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24. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre quinzième. »

Des portraits de Saint-Simon. — § IX. […] Les deux pinceaux ont quelquefois rivalisé dans les portraits des grandes âmes. […] Des portraits de Saint-Simon. […] Il est fort probable que ces portraits n’ont pas été faits en une fois. […] Voyez son portrait par Saint-Simon.

25. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Madame de La Tour-Franqueville et Jean-Jacques Rousseau. » pp. 63-84

Car elle ne le vit en tout que trois fois, et, à cette date où elle traçait le portrait, elle ne l’avait pas visité encore. […] D’après ce portrait, qui est pourtant bien le mien, vous allez me croire belle comme un ange ? […] Elle lui envoie un jour un autre portrait d’elle, mais un portrait peint en miniature. […] Elle exige de Rousseau qu’au moment même où il recevra le portrait ou la lettre qui l’accompagne (et dût sa réponse ne partir que huit jours après), il se mette à écrire… quoi ? […] Rousseau obéit, mais en deux mots, et trop froidement au compte de la sensible Marianne : « Le voilà donc enfin, ce précieux portrait si justement désiré !

26. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Deuxième partie. Invention — Chapitre V. Des personnages dans les récits et dans les dialogues : invention et développement des caractères »

D’abord le portrait physique détermine une image qui sert comme de point d’appui à la conception de la nature morale. […] Saint-Simon voit l’âme à travers le visage : mais c’est le visage qui lui révèle l’âme, et il fait tenir un caractère dans un portrait. […] Il y a vingt portraits de Fénelon qui ne se ressemblent point, et l’on peut en faire vingt autres qui ne ressembleront point aux premiers. […] Chaque portrait au fond est une confession du peintre. […] Mais le peintre est sincère, le portrait est vivant, et cela suffit à faire un morceau exquis.

27. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LIII » pp. 206-208

. — un portrait de la princesse belgiojoso par lehman. — un tableau d’ary scheffer. […] — L'exposition de Peinture et de Sculpture est ouverte depuis un mois : tout d’abord, dans le grand salon, on distingue un portrait de cette même princesse Belgiojoso par le peintre Lehman, disciple d’Ingres et artiste d’un vrai talent. L'aspect pourtant de ce portrait est bien étrange. — Ce n’est pas un portrait, disait un spectateur, c’est une apparition ! 

28. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Mémoires de l’Impératrice Catherine II. Écrits par elle-même. »

Tout de suite je me fis chercher ces livres, qu’on eut de la peine à trouver à Pétersbourg alors ; et je lui dis que j’allais lui tracer mon portrait, afin qu’il put voir si je me connaissais ou non. » Elle écrivit, en effet, ce portrait sous ce titre : Portrait du philosophe de quinze ans ; l’ayant retrouvé bien des années après, elle ne put s’empêcher de s’étonner de la profondeur de connaissance d’elle-même qu’elle possédait alors. […] Le comte Gyllenbourg lut le portrait et le lui rendit, en l’accompagnant d’une douzaine de pages de réflexions, par lesquelles il tâchait de fortifier en elle tant l’élévation de l’âme et la fermeté que les autres qualités du cœur et de l’esprit : « Je lus et relus plusieurs fois son écrit, je m’en pénétrai, et me proposai bien sincèrement de suivre ses avis. […] Un jour, à un de ces bals, je la regardais danser un menuet : quand elle eut fini, elle vint à moi ; je pris la liberté de lui dire qu’il était fort heureux pour les femmes qu’elle ne fût pas homme, et que son portrait seul ainsi peint pourrait tourner la tête à plus d’une. […] Je revins à la maison très-contente de mon invention de simplicité, tandis que tous les autres habits étaient d’une richesse rare. » Que dites-vous du portrait et des sous-entendus charmants qui passent comme de légères ombres, et de la délicatesse des nuances ? […] Ce portrait de Catherine en gros de Tours blanc (elle n’était pas sans se le dire à elle-même) est le portrait encore pur, le portrait avant la lettre, avant la tache et l’éclaboussure de sang.

29. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre onzième. »

Il faut en croire le portrait qu’il traçait de son caractère en l’année 1658, sept ans avant la publication des Maximes. […] Les jugements qu’on faisait de La Rochefoucauld sont conformes à ce portrait. […] Il supprima ce portrait, et il fit bien ; car, ainsi que les traits en sont forcés, les couleurs en sont fausses. […] La première édition, la plus rapprochée de la Fronde, contient beaucoup plus de traits particuliers : les maximes s’y personnifient sous la forme de portraits, comme dans La Bruyère. […] Dans le portrait cité plus haut.

30. (1763) Salon de 1763 « Peintures — Greuze » pp. 234-241

Je n’aime pas son portrait du duc de Chartres. […] Je n’aime pas son portrait de Mademoiselle. […] Mais je laisse là tous ces portraits pour courir à celui de sa femme. […] Ce portrait tue tous ceux qui l’environnent. […] Mettez l’escalier entre ce portrait et vous ; regardez-le avec une lunette, et vous verrez la nature même.

31. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Bussy-Rabutin. » pp. 360-383

On a dit, dans le temps, que ce portrait n’était pas de nature à plaire à la maison de Bouillon. […] Les portraits de Mme de Châtillon, de Mme de Montglat, ont de cette même grâce demi fine et demi naïve. […] Bussy, au reste, paya cher ce sanglant et cruel portrait. […] Il y avait fait mettre Mme de Montglat, et au bas du portrait une inscription sanglante. […] VIII (3e éd.), p. 546-547] Je ne suis pas content de la manière dont j’ai apprécié son portrait de Turenne.

32. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « La Bruyère »

La première édition renferme surtout incomparablement moins de portraits que les suivantes. […] Il est obligé de nier la réalité de ses portraits, de rejeter au visage des fabricateurs ces insolentes clefs comme il les appelle : Martial avait déjà dit excellemment : Improbe facit qui in alieno libro ingeniosus est. […] Et puis le piquant de certains portraits tout personnels avait disparu. […] Ils l’étaient, certes, tous les deux ; mais l’un, le peintre alors avoué, et dont les portraits aujourd’hui sont devenus un peu voilés et mystérieux ; l’autre, le peintre inconnu alors et clandestin, et dont les portraits aujourd’hui manifestes trahissent leurs originaux à nu. […] Cela est cause « que ses portraits ressembleront toujours ; mais il est à craindre que « les vôtres ne perdent quelque chose de ce vif et de ce brillant qu’on « y remarque, quand on ne pourra plus les comparer avec ceux sur « qui vous les avez tirés. » On voit que si La Bruyère tirait ses portraits, M. 

33. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Alfred de Vigny »

Très ressemblant toujours, quoiqu’il ait été fait au milieu de sa vie, ce portrait traduit exactement l’idée que l’Imagination prend d’Alfred de Vigny en lisant ses vers. […] Le caractère du portrait d’Alfred de Vigny, en ses Œuvres posthumes, est ce que les Anglais appellent : the pensiveness, et que nous, qui n’avons pas la richesse étoffée de leur langue, nous sommes obligés de traduire par un affreux barbarisme : la pensivité… N’étaient-ce pas les soldats du philosophe Catinat qui rappelaient, avec leur tact de soldats : le Père La Pensée ? […] Dans ce portrait dont il est question, son front, qui surplombe un visage tranquillement triste, jette l’ombre de sa voûte puissante à ces yeux rêveurs qui cherchent involontairement le ciel, mais qui, dans la réalité, revenaient se tourner vers les vôtres avec des airs fins et spirituels comme nous entendons le regard, nous autres polissons de la terre ! […] Le plan des joues, dans ce portrait, est abbatial, et on y regrette la main, cette main que j’ai vue plus tard maigrie par la souffrance, et d’une transparence plus grande que la crosse d’agate de la petite canne qu’il portait, en ses derniers jours, même pour traverser son salon, et qui, pour la beauté, était une main d’Évêque grand seigneur. […] Je vois mieux ainsi ce sincère glorificateur du silence, ce trappiste de la Poésie, qui s’était créé comme une solitude monastique sous les rideaux et les persiennes de son salon de la rue des Écuries-d’Artois, si plein des portraits et des souvenirs de sa jeunesse, et dans lequel il s’était, de si longue main et de si bonne grâce, préparé à ce qu’il admirait le plus : — silencieusement mourir !

34. (1868) Curiosités esthétiques « II. Salon de 1846 » pp. 77-198

La belle Muse de Cherubini est encore un portrait. […] Depuis le portrait de la princesse Belgiojoso, M.  […] Du portrait Il y a deux manières de comprendre le portrait, — l’histoire et le roman. […] Ainsi, devant le portrait bleu de M.  […] Un excellent exemple du genre de portraits dont je voulais tout à l’heure caractériser l’esprit est ce portrait de femme, par M. 

35. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Saint-Simon considéré comme historien de Louis XIV, par M. A. Chéruel »

Je ne crois pas, somme toute, que Louis XIV tout le premier ait à se plaindre de Saint-Simon : les portraits qu’il fait de lui en vingt endroits sont tous nobles, dignes, et surtout vivants, intéressants. […] Supprimez la moitié du portrait de ce maréchal de Noailles : l’autre moitié du portrait subsiste telle que ce seul pinceau l’a pu faire. […] Mais, même après avoir signalé le côté injuste et tout ce qui manque au portrait de Villars comme général, on est forcé de convenir que l’homme, le glorieux, l’audacieux, est rendu au vif dans les pages de Saint-Simon et qu’on a sous les yeux le personnage en chair et en os. […] Que si quelqu’un venait à le dépeindre comme une âme maligne, un cœur des plus ladres, un esprit des plus malfaisants, et que le portrait se retrouvât dans cinquante ans, de quel côté pourtant serait la vérité ? […] Fénelon a tracé du duc de Bourgogne un portrait à la La Bruyère (Mélanthe), mais qui pouvait sembler une sorte de type arrangé : Saint-Simon est si puissant de flamme qu’il communique à ce portrait une réalité qu’il n’avait pas auparavant.

36. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Avertissement de la première édition »

Après avoir recueilli, il y a deux ans, les portraits que j’avais faits des morts, je rassemble aujourd’hui ceux des écrivains vivants. […] En réimprimant ces portraits, je leur laisse exactement le caractère qu’ils eurent dans le temps de leur publication première, sans m’interdire toutefois les petites notes qui complètent ou restreignent. […] Il m’eût été facile, sur bien des points, de rendre ces portraits plus piquants ; j’ai dû le plus souvent me l’interdire. […] — Tels qu’ils sont, on trouvera incontestablement dans ces portraits de bonnes indications de vérités, et une grande masse de faits et de notions apportés en tribut à l’histoire littéraire contemporaine.

37. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Mézeray. — I. » pp. 195-212

L’ouvrage, qui portait gravé au frontispice le portrait équestre de Louis XIII avec une inscription des plus magnifiques en l’honneur de ce roi, était dédié à la reine régente. […] Chaque portrait y est orné de quatrains ou épigrammes en vers de la façon de Jean Baudoin, de l’Académie française, ami de Mézeray. […] Après le portrait équestre de Louis XIII paraît la gravure d’Anne d’Autriche en pied sur son trône avec ses deux enfants. […] Cette Histoire commençant, selon l’usage, par Pharamond, on a eu la décence de laisser en blanc le portrait de ce roi problématique. […] Blanche la prudente, la sage, la raisonnable, la politique et la sainte, n’a jamais mieux été comprise et présentée que dans ce portrait de Mézeray.

38. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « [Avertissement de l'auteur] » p. 1

[Avertissement de l'auteur] Il a semblé plus commode et même assez piquant de ranger de suite et de réunir en un même volume les divers portraits de femmes qui étaient disséminés dans les cinq tomes des Critiques et Portraits ; on y a ajouté trois ou quatre articles, avec le soin d’excepter toujours les vivants. En commençant par un morceau sur Mme de Sévigné, on n’a pas prétendu donner un portrait étudié de cette personne incomparable : ce ne sont que quelques pages légères, autrefois improvisées au courant de la plume après une lecture des Lettres, et antérieures aux recherches récemment publiées ; mais on les a replacées ici bien plutôt à titre d’hommage, et parce qu’il est impossible d’essayer de parler des femmes sans se mettre d’abord en goût et comme en humeur par Mme de Sévigné.

39. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Les Mémoires de Saint-Simon » pp. 423-461

Prétendre compter chez lui ces sortes de portraits, ce serait compter les sables de la mer, avec cette différence qu’ici les grains de sable ne se ressemblent pas. […] Ce Fénelon qu’il ne connaissait que de vue, mais qu’il avait tant observé à travers les ducs de Beauvilliers et de Chevreuse, quel incomparable portrait il en a donné ! […] On a de Saint-Simon et de sa femme vers cette époque de leur mariage, deux beaux portraits par Rigaud, que possède M. le duc actuel de Saint-Simon. Le portrait gravé de Saint-Simon est joint à la présente édition et remplace avantageusement l’ancien portrait qu’on voyait dans la première, lequel n’était pas bon, et avait de plus l’inconvénient de n’être réellement pas le sien, mais celui de son père. […] Dans ses Mémoires, Saint-Simon reprend ses premiers jets de portraits, les développe et se donne tout espace.

40. (1759) Salon de 1759 « Salon de 1759 — Michel Van Loo » p. 90

Michel Van Loo C’est un portrait du maréchal d’Etrées qui a l’air d’un petit fou ou d’un spadassin déguisé. […] Ce portrait a sept pieds et demi de hauteur, sur cinq pieds et demi de large ; imaginez l’espace que ce panier à guirlandes doit occuper. Ce portrait et quelques autres qui n’intéressent pas davantage sont de Vanloo.

41. (1896) Journal des Goncourt. Tome IX (1892-1895 et index général) « Année 1894 » pp. 185-293

Puis c’est un éloge enthousiaste du portrait de Montesquiou, par Duret et Raffaëlli. […] Comme je feuillette ces portraits, je lui dis : — Eh bien, là-dedans, quels sont les gens qui se disent heureux ? […] Et ce dessin est curieux, non seulement, parce que les dessins vraiment authentiques du peintre sont de la plus grande rareté, mais encore parce que ce dessin, est la première idée du grand portrait en pied, que j’ai vu, il y a une trentaine d’années, chez la baronne de Conantre, le seul portrait à l’huile de tous les portraits qui lui ont été attribués, que je reconnais pour un vrai Chardin, et qui a été peint par le maître, dans la manière chaude de ses Aliments de la convalescence, du Musée de Vienne. […] Burty, peint à l’huile par Chéret, sur un exemplaire de : Pas de lendemain, un portrait d’un très brillant coloris. […] Ce portrait du Père Félix était accompagné d’un portrait de Rigolboche.

42. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Avertissement »

Avertissement En réimprimant une fois encore ces Portraits contemporains, je m’attacherai, tout en y ajoutant çà et là quelques mots et parfois une ou deux pages, à les maintenir dans leur première mesure : ce ne sont point des portraits complets et définitifs, ce sont des portraits faits à une certaine date, à un certain âge ; ils nous rendent aussi fidèlement que je l’ai pu les originaux, tels qu’ils étaient à ce moment, ou tels qu’ils me parurent.

43. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXV. De Paul Jove, et de ses éloges. »

Au centre de cette belle habitation, était un cabinet où Paul Jove avait rassemblé à grands frais les portraits de tous les hommes célèbres. […] Le fameux Fernand Cortès lui envoya son portrait, avant de mourir. […] C’est pour servir d’explication à ces portraits, qu’il composa ses éloges. D’abord, ils ont le mérite d’être très courts ; ils renferment quelquefois en peu de lignes, et d’autres fois en peu de pages, l’idée du caractère, des actions, des ouvrages de celui qu’il loue, ou du moins dont il parle ; car quelquefois il fait le portrait d’hommes plus célèbres que vertueux ; mais il les représente tels qu’ils sont, loue les vertus, admire les talents et déteste les crimes. […] Paul Jove a fait l’éloge ou le portrait de tous ces hommes, la plupart plus courageux que saints ; mais dans cette foule de noms, on aime à retrouver à Florence, les Médicis ; à Milan, ces fameux Sforces, dont l’un simple paysan, devint un grand homme ; et l’autre, bâtard de ce paysan, devint souverain ; à Rome, les Colonnes, presque tous politiques ou guerriers ; à Venise plusieurs doges et quelques généraux ; à Gênes, ce célèbre André Doria, qui vainquit tour à tour et fit vaincre Charles-Quint, redoutable à François Ier et à Soliman, mais grand surtout pour avoir rendu la liberté à sa patrie, dont il pouvait être le maître.

44. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Duclos. — I. » pp. 204-223

M. de Forcalquier a tracé de Duclos en 1742, c’est-à-dire quand celui-ci était déjà un homme de lettres en pied et un académicien des Inscriptions, un portrait qui conserve encore et laisse voir quelques airs de jeunesse : « L’esprit étendu, l’imagination bouillante, le caractère doux et simple (ceci est pour le moins douteux), les mœurs d’un philosophe, les manières d’un étourdi. […] Dans le portrait de la dernière conquête qu’il prête à son héros, il a essayé d’atteindre à une sorte d’idéal en peignant Mme de Selve, qui est selon lui l’honnête femme ; mais là encore il a su joindre à quelques intentions meilleures bien de l’indélicatesse. […] On ne s’explique aujourd’hui le succès, même fugitif, de ses romans qu’en se souvenant qu’il y avait fait entrer beaucoup de portraits réels et qu’on les y cherchait, au risque peut-être de mettre au bas de chacun plus d’un nom à la fois. Aujourd’hui encore, il nous semble saisir au passage, dans le portrait de Mme de Tonins et de sa société de beaux esprits, un tableau composé du monde de Mme de Tencin et de Mme de Lambert, ou plutôt de leurs imitatrices. […] J’ai cherché, parmi les portraits dessinés qu’on a de lui, celui qui nous rend le mieux l’idée de sa personne : c’est un portrait dessiné par Cochin et gravé par Delvaux.

45. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Drouais, Roslin, Valade, etc »

Drouais, Roslin, Valade, etc Portraits, études, tableaux. Entre tous ces portraits aucun qui arrête, un seul excepté, qui est de Roslin et que je viens d’attribuer à Perronneau, c’est celui de cette femme dont j’ai dit que la gorge était si vraie qu’on ne la croirait pas peinte, c’est à inviter la main comme la chair ; la tête est moins bien, quoique gracieuse et fesant bien la ronde bosse ; les yeux étincelent d’un feu humide ; et puis une multitude de passages fins et bien entendus, un beau faire, une touche amoureuse. […] C’est Minerve, c’est une victoire qui soutiennent le portrait du héros ; c’est une Renommée joufflue qui trompette ses vertus.

46. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « M. de Pontmartin. Les Jeudis de Madame Charbonneau » pp. 35-55

Vous, de même ; vous aviez en portefeuille des portraits méchants, et, selon vous, jolis : comment les produire ? […] Que M. de Pontmartin ait montré de l’esprit dans divers portraits qu’il a tracés, ce n’est pas la question en ce moment. […] Ce n’en est pas une, du moins, dans un des plus malins portraits du volume, portrait qui n’est autre que le mien, d’avoir dit : « Il excellerait à distiller une goutte de poison dans une fiole d’essence, de manière à rendre l’essence vénéneuse ou le poison délicieux. […] Legouvé qui cause avec lui affectueusement ; vite il rentre chez lui et adoucit le portrait de M.  […] Legouvé s’était montré froid, il rentrait et ajoutait au portrait une malignité de plus.

47. (1765) Essais sur la peinture pour faire suite au salon de 1765 « Paragraphe sur la composition ou j’espère que j’en parlerai » pp. 54-69

Cependant, s’il est vrai qu’un art ne se soutienne que par le premier principe qui lui donna naissance, la médecine par l’empirisme, la peinture par le portrait, la sculpture par le buste, le mépris du portrait et du buste annonce la décadence des deux arts. Point de grands peintres qui n’aient su faire le portrait : témoins Raphael, Rubens, le Sueur, Vandeick. […] Pierre disait un jour : Savez-vous pourquoi, nous autres peintres d’histoire nous ne faisons pas le portrait. […] Un mot encore, avant que de finir, sur les peintres de portrait et sur les sculpteurs. Un portrait peut avoir l’air triste, sombre, mélancolique, serein, parce que ces états sont permanents ; mais un portrait qui rit est sans noblesse, sans caractère, souvent même sans vérité et par conséquent une sottise.

48. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre V : M. Cousin historien et biographe »

On disserte avec Mlle de Scudéri, on fait des portraits avec Mademoiselle, on apprend le pur français avec Vaugelas, et l’on se pique de bien parler et bien écrire. […] Cousin a forcé son talent en se faisant historien, il l’a violenté en se faisant biographe et peintre de portraits. […] Font-ils même une galerie de portraits ? […] Mais de ce labeur infini et de ces petits détails est sortie une œuvre vivante ; ces portraits si nombreux, attachés les uns au bout des autres, sont animés ; ils parlent au visiteur ; on sent la main d’un romancier et d’un poëte. […] Faites d’un orateur un peintre : ses portraits seront sans vie ; il composera des dissertations, des démonstrations et des tirades.

49. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Étude sur la vie et les écrits de l’abbé de Saint-Pierre, par M. Édouard Goumy. L’abbé de Saint-Pierre, sa vie et ses œuvres, par M. de Molinari. — I » pp. 246-260

Édouard Goumy, dans une thèse complète et fort spirituelle, soutenue à la Faculté des lettres et devenue presque un volume, a tracé de l’homme et du philosophe un portrait qui ne paraît nullement flatté, et il a porté des jugements qui s’appuient sur l’analyse détaillée des œuvres. […] Il fut pris sur le fait par un observateur malin, impitoyable, qui se montra cette fois injuste, comme il le fut, et d’une manière moins pardonnable encore, dans le portrait qu’il traça de Fontenelle sous le nom de Cydias ; mais l’injustice et l’extrême sévérité n’empêchent pas un portrait d’être ressemblant : au lieu d’être peint en beau on est peint en laid, voilà tout, et chacun vous montre au doigt. […] C’est au chapite « Du mérite personnel » ; le malin portrait se glissa dans la cinquième édition des Caractères, qui fut donnée en 1690 : Je connais Mopse d’une visite qu’il m’a rendue sans me connaître. […] Walcknaer paraît douter si l’abbé de Saint-Pierre méritait en effet qu’on lui appliquât le portrait : c’est qu’il n’avait pas considéré de près le personnage, et dans ses écrits mêmes et dans tout ce qu’on rapporte de lui. […] Il était content et le laissait voir : « J’ai du plaisir partout, disait-il, parce que j’ai l’âme saine. » Il a pourtant écrit, au sujet de la moquerie, un mot fait pour toucher, et où il ne tient qu’à nous de voir une allusion à ce portrait de Mopse : « Quel agrément dans la vie pour le bienfaisant de sentir la joie de ceux chez qui il entre !

50. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Madame Récamier »

Le portrait moral qui se dégage de tout cela n’individualise pas plus Madame Récamier que son portrait physique par lequel commencent ces Souvenirs. […] Ce portrait, fait d’expressions abstraites, excepté la bouche vermeille et les cheveux châtains, nous donne certainement une jolie femme, abstraite aussi ; mais en quoi cela fait-il Madame Récamier ? […] Telle fut, sans vieillir, jusqu’à sa dernière heure, cette Madame Récamier dont la médaille, le buste, le portrait, sont peut-être impossibles à faire ; car la grâce est une ondoyance et le mouvement ne se fixe pas. […] Je ne vois nulle part, dans ces deux vagues et confuses publications, le portrait que j’aurais voulu, — le portrait net, précis, essuyé de tout rêve et de toute rêverie, d’une matérialité vivante, qui crochèterait la pensée de la force de sa réalité et l’empêcherait d’errer jamais sur le compte de ce beau visage que les hommes ne reverront plus ; car le Léonard de Vinci de cette Joconde du xixe  siècle, qu’aurait pu être Chateaubriand qui ne l’a pas été, ne viendra jamais. […] Madame Lenormant n’est pas capable d’aborder ce portrait, qui ne serait point ressemblant s’il n’était pas un chef-d’œuvre.

51. (1873) Molière, sa vie et ses œuvres pp. 1-196

On a cherché dans les traits de M. de Montausier le portrait d’Alceste. Ce portrait, Molière le portait dans son propre cœur. […] Mais quel portrait ! […] Ce portrait date de l’arrivée de Molière à Paris. […] Tartuffe serait un portrait du P. 

52. (1868) Curiosités esthétiques « V. Salon de 1859 » pp. 245-358

Qu’est-il besoin d’imagination, par exemple, pour faire un portrait ? […] Un portrait ! […] Besson savent faire des portraits. […] Voilà certes un vrai et grand portrait. […] Le nombre des portraits produits par M. 

53. (1761) Salon de 1761 « Peinture —  Roslin  » pp. 149-150

Je ne sais si Mr de Marigni ressemble ; mais on le voit assis dans son portrait, la tête bien droite, la main gauche étendue sur une table, la main droite sur la hanche, et les jambes bien cadencées. […] il faut que ni le peintre ni l’homme n’aient vu de leur vie un portrait de Vandick, ou bien c’est qu’ils n’en font point de cas. Il y a d’autres portraits de Roslin que je n’ai pu regarder après celui de Mr de Marigni.

54. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XIX. M. Cousin » pp. 427-462

Il s’est donné toutes les peines du monde pour refaire un portrait en pied de Mme de Longueville, avec toutes les prétentions à la vie. […] On aurait même aimé à voir trembler la main qui aurait tenu le pinceau, et le portrait n’eût pas été moins vrai. […] … Dupe des cérémonies d’une précieuse qui n’en faisait pas toujours, il nous donne un portrait de la pure Mme de Hautefort, plus grand que nature, parce que ce portrait (comme celui de Mme de Chevreuse dans un genre différent) est privé du fonds historique qui le supporte et qui l’expliquerait. […] Le portrait de famille qu’il a fait graver en tête de son livre doit, du reste, être ressemblant. […] On le comprend quand on regarde ce portrait.

55. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Gabrielle d’Estrées. Portraits des personnages français les plus illustres du XVIe siècle, recueil publié avec notices par M. Niel. » pp. 394-412

Portraits des personnages français les plus illustres du XVIe siècle, recueil publié avec notices par M.  […] Gabrielle d’Estrées qui est à côté, toute raide et comme emprisonnée dans sa riche toilette, a besoin aussi de quelque explication et de réflexion pour paraître ce qu’elle fut : les témoignages de la notice viennent en aide au portrait. […] Niel accompagne, en effet, les portraits de ses personnages de notices faites avec érudition et curiosité ; et, puisque j’ai nommé Gabrielle d’Estrées, on me permettra de détacher cette gracieuse figure, et, à mon tour, d’en reprendre à la plume le dessin, en profitant de tout ce que M.  […] Le genre de beauté de Gabrielle une fois attesté par l’impression générale, on peut s’en rendre compte d’après ses portraits et le conclure encore plus que l’y voir à travers la raideur qui n’est que dans l’image, et sous la parure qui de loin la surcharge un peu. […] Un jour, en voyant des portraits de princesses à marier, elle disait à d’Aubigné en la lui désignant : « Celle-ci me fait peur. » Et puis, tout n’était pas aussi gagné dans le cœur du roi qu’il le semblait.

56. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Mirabeau et Sophie. — I. (Dialogues inédits.) » pp. 1-28

À l’heure où elle parle, il est à son régiment, et il continue de montrer un portrait qu’il a d’elle et des lettres : Jugez de mon indignation et de ma douleur. […] Mais ce portrait, que je n’ai pas craint de confier à des mains si perfides, peut me perdre et me perdra. […] Vous voudrez bien me donner un billet qui enjoindra simplement à M. de Montperreux de remettre au porteur votre portrait et vos lettres. […] L’essentiel était le portrait, et Mirabeau avait droit à la reconnaissance. […] Au milieu de tout cela, je m’aperçois que j’ai oublié de dire comment était Sophie, et de donner son portrait.

57. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Le maréchal de Villars — V » pp. 123-131

» À l’Académie française, où il allait quelquefois, et le plus souvent qu’il le pouvait, il a laissé d’assez bons souvenirs : « Il paraissait, a dit d’Alembert, s’intéresser à nos exercices, opinait avec autant de goût que de dignité sur les questions qui s’agitaient en sa présence, et finissait toujours par témoigner à la compagnie les regrets les plus obligeants de ce que la multitude de ses autres devoirs ne lui permettait pas de s’acquitter, comme il l’aurait voulu, de celui d’académicien. » Un jour, dans un de ces moments d’effusion comme il en avait volontiers, il demanda à ses chers confrères la permission, ne pouvant être aussi souvent qu’il l’aurait voulu parmi eux, de leur être présent au moins en peinture et de leur envoyer son portrait. […] Toutefois, après réflexion, on ne tarda pas à s’apercevoir qu’il n’y avait alors dans la salle de l’Académie d’autres portraits que ceux des deux ministres14 et des deux rois protecteurs de l’Académie, et celui de la reine Christine. Le portrait de Villars introduit à côté des leurs allait donner à ce glorieux confrère un certain air de protecteur et de tête couronnée. M. de Valincour, avec son tact fin, fut le premier à le sentir ; il démêla à travers l’effusion de Villars une certaine adresse peut-être et une intention de gloire, l’ambittion « d’être le seul académicien que la postérité vît représenter à côté de Richelieu et de Louis XIV. » M. de Valincour se réserva donc, le jour où l’Académie reçut le portrait du maréchal, d’offrir pour sa part à la compagnie ceux de Despréaux et de Racine, et, sans faire tort au héros, l’égalité académique, la dignité des Lettres fut maintenue15. […] [NdA] Je ne voudrais pas omettre d’indiquer une précise et fort bonne Étude sur Villars homme de guerre, qu’on peut lire au tome second des Portraits militaires de M. le capitaine de La Barre du Parc. — Enfin il y aurait désormais à contrôler et à compléter une histoire de Villars à l’aide de celle du prince Eugène, publiée à Vienne par M. 

58. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Mémoires du comte Beugnot »

Aussi c’est bien moins comme récit continu, comme témoignage et contrôle positif concernant des faits historiques, que ces Mémoires méritent de compter, qu’à titre de portraits vivants et de tableaux. […] Il est homme de bonne compagnie dans ses portraits et dans les scènes légèrement comiques qu’il nous rend présentes. […] Que de portraits fidèlement peints ou dessinés ! […] Ce portrait est un chef-d’œuvre de grâce, de gaieté douce, d’ironie pénétrante, d’impertinence polie, et il a tout l’air avec cela d’être la vérité. […] J’en dirai plus ou moins de même des autres portraits dont les originaux sont peu flattés, — et du portrait de l’abbé Louis qui y paraît dans tout le bourru de son humeur sans y gagner du côté de la franchise, — et des esquisses si bien ménagées de M. de Talleyrand, de qui M. 

59. (1761) Salon de 1761 « Peinture —  Greuze  » pp. 157-158

On dit que le portrait de Mr le Dauphin ressemble beaucoup. […] Son portrait peint par lui-même a du feu, de l’action, de la vie ; mais il me plaît moins que celui de son beau-père. […] Le portrait de madame Greuze en vestale.

60. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Horace Vernet (suite.) »

C’était un singulier juge et arbitre du grand et du bel art que Gustave flanche, et il mérite bien, puisqu’il a été si souverainement injuste et partial à l’égard d’Horace Vernet, d’obtenir un coin dans le portrait de celui dont il aurait voulu faire sa victime. […] Regardez au contraire, dans ce beau portrait de Napoléon III par Flandrin, comment le peintre s’y est pris avec le pantalon rouge de l’auguste modèle ! […] Il revint donc à moi, me fit passer dans une pièce voisine, et me demanda si j’avais du temps à perdre. « J’ai là, ajouta-t-il, une toile toute tendue et toute prête à servir ; j’y veux peindre votre portrait que vous conserverez en souvenir de cette journée. […] La comtesse E… lui avait demandé de pouvoir assister à l’ébauche de son portrait ; lorsqu’elle le vit tomber sur la besogne comme un affamé sur du pain, elle resta toute stupéfaite. […] C’est ainsi qu’ils doivent apparaître dans les portraits de haut style, peints de souvenir plutôt que d’après la réalité.

61. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Mademoiselle de Scudéry. » pp. 121-143

Voici quelques passages de ce portrait, où certainement elle faisait un retour sur elle-même. […] Et dans ce portrait de Sapho toujours, qui nous est précieux, elle arrive enfin aux charmes de l’esprit, sur lesquels elle s’étend avec un redoublement de complaisance : Car les charmes de son esprit surpassent de beaucoup ceux de sa beauté. […] Dans ce portrait et cette histoire de Sapho, qui se lit vers la fin du Grand Cyrus, elle marque à quel point elle en était pénétrée, et elle y apporte plus de nuances et de tact que de loin, d’après sa réputation, on ne lui en suppose. […] Mlle de Scudéry, au tome VIe du Grand Cyrus, avait donné le portrait de Mme Cornuel sous le nom de Zénocrite, dont elle avait fait une des plus agréables et des plus redoutables railleuses de la Lycie. Le portrait est fort exact.

62. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Mémoires de l’abbé Legendre, chanoine de Notre-Dame, secrétaire de M. de Harlay, archevêque de Paris. »

Il y a, au Cabinet des Estampes, jusqu’à trente portraits gravés de ce prélat, qui évidemment aimait à se contempler et à se voir reproduit dans sa noblesse et dans ses grâces ; il y est représenté à tous les âges, sous toutes les formes, abbé, docteur, archevêque de Rouen, archevêque de Paris, à tous les degrés de sa vie ou de ses dignités. De ces portraits trois ou quatre seulement le représentent au vif (ad vivum), en toute beauté et vérité. Eh bien, pourquoi n’y aurait-il pas, de lui également, quatre ou cinq portraits au moral ? […] Il nous expose dans ses Mémoires avec beaucoup de netteté et assez de piquant quel était l’état de la prédication en ces années brillantes (1682-1690), et il trace des principaux prédicateurs, alors en renom, des portraits ou des esquisses assez agréables. […] Ce prélat de qualité et qu’on vient de voir si en beau, quoique réellement le portrait ne soit que ressemblant et nullement flatté, avait fait d’excellentes études au collège de Navarre, où il avait laissé de brillants souvenirs.

63. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Sur Adolphe de Benjamin Constant » pp. 432-438

Mais de plus indiscrets ont voulu chercher plus avant ; et comme le héros du livre, Adolphe, est évidemment le portrait de Benjamin Constant lui-même, que celui-ci a bien eu l’éducation et la jeunesse qu’il donne à son personnage, qu’il a bien eu un père comme celui-là, d’apparence froide et sans confiance avec son fils, qu’il a bien réellement connu, dès son entrée dans le monde, une femme âgée, philosophe, telle qu’il nous la montre (Mme de Charrière), on a voulu le suivre plus loin et trouver, dans les tristes vicissitudes de la passion décrite, des traces et des preuves d’une de ses propres passions et de la plus orageuse. […] J’ai lieu de croire qu’il y a plusieurs portraits d’originaux que j’avais vus, et qu’il ne se souciait pas de m’avoir pour témoin prêt à juger de leur ressemblance. […] Je crois bien que j’en ressens plus encore, parce que je reconnais l’auteur à chaque page, et que jamais confession n’offrit à mes yeux un portrait plus ressemblant. […] Il a évidemment voulu éloigner le portrait d’Ellénore de toute ressemblance.

64. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Mademoiselle Aïssé »

Peu s’en faut qu’elle ne dise d’elle comme la spirituelle Mlle De Launay en commençant son portrait : « De Launay est maigre, sèche et désagréable… » Oh ! […] Je n’ai vu d’elle que ses portraits : c’est l’idéal de la beauté. » Voilà une partie des réparations que je devais à la vérité ; j’en ai d’autres à faire encore au sujet du portrait et des sentiments. […] On les retrouve en deux endroits de la nouvelle édition corrigée et augmentée du portrait de l’auteur (Lausanne, J. Mourer ; et Paris, La Grange, 1788) : d’abord au bas du portrait, puis à la fin du volume. […] Dans le portrait tel qu’il a été imprimé en 1809, cette phrase sur Rousseau est supprimée, et l’on y a mis l’observation sur Fontenelle au passé : On a dit de M. de Fontenelle qu’il avait… Il résulte, au contraire, de notre version plus exacte et plus complète, que Fontenelle vivait encore quand Mme du Deffand traçait ce portrait.

65. (1896) Journal des Goncourt. Tome IX (1892-1895 et index général) « Année 1893 » pp. 97-181

Un portrait de Villemain, par Ary Scheffer, d’un modelage admirable. […] Quand on compare ce portrait au portrait de Guizot par Delaroche, Delaroche paraît un bien pauvre peintre. […] Et quelle traduction chez eux de la beauté des femmes du temps, qui est toute monastique, et dont les portraits des jeunes et des vieilles, ont l’air de portraits d’abbesses ! […] Puis elle passe à des portraits de gens qu’elle a connus, pratiqués, de Rochefort, de Dumas fils, etc. […] Un portrait de Daudet crucifié, golgotant, mais de toute beauté, comme facture.

66. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Ma biographie »

Sainte-Beuve, tant ceux de la Revue de Paris que de la Revue des Deux Mondes, furent recueillis en cinq volumes in-8° qui parurent successivement, de 1832 à 1839, sous le titre de Critiques et Portraits littéraires. Mais depuis, ces articles, continuellement accrus et augmentés, furent autrement distribués et recueillis dans le format in-12, sous les titres de Portraits de femmes, — Portraits littéraires, — Portraits contemporains, — Derniers Portraits. — Cette collection, qui, prise dans son ensemble, ne forme pas moins de sept volumes, a été bien des fois réimprimée avec de légères variantes depuis 1844 jusqu’à ces dernières années. […] Ce sont des souvenirs et des portraits caractéristiques que l’histoire n’a pas démentis. […] Sainte-Beuve était son portrait vivant. […] Cet article ouvre aujourd’hui la série des Portraits littéraires.

67. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Sénac de Meilhan. — I. » pp. 91-108

La ville de Valenciennes, reconnaissante, fit faire son portrait pour être placé à l’hôtel de ville (1783). Ce portrait par Duplessis, gravé par Bervic, est d’une magnifique exécution. […] Et tout d’abord il évince Duclos et le raye de la liste des grands moralistes ; il le réduit à n’être qu’un observateur de société, et le portrait qu’il donne de lui serait encore le plus piquant et le plus juste qu’on pourrait aujourd’hui tracer. […] Pourtant il est clair, en lisant les très fidèles portraits de M. de Meilhan, que si l’on était exactement resté dans les salons de ce règne de Louis XVI, dans cette atmosphère adoucie et tiède, sans les ouragans qui survinrent et les tempêtes, on allait s’affadir de plus en plus, s’user et s’effacer dans une ressemblance commune. […] [NdA] M. de Meilhan présente ces premiers degrés d’élévation et cet acheminement du prince de Montbarrey au ministère sous un jour particulier, dans le portrait qu’il a donné du marquis de Pezay.

68. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Histoire du Consulat et de l’Empire, par M. Thiers. (Tome XII) » pp. 157-172

Thiers ne fait pas proprement de portraits : le portrait, genre dont je ne médis pas, appartient à une école d’histoire qui n’est pas la sienne et qu’il juge sans doute un peu trop académique. […] Thiers, dans l’ordonnance majestueuse et comme dans l’architecture de son Histoire, ne met ni tableaux proprement dits ni portraits. […] Au contraire, voulait-il peindre un portrait, il renonçait à combiner, à épurer, à inventer enfin. […] L’histoire, c’est le portrait, comme les Vierges de Raphaël sont la poésie. […] L’exemple même de Raphaël dans ce portrait de Léon X prouverait, au besoin, qu’il ne faut pas craindre de représenter les physionomies des personnages au naturel ; et ceci me rappelle une esquisse d’un prince de l’Église, du cardinal Maury, par M. 

69. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Louis XIV et le duc de Bourgogne, par M. Michelet »

Voici un portrait que son précepteur a fait de lui, et qu’il lui a mis sous les yeux pour lui faire honte de ses défauts. Ce portrait ou Caractère dans le goût de La Bruyère, qui aurait pu sembler à quelques égards un jeu d’esprit et un exercice de littérature, aura désormais à nos yeux tout son sens et sa signification, éclairé qu’il est par la peinture flamboyante de Saint-Simon, qui y jette comme de sanglants reflets. Le portrait d’ailleurs, s’il n’a pas les mêmes fureurs de touche, n’est en rien adouci : Le Fantasque. […] vous vous trompez : il le fera encore ce soir, pour s’en moquer demain sans se corriger. » Il était difficile de présenter au jeune prince un portrait de lui en laid plus saillant et plus ressemblant, — un portrait à faire peur et qui le forçait cependant à sourire. […] C’est précisément le trait noté par Saint-Simon, dans ce portrait précédent qui nous montre le prince habile, jusque dans sa colère, à apercevoir le faible d’un raisonnement… Tout cela concorde.

70. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « QUELQUES VÉRITÉS SUR LA SITUATION EN LITTÉRATURE. » pp. 415-441

Cette Revue a publié, de la plupart des poëtes et romanciers du temps, des portraits qui, eu égard au peintre comme aux modèles, ne peuvent être considérés en général que comme des portraits de jeunesse : Juvenis juvenem pinxit. […] Je me suis dit souvent qu’on ne connaissait bien un homme d’autrefois que lorsqu’on en possédait au moins deux portraits. […] Le portrait y supplée. Quel curieux, quel aimable portrait de Dante jeune on a retrouvé, il y a environ deux ans, à Florence ! […] Les portraits de jeunesse, pour les écrivains, ont donc avec raison leur moment, leur charme unique et leur éclair même de vérité : ne nous en repentons pas, mais osons passer franchement aux seconds.

71. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « M. Necker. — I. » pp. 329-349

Necker, qui a tracé des portraits de société curieusement observés, en a fait un qui commence ainsi : « C’est une véritable tactique que la conduite d’un homme public occupé à cacher son ignorance. […] En 1764, il lut à l’assemblée générale de la Compagnie des Indes, au nom des actionnaires dont il était, un mémoire où il exposait un nouveau plan d’administration ; il y faisait, vers la fin, un portrait du véritable négociant, et l’on disait qu’il avait fait, sans le savoir, son propre portrait. […] Necker assistait dans son propre salon à la lecture que faisait sa femme d’un portrait de lui, écrit en 1787 ; portrait où il est célébré sur tous les tons, où le mot de génie est prodigué aussi bien que les comparaisons les plus ingénieuses et les plus recherchées ; où, dans une suite disparate de rapprochements et d’images, M.  […] Il écoutait ce portrait lu par sa femme devant témoins, comme s’il eût été question d’un tiers, et plus tard il le publia lui-même dans les Mélanges qu’il donna d’elle en 1798. […] [NdA] Sénac de Meilhan, dans un portrait fort dur qu’il a tracé de M. 

72. (1874) Premiers lundis. Tome I « [Préface] »

Sainte-Beuve, insérés dans Le Globe à partir de l’année 1824, nous ne faisons que réaliser un projet exprimé par lui dans la dernière édition des Portraits Contemporains, peu de mois avant sa mort (1869) : « Je me propose pourtant, dit-il, si je vis, de donne dans un volume à part la suite de mes articles au Globe ; on me dit que ce ne serait pas sans intérêt, et je me suis laissé persuadera. » Mais nous ne nous sommes pas borné seulement aux articles du Globe, qui sont le point de départ et comme la préface de cette publication, et nous avons recherché dans d’autres recueils postérieurs tout ce qui, à notre connaissance, était encore épars de l’œuvre du maître. […] -B, tantôt par les Pensées et Fragments, donnés par lui à la fin du tome II des Portraits Contemporains, — nous n’avons pas hésité à glaner les pages qu’il avait laissées après lui. […] Louis de Carné, qu’il avait oublié, a même été repris par lui, au passage, dans le National, dès qu’il lui a été signalé, et fait partie, depuis 1869, des Portraits Contemporains (tome II). […] Sainte-Beuve en a tracés, à deux époques éloignées, dans son étude de 1833 sur Jouffroy (Portraits littéraires, tome I, à partir des pages 297 et 314) ; et dans son article de 1868, sur J.

73. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre III. Les grands artistes classiques — Chapitre I. Les mondains : La Rochefoucauld, Retz, Madame de Sévigné »

Aux narrations s’ajoutent deux éléments que Retz a su employer avec une rare maîtrise : les raisonnements politiques, et les portraits. […] Le goût des portraits, Retz l’a pris aussi à son monde ; il y a été vraiment supérieur. Esquisses ou profils rapides, portraits en pied curieusement étudiés, on en trouve de toutes les sortes chez lui, et qui ne sont jamais insignifiants. […] Si ses portraits ne sont pas toujours vrais individuellement, ils le sont humainement. […] Mais ce n’est pas un artiste : son Roman bourgeois est une collection assez incohérente de portraits et de satires.

74. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Les Femmes de la Révolution » pp. 73-87

La plupart des portraits qu’il contient et qui passent sous nos yeux, nous les avons vus déjà dans d’autres panneaux, et il est aisé de les reconnaître. […] que les portraits tracés par lui accuseraient sinon l’éclat d’un talent… bien fatigué maintenant, au moins l’effort d’une œuvre nouvelle. […] Ainsi encore, après Théroigne de Méricourt, une figure moins terrible, une sainte plus douce, mademoiselle Kéralio, madame Robert, une fille noble, mal mariée, devenue ambitieuse, et tombée, à force d’abjection et de folie, dans le mépris de madame Roland, et si bas que Michelet, ému jusqu’aux entrailles dans la personne de cette petite madame Robert, se risque à protester contre le portrait déshonorant qu’en fait madame Roland dans ses Mémoires : « Ce qui prouve — ajoute-t-il mélancoliquement — que les plus grands caractères ont leurs misères et leurs faiblesses !  […] Nous en avons nommé les héroïnes ; mais ce qui dépasse infiniment l’admiration et le culte que Michelet leur a voués, c’est le sentiment qui anime son livre de la première page à la dernière ; ce sont les détails à côté de ces quelques portraits épars, mis là pour attirer peut-être la curiosité sur autre chose que sur ces portraits.

75. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Maurice comte de Saxe et Marie-Josèphe de Saxe, dauphine de France. (Suite) »

Il fallait tracer un portrait flatteur de la princesse, un portrait vrai pourtant et à ne pas être démenti, fait d’après nature. […] Il s’adressa au comte de Vaulgrenant, précédemment ambassadeur de France à Dresde et qui, rappelé de ce poste, n’eût pas été fâché d’y retourner, M. de Vaulgrenant ne se fit pas prier ; il traça un portrait tout à fait favorable. […] Si le portrait était flatteur, il ne paraît point cependant qu’il ait été trop flatté. […] Le marquis Des Issarts, nouvellement ambassadeur de France auprès d’Auguste III, eut ordre d’y regarder de plus près et de faire un nouveau portrait juste et naturel de la jeune prétendante ; chaque rapport concluait à son avantage. […] C’est, si l’on veut, dit-il, un portrait peint en rose de la Cour de Louis XV, un portrait ad usum Delphini.

76. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « La jeunesse du grand Condé d’après M. le duc d’Aumale »

Or, le portrait gravé qui est dans le quatrième volume me met déjà en défiance. […] Il y a là une trentaine de portraits de Condé, depuis l’enfance jusqu’à l’âge mûr. Deux de ces portraits, l’un de Poilly, l’autre de Nanteuil, sont des merveilles d’exécution et sont aussi, on le sent bien, d’une entière fidélité. […] Il est allé chercher je ne sais quel portrait officiel peint par Stella, et il en a fait faire, sous la direction et avec la complicité de M.  […] Il est vrai que M. le duc d’Aumale ajoute : « Il n’avait pas l’étoffe d’un général en chef. » Il n’y en a pas moins une disproportion évidente entre ce portrait et le rôle presque nul que le narrateur prête à Gassion pendant la bataille.

77. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « TABLE » pp. 340-348

. — Un portrait de Libri. — Projet d’une statue de Lamartine à Arles. — Inexpérience scénique de Ponsard. — Le rôle des trois femmes dans Lucrèce. […]  — Lamartine vise à l’O'Connell. — Sa liste civile. — Querelle de Dumas et de Janin arrangée. — Grave symptôme de décadence morale     97 XXVI. — Études catholiques et universitaires. — Portrait de Villemain. — Parallèle avec Guizot et Cousin. — M. de Genoude     100 XXVII. — Accident au Tréport. — Voyage de la reine d’Angleterre. — Réponse d’Edgar Quinet à l’archevêque de Paris     109 XXVIII. — Madame Sand dans son Berry. — Départ de Balzac pour la Russie. — Mort de la fille et du gendre de Victor Hugo. — Affreuse catastrophe. — Vers de Victor Hugo. — Le discours du cardinal Pacca. — Sénilité fleurie. — Notes de mon voyage à Rome     113 XXIX. — Un Catéchisme, par M. […]  — Le salon de peinture. — Un portrait de la princesse Belgiojoso par Lehman. — Un tableau d’Ary Scheffer. […]  — Lettres de Louis XVIII. — Portrait de Louis XVI et de Louis XVIII par M. de Barante. — Opinion de Royer-Collard sur Louis XVIII. — Lord Brougham et Guillaume Schlegel écrivant en français.

78. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Louis XIV et le duc de Bourgogne, par M. Michelet. (suite et fin.) »

pourquoi dire d’un portrait de la vieillesse commençante de Louis XIV, d’un médaillon retrouvé à Versailles par notre consciencieux et respectueux antiquaire, M.  […] Quelle interprétation outrée pour un simple portrait en cire21 ! […] Les portraits de Villars et de Vendôme sont fort vivants et des plus gais, sans trop de charge.

79. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — S — Sainte-Beuve, Charles-Augustin (1804-1869) »

. — Portraits littéraires (1839, 1841, 1844). — Histoire de Port-Royal (1840-1862). — Portraits de femme (1844). — Portraits contemporains (1846). — Causeries du lundi (1851-1857)

80. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 15 décembre 1886. »

., de 15 portraits, de 4 eaux-fortes, qui forme le plus curieux et le plus riche recueil de ce genre. […] Jullien donne la reproduction d’un portrait de Wagner, et nous dit : « ce portrait fut dessiné à Paris, en 1840 ou 1841, par Ernest Kietz … voilà donc Wagner à vingt-sept ou vingt-huit ans, Quant au portrait que j’ai donné à la page 45 en supposant que c’était le premier et peut être celui de Kietz, il est postérieur tout au plus de deux ou trois ans, comme on en peut juger par la physionomie, et nous donne bien Richard Wagner aux environs de la trentième année ; la date indiquée est donc la bonne ». […] Le portrait à la page 45 est la reproduction d’un portrait au crayon fait par Ernest Kietz en 1840 ; il a été terminé au mois de janvier de cette année ; il fut reproduit en lithographie une première fois en 1843, dans la « Zeitung für die elegante Welt » de Leipzig, et ensuite plusieurs lois (par exemple dans l’Illustrierte Zeitung » où le portrait est renversé). […] Ce portrait doit être aujourd’hui en la possession de la sœur de la première femme de Wagner. Le portrait de la page XIII de l’Avant-Propos est aussi d’Ernest Kietz, mais loin de dater de 1840 ou 1841, comme le croit M. 

81. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « FLÉCHIER (Mémoires sur les Grands-Jours tenus à Clermont en 1665-1666, publiés par M. Gonod, bibliothécaire de la ville de Clermont.) » pp. 104-118

On y reconnaît, à chaque phrase du narrateur, le Fléchier tel qu’il s’est retracé lui-même dans un portrait déjà connu, adressé, selon toute apparence, à mademoiselle Des Houlières43, portrait à la mode du temps, dans le goût un peu flatté des ruelles et des bergeries, tout peint et comme peigné par lui de charmantes caresses. […] « Vous voulez donc, Mademoiselle, que je vous trace le portrait d’un de vos amis et des miens, et que je vous fasse une copie d’un original que vous connoissez aussi bien que moi… Sa figure, comme vous savez, n’a rien de touchant ni d’agréable, mais elle n’a rien aussi de choquant. […] Même avant la publication des Mémoires sur les Grands-Jours, il suffisait d’avoir lu le délicieux et complaisant portrait pour bien saisir dans son vrai jour cet Atticus de l’épiscopat français sous Louis XIV, élégant, disert, d’un silence encore plus ingénieux parfois que ses discours, qui n’est ni pour les jésuites, ni pour les jansénistes, ni contre ; qui n’est ni une créature de la Cour, ni trop dissipé au monde, ni voué à la pénitence ; honnête homme avant tout, excellent chrétien pourtant, tolérant prélat, résidant et exemplaire, charitable aux protestants persécutés, modérant sur leur tête les rigueurs de Bâville, et trouvant encore des intervalles de loisir pour les divertissements floraux de son Académie de Nîmes ; doux produit du Comtat, chez qui tout est d’accord, même son nom (il s’appelait Esprit Fléchier) ; un Balzac en style, mais un Balzac châtié, mesuré et spirituel, un Godeau plus jeune, mais avec une galanterie plus décente, une tête plus saine et sans engagement de parti ; une sorte de Fontenelle non égoïste et encore chrétien ; enfin un bel-esprit tout à fait sage, aimable et sensible, déjà un peu rêveur. […] Les portraits abondent, les personnages y vivent.

82. (1902) La formation du style par l’assimilation des auteurs

— L’antithèse-portrait. — Le portrait « général » et « banal ». — Le portrait « banal » : Massillon. — Le vrai portrait : Bossuet. — Le parallèle. — L’esprit d’antithèse. — Mauvaises antithèses. — Défauts de l’antithèse : V. […] Buffon a des portraits d’animaux très remarquables. […] Un pareil portrait n’est qu’un lieu commun. […] Les romanciers médiocres font des portraits de jeunes filles ; mais bien peu savent faire le portrait d’une jeune fille. […] (De la Guéronnière, Portraits politiques.

83. (1906) La nouvelle littérature, 1895-1905 « Troisième partie. Dictionnaire » pp. 243-306

Revue Illustrée, 15 avril, 1er mai 1903 : (Portraits de MM.  […] Mita, Portrait, sanguine, 1897 (app. à M.  […] Portrait au fusain, 1900. — Charge, 1901. — A.  […] -A. 1905. — Hawkins, Portrait, 1903. […] Leleu : Portrait, 1900

84. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Gui Patin. — II. (Fin.) » pp. 110-133

Aux deux côtés du bon Dieu, nous y sommes tous deux en portrait, le maître et la maîtresse (c’est-à-dire lui et sa femme). Au-dessous du crucifix sont les deux portraits de feu mon père et de feu ma mère. Aux deux coins sont les deux portraits d’Érasme et de Joseph Scaliger. […] Gui Patin aurait pu, comme un autre, y mettre les armes de sa famille, car elle en avait, et il ne perd pas cette occasion de nous les décrire ; mais il a mieux aimé y mettre son portrait. […] Je dis cela parce que de loin, en pressant trop les traits et en voulant offrir nos personnages en raccourci, nous sommes tentés d’en faire encore moins des portraits que des caricatures.

85. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1859 » pp. 265-300

C’est ma première eau-forte que je fais tirer chez Delâtre : le portrait d’Augustin de Saint-Aubin… Oui, voilà plusieurs jours que nous sommes plongés dans l’eau-forte, mais jusqu’au cou et même par-dessus la tête. […] Flaubert ressemble extraordinairement aux portraits de Frédérick Lemaître jeune. […] C’est un triomphant portrait de Largillière. […] Un portrait où éclate l’esprit de la physionomie, ce caractère tout moderne et qui se lit assez peu dans les portraits du temps de Louis XIV, et même dans la plupart des portraits, au type bovin de la Régence, peints par Nattier. Et à cette physionomie moderne se trouve alliée une grâce légère et volante dans l’arrangement du costume, et l’accommodement de la chevelure joliment frisée et relevée en deux cornes, qui lui font un diadème de déesse amoureuse : toutes choses dont il n’existe rien dans le portrait gravé de Vallée.

86. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) «  Mémoires et correspondance de Mme d’Épinay .  » pp. 187-207

On pourrait faire trois portraits de Mme d’Épinay, l’un à vingt ans, l’autre à trente (et elle nous a fait ce portrait-là vers le moment où elle commença de connaître Grimm) ; et il y aurait un troisième portrait d’elle à faire après quelques années de cette connaissance, lorsque, grâce à lui, elle avait pris plus de confiance en elle, et qu’en étant une personne très agréable encore, elle devenait une femme de mérite, ce qu’elle fut tout à fait en avançant. […] Diderot est plus juste, et il nous peint à ravir Mme d’Épinay à cet âge de la seconde jeunesse, un jour qu’il était à La Chevrette, pendant qu’elle et lui faisaient faire leur portrait : On peint Mme d’Épinay en regard avec moi, écrit Diderot à Mlle Volland ; elle est appuyée sur une table, les bras croisés mollement l’un sur l’autre, la tête un peu tournée, comme si elle regardait de côté ; ses longs cheveux noirs relevés d’un ruban qui lui ceint le front. […] Et revenant quelques jours après sur le même portrait, il dit encore dans un tour charmant : Le portrait de Mme d’Épinay est achevé ; elle est représentée la poitrine à demi nue ; quelques boucles éparses sur sa gorge et sur ses épaules ; les autres retenues avec un cordon bleu qui serre son front ; la bouche entrouverte ; elle respire, et ses yeux sont chargés de langueur. […] J’ai cru devoir opposer ce portrait de Diderot, bon juge, à certaine page des Confessions où Rousseau refuse précisément à Mme d’Épinay quelques-unes de ces grâces et de ces mollesses voluptueuses.

87. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Saint-Évremond et Ninon. » pp. 170-191

Dans un portrait idéal qu’il a tracé de La Femme qui ne se trouve point et qui ne se trouvera jamais, et où il s’est plu à réunir sur la tête d’une Émilie de son invention toutes les qualités les plus difficiles à associer et tous les contraires : Voilà le portrait, dit-il en finissant, de la femme qui ne se trouve point, si on peut faire le portrait d’une chose qui n’est pas. […] Cette raison saine, cet esprit sensé, mêlé à l’enjouement et au charme, il l’avait trouvé chez Ninon, et ce coin du portrait d’Émilie n’était pas du tout une pure idée imaginaire. […] De même en musique, quand elle jouait du luth ; elle préférait une expression touchante à la plus savante exécution : « La sensibilité, disait-elle, est l’âme du chant. » On a donné tant de portraits de Ninon, que je me bornerai à en indiquer un qui nous la montre dans sa jeunesse, sous son jour le plus favorable et le plus décent. […] La ressemblance de plusieurs traits essentiels me fait croire que la véritable clef de ce portrait peu connu est bien en effet celle-là : L’aimable Clarice est, sans doute, une des personnes du monde la plus charmante, et de qui l’esprit et l’humeur ont un caractère le plus particulier ; mais, avant que de m’engager à vous les dépeindre, il faut vous dire quelque chose de sa beauté. […] Le portrait de Ninon, d’après Mlle de Scudéry, nous en donnerait pourtant une idée trop adoucie et affaiblie : elle avait bien autrement de verve, de saillie et de piquant.

88. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Tallemant et Bussy ou le médisant bourgeois et le médisant de qualité » pp. 172-188

On rencontre un nom de femme ou d’homme, vite un portrait. Le portrait commence par une description qui rappelle celle de nos passeports : visage rond, nez bien fait, etc. […] Il fait songer d’avance par ce malin portrait à ceux d’Hamilton, bien qu’il n’ait pas le léger d’Hamilton ni cette fine ironie presque insensible. […] On a au bas des pages un portrait composite par dix auteurs. […] On a bien parlé de M. de Montausier ; mais le portrait dès longtemps n’est plus à faire.

89. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Mémoires pour servir a l’histoire de mon temps. Par M. Guizot »

Molé un portrait des plus délicats, où les qualités du noble personnage sont reconnues et où ses faibles ne sont pas oubliés : une qualité toutefois n’y est pas suffisamment marquée, c’est que M.  […] ce ne serait pas un écrivain aujourd’hui, et, qui plus est, ce ne serait pas un peintre que celui à qui nous devons, sans sortir de ces Mémoires, tant d’ingénieux portraits, tant de fines esquisses, ces figures de Casimir Berier, de Laffitte, de M.  […] » Le portrait de Lamartine que le peintre se figure « comme un bel arbre couvert de fleurs, sans fruits qui mûrissent et sans racines qui tiennent », est de toute beauté et de toute vérité dans son indulgence. Ce talent, ce goût des portraits, est même tellement venu à M.  […] Il est quelques portraits de femmes heureusement touchés et qui témoignent d’une souplesse inaccoutumée de ton, le portrait de la comtesse de Castellane, par exemple.

90. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Poésies, par Charles Monselet »

Edmond Texier a fait un joli portrait, l’Homme répandu : Charles Monselet est pour moi la figure vivante du littérateur qui se disperse. […] Est-ce un père, un aïeul qu’on puisse revendiquer, qu’on doive rechercher, avouer hautement, dont on doive mettre le portrait dans son cabinet comme on peut avoir son recueil (et je l’ai) sur quelque rayon perdu et poudreux, dans les combles de sa bibliothèque ? […] Il méritait un portrait en pied. […] Il n’y en a pas dans le portrait de Grimod de La Reynière, le gourmand rubicond, généreux, l’Amphitryon prodigue des gens de lettres avant 89, et qui n’est mort qu’en 1838. […] Monselet parle de Grimod, qu’il est lui-même de la confrérie des amateurs de la table et de la fine chère : tout ce portrait est traité rondement, richement.

91. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Béranger — Note »

On ajoutait que vous vous étiez reconnu dans un portrait du livre que je vous ai porté, la dernière fois que je vous ai vu. Cela d’abord m’a paru difficile, car je puis vous assurer en toute bonne foi que vous n’êtes pour rien dans aucun de ces portraits. […] Quant au paragraphe qui suit ces trois portraits, et où vous auriez, m’a-t-on dit, trouvé quelque trait offensant, une lecture un peu moins prévenue vous aurait fait voir qu’il ne s’agissait plus des trois portraits précédents, mais de traits nouveaux s’adressant à d’autres caractères qui ne sont qu’à peine indiqués, et auxquels on ne pourrait, à moins d’être bien devin, rattacher aucun nom propre.

92. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 12, qu’un ouvrage nous interesse en deux manieres : comme étant un homme en general, et comme étant un certain homme en particulier » pp. 73-80

Par exemple, un portrait est un tableau assez indifferent pour ceux qui ne connoissent pas la personne qu’il répresente ; mais ce portrait est un tableau précieux pour ceux qui aiment la personne dont il est le portrait.

93. (1920) La mêlée symboliste. I. 1870-1890 « F.-A. Cazals » pp. 150-164

Jean Moréas22, parlant de Cazals, dit : « … Le regretté maître Eugène Carrière fit un jour un beau portrait de Verlaine. […] Je me suis fait loi de le proclamer dans cette ballade dont on voudra bien me pardonner le ton humoristique, tellement de circonstance : BALLADE des portraits de Verlaine. […] Il s’agit du portrait de Verlaine, introduit au Luxembourg et qu’a signé le peintre Chantalat, médiocre image, qui semble moins faite d’après nature que calquée sur la photographie d’Otto. […] Portrait de Verlaine, par Valadon.

94. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre XVII. Morale, Livres de Caractéres. » pp. 353-369

Il a été cependant goûté médiocrement par ceux qui n’aiment la morale, même la plus judicieuse, qu’autant qu’elle est animée par des peintures vives, par des portraits d’après nature, par les traits piquans d’une satyre délicate. […] Certains portraits satyriques, & un caractère de galant homme & d’homme du monde, ont fait le succès de ce livre. […] Marin, est le portrait de l’honnête homme uni au galant homme : portrait d’autant plus fidéle que l’auteur en a puisé les couleurs dans lui-même.

95. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Duclos. — II. Duclos historien » pp. 224-245

» Le portrait de la première Dauphine, de Marguerite d’Écosse, celle qui donna le baiser de sapience à Alain Chartier endormi, et qui mourut à la fleur de l’âge, victime de la calomnie et abreuvée de dégoûts, en disant pour dernière parole : « F. de la vie ! […] » ce portrait est très agréable chez Duclos, mais il est pris tout entier de l’abbé Le Grand, qui ne fait que l’étendre un peu plus, et y mêler de ses longueurs et de sa bonhomie d’expression. Si l’on mettait les deux portraits sur deux colonnes en regard, on aurait idée du sans-gêne avec lequel Duclos en a usé dans ses emprunts à peu près textuels. […] Duclos avait encore présentes certaines scènes de 1711, de 1712, et en avait gardé les poignantes émotions, comme nous avons eu celles de 1812 et de 1814 ; les victoires de Marlborough, les menaces et les outrageuses espérances du prince Eugène, l’épuisement de la France dans cette lutte extrême60, la carte du démembrement projeté, il rend cela avec nerf et dans un sentiment patriotique : c’est lorsqu’il en vient aux portraits des personnages qu’il s’en remet purement à Saint-Simon. […]   Ce que je fais là pour le portrait de Mlle Choin, on peut le faire presque indifféremment pour le portrait de n’importe quel personnage du temps, le duc et la duchesse de Bourgogne, le maréchal de Villars, Louis XIV mourant, Mme des Ursins, le père Tellier, etc. ; entre la copie de Duclos et l’original de Saint-Simon, le rapport est le même.

96. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Le général Jomini. [V] »

Je n’en veux pour preuve que ce portrait de l’empereur Alexandre placé dans la bouche de Napoléon. […] Lisez bien ce portrait : sous sa touche flatteuse, il ne dément pas absolument le mot célèbre de Napoléon qu’on ne saurait oublier : C’est un Grec du Bas-Empire. […] L’Académie a placé le portrait du général Jomini dans une des salles de l’établissement, comme l’un de ses fondateurs. […] C’est ainsi que dans son pays natal, où Jomini était loin d’avoir toujours été prophète, le conseil d’État du canton de Vaud décida à son tour que le portrait de son illustre concitoyen serait placé au musée de Lausanne ; et ce portrait s’y voit aujourd’hui, de la main de l’excellent et généreux peintre Gleyre. […] j’ai cru possible de montrer et de faire accepter son portrait vu de la France.

97. (1759) Salon de 1759 « Salon de 1759 — Aved »

Aved Une belle chose, c’est le Portrait du maréchal de Clermont Tonnerre peint par Aved. […] De près la figure paraît un peu longue ; mais c’est un portrait.

98. (1767) Salon de 1767 « Dessin. Gravure — Lempereur »

Lempereur le portrait de M.  […] Je ne connais pas le portrait de M. 

99. (1767) Salon de 1767 « Dessin. Gravure — Moitte »

Moitte Le portrait de Duhamel Du Monceau . […] Au reste son portrait est d’un burin moëlleux et qui sait donner aux chairs de la souplesse.

100. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Le prince de Ligne. — II. (Fin.) » pp. 254-272

Catherine, qui se croyait prête elle-même, ne l’était pas ; elle avait envie et elle hésitait : Regardant le portrait de Pierre Ier qu’elle a toujours dans sa poche quand elle est en voyage, elle me dit plusieurs fois d’un air qui dictait ma réponse : Que dirait-il ? […] Chaque fois que Catherine lui montrait ce portrait de Pierre Ier sur sa tabatière et répétait son Que dirait-il ? […] De Mme Geoffrin, il disait en approuvant le portrait qu’en a tracé La Harpe : Le portrait de Mme Geoffrin est de la plus grande vérité ; il devait y ajouter le plus grand talent pour les définitions. […] elle revenait quelquefois au duc de Marlborough tombé en enfance et jouant avec ses pages ; et un jour qu’un de ses portraits, devant lequel il passa, la lui rendit, il arrosa de pleurs ses mains qu’il porta sur son visage. […] Dans tout ce qui précède, je n’ai point voulu faire une biographie ni même un portrait du prince de Ligne, mais seulement présenter de lui et, pour ainsi dire, sauver de l’ancien naufrage de ses Œuvres quelques beaux ou jolis endroits, et le rappeler à l’attention comme un des plus sensés parmi les arbitres des élégances, un des plus réellement aimables entre les heureux de la terre38.

101. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Appendice à l’article sur Gabriel Naudé »

En 1831, et pendant près de dix-sept ans, je fais ma critique de Revue des Deux Mondes, une longue campagne, avec de la polémique de temps en temps et beaucoup de portraits analytiques et descriptifs ; — une guerre savante, manœuvrière, mais un peu neutre, encore plus défensive et conservatrice qu’agressive. (Les Portraits littéraires, pour la plupart, et les Portraits contemporains en sont sortis.)

102. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Roland de la porte » p. 203

Il a exposé des fruits, des portraits ; les fruits sont beaux, les portraits sont mauvais.

103. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1856 » pp. 121-159

De tous ces portraits, un seul est intéressant au point de vue moral : c’est le portrait de la maîtresse par la mère de l’amant. […] Des deux côtés de la cheminée des tableautins, et sur la bordure dorée de la glace un portrait en miniature de religieuse. […] Il vient d’acheter, dans le Perche, Saint-Santin, une masure qui l’a séduit par la date de 1555 sur une vieille pierre, et il a enfin trouvé un logis et un asile pour les portraits et les livres de ses amis, qu’il était ennuyé de promener çà et là, depuis des temps infinis. […] Une porte s’ouvre, et un homme paraît, à la grosse tête carrée, aux gros traits, aux grosses moustaches, à la forte figure des portraits de Frédéric Soulié ; il est en robe de chambre de velours noir, aux grandes manches pendantes d’astrologue. […] À propos d’un charmant portrait de la Duthé, que nous lui disons se trouver chez Mme de Boigne, et provenant d’un legs fait à un d’Osmont par l’abbé de Bourbon, lors d’une maladie dont il crut mourir, il nous raconte qu’il a vu la Duthé, étant encore tout enfant.

104. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Sainte-Beuve » pp. 43-79

L’occasion de ce portrait, grand comme un tableau, — car il devait renfermer plus que Virgile, il devait renfermer l’Énéide, — avait été un cours public, malheureusement interrompu. […] Palais, fondations populaires, chapelles, lois, arbres consacrés, dictons, portraits, reliques de toute espèce. […] Elles sont précédées d’une biographie de Virgile que nous ne craignons pas d’appeler un chef-d’œuvre de difficulté vaincue, car ce portrait, fait ressemblant à la distance de tant de siècles, a été composé avec des nuances qu’on croyait à jamais évanouies. […] Les derniers Portraits qu’il ait retouchés sont presque des contradictions avec ce qu’ils étaient d’abord. […] Ses Portraits contemporains, qui furent d’abord de jolis ouvrages, des dessus de boîtes agréables, des chefs-d’œuvre de bonbonnières qu’il a depuis prosaïsés et embourgeoisés, ses Portraits contemporains n’attestent nulle part que les qualités que je viens de lui reconnaître.

105. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Les Kœnigsmark »

II En effet, l’espèce de galerie historique élevée aujourd’hui par Blaze de Bury à la vieille famille des Kœnigsmark, si célèbre autrefois en Suède et en Allemagne, ne contient guères qu’un seul portrait qui vaille la peine qu’on s’y arrête ; mais ce portrait est tout un poème, et ses accessoires en font un tableau. […] Ils ne sont que des portraits de race, — d’une race de guerre forte comme le Nord, dont ils sont les fils ; mais il n’y a guères plus de différence entre eux que de lion à lion ou d’aigle à aigle. […] Sans le portrait du dernier de tous, — de celui en qui s’écroula si affreusement cette maison, bâtie avec le mortier du sang et l’or des pillages, — on ne s’arrêterait, soyez-en sûr !

106. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Charles De Rémusat »

À proprement parler, c’est bien moins un livre qu’une suite de biographies sur quelques personnes célèbres du siècle dernier ; et je ne dis pas cela pour rabaisser en quoi que ce puisse être ce genre de la biographie, que j’aime, moi qui préfère les portraits aux tableaux, parce qu’il fait comprendre l’histoire générale par les hommes individuels. […] Excepté Horace Walpole peut être, ce persifleur de salon, qui est de proportion avec la largeur du lorgnon carré à travers lequel il le guigne, Rémusat a manqué ses portraits historiques. […] Mais ce n’est pas avec de la finesse — et rien au-delà — qu’on peut aborder les difficultés du portrait d’histoire. […] Trop fin toujours, et ne pouvant être que cela quand il a du talent, il a choisi — mais pour cette fois-là sans finesse — des portraits historiques à faire pour lesquels il fallait impérieusement toutes les qualités qu’il n’a pas : la force, l’éclat, la profondeur, toutes les vaillances !

107. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Oeuvres inédites de la Rochefoucauld publiées d’après les manuscrits et précédées de l’histoire de sa vie, par M. Édouard de Barthélémy. »

On l’a beaucoup loué, il y a trois ou quatre ans, pour avoir réimprimé un recueil de Portraits de société du XVIIe siècle, dont un petit nombre sont vraiment curieux, et la plupart d’une fadeur, d’une insipidité écœurante. […] Et encore parlant du portrait de La Rochefoucauld par lui-même, de ce beau portrait si aisé, si net, et qui sent, comme on disait, son honnête homme, M.  […] On jouait aux maximes dans le salon de Mme de Sablé comme on jouait précédemment aux portraits, comme on joue encore tous les jours aux proverbes, aux charades. […] La description ou le portrait de l’Amour-propre, qui est en tête de la première édition des Maximes, est un admirable morceau d’ensemble qu’on n’a pas réfuté encore ; c’est un morceau digne de Pascal, de celui des Pensées, et qui cette fois, par sa date, a bien réellement devancé la publication posthume de l’ouvrage de Pascal, et dans un même genre. […] Le cardinal de Retz, dans le portrait qu’il a donné de La Rochefoucauld, fait une sorte d’allusion confuse et lointaine à cette pièce, quand il dit : « Cet air de honte et de timidité, que vous lui voyez dans la vie civile, s’était tourné dans les affaires en air d’apologie.

108. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Correspondance de Louis XV et du maréchal de Noailles, publiée par M. Camille Rousset, historiographe du ministère de la guerre »

Il est devenu nécessaire de rappeler au moins les griefs essentiels de Saint-Simon contre le duc de Noailles, de les examiner en les réduisant, de distinguer ce qui est positif et ce qui n’est que conjectural ou purement imaginaire, mais de maintenir aussi ce qui paraît incontestable, et de se former une idée aussi entière que possible d’un homme qui a été l’objet d’un des plus éclatants portraits, le sujet d’une des plus prodigieuses autopsies morales qui existent en littérature. […] Et de Saint-Simon, au contraire, voici par exemple un premier portrait, ou une première partie de portrait qui me paraît incontestable : « Le duc de Noailles, maintenant (1743) arrivé au bâton, au commandement des premières armées et au ministère, va désormais figurer tant, et en tant de manières, qu’il serait difficile d’aller plus loin avec netteté sans le faire connaître, encore qu’il soit plein de vie et de santé, et qu’il ait trois ans moins que moi. […] … » Je m’arrête ; je n’ai gardé de poursuivre : au fond je réduis toute la contrepartie de ce portrait de Noailles par Saint-Simon, dans tout ce qu’elle a de plus affreux, à un ou deux traits, et je dis : « Somme toute, c’était un courtisan, et un courtisan ambitieux. » Ah ! […] Depuis qu’il ne sert plus en qualité de général, il se montre au Conseil grand Autrichien… » Quand on lit ces portraits, il faut faire la part des antipathies. […] Or, à mes yeux, un portrait de Saint-Simon se discute, se réfute, se réduit, mais ne s’escamote pas.

109. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « THÉOPHILE GAUTIER (Les Grotesques.) » pp. 119-143

Sous ce titre, le spirituel écrivain a réuni une dizaine de portraits littéraires dont les originaux appartiennent plus ou moins au genre dans lequel il les a classés : il débute par Villon, mais il saute vite à des auteurs d’une époque plus rapprochée. […] En voilà assez pour montrer que l’auteur n’a cherché, dans le titre donné à son livre, qu’une sorte d’étiquette suffisamment accommodée à la plupart de ses portraits, et que ce n’est pas un sujet, un cadre complet qu’il s’est à l’avance proposé de remplir. […] Mais il lui manque cette curiosité attentive de recherche et d’étude qu’on appelle l’érudition ; il se garderait surtout de paraître viser à l’exactitude du détail, qui est pourtant le fond de la trame en ce genre de portraits et de biographies littéraires. […] Traçant dans une ode le portrait idéal du vertueux et du sage, il le termine par ce trait : Jésus-Christ est sa seule foi, Tels seront mes amis et moi. […] Au tome V de l’édition in-8° des Critiques et Portraits (1839) on trouverait quelques pages que nous ne reproduirons pas ici, non pas que nous ayons beaucoup à y rétracter ; nous n’y corrigerions guère qu’une honteuse inadvertance qui nous a fait placer (page 535) l’exil d’Andromaque en Thrace au lieu de l’Épire ; mais, si l’ensemble de notre jugement reste le même, il y aurait à ajouter que, dans son recueil de Poésies complètes (1815), M.

110. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Mémoires d’outre-tombe, par M. de Chateaubriand. » pp. 432-452

Dans un chapitre intitulé « Des gens de lettres en 89 », on trouve sur Ginguené et sur Chamfort des portraits piquants et qui sont tracés avec tant de saillie, que, si on ne les contredit à temps, ils ont chance de vivre et d’emporter ainsi leurs victimes à la postérité. Mais ces portraits sont faux et en partie calomnieux. […] Ainsi, dans sa vue rétrospective de la première Révolution et dans les portraits qu’il trace des hommes de 89, il parle non d’après ce qu’il a vu et senti alors, mais d’après ses sentiments au moment de la rédaction. […] Sans pouvoir se démontrer ce plus ou moins de mélange, on le sent pourtant bien un peu en le lisant, on en a une impression confuse ; et de même qu’en présence d’un portrait ressemblant dont on n’a jamais vu l’original, on s’écrie : Que c’est vrai ! […] Dès aujourd’hui une conclusion me paraît incontestable : entre les divers portraits ou statues qu’il a essayé de donner de lui, M. de Chateaubriand n’a réussi qu’à produire une seule œuvre parfaite, un idéal de lui-même où les qualités avec les défauts nous apparaissent arrêtés à temps et fixés dans une attitude immortelle, — c’est René.

111. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Mme du Châtelet. Suite de Voltaire à Cirey. » pp. 266-285

Je ne crois pas qu’il existe en français de page plus sanglante, plus amèrement et plus cruellement satirique, que le portrait de Mme du Châtelet, de la divine Émilie, tracé par Mme Du Deffand (une amie intime), et qui commence par ces mots : « Représentez-vous une femme grande et sèche, sans etc., etc. » C’est chez Grimm qu’il faut lire ce portrait, qui a été mutilé et adouci ailleurs ; on n’ose en rien transcrire, de peur de brûler le papier. […] Le trait final est aussi le plus perfide et le plus humiliant ; on l’y montre comme s’attachant à tout prix à la célébrité de M. de Voltaire : « C’est lui qui la rend l’objet de l’attention du public et le sujet des conversations particulières ; c’est à lui qu’elle devra de vivre dans les siècles à venir, et, en attendant, elle lui doit ce qui fait vivre dans le siècle présent. » Pour compléter la satire, il faut joindre à ce portrait de Mme du Châtelet, par Mme Du Deffand, les lettres de Mme de Staal (de Launay) à la même Mme Du Deffand, où nous est représentée si au naturel, mais si en laid, l’arrivée de Mme du Châtelet et de Voltaire, un soir chez la duchesse du Maine, au château d’Anet : « Ils apparaissent sur le minuit comme deux spectres, avec une odeur de corps embaumés. » Ils défraient la société par leurs airs et leurs ridicules, ils l’irritent par leurs singularités ; travaillant tout le jour, lui à l’histoire, elle à Newton, ils ne veulent ni jouer, ni se promener : « Ce sont bien des non-valeurs dans une société où leurs doctes écrits ne sont d’aucun rapport. » Mme du Châtelet surtout ne peut trouver un lieu assez recueilli, une chambre assez silencieuse pour ses méditations : Mme du Châtelet est d’hier à son troisième logement, écrit Mme de Staal ; elle ne pouvait plus supporter celui qu’elle avait choisi ; il y avait du bruit, de la fumée sans feu, il me semble que c’est son emblème. […] Ainsi, deux ou trois jours après cette mort, comme il s’inquiétait fort d’une bague que portait la marquise, et où devait se trouver son portrait sous le chaton, Longchamp lui dit qu’il avait eu la précaution, en effet, de retirer cette bague, mais que le portrait qu’elle renfermait était celui de M. de Saint-Lambert : « Ô ciel ! […] J’en avais ôté Richelieu, Saint-Lambert m’en a chassé ; cela est dans l’ordre ; un clou chasse l’autre : ainsi vont les choses de ce monde. » Mme du Châtelet avait à peine fermé les yeux, que Voltaire écrivait à Mme Du Deffand, avant toute autre personne, pour lui annoncer cette mort : « C’est à la sensibilité de votre cœur que j’ai recours dans le désespoir où je suis. » Rappelons-nous le portrait satirique ; en vérité, l’ami au désespoir s’adressait bien !

112. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « I » pp. 1-8

l’injure y déborde ; elle est crasseuse ; rien n’égale, en fait de bile et de fiel, les portraits tracés de nos institutions et des hommes éminents qui les pratiquent et les honorent. […] Quant à la Chambre des députés, les portraits sont personnels et odieux. […] Le portrait de Louis-Philippe a été supprimé (c’est trop scabreux), mais ses ministres responsables l’ont payé double.

113. (1874) Premiers lundis. Tome II « H. de Balzac. Études de mœurs au xixe  siècle. — La Femme supérieure, La Maison Nucingen, La Torpille. »

Le portrait, la description de la personne et de la vie de la Torpille (c’est l’odieux nom de la pauvre fille perdue) accusent ces observations profondes et fines particulières à l’auteur, et respirent une complaisance amollie qui s’insinue bientôt au lecteur, si elle ne le rebute tout d’abord : c’est là un secret et comme un maléfice de ce talent, quelque peu suborneur, qui pénètre furtivement, même au cœur des femmes honnêtes, comme un docteur à privautés par l’alcôve. […] Cet article et les suivants, extraits de la Revue des Deux Mondes, à la date des 1er novembre 1838 et 15 février 1839, sont la continuation des bulletins littéraires, déjà reproduits en partie à la fin du tome II des Portraits contemporains (Pensées et Fragments, pages 524 et 530). Ces deux fragments, auxquels nous renvoyons le lecteur, et qui servaient d’en-tête auxdits bulletins de la Revue des Deux Mondes, se terminent l’un et l’autre, dans les Portraits contemporains, par trois points de suspension.

114. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Une âme en péril »

Il faisait des « portraits » comme La Bruyère, avec des noms tirés du grec. […] Surtout on était charmé de trouver dans le livre d’un prêtre un portrait sans pitié du paysan, un portrait qui rappelait la page de La Bruyère et qui faisait même songer aux horribles paysans des romans naturalistes.

115. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 30, de la vrai-semblance en peinture, et des égards que les peintres doivent aux traditions reçuës » pp. 255-265

La vrai-semblance poëtique consiste enfin à donner aux personnages d’un tableau leur tête, et leur caractere connu, quand ils en ont un, soit que ce caractere ait été pris sur des portraits, soit qu’il ait été imaginé. […] Enfin la vrai-semblance poëtique demande que le peintre donne à ses personnages leur air de tête connu, soit que cet air de tête nous ait été transmis par des médailles, des statuës ou par des portraits, soit qu’une tradition dont on ne connoît pas la source nous l’ait conservé, soit même qu’il soit imaginé. […] Paul, quoiqu’elle ne convienne pas trop avec le portrait que cet apôtre fait de lui-même.

116. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Le marquis de Lassay, ou Un figurant du Grand Siècle. — II. (Fin.) » pp. 180-203

Saint-Simon n’a pas rendu en des termes plus énergiques M. le Prince fils du Grand Condé, et, en nous retraçant le portrait de ce personnage avec qui il avait eu tant de choses à démêler, Lassay est d’une précision aussi inexorable que Mme de Staal de Launay lorsqu’elle nous exprime si au vif la duchesse du Maine. […] Et après l’avoir peint en tout et dans les moindres détails son bourreau et le fléau des autres, Lassay ajoute : « Voilà le portrait de M. le Prince. […] Le portrait qui succède à celui-là dans le Recueil, et qui est également anonyme, me paraît pouvoir être celui de M. le Duc (fils de M. le Prince), et le suivant est certainement celui de la duchesse du Maine. Lassay qui, à la mort du prince de Conti, donna sur lui le mémoire qui servit à l’Oraison funèbre prononcée par Massillon (1709), en a tracé un autre portrait ou caractère beaucoup plus vrai, ce me semble, et plus réel, quand ce prince vivait encore. […] Lassay, tout en s’en faisant honneur, reconnaissait que ce portrait était flatté, et il répondait au peintre par un mot du maréchal d’Ancre : « Tu me flattes, mais ça me fait plaisir (Tu m’aduli, ma mi piace). » La vieillesse fut son bel âge.

117. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — A — Aurier, Georges-Albert (1865-1892) »

. — Œuvres posthumes, avec une notice de Remy de Gourmont et un portrait à l’eau-forte (1898). […] [Portraits du prochain siècle (1894).]

118. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre sixième »

Le spectacle, la pompe, une vaste scène, ajoutent à l’effet de la tragédie ; ils mettent les portraits dans leurs cadres. […] N’ayant pas son portrait, l’en aimerai-je moins ? […] Le portrait mis en gage procure à Valère mille écus, et ces mille écus ont ramené la fortune. Valère va-t-il les retirer de son gain pour racheter le portrait ? […] Tel qu’il est, c’est le mélange ingénieux d’une esquisse vraie et d’un portrait de fantaisie.

119. (1894) Textes critiques

Mais il y a des Whistler, du violet et argent de sa Mer profonde au brun et or du Portrait de Lady E… — La vieille Dame Hongroise, parchemin de bois vivant de Rippl-Ronai ; — des Aman-Jean : sa Béatrice surtout et le portrait de M.  […] Prunier — Aux indépendants émigrèrent des toiles des Néo-impressionnistes, dont le très beau portrait d’Erik Satie, par A. de la Rochefoucauld. […] Du même, Panneau décoratif, portrait d’homme tel qu’un Memling, et portrait d’enfant. — De cette peinture minutieuse et plus géométrique, l’Aérostat dirigeable de Boisset. […] Des Néo-impressionnistes : l’Air du Soir de Cross ; — des Signac ; de la Rochefoucault, le portrait d’Erik Satie. — Des Luce.‌ […] Ollendorff. — Figures contemporaines, tirées de l’Album Mariani, 76 biographies, notices, autographes et portraits gravés sur bois par A.

120. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE CHARRIÈRE » pp. 411-457

Le titre de mon petit livre fit grand’peur ; on craignit d’y trouver des portraits et des anecdotes. […] Quand on peint de fantaisie, mais avec vérité, un troupeau de moutons, chaque mouton y trouve son portrait, ou du moins le portrait de son voisin. […] Un portrait du père de M. de Bompré était dans le salon d’en bas, mauvaise peinture, mais ressemblante : il faut que le portrait se cache et monte d’un étage. […] Gaullieur, sur la jeunesse de Benjamin et ses relations avec Mme de Charrière (Voir Derniers Portraits ou au tome III des Portraits littéraires, édit. de 1864). — Enfin il faut lire encore (car la source une fois ouverte n’a plus tari) tout ce que le même M. […] Plus d’une question que nous posions ici trouve sa réponse dans l’article sur Benjamin Constant et madame de Charrière inséré dans les Derniers Portraits (1852) et, depuis, dans le tome III des Portraits littéraires, édit. de 1864.

121. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « DU ROMAN INTIME ou MADEMOISELLE DE LIRON » pp. 22-41

Puisqu’on connaît le portrait de Mlle de Liron, puisque j’ai osé citer un passage de Mlle Aïssé malade, qui, en donnant une incomplète idée de sa personne, laisse trop peu entrevoir combien elle fut vive et gracieuse, cette aimable Circassienne achetée comme esclave, venue à quatre ans en France, que convoita le Régent, et que le chevalier d’Aydie posséda ; puisque j’en suis aux traits physiques des beautés que Mlle de Liron rappelle et à l’air de famille qui les distingue, je n’aurai garde d’oublier la Cécile des Lettres de Lausanne, cette jeune fille si vraie, si franche, si sensée elle-même, élevée par une si tendre mère, et dont l’histoire inachevée ne dit rien, sinon qu’elle fut sincèrement éprise d’un petit lord voyageur, bon jeune homme, mais trop enfant pour l’apprécier, et qu’elle triompha probablement de cette passion inégale par sa fermeté d’âme. […] Dans la première, une femme de qualité établie à Lausanne, la mère de la jolie Cécile dont nous avons cité le portrait, écrit à une amie qui habite la France les détails de sa vie ordinaire, le petit monde qu’elle voit, les prétendants de sa fille et les préférences de cette chère enfant qu’elle adore ; le tout dans un détail infini et avec un pinceau facile qui met en lumière chaque visage de cet intérieur. […] Je suis revenu plus tard et avec plus de détail sur madame de Charrière, dans un article à part qu’on peut lire ci-après (dans le présent volume), ainsi que sur mademoiselle Aïssé (voir Derniers Portraits, ou au tome III des Portraits littéraires, édit. de 1864). […] Nous avons été assez heureux depuis pour démontrer positivement le contraire, et de la seule manière dont ces sortes de choses peuvent se démontrer, par l’alibi (voir Derniers Portraits ou, ce qui revient au même, le tome III des Portraits littéraires, édit. de 1864).

122. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Fontenelle, par M. Flourens. (1 vol. in-18. — 1847.) » pp. 314-335

Et comme on reconnaît la ressemblance de la physionomie première, dans ce portrait que La Bruyère a tracé de lui : Ascagne est statuaire, Hégion fondeur, Eschine foulon, et Cydias (c’est-à-dire Fontenelle) bel esprit ; c’est sa profession. […] Ce portrait de Fontenelle par La Bruyère est pour nous une grande leçon : il nous montre comment un peintre habile, un critique pénétrant, peut se tromper en disant vrai, mais en ne disant pas tout, et en ne devinant pas assez que, dans cette bizarre et complexe organisation humaine, un défaut, un travers et un ridicule des plus caractérisés n’est jamais incompatible avec une qualité supérieure. […] Je ne pousserai pas plus loin la citation de ce portrait des plus frappants, et qui est d’original. […] Ce portrait de Fontenelle d’après Mme Geoffrin doit se joindre à un excellent jugement de Grimm (Correspondance, février 1757), lequel, tout sévère qu’il semble, porte en plein dans le vrai pour ce qui est du goût. […] Le portrait offert en passant par La Bruyère nous a mené loin, et nous avons à revenir pour dégager du milieu des fadeurs et des formes frivoles l’esprit sérieux et le philosophe.

123. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « La princesse Mathilde » pp. 389-400

La princesse Mathilde Le libraire-éditeur Glaeser publiait, sous le titre de Galerie Bonaparte, une suite de portraits photographiés d’après nature, ou d’après les meilleurs originaux, des principaux membres de la famille de Napoléon. Des écrivains connus s’étaient chargés de faire les biographies qui devaient accompagner chaque portrait. […] Elle passe tour à tour de la copie des maîtres à des études vivantes, soit à celles de modèles à caractère, soit aux portraits de ses amis. […] On a de la princesse Mathilde un grand portrait en pied et d’apparat, par Édouard Dubufe ; un beau profil au pastel, par Eugène Giraud ; un buste en marbre, par Carpeaux.

124. (1861) La Fontaine et ses fables « Première partie — Chapitre IV. L’écrivain (suite) »

Les drames de Victor Hugo et les romans de Balzac n’entreront pas plus dans les chaumières que les tragédies de Racine ou les portraits de La Bruyère. […] Rois et nobles, courtisans et bourgeois, il y a dans ses fables une galerie de portraits qui, comme ceux de Saint-Simon et mieux que ceux de La Bruyère, montrent en abrégé tout le siècle. […] Cela ne convient pas pour achever le portrait d’un poëte, surtout le portrait de celui-ci.

125. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — M. de Voltaire, et M. de Maupertuis. » pp. 73-93

Ils appellèrent de l’opinion qu’on vouloit en donner aux vers faits à sa louange, pour être mis au bas de son portrait, où il est représenté en lapon applattissant les pôles de la terre. […] On connoît les quatre vers qu’il envoya au roi de Prusse à cette occasion : Je les reçus avec tendresse, Et je les rends avec douleur, Comme un amant, dans sa fureur, Rend le portrait de sa maîtresse. […] On ne put s’empêcher de rire du portrait « d’un vieux capitaine de cavalerie travesti en philosophe, marchant en raison composée de l’air, distrait & de l’air précipité ; l’œil rond & petit, la perruque de même ; le nez écrasé ; la physionomie mauvaise, ayant le visage plein, & l’esprit plein de lui-même ». […] Il ne faut pas juger d’elle sur un certain portrait par madame du ***, qui la représente comme ayant peu de talens & beaucoup de prétentions.

126. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Louis Vian » pp. 373-387

Être un biographe à cette heure, — dans une époque d’analyse et d’individualité, — c’est être un historien à la taille même de cette époque qui doit aimer mieux les portraits que les tableaux, et dont la triste histoire ne permet même plus le tableau ! À toutes les époques, du reste, les portraits sont intéressants, et il en est dans lesquels on a déployé autant de génie que dans les tableaux les plus grandioses. Malheureusement, ce ne sont pas les portraits littéraires. […] Vian voudrait bien être un portrait dans la manière d’Holbein, c’est-à-dire une peinture intime, attentive, familière, profonde, éclairant l’homme surpris et posé dans les plus menus détails de sa vie, le peignant jusqu’à la gaule de vigneron qu’il portait sur l’épaule, quand il se promenait à la Brède, jusqu’au déshonorant bonnet de coton dont il coiffait sa maigre tête de buste antique !

127. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Madame de Sabran et le chevalier de Boufflers »

Regardez-la dans ce portrait de Madame Lebrun, gravé par Rajon, qui est à la tête du volume, et avant de l’avoir lu vous aurez déjà l’idée d’une femme qui ne ressemble aux femmes de son siècle ni par les passions, ni par les mœurs, ni par la beauté. […] Tout hussard qu’il fut, il avait parfois l’air d’un huron, dit la comtesse de Sabran elle-même, et le prince de Ligne, dans un portrait peut-être trop velouté, ajoute que souvent il « prenait l’air bête de La Fontaine et qu’il tournait ses pouces devant lui comme Arlequin ». […] Elle l’aima sans illusion, les yeux ouverts, ces yeux qui ne se ferment que dans son portrait ; le jugeant, se jugeant, lui disant douloureusement sa vérité, mais ne pouvant s’empêcher de l’aimer comme une folle tranquille, — une de ces folles qui, précisément parce qu’elles sont tranquilles, ne guérissent jamais ! […] … Le prince de Ligne, favorable aux légers et qui avait ses raisons pour cela, assure dans son portrait que Boufflers était au fond d’une grande bonté, — qu’il avait pitié jusque des méchants.

128. (1855) Louis David, son école et son temps. Souvenirs pp. -447

Sa popularité et sa puissance ayant été bientôt affermies par la victoire de Marengo, à son retour à Paris, il pensa, sérieusement cette fois, à faire faire son portrait par David. […] Personne ne s’informe si les portraits des grands hommes sont ressemblants. […] Le peintre combina cette idée avec le passage des Alpes par Bonaparte, et arrêta la composition du portrait équestre de ce célèbre personnage. […] Ce portrait équestre occupa exclusivement David assez longtemps, car il en fit faire sous ses yeux plusieurs copies, qu’il retoucha même souvent et avec grand soin. […] Mais il entra dans une véritable fureur lorsqu’il reçut une lettre de cette dame qui lui demandait son portrait et le prix qu’il croyait devoir y mettre.

129. (1859) Cours familier de littérature. VIII « XLIVe entretien. Examen critique de l’Histoire de l’Empire, par M. Thiers » pp. 81-176

Nous ne citerons de ces portraits que celui de M. de Talleyrand, parce qu’il est vrai sans être achevé. […] Thiers, malgré la sobriété de ses couleurs et la brièveté de ses contours, donne dans ses portraits, non le relief, mais la vérité des physionomies. Cependant son portrait de M. de Talleyrand, quoiqu’il l’ait étudié, dit-on, de près, nous paraît ici et ailleurs tracé avec trop peu de faveur, même de justice. […] Le portrait de Joséphine, quoique très négligé de style, donnera un exemple de la manière de M.  […] Il écrit le portrait de Pitt avec la rancune et le dénigrement du jacobinisme anglais, jacobinisme aristocratique, représenté alors par Sheridan et par Fox.

130. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE LONGUEVILLE » pp. 322-357

Mme de Sévigné seule, dans une lettre célèbre, a éclairé l’ensemble du portrait au plus pathétique moment. […] C’est l’unique gloire de notre portrait de rassembler tous ces traits : « Mme de Longueville a naturellement, dit-il, bien du fonds d’esprit, mais elle en a encore plus le fin et le tour. […] En me servant de la clef que fournit La Rochefoucauld, j’ai pu déjà, dans le portrait de ce dernier, simplifier et dire comment la direction de Mme de Longueville fut autre avant l’époque de la prison des princes, et après cette prison. […] Ce petit portrait pourrait bien être de Nicole ; on sait, en effet, qu’il trouvait à M. de Tréville plus d’esprit qu’à Pascal même : ici on lui accorde plus de trait qu’à Mme de Longueville. […] Cousin a publiées récemment au complet dans ses Fragments littéraires (1843) ; j’en ai fait constamment usage dans ce portrait, mais je n’avais pas jugé que la mémoire de Mme de Longueville dût gagner à une publication complète.

131. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre troisième. Histoire. — Chapitre VI. Voltaire historien. »

Il lui est arrivé en histoire ce qui lui arrive toujours en poésie : c’est qu’en déclamant contre la religion, ses plus belles pages sont des pages chrétiennes, témoin ce portrait de saint Louis : « Louis IX, dit-il, paraissait un prince destiné à réformer l’Europe, si elle avait pu l’être, à rendre la France triomphante et policée, et à être en tout le modèle des hommes. […] Prudent et ferme dans le conseil, intrépide dans les combats, sans être emporté, compatissant comme s’il n’avait jamais été que malheureux, il n’est pas donné à l’homme de pousser plus loin la vertu… Attaqué de la peste devant Tunis… il se fit étendre sur la cendre, et expira à l’âge de cinquante-cinq ans, avec la piété d’un religieux et le courage d’un grand homme. » Dans ce portrait, d’ailleurs si élégamment écrit, Voltaire, en parlant d’anachorète, a-t-il cherché à rabaisser son héros ?

132. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Divers écrits de M. H. Taine — II » pp. 268-284

Est-ce à dire, parce que Tite-Live est éloquent par nature et cherche des sujets riches et féconds, des sujets propices au développement des talents qu’il a en lui, qu’il soit orateur en tout et partout dans son histoire, orateur au pied de la lettre, et orateur en quelque sorte dépaysé quand il fait autre chose que des discours, tellement que lorsqu’il peint, par exemple, des caractères, Annibal, Fabius, Scipion, Caton, Paul-Émile, s’il les conçoit d’une façon un peu plus noble et un peu plus adoucie qu’un autre ne les eût présentés, tout ce qu’on peut louer ou blâmer dans cette manière de traiter les portraits soit l’effet de l’esprit oratoire, un effet rigoureux, nécessaire, découlant de là directement comme un corollaire d’un principe ? […] Thiers opère sur les portraits de ses personnages cette réduction et cet adoucissement, ce n’est point qu’il obéisse du tout à l’esprit oratoire ; il obéit en cela à une pensée de goût simple qui lui est propre, et à une idée d’harmonie dans l’ensemble. […] Et à cette distance, Plutarque même en main et avec quelques fragments des écrits de Caton, avons-nous bien mission et qualité pour venir contredire et redresser Tite-Live sur ses portraits ? […] Taine aura, dût-il le contredire toujours, à réparer envers Maine de Biran, à ajouter un chapitre au précédent, à refaire un autre portrait : pourquoi pas ? […] Parmi ces portraits philosophiques de M. 

133. (1887) Journal des Goncourt. Tome II (1862-1865) « Année 1865 » pp. 239-332

* * * — Deux portraits croqués dans le salon de la princesse. […] Le soir après dîner chez Marcille, qui nous fait défiler devant les yeux des cartons de portraits en manière noire de Lawrence, il nous faut de la politesse pour ne pas crier : « Merci ! […] Elle a repris un portrait commencé, un portrait aux trois crayons de la princesse Primoli, qui pose avec ses beaux et bons yeux, ses noirs cheveux luisants, ses dents blanches, toute la ronde bienveillance de son visage, qui a l’air chatouillé d’envie de dormir. […] Ici, c’est un autre intérieur, de petites pièces, des meubles de damas, des gravures consacrées : la Vierge à la Chaise, Napoléon Ier, des photographies parmi lesquelles un portrait de Delaunay en regard d’un portrait de femme. […] Il est lié avec Paul de Kock, lui envoie du cochon et du boudin, et a reçu en échange son portrait.

134. (1857) Réalisme, numéros 3-6 pp. 33-88

J’ai vu des gens aimer ou détester sincèrement certains hommes après avoir vu leur portrait. […] Le beau portrait du cousin Pons tient quatre pages, il aurait pu être fait en dix lignes. […] Toutes les fois que le personnage reparaîtra dans le roman, ce portrait reviendra à la mémoire. […] En portrait comme en tout il faut être sincère, il faut décrire ce qu’on voit et comme on voit ; mais il faut voir. […] Le roman commence par un long et excellent portrait de M. 

135. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Marivaux. — I. » pp. 342-363

Ainsi nous avons très rarement le portrait de l’esprit humain dans sa figure naturelle : on ne nous le peint que dans un état de contorsion ; il ne va point son pas, pour ainsi dire, il a toujours une marche d’emprunt… J’arrête la pensée au moment où lui-même il va en abuser, et tandis qu’il est juste encore et qu’il est clair. […] Le portrait de cette prieure chez Marivaux est curieusement soigné et peigné, comme il les sait faire : Cette prieure était une petite personne courte, ronde et blanche, à double menton, et qui avait le teint frais et reposé. Il n’y a point de ces mines-là dans le monde ; c’est un embonpoint tout différent de celui des autres, un embonpoint qui s’est formé plus à l’aise et plus méthodiquement, c’est-à-dire où il entre plus d’art, plus de façon, plus d’amour de soi-même que dans le nôtre… Ne croyez pas qu’il ait fini de ce portrait, il ne fait que le commencer. Marivaux a, sur les portraits, une théorie comme sur tout ; il est d’avis qu’on ne saurait jamais rendre en entier ce que sont les personnes : Du moins, cela ne me serait pas possible, nous dit-il par la bouche de Marianne ; je connais bien mieux les gens avec qui je vis que je ne les définirais ; il y a des choses en eux que je ne saisis point assez pour les dire, et que je n’aperçois que pour moi et non pas pour les autres… N’êtes-vous pas de même ? […] Quand il a une vue, il la dédouble, il la divise à l’infini, il s’y perd et nous lasse nous-mêmes en s’y épuisant : « Un portrait détaillé, selon lui, c’est un ouvrage sans fin. » On voit à quel point il procède à l’inverse des anciens, qui se tenaient dans la grande ligne, dans le portrait fait pour être vu à quelque distance, et combien il abonde dans le sens et l’excès moderne, dans l’usage du scalpel et du microscope.

136. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Mme de Caylus et de ce qu’on appelle Urbanité. » pp. 56-77

Les portraits qu’on a d’elle dans sa jeunesse répondent bien à l’idée qu’ont donnée de sa beauté Saint-Simon, l’abbé de Choisy et Mme de Coulanges. […] Ne lui demandez qu’une suite rapide de portraits et d’esquisses, elle y excelle. […] Ce qui distingue au premier aspect tous ces portraits de Mme de Caylus, c’est la finesse ; la vigueur et la fermeté qui y sont souvent au fond n’y paraissent que voilées. […] Elle attaqua le roi et ne lui déplut pas6… » Voilà comme on parle quand on sait tout dire ; et, tout à côté, quel portrait achevé en deux lignes ! […] Dans l’art du portrait, et sans avoir l’air d’y toucher, Mme de Caylus est un maître.

137. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Appendice. — Post-scriptum sur Alfred de Vigny. (Se rapporte à l’article précédent, pages 398-451.) »

Louis Ratisbonne, exécuteur testamentaire et légataire de M. de Vigny pour les choses littéraires et poétiques, m’a fait savoir que mon article sur son ami lui avait déplu ; il me l’a témoigné autant qu’il a pu en faisant imprimer dans la Revue moderne du 1er avril 1866 une note de M. de Vigny à mon égard, trouvée dans ses papiers, non destinée assurément à la publicité, et de laquelle il résulte que le poète n’était pas absolument satisfait du premier Portrait de lui que j’avais tracé dans la Revue des Deux Mondes en 1835 : « S. […] Si je ne considérais l’article de 1835 que comme un portrait provisoire, je ne prétends point que celui-ci soit définitif ; il ne l’est que pour moi qui ai dit là ma dernière pensée. […] Cette légère réserve faite, je ne sais rien de mieux raconté. » M. le comte de Circourt enfin, cet homme de haute conscience et de forte littérature, dans une lettre qu’il m’écrivait le 24 avril 1864, reconnaissait la vérité du Portrait et s’exprimait en ces termes par lesquels je terminerai et qui me couvrent suffisamment : « Les grands côtés du talent de M. de Vigny sont mis par vous en relief d’une manière tout à la fois large et fine ; et malgré la sévérité de quelques-unes de vos appréciations, je n’ai rien à souhaiter de mieux pour la mémoire de M. de Vigny, si ce n’est que la postérité s’en tienne sur lui à votre jugement, ce que j’espère ; j’apprends que ses vrais (et par conséquent rares) amis sont tout à fait de ce sentiment. » 79.

138. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Paul Bourget, Études et portraits. »

Paul Bourget, Études et portraits. […] Paul Bourget vient de publier deux volumes d’Etudes et portraits, avec ces sous-titres : Portraits d’écrivains, Notes d’esthétique, Etudes anglaises, Fantaisies.

139. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « PENSÉES ET FRAGMENTS. » pp. 495-496

Ces volumes de Critiques et Portraits renferment du moins tout ce que j’ai fourni d’un peu complet dans ma collaboration à la Revue de Paris d’abord, et ensuite à la Revue des Deux Mondes, ma patrie depuis déjà longtemps. […] Je reproduis ici ces anciens extraits qui avaient trouvé place dans édition de mes Critiques et Portraits, en 5 vol. in-8°, ainsi que l’avertissement qui les accompagnait à la fin du tome V.

140. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « L’abbé Fléchier » pp. 383-416

Fléchier a donné de lui-même, d’après la mode de son temps, un portrait accompli et dont on serait embarrassé de rien retrancher9. […] Il y a des portraits piquants, d’un demi-comique achevé, et qui, pour la finesse du trait, rappellent ceux d’Hamilton. […] Nau le croquemitaine, qui fait donner la question avec la même fureur qu’il danse lui-même la bourrée, ce sont moins là encore des portraits que des personnages d’une comédie de société et d’un proverbe : on les voit agir et vivre. […] [NdA] J’ai écrit, dans le temps, sur la première édition des Grands Jours, un article qu’on peut lire au tome iii de mes Portraits contemporains ; et dans un autre article sur les lettres de Rancé, publiées également par M.  […] (Voir dans les Derniers Portraits, pages 414.) — Pourquoi les ecclésiastiques vertueux et instruits manquent-ils donc si souvent de goût ?

141. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « M. DE LA ROCHEFOUCAULD » pp. 288-321

Sa vie et son portrait ne sauraient être ici brusqués en passant : elle mérite une place à part et elle l’aura. […] Dans sa chambre de l’hôtel Liancourt, à un dessus de porte, M. de La Rochefoucauld avait un portrait du jeune prince. Un jour, peu de temps après la fatale nouvelle, la belle duchesse de Brissac, qui venait en visite, entrant par la porte opposée à celle du portrait, recula tout d’un coup ; puis, après être demeurée un moment comme immobile, elle fit une petite révérence à la compagnie, et sortit sans dire une parole. La seule vue inopinée du portrait avait réveillé toutes ses douleurs, et, n’étant plus maîtresse d’elle-même, elle n’avait pu que se retirer151. […] La Rochefoucauld a laissé un portrait de lui par lui-même ; il y tourne ses défauts même à louange.

142. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE RÉMUSAT » pp. 458-491

Mme d’Houdetot passa à la campagne le temps même de la Terreur ; sa retraite fut respectée ; ses parents s’y pressaient autour d’elle, et il se pourrait bien (écrit Mme de Rémusat dans un charmant portrait de sa vieille amie) qu’elle n’eût gardé de ces jours affreux que le souvenir des obligations plus douces et des relations plus affectueuses qu’ils lui valurent. […] On prendrait une heureuse idée de sa personne à ce moment dans un très-fin portrait de Clary, tracé par une main, j’allais dire une griffe, bien connue, non en telle matière pourtant, et peu coutumière d’écrire243. […] La mode des portraits de société, qui n’avait jamais entièrement cessé, semblait revivre comme au beau temps de Mademoiselle. Après celui de Mme d’Houdetot par Mme de Rémusat, je pourrais citer d’elle encore le portrait de Mme de Vintimille et celui de M. […] M. de Talleyrand, un jour qu’il présidait le Sénat, se mit à s’ennuyer de la séance, et, prenant une feuille de papier officiel qui était devant lui, il traça de sa petite écriture le portrait de Clary.

143. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Appendice. »

Il en fit donc beaucoup à propos de Pascal, et ce genre d’examen l’ayant initié à des manuscrits du xviie  siècle, il en vint un jour à prendre flamme sur Mme de Longueville et sur toutes ces autres dames de la société polie de ce temps-là, dont il nous a rendu des portraits flattés, de brillantes et un peu solennelles histoires. […] Il y a joint depuis la plus belle collection littéraire d’éditions originales françaises qui se puissent voir, et des autographes aussi, et des portraits gravés, des épreuves de choix, tout ce qu’une curiosité éclairée peut rassembler de trésors utiles ; car en ce genre il accordait peu à la fantaisie, mais aussi il ne refusait rien à la passion : c’était sa seule et unique munificence. […] Ce dernier n’était peut-être pas la plume la plus désignée pour un portrait d’elle : elle le goûtait médiocrement, elle l’aimait peu, tant pour certains de ses procédés politiques que pour les formes personnelles de son moi ; et le grand ami de Mme de Boigne, M.  […] Guizot le portrait que cet âpre champion des doctrinaires avait tracé de lui dans sa brochure de 1821 : « M. 

144. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — H — Houssaye, Arsène (1815-1896) »

Il n’est ni le soldat de Lamartine, ni de Victor Hugo, ni d’Alfred de Musset… Aujourd’hui, il peindra au pastel Ninon ou Cidalise ; demain, d’une chaude couleur vénitienne, il fera le portrait de Violantes, la maîtresse du […] [Profils et portraits (1891).]

145. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre troisième »

Dans La Bruyère, le parti pris de faire des portraits fait pencher l’art vers la manière. […] » La langue de ces portraits est celle de La Bruyère passée à un digne héritier. […] Cependant Montesquieu, moraliste et peintre de portraits, a eu un modèle. […] Il voit, dans les portraits imités des anciens, plus souvent l’envie de briller que d’instruire. […] Sur ce point, il faut encore l’en croire ; il n’a pas voulu faire de portraits.

146. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Massillon. — II. (Fin.) » pp. 20-37

Et tout à côté il retraçait le portrait du véritable et pur incrédule par doctrine et par théorie, le portrait de Spinoza qu’il noircit étrangement, dont il fait un monstre, mais en qui il touche pourtant quelques traits fondamentaux : Cet impie, disait-il, vivait caché, retiré, tranquille ; il faisait son unique occupation de ses productions ténébreuses, et n’avait besoin pour se rassurer que de lui-même. […] Ce n’est point contre l’auguste mémoire de Louis XIV que s’élevait Massillon dans les portraits qu’il traçait d’un monarque père du peuple et bienfaisant : il ne faisait que proposer en quelque sorte une transformation, une transfiguration pacifique et plus humaine de Louis XIV, dans cet idéal adouci d’un grand roi. […] Voir la note ajoutée à la fin du portrait. […] [NdA] Et aussi cela rappelle le portrait de la calomnie selon Beaumarchais : « D’abord un bruit léger rasant le sol comme une hirondelle, etc. » (Barbier de Séville, acte II, scène 8.)

147. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « La reine Marie Legkzinska »

Nous ne pourrons faire mieux, car dans un portrait il n’est rien de tel que la vérité et l’unité de la physionomie, et Mme d’Armailléy a atteint du premier coup. […] Le portrait de Marie Leckzinska, par lequel probablement le chevalier commençait sa revue, y était très flatté. […] Je ne prétends pas dénigrer Louis XV, ni ajouter au mal qu’on a dit de lui ; j’ai lu bien des Portraits de ce roi : je n’en connais point de plus juste que celui qu’a tracé un homme qui l’aimait assez et qui le voyait tous les jours, Le Roy, lieutenant des chasses de Versailles ; on peut s’y fier : c’est un philosophe qui parle et qui, pendant de longues années de service, n’a cessé devoir de près son objet. Je donnerai de ce Portrait peu connu les principaux endroits ; et le physique d’abord, — ayez soin seulement de le rajeunir un peu en idée pour voir Louis XV dans ce premier éclat de beauté dont chacun a été ébloui : « La figure de Louis XV était véritablement belle ; il avait les cheveux noirs et bien plantés, le front majestueux et serein ; ses yeux étaient grands, son nez bien formé ; sa bouche était petite et agréable ; il n’avait pas les dents belles, mais elles n’étaient pas assez mal pour défigurer son sourire, qui était charmant, Un air de grandeur très remarquable était empreint sur sa physionomie, qui était encore rehaussée par la manière dont il s’était fait l’habitude de porter sa tète. […] J’avoue ma perplexité : nous sommes ici avec la reine devant des portraits assez différents ; c’est bien la même personne, mais elle est vue par les uns bien en beau, et par les autres assez en laid.

148. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Regnard. » pp. 1-19

il ne mérite pas de la posséder, et il a mérité au contraire de la perdre, non point tant encore pour avoir mis le portrait de sa maîtresse en gage que parce que, le pouvant et averti par son valet, il a refusé de le dégager et a répondu : Nous verrons ! […] Mais une femme me fait remarquer qu’à ce dénouement du Joueur, lorsque Angélique a trouvé son portrait aux mains de la revendeuse, il y a quelque chose dans son âme qui domine à bon droit l’amour, c’est l’amour-propre. […] est resté proverbial, et dans bien d’autres portraits qu’il introduit incidemment, Regnard a peint les anoblis, les enrichis, les fats de toutes sortes qui vont être bientôt le monde de la Régence. […] Regnard, qui ne devait pas assister à ce débordement et qui mourut avant Louis XIV, voyait au naturel et peignait avec saillie ces générations affectées et grossières, dont nous trouvons également le portrait en vingt endroits des lettres de Mme de Maintenon. […] [NdA] On lit dans le portrait de M. le Duc, tracé par Saint-Simon : « D’amis, il n’en eut point, mais des connaissances plus familières, la plupart étrangement choisies, et la plupart obscures comme il l’était lui-même autant que pouvait l’être un homme de ce rang.

149. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1853 » pp. 31-55

D…, descendant de l’avocat général de Bordeaux, et qui, lui, n’eut pas l’air de nous trouver extraordinairement criminels, et après D…, le juge L…, une sorte d’ahuri qui ressemblait à Leménil prenant un bain de pieds dans Le Chapeau de paille d’Italie, fourré dans l’affaire comme un comique en un imbroglio, et qui avait de lui, dans la pièce où il nous reçut, un portrait en costume de chasse, un des plus extravagants portraits que j’aie vus de ma vie. […] On nous faisait attendre assez longtemps dans une antichambre, où un garçon de bureau lisait un livre de M. de La Guéronnière devant un portrait de l’Empereur à demi emballé pour une sous-préfecture. […] * * * — Je ne sais pourquoi le directeur de la Porte-Saint-Martin avait exposé au foyer les portraits que Gavarni a publiés dans Le Paris, et parmi lesquels figuraient les nôtres. À ce qu’il paraît, m’apprend un ami, une jeune et jolie fille s’est toquée de mon portrait.

150. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « I — La banqueroute du préraphaélisme »

J’ai devant moi en écrivant ces lignes deux portraits de Carlyle, l’un d’après le tableau de Watts, l’autre qui est une photographie quelconque ; de leur comparaison naît pour moi un exemple-type. […] Ce portrait est pénétré d’une profonde mélancolie, d’un indicible abandon, d’une étrange résignation, depuis les yeux à l’éclat affaibli jusqu’aux mains admirablement dessinées, lasses et comme incapables d’action. […] Il n’en faut pas douter Watts a défiguré son modèle, et c’est pourquoi cette œuvre d’art, si admirable qu’elle puisse être, ne me satisfait pas, en tant que portrait. […] Le portrait de femme par Burne-Jones, exposé au salon du Champ-de-Mars en 1896, celui auquel nous faisions allusion au début de cette étude, et qui présente tous les défauts de l’artiste poussés à leur plus haute puissance, fut l’objet, de la part d’un critique parisien37, d’un jugement cruel mais juste, que je prends plaisir a mentionner ici, en l’opposant aux louanges enthousiastes qui ont accablé l’artiste au cours de sa carrière : Hélas ! […] Cette fois oseront-ils se presser devant ce portrait au sexe douteux, devant cette face faisandée, pourrie, exténuée de vice solitaire, devant ce cadavre avant la lettre dont la tristesse est marquée de l’hébétement particulier aux sectateurs trop fougueux d’Onan ?

151. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — B — Bourget, Paul (1852-1935) »

. — Études et portraits (1888) […] [Profils et portraits (1891).]

152. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — V — Vigny, Alfred de (1797-1863) »

[Portraits littéraires (1832).] […] [Portraits contemporains (1835).] […] [Études et portraits (1894).]

153. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Balzac, et le père Goulu, général des feuillans. » pp. 184-196

De-là tant de plaisanteries au sujet de son portrait qu’on exposa dans une des galeries du Louvre*. […] On en a chargé des chariots pour envoyer au siège de la Rochelle… Son portrait se montre par rareté au louvre. » Presque tous les ordres religieux épousèrent les intérêts du grand Phyllarque. […] Un rieur, entendant dire que le portrait étoit si ressemblant, qu’il ne lui manquoit que la parole, répondit : Ce n’est point un défaut du peintre, c’est une des propriétés de son original.

154. (1898) Manuel de l’histoire de la littérature française « Livre III. L’Âge moderne (1801-1875) » pp. 388-524

Sainte-Beuve, Portraits contemporains, t.  […] Sainte-Beuve, Portraits contemporains, t.  […] Sainte-Beuve, Portraits contemporains, t.  […] Sainte-Beuve, Portraits contemporains, t.  […] II. — Portraits littéraires, t. 

155. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « M. FAURIEL. — POST-SCRIPTUM. » pp. 269-272

Nous ferons certainement d’autres portraits contemporains, nous en avons déjà fait, en bon nombre, qui n’ont pu entrer dans les présents volumes, et, au moment même où nous achevons cette espèce de série, nous mettons sous presse un volume destiné à la compléter et à la poursuivre. […] Ces graves études d’historiens, ces portraits aux teintes plus sombres qui ont insensiblement succédé aux premières et poétiques couleurs, en attachant sévèrement notre attention, ne suffisent pas toujours à satisfaire en nous ce qui s’y remue encore du passé.

156. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. VILLEMAIN. » pp. 358-396

Je répéterai ici ce que j’ai déjà dit ailleurs : ces Portraits n’étaient point précisément des biographies ; je tâchais d’être exact autant que possible sur les points biographiques et bibliographiques que je rencontrais sur ma route ; mais il faut se souvenir qu’on n’avait point alors sous la main tous les instruments qu’on a eus depuis, le Quérard achevé, le Vapereau, etc. […] Villemain pour lui demander, au moment où je m’occupais de son Portrait, son acte de naissance : cet homme d’esprit, qui était une coquette, m’aurait jugé là-dessus et m’eût répondu par une plaisanterie. Ces Portraits, dans lesquels je cherchais surtout la ressemblance et la fidélité par la mesure des dons naturels et du mérite, par le juste rapport des tons et des couleurs, étaient souvent une surprise pour le modèle lui-même qui avait posé sans s’en douter. […] On les retrouvera dans l’un des volumes suivants de ce recueil de Portraits contemporains. […] C’est ce qu’on a pu lire au tome Ier des Portraits littéraires dans l’article sur Bayle.

157. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1861 » pp. 361-395

Je m’éveille ce matin dans une chambre pleine de portraits d’aïeux et d’aïeules qui me regardent tous, dans le costume de leur profession ou dans l’habillement de leur classe, avec des accessoires aussi naïfs d’indication que les phylactères du moyen âge : le médecin avec un Boerhave à la main, le prêtre avec un paroissien, l’homme de banque avec une lettre de change. […] On sent dans ces portraits, l’ordre de la société passée, avec l’orgueil chez chacun, de sa profession, de sa position. […] Une bonne chose au fond que cette habitude ancienne de la transmission des portraits de famille : c’était un enchaînement de la race. […] Et dans cette pièce remplie de portraits de famille, le germe d’une mauvaise action était mal à l’aise. […] Comme nous lui parlions de son portrait du roi Louis-Philippe, il nous dit qu’il sait que le général Dumas envoya, au mois d’août 1848, une lettre du Roi à M. de Montalivet, où Louis-Philippe écrivait à l’Assemblée pour garder ses biens, comme le plus ancien général datant de la Révolution.

158. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Souvenirs de soixante années, par M. Étienne-Jean Delécluze, (suite et fin) »

Il y aurait à faire de lui, sous ce dernier nom, un double portrait à la La Bruyère, ou plutôt un seul et même portrait avec variante : Étienne ou l’homme content de lui, — Étienne ou l’homme qui a eu toujours raison. […] Je ne ferai plus que lui emprunter un portrait exact, peu flatté, mais assez amusant, du philosophe Ballanche, d’ordinaire si pacifique, mais irascible par accès et subitement colérique au moment où l’on s’y attendait le moins. […] » Puis s’arrêtant tout à coup : « Il y aurait là cinquante mille fenêtres que je m’en précipiterais d’un coup, en témoignage de ce que j’avance. » En laissant échapper ces dernières paroles, il appuyait la main tantôt sur l’épaule de M. de Laval, tantôt sur celle de Lord Kinnaird et du duc de Rohan, qui, ainsi que les autres assistants, ne pouvaient se tenir de rire, hilarité à laquelle le bon Ballanche se laissa bientôt aller lui-même. » Voilà un portrait d’ami pris sur nature et qui sort tout : vivant d’un croquis, ou d’un procès-verbal tracé évidemment le soir même. […] Delécluze ouÉtienne, qui a passé sa vie à se croire classique et à défendre plus ou moins l’orthodoxie en littérature ou en art, serait, à cette heure-ci, rejeté de tous les classiques, s’il y en avait encore, et au nom même de ce qu’il a professé : je ne lui vois d’asile et de refuge à espérer que in partibus infidelium, parmi ceux qu’il a tant conspués, et qui l’accueillent volontiers, qui lui font place, en faveur d’un joli roman naturel, de quelques dessins vrais et frappants, de quelques descriptions fidèles et qui ont le cachet de leur date : Mademoiselle de Liron, son chef-d’œuvre, l’Atelier de David, et quelques pages et portraits des Souvenirs.

159. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Campagnes d’Égypte et de Syrie, mémoires dictés par Napoléon. (2 vol. in-8º avec Atlas. — 1847.) » pp. 179-198

Napoléon donne, au début, le portrait des généraux les plus distingués qu’il emmenait avec lui : Desaix, Kléber, Caffarelli du Falga. Le portrait de Kléber, de ce Nestor de l’armée (tant cette armée était jeune !) […] J’ai dit que je n’osais citer ce portrait de Kléber ; mais, maintenant que j’ai pris mes précautions, pourquoi ne le citerais-je pas ? […] Thiers, dans le premier article qui ait été fait sur Napoléon écrivain (Le National du 24 juin 1830), a bien cité le portrait de Masséna, qui est dans le même style ! […] Voici le portrait vrai, en quelques traits décisifs : Kléber était le plus bel homme de l’armée.

160. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Œuvres de Frédéric le Grand. (Berlin, 1846-1850.) » pp. 144-164

Le texte, typographiquement, est admirable ; les titres sont d’un grand goût ; les portraits sont beaux : je ne trouve à blâmer que les espèces de vignettes qui terminent les pages à la fin des chapitres, et qui font ressembler par moments ce volume royal à un livre d’illustrations : ces enjolivements, dont le sujet est souvent énigmatique, ne conviennent pas à la gravité monumentale de l’édition. […] Dans le portrait de son aïeul, le premier Frédéric, fils du Grand Électeur, et si peu semblable à son père, il dira pour marquer le faste de ce roi de la veille, qui n’avait pas moins de cent chambellans : « Ses ambassades étaient aussi magnifiques que celles des Portugais. » Son jugement des hommes est profond et décisif. […] Voulant caractériser le génie trop vaste, trop remuant, du cardinal Alberoni, et son imagination trop fougueuse : « Qu’on eût donné deux mondes comme le nôtre, dit-il, à bouleverser au cardinal Alberoni, il en aurait encore demandé un troisième. » Les portraits des personnages qu’il a connus et maniés sont emportés de main de maître, et comme par un homme qui était habile ou même enclin à saisir les vices ou les ridicules. […] C’était l’âme d’un usurier qui passait tantôt dans le corps d’un militaire, tantôt dans celui d’un négociateur. » Et remarquez que tout cela n’est pas à l’état de portrait comme dans les histoires plus ou moins littéraires, où l’historien se pose devant son modèle : c’est dit en courant, comme par un homme du métier qui pense tout haut et qui cause. […] [NdA] Ce trait rappelle le portrait que Xénophon, en sa Retraite des Dix Mille, a tracé de Ménon, qui en était venu, dans la voie du mensonge, jusqu’à regarder les gens vrais comme des gens mal élevés et sans éducation.

161. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Le cardinal de Richelieu. Ses Lettres, instructions et papiers d’État. Publiés dans la Collection des documents historiques, par M. Avenel. — Premier volume, 1853. — II. (Fin.) » pp. 246-265

Dans un portrait de Du Plessis-Mornay, voulant déplorer l’usage que ce célèbre protestant fit de ses talents contre l’Église, il dira qu’il eût été à souhaiter pour lui qu’il fût mort-né (Mornay) d’effet comme de nom, et que du ventre de sa mère il eût été porté à la sépulture. Dans un admirable portrait de Wallenstein, ce glorieux généralissime de l’Empire assassiné par ordre de son maître, Richelieu, qui se reporte à sa propre situation de ministre calomnié et sans cesse menacé de ruine, trouve de magnifiques paroles pour caractériser l’infidélité et l’ingratitude des hommes ; et, après avoir raconté la vie de ce grand guerrier, après nous l’avoir montré avec vérité dans sa personne et dans son habitude ordinaire, il ajoute en une langue que Bossuet ne surpassera point : Tel le blâma après sa mort, qui l’eût loué s’il eût vécu : on accuse facilement ceux qui ne sont pas en état de se défendre. […] Rien n’est piquant comme le portrait qu’il trace des principaux chefs dans la bagarre et la déroute dite du Pont-de-Cé (7 août 1620) : ce fut une panique. […] Tout le portrait de Luynes est d’une extrême beauté ; il le faudrait lire en entier, et je ne puis qu’en noter quelques traits saillants qui réfléchissent sur le caractère de Richelieu lui-même. […] À la fin de ce portrait de Luynes, l’écrivain a, je ne sais comment, une fraîcheur et une légèreté d’expression qui ne lui est point ordinaire, et qui montre que cette âme n’était point destinée si absolument à la sécheresse et à l’austérité : Sa mort fut heureuse, dit-il, en ce qu’elle le prit au milieu de sa prospérité, contre laquelle se formaient de grands orages qui n’eussent pas été sans péril pour lui à l’avenir ; mais elle lui sembla d’autant plus rude, qu’outre qu’elle est amère, comme dit le Sage, à ceux qui sont dans la bonne fortune, il prenait plaisir à savourer les douceurs de la vie, et jouissait avec volupté de ses contentements.

162. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Mélanges de critique religieuse, par M. Edmond Scherer » pp. 53-66

J’en viens à la partie du volume que je suis plus à même d’apprécier, et qui me paraît pouvoir s’adresser à tous ; elle se compose de sept morceaux capitaux ou portraits : « Joseph de Maistre », « Lamennais », « Le père Gratry », « M.  […] Il va sans dire qu’en parlant avec éloge de ces portraits, de la science comparée qu’y déploie l’auteur, du talent d’analyse et de discussion qu’il y porte, de la netteté, du nerf, de l’incisive, je ne prends point à ma charge la responsabilité de ses conclusions sur les individus. […] Ces trente pages sont à la fois une réfutation solide et un portrait. — Et cependant (car je suis l’homme des doutes et des repentirs), tout en reconnaissant, surtout quand je considère certains disciples, que cette conception théocratique, telle que l’a présentée de Maistre, est en effet comme une armure du Moyen Âge qu’on va prendre à volonté, dans un vestiaire ou dans un musée et qu’on revêt extérieurement sans que cela modifie en rien le fond, je me demande, quand je considère d’autres disciples, s’il n’y avait pas un côté mystique en lui, plus intérieur, et répondant aux sources secrètes de l’intelligence et de l’âme. […] Les Affaires de Rome renferment des descriptions charmantes et de piquants portraits ; la préface des troisièmes Mélanges est un modèle de lucide discussion ; l’Esquisse d’une philosophie contient sur l’art un chapitre d’une merveilleuse et mystique poésie.

163. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « L’abbé Prevost et les bénédictins. »

En revanche, celui-ci nous apprend encore que Prevost s’est donné le plaisir, dans ses Mémoires d’un Homme de qualité, de faire des portraits de ses anciens confrères de Saint-Maur, et de les loger dans la bibliothèque du monastère de Saint-Laurent à l’Escurial. […] Les autres portraits qui suivent, plus fins, plus nuancés et assaisonnés de malice, sont évidemment d’après nature. […] Cet article complète à quelques égards celui que nous avons déjà donné sur l’abbé Prevost, et qui se trouve au tome I des Portraits littéraires. — On est encore revenu sur lui au tome IX des Causeries du Lundi. […] On y trouve ce petit portrait de l’homme au physique : « Ce moine défroqué est toujours habillé comme un officier de cavalerie.

164. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Les Confidences, par M. de Lamartine. (1 vol. in-8º.) » pp. 20-34

Des yeux d’un bleu noir comme ceux de ma mère ; des traits accentués, mais adoucis par une expression un peu pensive, comme était la sienne ; un éblouissant rayon de joie intérieure éclairant tout ce visage ; des cheveux très souples et très fins, d’un brun doré comme l’écorce mûre de la châtaigne, tombant en ondes plutôt qu’en boucles sur mon cou bruni par le hâle (je supprime, j’en demande pardon à l’auteur, quelques détails sur la finesse de la peau)… En tout, le portrait de ma mère avec l’accent viril dans l’expression : voilà l’enfant que j’étais alors. […] Louer à tout moment sa mère comme une femme de génie, comme un modèle de sensibilité expressive et de beauté, prenez garde, c’est déjà un peu se louer soi-même, surtout quand toutes ces louanges vont à conclure qu’on est en personne tout son portrait vivant. […] « On comprend, dit M. de Lamartine, rien qu’à voir ce portrait, toute la passion qu’une telle femme dut inspirer à mon père, et toute la piété que plus tard elle devait inspirer à ses enfants. » Oui, l’on comprend la passion, mais non la piété. […] L’auteur s’y souvient, mais à peu près ; les portraits de ses amis, il les force et les exagère.

165. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Chefs-d’œuvre de la littérature française (Collection Didot). Hamilton. » pp. 92-107

Je crois saisir dans ce portrait-là comme un reflet d’Hamilton en personne ; mais c’est surtout quand il nous peint sa sœur, la belle Mlle d’Hamilton qui épousa Grammont, c’est dans cette page heureuse entre tant d’autres qu’il lui échappe des traits que je lui renvoie à lui-même, et que j’applique non pas à sa muse (ce sont des noms solennels qui ne lui vont pas), mais à sa grâce d’écrivain : Elle avait, dit-il, le front ouvert, blanc et uni, les cheveux bien plantés, et dociles pour cet arrangement naturel qui coûte tant à trouver. […] Ajouterai-je que, jusque dans le portrait de sa sœur, cette plume malicieuse ne s’épargne pas une insinuation sur des beautés cachées, qui prouve qu’au besoin son indiscrétion ne respecte rien ? […] Quand son héros passe à la cour d’Angleterre, la manière de l’historien change un peu ; on entre dans une série de portraits et dans une complication d’aventures où l’on a quelque peine d’abord à se démêler. […] J’ai sous les yeux la magnifique édition exécutée à Londres en 1792, avec les nombreux portraits gravés ; je vois défiler ces beautés diverses, l’escadron des filles d’honneur de la duchesse d’York et de la reine ; je relis le texte en regard, et je trouve que c’est encore l’écrivain avec sa plume qui est le plus peintre : Cette dame, dit-il d’une Mme de Wetenhall, était ce qu’on appelle proprement une beauté tout anglaise ; pétrie de lis et de roses, de neige et de lait quant aux couleurs ; faite de cire à l’égard des bras et des mains, de la gorge et des pieds ; mais tout cela sans âme et sans air.

166. (1874) Premiers lundis. Tome I « Diderot : Mémoires, correspondance et ouvrages inédits — I »

Il y a des portraits à la manière de Greuze, des paysages civilisés et galants dans le ton de Watteau, d’autres paysages frais, verdoyants, touffus et sincères qu’on croirait du Poussin. […] Dans son article sur la Relation inédite de la dernière maladie de Louis XV (Portraits littéraires, tome III), M. Sainte-Beuve a dit en note (page 515) : « Ce que j’ai lu de plus favorable à Louis XV est dans un petit écrit intitulé : Portraits historiques de Louis XV et de madame de Pompadour faisant partie des œuvres posthumes de Charles Georges Leroy, pour servir à l’histoire du siècle de Louis XV (Paris, 1802).

167. (1874) Premiers lundis. Tome II « Loève-Veimars. Le Népenthès, contes, nouvelles et critiques »

Loève-Veimars l’a rempli avec simplicité et sentiment ; lui aussi il sait peindre ; il nous a peint tour à tour Aloysius Block et l’abbé Joie, portraits à la flamande, et récemment Casimir Périer moribond, en traits historiques qui ont fortement frappé. Ce dernier portrait qui fera partie d’une galerie de nos hommes d’État n’est point contenu dans le Népenthés. […] Saint-Beuve a déjà détaché un fragment de cet article, ainsi que des deux qui suivent immédiatement sur les Mémoires de Casanova de Seingalt et Le Livre des Pèlerins polonais par le poëte Mickiewicz, dans la dernière édition des Portraits Contemporains (tome II, page 505, 509, 512).

168. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Deuxième partie. Invention — Chapitre VI. Du raisonnement. — Nécessité de remonter aux questions générales. — Raisonnement par analogie. — Exemple. — Argument personnel »

Quand Jules Favre, plaidant pour un critique sévère par lequel un peintre de portraits se prétendait diffamé, disait : « Voici un écrivain assis sur le banc des criminels pour avoir trouvé que le bras de Medina-Cœli n’était pas assez accusé, et que sa robe était trop belle », l’accusation ainsi énoncée était plus qu’à demi réfutée, et il enlevait à l’adversaire l’usage de tous ces lieux communs sur le respect dû aux personnes et sur les empiétements de la critique, qui pouvaient faire impression sur le tribunal. […] S’il est en retard, il dit : « Il n’y a pas cinq minutes. » Il essaye d’échapper, par le fait particulier, à la thèse générale : « Tout retard est punissable. » Cinq minutes ne font pas un retard, comme blâmer le bras du portrait de Medina-Cœli n’est pas diffamer Madrazo. […] Une autre fois, voulant réfuter l’objection que les astres ne changent pas, parce que de mémoire d’homme on ne les a vus changer, Fontenelle proposait l’analogie que voici : Si les roses qui ne durent qu’un jour faisaient des histoires et se laissaient des mémoires les unes aux autres, les premières auraient fait le portrait de leur jardinier d’une certaine façon, et de plus de quinze mille âges de roses, les autres qui l’auraient encore laissé à celles qui les devaient suivre, n’y auraient rien changé.

169. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre III. Les tempéraments et les idées — Chapitre I. Un retardataire : Saint-Simon »

De là vient que ses portraits sont si vivants, si vrais, quoique souvent si injustes. […] Il y a dans ces Mémoires une abondance, une variété de silhouettes, de croquis, de charges, de portraits en pied, de vastes tableaux, qui font vivre devant nous, comme réels et tangibles, les contemporains du grand roi, ses courtisans, sa famille et lui-même. […] De là vient qu’il nous donne plusieurs portraits de Fénelon, de la duchesse de Bourgogne, de Mme de Maintenon : et combien d’études du grand Roi !

170. (1874) Premiers lundis. Tome II « Le poète Fontaney »

Auguste Préault sur cette sympathique figure de poète, et que n’eût point rejeté l’auteur des Portraits contemporains et des Premiers Lundis. c’est qu’il y a eu un très beau portrait, genre Titien, de Fontaney par le peintre Louis Boulanger.

171. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — B — Barbier, Auguste (1805-1882) »

[Portraits littéraires (1853).] […] [Portraits contemporains, tome II (1869).]

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