Jean Richepin Tancrède Martel est un vrai poète gaulois ; sa langue est fraîche, gaie, naturelle.
Il savoit alors le Grec, le Latin, l’Italien, la Philosophie, les Mathématiques, l’Histoire, & écrivoit avec beaucoup de facilité dans sa Langue, soit en Prose, soit en Vers.
On pourroit le regarder comme un bon Traducteur, si la fidélité à rendre le sens de son original étoit la seule qualité nécessaire à quiconque entreprend de faire passer les Poëtes célebres dans une Langue étrangere, sur-tout lorsqu'il s'agit d'une Traduction en Vers.
M. de Chateaubriand apparaît donc littérairement comme un de ces écrivains qui maintiennent une langue en osant la remuer et la rajeunir. […] Madame de Chateaubriand elle-même y cède, et elle entame une de ces merveilleuses histoires de revenants et de chevaliers, comme celle du sire de Beaumanoir et de Jehan de Tinténiac, dont le poëte nous reproduit la légende dans une langue créée, inouïe. Cette langue du moyen âge, qui se trouve condensée, refrappée en cet endroit avec un art et une autorité dont on ne peut se faire idée, laisse çà et là des traces énergiques dans tout le courant du récit de M. de Chateaubriand. […] Le vocabulaire de M. de Chateaubriand, dans ces Mémoires, comprend toute la langue française imaginable, et ne la dépasse guère que parfois en quelque demi-douzaine de petits mots que je voudrais retrancher.
François Ier, dès le jour où il monta sur le trône, donna le signal à ce puissant travail qui devait contribuer à répandre et à polir en définitive la langue française. […] Épris de toute noble culture des arts et de l’esprit, admirateur, appréciateur d’Érasme comme de Léonard de Vinci et du Primatice, et jaloux de décorer d’eux sa nation, comme il disait, et son règne, propagateur de la langue vulgaire dans les actes de l’État, et fondateur d’un haut enseignement libre en dehors de l’Université et de la Sorbonne, il justifie, malgré bien des déviations et des écarts, le titre que la reconnaissance des contemporains lui décerna. […] Dans l’estime du temps, traduction en langue vulgaire équivalait, ou peu s’en faut, à invention. […] Il y aurait avant tout à faire un travail philologique de révision ; car il est incroyable à quel point les textes de ces vieilles poésies se sont corrompus ; l’incorrection des copies ou des impressions s’est ajoutée à celle de la langue pour embrouiller le sens de certaines pièces, qui, bien rétablies, pourraient paraître ingénieuses.
Œuvres diverses de M. de Marcellus (2e partie) I Quoi qu’il en soit de ce vœu, comme de tant d’autres, le livre de M. de Marcellus est un des livres de jeunesse qui sont les plus doux à emporter dans son bagage de voyageur ou à feuilleter dans son âge avancé, quand on veut se donner une odeur du printemps de la vie ; on y vogue, on y change d’horizon à tous les levers de l’aurore ; on y chante à demi-voix les vers mémoratifs de ses études, on y parle la plus riche et la plus sonore des langues ; et, par-dessus tout, on y cause avec un compagnon de route toujours instruit, toujours spirituel, toujours tempéré et souriant, qui semble avoir en lui la précoce et froide sagesse du vieillard à côté des belles illusions de la vie. […] Défions-nous en toute langue de la poésie des rues, des mers et des montagnes, destinée à charmer les peuples ignorants. […] C’est là un poète populaire, ou plutôt c’est là un poème écrit dans la langue du peuple avec les idées, les habitudes, les travers, les loisirs des amants, dans les basses classes des peuples ! […] « Émerveillé d’entendre retentir si mélodieusement la langue antique dans une bouche enfantine, je déposai quelques petites pièces de monnaie dans le panier vide ; et l’écolier, après avoir porté une main à ses lèvres et à son front, s’éloigna en me disant : Que vos années soient nombreuses !
Ces trivialités, je l’accorde, sont relevées par le style ; la langue que manie M. […] Il y a bien des lacunes, volontaires ou non, dans la langue éclatante et nombreuse de M. […] La simplicité, dans cette langue sans mesure, confine souvent à la platitude comme l’élévation à l’emphase. […] Flaubert pourquoi les qualités morales, par une transposition naturelle, peuvent convenir au silence, pourquoi on peut aussi le placer, comme dirait Kant, sous les catégories du temps et de l’espace, pourquoi l’on dit dans toutes les langues du monde un silence triste, doux, lugubre, effrayant, paisible, solennel, ou bien un long silence, un éternel silence, et pourquoi enfin, même dans le patois le plus barbare, un silence énorme est impossible ; rompu à tous les manèges du style, M.
Ces qualités générales une fois conçues, Goethe s’efforce de les communiquer autant que possible à sa langue maternelle. […] Schmidt, l’un de nos meilleurs professeurs de langue allemande, a récemment soutenue devant la Faculté des lettres de Strasbourg-. […] C’est la langue française, dit M. […] Or, cette langue, le xviie siècle l’a créée. […] Quelle gloire pour eux d’avoir seuls sauvé tant d’idées utiles, qui sans eux seraient lourdement retombées à terre, et de leur avoir prêté les ailes de cette belle langue française, langue de conquérants, langue victorieuse et irrésistible, qui va partout où elle veut aller, comme les soldats qui la parlent !
Qu’on ne cherche point dans ces Traductions une exactitude littérale ; elles sont plus libres que fidelles ; mais elles prouvent que le Traducteur entendoit aussi bien le Grec & le Latin que sa propre Langue.
Il n’est point de Bibliotheque où son Glossaire de la basse Latinité, & son Glossaire de la Langue Grecque, ne doivent occuper une place.
Sa Grammaire Grecque, destinée à faciliter l’intelligence de la Langue d’Homere & de Platon, est un Traité aussi clair que méthodique, de tout ce qui est nécessaire pour remplir le but qu’il s’est proposé.
Si l'on fait attention que de son temps les premiers principes du goût étoient ignorés & la langue encore informe, on aura plus d'indulgence pour les incorrections, les rudesses, les mauvaises plaisanteries qu'on trouve dans ses Satires, & on lui saura gré de la vigueur qu'il a mise dans ses tableaux, des saillies agréables qui ont échappé à sa plume, de l'heureuse naïveté avec laquelle il a attaqué le vice & poursuivi les vicieux : plusieurs de ses Vers peuvent encore passer pour originaux, & il a plusieurs traits qui n'ont point vieilli.
Le visage de François Coppée est vraiment ovale, ce qui est plus rare qu’on ne pense, et sa bouche bien dessinée est tout à fait celle du jeune homme qui parle une langue harmonieuse. […] Je me serais coupé ta langue avec les dents !
Il avait, rapporte-t-il, « la gueulle fendue jusques aux aureilles, dedans la gueulle sept langues et chasque langue fendue en sept parties : quoique ce feust, de toutes sept ensemblement parlait divers propos et langages divers : avait parmi la teste et le reste du corps autant d’aureilles comme jadis eut Argus d’yeulx : au reste était aveugle et paralytique des jambes ».
Toutefois les coups de langue et les coups de plume sont la vengeance la plus ordinaire et la plus sûre des auteurs exaspérés. […] Il semble avoir été agacé des intempérances de langue de M. […] Période barbare, où la langue n’était qu’un jargon rude et informe ! […] Le vieux français était une langue horrible à entendre, cette langue que des Italiens du xiiie siècle proclamaient « plus délitable à ouïr que nule autre » ! […] Mais, ô clarté tant vantée de la langue française, qu’es-tu donc devenue !
Maints passages de l’École de l’idéal et la plupart des poèmes des Horizons m’avaient déjà incité à dire, ici et ailleurs, que la langue et le talent de M.
Je ne parle point de celles qui ne concernent point la langue, la versification, etc ; je n’insiste que sur celles qui intéressent la morale, objet beaucoup plus important.
M’est avis qu’il faut laisser, comme le disait jadis Du Bellay dans la Défense et Illustration de la langue françoise « toutes ces poésies et aultres telles épiceries aux jeux floraux de Toulouse et au puy de Rouen ». […] La poésie est « une langue bien faite ». […] Une esthétique qui ne s’adapterait pas aux exigences constitutives de la vie, ressemblerait un peu à ces langues mortes que la curiosité nous porte à connaître, mais dont les imperfections ou les circonstances opportunes nous interdisent l’usage. […] Au fond, le symbole est une vérité que la langue de l’homme ne peut pas dire à l’oreille de l’homme et que l’esprit dit à l’esprit. » Ballanche. […] Il y a dans les rapprochements et les combinaisons de la langue écrite par certains hommes, toute l’évocation d’un monde poétique que le peuple des mondains ne sait plus apercevoir ni deviner.
Eugène Ledrain Une langue franche et ferme, de l’esprit mêlé à beaucoup de sentiment, quelque chose d’honnête et d’enthousiaste, une pensée toujours élevée, telles sont les principales qualités qui marquent les pièces de M.
Paul Leclercq un court poème, Ibis, à quoi j’eusse reproché pour ma part quelque affectation d’ironique psychologie ; les pages nouvelles qu’il rassembla récemment ne sont pas écrites en lignes inégales, et cependant elles me valent le plaisir de les louer, pour l’harmonie rythmique de la langue et la grâce ingénieuse des images qui les assimilent à de véritables petits poèmes.
Sans connoître d’autre langue que la sienne, il sut mériter un rang distingué parmi nos Littérateurs, malgré Boileau, qui ne pouvoit se persuader qu’un homme qui ne savoit pas le Latin, fût capable de faire de bons vers.
La Traduction des Métamorphoses d’Ovide, par M. de Fontanelle, annonce une plume, sinon aussi exercée & aussi élégante que celle de l’Abbé Bannier qui a traduit le même Ouvrage, du moins plus exacte, & capable de faire passer, dans notre langue, les graces & la facilité de l’ingénieux Poëte de Sulmone.
MASSIEU, [Guillaume] Abbé, Professeur en Langue Grecque au Collége Royal, de l’Académie Françoise & de celle des Inscriptions, né à Caen en 1665, mort à Paris en 1722.
Prétendre égayer un Lecteur, en faisant dire par un Sultan à son premier Ministre : Taisez-vous, Visir, vous raisonnez comme un Abbé ; & en faisant répondre au Visir : Votre Hautesse me fait trop d’honneur ; peindre une Reine, en lui donnant des yeux qui ne finissoient pas, des yeux chargés de tendresse, des éternels bras dont elle ne savoit que faire; ajouter à cela des gentillesses que la plume d’une femme ne devroit jamais laisser échapper ; c’est manquer tout à la fois au costume, à la Langue, & à la décence.
., peut-être n’est-il plus temps d’entendre que LITTÉRATURE EUROPÉENNE, tant, à l’exception des langues, qui entreront aussi un jour dans la mêlée universelle, les littératures modernes sont en train de faire de l’unité monstrueuse dans leurs conceptions et leurs manières de sentir !
Le libraire Fauche y confie à Rivarol la tâche de donner aux Allemands un Dictionnaire de la langue française. […] Mais ayant commencé tard à écrire en français, sa langue est barbare et incorrecte. […] Soyons cependant de ces langues. […] De ses grands poèmes les grammairiens ont pu discuter la langue, mais de leur poésie rien n’a vieilli. […] À vingt-deux ans il connaît sa langue, il a le sens commun et profond du vers, beaucoup mieux que Lamartine et Vigny ne les posséderont jamais.
Emmanuel Des Essarts Ses livres, pénétrés d’idées humanitaires, expriment, dans une langue mâle et hardie, souvent pleine d’ampleur, les tendances et les aspirations les plus généreuses de notre siècle.
Il y a encore un autre Auteur de ce nom, à qui le Public doit, sinon la plus fidele, du moins la plus élégante Traduction qui ait paru jusqu’à présent dans notre Langue, de l’Iliade d’Homere & de la Jérusalem délivrée du Tasse.
Commire que trop de longueur dans ses Paraphrases des Pseaumes, qui sont bien loin d’atteindre le sublime de celles de Rousseau, quoique dans une langue plus énergique.
Cette alliance n’a pas été féconde, car ces deux Langues sont aujourd’hui fort négligées parmi nous.
La Traduction des mille & une Nuits, est le fruit de son habileté dans les Langues Orientales.
On l’a traduit dans presque toutes les Langues de l’Europe, en entier ou par extraits.
MONTMAUR, [Pierre de] Professeur Royal en Langue Grecque au Collége de Cambrai, à Paris, né dans le Limousin, d’autres* disent dans la Marche, mort à Paris en 1648.
Quand on considere l'étendue de son travail, les difficultés qu'il avoit à vaincre, la gêne impitoyable de la rime, l'insuffisance de notre Langue, comparée à celle du Poëte dont il est l'interprete, on conçoit aisément que les beautés de sa Traduction tournent bien plus à sa gloire, que les endroits foibles, qui sont en petit nombre, ne peuvent lui faire de tort.
Le Roman comique est le seul de ses Ouvrages qui soit d'une plaisanterie agréable & continue ; les caracteres en sont originaux, les détails facétieux, la narration piquante ; il est écrit aussi purement que les Provinciales, & n'a pas peu contribué, comme elles, à la perfection de notre Langue.
Dans ce Commentaire sur Corneille, il fut fort sincère ; là même où sa critique nous paraît excessive et trop peu intelligente de l’ancienne langue, il obéit à son goût personnel, à ses habitudes d’élégance, à l’ennui que lui causaient à la longue les mauvaises pièces du vieux tragique. […] Il y a dans ce grand homme plus de vers faibles qu’il n’y en a d’incorrects ; mais, malgré tout cela, nous savons vous et moi, que personne n’a jamais porté l’art de la parole à un plus haut point, ni donné plus de charme à la langue française. […] J’avais quelque ouverture pour apprendre les langues de l’Europe, aucune pour les orientales : Non omnia possumus omnes.
Lebrun, par exemple, et d’autres encore) n’ont pas voulu communiquer leurs lettres, et on le conçoit : il écrivait comme il parlait, sa plume était mauvaise langue ; il s’abandonnait sur tout le monde : jeter au public de tels paquets de confidences avant que le temps ait tout refroidi, c’est, en quelque sorte, se rendre soi-même responsable de ce qu’ils contiennent. […] C’est l’effet d’une langue qui marche et qui s’use en marchant. […] Il se dédommageait de son inaction par des coups de langue ; il donnait de la griffe à droite, à gauche, en tous sens ; on ne pourrait citer sans blesser.
Il ne parut tout à fait à son avantage aux yeux de tous qu’après la campagne de 1667 ; sa politesse auparavant était parfaite, mais toute cérémonieuse et en révérences : ce ne fut qu’à partir de ce moment que sa langue se délia en public et avec les dames, et qu’il entama et soutint la conversation d’une manière aisée, comme un autre homme : la remarque est d’un bon juge et bien délicat, Mmede Longueville. […] ce n’est pas le style bref et nu, le style abrupt et souverain de Napoléon racontant ses campagnes, ce n’est pas une plume d’airain qui écrit : c’est un roi qui, même à cheval et à la tête de ses armées, parle à loisir et sans se presser sa langue héréditaire. […] Il est mort comme il avait vécu, en vue de tous et en toute lumière, conservant jusqu’à la fin sa noblesse de sentiments, sa droiture d’esprit, sa langue parfaite et royale.
On n’a que des témoignages abrupts et fragmentaires jusqu’après la conquête normande et jusqu’à l’époque de formation de la nouvelle langue. La conquête de l’Angleterre par les Normands (1066) est la dernière en date des grandes invasions territoriales qui ont précédé partout le Moyen-Age, et le Moyen-Age était déjà commencé partout ailleurs quand elle eut lieu ; la langue, et partant la littérature anglaise qui en devait sortir, se trouva ainsi en retard sur les autres littératures du continent, particulièrement sur la française : elle s’inspira, elle s’imprégna d’abord de celle-ci, et elle n’acquit qu’avec le temps son juste tempérament, sa saveur propre. […] Ce qui est à remarquer de bonne heure dans les plus anciennes productions de nos voisins, c’est comme le caractère saxon tient ferme et résiste en matière de langue et de littérature, de même que pour la Constitution politique ; il conserve ses goûts, ses traditions, son accent et son vocabulaire sous les couches brillantes superficielles.
La brièveté est une vertu de la langue, car la langue n’est qu’un signe. La plus parfaite des langues serait celle qui contiendrait le monde dans un mot.
Pendant le xve siècle, l’Italie avait eu des drames latins, fort inspirés de Sénèque, et depuis 1515 elle avait une tragédie nationale en langue vulgaire : en 1515, Trissino donna sa Sofonisba. […] En même temps, les traducteurs, parmi tant d’œuvres anciennes qu’ils transportaient dans notre langue vulgaire, ne négligeaient pas les poèmes dramatiques : Lazare de Baïf, en 1537, traduisit l’Électre de Sophocle et plus tard l’Hécube d’Euripide. […] Au fond, pour lui comme pour Régnier, comme pour D’Aubigné, Ronsard, par une illusion dont l’histoire littéraire offre plus d’un exemple, Ronsard était devenu le représentant de la liberté de l’art, du facile et fécond naturel, contre Malherbe et contre les puristes tyrans du vers et de la langue.
Composition, langue, rythmes. — 2. […] Même sûreté dans le maniement de la langue. […] Ordinairement respectueux de la langue, V.
On conçoit à la rigueur qu’à une époque où tout était chose d’Etat, où s’achevait l’unité de la France, où toute son histoire aboutissait enfin à la monarchie absolue, où partout, dans les mœurs, dans les manières, dans la religion, dans les lettres, triomphait le même esprit de discipline et d’autorité, un cardinal ait eu l’idée de préposer une compagnie de lettrés à la fixation et à la conservation de la langue. […] Il a, de plus, reçu le don de les traduire dans une langue si fébrilement expressive, que tout lui paraît languir à côté de ce mode de traduction. […] Daudet garde un instinct de la tradition latine, un respect spontané du génie de la langue.
s’écrie un solliciteur comblé, mais une bougie de l’Étoile… C’est un cierge, un vrai cierge… » Toutes ces belles choses nous sont dites dans la langue la plus plate, la plus encombrée et la plus impropre. […] Les personnages de cette tragédie parlent la plus prétentieuse, la plus exclamative et la plus vagissante des langues le naturisme. […] Voilà qui est difficile à dire en une autre langue que le latin d’Abélard.
Dans La Mare au diable, l’auteur remarque en un endroit qu’il est obligé de traduire le langage antique et naïf des paysans de la contrée : « Ces gens-là, dit-il, parlent trop français pour nous, et, depuis Rabelais et Montaigne, les progrès de la langue nous ont fait perdre bien des vieilles richesses. […] Elle regrette ces richesses ; elle regrette, comme Fénelon, ce je ne sais quoi de court, de naïf, de hardi, de vif et de passionné, qui animait notre vieux langage et que la langue rustique a conservé par endroits. […] Elle adopte un genre mixte, comme si elle contait « ayant à sa droite un Parisien parlant la langue moderne, et à sa gauche un paysan devant lequel elle ne voudrait pas dire une phrase, un mot où il ne pourrait pas pénétrer.
Il court rapidement sur les temps barbares et stériles, et sur ceux de ses ancêtres dont on ne sait que les noms ou quelques traits insignifiants : « Il en est, dit-il, des histoires comme des rivières, qui ne deviennent importantes que de l’endroit où elles commencent à être navigables. » Il choisit le français de préférence à toute autre langue, parce que « c’est, dit-il, la langue la plus polie et la plus répandue en Europe, et qu’elle paraît en quelque façon fixée par les bons auteurs du siècle de Louis XIV ». […] Tout étranger qu’il est, il sait choisir ses expressions en esprit juste qui mesure ou plie la langue à sa pensée.
Né le dernier jour de février 1533, nourri dès l’enfance aux langues anciennes tout en se jouant, éveillé même dès le berceau au son des instruments, il semblait avoir été élevé moins pour vivre dans une rude et violente époque, que pour le commerce et le cabinet des muses. […] À cet égard, en obéissant si pleinement à son génie, il a dépassé et quelquefois excédé celui de la langue. […] Si on voulait l’imiter, même en supposant qu’on le pût et qu’on y fût disposé par nature, si l’on voulait écrire avec cette rigueur, et cette exacte correspondance, et cette continuité diverse de figures et de traits, il faudrait à tout moment forcer notre langue à être plus forte et plus complète poétiquement qu’elle ne l’est d’ordinaire et dans l’usage.
Il n’ose comprendre, il regarde encore, quand un second signe, toujours dans la langue des sourds-muets, vient lui dire : Je vous aime. C’est à étudier cette langue de l’abbé Sicard et de l’abbé de L’Épée que Valentine a consacré ses matinées durant les trois derniers mois : « Lorsque j’ai senti, dit-elle, que rien ne pouvait m’empêcher de l’aimer, j’ai voulu apprendre à le lui dire. » Cette première veine délicate et nuancée, cette première manière de roman s’arrête pour Mme Gay avec Anatole, et elle ne la prolongea point au-delà de l’époque de l’Empire. […] Sa parole, plus forte et plus drue quand elle causait que quand elle écrivait, rappelait parfois le tempérament de certaines femmes de Molière, bien qu’il s’y mêlât plus d’un trait de la langue de Marivaux.
Anatole France a dit quelque part (en substance) que les poètes trouvaient leurs rythmes, et se forgeaient leur langue, assez inconsciemment, et qu’ils étaient disgracieux, s’essoufflant à démonter les rouages de leur strophe ; c’est fort possible, et il faut émettre en principe qu’on fait d’abord ses vers, et qu’on s’en précise ensuite la rythmique. […] Nous avons bien en français un accent tonique ; mais il est faible et cela tient à l’amalgame que fit Paris des prononciations excessives et différentes des provinces, les usant pour en constituer une langue modérée, calme, juste-milieu, quant au retentissement des consonnes et au chant des voyelles, neutre de préférence à bariolée. […] Garder le grand vers eût été une indication qu’on voulait pousser jusqu’à la farce, à la parodie, ce que fit Corneille dans l’Illusion comique où le Matamore parle la langue même qui servira au Cid.
Encore qu’il affranchisse plus tard sa pensée de la gêne du rythme et de la mesure, il ne cessera plus de parler la langue ferme, sobre, correcte et un peu brutale, qui lui fait une place à part parmi ses rivaux ou ses émules. […] La nouvelle formule grandissait avec lui : l’observation exacte, la vie réelle mise à la scène, la peinture de notre société, en une langue sobre et correcte. […] Son esprit, éminemment français, qui n’empruntait rien ni à Lope de Vega, ni à Goethe, ni à Shakespeare, qui prenait sa langue dans Rabelais, dans Montaigne, dans Beaumarchais, et peignait ses contemporains sur le vif, tels qu’il les voyait, bourgeois, financiers, aventuriers et aventurières, honnêtes gens, femmes vertueuses et coquines, de son temps, s’était obstinément refusé à s’enrôler sous la bannière du grand maître.
Rendez donc notre langue aussi feconde en expressions et aussi agréable dans la prononciation, que la langue de ceux que vous pretendez que nous devions égaler pour meriter votre estime. […] Nos peintres, pour ainsi dire, composent dans la même langue que parloient leurs prédécesseurs.
Je n’ai jamais considéré la langue que comme le véhicule de l’idée, comme un instrument qu’il faut vouloir perfectionné, mais qui ne peut avoir, provisoirement, d’autre importance que celle des choses secondaires. […] Aussi, s’insurgeant contre les Romantiques, les Parnassiens, les Naturalistes, il veut renouer la fameuse « chaîne gallique » de M. du Plessys et restaurer notre langue naturelle : celle de Ronsard, de La Fontaine et de Racine. […] La langue de La Fontaine et de Racine, quelque riche qu’elle soit, n’a pas la précision qui convient aux époques scientifiques.
Tout ce qui a plume s’en est occupé et a tenu à dire son mot, quelquefois très long, sur un ouvrage qui n’a d’analogue ni dans notre langue ni dans aucune autre. […] Peu soucieux, d’ailleurs, de se contredire et de se prendre honteusement dans sa propre inconséquence, Saint-Simon ne craignit pas d’écrire que cet esprit foncièrement médiocre était capable de « se former et de s’élever…, qu’il voulait l’ordre et la règle…, qu’il était né sage, modéré, maître de ses mouvements et de sa langue, et le croira-t-on ? […] Il va son train, il insulte, il raille, il remet sa langue de tigre au sang de la bête morte, mais pas un mot qui révèle que son esprit soit un peu plus haut que son mépris et que sa haine.
Enfin, c’est que, comme tous les forts penseurs qui créent leur langue avec leurs idées, Saint-Bonnet a sa langue, réfléchie, exacte, marquée au coin axiomatique d’un esprit puissamment généralisateur. […] Une tête de la force de celle de l’auteur pourrait peut-être, sous ce bloc d’idées si nettement équarri, appréhender leurs développements et leurs conséquences, vues à travers cette langue si strictement condensée, cet autre bloc de cristal, dense et transparent à la fois.
Par la langue et le faire, Baudelaire, qui salue à la tête de son recueil Théophile Gautier pour son maître, est de cette école qui croit que tout est perdu, et même l’honneur, à la première rime faible, dans la poésie la plus élancée et la plus vigoureuse. […] Sensualiste, mais le plus profond des sensualistes, et enragé de n’être que cela, l’auteur des Fleurs du mal va, dans la sensation, jusqu’à l’extrême limite, jusqu’à cette mystérieuse porte de l’Infini à laquelle il se heurte, mais qu’il ne sait pas ouvrir, et de rage il se replie sur la langue et passe ses fureurs sur elle. Figurez-vous cette langue, plus plastique encore que poétique, maniée et taillée comme le bronze et la pierre, et où la phrase a des enroulements et des cannelures, figurez-vous quelque chose du gothique fleuri ou de l’architecture moresque appliqué à cette simple construction qui a un sujet, un régime et un verbe ; puis, dans ces enroulements et ces cannelures d’une phrase, qui prend les formes les plus variées comme les prendrait un cristal, supposez tous les piments, tous les alcools, tous les poisons, minéraux, végétaux, animaux ; et ceux-là, les plus riches et les plus abondants, si on pouvait les voir, qui se tirent du cœur de l’homme : et vous avez la poésie de Baudelaire, cette poésie sinistre et violente, déchirante et meurtrière, dont rien n’approche dans les plus noirs ouvrages de ce temps qui se sent mourir.
La comtesse soutint qu’un domestique habile à parler plusieurs langues, pouvoit servir de truchement. […] Il sera toujours singulier de voir une langue qui se suffit à elle-même, aller à la quête pour mendier des termes inintelligibles. […] … La langue française eut besoin d’être enrichie de mots nouveaux. […] J’en conclus que c’est un défaut, & que cela ôte à une langue l’honneur de passer pour originale. […] On disoit de Bossuet, qu’il étoit si rempli d’idées sublimes, que la langue ne lui sembloit qu’un foible accessoire pour les exprimer.
Esther, macérée dans les aromates, lui est plus proche qu’Hélène, fille de Léda et du cygne, et l’implacable soleil, le Baal dévorateur, plutôt qu’Apollon ou le pâle Galiléen, recevra son hommage orgueilleux, en versets d’une belle et forte langue.
Mathias Morhardt ; livre d’amour chaste, ardent et discret ; malgré la langue pas toujours assez sure, à notre gré, le rythme comme parlé des strophes berce et entraîne de l’inquiétude à la joie, du rêve au baiser.
Les grandes agglomérations d’hommes à la façon de la Chine, de l’Égypte, de la plus ancienne Babylonie ; — la tribu à la façon des Hébreux, des Arabes ; — la cité à la façon d’Athènes et de Sparte ; — les réunions de pays divers à la manière de l’Empire carlovingien ; — les communautés sans patrie, maintenues par le lien religieux, comme sont celles des israélites, des parsis ; — les nations comme la France, l’Angleterre et la plupart des modernes autonomies européennes ; — les confédérations à la façon de la Suisse, de l’Amérique ; — des parentés comme celles que la race, ou plutôt la langue, établit entre les différentes branches de Germains, les différentes branches de Slaves ; — voilà des modes de groupements qui tous existent, ou bien ont existé, et qu’on ne saurait confondre les uns avec les autres sans les plus sérieux inconvénients.
Son Traité de la Géographie ancienne peut servir à l’intelligence de l’Histoire : mais ses Remarques sur la Langue Françoise sont aujourd’hui plus qu’inutiles.
Qu'on ajoute à ces différentes especes de mérite, la connoissance de plusieurs Langues vivantes, une application constante à l'étude, & l'on croira sans peine que le titre d'Académicien a été, par rapport à lui, non une vaine décoration accordée au rang & au crédit, mais un hommage rendu au savoir & au mérite.
Scaliger, [Joseph] né à Agen en 1549, mort à Leyde en 1609 ; un de ces Erudits, dont tout le mérite consiste à réformer des dates, à commenter des Auteurs, à obscurcir des passages à force de vouloir les éclaircir, à disserter sur des mots, à savoir médiocrement plusieurs Langues, & sur-tout à dire savamment des injures.
C’est faire apprécier au lecteur l’ensemble de toutes les tentatives, dans lesquelles les auteurs se sont essayé à voir avec des yeux autres que ceux de tout le monde ; à mettre en relief les grâces et l’originalité des arts mis au ban par les Académies et les Instituts ; à découvrir le caractère (la beauté) d’un paysage de la banlieue de Paris ; — à apporter à une figure d’imagination la vie vraie, donnée par dix ans d’observations sur un être vivant (Renée Mauperin, Germinie Lacerteux) ; à ne plus faire éternellement tourner le roman autour d’une amourette ; à hausser le roman moderne à une sérieuse étude de l’amitié fraternelle, (Les Frères Zemganno) ou à une psychologie de la religiosité chez la femme (Madame Gervaisais) ; — à introduire au théâtre une langue littéraire parlée ; — à utiliser en histoire des matériaux historiques, restés sans emploi avant eux, (les lettres autographes, les tableaux, les gravures, l’objet mobilier) ; — tentatives enfin, où les deux frères ont cherché à faire du neuf, ont fait leurs efforts pour doter les diverses branches de la littérature de quelque chose, que n’avaient point songé à trouver leurs prédécesseurs.
La langue est belle, la passion est vraie ; il faut y croire.
Souchon la trouve tout naturellement, grâce à une langue souple et pure, à des images d’une belle et touchante sérénité.
Belles-Lettres, Langues savantes, Philosophie, Mathématiques, Théologie, Critique, Histoire sacrée & profane, ecclésiastique & littéraire, tout a été de son ressort, & voilà pourquoi il n’a fait qu’effleurer chacune de ces parties.
Pluche a fait encore une Histoire du Ciel, en 2 volumes, un Livre sur la Mécanique des Langues, & une Concorde de la Géographie des âges, Ouvrages estimables, & écrits selon le génie de l’Auteur, qui ne manque ni de sagacité, ni de méthode, ni d’élégance.
Quoique ce Poëme ait été écrit en Latin presque sous nos yeux, la tournure & le génie de la Langue Latine y sont si bien conservés, qu’on seroit tenté de croire que l’Auteur est né au Siecle de l’Adversaire qu’il combat.
A ces défauts près, ce que l’esprit a de plus ingénieux, le sentiment de vif & de touchant, la Morale de sage & de solide, la Langue de pittoresque & d’harmonieux, se trouve rassemblé dans cet Ouvrage, qui suppose d’ailleurs la connoissance de la Religion, des usages, des loix & de l’histoire des anciens Grecs.
Il est le meilleur qu'on puisse mettre entre les mains des Etrangers qui voudront se perfectionner dans notre Langue, à cause de l'attention qu'il a de relever les fautes particulieres à chaque Nation pour la maniere de la prononcer.
Racine lui-même fait à la rime, à l’hémistiche, au nombre des syllabes, des sacrifices de style ; et s’il est vrai que l’expression juste, celle qui rend jusqu’à la plus délicate nuance, jusqu’à la trace la plus fugitive de la liaison de nos idées ; s’il est vrai que cette expression soit unique dans la langue, qu’elle n’ait point d’équivalent, que jusqu’au choix des transitions grammaticales, des articles entre les mots, tout puisse servir à éclaircir une idée, à réveiller un souvenir, à écarter un rapprochement inutile, à transmettre un mouvement comme il est éprouvé, à perfectionner enfin ce talent sublime qui fait communiquer la vie avec la vie, et révèle à l’âme solitaire les secrets d’un autre cœur et les impressions intimes d’un autre être ; s’il est vrai qu’une grande délicatesse de style ne permettrait pas, dans les périodes éloquentes, le plus léger changement sans en être blessé, s’il n’est qu’une manière d’écrire le mieux possible, se peut-il qu’avec les règles des vers, cette manière unique puisse toujours se rencontrer ? […] Les plus beaux morceaux de prose que nous connaissions sont la langue des passions évoquée par le génie.
Les Poëmes épiques écrits en vers perdent beaucoup dans la Traduction, tandis que le Télémaque conserve ses beautés originales dans les Langues où on l’a traduit. […] Là, se fait sentir davantage ce genre d’éloquence qui est propre à Fénélon ; cette onction pénétrante, cette élocution persuasive, cette abondance de sentiment qui se répand de l’ame de l’Auteur, & qui passe dans la nôtre ; cette aménité de style qui flatte toujours l’oreille, & ne la fatigue jamais ; ces tournures nombreuses où se développent tous les secrets de l’harmonie périodique, & qui, pourtant, ne semblent être que les mouvemens naturels de sa phrase & les accens de sa pensée ; cette diction, toujours élégante & pure, qui s’éleve sans effort, qui se passionne sans affectation & sans recherche ; ces formes antiques qui sembleroient ne pas appartenir à notre langue, & qui l’enrichissent sans la dénaturer ; enfin cette facilité charmante, l’un des plus beaux caracteres du génie, qui produit de grandes choses sans travail, & qui s’épanche sans s’épuiser ».
Dans les produits simples de l’art plastique, dans la poésie de mots, le plaisir paraît dépendre immédiatement de l’excitation ; seules les œuvres dramatiques, parce que leur matériel est l’action humaine, appellent nécessairement un cortège d’émotions ordinaires, pénibles ou joyeuses, qui n’y prennent cependant, pour parler la langue de M. […] Si l’on veut estimer la « valeur d’art », il ne suffit point de noter la qualité ou la quantité des émotions accessoires que suscite l’œuvre, et il ne s’agit pas seulement de savoir si elle provoque en nous un sentiment de vive sympathie ou d’ardent patriotisme ; il faut étudier la langue même de l’émotion, le rapport choisi entre les perceptions qui en sont l’instrument, la « mise en œuvre ».
Elle a une langue à elle comme le rossignol et le bengali. […] Mme Augustus Craven, qui n’a plus dans tous ces livres, écrits à froid, la palpitation de cœur qui lui tient lieu de tout dans le Récit d’une sœur, est, dans la langue, d’une indigence d’imagination véritablement lamentable.
C’est un écrivain élégant, pur et coloré, qui, par parenthèse, nous a donné la meilleure traduction qu’il y ait de lord Byron dans notre langue, et qui, si nous en jugeons par sa manière d’écrire, a le sens très développé des choses littéraires. […] Dans ce passage de la Ligne pour l’Histoire, qui va de 1572 à 1600, la métamorphose avait été complète : intérêts, institutions, préoccupations, franchises, beaux-arts, théâtres, architecture, langues, costumes, plaisirs, rien ne ressemblait au passé… Mais, plus tard, le dénoùment du faisceau devenait plus rapide.
Il était expédient de placer Gœthe et Diderot dans le cadre étroit d’un même volume, pour, rapprochés ainsi l’un de l’autre, les faire mieux juger et donner une idée plus exacte et plus nette de leur identité ; car, malgré les différences de pays et d’époque, de langue et d’idée, d’influence et de destin, Goethe et Diderot— pour qui creuse et pénètre au-delà — sont des esprits de nature identique… Gœthe — le dernier venu des deux — est certainement le plus grand dans l’opinion des hommes, comme Charlemagne est plus grand que Pépin ; mais c’est Diderot qui est le prédécesseur et le père, — et encore est-ce un père qui n’a pas donné tout son tempérament à son fils. […] Mais elle a mis au service de sa gloire sa langue, qu’on entend et qu’on parle partout.
Carlyle, dans son Histoire de la Révolution française, — si prodigieusement difficile à traduire, de l’aveu même de Philarète Chasles, ce Français-Anglais par la plume, le seul homme peut-être qui fût capable de triompher des difficultés de la langue et du génie de Carlyle, et qui essaya un jour, mais se fatigua et rentra bientôt dans son vagabondage et son lazzaronisme littéraires, — Carlyle est, en histoire (ce qu’on n’avait jamais vu !) […] S’il n’est pas, dans la langue de son pays, un styliste de premier degré, il y est, du moins, un expressionniste formidable.
Il faut être Camille Desmoulins, l’André Chénier du journalisme révolutionnaire, qui en a l’iambe en prose et la langue souple, pure comme un camée, parfumée d’antiquité et quelquefois de mélancolie, pour qu’on puisse toucher sans dégoût ou sans indifférence aux haillons du Vieux Cordelier. […] C’était celle-là que l’on aime dans tous les pays, mais particulièrement dans celui-ci ; cette espèce de médiocrité qui est le niveau intellectuel de tout le monde et qui se parle dans une langue passable et époussetée.
Ses livres de chevet doivent être la Langue des calculs et Candide : Candide pour lui, son livre de couchette, — et la Langue des calculs pour les badauds et quand quelqu’un monte l’escalier !
Il avait les facultés nécessaires à cette besogne ; il avait le degré qu’il faut de sagacité, d’érudition, d’enthousiasme et même de duperie, pour aller chercher des idées dans des livres profonds et obscurs comme des puits, où elles se tiennent peut-être pour se faire croire la Vérité, et pour les verser dans les esprits qui les ignorent, après les avoir fait passer par cette langue française, qui est la langue universelle de la clarté, comme par un crible lumineux !
Mme de Staël, ce grand poète en prose, — comme on peut l’être en prose, — qui avait fait chanter Corinne, n’existait plus… Tout à coup, comme pour nous consoler de cette perte et pour la réparer, se mit à jaillir dans la vie (le mot n’est pas trop fort pour dire l’impétuosité de cette jeunesse) une jeune fille qui, elle, chantait de vraies poésies, car elle parlait cette langue des vers que rien, dans l’ordre poétique, ne peut remplacer. […] Sa mère l’avait nommée Delphine, par préoccupation de Mme de Staël, et elle resta éternellement timbrée de cette préoccupation de sa mère, qui était devenue la sienne… La poésie, qui se compose de sentiments exprimés avec plus ou moins de puissance, la poésie est si naturelle à la femme, être tout de sentiment, qu’une femme n’est pas nécessairement ce qu’on appelle un bas-bleu dans la langue littéraire, parce qu’elle fait seulement des vers.
Il a montré en La Fontaine le génie le plus gaulois, le plus étonnamment gaulois que l’esprit gaulois ait produit dans la langue et la littérature françaises. Si gaulois, en effet, La Fontaine, que quand l’influence grecque et latine, qui a marqué de son puissant et ineffaçable cachet l’esprit gaulois, a atteint les plus forts et les plus grands génies de notre langue, La Fontaine est celui qui y a résisté davantage.
Cela le met à part d’Alfred de Vigny, poète anglais en langue française, qui avait la beauté anglaise, l’originalité anglaise, la pureté et même la pruderie anglaises ; qui, comme les grands Anglais, ne relevait que de la Bible et de lui-même, et qui avait le dédain anglais pour cette société démocratique qu’est devenue l’ancienne société française. […] Eh bien, le jour où cette fatalité planerait sur nous, le jour où se lèvera, haletant, courroucé et terrible, le chanteur d’Odes qui sera le Tyrtée de la France ou son fougueux Théodore Kerner, s’il cherche la langue de l’Iambe armé de clous dans Le Ménage parisien, ou dans L’Honneur et l’Argent, il ne le trouvera pas… » Eh, parbleu !
Ironie charmante de la Providence à laquelle il ne veut pas croire, l’athéisme de Pichat est d’un talent qui se fonce tout à coup quand il traduit en vers, souvent très beaux, les croyances de sa jeunesse, et que l’accent exécré, l’accent catholique plus fort que lui, passe à travers la langue de sa poésie, — cet accent qu’il finit toujours par renier, quand il s’en est le mieux servi… Ce qui n’est pas reconnaissant ! […] Et c’est alors qu’il se répand en vers superbes, coupe de pensées cerclées aussi dans la langue, l’image, le rythme et la rime : Ce tableau fut pour moi d’une telle puissance.
Patru, qu’on ne lit plus, avait alors des admirateurs ; c’était la première curiosité d’un peuple étonné de ses richesses, et qui en jouit avec l’empressement que donne une fortune nouvelle : il y a d’ailleurs, comme noua avons vu dans chaque époque, un certain niveau que prennent les esprits, les âmes, les mœurs, la langue, le style même : tout tend vers ce niveau et s’en rapproche. […] « Mon cœur rempli de toi, dit-il, a cherché cette consolation, sans prévoir comment ce discours sera reçu par la malignité humaine, qui, à la vérité, épargne d’ordinaire les morts, mais qui quelquefois aussi insulte à leurs cendres, quand c’est un prétexte de plus de déchirer les vivants. » Cet éloge funèbre doit être mis au rang des ouvrages éloquents de notre langue.
Non : les mœurs changent, les formes politiques s’altèrent, les langues se détruisent, et la transplantation des races peut accroître et hâter toutes ces mutations inévitables ; mais l’âme humaine, avec ses points divers et ses touches sonores de sensibilité, de jugement et d’imagination, ne change pas, ne dégénère pas, ne perd aucune des conditions de sa puissance. […] Sera-ce seulement dans la langue de Shakspeare et de Milton, au milieu de ces riches cités où fleurissent tous les arts, où s’élève déjà plus d’un penseur et d’un historien ?
Dante, Pétrarque, Boccace, avaient créé la langue toscane avec les débris de la latinité romaine ; la Grèce avait versé ses manuscrits dans les bibliothèques de Florence ; l’atticisme s’unissait à la force dans les écrits des Toscans ; ils avaient un poète et des lettrés en tous genres ; il leur manquait en prose un Tacite ou un Bossuet pour illuminer la politique et fixer la grande langue des affaires. […] « Il faut de plus, ajoute-t-il, que le nouveau prince vienne résider dans ses nouvelles conquêtes, et que les conquérants parlent la même langue que les conquis. […] Un empire ne survit pas à une religion ; une nation qui n’a plus de capitale n’a plus de tête, plus de cœur, plus de nom, plus de langue, plus de vie. » Il trace à grands coups de plume les invasions des peuplades du Danube : Hérules, Thuringiens, Lombards, Ostrogoths, Visigoths, Allobroges ; il montre du doigt les haltes de ces peuplades campées d’abord, colonisant ensuite, se distribuant, au gré de chefs plus ou moins héroïques, sur les différentes provinces dépecées de l’antique Italie. — « Du milieu de ces ruines, dit-il, et de ces peuples renouvelés, sortent de nouvelles langues ; le mélange de l’idiome maternel de ces peuples étrangers avec l’idiome de l’ancienne Rome donne une autre forme au langage. » — De temps en temps une armée, jadis romaine, sous la conduite d’un lieutenant de l’empereur d’Orient, vient lutter avec plus ou moins de succès contre les Lombards ou les Hérules maîtres de l’Italie.
Hâte-toi d’arriver, que je transmette à ton oreille le courage qui m’anime, et que ma langue valeureuse dompte tout ce qui pourrait arrêter ta route vers ce cercle d’or dont les destins et cette assistance surnaturelle semblent, d’accord, vouloir te couronner. — (Entre un serviteur.) […] Pour cacher vos desseins dans cette circonstance, prenez le maintien qui convient à la circonstance ; que vos yeux, vos gestes, votre langue donnent la bienvenue ; paraissez tel que la fleur innocente, mais que le serpent soit caché dessous. […] il n’y a ni cœur ni langue qui puisse te concevoir ou t’exprimer. […] — Tu viens pour faire usage de ta langue : vite, ton histoire en peu de mots. […] Shakespeare plonge dans l’abîme des fortes passions humaines avec quelque sauvagerie sans doute, mais avec un élan, une profondeur, une largeur qui n’ont de comparaison dans aucune langue.
D’ailleurs, comme ils parloient les deux plus belles langues qui ayent jamais été dans la bouche des hommes, on ne s’apperçoit de ce défaut que lorsqu’on lit leurs traducteurs. […] Le génie grec y est mieux conservé que dans les autres traductions ; mais on sçait combien la langue françoise est inférieure à la grecque. […] Il croit, par exemple, que lorsqu’il s’agit de harangues & de plaidoyers, c’est peu faire que de rendre fidélement le sens du texte, mais qu’il faut encore, autant que la différence des deux langues le peut souffrir, traduire le tour que l’Orateur donne à ses pensées & à la variété de ses mouvemens. […] de Sacy, ne croyoit pas qu’il lui fût permis de négliger les regles de la langue ; plus les matieres sont séches & peu intéressantes, plus il semble qu’il ait pris à tâche d’en sauver l’ennui par le choix des termes, & l’exactitude de la diction. […] Duclos, d’Alembert, Buffon ont prononcé, sont ce qu’il y a peut-être de mieux écrit en notre langue.
Sa langue en reste amère et éloquente ; son geste tendu et saccadé. […] Sa langue est classique, fortement constituée, bien en corps, solide au vieux sol latin. […] La langue y retrouva une ampleur perdue ; des couleurs effacées depuis longtemps réapparurent. […] La richesse de l’image vaut le nombre de la langue. […] Tout livre contient une langue à épeler.
Je ne puis, d’ailleurs, le mieux comparer qu’à ces Canadiens qui ont gardé la langue française d’avant 1770. […] Il n’a eu, du pays où il est né, ni la langue, ni l’esprit. […] Leurs langues proféraient des mots qui n’avaient pas leur vrai sens : il y en eut un qui but à ma mort, voulant dire à ma santé. […] Lord Tennyson, lui, aura eu pour le pleurer tous ceux et toutes celles, de par le monde, qui comprennent la langue où il écrivait. […] Pourtant le norvégien est la seule langue où il puisse écrire.
C’est une autre langue que l’on apprend à parler. […] Dès lors, la langue de théâtre, cette langue plus sonore, disparaît. […] Seules les méchantes langues laissent entendre que M. […] Et combien je préfère la langue incorrecte de M. […] Je ne parle pas de la langue, qui est bien médiocre.
Alphonse de Lamartine Méry et Barthélemy, deux improvisateurs en bronze qui ont fait faire à la langue des miracles de prosodie.
Rollin, dit avec vérité M. de Voltaire, est la meilleure Compilation qu'on ait en aucune Langue, parce que les Compilateurs sont rarement éloquens, & que Rollin l'étoit ».
Il s'agissoit de faire passer dans notre Langue un Original dont l'esprit brillant & épigrammatique exigeoit un génie semblable au sien.
Nous le plaçons parmi les Auteurs François, parce qu’il a passé la plus grande partie de sa vie en France, & que tous ses Ecrits sont dans notre Langue.
Il vit le Mercure de Pierre et celui de Boizot, l’un changeant en pierre Aglaure, l’autre conversant avec Argus, et il dit : À effacer avec la langue pour avoir osé peindre des dieux sans en avoir d’idée ; et Mercure l’embrassa.
Si ce n’est plus qu’un nom, ce nom signifie quelque chose dans la langue de la gloire. […] Dans notre admirable langue, c’est trop peu que les mots soient commodes ; il faut qu’ils soient nécessaires. […] Je n’ai su quelle langue parlait l’un d’eux que par cette question qu’il m’a faite : « Le tabac vous incommode-t-il ? […] Je pense, je sens par son âme, dont une parcelle forme la mienne ; je parle, j’écris dans son admirable langue. […] Le passage cité est extrait d’une notice sur la langue niçoise publiée par M.
Conversation sur les miracles (modernes), le don des langues, le livre d’Arthur, etc. […] Qui, dans ces derniers temps, a donné plus de flexibilité à notre langue ? […] Tout talent individuel refait plus ou moins la langue à son image ; la merveille, c’est d’arriver au but sans rien briser, en profitant de toute l’élasticité dont la langue est pourvue ; et moins une langue a ménagé de ressources aux besoins de la pensée individuelle, plus l’art est excellent, plus l’exercice est profitable. […] Veiller sur la langue, c’est veiller sur la société même. […] On a dit de certaines langues, riches et puissantes, qu’elles portent leur homme : le christianisme, qu’on pourrait aussi appeler une langue intérieure, porte son homme ou son monde.
Le livre fut traduit dans toutes les langues de l’Europe ; mais en revanche la colère du parti qui continuait les traditions du dix-huitième siècle et celles de la révolution fut très vive, et ses attaques furent d’autant plus passionnées, que le succès, comme on était obligé de le reconnaître, avait été prodigieux. […] C’est ainsi que l’oubli très fréquent du devoir royal et du devoir religieux et social, surtout pendant le dix-huitième siècle, favorisa l’avénement de la révolution française, dirigée à la fois contre la royauté, le clergé et la noblesse, c’est-à-dire, pour nous servir de la langue adoptée par M. de Bonald, contre le pouvoir et le ministère public. […] La contradiction qui existait dans la situation de l’empereur passait dans celle du journal, sorte de Babel bâtie sur les plans les plus divers, et où brillait dans tout son éclat la confusion des langues. […] Mais qu’on puisse établir une séparation complète entre les deux genres et faire un partage absolu et irrévocabie des langues et des littératures entre le genre romantique et le genre classique, c’est là une exagération qui put séduire les esprits au début d’une nouvelle expérience littéraire, mais qui ne résiste pas à un examen plus approfondi. […] Quelquefois aussi la langue poétique de M. de Lamartine vient à s’obscurcir sous les ténèbres de la métaphysique que développe Socrate ; le vers semble fléchir sous le poids de l’idée.
Ducoté est un sincère, et quand il ne cherche pas à quintessencier, il sait dans une langue excellente exprimer des sentiments très humains et des sensations très délicates.
C’est charmant, en vérité, de voir venir de temps à autre de là-bas ces minces volumes de vers ingénus, pleins de musique, nimbant des sentiments simples d’une langue naïve, d’une authentique naïveté, avec le petit goût vif d’un don réel des ressources du vers.
Et c’est justice ; il a l’ardeur, l’entrain, et, dans une langue très mêlée, de l’esprit et du trait.
Ses meilleurs endroits sont toujours les ébauches faciles, assez gracieuses dans leur facilité, d’un homme qui, peut-être, sera un artiste demain… En parcourant ces pages incorrectes et lâchées, et ces vers dans lesquels l’émotion ne peut sauver le langage, on a senti que cette langue de poète avait le filet… On ne le lui coupa pas et jamais il ne se l’arracha… Dans ses Nuits d’hiver comme dans sa Vie de Bohême, il n’a pas plus d’inspiration personnelle qu’il n’a de style à lui.
Dans ce recueil, comme en quelques pièces qu’il a données à différentes revues, on trouve une connaissance délicate de la langue, une belle ampleur de rythme, et, sous une forme artistique et sévère, un sentiment philosophique et religieux de la destinée.
Ses Discours Latins, couronnés par l’Université de Paris, prouvent qu’il est très-versé dans la Langue que son état l’oblige d’enseigner ; deux autres Discours François prouvent encore qu’il sait écrire dans la sienne.
., Auteur qui a eu le courage de publier un Livre intitulé Tableau de l'Esprit & du Cœur, où il proscrit les conversations instructives & les Ouvrages agréables, en disant, avec un grand jugement, que l'utile est fait pour la plume, l'agréable pour la langue.
Peu d'Historiens, dans toutes les Langues, ont possédé plus éminemment l'art d'attacher le Lecteur, de captiver son esprit, & de l'intéresser à son sujet.
Si nous supposons encore que ce polonois raisonneur, vienne à bout de persuader à ses compatriotes qu’on est capable de juger d’un poëme dont on n’entend point la langue, après en avoir lû la traduction et la critique, ils ne manqueront pas de prononcer que Chapelain est meilleur poëte que le grand Corneille.
La langue est ferme, précise, sonore, la pensée ailée.
Aubert, [Jean-Louis] Abbé, Professeur de Langue Françoise au Collége Royal, né à Paris en 1731.
Pourroit-on s’étonner, après cela, de voir toute l’Europe s’empresser de recueillir ses Ouvrages, & la gloire de la Langue Françoise passer chez l’Etranger avec les richesses du savoir ?
D’ailleurs le Président Fauchet n’écrivoit mal, que parce que c’étoit un défaut assez général de son temps, où la langue n’étoit pas encore formée.
Les Italiens & les Allemands l'ont fait passer dans notre Langue, & il a été accueilli en France, des Esprits qui tiennent à la Religion & aux mœurs.
Sa seconde édition donna lieu à un article des Débats, où il était dit en terminant, comme par réponse au précédent passage de la nouvelle préface : « Tous les bons littérateurs conviennent que la forme de notre langue a été fixée et déterminée par les grands écrivains du siècle dernier et de l’autre. […] Le génie fait sa langue… Qui ne sait que par Ennius et Lucrèce on attaquait Horace et Virgile ? […] Les défenseurs d’un goût exclusif et d’une langue fixe jouent exactement en littérature un rôle de tories ; ils sont pour une cause qui se perd journellement. […] Je me mis à lui parler allemand ; elle comprenait très-bien cette langue, et ses deux enfants la comprenaient et la parlaient très-bien aussi. […] Il est difficile d’introduire un nouveau style dans les langues et d’y réussir, principalement quand ces langues sont montées à leur perfection, comme la nôtre l’est aujourd’hui. » Voltaire n’eut d’abord que la réputation d’un libertin spirituel ; Jean-Baptiste appelait ses ouvrages des fragments mal cousus où le bon sens est compté pour rien.
Ses dernières pièces ne réussissaient point. « Si vous attendiez plus que vous n’avez eu ce soir, disait-il dans un épilogue114, songez que l’auteur est malade et triste… Tout ce que sa langue débile et balbutiante implore, c’est que vous n’imputiez point la faute à sa cervelle, qui est encore intacte, quoique enveloppée de douleur et incapable de tenir longtemps encore115. » Ses ennemis l’injuriaient brutalement, raillaient « son Pégase poussif », son ventre enflé, sa tête malade116. […] Les têtes des perroquets, les langues des rossignols, Les cervelles des paons et des autruches Seront nos aliments… Tes bains seront le jus des giroflées, L’essence des roses et des violettes, Le lait des unicornes, le parfum des panthères, Recueillis dans des outres, et mêlés avec des vins de Crète. […] Recommencez150. » Ils font apporter Volpone qui a l’air expirant ; ils fabriquent de faux témoignages, et Voltore les fait valoir, de sa langue d’avocat, avec des paroles « qui valent un sequin la pièce. » On met Célia et Bonario en prison, et Volpone est sauvé. […] Cinq ou six langues de femmes l’assassinent à la fois de compliments, de questions, de conseils, de remontrances. […] le laquais qu’il charge de ses commissions, qui, de sa langue bien pendue, va chuchoter des messages d’amour aux oreilles des filles libres de leurs corps ?
Tu vois où conduit une langue effrénée. » Le bonhomme de dieu seul bien au fond qu’il rabâche un peu, et il l’avoue avec une naïveté débonnaire : — « Peut-être te semblé-je dire des vieilleries », — λέγειν τάδε άρχαια. — Serviable d’ailleurs, dévoué à sa manière, il se croit bien en cour, et offre à Prométhée d’arranger l’affaire avec Zeus, s’il consent à reconnaître le droit du plus fort. […] Ma langue se révolte contre la parole ! […] C’est la parole du poète ou du philosophe, cette langue de feu qui défie sa foudre et qui saura détruire ce qu’elle a créé. […] La parole est l’échange suprême, et l’interprète des dieux doit avoir la langue habile et agile. […] Du feu qu’il avait ravi au soleil, il a dégagé l’étincelle qui fait courir la parole d’une extrémité de la terre à l’autre, aussi vite que de la langue à l’oreille.
J’y ai toujours cherché, mais en vain, la précision, la couleur, la simplicité, la vie, c’est-à-dire ce qui constitue la saveur d’une langue, et je n’y ai trouvé, en échange qu’un pâle ressouvenir de la Bible. La langue de Bossuet porte perruque comme son siècle, elle est pompeuse, théâtrale et boursouflée comme ceux qui en firent usage. […] Entre la langue de Rabelais, de Montaigne, de La Bruyère et celle de Bossuet, il y a tout autant de différence qu’entre un poète populaire et un poète de cour. […] L’un parle une langue humaine et vivante, le second s’exprime d’une manière artificielle et ampoulée. […] S’il me fallait vraiment considérer cette prose comme l’une des plus belles floraisons de la langue française, j’avouerais hardiment préférer à ce langage d’insupportable apparat, celui qu’emploie dans la rue le passant inculte et brutal.
C’est comme une sainte du moyen-âge qui nous apparaît, une sainte du Nord, du treizième siècle, une sainte Élisabeth de Hongrie, ou encore quelque sœur du Grand-Maître des Chevaliers porteglaive, qui, du fond de sa Livonie, attirée sur le Rhin, et longtemps mêlée aux délices des cours, ayant aimé et inspiré les illustres minnesinger du temps, ayant fait elle-même quelque roman en vers comme un poëte de la Wartbourg, ou plutôt ayant voulu imiter notre Chrestien de Troyes ou quelque autre fameux trouvère en rime française, en cette langue la plus délitable d’alors, serait enfin revenue à Dieu, à la pénitence, aurait désavoué toutes les illusions et les flatteries qui l’entouraient, aurait prêché Thibaut, aurait consolé des calomnies et sanctifié Blanche, serait entrée dans un Ordre qu’elle aurait subi, qu’elle aurait réformé, et, autre sainte Claire, à la suite d’un saint François d’Assises, aurait remué comme lui des foules, et parlé dans le désert aux petits oiseaux. […] Dans cette langue préférée, elle nous envoyait un petit chef-d’œuvre, où les teintes du Nord venaient, sans confusion, enrichir, étendre le genre des La Fayette et des Souza. […] On sut d’ailleurs un gré médiocre à Mme de Krüdner, dans le monde allemand poétique, d’avoir déserté sa langue pour la nôtre, et Goëthe a lui-même exprimé quelque part le regret qu’une femme de ce talent eût passé à la France. […] Mais c’est à la France, pour ne pas être ingrate, qu’il convient surtout le garder le souvenir d’une personne qui, de bonne heure, a tourné vers elle ses regards, qui a embelli sa société, adopté sa langue, orné sa littérature, qui l’a aimée en tout temps comme Marie Stuart l’aima, et qui, trahissant encore le fond de son âme à son heure de mystique ivresse, ne rêva d’autre rôle, en la revoyant, que celui d’une Jeanne d’Arc de la paix, de l’union et de la miséricorde215.
XXIV En relisant ces poèmes, nous rencontrons à chaque parabole ou à chaque récit des pages de cette perfection de langue et de cette onction d’âme. […] Elle ne doit pas se mêler de politique en vers, pour plusieurs raisons : d’abord, parce que la poésie ne parle pas aux masses, excepté dans quelques chants de Tyrtée, aussi fugitifs que la bataille ; ensuite parce que, la poésie étant la langue de l’immortalité, et la prose étant la langue du temps, ces deux langues ne doivent pas se confondre.
Cette poésie qui marche à pied, qui ne se drape pas à l’antique, qui ne se met ni blanc ni rouge sur la joue, qui ne porte ni masque tragique ni masque comique à la main, mais qui a le visage véridique de ses sentiments, et qui parle la langue familière du foyer, cette poésie qui semble une nouveauté parce qu’elle est la nature retrouvée de nos jours sous les oripeaux de la déclamation et de la rhétorique en vers, sera la poésie de ce nouveau venu dans la famille qui chante. […] Ces vers semblaient avoir été pensés par Tacite et écrits par André Chénier ; quoique composés par elle dans une langue étrangère (le français), ils n’avaient ni l’embarras de construction d’une main novice à nos rythmes, ni la mollesse, ni la chair flasque des essais poétiques de l’enfance ou de l’imitation sous une jeune main ; ils étaient tout nerfs, tout émotion, tout concert de fibres humaines ; ils jaillissaient du cœur et des lèvres comme des flèches de l’arc intérieur allant au but d’un seul jet, et portant un coup droit au cœur sans se balancer sur un éther artificiellement sonore : Je sonne en tombant, non parce qu’on m’a mis une cloche aux ailes, mais parce que je suis d’or. […] Tout était sérieux dans ce génie, austère dans cette grâce ; je compris que j’étais en face d’une sœur du jeune Pic de la Mirandole, quand cette intelligence surnaturelle, incarnée dans un bel adolescent, comparut devant le pape, les cardinaux et le congrès de tous les érudits d’Italie, pour répondre sur toutes les matières et dans toutes les langues à ce cénacle de l’intelligence humaine. […] Un seul homme en Italie, Mezzofanti, un seul homme en France, le comte de Circourt, ont offert au monde ce phénomène de l’universalité des langues et des connaissances humaines ; mais ces deux hommes étaient deux miracles d’organisation intellectuelle achevés par les années et par les études.
Il y a enfin des promenades à cheval, et l’amazone, et le voile, et tout cela à la dernière mode, et qui s’en ira avec elle, et enfin il y a une langue pour dire et pour peindre tout cela, toutes ces pauvretés de détail accumulées sur cette pauvreté d’invention, mais cette langue, nous la connaissions ; elle n’a pas changé, c’est celle de Fanny. C’est cette langue dévouée à l’ameublement, à la tapisserie, aux clous dorés, aux épingles et aux épinglettes, à tous ces brimborions pointillés qu’elle décrit avec un amour de myope qui regarde de près, et que dorénavant M. […] Sur ce point, la langue est bien faite.
Il a traduit notamment les chœurs dans une langue aussi riche et aussi colorée qu’elle est fidèle ; M.
Ils ont enrichi et assoupli la langue.
Ce Poëme, en un mot, se fait lire avec le plus vif intérêt ; & après Télémaque, il n’a paru, en ce genre, dans notre langue, rien de mieux conçu, ni de plus heureusement exécuté.
On préférera toujours une raison sage & circonspecte, à cette folle raison qui s’égare en courant après la nouveauté, laquelle ne sauroit être qu’un travers, depuis que les notions du goût & de la langue sont fixées.
Il est étonnant que de plus de deux mille Traductions d’Auteurs Grecs & Latins, qui ont été faites en notre Langue, on en trouve à peine dix qu’on puisse regarder comme bonnes.
Si l'on fait attention aux difficultés du sujet qu'il a entrepris de traiter dans une Langue telle que la nôtre, & combien la Poésie Françoise se prête peu aux expressions techniques d'un Art dont la plupart des regles sont fondées sur l'Optique & l'Anatomie, on lui saura gré d'avoir surmonté de tels obstacles, & on passera sans peine sur le défaut d'intérêt & d'élégance, qu'on lui reproche, en lui tenant compte des vraies beautés qu'il a le plus souvent répandues sur une matiere ingrate par elle-même.
Il eût peut-être appris à traiter l’ode de cette manière, s’il eût mieux lu, étudié, compris la langue et le ton de Pindare qu’il méprisait beaucoup au lieu de chercher à le connaître un peu. […] … Quelques strophes de ce ton suffisent pour réparer une langue et pour monter une lyre. […] Il va presque toujours au-delà de son exemple, et, dans une langue inférieure à la latine, son français égale ou surpasse le latin.
Mais ce n’est que depuis moins de quinze ans, c’est-à-dire depuis la mise au jour d’André Chénier et l’apparition des premières Méditations poétiques, ces deux portes d’ivoire de l’enceinte nouvelle, que notre poésie, à proprement parler, a trouvé sa langue, sa couleur et sa mélodie, telles que les réclamait l’âge présent, et qu’elle a pu exprimer ses sentiments les plus divers sur son véritable organe. […] M. de Musset a cavalièrement raison contre eux tous dans la stance suivante : J’aime surtout les vers, cette langue immortelle. […] Il n’est pire fléau qu’un méchant poëte, ni de plus acharné, sous prétexte qu’il parle la langue des dieux.
La science moderne des langues et des mythes a révélé cette généalogie étonnante. […] — Lui serreras-tu la langue avec une corde ? […] Il grandit alors et se fortifie à vue d’œil, il agite en tous sens ses langues innombrables, il darde ses quatre yeux vers les quatre points de l’espace.
Il y a, en Chine, un proverbe que les mères apprennent à leurs fils dès le berceau, et qui est le fond de la langue chinoise, comme goddam est celui de la langue anglaise, — Siao sin, — « Rapetisse ton cœur. » Formé par ce dicton, le jeune Chinois acquiert bientôt cette souplesse d’échine et de tête que nous admirons dans les magots de porcelaine du Céleste-Empire. […] Ce n’est plus cette prose endimanchée qui ne semblait n’emprunter les rythmes de la poésie que pour railler ses idées ; c’est une langue souple et ferme qui marche avec allure, et parfois prend de l’essor et s’envole.
Propre aux commerces les plus délicats, quoique les délices des savants ; modeste dans ses discours, simple dans ses actions, la supériorité de son mérite se montre, mais il ne la fait jamais sentir… Nous retrouvons ici cette langue excellente et modérée que j’ai déjà essayé de caractériser plus d’une fois, la langue des commencements du xviiie siècle, remarquable surtout par le tour, par la justesse et la netteté, la langue d’après Mme de Maintenon, et que toute femme d’esprit saura désormais écrire, celle des Caylus, des Staal et des Aïssé.
Il est vrai que, comme il n’y a pas de langue qui puisse exprimer les finesses de la forme ou la variété des effets de la couleur, du moment qu’on veut en discourir, on est réduit, faute de pouvoir exprimer ce qu’on sent, à décrire d’autres sensations qui peuvent être comprises par tout le monde. […] Ce faire étonnant, qui est la condition sans laquelle l’idée elle-même, après tout, ne peut vivre, cette exécution à part et supérieure qui est le cachet de tout grand artiste, quand Diderot la rencontre chez l’un d’eux, il est le premier à la sentir et à nous la traduire par des paroles étonnantes aussi, singulières, d’un vocabulaire tout nouveau dont il est comme l’inventeur dans notre langue. […] Diderot a innové dans la langue, et y a fait entrer des couleurs de la palette et de l’arc-en-ciel : il voit déjà la nature à travers l’atelier et par la lunette du peintre.
Necker est une langue qu’il ne faut pas parler, mais qu’il faut s’appliquer à entendre, si l’on ne veut pas être privé de l’intelligence d’une multitude de pensées utiles, importantes, grandes et neuves. […] Necker a prévalu depuis lui dans une école politique et littéraire ; on le reconnaîtrait à l’origine des principaux écrivains doctrinaires de ce temps-ci, et jusque dans bien des parties de la langue imposante et forte de M. […] La langue est bien loin d’être en sûreté, sans doute ; mais, le péril pour elle n’est plus de ce côté.
On lui accordait, il est vrai, le génie du plus grand peintre d’histoire qu’ait eu la langue française, mais on avait toujours méconnu en lui le génie politique qu’il avait pourtant au même degré, mais qui, avec les vices et l’esprit de son temps, était resté et devait rester sans emploi. […] Le ridicule de Saint-Simon, pour nous autres révolutionnaires, ce sont ces questions d’étiquette dont l’esprit moderne ne comprend pas plus le sens que la portée… Et, en effet, l’étiquette comme le blason, ces deux langues mortes, qu’on ne parle plus, n’en furent pas moins deux langues superbes… L’étiquette et le blason, méprisés maintenant par les polissons de notre âge, symbolisaient des choses sur lesquelles a vécu des siècles la plus ancienne des monarchies connues, et Saint-Simon est le dernier historien de cette monarchie, dont son grand esprit pressentait la ruine prochaine, et qu’il défend avec le courage et l’acharnement de l’épouvante, car il savait qu’il ne la sauverait pas !
En effet, pour qui veut parler avec cette propriété qu’il aimait et qu’il appelait la probité de la langue française, les ouvrages de Rivarol ne sont pas des œuvres. […] Qu’est-ce que son discours l’Universalité de la langue française ? […] Pour l’acquit probablement de sa conscience d’éditeur littéraire, M. de Lescure a recueilli, il est vrai, comme un double échantillon des aptitudes littéraires et philosophiques de Rivarol, le Discours (si connu du reste) sur l’universalité de la langue française, couronné par l’Académie de Berlin, et le Discours (moins apprécié) sur l’homme intellectuel et moral, d’un si mâle spiritualisme encore malgré les influences de toutes les philosophies du xviiie siècle, qui tendaient à l’anéantir.
C’étaient peut-être les vers mêmes, que nous retrouvons, au début de la Théogonie108 : « Ayons les Muses en tête de nos chants, les Muses qui habitent le grand et fertile sommet d’Hélicon, et dansent de leurs pieds légers autour de la fontaine bleuâtre et de l’autel du puissant fils de Saturne ; les Muses qui, lavant aux sources du Permesse leur beauté délicate, auprès de l’Hippocrène, ou sur le divin sommet d’Holmios au plus haut de l’Hélicon, forment des chœurs gracieux, sous leurs pas tressaillants ; puis, élancées de là, sous le voile d’un épais nuage, ont marché dans la nuit, jetant d’harmonieuses clameurs, en hymnes à Jupiter porte-égide, à la sainte Junon, reine d’Argos aux brodequins dorés, à la fille du dieu porte-égide, Minerve aux yeux pers, à Phébus Apollon, à Diane chasseresse, à Neptune qui enceint la terre et l’ébranlé, à la vénérable Thémis, à Vénus aux roulantes prunelles, à Hébé parée d’une couronne d’or, à la belle Dioné, à l’Aurore, au Soleil immense, à la Lune brillante, à Latone, à Japet, au ténébreux Saturne, à la Terre, au vaste Océan, à la Nuit sombre et à la race sacrée des autres dieux : célébrons ces Muses, qui enseignaient une si belle chanson à Hésiode, occupé de paître ses agneaux, aux bords de l’Hélicon divin. » Cette poésie brillante et gracieuse, non moins ancienne que les chants homériques, mais indigène en Béotie, offerte aux yeux et gravée dans les temples de cette religieuse contrée, suffisait à dénouer la langue du jeune homme, né pour les vers, qui vivait dans ces lieux. […] L’antiquité ne nous en dit rien ; et nous voyons la prévention antibéotienne, à travers une autre langue, passer dans les vers d’Horace si charmé du génie de Pindare. […] On sait comment d’ailleurs elles étaient, pour la langue et l’art, négligées de presque tous, hormis quelques rares érudits, jusqu’à la renaissance poétique tentée par André Chénier.
Lamotte a-t-il, à ce point, deux façons de dire et deux langues qu’on puisse reconnaître ? […] Même naturel dans les deux ouvrages, avec plus d’éclat dans Cicéron, par le bonheur d’une langue plus colorée et plus sonore ; avec plus de finesse et de saillie dans Voltaire.
Jusque-là il avait été plus latiniste encore qu’helléniste ; mais, à ce nouveau travail et à tous ceux qu’il y joignit, il acquit bientôt une connaissance admirable de la langue grecque, non-seulement de son glossaire et de sa syntaxe, mais encore et surtout de son esprit. […] Heureux après tout, heureux homme, pourrions-nous dire, qui a consacré toute sa vie à d’innocents travaux, payés par de si intimes jouissances ; qui a approfondi ces belles choses que d’autres effleurent ; qui n’a pas été comme ceux (et j’en ai connu) qui se sentent privés et sevrés de ce qu’ils aiment et qu’ils admirent le plus : car, ainsi que la dit Pindare, « c’est la plus grande amertume à qui apprécie les belles choses d’avoir le pied dehors par nécessité. » Lui, l’heureux Dübner, il était dedans, il avait les deux pieds dans la double Antiquité ; il y habitait nuit et jour ; il savait le sens et la nuance et l’âge de chaque mot, l’histoire du goût lui-même ; il était comme le secrétaire des plus beaux génies, des plus purs écrivains ; il a comme assisté à la naissance, à l’expression de leurs pensées dans les plus belles des langues ; il a récrit sous leur dictée leurs plus parfaits ouvrages ; il avait la douce et secrète satisfaction de sentir qu’il leur rendait à tout instant, par sa fidélité et sa sagacité à les comprendre, d’humbles et obscurs services, bien essentiels pourtant ; qu’il les engageait sans bruit de bien des injures ; qu’il réparait à leur égard de longs affronts.
Celle-ci nous offre le développement prévu et l’application au monde moral de cette magnifique langue de poésie, qui, à partir de la première manière, quelquefois roide et abstraite, des Odes politiques, a été se nourrissant, se colorant sans cesse, et se teignant par degrés à travers les Ballades jusqu’à l’éclat éblouissant des Orientales. […] Jamais jusqu’ici le style ni le rhythme de notre langue n’avaient exécuté avec autant d’aisance et de naturel ces prodiges auxquels M.
Dans son morceau sur l’influence méridionale, sur la sonorité harmonieuse et un peu vaine de la langue et de la mélopée des troubadours, dans les hautes questions qu’il a posées sur les conditions d’une véritable et vivante épopée, dans sa définition brillante et presque flatteuse du peintre exclusif et du coloriste, il s’est montré un juge supérieur jusqu’au sein du panégyrique, et en même temps la plus religieuse amitié n’a pas eu un moment à se plaindre ; car s’il a eu le soin de maintenir et comme de suspendre ses critiques à l’état de théorie, il a mis le nom à chacun de ses éloges. […] À son ami le poëte Guiraud qui faisait d’assez beaux vers, mais qui bredouillait en les récitant : « Prends garde, Guiraud, lui disait Soumet : tu es comme les dieux, tu te nourris d’ambroisie, tu manges la moitié de tes vers. » Au même qui, dans une discussion, en était venu à forcer le ton sans s’en apercevoir : « Guiraud, lui disait-il, tu parles si haut qu’on ne t’entend pas. » Il disait de son gendre, en le présentant comme un homme savant et qui parlait peu : « C’est un homme de mérite, il se tait en sept langues !
Je lui reprocherai encore dans ses contes, où l’imagination et l’originalité se font jour, cette incroyable profusion d’épigraphes, de titres et d’étiquettes en toutes langues, sans traduction ; moi, par exemple, qui ne suis pas un Panurge, et qui n’entends que deux langues d’Europe, outre la française, il y a, je le confesse, les deux tiers de ces têtes de chapitre que je n’ai pas compris.
que les Romains ont étudié la philosophie, ont possédé des historiens connus, des orateurs célèbres et de grands jurisconsultes, avant d’avoir eu des poètes ; 2º. que leurs auteurs tragiques n’ont fait qu’imiter les Grecs et les sujets grecs ; 3º. je développe un fait que je croyais trop authentique pour avoir besoin d’être expliqué ; c’est que les chants de l’Ossian étaient connus en Écosse et en Angleterre par ceux des hommes de lettres qui savaient la langue gallique, longtemps avant que Macpherson eût fait de ces chants un poëme, et que les fables islandaises et les poésies scandinaves, qui ont été le type de la littérature du Nord en général, ont le plus grand rapport avec le caractère de la poésie d’Ossian. […] Enfin, dans une note de la seconde partie de mon ouvrage, j’essaie d’indiquer quelles sont les règles sévères que l’on doit suivre, relativement à l’adoption des mots nouveaux dans une langue.
Dans toutes les langues, la littérature peut avoir des succès pendant quelque temps, sans recourir à la philosophie ; mais quand la fleur des expressions, des images, des tournures poétiques n’est plus nouvelle ; quand toutes les beautés antiques sont adaptées au génie moderne, on sent le besoin de cette raison progressive qui fait atteindre chaque jour un but utile, et qui présente un terme indéfini. […] Dans la langue adoptée par la coalition de certains hommes, connaître le cœur humain, c’est ne se laisser jamais guider dans son aversion ni dans ses choix par l’indignation du vice, ni par l’enthousiasme de la vertu ; posséder la science des affaires, c’est ne jamais faire entrer dans ses décisions aucun motif généreux ou philosophique.
Votre langue se déliera en face du particulier : vous aurez un jugement à porter, une raison à produire, une émotion à noter. […] nous ne saurons qu’appeler à l’aide tous les synonymes et toutes les périphrases de la langue.
Mais nous le savons, et ce n’est pas inconsciemment que nous retournons aux sources de la langue d’une part et de l’autre aux sources des Mythes […] Die lui à nous, l’écart s’accentue sans cesse : et veuillez le remarquer, notre langue même, si nous la gardons pure, l’éloigne de nous, car il a peu à peu perverti l’instrument merveilleux et ne sait plus guère se repaître que de termes impropres et de métaphores mal faites, des choses sans nom.
Leur dispersion sur tout le littoral de la Méditerranée et l’usage de la langue grecque, qu’ils adoptèrent hors de la Palestine, préparèrent les voies à une propagande dont les sociétés anciennes, coupées en petites nationalités, n’avaient encore offert aucun exemple. […] Je rappelle que ce mot désigne simplement ici les peuples qui parlent ou ont parlé une des langues qu’on appelle sémitiques.
Chacune des pierres, chacune des briques qui les composent est un péché 513. » Le nom de « pauvre » (ébion) était devenu synonyme de « saint », d’« ami de Dieu. » C’était le nom que les disciples galiléens de Jésus aimaient à se donner ; ce fut longtemps le nom des chrétiens judaïsants de la Batanée et du Hauran (Nazaréens, Hébreux), restés fidèles à la langue comme aux enseignements primitifs de Jésus, et qui se vantaient de posséder parmi eux les descendants de sa famille 514. […] Un vieux mot, « paradis », que l’hébreu, comme toutes les langues de l’Orient, avait emprunté à la Perse, et qui désigna d’abord les parcs des rois achéménides, résumait le rêve de tous : un jardin délicieux où l’on continuerait à jamais la vie charmante que l’on menait ici-bas 549.