement avec pompe, saisissait tous les à-propos, toutes les occasions de faire bruit et fortune, épousait les causes à la mode, devenait l’approvisionneur et le munitionnaire général des États-Unis insurgés, et entrait, le vent en poupe et toutes voiles dehors, dans cette vogue croissante qui ne s’arrêta plus qu’après Le Mariage de Figaro.
Et nous-même, bien qu’il ne se soit pas confessé à nous, il nous semble que nous saisissions le rapport, et qu’à travers tant de contrastes nous puissions aussi dénoncer les humaines ressemblances. […] Il connut de bonne heure Bossuet et s’était lié avec lui sur les bancs des écoles : « Il eut le bonheur, dit M. de Chateaubriand, de rencontrer aux études un de ces hommes auprès desquels il suffit de s’asseoir pour devenir illustre. » Le biographe s’est laissé aller à être modeste pour l’humble héros : Bossuet, on le verra tout à l’heure, s’exprimera plus librement ; c’est lui qui revendiquerait pour lui-même le bonheur et l’honneur de s’être assis à côté de Rancé, de cet homme dont il ne parlait jamais sans être saisi d’une admiration sainte. […] Le scrupule d’expiation en vue de l’éternité, le vœu ardent de la pénitence le saisit. […] Une partie de l’Ordre de Citeaux s’était réformée, et prétendait assez naturellement échapper à la juridiction du général qui n’admettait pas cette réforme ; mais il y avait là aussi une question de régularité et de discipline ; Rome était saisie de l’affaire et paraissait, selon son usage, plus favorable à la chose établie qu’à l’innovation, même quand cette innovation pouvait n’être dite qu’un retour. […] S’il était permis, sans rien profaner, de saisir l’ensemble et de tout mettre en compte dans le tableau, nous dirions que cette heure de 1672 fut sans doute la plus complète d’un règne si merveilleux.
David, berger et roi I La poésie lyrique est donc, dans tous les pays et dans toutes les langues, la manifestation de ce besoin mystérieux de chanter qui saisit l’âme toutes les fois que l’âme est saisie elle-même par ces fortes émotions qui tendent les fibres de l’imagination jusqu’à l’inspiration ou jusqu’à ce délire, délire poétique, religieux, amoureux, patriotique. […] » VIII Pendant que cela se passait à Bethléem, à l’insu de Saül et de l’armée, le roi est saisi d’un de ces accès de démence que la musique seule, ce remède de l’âme, a le don de calmer. […] » XIII Saisi d’un accès de son mal sur la route, il veut frapper de sa lance le jeune harpiste qui chante et qui joue de son instrument auprès de sa couche. […] Une seconde fois Saül, saisi d’une fureur réelle ou simulée, pendant que son poète l’endort aux sons de ses vers et de sa harpe, cherche à le percer de sa lance.
V C’était le 8 avril 1492 ; le désespoir saisit ses concitoyens. […] Un accès de démence parut avoir saisi le peuple et les moines. […] Alexandre, dans l’étreinte, mordit le doigt de Lorenzino avec tant de fureur que Scoroncocolo, craignant de blesser son complice en le secourant, saisit son couteau et égorgea le prince ; il n’apprit qu’alors que c’était le grand-duc qu’il venait de tuer ; il resta anéanti de son crime et de son danger. […] C’était une illusion, si vous voulez, mais de temps en temps l’humanité est saisie d’une de ces manies générales qui deviennent la passion du moment ; la plus populaire est celle qui la sert le mieux. […] » se mit-il à dire, et soulevant avec peine ses bras presque sans force, il me saisit et me serra les deux mains.
Quand Achille, furieux du rapt de Briséis « aux belles joues », tire son glaive et veut le tuer, Pallas descend tout exprès du ciel, et le saisit aux cheveux, comme pour le détourner d’un crime de lèse-majesté. […] Et le père lui-même, après l’invocation, ordonna aux sacrificateurs de la saisir comme une chèvre, et de l’étendre sur l’autel, enveloppée de ses vêtements et la tête pendante, et de comprimer sous un bandeau sa belle bouche, pour étouffer les mots funestes qu’elle aurait pu dire. — Tandis qu’elle versait sur la terre son sang couleur de safran, d’un trait de ses yeux elle saisit de pitié les sacrificateurs, belle comme dans les peintures ; et on voyait qu’elle voulait leur parler, comme aux jours où elle charmait par ses douces paroles les riches festins paternels. […] La chose va se faire : la voilà déjà qui allonge le bras, saisit de la main ! […] Mais sans doute Iphigénie, sa fille, viendra, comme il convient, au-devant de son père, avec un tendre baiser, sur la rive du Fleuve des douleurs, et elle le serrera dans ses bras. » Entre ces fureurs et ces ironies, un sombre enthousiasme saisit Clytemnestre ; elle se proclame surhumaine par l’excès même de son crime, irresponsable à force d’être atroce.
L’ardeur de la passion ne s’explique pas plus que le principe de la vie ; elle meurt de même, avant d’être saisie par le scalpel qui la cherche. […] « Les nations l’ont appris, et elles ont tremblé ; l’angoisse a saisi les Philistins ; ils ont tressailli, les chefs d’Édom et les princes des Moabites ; et tous ceux de Chanaan se sont pâmés d’effroi. […] « Comprenez aujourd’hui ces vérités, vous qui oubliez Dieu ; et craignez que je ne vous saisisse, et qu’il n’y ait personne pour vous délivrer. […] La continuité du sublime serait une extase plus forte que la vie terrestre, comme le témoigne parfois l’apparition trop courte d’une de ces âmes élevées, délicates, brûlantes, que la foi divine a saisies et qu’elle consume. […] Pour nous, tâchons seulement ici de ne pas détruire par l’expression ce que l’âme seule peut rendre, ce que l’âme seule peut saisir, ce qu’a senti le Prophète, devant la chute du roi de Babylone.
Cette démence sacrée, cette sainte fureur qui saisit les hommes ou les dieux et qu’exprime le mot μέμηνεν, se change en ce terme burlesque de fou qui tombe à la fin du vers, comme dans cette ballade du fou de Tolède, de Victor Hugo, où du moins l’effet est à sa place. […] — Le procès d’embauchage par le parti légitimiste (voir les Débats du 30 août) a révélé de curieux détails ; les lettres saisies chez le duc d’Escars et produites au procès en sont la partie la plus intéressante, et on peut croire que, même pour le ministère public, le fond de l’affaire n’a servique de cadre à la production de ces lettres.
Tandis que la tradition burlesque régnait presque souverainement sur la scène italienne, et que les types, inventés une fois pour toutes, y reproduisaient chaque ridicule dans son expression générale, nos bouffons ne perdaient pas l’habitude de regarder autour d’eux, de peindre sur le vif un caractère particulier, de saisir l’actualité au passage, d’exercer enfin l’esprit observateur et satirique propre à la nation. […] Sur ces entrefaites, la femme s’était saisie subitement d’un coffret sur lequel elle se tenait assise ; le commissaire, l’ayant avisée, lui fait commandement de se lever de par le roi, et leur en fait faire l’ouverture.
La Sibylle touche, saisit l’Esprit, elle en est surprise : Le dieu ! […] Le grand-prêtre des Hébreux, prêt à couronner Joas, est saisi de l’esprit divin dans le temple de Jérusalem : Voilà donc quels vengeurs s’arment pour ta querelle !
Au moment où la vérité semble près de se laisser saisir, l’image pâlit, s’efface, son rôle est fini, elle disparaît. […] La puissance de l’homme aux prises avec la puissance du sort, tel est le spectacle qui a saisi et inspiré le génie dramatique de Shakespeare. […] Devant une statue ou un tableau, le spectateur reçoit d’abord, du sculpteur ou du peintre, l’impression première qui le saisit ; mais c’est à lui-même à continuer ensuite l’ouvrage. […] Cependant ces sentiments nous arrivent, nous pénètrent, et de leur existence dépend l’effet dont le poëte a voulu nous saisir. […] C’est que le poëte en a saisi la condition fondamentale, qui consiste à placer le centre d’intérêt là où se trouve le centre d’action.
D’où provient ce ravissement, cette extase qui saisit et transporte lorsqu’on entend une réponse sublime ? […] Ces erreurs m’ont fait observer que rarement les habiles prosateurs ont bien saisi le génie des habiles poètes. […] Autant une chose si délicate que le goût se laisse apercevoir, autant il l’a bien saisie. […] Nous saisirons les moyens propres à chacun d’eux. […] Malheur à qui ne fut jamais saisi par ces transports d’humanité !
Joseph Vernet, l’illustre peintre de marines, était son grand-père ; son père Carle, ga, léger, un peu frivole, mais spirituel et pétillant de calembours, était l’homme des chasses, des cavalcades, un charmant peintre d’élégances, et il avait merveilleusement saisi la verve et le brio du Directoire, comme Horace saisira plus tard l’esprit de 1812 et de 1814. […] Mais certes il n’est pas indifférent d’avoir le sentiment vrai de l’un sur l’autre, et je ne crois pouvoir mieux faire, puisqu’il s’agit de saisir en courant la première manière d’Horace, que de donner le premier et instinctif jugement de M. […] La réalité a aussi sa noblesse, et il faut savoir la saisir.
Une jeune fille qui sort pour la première fois du couvent où elle a passé toute son enfance ; un beau lord élégant et sentimental, comme il s’en trouvait vers 1780 à Paris, qui la rencontre dans un léger embarras et lui apparaît d’abord comme un sauveur ; un très-vieux mari, bon, sensible, paternel, jamais ridicule, qui n’épouse la jeune tille que pour l’affranchir d’une mère égoïste et lui assurer fortune et avenir ; tous les événements les plus simples de chaque jour entre ces trois êtres qui, par un concours naturel de circonstances, ne vont plus se séparer jusqu’à la mort du vieillard ; des scènes de parc, de jardin, des promenades sur l’eau, des causeries autour d’un fauteuil ; des retours au couvent et des visites aux anciennes compagnes ; un babil innocent, varié, railleur ou tendre, traversé d’éclairs passionnés ; la bienfaisance se mêlant, comme pour le bénir, aux progrès de l’amour ; puis, de peur de trop d’uniformes douceurs, le monde au fond, saisi de profil, les ridicules ou les noirceurs indiqués, plus d’un original ou d’un sot marqué d’un trait divertissant au passage ; la vie réelle, en un mot, embrassée dans un cercle de choix ; une passion croissante qui se dérobe, comme ces eaux de Neuilly, sous des rideaux de verdure, et se replie en délicieuses lenteurs ; des orages passagers, sans ravages, semblables à des pluies d’avril ; la plus difficile des situations honnêtes menée à fin jusque dans ses moindres alternatives, avec une aisance qui ne penche jamais vers l’abandon, avec une noblesse de ton qui ne force jamais la nature, avec une mesure indulgente pour tout ce qui n’est pas indélicat : tels sont les mérites principaux d’un livre où pas un mot ne rompt l’harmonie. […] S’il fallait se prononcer et choisir entre des productions presque également charmantes, nous serions bien embarrassé vraiment ; car si Eugène de Rothelin nous représente le talent de Mme de Souza dans sa plus ingénieuse perfection, Adèle nous le fait saisir dans son jet le plus naturel, le plus voisin de sa source et, pour ainsi dire, le plus jaillissant. […] Ces types de beaux jeunes gens mélancoliques, comme le marquis de Fargy, comme ailleurs l’Espagnol Alphonse, comme dans Eugénie et Mathilde le Polonais Ladislas, tombent volontiers dans le romanesque, tandis que le reste est de la vie réelle saisie dans sa plus fine vérité. […] Le savant éditeur n’en a peut-être pas saisi le principal caractère et le Irait distinctif, quand il y voit surtout « la candeur d’un belle âme. » Mme de Souza, femme de monde si une et si peut-être qu’on le lui donnât par contraste et opposition avec son amie Mme d’Albany ; elle eût été étonnée à coup sûr qu’on la presque à titre de témoin à décharge sur le compte de cette dernière comme au criminel.
Tout peut se comparer à tout : mais il faut bien saisir et bien montrer le rapport. […] C’est que l’adjectif monstrueux a jeté un rayon de lumière sur le participe accroupis, et l’on saisit immédiatement la comparaison de ces canons aux monstres que les Égyptiens et les Assyriens plaçaient aux portes de leurs palais. […] Alors on ne disait pas : « Mon père labourait son champ ; un soldat est venu lui saisir ses bœufs », on disait noblement : Mon père, au pied des monts Qui bordent Unterwald et que nous habitons, Ouvrait avec le soc son antique héritage ; Un soldat se présente avide de pillage, Et d’un bras forcené saisit les animaux Qui servaient à pas lents ses rustiques travaux.
Saint-Simon était doué d’un double génie qu’on unit rarement à ce degré : il avait reçu de la nature ce don de pénétration et presque d’intuition, ce don de lire dans les esprits et dans les cœurs à travers les physionomies et les visages, et d’y saisir le jeu caché des motifs et des intentions ; il portait, dans cette observation perçante des masques et des acteurs sans nombre qui se pressaient autour de lui, une verve, une ardeur de curiosité qui semble par moments insatiable et presque cruelle : l’anatomiste avide n’est pas plus prompt à ouvrir la poitrine encore palpitante, et à y fouiller en tous sens pour y étaler la plaie cachée. […] , rentre chez lui tout échauffé, et là, plume en main, à bride abattue, sans se reposer, sans se relire et bien avant dans la nuit, couche tout vifs sur le papier, dans leur plénitude et leur confusion naturelle, et à la fois avec une netteté de relief incomparable, les mille personnages qu’il a traversés, les mille originaux qu’il a saisis au passage, qu’il emporte tout palpitants encore, et dont la plupart sont devenus par lui d’immortelles victimes. […] Directement il l’avait vu très peu, et il nous en avertit : « Je ne le connaissais que de visage, trop jeune quand il fut exilé. » C’était assez toutefois à un tel peintre qu’une simple vue pour saisir et rendre merveilleusement le charme : Ce prélat, dit-il, était un grand homme maigre, bien fait, pâle, avec un grand nez, des yeux dont le feu et l’esprit sortaient comme un torrent, et une physionomie telle que je n’en ai point vu qui y ressemblât, et qui ne se pouvait oublier quand on ne l’aurait vue qu’une fois. […] On y saisit, comme si l’on y était, les habitudes de penser et de sentir, et l’accent juste de cette fine nature.
Le développement de la littérature se lie à l’histoire générale de la société française pendant ces quarante années, et la correspondance est assez facile à saisir. […] Il saisit de toute son intelligence, de tout son cœur le rôle qui lui était présenté ; et tout en lui, défauts et qualités, y servit. […] Brunetière, dont la sévère méthode, le rigoureux enchaînement de doctrine ont fortement saisi le public : sans nulle concession à la frivolité des auditeurs, il les gagne par l’ardente conviction que son action, sa voix, toute sa personne dégagent.
Car nous avons précisément restitué à l’idée ethnique toute sa puissance, nous nous appliquons d’une manière constante à saisir le sens des réalités, et nous avons constitué l’éthique la plus sûre qu’ait connue la France. […] Avant qu’ils nous l’aient bien décrite, nous n’avions pas saisi la beauté des objets dont nous sommes entourés constamment et partout. […] Même si nous avions acquis de si efficaces notions, si nous connaissions toutes les lois du monde, si nous avions soudé des systèmes innombrables, si nous avions saisi le bruissement des planètes, nous ne serions pas capables de composer de belles strophes, des peintures riches et limpides, des statues charmantes et graves, ou d’éloquentes mélodies.
Flaubert a montré le plus son genre de talent, sagace et cru jusque dans les nuances, qu’il saisit fortement et finement, comme un chirurgien pince les veines. […] Flaubert, qui doit être, sauf erreur, un incrédule, nous montre à travers un curé ridicule et stupide, rencontre au spectacle, où son mari la mène pour la distraire, ce jeune homme aimé et désiré autrefois ; et alors tous deux, ayant cessé d’être novices, se reprennent tout à coup l’un à l’autre avec la fureur du regret de ne s’être pas saisis plus tôt ! […] Elle emprunte, en effet, elle dépense, elle prend à usure, elle abuse de la procuration que la confiance de Bovary a mise entre ses mains, et lorsque tout est mangé, dévoré, englouti, qu’il n’y a plus de ressources, que les meubles de l’officier de santé sont saisis, elle se glisse furtivement chez le pharmacien, y avale de l’arsenic à poignées et meurt ; heureusement, faut-il dire, car si elle ne s’empoisonnait pas ce jour-là, un autre jour elle aurait peut-être empoisonné son mari, comme madame Lafarge.
Il nous a semblé qu’il y avait lieu de se poser le problème inverse, et de se demander si les états les plus apparents du moi lui-même, que nous croyons saisir directement, ne seraient pas, la plupart du temps, aperçus à travers certaines formes empruntées au monde extérieur, lequel nous rendrait ainsi ce que nous lui avons prêté. […] Nous atteignons le premier par une réflexion approfondie, qui nous fait saisir nos états internes comme des êtres vivants, sans cesse en voie de formation, comme des états réfractaires à la mesure, qui se pénètrent les uns les autres, et dont la succession dans la durée n’a rien de commun avec une juxtaposition dans l’espace homogène. […] Car si, par hasard, les moments de la durée réelle, aperçus par une conscience attentive, se pénétraient au lieu de se juxtaposer, et si ces moments formaient par rapport les uns aux autres une hétérogénéité au sein de laquelle l’idée de détermination nécessaire perdît toute espèce de signification, alors le moi saisi par la conscience serait une cause libre, nous nous connaîtrions absolument nous-mêmes, et d’autre part, précisément parce que cet absolu se mêle sans cesse aux phénomènes et, en s’imprégnant d’eux, les pénètre, ces phénomènes ne seraient pas aussi accessibles qu’on le prétend au raisonnement mathématique.
Saisie par eux des affaires, elle ne se réunit que pour entendre, applaudir, adopter leurs rapports et conclusions. […] Dans ce grand mouvement historique, nous n’avons pu saisir, en quelque sorte, que la formule fondamentale qui l’exprima, en la dégageant des accidents secondaires qui la compliquent et la modifient.
Le sauvage de l’Amérique, dont les sens ont été exercés dès l’enfance, excelle à saisir à travers l’immensité des forêts mille traces invisibles pour nous, à distinguer dans l’espace des bruits qui n’arrivent pas à nos oreilles ; sa pénétration est presque de la magie ; on est tenté de croire à une divination d’inspiré. […] On sait qu’Hoffmann n’excelle pas moins à peindre les manies et à saisir les ridicules des originaux, qu’à sonder les plaies invisibles des âmes égarées.
Quand on étudie quelque grand écrivain ou poète mort, La Bruyère, Racine, Molière, par exemple, on est bien plus à l’aise, je le sens, pour dire sa pensée, pour asseoir son jugement sur l’œuvre ; mais le rapport de l’œuvre à la personne même, au caractère, aux circonstances particulières, est-il aussi facile à saisir ? […] Avec ses contemporains au contraire, quelque mobile et inachevée que soit l’œuvre, quelque contraignantes que soient les convenances, si l’on a saisi la clef, une des clefs de leur talent, de leur génie, on la peut toujours laisser voir, même quand il ne serait pas séant de s’écrier tout haut : la voilà.
Nous ne parlerons pas des deux premières nouvelles, la Femme supérieure, déjà publiée dans un journal, et la Maison Nueingen, à laquelle, sans doute à cause d’un certain argot dont usent les personnages, il nous a été impossible de rien saisir. […] On rencontre un personnage, un caractère dans une situation ; il suffit, s’il n’est pas le personnage essentiel, qu’il soit bien saisi : il aide à l’effet, et on ne se soucie pas de le suivre ensuite à perpétuité dans ses recoins.
Pour bien saisir cette opposition d’esprit et de mœurs, il est nécessaire de se faire une idée juste des trois partis opposés, à commencer par celui de la cour et de la Fronde qui servirent de modèle à la multitude ; viendra ensuite l’étude de la société d’élite ; et enfin celle des précieuses. […] Mais des ambitions, des vanités de cour et des intérêts de cœur, si l’on peut donner ce nom à des relations de galanterie, se saisirent des griefs populaires.
On remarque parmi les enfants beaucoup de petits moqueurs qui saisissent bien les ridicules des grandes personnes et de leurs camarades et qui se font par là une petite royauté, comme d’autres par la force ou par l’instinct et les qualités du commandement. La Bruyère les a bien connus : « Il n’y a nuls vices extérieurs et nuls défauts du corps [de l’esprit aussi, quoique moins] qui ne soient aperçus par les enfants ; ils les saisissent d’une première vue et ils savent les exprimer par des mots convenables : on ne nomme point plus heureusement.
son intelligence, sa faculté de saisir les lois de l’univers ! […] Taine, qui croyait que par un effort de l’intelligence individuelle on saisit les lois des choses, n’a fait que raisonner et organiser des sensations qui, des cénacles romantiques jusqu’aux brasseries de Montmartre, ont été éprouvées et exprimées par tous les artistes, par les plus minables et par les plus hauts, par les rapins de Murger et par le jeune Ernest Renan.
Il avait embrassé une partie des sciences abstraites, saisi plusieurs branches de la physique, et jeté sur la nature en général, ce coup d’œil d’un philosophe, qui cherche à étendre la carrière des arts, et à y transporter, par de nouvelles imitations, de nouvelles beautés. […] Ce sont des dessins ou l’artiste n’a employé que le trait pour dessiner sa figure, et en saisir le caractère et l’attitude.
Ils naissent instruits, et ils sont plus tôt des hommes parfaits que le commun des hommes ne sort de l’enfance. » Au chapitre des Grands, il s’est échappé à dire ce qu’il avait dû penser si souvent : « L’avantage des Grands sur les autres hommes est immense par un endroit : je leur cède leur bonne chère, leurs riches ameublements, leurs chiens, leurs chevaux, leurs singes, leurs nains, leurs fous et leurs flatteurs ; mais je leur envie le bonheur d’avoir à leur service des gens qui les égalent par le cœur et par l’esprit, et qui les passent quelquefois. » Les réflexions inévitables que le scandale, des mœurs princières lui inspirait n’étaient pas perdues, on peut le croire, et ressortaient moyennant détour : « Il y a des misères sur la terre qui saisissent le cœur : il manque à quelques-uns jusqu’aux aliments ; ils redoutent l’hiver ; ils appréhendent de vivre. […] Reçu à l’Académie le 15 juin 1693, époque où il y avait déjà eu en France sept éditions des Caractères, La Bruyère mourut subitement d’apoplexie en 1696 et disparut ainsi en pleine gloire, avant que les biographes et commentateurs eussent avisé encore à l’approcher, à le saisir dans sa condition modeste et à noter ses réponses145. […] Les petites inconséquences du Tartufe, il les a saisies, et son Onuphre est irréprochable147 : de même pour sa conduite, il pense à tout et se conforme à ses maximes, à son expérience. […] On a remarqué souvent combien la beauté humaine de son cœur se déclare énergiquement à travers la science inexorable de son esprit : « Il faut des saisies de terre, des enlèvements de meubles, des prisons et des supplices, je l’avoue ; mais, justice, lois et besoins à part, ce m’est une chose toujours nouvelle de contempler avec quelle férocité les hommes traitent les autres hommes. » Que de réformes, poursuivies depuis lors et non encore menées à fin, contient cette parole ! […] Il s’ensuit un développement démesuré du détail qu’on saisit, qu’on brode, qu’on amplifie et qu’on effile au passage, ne sachant si pareille occasion se retrouvera.
La cité, serrée dans le cercle étroit de ses murs, craquait sous l’enveloppe de l’ennemi, comme un athlète saisi à bras le corps par un adversaire étouffant. […] Si la fortune les favorise, leur impudence est intolérable ; si la frayeur les saisit, le mal n’en est que plus grand pour la ville et pour la maison. […] On y voit une belle Euménide, sortie à mi-corps de l’abîme, un flambeau de fête à la main, saisir l’attelage par les rênes, comme pour introduire le héros divinisé dans le noir royaume. […] Un sourire farouche tremble sous ses pleurs, lorsqu’elle dit au mort : — « Achille aux pieds rapides a vendu tous ceux de mes fils qu’il a pu saisir, par-delà la mer stérile, et il t’a arraché l’âme avec l’airain aigu, et il t’a traîné autour du tombeau de son compagnon Patrocle qu’il ne fera point revivre. » — Hélène survient la dernière, adorablement touchante dans sa reconnaissance désolée : — « Hector, tu étais le plus cher de tous mes frères. […] On n’a pas besoin de comprendre, le cœur, saisi par l’oreille, reconnaît dans de tels accords les sons que rendent des âmes qui se brisent.
Je suis chez Charpentier à faire mes envois, au milieu de commis qui passent, à tout moment, la tête par la porte, et jettent : « C’est X… qui en a demandé 50, et qui en veut 100… Peut-on, en donner 13, à Y… Marpon réclame qu’on lui complète son 1 000… Il veut, si le livre est saisi, les avoir dans sa cachette. » Et dans l’activité, le bruit, le tohu-bohu de ce départ fiévreux, j’écris les dédicaces, j’écris plein de l’émotion d’un joueur qui masse toute sa fortune sur un coup, me demandant, si ce succès, qui se dessine d’une manière si inattendue, va être tout à coup tué par une poursuite ministérielle, me demandant, si cette reconnaissance de mon talent, arrivant avant ma mort, ne va pas être encore une fois éloignée par cette malechance, qui nous a poursuivis, mon frère et moi, toute la vie. Et à chaque tête qui passe, à chaque lettre qu’on apporte, j’attends toujours la terrible annonce : « Nous sommes saisis. » En regagnant le chemin de fer d’Auteuil, j’ai une de ces joies enfantines d’auteur, je vois un monsieur, qui, mon livre à la main, sans pouvoir attendre sa rentrée chez lui, le lit en pleine rue, sous une petite pluie qui tombe. […] Je ne suis pas encore saisi… J’entre au passage Choiseul, chez Rouquette. […] — Mais on disait, ce matin, de l’autre côté de la Seine, que vous étiez saisi, j’ai retiré le livre de l’étalage. » Partout, cependant sur mon passage, exposition du bouquin, au titre alarmant… Après tout, peut-être pensai-je, le livre est-il déjà arrêté chez Charpentier et pas encore chez les dépositaires. […] Je me figure que c’est Charpentier, qui est venu me dire, que le livre était saisi.
Théodore Leclercq était dès lors mieux occupé en se tournant tout entier du côté de la société et des observations amusantes qu’elle offre à celui qui sait les saisir. […] Jamais on n’a mieux saisi que ne l’a fait M. […] Théodore Leclercq est ainsi de saisir la comédie toute faite qui passe devant lui, de la décalquer et de l’encadrer dans des dialogues vrais, sans lui rien donner du grossissement et du relief propres au théâtre. […] Il a rendu et comme enlevé tout cela dans ses rapides esquisses avec la distinction et le bon goût de la meilleure compagnie, et de manière à plaire à ceux mêmes qu’il vient de saisir et à les provoquer à se jouer.
Pendant un temps, il fut saisi d’une admiration sans bornes pour le héros de Bender ; il s’attachait à le copier en tout. […] Un violent amour qui le saisit durant ce séjour à Châlons, et qui avait pour objet une jeune dame de la ville, vint mêler ses orages à tous ceux qui fermentaient déjà dans son cœur. […] L’incertitude et le décousu qui résulta de cette succession ou plutôt de cette absence de direction principale, n’échappa point au duc de Wellington, qui devint moins circonspect, et qui saisit le moment de combattre. […] On verra plus tard comment à Vienne, après 1830, dans une conversation familière qu’eut le maréchal avec le duc de Reichstadt, avec le fils de Napoléon, ce jeune homme de mystérieuse et pathétique mémoire saisit l’occasion de reprendre, de rectifier en quelque sorte la parole de son père, et de porter une consolation délicate dans l’âme du noble guerrier.
L’effet moral vraiment digne de ce nom, sur une scène élevée, doit sortir du spectacle même de la nature humaine observée et saisie dans le jeu varié de ses passions, dans ses misères et dans ses grandeurs, et jusque dans l’énergique naïveté de ses ridicules. […] À des degrés inférieurs, il est encore d’honorables places à saisir ; et, quoique le talent se laisse peu conseiller à l’avance, quoiqu’il appartienne à lui seul, dans ce fonds tant de fois remué, mais non pas épuisé, de l’observation naturelle et sociale, de découvrir de nouvelles formes et des aspects imprévus, qu’on nous permette d’exprimer ce seul vœu : c’est qu’il revienne enfin et qu’il s’attache désormais à étudier une nature humaine véritable, une nature saine et non corrompue, non raffinée ou viciée à plaisir, une nature ouverte aux vraies passions, aux vraies douleurs, sujette aux ridicules sincères, malade, quand elle l’est, des maladies générales, et naturelles encore, que tous comprennent, que tous reconnaissent et doivent éviter.
Il tient un brin de paille jaune et luisante à la main, et il crie qu’il a saisi un rayon du soleil ! […] Pourquoi ne chercherait-on pas à saisir le point de vue pour les tableaux poétiques, comme pour ceux qu’on trace sur la toile ?
Les caractères de notre langue y sont bien saisis. […] On a comparé les talens de nos bons écrivains à celui de nos femmes, qui, sans être plus belles que les autres femmes de l’Europe, le paroissent davantage ; parce qu’elles se mettent mieux, qu’elles ont porté plus loin l’art de la parure & saisi plus surement les graces nobles, simples & naturelles.
On croit y saisir la réalité la plus palpable, la plus sensible de l’être ; on n’atteint qu’une abstraction géométrique, l’espace. […] Ici, que saisit la conscience ? […] Quant à la réalité elle-même, pour qu’elle la saisit également, il faudrait qu’elle pénétrât jusqu’à l’être lui-même, sujet et cause des actes qu’elle perçoit. […] Si le sentiment ne prouve rien, si la conscience est impuissante à saisir la réalité elle-même, l’homme perd ou voit s’affaiblir sa notion d’être moral. […] Il est vrai que l’homme ne sent tous ces attributs de son être que dans les actes qui les manifestent, que la conscience est le sentiment du moi en action ; mais ce serait abuser d’une abstraction métaphysique que de faire la distinction de l’être en soi et de l’être en acte, et de prétendre que, si la conscience saisit l’un, l’autre lui échappe.
II L’humanité est arrivée, a dit l’éloquent professeur, à une de ces époques où l’inquiétude la saisit, où elle s’agite confusément en proie à un malaise profond ; où, après avoir renversé par une révolte glorieuse les obstacles qui la retenaient dans sa marche, et avoir brisé son antique lien, devenu trop étroit pour elle et trop douloureux, elle s’arrête, tourne un instant sur elle-même, interrogeant chaque point de l’horizon, se demandant et demandant à son histoire passée et à tout ce qui l’entoure où elle va, d’où elle vient, et la raison de de qu’elle a fait, et la règle de ce qui lui reste à faire ; la loi, en un mot, de son progrès et de sa vie. […] vous cherchez les traces que l’humanité a laissées dans sa marche ; vous voulez saisir la direction et le but du mystérieux voyage ; vous aspirez à en assigner la raison et la loi ; et dès le premier pas que vous faites dans cette recherche, voilà que vous ne tenez aucun compte des points radieux et des sommets où elle s’est posée avec complaisance ; vous ne daignez voir ni l’Himalaya, ni l’Ithome et le Lycée, ni le Sina, ni le Calvaire, ni le Capitole ; mais vous vous inquiétez beaucoup de quelque vallée obscure, de quelques jardins philosophiques, où elle ne s’est pas même arrêtée ! […] Vous la supposez dès l’abord à votre insu, et vous serez ensuite tout heureux de la découvrir ; mais prenez-y garde, et ne croyez pas avoir saisi la clef des choses, car c’est vous qui l’y aurez mise.
Ils y saisiront surtout avec plus de facilité le rapport du livre et de la vie, l’étroite liaison de l’idée et de la réalité : ils sentiront que ce ne sont point des fantaisies en l’air dont on les entretient ; ils apercevront dans ces mots, ces éternels mots, dont tant de siècles ont fatigué leurs oreilles, toute la vie de l’humanité et leur propre vie. […] Il a sa source dans les sentiments les plus respectables : humilité candide, conscience de sa propre ignorance, respect du maître, confiance aux lumières de ceux qui sont établis pour savoir et pour instruire, soif de savoir, qui saisit avidement toutes les connaissances qu’on lui présente et n’en veut rien laisser tomber. […] Mieux encore que La Bruyère, La Fontaine enseignera à saisir ces rapports secrets et sûrs qui unissent le moral et le physique, à deviner un caractère dans un geste, à entendre une âme dans l’accent d’une phrase.
Entre nous régnait la plus profonde harmonie ; il me tendait sa main par-dessus la table, et je la pressais ; puis je saisissais un verre rempli, placé près de moi, et je le vidais en silence, et je lui faisais une secrète libation, les regards passant au-dessus de mon verre et reposant dans les siens. […] J’étais saisi, mais les paroles les plus amicales dissipèrent aussitôt mon embarras. […] Nous étions de la même opinion sur cette pièce, et j’avais du plaisir à voir avec quel esprit et quel feu le jeune Goethe savait analyser les rapports qu’il avait saisis. […] En entendant sa voix dans l’allée de la Source, il avait saisi son chapeau et avait couru vers elle. […] Le poète tournait sans cesse autour d’une même idée et semblait toujours comme revenir à son point de départ ; la conclusion, brisée d’une manière étrange, produisait un effet extraordinaire et saisissait vivement.
Ne faisons lire notre élève qu’à l’âge où sa raison saura rejeter le vice et saisir la beauté. […] Emile sera fort, adroit, bon, franc, intelligent, raisonnable, religieux, heureux : l’homme naturel, développé en lui, et non dévié, aura saisi tous les avantages, sans les vices, de l’homme civil. […] Assurément on peut saisir hors de Jean-Jacques, dans la société et la littérature, des influences qui se sont imposées à lui, qui ont déterminé les formes de sa pensée. […] Il a répandu sur les vulgaires détails du ménage une gravité, une beauté, une dignité qui nous saisissent. […] Rousseau s’assimile tout le monde extérieur, il voit tout selon son humeur du moment, et il ne cherche pas à saisir l’objet à travers sa sensation : il ne peut présenter que cette sensation même.
Que saisit continuellement la conscience en elle-même, sinon une action exercée ou subie, et qui n’est jamais en contradiction avec soi ? […] Toute action est déjà un raisonnement explicite ou implicite, qui va d’une identité de principes à une identité de conclusion ; la conclusion, ici, est un acte, comme de faire un mouvement semblable pour saisir un fruit semblable sur un arbre semblable. […] D’abord, dans notre conscience même, nous ne saisissons jamais un changement qui ne soit précédé de quelque chose, puisque la conscience même du changement implique une comparaison plus ou moins explicite entre un état antérieur et un état postérieur. […] Là où nous saisissons des conséquences semblables, ne fut-ce que la similitude de nos sensations, nous cherchons des principes semblables ; là où nous saisissons des différences, nous cherchons des principes différents. […] Ce qui, dans le phénomène saisi par nous, n’est pas purement mécanique, ce qui donne à la conscience un contenu qualitatif et une réalité doit exister non seulement pour nous, mais en soi, en vertu d’un droit égal à celui du mécanisme géométrique.
Jadis, quand j’étais beaucoup plus jeune, je concevais mal ce génie-là ; je n’en saisissais point la beauté propre. […] Il me semble qu’ils doivent frissonner par moments, être saisis d’un effroi mystique. […] Ici, écoutez le narrateur : … Du point où le duc d’Anguien avait fait halte pour rallier derrière la ligne espagnole ses escadrons victorieux, il ne pouvait saisir les détails de ce tableau ; mais la direction de la fumée, la plaine couverte de fuyards, la marche de la cavalerie d’Alsace, l’attitude de l’infanterie ennemie, tout lui montrait, en traits terribles, la défaite d’une grande partie de son armée. […] Mais « deviner presque », voilà une nuance que j’ai du mal à saisir.
Il saisissait vite toutes choses, devinait ce qu’il ne savait pas, décidait et tranchait là où il en avait besoin, avait la réplique heureuse et prompte, l’assertion résolue et hautaine, le front hardi comme le verbe, et sans cette pudeur native dont quelques honnêtes scrupuleux n’ont jamais pu se défaire. […] Buchez et Roux, le discours avec les circonstances indiquées des interruptions, il est impossible, si l’on n’est pas déjà averti et si l’on prend le tout au pied de la lettre, de saisir l’esprit du drame. […] On se rappelle le jour où, se maintenant à la tribune malgré le duc de La Rochefoucauld qui voulait l’en faire descendre, il saisit le duc par les épaules, et lui fit faire trois pirouettes. […] Bossuet encore était aisé, ce semble, à saisir et à manifester, à cause des éclairs qui signalent sa marche ; mais Bourdaloue, plus égal et plus modéré, nul ne l’a plus admirablement compris et défini que l’abbé Maury, dans la beauté et la fécondité incomparable de ses desseins et de ses plans, qui lui semblent des conceptions uniques, dans cet art, dans cet empire de gouvernement du discours, où il est sans rival, « dans cette puissance de dialectique, cette marche didactique et ferme, cette force toujours croissante, cette logique exacte et serrée, cette éloquence continue du raisonnement, dans cette sûreté enfin et cette opulence de doctrine ».
Bernardin de Saint-Pierre, avec tous ses défauts de raisonnement et sa manie de systèmes, est profondément vrai comme peintre de la nature ; le premier de nos grands écrivains paysagistes, il est sorti de l’Europe, il a comme découvert la nature des Tropiques, et, dans le cadre d’une petite île, il l’a saisie et embrassée tout entière : là est son originalité après Buffon et Rousseau et avant Chateaubriand. […] L’utopiste à bout de voie saisit la plume et devint un peintre. […] Il lui arriva alors comme aux hommes d’imagination qui embrassent d’autant plus qu’on leur refuse davantage ; ne pouvant obtenir aussi vite qu’il le voulait sa réintégration et de l’emploi au service de France, il revint à l’idée d’être législateur en grand, et résolut d’aller proposer ses services en Russie, où Catherine venait de saisir l’empire. […] Dans ce premier essai de Bernardin, on saisit déjà le fond et les lignes principales de son talent : c’est moins développé, moins idéal, mais, en cela même aussi, plus réel par endroits et plus vrai en un sens que ce qu’il dira plus tard dans les Études et les Harmonies.
Sans me permettre de contredire cette vue, qui se lie étroitement à la croyance, je ferai seulement remarquer que tel n’était point exactement le dessein primitif de Pascal, et que, tout en insistant au début sur les preuves morales intérieures, il n’aurait rien négligé, dans son ouvrage, de ce qui pouvait saisir l’imagination des hommes et déterminer indirectement leur persuasion. […] Je ne veux pas vous dissimuler l’espèce d’effroi qui m’a saisi en me voyant tirer du demi-jour qui me convenait si bien vers une lumière si vive et si inattendue ; ce sentiment est excusable : il y va de trop pour moi, sous toutes sortes de sérieux rapports, d’être jugé avec une si extrême bienveillance dans un article dont vous êtes l’auteur et que vous avez signé.
M. de Balzac a découvert cette veine ; c’est lui qui, le premier, après d’inconcevables écoles, a fini par bien saisir et par traiter dans ses moindres nuances la forme de sensibilité, d’imagination, de fatuité, de rouerie, qui caractérise un certain monde à la mode de notre temps. […] Les trois amants successifs, le commandant Garnier, Mornac et le jeune Boisgontier, sont des personnages d’aujourd’hui, du dernier vrai, saisis dans leur relief et assemblés, contrastés entre eux dans des situations habiles où le pathétique d’un moment cède vite au comique et à l’ironie.
C’est à la spiritualité des idées chrétiennes, à la sombre vérité des idées philosophiques qu’il faut attribuer cet art de faire entrer, même dans la discussion d’un sujet particulier, des réflexions touchantes et générales, qui saisissent toutes les âmes, réveillent tous les souvenirs, et ramènent l’homme tout entier dans chaque intérêt de l’homme. […] Toutes les fois que le cours des idées ramène à réfléchir sur la destinée de l’homme, la révolution nous apparaît ; vainement on transporte son esprit sur les rives lointaines des temps qui sont écoulés, vainement on veut saisir les événements passés et les ouvrages durables sous l’éternel rapport des combinaisons abstraites ; si dans ces régions métaphysiques un mot répond à quelques souvenirs, les émotions de l’âme reprennent tout leur empire.
Quelques-uns de ses droits devaient être exercés sans être reconnus, d’autres reconnus sans être exercés ; et les considérations morales étaient saisies par l’opinion avec une telle finesse, qu’une faute de tact était généralement sentie, et pouvait perdre un ministre, quelque appui que le gouvernement essayât de lui prêter. […] La classe qui dominait en France sur la nation, était exercée à saisir les nuances les plus fines ; et comme le ridicule la frappait avant tout, ce qu’il fallait éviter avant tout, c’était le ridicule.
À travers toutes ces poésies on est saisi par cette belle appropriation dont il poussa quelquefois la personnification allégorique jusqu’à la hardiesse et à l’humorisme… » Franchement, était-ce bien à Jean-Paul, le plus grand humouriste qui ait chevauché jamais l’hippogriffe aux ailes d’or et à la tête de griffon de la Fantaisie, à adresser un pareil reproche à Hebel ? […] Buchon, et puisque selon nous il n’y a pas plus moyen de transfuser la poésie dans une langue étrangère que le sang d’un être vivant dans les veines taries d’un homme mort, nous aurions mieux aimé le mot à mot français plaqué tout uniment sur le texte allemand que tous les à peu près du traducteur-poète, de ce lutteur contre un Protée, qui veut saisir et reproduire le rhythme par le rhythme, le tour parle tour.
Mais vivante surtout est la cathédrale dont l’ombre couvre la ville ; Notre-Dame de Paris est le seul individu qui ait vraiment une âme dans le roman ; ce monstre terrible et séduisant, où le poète a saisi un « caractère », est le vrai héros de l’œuvre. […] Intelligente et fine, elle saisit les dessous des actes, les mobiles, les passions et les réactions internes. […] Une fois faites toutes les réserves qu’il faut faire, on reste saisi de cette puissance créatrice : tous ces romans qui se tiennent et se relient, ces individus qu’on retrouve d’une œuvre à l’autre à toutes les époques de leur carrière, ces familles qui se ramifient, et dont on suit l’élévation ou la décadence, tout cela forme un monde qui donne la sensation de la vie. […] Avec son sang-froid, il garde ses curiosités de psychologue, dont nul péril, nulle fatigue ne le détournent : il observe, dans les deux armées, les soldats des diverses nations pour y saisir les caractères propres à chacune. […] L’étude de l’énergie est l’âme des romans de Stendhal : mais sous cette idée maîtresse il a saisi, expliqué bien des caractères individuels et divers états sociaux.
Est-ce que ces écrivains, ces orateurs, ces philosophes, ces poètes, étrangers à nos petits débats de cour, de noblesse et de clergé, de parlement et de bourgeoisie ou de peuple, auraient été saisis sur leurs tribunes ou sur leurs trépieds de cet enthousiasme véritablement européen et fatidique, pour quelques misérables réformes d’abus fiscaux ou administratifs en France ? Non, mais ils furent saisis tout entiers du vertige universel de l’espérance d’une ère nouvelle, dont le crépuscule apparaissait tout à coup sur l’horizon de la France. […] Un homme qui se noie saisit le fer rouge ; une société qui a peur d’être pillée ou égorgée, saisit la lame du sabre ou les pointes des baïonnettes. […] etc. » XXI Quand l’Europe, d’abord si passionnée sous l’Assemblée Constituante pour notre philosophie, notre littérature, notre langue, notre révolution, vit la France, saisie tout à coup comme d’une démence d’Oreste, immoler son roi innocent, sa reine étrangère, ses orateurs, ses philosophes, ses poètes, ses femmes, ses enfants, ses vieillards, et jusqu’à ces jeunes vierges traînées en groupe à l’échafaud, comme pour composer à la mort des bouquets de cadavres, l’Europe détourna la tête, elle retira son intérêt à une cause si belle mais si honteusement profanée ; elle crut à une démence de la nation ; elle la prit en pitié, puis en terreur, puis en horreur.
D’abord je suis son parent et son sujet, deux puissants motifs contre cette action ; ensuite je suis son hôte et devrais fermer la porte à son meurtrier, loin de saisir moi-même le couteau. […] Viens, que je te saisisse. — Je ne te tiens pas, et cependant je te vois toujours. […] L’oiseau des ténèbres a poussé toute la nuit des cris aigus ; quelques-uns prétendent que la terre, saisie de fièvre, a tremblé. […] Les honnêtes habitués du jour commencent à languir et à s’assoupir, tandis que les noirs agents de la nuit se lèvent pour saisir leur proie. — Tu es étonnée de mes discours ; mais sois tranquille : les choses que le mal a commencées se consolident par le mal. […] Oui, seigneur, de toute vérité. — Mais pourquoi Macbeth reste-t-il ainsi saisi de stupeur ?
Il faut admettre dans les premiers hommes un tact d’une délicatesse infinie, qui leur faisait saisir avec une finesse dont nous n’avons plus d’idée, les qualités sensibles qui devaient servir de base à l’appellation des choses. La faculté d’interprétation, qui n’est qu’une sagacité extrême à saisir les rapports, était en eux plus développée ; ils voyaient mille choses à la fois. […] Vouloir saisir un moment dans ces existences successives pour y appliquer la dissection et les tenir fixement sous le regard, c’est fausser leur nature. […] Celui-là seul peut saisir la grande beauté des choses qui voit en tout une forme de l’esprit, un pas vers Dieu. […] La grande critique devrait consister ainsi à saisir la physionomie de chaque portion de l’humanité.
Sans doute, le public a saisi ce caractère ce l’œuvre ; une interprétation un peu hésitante aux débuts, mais bonne en somme6, une mise en scène minutieusement soignée par les directeurs, lui ont rendu plus aisée l’intelligence. […] Une fois le poète la vit et la saisit. […] Avouons que le poète a merveilleusement saisi le sens profond de l’époque et supérieurement concentré ses vues. […] Tout ce qu’il est possible de saisir, et même ce qu’il est impossible d’atteindre. […] Mais l’inspiration, qui a été trop longtemps la folle du logis, il faut la vaincre, la maîtriser, la guider ; elle est la Chimère dont, à pleins poings, on saisit la crinière et que l’on courbe à la règle.
Ce n’est cependant qu’en les distinguant et en les observant dans leur action réciproque qu’on saisit le secret de cette étrange et puissante individualité. […] Mais aussitôt des jeunes gens saisissent le sacrilège et le mènent devant un homme âgé, une sorte d’écuyer à barbe grise. […] Parsifal la saisit et trace dans l’air le signe de la croix. […] Alors le nouveau roi monte les marches de l’autel et saisit le vase de cristal. […] Il les montre lassés d’un naturalisme toujours incomplet, souvent grossier, lassés encore d’un pessimisme où n’est point saisie la signification profonde de la vie.
Mais un amas de faits bien constatés n’est pas une science : il reste à saisir les rapports, à grouper les ressemblances, à induire les lois, à rechercher le général. […] Il y a toujours quelques intrépides pour se lancer résolument dans cette région inaccessible, d’où ils reviennent aveuglés, saisis de vertige, et racontant des choses si étranges que le monde les tient pour hallucinés. […] Heine (de l’Allemagne), a dit du plus sec des métaphysiciens : « La lecture de Spinoza nous saisit comme l’aspect de la grande nature dans son calme vivant : c’est une forêt de pensées hautes comme le ciel, dont les cimes fleuries s’agitent en mouvements onduleux, tandis que leurs troncs inébranlables plongent leurs racines dans la terre éternelle : On sent dans ses écrits flotter un souffle qui vous émeut d’une manière indéfinissable : on croit respirer l’air de l’avenir. » Les métaphysiciens sont donc des poëtes qui ont pour but de reconstituer la synthèse du monde Ces grandes épopées cosmogoniques disparaîtront-elles ? […] Je n’ignore pas que dans ces dernières années on a répété après Maine de Biran et Jouffroy « que l’âme se connaît, se saisit immédiatement. » Mais outre que ces psychologues ont dépensé vingt ou trente ans d’étude avant de découvrir cette connaissance immédiate (ce qui peut paraître assez surprenant), leur découverte ne semble pas nous avancer beaucoup ; car quand on a longtemps et scrupuleusement cherché ce que c’est que cette essence intime ainsi révélée, on n’arrive à trouver que les expressions vagues « d’activité absolue », « d’esprit pur en dehors du temps et de l’espace » : d’où l’on peut conclure que le plus net de notre connaissance consiste encore dans les phénomènes. […] D’où ce résultat, sinon de l’emploi exclusif de la méthode subjective qui dans les faits psychologiques ne peut saisir le développement ?
Notre regard saisirait au passage, sculptés dans le marbre vivant du corps humain, des fragments de statue aussi beaux que ceux de la statuaire antique. […] Il est peu probable que l’œil du loup fasse une différence entre le chevreau et l’agneau ; ce sont là, pour le loup, deux proies identiques, étant également faciles à saisir, également bonnes à dévorer. […] Et là même où nous la remarquons (comme lorsque nous distinguons un homme d’un autre homme), ce n’est pas l’individualité même que notre œil saisit, c’est-à-dire une certaine harmonie tout à fait originale de formes et de couleurs, mais seulement un ou deux traits qui faciliteront la reconnaissance pratique. […] Nous ne saisissons de nos sentiments que leur aspect impersonnel, celui que le langage a pu noter une fois pour toutes parce qu’il est à peu près le même, dans les mêmes conditions, pour tous les hommes. […] Si les personnages que crée le poète nous donnent l’impression de la vie, c’est qu’ils sont le poète lui-même, le poète multiplié, le poète s’approfondissant lui-même dans un effort d’observation intérieure si puissant qu’il saisit le virtuel dans le réel et reprend, pour en faire une œuvre complète, ce que la nature laissa en lui à l’état d’ébauche ou de simple projet.
On dirait d’un instrument plus perfectionné ; le rayon avec ses jeux et ses reflets y est saisi et fixé tout vif ; à chaque instant le soleil est pris sur le fait. […] Il m’est impossible de bien saisir la différence qu’il semble mettre dans cette alternative : Serait-ce parce qu’il y a dans l’espérance… Serait-ce Que la vie…, et d’y voir une explication. […] Mais s’il y a quelque abus d’un côté, de l’autre dans Adolphe il y a aussi trop d’impuissance à peindre, à saisir et à fixer le rapport réel des sensations aux sentiments.
Ces folies qui maintenant remplissent tout un poëme n’entreront dans les œuvres de l’avenir que comme assaisonnement utile, et même la noblesse, la pureté qui sont maintenant bannies, seront bientôt rappelées avec d’autant plus d’enthousiasme. » Et cela ainsi entendu, et toutes réserves faites, il revenait avec plaisir sur Mérimée de qui il disait : « C’est vraiment un rude gaillard » ; et sur Béranger qu’il ne sépare jamais de lui54, et dont il saisit, dont il analyse tout, jusqu’aux moindres finesses, sans en rien perdre. […] L’entretien s’animant à ce sujet, et continuant de parler de cette sorte de chanson et de son influence électrique sur les nations à certaines heures, Gœthe disait qu’il fallait pour cela qu’une nation n’eût qu’une tête et qu’un cœur et, à un moment donné, qu’une seule voix : « Mais, ajoutait-il, une poésie politique n’est aussi que l’œuvre d’une certaine situation momentanée qui passe et qui ôte à la poésie la valeur même qu’elle lui a donnée. » Il reconnaissait qu’il y avait seize ans, même dans cette Allemagne si divisée, mais unie alors dans un sentiment commun contre l’étranger, un poëte politique aurait pu exercer aussi son influence sur le pays tout entier, et il ajoutait : « Mais ce poëte était inutile : le mal universel et le sentiment général de honte avaient, comme un démon, saisi la nation ; le feu de l’inspiration qui aurait pu enflammer le poëte brûlait déjà partout de lui-même. […] Le poëte, comme homme, comme citoyen, doit aimer sa patrie ; mais la patrie de sa puissance poétique, de son influence poétique, c’est le Bon, le Noble, le Beau, qui n’appartiennent à aucune province spéciale, à aucun pays spécial, et qu’il saisit et développe là où il les trouve.
Tendresse, délicatesse et sacrifice, on n’en perdait rien, on saisissait tout, on pressentait vite, en ce monde et sous ce règne de La Vallière. […] Quel moment en effet dans une société que celui où des sentiments si nobles, si délicats, disons même si subtils, et qui courraient presque risque de nous échapper aujourd’hui, étaient saisis unanimement par un cercle avide qu’ils occupaient aussitôt et passionnaient ! […] J’en entends parler, mais sans pouvoir saisir l’instant.
Tantôt nous saisissons les ressemblances entre des agrégats continus, coexistants ; par exemple, on oublie les différences qui séparent un cheval, une chute d’eau, une machine à vapeur, pour ne voir en eux qu’un pouvoir moteur. Tantôt nous saisissons les ressemblances dans les successions. […] Plus tard, Gœthe saisit une analogie entre la fleur et la plante tout entière.
Le solitaire de la vallée aura-t-il été doué d’intelligence pour saisir les traits principaux du siècle où nous vivons ? […] Aura-t-il pu saisir ce bruit vague et sourd qui se compose de tant de voix confuses, et qui est cependant, pour les esprits attentifs, la parole même de la génération présente ? […] Ne l’avons-nous pas vu, en effet, au moment où il saisit les rênes du gouvernement, relever les autels de la religion, et élargir les routes qui ramenaient de la terre de l’exil ?
De cette disposition à saisir le ridicule, la comédie tire sa force & ses moyens. […] Quel fonds de philosophie ne faut-il point pour saisir ainsi le point fixe de la vertu ! […] Combien, de l’aveu même de l’artiste, pour saisir cet accident il a fallu voir couler de bougies ? […] Mais ce milieu est difficile à saisir, & pour éviter la bassesse on se jetta dans l’emphase. […] Combien de circonstances délicatement saisies dans ce reproche !
Est-ce une raison pour dire : voilà le seul & unique point de vue ; quiconque ne prendra pas cette maniere, ne pourra jamais saisir la magie des beaux arts ? […] Par une sympathie prompte & rapide, nous saisissons le feu qui se trouve allumé dans un autre. […] Elle est inhabile à saisir cette sorte de perfection ; elle n’en a pas même heureusement l’idée ; elle sent trop vivement pour sophistiquer. […] Son imagination juste & vraie dans son vôl immense embrasse tous les âges & saisit les hommes de tous les lieux. […] Il la suit toujours & ne manque jamais de la saisir.
III Or quelles qualités nous paraissent-elles nécessaires avant tout dans l’écrivain qui ose saisir cette plume de Tacite ? […] En effet, avec ce que je nomme l’intelligence on démêle bien le vrai du faux, on ne se laisse pas tromper par les vaines traditions ou les faux bruits de l’histoire ; on a de la critique ; on saisit bien le caractère des hommes et des temps, on n’exagère rien, on ne fait rien de trop grand ou trop petit, on donne à chaque personnage ses traits véritables ; on écarte le fard, de tous les ornements le plus malséant en histoire, on peint juste ; on entre dans les secrets ressorts des choses, on comprend et on fait comprendre comment elles se sont accomplies ; diplomatie, administration, guerre, marine, on met ces objets si divers à la portée de la plupart des esprits, parce qu’on a su les saisir dans leur généralité intelligible à tous ; et, quand on est arrivé ainsi à s’emparer des nombreux éléments dont un vaste récit doit se composer, l’ordre dans lequel il faut les présenter, on le trouve dans l’enchaînement même des événements ; car celui qui a su saisir le lien mystérieux qui les unit, la manière dont ils se sont engendrés les uns les autres, a découvert l’ordre de narration le plus beau, parce que c’est le plus naturel ; et si, de plus, il n’est pas de glace devant les grandes scènes de la vie des nations, il mêle fortement le tout ensemble, le fait succéder avec aisance et vivacité ; il laisse au fleuve du temps sa fluidité, sa puissance, sa grâce même, en ne forçant aucun de ses mouvements, en n’altérant aucun de ses heureux contours ; enfin, dernière et suprême condition, il est équitable, parce que rien ne calme, n’abat les passions comme la connaissance profonde des hommes. […] Au contraire, n’ayez qu’un souci, celui d’être exact ; étudiez bien un temps, les personnages qui le remplissent, leurs qualités, leurs vices, leurs altercations, les causes qui les divisent, et puis appliquez-vous à les rendre simplement… Si, pour systématiser vos récits, vous n’avez pas cherché à les grouper arbitrairement, si vous avez bien saisi leur enchaînement naturel, ils auront un entraînement irrésistible, celui d’un fleuve qui coule à travers les campagnes. […] Supposez, lui dirons-nous, que Bonaparte, au lieu de violer, le sabre à la main, le 18 brumaire, les pouvoirs, la représentation telle quelle, la constitution libre de son pays, pour saisir la dictature consulaire ; supposez que Bonaparte eût attendu que le prestige croissant de ses talents et le mouvement spontané de l’opinion lui eussent confié le gouvernement à des conditions de force, mais de mesure et de limites dans la force, que serait-il résulté pour la France et pour Bonaparte lui-même de cette origine légale et nationale de son pouvoir ? […] Quoique les spectacles auxquels j’ai assisté m’aient peu surpris, je n’ai pas la prétention de croire que l’expérience des hommes et des affaires n’eût rien à m’apprendre ; j’ai la confiance, au contraire, d’avoir beaucoup appris, et d’être ainsi plus apte, peut-être, à saisir et à exposer les grandes choses que nos pères ont faites pendant ces temps héroïques.
À lui voir conduire ses affaires, expliquer les lois sur l’exportation, sur l’importation des grains, étudier leur esprit, saisir leurs défauts, un homme l’eût jugé capable d’être ministre d’État. […] Il se jeta dans cette pension par suite du désespoir qui l’avait saisi en voyant ses deux filles obligées par leurs maris de refuser non-seulement de le prendre chez elles, mais encore de l’y recevoir ostensiblement. […] Mais pourquoi suspecter les soudaines et longues rêveries qui me saisissent parfois en plein bonheur ? […] Un soir, tranquillement blotti sous un figuier, je regardais une étoile avec cette passion curieuse qui saisit les enfants, et à laquelle ma précoce mélancolie ajoutait une sorte d’intelligence sentimentale. […] À cet aspect, je fus saisi d’un étonnement voluptueux que l’ennui des landes ou la fatigue du chemin avait préparé. — Si cette femme, la fleur de son sexe, habite un lieu dans le monde, ce lieu, le voici !
Si dans quelques pièces précédentes qui roulaient à peu près sur les mêmes personnages, et dont les situations étaient empruntées à un monde au moins très voisin de celui-là, la nature même des scènes et des tableaux nuisait à la leçon qui en pouvait résulter ; si l’exemple avait sa contagion à première vue, et son rapide attrait avant que le dégoût eût opéré, il n’en est pas ainsi de la nouvelle pièce, où l’auteur a su très bien observer et saisir, pour le lui mieux enlever, le faux vernis d’honnêteté dont se couvre précisément ce monde limitrophe, qui voudrait bien par moments s’incorporer à l’autre et s’en faire reconnaître. […] Il a été répondu encore, et d’une manière plus directe (toujours au point de vue dont la commission n’avait point à s’écarter), que, toute part faite et toute justice rendue au talent de l’auteur, sur lequel il n’y avait qu’une voix, on ne pouvait découvrir réellement dans sa pièce d’autre intention dominante que celle de peindre ; qu’il avait porté son miroir où il avait voulu, qu’il avait fait une exhibition fidèle, inexorable, de ce qu’il avait observé, et avait montré les gens vicieux tels qu’il les avait saisis ; que ce n’était pas un reproche qu’on lui faisait, mais que c’était le caractère de sa comédie qu’on se bornait à relever, et que ce serait lui prêter gratuitement que de voir autre chose dans son Demi-Monde qu’une peinture attachante, ressemblante et vraie, digne d’être applaudie sans doute, mais non pas d’être récompensée comme ayant atteint un but auquel l’auteur n’avait point songé.
Paul Albert saisit bien et dénonce le point défectueux de ce charmant poème, œuvre d’un tout jeune homme et où l’on sent trop aujourd’hui l’absence des pensées mûres. […] Cette occasion qui se présentait, je l’ai saisie cette fois-ci encore.
Tous ces exemples historiques au reste, ces interprétations diverses d’un passé que la doctrine nouvelle embrasse et domine, ne sont, sous la plume du jeune apôtre, que des lumières qui sillonnent pour lui le chemin de la foi, des rayons qui ramènent au foyer dont ils émanent, des excitations fécondes pour passer outre et entraîner ceux que le grand développement providentiel saisit au cœur, et qui, à l’aspect des antiques traditions enfin comprises, se sentent le désir de travailler, pour leur part, à en continuer l’enchaînement éternel. […] Puis s’arrachant au vague, il en vint à s’occuper scientifiquement et historiquement des religions révélées, et c’est au fort de ces études opiniâtres dans lesquelles s’absorbait sa précoce pensée, que, le nouveau christianisme de Saint-Simon lui étant apparu sous son véritable jour, il se fit une révolution en lui ; que ses études, jusque-là confuses, s’enchaînèrent ; que le chaos du passé se déroula harmonieusement à ses yeux, et qu’il saisit la raison divine des choses, s’écriant à la vue de l’Église de toutes parts croulante et de la synagogue encore debout : « Oui, nous marchons vers une grande, vers une immense unité : la société humaine, du point de vue de l’homme ; le règne de Dieu sur la terre, du point de vue divin ; ce règne que les fidèles appellent tous les jours par leurs prières depuis dix-huit ceints ans.
Une fois il a saisi la solution d’un problème qui l’occupait depuis longtemps, une autrefois une beauté nouvelle l’a frappé dans un ouvrage inconnu ; enfin, ses jours sont marqués entre eux par les différents plaisirs qu’il a conquis par sa pensée : et ce qui distingue surtout cette espèce de jouissance, c’est que l’avoir éprouvée la veille, vaut la certitude de la retrouver le lendemain. […] Bientôt il est saisi d’un insurmontable dégoût pour les pensées étrangères à celle qui l’occupe ; elles ne s’enchaînent point dans sa tête, elles ne laissent point de trace dans sa mémoire.
Celui qui en est le héros, sait très-bien qu’il va combattre un lion, et cependant il est saisi de frayeur quand il voit le lion paraître. […] Cette fable écrite purement et où le fait est bien raconté, a, ce me semble, le défaut de n’avoir qu’un but vague, incertain, et qu’on a de la peine à saisir.
Les tyrans, l’avenir du monde, l’égal partage, l’homme se faisant Dieu un jour ou l’autre très-prochainement, toutes ces vulgarités du xixe siècle ont saisi l’imagination de M. […] Pierre Dupont, qui a peut-être pensé à se saisir en temps utile de la succession de Béranger expirant, aura pris le bruit des contemporains pour la vraie gloire.
Elles semblaient ignorer quel était le principal de ces officiers, autour duquel les autres se rangeaient avec respect, lorsque l’une d’elles, jeune encore, saisie d’une vive émotion, s’écria : “Voilà l’Empereur ! […] Napoléon les saisit en s’écriant : “Voilà un beau présent pour les Invalides, surtout pour ceux qui ont fait partie de l’armée de Hanovre. […] Un ciel gris, fondant par intervalles en une neige épaisse ajoutait sa tristesse à celle des lieux, tristesse qui saisit les yeux et les cœurs dès que la naissance du jour, très tardive en cette saison, eut rendu les objets visibles. […] Napoléon se hâte alors, comme à son ordinaire, de saisir dans un traité les fruits de la campagne au moment où il était impuissant à la poursuivre plus avant. […] Ce vide on l’éprouve en fermant ce beau livre ; je ne sais quelle tristesse vous saisit comme après une ivresse de gloire ; on est ébloui, on n’est pas éclairé intérieurement de cette saine lumière qui satisfait la conscience.
C’est dire qu’il n’en saisira que le côté extérieur et accessoire, mais point certainement le fond, puisque, tant que Wagner n’y avait vu qu’un sujet de cette nature, il s’en était senti éloigné. « En vérité, dit-il, Lohengrin est une apparition entièrement nouvelle ; elle ne pouvait surgir en aucun autre temps que celui-ci, et seulement des dispositions d’esprit et de l’intuition que pouvait avoir de la vie, un artiste, qui, s’étant trouvé précisément dans ma position, en fût arrivé au point de son développement où j’en étais du mien, quand ce sujet m’apparut, comme la tâche nécessaire qui s’imposait à moi ». […] Ce qui, dans le drame, nous apparut, immédiatement, au travers de l’action vivante, nous le saisissons ici, et comme le fond très-intime de cette action : et les émotions sont également précises que nous produisent, dans le drame, la force naturelle des caractères, ici, les motifs du musicien recréant l’être profond agissant en ces caractères. […] Elle ne peut le saisir dans l’intégralité de son être, elle ne peut que le disséquer et, de là, elle ne saisit que le secret d’un être mort. L’intuition, au contraire, est le véritable moyen de la connaissance car elle saisit l’objet d’un coup en s’assimilant à lui en un seul moment, en participant à son élan vital. La véritable connaissance ne peut se faire, selon Wagner, que dans l’intuition qui saisit la vie dans sa globalité.
Auprès de la défense ai-je mis le désir, L’ardent attrait d’un bien impossible à saisir, Et le songe immortel dans le néant de l’heure ? […] Nous ne savons ; mais l’homme, dans sa nuit, à travers ses rêves, a cru saisir une lueur. […] Et sur ses traits alors quelle rougeur subite En songeant au regret qu’on avait pu saisir ! […] Voir à travers le souvenir, c’est voir à travers un rayon de lumière : tout semble devenir transparent, s’éclaire, se transfigure ; pourtant rien n’est changé à la réalité, rien, sinon peut-être qu’on en saisit mieux le vrai sens. […] J’ai saisi mon dernier rêve, Entre mes poings furieux, Voilà le pauvret qui crève.
On a l’air de tourner le dos à la postérité, et on agit plus sûrement en vue d’elle que si on la voulait anticiper directement et en saisir le fantôme. […] L’esprit de la Ligue, pour être parfaitement saisi dans toute sa complication et démêlé dans ses directions diverses, avait besoin de s’éclairer du jour rétrospectif qu’y jette la Révolution de 89 ; il ne s’agit que de ne pas abuser des rapprochements. […] Les vues neuves et perspicaces, les choses bien saisies et bien dites, abondent et viennent égayer le courant du détail à travers la juste direction de l’ensemble. […] Auguste Bernard exige absolument qu’on lui produise, après plus de deux siècles, un acte notarié et un procès-verbal authentique en faveur de ces noms, il peut se flatter d’avoir gain de cause ; mais, faute de ce certificat, auprès de tous ceux qui entendent le mot pour rire, et qui savent encore saisir au vol la voix de la Renommée, cette chose jadis réputée divine et légère, la gloire de Pithou, de Rapin et de Passerat, n’y perdra rien. […] Si Lucrèce nous rend avec une saveur amère les angoisses des mortels, nul aussi n’a peint plus fermement et plus fièrement que lui la majesté sacrée de la nature, le calme et la sérénité du sage ; à ce titre auguste, le pieux Virgile lui-même, en un passage célèbre, le proclame heureux : Félix qui potuit rerum , etc… Quoi qu’il en soit cependant de l’énigme que le poëte nous propose, et si tant est qu’il y ait vraiment énigme dans son œuvre, c’était aux expressions de trouble et de douleur que s’attachait surtout notre ami ; le livre III, où il est traité à fond de l’âme humaine et de la mort, avait attiré particulièrement son attention ; dans son exemplaire, chaque trait saillant des admirables peintures de la fin est surchargé de coups de crayon et de notes marginales, et il s’arrêtait avec réflexion sur cette dernière et fatale pensée, comme devant l’inévitable perspective : « Que nous ayons vécu peu de jours, ou que nous ayons poussé au-delà d’un siècle, une fois morts, nous n’en sommes pas moins morts pour une éternité ; et celui-là ne sera pas couché moins longtemps désormais, qui a terminé sa vie aujourd’hui même, et celui qui est tombé depuis bien des mois et bien des ans : Mors aeterna tamen nihilominus illa manebit ; Nec minus ille diu jam non erit, ex hodierno Lumine qui finem vitaï fecit, et ille Mensibus atque annis qui multis occidit ante. » Notre ami était donc en train d’attacher ses travaux à des sujets et à des noms déjà éprouvés, et les moins périssables de tous sur cette terre fragile ; il voguait à plein courant dans la vie de l’intelligence ; des pensées plus douces de cœur et d’avenir s’y ajoutaient tout bas, lorsque tout d’un coup il fut saisi d’une indisposition violente, sans siège local bien déterminé, et c’est alors, durant une fièvre orageuse, qu’en deux jours, sans que la science et l’amitié consternées pussent se rendre compte ni avoir prévu, sans aucune cause appréciable suffisante, la vie subitement lui fit faute ; et le vendredi 19 septembre 1845, vers six heures du soir, il était mort quand il ne semblait qu’endormi.
À quelques pas de là, nous tirions de notre poche un crayon et du papier, et nous luttions séparément à qui décrirait un plus grand nombre d’objets que nous avions pu saisir au passage… Il arrivait souvent à mon fils d’inscrire une quarantaine d’objets… » Le but de cette éducation spéciale était de mettre l’enfant à même de saisir d’un seul coup d’œil, dans une salle de spectacle, tous les objets portés sur eux par tous les assistants : alors, les yeux bandés, il simulait la seconde-vue en décrivant, sur un signe conventionnel de son père, un objet choisi au hasard par un des spectateurs. […] On rattache à l’idée dominante les idées subordonnées, aux idées subordonnées les mots dominateurs et représentatifs, à ces mots enfin les mots intermédiaires qui les relient comme en une chaîne. « Le talent du mnémoniste consiste à saisir dans un morceau de prose ces idées saillantes, ces courtes phrases, ces simples mots qui entraînent avec eux des pages entières 68. » Ainsi s’exprime un traité. […] Elle lui donne une impression sui generis. « Je la saisis comme le musicien saisit dans son ensemble un accord », dit un des personnages consultés.
Au point de vue élevé où il se plaçait, et dans le regard sommaire sous lequel il embrassait et resserrait une longue suite d’événements, il arrivait à y saisir les points fixes, les nœuds essentiels, les lois, et déjà il laissait échapper de ces mots, de ces maximes, chez lui familières et fondamentales, qui exprimaient ce qu’on a pu appeler son système. […] Dès les premiers mots de la lecture, l’auditoire tout entier était conquis ; chacun se sentait saisi d’un intérêt sérieux et sous l’impression de cette parole qui grave, de cet accent qui creuse. […] Chaque trait de talent et de pensée était vivement saisi au passage, et je me souviens qu’on applaudit fort celui-ci, par exemple (je ne le cite que comme m’étant resté dans la mémoire), lorsque, arrivant à parler de l’ordre des jésuites, l’historien décrivait cette société habile, active, infatigable, qui, pour arriver à ses fins, osait otut, même le bien. […] Cette publication met, en quelque sorte, la diplomatie79 à la portée de ceux qui ne bougent pas de leur fauteuil, et l’offre en spectacle et en sujet de méditation à l’homme d’étude et au moraliste ; elle leur permet de saisir le fin du jeu et d’en extraire la philosophie à leur usage.
Ils montent par degrés, parcourent les intervalles et ne s’élancent pas au but du premier bond ; leur génie grandit avec le temps et s’édifie comme un palais auquel on ajouterait chaque année une assise ; ils ont de longues heures de réflexion et de silence durant lesquelles ils s’arrêtent pour réviser leur plan et délibérer : aussi l’édifice, si jamais il se termine, est-il d’une conception savante, noble, lucide, admirable, d’une harmonie qui d’abord saisit l’œil, et d’une exécution achevée. […] La débauche l’a saisi : il est soupçonné d’avoir souillé l’adolescence de sa future victime ; il néglige son épouse Octavie pour la courtisane Acté. […] Toutefois, malgré la parenté des religions et la communauté de certaines croyances, il y a dans le judaïsme un élément à part, intime, primitif, oriental, qu’il importe de saisir et de mettre en saillie, sous peine d’être pâle et infidèle, même avec un air d’exactitude : et cet élément radical, si bien compris de Bossuet dans sa Politique sacrée, de M. de Maistre en tous ses écrits, et du peintre anglais Martin dans son art, n’était guère accessible au poëte doux et tendre qui ne voyait l’ancien Testament qu’à travers le nouveau, et n’avait pour guide vers Samuel que saint Paul. […] Ampère, dans un article sur Amyot, avait déjà cru saisir des analogies de ce genre.
Mais, du milieu des bornes que certaines doctrines imposaient à sa vue, et du fond de sa solitude, cet homme de labeur et de vérité fut saisi d’une noble ardeur, du désir de faire quelque chose « pour l’utilité de l’Église et de l’État », et d’unir le devoir d’un chrétien et celui d’un bon citoyen : Nous nous proposons, disait-il, de ménager aux Français l’agrément d’avoir un recueil complet des écrivains qu’eux et les Gaulois leurs prédécesseurs, avec qui ils n’ont fait dans la suite qu’un même peuple, ont donnés à la république des lettres. […] Il s’emporte contre Renart, il le menace, et, en brise-raison qu’il est, il se vante (s’il était dans le cas du Loup) qu’il saurait bien saisir de force son ennemi dans son château de Malpertuis. […] Certes, ce n’est pas là le fait d’un bon mari, et il n’y a pas assez de lardons pour elle si jamais elle lui pardonne. — Il a réussi dans son moyen oratoire : la dame Hersent, ainsi provoquée, rougit et saisit la parole en soupirant.
L’un de nous essaya d’arrêter dans sa course l’élégant animal ; il le saisit malheureusement par la jambe et la lui cassa. […] Arago, caractérisa heureusement l’intelligence à la fois forte et subtile de son ami, quand il la compara à la trompe, si merveilleusement organisée, dont l’éléphant se sert avec une égale facilité pour saisir une paille et pour déraciner un chêne. » Cela n’est pas tout à fait exact : Jeffrey n’a pas dit une telle chose ; c’est en parlant de la machine à vapeur et de ses merveilleux effets, et non de l’intelligence de Watt, qu’il a dit : « La trompe d’un éléphant qui peut ramasser une épingle ou déraciner un chêne n’est rien en comparaison. » Parlant de l’esprit de Watt, Jeffrey le peint plus délicatement : Il avait, dit-il, une promptitude infinie à tout saisir, une mémoire prodigieuse et une faculté méthodique et rectifiante pour tirer, comme par une chimie naturelle, quelque chose de précieux de tout ce qui s’offrait à lui, soit dans la conversation, soit dans la lecture.
Des fragments de lettres cités, des épanchements qui révélaient une tendre et belle âme, formaient, autour de ce morceau colossal de marbre antique, comme un chœur charmant de demi-confidences à moitié voilées, et ce qu’on en saisissait au passage faisait vivement désirer le reste. […] On y saisit avant tout la physionomie, on y respire l’âme des choses. […] Et Guérin, au contraire, n’y résiste pas ; tous les accidents naturels qui passent, une pluie d’avril, une bourrasque de mars, une tendre et capricieuse nuaison de mai, tout lui parle, tout le saisit et le possède, et l’enlève ; il a beau s’arrêter en de courts instants et s’écrier : « Mon Dieu !
Dans le volume que j’annonce et que je ne parcourrai point en détail, je saisis ce qui me paraît le mieux et le plus vrai, le personnage du duc de Bourgogne, de ce petit-fils de Louis XIV, l’objet de tant d’espérances, tant promis au monde, tant regretté et pleuré, et j’en viens parler à mon tour après M. […] Mais aussi, dès que l’emportement était passé, la raison le saisissait et surnageait à tout ; il sentait ses fautes, il les avouait, et quelquefois avec tant de dépit qu’il rappelait la fureur. […] Un aperçu piquant qu’on saisit en l’air et qu’on attrape à la volée, une anecdote d’alcôve, n’est point une raison sérieuse, et il faudrait laisser à la porte de la sévère histoire toutes ces sciences conjecturales et qui sont à naître ou à peine nées encore.
On saisit très-bien, dans ces faits qu’on pourrait aisément rendre plus nombreux, des indications et comme des vestiges de ce qui se serait formé en d’autres temps, où le Moniteur, les mémoires, l’histoire, n’auraient pas été là pour rogner les ailes chaque matin à la légende populaire. […] Quinet n’a pas, à beaucoup près, atteint le premier dans le sentiment discret, et justement saisi, de la renommée populaire de son héros, il n’a pas non plus égalé le profil si net, si ferme, si vivement taillé en ivoire ou en airain, qu’en a souvent tracé le second. […] Antiquaire par son érudition allemande, poëte et philosophe par ses vues profondes et intimes sur l’histoire de l’humanité, familier avec les idées des Niebühr et des Gœrres, épris de l’imagination pittoresque de l’auteur de l’Itinéraire, il aborde la Grèce et l’interroge par tous les points, sur son antiquité, sur ses races, sur la nature de ses ruines, sur les vicissitudes de ses États, sur ses formes de végétation éternelle ; il saisit, il entend, il compose tous ces objets épars ; il les enchaîne et les anime dans un récit vivant, fidèle, expressif, philosophique ou lyrique par moments, selon qu’il s’élève aux plus hautes considérations de l’histoire des peuples, ou selon qu’il retombe sur lui-même et sur ses propres émotions ; c’est une œuvre d’art que ce récit de voyage : le sens historique et le sens des lieux y respirent et s’y aident d’un l’autre ; l’harmonie y règne ; le souffle du dieu Pan y domine ; l’interprétation du passé, depuis les époques cyclopéennes et homériques jusqu’à la féodalité latine, y est d’un merveilleux sentiment, et elle pénètre de toutes parts dans l’âme du lecteur, sinon toujours par voie claire et directe, du moins à la longue par mille sensations réelles et continues, comme il arriverait à la vue des ruines mêmes et sous l’influence du génie des lieux.
Il y a dans ces premiers choix du talent un instinct qui rarement égare ; le vrai poëte a bientôt démêlé ce qu’il aime, comme Achille saisissait un glaive parmi les parures de femme. […] Il s’en débarrasse naturellement, dès qu’un sentiment vrai et propice à son talent revient le saisir : témoin la fin de la Messénienne sur le général Foy. […] Longtemps méconnue et contrariée, mais facile à saisir dans les diverses œuvres du poëte, elle s’est prononcée, dès l’abord, par des choix d’instinct, et elle ne se prononce pas moins nettement aujourd’hui par ses répugnances.
Un peuple, séparé du reste de l’Europe par ses mœurs beaucoup plus que par les montagnes qui forment ses limites naturelles, se saisit du mouvement progressif. […] Expliquez, si vous le pouvez, l’inspiration par laquelle ces chefs de dynasties ont saisi le sceptre des imaginations et des esprits. […] Lorsque Bonaparte se saisit du gouvernement consulaire, tous les écrivains travaillèrent à la restauration de l’édifice social avec une ardeur au-dessus de tout éloge, avec une sorte d’unanimité qui donnait les plus justes espérances.
Pour goûter l’inspiration, il faut entendre la voix et saisir du même coup le sens et l’harmonie. […] Il sortit brusquement, comme, au chant guerrier de Timothée, Alexandre avait saisi ses armes. […] Elle offre, dans son éclat d’expression, quelques allusions obscures, quelques souvenirs que l’esprit ne saisit pas assez vite ; mais la terreur du ton prophétique n’en est pas affaiblie.
Desmarest, un commentaire de Gordon ou de Machiavel sur Tacite ou Tite-Live ; il y saisit un passage qui développait cette pensée : « Que les gens chargés de l’exécution des grands attentats n’en tirent jamais les fruits qu’ils espèrent ; car ceux qui, par leur position, sont appelés à en profiter, qu’ils l’aient commandé ou non, ont soin de cacher un instrument honteux, si même ils ne le brisent comme dangereux. » Georges, en montrant le livre à M. […] Le degré de culpabilité indécise et négative de Moreau dans la conspiration de Georges est fort justement saisi et indiqué par M.
Heine pousse trop à l’effet de chaque jour ; s’il voit tel petit flot voisin plus gros et plus menaçant qu’il ne l’était en réalité ; si en un mot l’harmonie du temps et de l’histoire n’a point encore passé sur ces impressions successives et parfois discordantes, que de vérités en revanche, que d’observations fines et bien saisies il sème chemin faisant ! […] Souvent, le soir, regardant quelque coin de ciel, des toits lointains, çà et là un rare feuillage, je me suis dit qu’un tableau qui retracerait exactement cette vue si simple serait divin ; puis j’ai compris que cette fidélité entière était impossible à saisir directement ; que mon émotion résultait du tableau en lui-même et de ma disposition sentimentale à le réfléchir ; que, de l’observation directe de l’objet, et aussi de la réflexion modifiée de cet objet au sein du miroir intérieur, l’art devait tirer une troisième image créée qui n’était tout à fait ni la copie de la nature, ni la traduction aux yeux de l’impression insaisissable, mais qui avait d’autant plus de prix et de vérité, qu’elle participait davantage de l’une et de l’autre19.
Plus pénétrant que La Bruyère et que Lesage, opérant sur la matière vivante, toujours en mouvement et qui se dérobe à chaque instant, il démonte les actions avec une sûreté magistrale, dissèque les sentiments, saisit les plus fugitives traces des forces qui composent la vie morale. […] Rien ne prouve mieux qu’il y a en lui un artiste : la réalité le saisit, en dépit de ses préventions, de ses aversions, de ses théories ; et il lui est aussi impossible de ne pas la rendre que de ne pas la voir.
C’est toujours la même lucidité infaillible, la même prodigieuse faculté de saisir dans la réalité les traits significatifs, de ne saisir que ceux-là et de les rendre sans effort.