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63. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre II. La première génération des grands classiques — Chapitre III. Pascal »

Non : c’était montrer la valeur de la question : car il est certain que la vie chrétienne est le but, et le dogme de la grâce un moyen. […] Tout est subordonné à la démonstration que l’écrivain veut faire : il n’applique son rare génie qu’à choisir les meilleurs moyens de l’opérer. […] La foi est un moyen supérieur de connaissance : elle s’exerce au-delà des limites où la raison s’arrête (distinction de la raison et du sentiment ou du cœur). […] Ces discours montrent qu’il peut y avoir un moyen de savoir et des raisons d’agir comme si on savait. […] Ces deux idées sont les moyens par où toutes les objections qu’on peut faire à Pascal sont réduites en arguments à l’appui de sa thèse.

64. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Le maréchal de Villars — II » pp. 57-80

C’est quelquefois le moyen de faire faire aux hommes plus qu’ils ne peuvent. […] Avec Villars, il y aura fertilité et luxe plutôt que disette de moyens, de plans, de vues ; on n’a qu’à choisir ; il a l’initiative, il a l’invention. […] Ce qui n’est que difficile ne lui paraît jamais impossible ; ce qu’on dit impossible le tente : l’extrême activité est un de ses moyens. […] Il trouve moyen d’abord de passer le Rhin à Huningue (1er et 2 octobre 1702), en s’aidant d’une île qui coupe le cours du fleuve et qui laisse le plus petit bras du côté de la rive opposée. […] Tel est au vrai Villars nous donnant son secret, et dictant spirituellement les paroles et les moyens les plus propres pour exalter et enlever Villars.

65. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre cinquième. Le peuple. — Chapitre I »

Pour les remettre en valeur, il faut en céder la propriété ; nul autre moyen de rattacher l’homme à la terre  Et le gouvernement aide à l’opération : ne percevant plus rien sur le sol abandonné, il consent à retirer provisoirement sa main trop pesante. […] La vente des biens nationaux ne paraît pas avoir augmenté sensiblement le nombre des petites propriétés ni diminué sensiblement le nombre des grandes ; ce que la Révolution a développé, c’est la propriété moyenne. En 1848, on compte 183 000 grandes propriétés (23 000 familles payant 500 francs de contributions et au-dessus et possédant 260 hectares en moyenne, 160 000 familles payant de 250 à 500 francs de contributions et possédant 85 hectares en moyenne). […] — En outre, 700 000 propriétés moyennes (payant de 50 à 250 francs d’impôt) et comprenant 15 millions d’hectares. — Enfin 3 900 000 petites, comprenant 15 millions d’hectares (900 000 payant de 25 à 50 francs d’impôt, moyenne 5 hectares et demi, 3 millions payant moins de 25 francs, moyenne 3 hectares 1 neuvième) […] — D’après les relevés partiels de M. de Tocqueville, le nombre des propriétaires fonciers s’est accru en moyenne de 5 douzièmes ; or la population s’est accrue en même temps de 5 treizièmes (de 26 à 36 millions).

66. (1913) Le bovarysme « Première partie : Pathologie du bovarysme — Chapitre I. Le Bovarysme chez les personnages de Flaubert »

Mais on s’attachera aussi à montrer son universalité, et ce caractère général du phénomène contraindra l’esprit à reconnaître son utilité, sa nécessité, à préciser son rôle comme cause et moyen essentiel de révolution dans l’Humanité. […] Or elle entreprend sur le réel avec des moyens qui ne sont valables qu’à l’égard de la fiction. […] Il semble qu’il ait voulu nous faire toucher la disproportion formidable qui s’accuse entre les interrogations posées par l’inquiétude de notre esprit et nos moyens d’y répondre. […] Par ces moyens, par l’artifice de ses conventions et de ses définitions, tandis, qu’il se donne l’illusion de quelques certitudes partielles, il entretient l’espoir de posséder des certitudes plus vastes. […] L’intelligence est dupe ici de ses procédés : elle prend pour une route tracée vers un but fixe auquel elle aboutirait, ce sens de la causalité qui n’est que le moyen de ses constructions.

67. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section première. Des passions. — Chapitre II. De l’ambition. »

Pour aimer et posséder la gloire, il faut des qualités tellement éminentes, que si leur plus grande action est au dehors de nous, cependant elles peuvent encore servir d’aliment à la pensée dans le silence de la retraite ; mais la passion de l’ambition, les moyens qu’il faut pour réussir dans ses désirs, sont nuls pour tout autre usage : c’est de l’impulsion plutôt que de la véritable force ; c’est une sorte d’ardeur qui ne peut se nourrir de ses propres ressources ; c’est le sentiment le plus ennemi du passé, de la réflexion, de tout ce qui retombe sur soi-même. […] Il reste encore des moyens d’acquérir du pouvoir, mais l’opinion qui distribue la gloire, l’opinion n’existe plus ; le peuple commande au lieu de juger ; jouant un rôle actif dans tous les événements, il prend parti pour ou contre tel ou tel homme. […] Ce qui est grand et juste d’une manière absolue, n’est donc plus reconnu ; tout est estimé dans son rapport avec les passions du moment : les étrangers n’ont aucun moyen de connaître l’estime qu’ils doivent à une conduite que tous les témoins ont blâmée ; aucune voix même, peut-être, ne la rapportera fidèlement à la postérité. […] Une révolution suspend toute autre puissance que celle de la force ; l’ordre social établit l’ascendant de l’estime, de la vertu : les révolutions mettent tous les hommes aux prises avec leurs moyens physiques ; la sorte d’influence morale qu’elles admettent, c’est le fanatisme de certaines idées qui n’étant susceptible d’aucune modification, ni d’aucune borne, sont des armes de guerre, et non des calculs de l’esprit. […] On croit influer dans les révolutions, on croit agir, être cause, et l’on n’est jamais qu’une pierre de plus lancée par le mouvement de la grande roue ; un autre aurait pris votre place, un moyen différent eut amené le même résultat ; le nom de chef signifie le premier précipité par la troupe qui marche derrière, et pousse en avant.

68. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre cinquième. Le réalisme. — Le trivialisme et les moyens d’y échapper. »

. — Le trivialisme et les moyens d’y échapper. […] Moyens d’échapper au trivial —. […] C’est là, en somme, un moyen de la rendre vraisemblable. Seulement, ne confondons pas un moyen avec un but, et ne donnons pas pour but à l’art un idéal quantitatif. […] Cet amour de la réalité ne s’est introduit dans la littérature française que par une voie détournée, par le moyen de l’amour de la nature.

69. (1889) La critique scientifique. Revue philosophique pp. 83-89

« L’esthopsychologie, nous dit-il (p. 21), n’a pas pour but de fixer le mérite des œuvres d’art et des moyens généraux par lesquels elles sont produites ; c’est la tâche de l’esthétique pure et de la critique littéraire. […] H., un moyen d’investigation psychologique, et le plus puissant, à ce qu’il semble. […] L’analyse esthétique, par laquelle il convient de commencer, portera sur les moyens employés et les émotions produites. « Quelles sont les émotions que l’ensemble des œuvres de tel auteur suscite, et par quels moyens les provoque-t-il ? […] C’est un excellent moyen de l’analyse psychologique, celle qui étudie l’œuvre, je le répète avec lui, « en tant que signe de l’homme qui l’a produite ».

70. (1906) Les idées égalitaires. Étude sociologique « Introduction »

En, un mot la solution que je donne aux problèmes techniques de l’égalitarisme dépend de la conception que je me suis faite tant des fins les plus dignes de la société, que des moyens les plus aptes à les réaliser. Mais de quoi dépend à son tour notre conception et de ces fins et de ces moyens ? […] Mais, une fois la fin posée, reste à savoir quels moyens sont propres à la réaliser. […] La fin une fois posée a priori, il serait possible de découvrir a posteriori les moyens les mieux adaptés à cette fin. […] C’est pourquoi, faisant abstraction de toute considération pratique, et refusant de nous poser la question, soit des principes par lesquels les idées égalitaires peuvent se justifier, soit des moyens par lesquels elles peuvent se réaliser, nous écartons méthodiquement, en même temps que les problèmes moraux, les problèmes techniques de l’égalitarisme ; nous n’en voulons retenir que les problèmes proprement scientifiques.

71. (1912) Le vers libre pp. 5-41

Ainsi les romantiques, pour augmenter les moyens d’expression de l’alexandrin ou plus généralement des vers à jeu de syllabes pairs, inventèrent le rejet qui consiste en un trompe-l’œil transmutant deux vers de douze pieds en un vers de quatorze ou quinze et un de neuf ou dix. […] Le vers obtient ainsi une valeur résumante, analogue à celle du dernier vers de la terza rima, mais plus réel, plus obtenu au moyen du vers même, sans ressource empruntée à la typographie, ou au point d’orgue de la terminaison de poème. […] » disent Vildrac et Duhamel) tient à cette exagération de l’emploi de moyens constamment employés ; à cette utilisation hors de propos d’une ressource utile dans un cas particulier, et à cette utilisation répétée tient cet aspect de littérature à bras tendu et à bras fatigué qu’offre trop souvent le poème en vers réguliers et surtout à strophes fixes. […] C’est ce qu’on nous a parfois reproché en nous disant que nous manquions de carrure, que nous n’appuyions pas assez, mais quand on nous accordait la carrure (que nous savions obtenir aussi) on nous jetait à la tête la monotonie de nos moyens, et si c’était trop étrange, on se rattrapait en nous rejetant à la tête les rythmes boiteux. […] Tous les peuvent entendre ; les lettrés y doivent trouver les moyens de donner la forme stricte de leur idée, les sentimentaux la forme de leur rêverie.

72. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre XIII : De la méthode »

La vie est la fin, les opérations sont les moyens. […] On décompose ce suc par des moyens chimiques ; on y démêle un ferment, la pepsine, et un acide. […] Vous voyez que l’analyse consiste dans la multiplication des faits, et que la multiplication des faits a pour moyens indispensables le pouvoir et l’art de remplacer les instruments observateurs ou de modifier les objets observés. C’est pourquoi toute multiplication des faits engendre un fragment de science, et tout moyen nouveau de remplacer l’instrument observateur ou de modifier l’objet observé multiplie les faits. […] La même analyse crée les sciences morales, et par le même moyen.

73. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Chapitre V : Règles relatives à l’explication des faits sociaux »

En effet, si la société n’est qu’un système de moyens institués par les hommes en vue de certaines fins, ces fins ne peuvent être qu’individuelles ; car, avant la société, il ne pouvait exister que des individus. […] L’inhibition est bien, si l’on veut, le moyen par lequel la contrainte sociale produit ses effets psychiques ; elle n’est pas cette contrainte. […] Nous avons vu que, même quand la société se réduit à une foule inorganisée, les sentiments collectifs qui s’y forment peuvent, non seulement ne pas ressembler, mais être opposés à la moyenne des sentiments individuels. […] En un mot, étant admis qu’elles sont les moyens nécessaires pour atteindre le but poursuivi, la question reste tout entière : Comment, c’est-à-dire de quoi et par quoi ces moyens ont-ils été constitués ? […] Or, ce qui fait la généralité et la persistance de cette méthode, c’est qu’on a vu le plus souvent dans le milieu social un moyen par lequel le progrès se réalise, non la cause qui le détermine.

74. (1788) Les entretiens du Jardin des Thuileries de Paris pp. 2-212

En s’occupant du bien de l’état, on pourra trouver des moyens qui seront d’une grande utilité. […] Sable sur sable, seroit le moyen de les entretenir. […] Tant que la constitution de nos corps sera telle qu’elle est, il n’y aura pas d’autres moyens. […] Par ce moyen on éviteroit mille questions indiscretes, & je ne sais combien de méprises. […] C’est le moyen de ne pas se compromettre, & de se faire auprès des sots une réputation éclatante.

75. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Jean-Bon Saint-André, sa vie et ses écrits. par M. Michel Nicolas. (suite et fin.) »

On y recommence sans cesse des procès vidés ; on y refait des objections réfutées déjà et qu’on exhume ; si l’on y répond, ce n’est qu’imparfaitement et sans user de tous les moyens de démonstration qu’on pourrait avoir : on n’a presque jamais toutes les pièces sous la main à la fois. […] Il indique surtout la langue comme le grand et perpétuel obstacle ; répandre et propager dans ces contrées la langue du Gouvernement est, à ses yeux, le premier et l’essentiel moyen d’assimilation. […] Mais encore une fois le grand instrument nous manque, la langue ; et le vrai moyen de perfectionner l’administration municipale, c’est de travailler à la rendre populaire. […] Michel Nicolas ajoute que le Gouvernement trouva moyen de le punir de ce trop de zèle en le réduisant de commissaire général de quatre départements à n’être que préfet d’un seul. […] Mes moyens sont insuffisants ou même nuls.

76. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Volney. Étude sur sa vie et sur ses œuvres, par M. Eugène Berger. 1852. — I. » pp. 389-410

Les rapprochements ou les contrastes naîtront d’eux-mêmes, et c’est ainsi qu’en maintenant à chaque objet son caractère, il y a moyen à la littérature de tout fertiliser. […] Des circonstances heureuses avaient habitué ma jeunesse à l’étude ; j’avais pris le goût, la passion même de l’instruction ; mon fonds me parut un moyen nouveau de satisfaire ce goût, et d’ouvrir une plus grande carrière à mon éducation. J’avais lu et entendu répéter que de tous les moyens d’orner l’esprit et de former le jugement, le plus efficace était de voyager : j’arrêtai le plan d’un voyage ; le théâtre me restait à choisir : je le voulais nouveau, ou du moins brillant. […] Passé à l’état domestique, il est devenu le moyen d’habitation de la terre la plus ingrate. […] Dans notre jeunesse, sous la Restauration, lorsqu’on voulait, par tous les moyens, combattre l’invasion politique d’un parti religieux, on exhuma ces livres déjà oubliés, on en multiplia les éditions, on leur refit une vogue qui ne fut qu’artificielle et d’un moment.

77. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LXXVI » pp. 301-305

Casimir a été proprement le poëte de la classe moyenne, il lui allait en tout ; elle ne laissa jamais rien échapper de ses mérites, car rien chez lui ne la dépasse, tandis que Béranger, le poëte du peuple ou des malins, et Lamartine, le poëte des âmes d’élite, échappent aux classes moyennes à chaque coup d’aile. Eh bien, cette qualité moyenne de Casimir Delavigne est marquée adroitement dans tout le discours de M.

78. (1892) Essais sur la littérature contemporaine

Le pessimisme en général, et la philosophie de Schopenhauer en particulier, nous en offrent les moyens. […] Et voyons les moyens qu’on propose pour y satisfaire ? […] Pareillement, les moyens de l’art ne sauraient être ainsi séparés de sa destination. […] Ayant affaire avec des hommes, ils les prenaient par des moyens humains. […] Notez encore que ce genre de règles contient en soi le moyen même de s’en passer, S’il y a lieu.

79. (1895) Histoire de la littérature française « Avant-propos »

Ni l’objet, ni les moyens de la connaissance littéraire ne sont, dans la rigueur du mot, scientifiques. […] Je suis porté à croire que si l’on donnait des éditions, je ne dis pas scolaires, mais simplement communes et populaires des chefs-d’œuvre de la vieille langue, si quelques spécialistes mettaient leurs soins à établir pour ces éditions une orthographe moyenne et partiellement conventionnelle, qui fixât les mots dans une forme unique d’un bout à l’autre de chaque œuvre et pour certains groupes assez larges d’écrivains, et qui facilitât la lecture des textes originaux, on ferait aisément entrer le meilleur de notre moyen âge dans le domaine commun de la littérature. […] Elle donne en effet au lecteur le moyen d’aller au-delà des jugements et des idées qu’on lui offre, de connaître plus amplement, ou plus particulièrement, les choses sur lesquelles on a tâché d’exciter sa curiosité. […] Dans l’observation de l’ordre chronologique, j’ai cherché le moyen d’éviter ces chapitres-tiroirs où l’on déverse tout le résidu d’un siècle, ces défilés de noms, d’œuvres et de talents incompatibles auxquels on est ordinairement condamné, lorsqu’on a étudié les genres fixes et définis. […] Je ne veux point dire par là, comme quelques lecteurs l’ont cru, qu’il faut revenir à la méthode de Sainte-Beuve et constituer une galerie de portraits ; mais que, tous les moyens de déterminer l’œuvre étant épuisés, une fois qu’on a rendu à la race, au milieu, au moment, ce qui leur appartient, une fois qu’on a considéré la continuité de l’évolution du genre, il reste souvent quelque chose que nulle de ces explications n’atteint, que nulle de ces causes ne détermine : et c’est précisément dans ce résidu indéterminé, inexpliqué, qu’est l’originalité supérieure de l’œuvre ; c’est ce résidu qui est l’apport personnel de Corneille et de Hugo, et qui constitue leur individualité littéraire.

80. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre XII. Du principal défaut qu’on reproche, en France, à la littérature du Nord » pp. 270-275

La surprise est certainement un grand moyen d’ajouter à l’effet ; mais il serait ridicule d’en conclure que l’on doive faire précéder une scène tragique d’une scène comique, pour augmenter l’étonnement par le contraste. […] On pourrait pousser beaucoup plus loin ces développements ; mais il suffit de prouver que le goût, en littérature, n’exige jamais le sacrifice d’aucune jouissance : il indique, au contraire, les moyens de les augmenter ; et loin que les principes du goût soient incompatibles avec le génie, c’est en étudiant le génie qu’on a découvert ces principes. […] Les règles de l’art sont un calcul de probabilités sur les moyens de réussir ; et si le succès est obtenu, il importe peu de s’y être soumis.

81. (1913) Le bovarysme « Quatrième partie : Le Réel — V »

Que l’on juge de ce point de vue les diverses attitudes adoptées par les hommes et où ils témoignent de leur foi en une vérité objective, celles des anciens Grecs qui crurent à la nécessité de recevoir des aliments dans le tombeau pour vivre heureux après la mort, celle de l’ascète à qui la vérité commande de supprimer la volupté, celle du skoptzy à qui la vérité commande d’en supprimer les moyens. […] Tel est donc ce Bovarysme fondamental selon lequel la réalité, dont l’essence est le devenir, la diversité et le changement, a pour origine et pour moyen la croyance en une vérité objective qui aspire à absorber dans l’immobile, l’unique et l’immuable, la variété des apparences. […] Si les vérités ne sont rien en elles-mêmes, si elles ne renferment aucune réalité, en sorte qu’il n’y a pas de vérité objective, elles se montrent donc les ressorts, appareils en même temps de mouvement et d’inhibition, au moyen desquels la réalité se forme et se meut et sans lesquels il n’y aurait pas de réalité. […] Ces faits de convergence et de répétition sont les facteurs indispensables de toute invention de réel : c’est par eux, au moyen du phénomène de ralentissement et de condensation qu’ils déterminent, que le réel apparaît stationnaire en marge de la fuite continue du mouvement, qu’il se détache, opaque et consistant, sur le tissu impalpable du changement.

82. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre quatrième. La propagation de la doctrine. — Chapitre III »

La classe moyenne. — Ancien esprit du Tiers. — Les affaires publiques ne regardaient que le roi. — Limites de l’opposition janséniste et parlementaire. […] Négociants, fabricants et boutiquiers, avocats, procureurs et médecins, comédiens, professeurs ou curés, fonctionnaires, employés et commis, toute la classe moyenne était à sa besogne. […] Tout cela est le fruit d’un travail ingénieux encore plus que de la richesse… Le moyen ordre s’est enrichi par l’industrie… Les gains du commerce ont augmenté. Il s’est trouvé moins d’opulence qu’autrefois chez les grands et plus dans le moyen ordre, et cela a mis moins de distance entre les hommes. […] Le Tableau de Paris, par Mercier (12 vol.), est la peinture la plus exacte et la plus abondante des idées et des aspirations de la classe moyenne de 1781 à 1788.

83. (1896) Les époques du théâtre français (1636-1850) (2e éd.)

De trois manières, ou par trois moyens, qu’il nous faut essayer maintenant de préciser. […] Mais c’est tout simplement que l’on n’était pas maître encore des moyens de son art. […] Pour une partie, de l’expérience acquise par Corneille dans le maniement des moyens de son art. […] Racine les y a donc aperçues, avec le moyen de les en tirer, pour les mettre en valeur ! […] Ainsi, la fin qu’ils poursuivent leur donne à eux-mêmes le change sur la nature des moyens qu’ils emploient, et ils ne les nomment point par leur nom, ces moyens, parce qu’ils ne les connaissent qu’à peine sous leur véritable aspect.

84. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « XII »

Ernest Charles prétend que mon premier livre « donne en peu de préceptes le moyen d’avoir du génie ou d’y suppléer avantageusement ». […] Ernest Charles est plus clairvoyant, quand il dit à propos de notre dernier volume, le Travail du style. « Ce livre ne nous enseigne pas le style ni le moyen de nous en procurer par le travail, mais il déroule les efforts héroïques des écrivains passés. » C’est cela même : Exposer les exemples de travail des grands écrivains et tirer des leçons de leurs refontes et de leurs ratures ; tel est le but. […] Je ne pense pas l’avoir jamais affirmé ; ce que je crois, c’est que c’est encore le seul moyen pratique de l’enseigner.

85. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « XIII »

Nous disons : voilà l’instrument ; à chacun de s’en servir suivant ses moyens. […] Ni vous ni moi nous ne pouvons savoir ce que vous trouverez, ce qui en résultera, et je n’ai jamais prétendu, corrigées ou non, que vos pensées vaudront celles des grands écrivains ; je suis seulement convaincu qu’il n’y a pas d’autre moyen de perfectionner ses dons naturels et de mettre en œuvre son propre talent. […] Généralement, pour la trouver, il faut la chercher laborieusement et, bien qu’elle soit un mérite positif du rang le plus élevé, c’est moins l’esprit d’invention que l’esprit de négation qui nous fournit les moyens de l’atteindre. »‌ Tous les grands écrivains ont à peu près dit la même chose, et, l’hésitation n’est pas permise, c’est Edgard Poë (sic) qui a raison : l’originalité du fond et surtout l’originalité de la forme peut être instantanée ; mais, en général, il est très vrai qu’il faut la chercher laborieusement, nous l’avons prouvé sans réplique dans notre dernier livre par les corrections manuscrites des grands auteurs.

86. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre VII : Instinct »

Mais il arrive souvent que les ouvrières les plus grandes et les plus petites sont les plus nombreuses, et que les ouvrières de taille moyenne sont au contraire très rares. […] Flava a de grandes et de petites ouvrières, et quelques-unes seulement de taille moyenne. […] Je suis pleinement disposé à croire, bien que je ne puisse l’assurer positivement, que les neutres de taille moyenne ont aussi les yeux dans un état intermédiaire. […] C’est, je pense, au moyen d’une sélection constante que la nature peut avoir effectué cette admirable répartition des fonctions dans les communautés de Fourmis. […] Au contraire, les peuples plus avancés entretiennent le nombre de leurs générations au complet avec un très-petit nombre de naissances, et une vie moyenne très longue.

87. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Nouvelle correspondance inédite de M. de Tocqueville (suite et fin.) »

Les gouvernements n’ont jamais plus à veiller que du moment où, l’impression d’une précédente révolution s’affaiblissant, la moyenne de la nation n’en redoute plus le retour. […] A ce signal, une grande partie de la classe moyenne donnait l’exemple de la faiblesse ; elle demandait à grands cris qu’on pliât, qu’on évitât la guerre à tout prix : le sauve qui p. ut était général, parce que l’exemple était parti de la tête. […] Le système d’administration pratiqué depuis dix-sept ans a tellement perverti la classe moyenne, en faisant un constant appel aux cupidités individuelles de ses membres, que cette classe devient peu à peu, pour le reste de la nation, une petite aristocratie corrompue et vulgaire, par laquelle il paraît honteux de se laisser conduire. […] Mais<\ comment empêcher le Gouvernement de corrompre, lorsque le régime électif lui donne naturellement tant de besoin de le faire, et la centralisation tant de moyens ? […] Pour le peuple en particulier, pour le très-grand nombre, n’y a-t-il pas des moments où il est salutaire et légitime que l’on soit guidé et dirigé, et où c’est même le seul moyen que le progrès démocratique fasse un pas de plus, un pas décisif en avant ?

88. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Études sur Saint-Just, par M. Édouard Fleury. (2 vol. — Didier, 1851.) » pp. 334-358

Mais quel moyen employer dans les circonstances violentes où l’on s’est placé ? […] En ce qui est de la morale commune et appréciable à tous, ce sont des sentences roides, bizarres, stoïques, telles que celles-ci : Le bien même est souvent un moyen d’intrigue. […] En attendant, il ne recule devant aucun moyen pour tenter d’établir ces mœurs à la fois sensibles et inexorables. […] Pour parvenir à ses fins, il est sans remords ni scrupule sur les moyens. […] C’est avec des moyens aussi infâmes qu’ils obtinrent enfin quelques victimes dont le sang ne pouvait assouvir la soif de ces cannibales.

89. (1913) Le bovarysme « Première partie : Pathologie du bovarysme — Chapitre VI. Le Bovarysme essentiel de l’humanité »

Ainsi la connaissance se donne à l’homme comme un moyen propre à satisfaire son intérêt. […] Constater qu’un semblable effort se consume à la poursuite d’un bonheur imaginaire n’est point pour diminuer l’importance du phénomène comme moyen d’excitation mentale : or, c’est en quoi il est ici intéressant. […] Si la plus grande part de l’humanité a satisfait jusqu’ici le besoin d’immortalité qui la possède par le moyen des religions dont les plus grossières furent, semble-t-il, les plus efficaces, le même besoin a induit une élite à une contention beaucoup plus forte de l’esprit, d’où la philosophie est sortie, avec toutes les sciences qu’elle a attachées à son service. […] Le jour où la médecine, stimulée par la sentimentalité publique, aura trouvé le moyen de guérir la tuberculose ou d’enrayer sa marche, elle aura augmenté pour l’avenir, dans des proportions incalculables, le nombre de ses tributaires et fomenté peut-être des maladies nouvelles, énigmes nouvelles et nouveaux aiguillons pour la curiosité des savants. D’ailleurs, cette conséquence qui consiste à faire vivre des êtres destinés à mourir, n’est peut-être pas le seul moyen, par lequel la médecine pourvoit à sa nécessité.

90. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Roederer. — I. » pp. 325-345

Dès sa sortie du collège, Roederer eut un caractère marqué ; il se forma, d’après l’ensemble de ses lectures et de ses réflexions, une idée (sans doute trop embellie) de la vie sociale et des moyens de la réaliser ; il comprit vite, dans son premier contact avec les gens réputés mûrs et sensés, que cette manière de voir était peu agréée ; il se contint et resta enthousiaste au-dedans. […] Dans la dernière partie de sa carrière, l’Assemblée constituante essaya de revenir, par le moyen de la révision, sur ce qu’avaient eu de trop absolu ses premiers décrets ; Roederer résista : Je soutins, dit-il, que pour que la Constitution répondît au titre qu’on lui avait donné de Constitution représentative, et pour que ce titre ne fût pas une imposture, il fallait que les fonctions administratives dans les départements, les districts, les municipalités, fussent déclarées constitutionnellement, c’est-à-dire irrévocablement électives. — Je me détrompai en 1793 de mon opinion, par l’expérience que j’acquis comme procureur général syndic du département de Paris. […] Nommé de ce comité avec le duc de La Rochefoucauld, Dupont de Nemours, Adrien Duport, Talleyrand, Defermon, il se distingua entre tous par ses connaissances positives, l’étendue de ses vues, la fertilité ingénieuse de ses moyens et procédés. […] L’amitlé, au défaut de la justice, aurait dû retenir M. de Mirabeau lorsqu’il s’est senti entraîné à employer un moyen que nous avons souvent blâmé d’un commun accord, d’un moyen dont M. de Mirabeau lui-même a manqué d’être la victime, celui d’attirer les orages sur la tête des personnes qui ont une opinion particulière. […] Pour tout lecteur impartial, il est aujourd’hui évident que Roederer, au 20 Juin et au 10 Août, se conduisit en magistrat probe, exact, peu royaliste sans doute d’affection, mais honnête, strict et consciencieux ; que, dénué de pouvoir et chargé de responsabilité, il usa des faibles moyens légaux qu’il avait entre ses mains, et que, les trouvant souverainement inefficaces, il prit le seul parti qui pouvait éviter dans cette dernière journée un malheur immédiat : il conduisit, en les assistant et les protégeant de sa personne, le roi et sa famille, du château déjà envahi, au sein de l’Assemblée désormais responsable.

91. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Mémoires de Malouet (suite.) »

« Il avait, remarque-t-il finement de ce premier ancêtre des doctrinaires, un orgueil timide, qui se reposait sur ses moyens, sur sa célébrité, et qui lui faisait craindre sans cesse de se compromettre avec l’opinion publique, qu’il ne savait plus gouverner lorsqu’il s’en voyait contrarié. » A la veille des élections, Malouet avait déjà son plan arrêté qu’il communiqua à M.  […] Si ce plan est raisonnable, dans le système monarchique, je m’engage à le soutenir et à employer tous les moyens, toute mon influence, pour empêcher l’invasion de la démocratie qui s’avance sur nous. » « Ces paroles m’allaient au cœur, continua Malouet. […] Je lui dis que je ne doutais pas de la bonne foi et des bonnes intentions du roi et des ministres ; que tout ce qu’il y avait de raisonnable et de possible en améliorations, on principes et moyens d’un gouvernement libre, était dans leurs vues. — « Eh bien ! […] Mais, s’il marche de mécompte en mécompte, Malouet ne se déconcerte pas trop ; il se rattache jusqu’à la fin aux branches de salut qui restent, et en même temps il dévie le moins qu’il peut de sa ligne moyenne jusque dans sa fidélité obstinée à la monarchie. […] M’en contestez-vous les moyens ?

92. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Monsieur de Bonald, (Article Bonald, dans Les Prophètes du passé, par M. Barbey d’Aurevilly, 1851.) » pp. 427-449

Pour prouver la religion des premières familles et le sacerdoce des premiers patriarches, qu’avait-il besoin de passer par des espèces d’équations et de proportions où il fait entrer ses termes favoris, cause, moyen, effet, qui répondent ici à père, mère, enfant, et tout ce qui s’ensuit ? […] Car il lui paraîtrait absurde et sacrilège de penser que Dieu a laissé un seul moyen de connaissance et de vérité aux hommes, et que ce moyen est à jamais détourné ou intercepté. […] Ce mélange de moyens étroits, de croyances bornées et de hautes vues, est perpétuel chez lui. […] Opposé en tout à la tendance de la société moderne, à tout ce qui centralise et mobilise, il comprenait dans un même anathème les grandes capitales, le télégraphe, le crédit et tous ses moyens ; il aurait voulu en revenir à la monnaie de fer de Sparte. […] Servez-vous, pour le répandre, de tous les moyens qui sont en votre pouvoir, même par une dénonciation formelle à la Convention.

93. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Vicq d’Azyr. — I. » pp. 279-295

par combien de moyens le jeune homme que de grands talents y appellent, frappe à la fois l’attention de son auditoire ! […] En publiant en 1776 son Exposé des moyens curatifs et préservatifs à employer dans les épizooties, Vicq d’Azyr avertissait les observateurs dont on sollicitait le zèle, de vouloir bien communiquer leurs travaux à la Société et correspondance royale de médecine, qui venait d’être établie par le roi : « Cette société, était-il dit, présidée par M. de Lassone, s’assemble tous les mardis de chaque semaine, et on lui fait parvenir des mémoires en les adressant à M.  […] Comment peut-on encore ignorer quelque part que les recherches les plus profondes, la lecture la plus assidue, ne sont que des moyens d’instruction dont l’application seule fait le mérite, et que se tourmenter pour devenir érudit, sans avoir d’autre talent et sans se proposer d’autres vues, c’est passer sa vie à aiguiser une arme dont on ne doit jamais se servir ? […] Bientôt ce moyen se présenta à sa pensée, ou plutôt à son cœur : il se dépouilla de ses vêtements, il en couvrit Gessner, et, le regardant avec complaisance, il jouit de ce spectacle sans se permettre aucun mouvement, dans la crainte d’en interrompre la durée. […] C’est par des exemples qu’il y a ainsi moyen de rendre sensible à tous l’ensemble de mérites et de défauts qui fait le cachet du style académique de Vicq d’Azyr et qui tient à la date en même temps qu’à l’homme.

94. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Notes sur l’Ancien-Régime »

Droits utiles et honorifiques de la terre de Blet : 1° Droit de haute, basse et moyenne justice sur toute la terre de Blet et autres villages, les Brosses, Jalay. […] Ce profit, année moyenne, est de 8 livres. […] 8° Droit de bourgeoisie (voy. article 4) d’après la charte de 1255, et le terrier de 1484. — Les plus riches doivent payer par an chacun 12 boisseaux d’avoine de 40 livres et 12 deniers parisis ; les moyens, 9 boisseaux et 9 deniers ; tous les autres, 6 boisseaux et 6 deniers. « Ces droits de bourgeoisie sont bien établis, énoncés dans tous les terriers et aveux rendus au roi et perpétués par une infinité de reconnaissances : on ne peut pénétrer les motifs qui ont engagé les anciens régisseurs ou fermiers de cette terre à en interrompre la perception. […] On estime que les ventes se font une fois tous les 80 ans ; ces droits portent sur 1 356 arpents qui valent, les meilleurs 192 livres l’arpent, les moyens 110 livres, les mauvais 75 livres. […] Néanmoins on peut estimer que la taille prélève en moyenne, surtout quand elle s’attaque au paysan petit propriétaire, dépourvu de protection et de crédit, un sixième du revenu net, soit 16 fr. 66 c. sur 100 fr  Par exemple, d’après les déclarations des assemblées provinciales, en Champagne elle prélève 3 sous et 2/3 de denier par livre, ou 15 fr. 28 c. sur 100 ; dans l’Ile-de-France, 35 livres 14 sous sur 240 livres ou 14 fr. 87 sur 100 ; en Auvergne, 4 sous par livre du revenu net, c’est-à-dire 20 pour 100.

95. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. James Mill — Chapitre I : Sensations et idées. »

Le procédé mental doit, sans doute, être le même dans toutes ; mais les moyens sont nouveaux et sans précédents. […] James Mill l’explique uniquement par le moyen du mot et de l’association des idées ; voici comment : « Le moi homme est d’abord appliqué à un individu ; il est d’abord associé à l’idée de cet individu et acquiert la faculté d’en éveiller l’idée. […] La psychologie de l’association est en général plus préoccupée des moyens par lesquels l’esprit ajoute ses idées et les forme en couples ou en amas, que des procédés de décomposition qu’il leur applique. […] « L’anticipation du futur par le moyen du passé, bien loin d’être un phénomène sui generis, est renfermée dans une des lois les plus générales de l’esprit humain. » Quand donc Dugald Stewart et d’autres l’érigent en objet d’admiration, en prodige, en chose qui ne rentre sous aucune loi générale et qu’ils nous disent qu’ils ne peuvent la rapporter qu’à un instinct ; ce qui équivaut à dire, à rien du tout — le terme instinct dans tous les cas ne signifiant que notre ignorance — ils ne montrent que leur impuissance à ramener les phénomènes de l’esprit à la grande loi compréhensive de l’association. […] Findlater, d’après Garnett, donne l’exemple d’une déclinaison et d’une conjugaison en Wotiak, au moyen d’affixes pronominaux :   pi-i — fils de moi pi-ed — fils de toi pi-cs — fils de lui pi-mi — fils de nous pi-dy — fils de vous pi-zy — fils d’eux   bera-i — parole de moi (je parle).

96. (1925) Méthodes de l’histoire littéraire « II  L’esprit scientifique et la méthode de l’histoire littéraire »

Et ainsi ce qui est pour l’homme de science un moyen de voir, n’est plus aux mains du littérateur qu’une manière de voir. […] Mais alors, si notre objet nous impose l’emploi de l’impression subjective, et si le premier commandement de la méthode scientifique est la soumission de l’esprit à l’objet, pour organiser les moyens de connaître d’après la nature de la chose à connaître, ne sera-t-il pas plus scientifique de reconnaître et de régler le rôle de l’impressionnisme dans l’étude des œuvres littéraires que de le nier, et, comme on ne supprime pas une réalité en la niant, de laisser cet élément personnel rentrer sournoisement et agir sans règle dans nos travaux ? […] Tous ces moyens d’étude si lents, si délicats, et qui accablent la paresse ingénieuse pressée de conclure, sont des procédés de contrôle, de réduction et d’interprétation dont l’utilité est de jalonner si bien notre route qu’il nous devienne impossible, malgré toutes les tentatives du dedans, de nous en écarter. […] L’acceptation de l’arbitrage souverain des règles de méthodes ôte l’aigreur aux disputes et fournit le moyen de les terminer. […] La critique, dogmatique, fantaisiste ou passionnée, divise ; l’histoire littéraire réunit, comme la science dont l’esprit s’inspire ; elle devient ainsi un moyen de rapprochement entre des compatriotes que tout le reste sépare et oppose, et c’est pourquoi j’oserais dire que nous ne travaillons pas seulement pour l’érudition, ni pour l’humanité ; nous travaillons pour nos patries.

97. (1913) Les antinomies entre l’individu et la société « Chapitre IV. L’antinomie dans l’activité volontaire » pp. 89-108

Ce qui serait intéressant dans cet ordre d’idées, c’est moins de chercher comme le statisticien le chiffre moyen des suicides par exemple pour tel milieu ou telle condition sociale que de connaître les raisons individuelles des suicides ; car deux hommes de même âge, de même milieu et de même condition sociale peuvent se suicider pour des motifs absolument différents. […] Il est pour eux un moyen de vaincre dans la lutte pour la vie leurs adversaires moins maîtres de leurs nerfs. […] La discipline de l’opinion, des mœurs, des idées, de la sociabilité est plus douce, plus généralement applicable et plus efficacement appliquée pour détruire l’originalité que les moyens violents, que leur violence même rend d’un emploi difficile et exceptionnel. […] Il n’y a guère d’autre moyen de se faire obéir des hommes que de leur obéir soi-même. […] « Beethoven, disait Goethe à Zelter, est malheureusement une personnalité tout à fait indomptée ; il n’a sans doute pas tort de trouver le monde détestable ; mais ce n’est pas le moyen de le rendre agréable pour lui et pour les autres. » 38.

98. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre cinquième. Retour des mêmes révolutions lorsque les sociétés détruites se relèvent de leurs ruines — Chapitre IV. Conclusion. — D’une république éternelle fondée dans la nature par la providence divine, et qui est la meilleure possible dans chacune de ses formes diverses » pp. 376-387

Lorsque les citoyens, ne se contentant plus de trouver dans les richesses des moyens de distinction, voulurent en faire des instruments de puissance, alors, comme les vents furieux agitent la mer, ils troublèrent les républiques par la guerre civile, les jetèrent dans un désordre universel, et d’un état de liberté les firent tomber dans la pire des tyrannies ; je veux dire, dans l’anarchie. […] Ces fins bornées sont pour elle des moyens d’atteindre les fins plus nobles, qui assurent le salut de la race humaine sur cette terre. […] Elle fut pour les peuples un moyen de parvenir aux gouvernements populaires. […] Si la religion se perd parmi les peuples, il ne leur reste plus de moyen de vivre en société ; ils perdent à la fois le lien, le fondement, le rempart de l’état social, la forme même de peuple sans laquelle ils ne peuvent exister.

99. (1856) Leçons de physiologie expérimentale appliquée à la médecine. Tome I

On peut employer différents moyens pour arriver à ce résultat. […] La moyenne serait encore 1/2 à 2 grammes pour 100, chez les mammifères et chez les oiseaux. […] Le phénomène peut être produit d’une façon tout à fait mécanique au moyen d’une expérience très simple. […] Chez les animaux à jeun, je suis parvenu tout au plus par ce moyen à faire passer du sucre dans le sang au-delà du poumon. […] Nous avons coupé à l’un d’eux, il y a à peu près vingt heures, les deux nerfs pneumo-gastriques dans la région moyenne du cou.

100. (1911) La morale de l’ironie « Chapitre II. Le rôle de la morale » pp. 28-80

Il n’existe aucun moyen d’assurer la liberté de quelqu’un sinon de réprimer la liberté des autres. […] Et l’âme sociale emploie simultanément et successivement, avec souplesse, les moyens les plus variés et les plus complexes pour séduire et pour dompter un éternel antagoniste. […] Ici les divers moyens analysés plus haut de faire cesser le désaccord entre les natures et les désirs, restent inefficaces. […] Cependant la conscience morale nous a été représentée aussi comme un moyen de résister à l’oppression, comme un point d’appui contre la société, contre l’état, contre toute force extérieure. […] Le devoir est d’autant plus impératif qu’il n’a aucun moyen de se faire obéir, si ce n’est de nous faire accepter son commandement.

101. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Girac, et Costar. » pp. 208-216

Girac, écrivain de la moyenne classe, versé dans les langues, dans l’histoire & dans la connoissance de l’antiquité, eut le jugement assez droit pour sentir qu’on prenoit le change, qu’on s’égaroit sur le goût. […] Récompenser des écrivains qui se prennent de querelle, c’est le moyen de les rendre encore plus nombreuses, & de mettre en combustion toute la république des lettres. […] « Ce n’est pas à un prêtre, à un archidiacre à qui j’ai affaire, mais bien à un bouffon, à un misérable pédant, sorti de la lie du peuple, & qui, d’enfoncé qu’il étoit jusqu’aux oreilles dans la boue & dans les ordures du collège, a obtenu, par je ne sçais quels moyens, des bénéfices qui l’ont tiré de la misère où sa naissance l’avoit jetté. » Cette réplique infâme étoit sous presse.

102. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 septembre 1886. »

Et le le meilleur moyen de les approcher de la perfection souhaitée, n’est-ce pas justement d’en connaître les défauts ; de même, le meilleur moyen d’en faire comprendre la magnificence extraordinaire, n’est-ce pas de dire toute la vérité ? […] Sur les 295, 000 marks de frais, l’orchestre est pour environ 60, 000 marks ; chaque membre de l’orchestre a été payé en moyenne 500 marks, répétitions et représentations. […] Un opéra de Gluck, au contraire, et sans rien exprimer d’autre, sinon des émotions, — nous indique, au moyen des paroles, la situation de l’âme émue, et ce qui l’émeut. […] Recréer exactement des émotions réelles au moyen d’une langue musicale instituée, ce fut l’objet de Lulli. […] Tous les moyens de la plus savante musique employés à recréer, suivant leurs nuances profondes, ces cinq émotions.

103. (1707) Discours sur la poésie pp. 13-60

Ces matiéres ne sont donc point essentielles à la poësie, qui n’est par elle-même qu’un moyen de les rendre agréables. […] Le moyen sans nouveauté de produire ces grands effets ? […] On le doit passer quelquefois par la même raison aux poëtes de théatre, qui peuvent encore par ce moyen prolonger des mouvemens et des passions agréables. […] Les epithétes dans les poëtes médiocres contribuent beaucoup à cette lâcheté de style ; comme elles sont aux bons auteurs un moyen de force et de précision. […] Ils avoient tous trois un génie fort différent ; et je vais tâcher d’en faire connoître la diversité, en rendant raison des moyens que j’ai pris pour imiter leurs ouvrages.

104. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Chapitre II : Règles relatives à l’observation des faits sociaux »

Dès lors, elles semblent avoir tout ce qu’il faut pour nous mettre en état non seulement de comprendre ce qui est, mais de prescrire ce qui doit être et les moyens de l’exécuter. Car ce qui est bon, c’est ce qui est conforme à la nature des choses ; ce qui y est contraire est mauvais, et les moyens pour atteindre l’un et fuir l’autre dérivent de cette même nature. […] Tous les procédés particuliers, toutes les méthodes nouvelles dont on a enrichi cette science ne sont que des moyens divers pour réaliser plus complètement cette idée fondamentale. […] Mais il n’importe ; car il ne s’agit pas simplement de découvrir un moyen qui nous permette de retrouver assez sûrement les faits auxquels s’appliquent les mots de la langue courante et les idées qu’ils traduisent. […] Dans ces conditions, en effet, la science, après les avoir signalés, n’aurait aucun moyen d’aller plus loin ; elle ne pourrait descendre plus bas dans la réalité, puisqu’il n’y aurait aucun rapport entre la surface et le fond.

105. (1874) Premiers lundis. Tome I « J. Fiévée : Causes et conséquences des événements du mois de Juillet 1830 »

Comment aurait-il pu croire que le moyen de sauver la royauté était de renfoncer dans la Charte, de l’enchaîner à toutes ses conséquences, et surtout de la séparer de toutes les questions administratives, lorsque la plupart des politiques du moment où nous sommes sont encore persuadés que celui qui gouverne est nécessairement le chef de l’administration ? […] « Sortis des malheurs attachés à la caducité des rois par des événements que nous n’avons pas provoqués, on nous a offert les malheurs d’une minorité que l’instinct du peuple ne comprendrait pas ; et c’est sérieusement que des hommes d’honneur, de bon sens, qui se sont montrés capables de combinaisons politiques, trouvent des paroles qu’ils appellent des principes, et des phrases qui ressemblent à du sentiment, pour nous dire que ce terme moyen entre le passé et l’avenir pouvait suffire à toutes les exigences ! […] « En effet, avec notre résistance légale, notre refus de payer l’impôt, dernier refuge des libertés, nous n’en restions pas moins isolés, et la lenteur du moyen ne produisant sur le travail qu’une diminution progressive, il était à craindre que ce qui vit d’un travail journalier tombât dans le découragement, et qu’un ministère d’un peu de capacité ne tournât contre nous des ressentiments naturels à la misère. […] Tout ce qu’on tenterait par de petits moyens pour éluder cette vérité de fait ne servirait qu’à prolonger son dangereux empire.

106. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Deuxième partie. Ce qui peut être objet d’étude scientifique dans une œuvre littéraire — Chapitre III. L’analyse externe d’une œuvre littéraire » pp. 48-55

L’analyse externe d’une œuvre littéraire Elle porte, nous l’avons dit plus haut, sur les moyens d’expression employés par l’auteur. […] Cette analyse des moyens d’expression employés par un auteur portera d’abord sur la structure de l’œuvre. […] Le ton d’un morceau est la résultante de beaucoup de choses diverses ; il se détermine d’après la nature des mots, la disposition des phrases, l’emploi de certaines tournures, moyens d’expression à travers lesquels on remonte jusqu’au sentiment dominant qui donne au morceau son accent particulier. […] C’est la combinaison personnelle à l’auteur de tous les moyens d’expression qu’il a trouvés à sa disposition ou inventés lui-même.

107. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXVIII » pp. 305-318

Il ne doutait pas que ce ne fut un moyen de plaire au roi et à madame de Montespan : en conséquence, le 11 mars 1672, il remit sur la scène, sous le nom de Femmes savantes, les prudes bourgeoises et beaux esprits qu’il avait si joyeusement travestis en 1669, sous le nom de Précieuses ridicules. […] Il a trouvé le moyen d’établir que mesdames Deshoulières, de la Fayette et de Sévigné, qui, de son aveu, étaient les plus charmants esprits du siècle, étaient néanmoins du nombre des femmes dont Molière a voulu corriger la folie86 ; et il insinue qu’elles étaient de la coterie qui soutenait les Cottin, les Pradon et les Voiture ; il nous assure que madame de Sévigné, bien qu’admiratrice de Corneille, ne trouvait rien de plus charmant que le badinage de Voiture. […] quel moyen de les faire servir à une même entrée ? […] En 1663, il trouva le moyen de placer dans La Comtesse d’Escarbagnas une sortie vigoureuse contre la gazette de Hollande qui avait offensé le roi.

108. (1911) La valeur de la science « Première partie : Les sciences mathématiques — Chapitre III. La notion d’espace. »

Nous n’aurions aucun moyen de discerner ces deux mondes l’un de l’autre. […] Si alors nous voulons à toute force proclamer qu’ils se trompent, que leur droite n’est pas la vraie droite, si nous ne voulons pas confesser qu’une pareille affirmation n’a aucun sens, du moins devrons-nous avouer que ces gens n’ont aucune espèce de moyen de s’apercevoir de leur erreur. […] Mais ce n’est pas de cela qu’il s’agit ; il ne suffit pas de se représenter un point, il faut se représenter tel point et avoir le moyen de le distinguer d’un autre point. […] Il faut bien que nous ayons quelque moyen de reconnaître que ces deux sensations, qualitativement différentes, ont quelque chose de commun. […] Je n’y aurais jamais songé, si je n’avais pas appris d’avance, par le moyen que nous venons de voir, à distinguer les changements d’état des changements de position, c’est-à-dire si mon œil était immobile.

109. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXXVII et dernier » pp. 442-475

On se persuada aisément qu’après avoir rendu furieux et irréconciliables des malheureux qu’on n’avait pu exterminer, le moyen le plus sûr de n’avoir rien à craindre d’eux était de les chasser. […] Sans doute, après la mort de Marie-Thérèse, la religion, qui faisait encore obstacle aux désirs du roi, lui offrait aussi le moyen de les satisfaire mais ce n’était pas la religion qui l’avait rendu dès longtemps amoureux de madame de Maintenon. […] À la vérité, la religion, qui était obstacle aux désirs du roi, était aussi moyen de les satisfaire. Il est fort probable que pour déterminer le roi à l’employer comme moyen, madame de Maintenon fit tout ce qu’elle put et laissa faire tout ce qui concourait à rendre l’obstacle assez puissant pour rendre le moyen nécessaire. […] La religion, qui avait présenté l’obstacle, offrit donc aussi le moyen, pour l’accomplissement des désirs du monarque.

110. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Le maréchal Marmont, duc de Raguse. — II. (Suite.) » pp. 23-46

Généreux comme il était, il pensa qu’il valait mieux tout couvrir, ne pas laisser peser sur ses généraux une responsabilité accablante ; il voulut absoudre tout le monde au moyen d’une déclaration où il prendrait tout sur lui. […] Le général Canuel, ancien jacobin devenu ultra, peu scrupuleux en moyens, homme ambitieux et sanguinaire, avait tiré parti de quelque conspiration pour en supposer d’autres et pour organiser la terreur dans le département. […] Il s’enferma avec l’amiral Mackau, réfuta les objections, indiqua les moyens et prépara tout le plan d’une expédition africaine. […] L’habileté, la prévision, le calcul précis, la force et la combinaison des moyens, la vigueur de l’exécution assurent le triomphe, mais il est autre chose encore que le triomphe du jour. […] Ce ne saurait être un récit détaillé que je présente ici, et il n’y a que deux points qu’il importerait de constater : 1º Que, comme militaire, le maréchal usa avec force et habileté de tous les moyens incomplets qu’il put réunir ; 2º Que, comme Français et comme homme, il accueillit, il invoqua jusqu’à la dernière heure tous les moyens de conciliation qui étaient en son pouvoir.

111. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Armand Carrel. — II. (Suite.) Janvier 1830-mars 1831. » pp. 105-127

Il ne se tournera point contre un résultat auquel il a contribué de tous ses moyens ; et ce serait travailler contre le nouvel ordre de choses que d’accuser avec amertume l’administration actuelle des embarras inévitables d’une position aussi difficile que la sienne. […] Tout ce prélude de sa politique pendant les derniers mois de 1830 ne se compose que de moyens termes, tels qu’en proposaient alors les hommes ralliés au gouvernement. […] Durant cette absence d’un des pouvoirs de l’État, ce qui le rassure, c’est, d’une part, « la popularité et les intentions connues du prince », et, de l’autre, la Garde nationale, qui est « toute cette classe moyenne, aujourd’hui prépondérante » ; elle saura tenir les choses où elles sont. […] Il n’est pas homme à donner dans les utopies ; il ne veut pas que le mouvement des trois jours soit autre chose que l’emploi courageux du moyen commandé par la Constitution elle-même pour son propre salut : « Il est arrivé dans notre pays ce qui devait y arriver une fois, pour que la Révolution, commencée en 89, fût vraiment terminée. » La révolution de 1830, pour lui c’est une fin ; elle clôt 89 et ne laisse point à craindre de 93. […] Il exprime à plus d’une reprise la voie moyenne où il voudrait voir le gouvernement marcher, et le sens qu’il tirait alors de la révolution de Juillet : « Si quelqu’un y voit une révolution non pas politique, mais sociale, qu’il le dise. » Lui, il ne l’entend pas ainsi, et il témoigne de son aversion pour ce qui est social.

112. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Introduction »

Une telle apologie de la liberté de penser serait le meilleur moyen de la rendre odieuse : le dilemme qui nous forcerait à choisir entre la vérité et la liberté serait un cruel déchirement pour les âmes généreuses. […] S’il y a une vérité, quel autre moyen de la découvrir que de la chercher, que d’examiner si c’est bien elle, la dégager des nuages qui la couvrent, et pour cela écarter les illusions de l’imagination, de la passion, de la routine, en un mot penser librement ? […] On est tout étonné d’entendre soutenir le droit de l’erreur ; mais l’erreur n’est souvent qu’un moyen d’arriver à la vérité : ce n’est que par des erreurs successives, chaque jour amoindries, que se font le progrès des lumières et le perfectionnement des esprits. […] En philosophie comme en politique, la liberté réclamée n’est souvent qu’un ingénieux moyen de devenir le maître. […] Nullement, il compare, il analyse, il confronte les témoignages, il apprécie le fait et le droit, et après avoir employé tous les moyens que lui fournit la logique judiciaire, il déclare vrai ce qui lui paraît évident.

113. (1890) L’avenir de la science « XVII » p. 357

C’est le plus sûr moyen de ne duper personne. […] S’il y avait un meilleur moyen pour reconnaître le vrai, il faudrait y recourir et ne pas tenir compte de la majorité. […] Les sages anciens avaient pour cela des moyens fort commodes, des oracles, des augures, des Égéries, etc. […] Tous ces moyens sont devenus impossibles. […] Le peuple est bien plus indulgent pour les grands que pour les gens de classe moyenne qui sont instruits et éclairés.

114. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre IX : Insuffisance des documents géologiques »

On peut donc dire que la nature elle-même a mis les plus invincibles obstacles à ce que nous puissions fréquemment découvrir les formes de transition insensiblement graduées au moyen desquelles elle crée les types les plus persistants. […] Je sais pourtant que deux paléontologistes, dont les opinions ont un grand poids, je veux parler de Bronn et de Woodward, ont admis en règle générale que la durée moyenne de chaque formation est deux ou trois fois aussi longue que la durée moyenne des formes spécifiques. […] Il ne sera pas inutile de résumer les observations précédentes sur les causes de l’insuffisance des documents géologiques, au moyen d’un exemple supposé. […] Et aujourd’hui l’un des dépôts les plus riches en fossiles de Mammifères que l’on ait encore découvert appartient aux étages moyens de la série secondaire. […] De sorte que par le moyen des descriptions écrites on doit acquérir un sentiment plus profond des ressemblances et préjuger l’identité lorsqu’il y a seulement analogie, de même qu’une opinion plus tranchée des différences que l’esprit tend à élever jusqu’à la valeur d’oppositions.

115. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « La princesse des Ursins. Ses Lettres inédites, recueillies et publiées par M. A Geffrot ; Essai sur sa vie et son caractère politique, par M. François Combes » pp. 260-278

Son rôle éminent, viril et glorieux par moments (quelle que fût la petitesse des moyens employés), ne méritait pas cette fin burlesque. […] Il me dit d’abord qu’en prenant la fille de l’empereur, ce serait peut-être le moyen d’adoucir la cour de Vienne et de conserver le repos de la chrétienté ; mais, ayant fait de sages réflexions, il convint avec moi que le premier intérêt de la cour d’Espagne était de renoncer absolument à toutes autres liaisons pour mériter davantage l’amitié et la confiance de notre roi. […] Je serais bien aise aussi d’y voir mes amis, et entre autres M. le cardinal Porto-Carrero, avec qui je chercherais les moyens de marier en ce pays-là une douzaine de mesdemoiselles vos filles. […] Je cherche donc les moyens de gagner l’esprit de ce prince qui, dans le fond, ne devrait pas avoir la moindre répugnance à me préférer à toute autre. […] Quand elle a un désir, elle n’est pas femme à négliger un moyen (26 avril 1701) : Je vous ai marqué par mes dernières que j’avais pris la résolution d’écrire à M. le duc de Savoie sur ce que vous avez eu la bonté de me mander.

116. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Mémoire de Foucault. Intendant sous Louis XIV »

Il y est dit, entre autres griefs, que Foucault se servait, pour la conversion du menu peuple, d’un homme de néant nommé Archambaud, que cet Archambaud menait des gens de sa sorte au cabaret et trouvait le moyen de les enivrer ; que le lendemain, lorsqu’ils étaient revenus à eux-mêmes, il leur allait dire, ou qu’ils avaient promis d’aller à la messe, et que s’ils prétendaient s’en dédire, il les ferait traiter comme des relaps ; ou qu’ils avaient mal parlé du gouvernement et des mystères catholiques, et que le seul moyen de se racheter d’une sévère punition était de se ranger à la religion romaine ; que l’affaire, ainsi amorcée et entamée sur des gens du commun, se poursuivit ensuite sur ceux d’une condition supérieure ; qu’en général l’artifice de l’intendant était de faire faire aux réformés, sous quelque prétexte, un premier acte extérieur qui pût être interprété pour une adhésion à la communion romaine, comme d’assister à un sermon, par curiosité ou par intimidation, et qu’ensuite, moyennant la peur d’être déclarés relaps et traités comme tels, il avait raison de son monde ; que, sans avoir eu besoin de demander des troupes, il s’était servi de celles qu’on faisait filer alors sur la frontière de l’Espagne et que commandait le marquis de Boufflers, et qu’il avait été commis par ces troupes, lui les dirigeant et les conduisant de ville en ville, de village en village, de véritables horreurs et cruautés. […] Le roi l’en loue ; puis on en vient au premier détail du plan proposé pour, faciliter les conversions : « Je lui montrai, dit Foucault, la carte que j’avais fait faire du Béarn, avec la situation des villes et des bourgs où il y avait des temples ; je lui fis voir qu’il y en avait, un trop grand nombre et qu’ils étaient trop proches les uns des autres, qu’il suffirait d’en laisser cinq, et j’affectai de ne laisser subsister que les temples, justement au nombre de cinq, dans lesquels les ministres étaient tombés dans des contraventions qui emportaient la peine de la démolition du temple, dont la connaissance était renvoyée au Parlement, en sorte que, par ce moyen, il ne devait plus rester de temples en Béarn. […] et ne sentez-vous pas que, maître ainsi du terrain et ayant ses coudées franches, il va ne se refuser aucun moyen. […] M. de Louvois m’ayant envoyé plusieurs ordres en blanc, il s’est converti six cents personnes dans cinq villes ou bourgs, sur le simple avis que les compagnies étaient en marche. » Tous les articles qui suivent dans le Journal seraient à citer comme aveu naïf des inventions, ruses, douces contraintes, moyens de toutes sortes employés ; l’effroi, l’intérêt, les pensions, — même les livres de Bossuet et de l’abbé Fleury. […] Foucault a en main bien d’autres moyens de persuasion.

117. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Histoire de la Restauration par M. Louis de Viel-Castel. Tomes IV et V. »

Les liens de l’estime et de la confraternité ne peuvent plus exister entre nous et ceux qui professent des principes contraires, et si l’honneur pouvait être solidaire entre des hommes qui exercent la même profession à des distances Considérables, je me hâterais de protester contre un pareil abus, et je vous dirais hautement : L’avocat qui « chargé volontairement. de défendre un guerrier traître et rebelle à son roi, s’oublie jusqu’à justifier l’action en elle-même, qui cite comme un titre de gloire pour l’accusé le nom d’une bataille (celle de Waterloo) où il acheva de se rendre criminel en combattant contre son maître ; qui invoque à son secours le témoignage d’autres rebelles et les excite à rappeler les moyens qu’ils avaient pour forcer leur roi à la clémence ; l’avocat qui, s’entourant de honteux détours, de méprisables subterfuges, d’ignobles entraves, enlève ainsi au prévenu, autant qu’il est en lui, son dernier honneur, celui du courage, cet avocat a perdu son titre à nos yeux : je me sépare à jamais de lui. » On a beau dire que tout moyen est bon à un avocat pour sauver son client, M. de Martignac passait ici toute mesure, et il est difficile d’admettre qu’il n’obéissait pas lui-même, en s’exprimant de la sorte, à un accès de la fièvre politique qui sévissait partout autour de lui. […] C’est dans les conditions humbles et moyennes plus que dans les régions officielles que se conservent pieusement les martyrologes. […] Le lendemain, ayant gagné le fossoyeur, elle trouva moyen d’approcher des restes tout sanglants ; elle coupa à chaque tête une mèche de cheveux qu’elle marqua et noua dans son mouchoir pour les remettre aux familles. […] Un écrivain spirituel et à la plume acérée, qui a trouvé moyen d’être préfet sous l’Empire, correspondant du souverain maître pendant toute cette période, puis ultra en 1815 et dans les années suivantes, puis opposant à la Restauration et collaborateur du National après 1830, et qui a eu l’art, moyennant je ne sais quel fil de logique subtile, de ne point paraître trop inconséquent à travers toutes ces variations de conduite et de costume, M.  […] Mais M. de Richelieu avait commis la faute de prendre pour ministre de l’intérieur, sans le connaître, un ancien préfet de l’Empire, devenu singulièrement cher aux royalistes, M. de Vaublanc, esprit léger, présomptueux, ne doutant de rien, tranchant de l’homme d’État, se payant de paroles creuses, — « une outre gonflée de vent », comme on l’appelait, ou encore « une cymbale retentissante », — disant à qui voulait l’entendre : « J’aime les difficultés, je les cherche, j’en ai besoin, c’est mon fort. » Il se flattait en effet de résoudre toutes les difficultés par des moyens à lui et qu’il n’a jamais révélés.

118. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre V. De la littérature latine, pendant que la république romaine durait encore » pp. 135-163

Les moyens par lesquels on acquiert la popularité, occupent entièrement le temps, et n’ont presque point de rapport avec les travaux nécessaires à l’accroissement des lumières. […] Cicéron, dans ses Offices, parle du décorum, c’est-à-dire, des formes extérieures de la vertu, comme faisant partie de la vertu même ; il enseigne, comme un devoir de morale, les divers moyens d’imposer le respect, par la pureté du langage, par l’élégance de la prononciation. […] Comparez à cette situation Périclès défendant, devant l’aréopage, Aspasie accusée ; l’éclat de la puissance, le charme de la beauté, l’amour même tel que la séduction peut l’exciter, vous trouverez tous ces moyens d’effet réunis dans le récit de ce plaidoyer ; mais ils ne pénétreront point jusqu’au fond de votre âme. […] La folie causée par le malheur, ce cruel tableau de la nature physique, troublée par les souffrances de l’âme, ce puissant moyen d’émotion, dont Shakespeare a tiré le premier des scènes si déchirantes, les Romains n’y auraient vu que la dégradation de l’homme. […] À Rome, la philosophie avait été adoptée comme un appui de la vertu ; les hommes d’état l’étudiaient comme un moyen de mieux gouverner leur patrie.

119. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre II. Les formes d’art — Chapitre IV. Le roman »

Lesage est le premier exemple d’un grand écrivain qui se fait de son talent un moyen d’existence régulier. […] Ces scandales s’éloignent : Fleury assoupit les affaires, les remet dans un train de moyenne honnêteté ou de silence discret. […] De là la médiocre profondeur de son observation psychologique : le réaliste qui s’attache à garder aux choses extérieures tous les accidents de leur individualité, est forcé de se tenir aux vérités moyennes de la vie de l’âme. […] Et ainsi, jusque dans la conception morale que semble exprimer la dernière partie du roman, Lesage ne dépasse pas le possible et le réel : on ne saurait dire que Gil Blas soit un idéal ; il arrive à être à peu près la moyenne d’un honnête homme, après avoir été un peu au-dessous. […] On ne sent pas une réserve de l’auteur sur ces moyens de parvenir.

120. (1912) L’art de lire « Chapitre III. Les livres de sentiment »

Je ne connais pourtant pas d’autre moyen de juger de la vérité. […] Ce qui, dans la réalité, est à portée de nos regards est une moyenne de l’humanité. […] Ce sont des livres oit nous sont présentés des êtres dont l’intérêt même est d’être en dehors de la moyenne, en dehors de la vie connue et en dehors de la vie telle que, à l’ordinaire, nous voudrions qu’elle fût. […] Le moyen le plus usité et le meilleur assurément qu’emploient les romanciers qui savent leur métier est d’entourer le cas exceptionnel d’un bon nombre de faits d’observation très courante au contraire et bien connus. […] Ils échappent un peu aux moyens ordinaires de lecture.

121. (1896) Psychologie de l’attention (3e éd.)

Le nombre des mouvements nettement appréciables de l’auditoire était très uniforme : quarante-cinq par minute, soit, en moyenne, un mouvement par personne. […] Par hypothèse, les éléments nerveux qui fonctionnent fournissent un travail supérieur à la moyenne. […] Setschenof soutint d’abord que le cerveau moyen (la couche optique) exerce une influence inhibitoire sur les parties inférieures de l’axe cérébro-spinal. […] Tantôt, le mécanisme de l’association ne dépassant pas l’intensité moyenne, il y a absence ou diminution du pouvoir d’arrêt. […] Au centre, mettons l’attention spontanée moyenne.

122. (1910) Rousseau contre Molière

De quels moyens parle Rousseau ? […] Ces moyens doivent être assortis à son caractère. […] La littérature n’est pas pour lui un des moyens de montrer le vrai aux hommes, elle est un moyen d’échapper au réel, de s’évader de la vérité dans l’idéal. […] Celui qui s’écarte de la moyenne des mœurs de son temps est un excentrique. […] Que peut désirer un mari de moyen état ?

123. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Casuistique. » pp. 184-190

L’homme qui l’aimait, ancien officier, et qui semble avoir été un assez brave homme et d’une moralité au moins moyenne, s’est tué pour échapper à un procès déshonorant. […] Délivrer la femme, avec son consentement et par des moyens qui, dans ce premier moment, ne présentent aucun danger pour elle, c’est supprimer un je ne sais quoi de pas encore vivant ou qui, dans l’échelle de la vie, occupe le plus bas degré, est tout proche de la vie purement végétative ; et c’est, d’autre part, conjurer une terrifiante possibilité d’angoisse et de souffrance, épargner à la mère et au père putatif de ce je ne sais quoi des années de géhenne, et de ces douleurs sans recours, qui rendent injuste et méchant. […] — de conseiller au peuple et aux bourgeois d’avoir des mœurs pures, de « maîtriser leurs appétits », d’être moins égoïstes, de moins aimer l’argent, de renoncer à ces besoins de luxe relatif et de vanité qui déterminent les ménages français à limiter par tous les moyens le nombre de leurs rejetons.

124. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 mai 1886. »

Aux admirateurs de son génie, Wagner a imposé le devoir de protéger la rénovation de l’art ; il leur a montré par quels moyens, et pour quelles fins, l’art, en toutes ses formes, devait être rénové. […] Les premiers artistes n’ont donc pas eu besoin de recréer, au moyen d’artifices spéciaux, les diverses sensations ; assez leur a été, pour cette fin, de faire naître les sensations visuelles. […] Les moyens qu’elle emploie pour nous suggérer artistiquement les sensations, diffèrent entièrement des moyens employés par la réalité. […] Ils usèrent les mots non plus pour leur valeur notionnelle, mais comme des syllabes sonores, évoquant dans l’âme l’émotion, par le moyen d’alliances harmoniques. […] Avec un tempérament tout autre et par des moyens différents, M. 

125. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « La Réforme sociale en France déduite de l’observation comparée des peuples européens, par M. Le Play, Conseiller d’État. »

À cette fin il visita une fois le Danemark, une fois la Suède et la Norvège, trois fois la Russie, six fois l’Angleterre, deux fois l’Espagne, trois fois l’Italie, une fois la Moravie, la Hongrie, la Turquie d’Europe ; il fit un grand voyage en Carinthie, dans le Tyrol ; il traversa nombre de fois l’Allemagne : bref, la Scandinavie exceptée, il a visité à peu près trois fois en moyenne chaque partie de l’Europe. […] Le tabac à fumer est sa principale distraction ; au moyen d’une dépense annuelle de dix francs, il s’assure cette maigre jouissance ; il fréquente peu le cabaret, ne consomme l’eau-de-vie qu’à petites doses et en général dans le ménage, après le principal repas. […] Chez les Bachkirs le terme des désirs de la famille la plus laborieuse est de posséder huit ou dix juments, au moyen desquelles elle puisse se soustraire à tout travail agricole et se nourrir presque exclusivement de khoumouis (c’est le nom de la délicieuse boisson qui endort et fait doucement rêver). […] Dans tout état de société, — qu’il s’agisse de la Russie méridionale et des paysans agriculteurs, chez qui la religion n’empêche sans doute ni l’intempérance, ni la ruse, ni la fraude, ni bien des vices, mais à qui elle inspire un pieux et absolu respect dans les rapports des fils aux parents, « une résignation stoïque dans les souffrances physiques et morales, et, en présence de la mort, une assurance, une sérénité qui a parfois un véritable caractère de grandeur » ; — qu’il s’agisse, tout au contraire, des peuples et des régimes les plus avancés, tels que l’Angleterre, chez qui les hautes classes et les lords peuvent être dissolus à leur aise, mais que gouverne réellement et que maintient avec fermeté, en présence des masses chartistes, l’immense classe bourgeoise ou rurale moyenne, tout imprégnée de la Bible et de la forte moralité qui en découle ; — partout l’élément religieux, sous une forme ou sous une autre, lui a paru essentiel à la durée et à la stabilité des sociétés. […] En conséquence, il s’est demandé s’il n’y avait pas quelque remède, un moyen terme à proposer entre le retour impossible à l’ancien régime et le morcellement moderne indéfini.

126. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Seconde partie. De l’état actuel des lumières en France, et de leurs progrès futurs — Chapitre VIII. De l’éloquence » pp. 563-585

De l’éloquence Dans les pays libres, la volonté des nations décidant de leur destinée politique, les hommes recherchent et acquièrent au plus haut degré les moyens d’influer sur cette volonté ; et le premier de tous, c’est l’éloquence. […] Quels moyens reste-t-il alors à l’éloquence pour frapper les esprits par des pensées ou des expressions heureuses, par le contraste du vice et de la vertu, par la louange ou par le blâme distribués avec justice ? […] Les factions servent au développement de l’éloquence, tant que les factieux ont besoin de l’opinion des hommes impartiaux, tant qu’ils se disputent entre eux l’assentiment volontaire de la nation ; mais quand les mouvements politiques sont arrivés à ce terme où la force seule décide entre les partis, ce qu’ils y adjoignent de moyens de parole, de ressources de discussion, perd l’éloquence et dégrade l’esprit au lieu de le développer. […] Mais par quels moyens peut-on se flatter de perfectionner l’éloquence, s’il est vrai que l’on puisse encore en espérer quelques succès ? […] Cependant, comme les pensées nouvelles développent de nouveaux sentiments, les progrès de la philosophie doivent fournir à l’éloquence de nouveaux moyens.

127. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXV » pp. 259-278

Madame de Neuillan n’épargna aucun moyen de l’humilier pour la réduire à la soumission ; elle chargea sa filleule des services les plus bas de sa maison. […] Elle ne manquait d’aucun moyen de l’être ; elle le fut, et au suprême degré. […] On fait trop d’honneur à un but si commun et à des moyens si vulgaires, en leur attribuant cette prodigieuse élévation : c’est aussi méconnaître le pouvoir d’un excellent esprit, d’une âme parfaite, jointe aux charmes de la figure. […] Toutefois l’une et l’autre vous donnent des espérances indéfinies ; c’est à peu près comme si et les donnaient infinies ; et c’est ce qui fait qu’on les ambitionne non seulement comme moyen, mais comme but. […] Par ce moyen, j’ai pu mettre toutes choses à leur place, en voir la génération et l’enchaînement.

128. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXVI » pp. 279-297

Si elle n’avance pas vite, c’est pour se ménager le moyen d’aller loin. […] Voulant être distinguée du roi, lui être agréable, parce qu’elle l’aimait, mais voulant son estime et conserver le respect d’elle-même, pouvait-elle employer des moyens à l’usage des femmes ordinaires, mettre en pratique cet art de plaire, cet art de la cour, qui comprend l’art de nuire à tout ce qui n’est pas soi ; à intriguer contre une favorite a qui et le doit sa place ; à lui tendre des pièges, à lui opposer d’autres femmes dont elle pourra avoir bon marché, à rechercher les occasions de s’introduire près du maître, de surprendre ses regards, de les attirer par des soins et des parures qui déguisent son âge ; à se faire vanter, célébrer par des prôneurs ; à se distinguer tantôt par la finesse de la louange, tantôt par son enthousiasme, toujours par l’à-propos ; à rappeler d’une dis tract ion, à faire revenir d’un caprice par des bouderies, par des querelles, par des minauderies ; en un mot, à pratiquer le manège d’une coquetterie subalterne ? Non, il ne faut pas s’attendre ici à l’emploi de semblables moyens. […] Par la piété, il est vrai, elle put à la suite combattre la faiblesse du roi pour madame de Montespan ; mais par l’emploi de ce moyen, elle s’interdisait de profiter de ses succès, en combattant l’habitude des maîtresses par la religion, et ne prenait pas le chemin de le devenir. […] La religion seule donnait le moyen de se défendre sans déplaire, de refuser sans offense, de rester inflexible sans paraître indifférente.

129. (1899) Les industriels du roman populaire, suivi de : L’état actuel du roman populaire (enquête) [articles de la Revue des Revues] pp. 1-403

On ne vous chicanera pas sur l’emploi de vos moyens. […] Avec ces moyens brusques de trancher les émois d’une longue attente, que seraient devenus, je vous le demande, les menus profits du narrateur ? […] Un moyen comme un autre, direz-vous, de vulgariser la science. […] Et infailliblement vous rebutez les hommes et les femmes de culture moyenne (ajoutez-y les trottins et les mitrons) qui ne cherchent eu rez-de-chaussée des gazettes qu’un amusement frivole et un délassement aux soucis de chaque jour. […] Si le concours de la Revue des Revues nous révélait un moyen terme, j’en serais aussi enchantée qu’étonnée.

130. (1753) Essai sur la société des gens de lettres et des grands

Un moyen assez efficace de rendre ces aristarques plus circonspects, serait de les engager à donner par écrit leurs avis. […] L’ennui veut jouir du talent, et la vanité trouve moyen de le séparer de la personne. […] La nécessité de se délivrer d’un état de misère profonde, rendant excusables presque tous les moyens d’en sortir, familiarise insensiblement avec ces moyens : il en coûte moins ensuite pour les faire servir à l’augmentation de sa fortune. […] Et il ne faut pas croire qu’il soit très difficile d’y parvenir, même en n’employant que des moyens honnêtes. […] Je crois seulement que les récompenses devraient être moins fréquentes ; ce serait le moyen qu’elles fussent distribuées plus à propos ; l’économie est plus éclairée que la profusion.

131. (1890) L’avenir de la science « VIII » p. 200

Critiquer, c’est se poser en spectateur et en juge au milieu de la variété des choses ; or la philologie est l’interprète des choses, le moyen d’entrer en communication avec elles et d’entendre leur langage. […] La grammaire, c’était l’encyclopédie, non pour la science positive elle-même, mais comme moyen nécessaire pour l’intelligence des auteurs. […] L’étude des langues n’est plus pour lui un moyen pour exercer le métier d’interprète ou de traducteur, comme cela avait lieu presque toujours au Moyen Âge ; c’est un instrument de critique littéraire et scientifique. […] Il serait à désirer que Porson, Brunck et bien d’autres critiques allemands n’eussent pas choisi cet étrange moyen de devenir des Aristarque. […] Dans l’éducation vive, l’enfant fait pour lui le travail qu’on lui épargne par ces moyens artificiels, ce qui est d’un grand avantage pour l’originalité.

132. (1809) Quelques réflexions sur la tragédie de Wallstein et sur le théâtre allemand

L’individualité disparaît dans l’homme, en raison de ce qu’il cesse d’être un but, et de ce qu’il devient un moyen. […] Les Allemands font un grand usage de ces moyens. […] Je suis loin de recommander l’introduction de ces moyens dans nos tragédies. […] Toutes les fois que les tragiques français ont voulu transporter sur notre théâtre des moyens empruntés des théâtres étrangers, ils ont été plus prodigues de ces moyens, plus bizarres, plus exagérés dans leur usage, que les étrangers qu’ils imitaient. […] En conséquence, tous leurs moyens extérieurs, quelque multipliés qu’ils paraissent, ne sont que des accessoires.

133. (1890) L’avenir de la science « Sommaire »

Moyens et méthode à suivre. […] XI La philologie envisagée comme moyen d’éducation et de culture intellectuelle. […] La vraie science ne s’inquiète pas de l’humilité des moyens, ni même du peu de résultats que semblent amener les premières recherches. […] La tendance à laquelle correspond le socialisme est la vraie, ses moyens sont mauvais et iraient contre son but.

134. (1903) Le problème de l’avenir latin

Quel plus sûr moyen de corrompre une race ? […] C’est le gros, la moyenne, le bloc. […] Il serait enfin nécessaire qu’il trouvât les moyens pratiques de le réaliser. […] Pour parvenir à ce but il y a divers moyens. […] Suivant les sélectionnistes, les moyens à employer diffèrent.

135. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LXIV » pp. 247-253

S'étant attaché à la belle et célèbre tragédienne, mademoiselle Georges, il a exploité avec habileté divers théâtres, et pendant quinze ans on l’a vu toujours aventureux, toujours debout, ressemblant à un général qui, le plus souvent battu et sans troupes, trouve moyen de tenir le pays et de subsister par prodige. […] Ce sera le moyen de le tenir en laisse par une correspondance suivie et qui soit de nature à pouvoir être publiée dans les journaux, afin qu’il soit presque toujours en scène. […] Par ce moyen nous fixerions l’inconstance de notre homme, et nous aurions en main un aiguillon qui le tiendrait toujours en haleine. » Grand homme ou du moins grand poëte, génie régnant, vous avez le manteau de pourpre et vous vous y drapez, et nul trône en effet, de nos jours, n’est plus légitime que le vôtre.

136. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Des avantages attachés à la profession de révolutionnaire. » pp. 200-207

Pour lui, très réellement la fin justifie et sanctifie les moyens. […] Je me souviens de l’avoir sentie très nettement, à Paris, pendant le premier mois de la Commune, à lire les affiches et les journaux enfiévrés, à voir flamber dans les rues le drapeau rouge, à me mêler, sous le grand soleil, aux cohues démentes de la place de l’Hôtel-de-Ville ; et pourtant j’étais un enfant très raisonnable. — Bref, je conçois, sans nul effort que cet homme, l’autre jour, soit monté sur cette table et qu’il y ait chanté cette chanson assassine contre une classe pleine de vices et d’égoïsme assurément (comme toutes les classes sociales sans exception), mais où il y a aussi de braves gens, et dont il se pourrait que la très modeste moyenne de vertu et de bonté ne fût pas trop inégale à la bonté et à la vertu de ceux qui réclament du plomb contre elle. […] Car nous avons beau savoir que les fauteurs de révolte ont toujours participé largement de l’égoïsme contre lequel ils s’insurgeaient ; que, si la justice et la charité appellent quelquefois les révolutions, c’est la haine et l’envie qui les accomplissent, et que, par exemple, ce sont les meneurs de grèves qui, nés capitalistes, eussent été les plus durs patrons : il semble parfois que, les révolutions faites, il en revienne tout de même quelque chose, au bout d’un certain temps, aux résignés, aux humbles de cœur, bien qu’elles n’aient été faites ni par eux ni même, au fond, pour eux ; et il arrive ainsi que les violents et les féroces paraissent finalement avoir travaillé pour la justice… Ou peut-être que je m’abuse, et que le bénéfice humain acquis par des moyens révolutionnaires eût pu l’être, et mieux, par un progrès uniquement légal et pacifique.

137. (1882) Types littéraires et fantaisies esthétiques pp. 3-340

Plus moyen de courir la plus petite aventure ; des saintes-hermandads sans nombre ferment partout les avenues. […] Werther est un bourgeois, un enfant des classes moyennes. […] C’est encore un trait qu’il a de commun avec les classes moyennes. […] À tous ces titres, Goethe est donc par excellence l’homme des classes moyennes. […] Le but suprême de la sagesse consiste à trouver le moyen de ne plus revivre.

138. (1830) Cours de philosophie positive : première et deuxième leçons « Première leçon »

Il est bien remarquable, en effet, que les questions les plus radicalement inaccessibles à nos moyens, la nature intime des êtres, l’origine et la fin de tous les phénomènes, soient précisément celles que notre intelligence se propose par-dessus tout dans cet état primitif, tous les problèmes vraiment solubles étant presque envisagés comme indignes de méditations sérieuses. […] Les méthodes théologiques et métaphysiques qui, relativement à tous les autres genres de phénomènes, ne sont plus maintenant employées par personne, soit comme moyen d’investigation, soit même seulement comme moyen d’argumentation, sont encore, au contraire, exclusivement usitées, sous l’un et l’autre rapport, pour tout ce qui concerne les phénomènes sociaux, quoique leur insuffisance à cet égard soit déjà pleinement sentie par tous les bons esprits, lassés de ces vaines contestations interminables entre le droit divin et la souveraineté du peuple. […] Nous pouvons néanmoins, ce me semble, par des moyens convenables, éviter les plus pernicieux effets de la spécialité exagérée, sans nuire à l’influence vivifiante de la séparation des recherches. […] Premièrement l’étude de la philosophie positive, en considérant les résultats de l’activité de nos facultés intellectuelles, nous fournit le seul vrai moyen rationnel de mettre en évidence les lois logiques de l’esprit humain, qui ont été recherchées jusqu’ici par des voies si peu propres à les dévoiler. […] Je crois que les moyens de l’esprit humain sont trop faibles, et l’univers trop compliqué pour qu’une telle perfection scientifique soit jamais à notre portée, et je pense, d’ailleurs, qu’on se forme généralement une idée très exagérée des avantages qui en résulteraient nécessairement, si elle était possible.

139. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Marie-Antoinette (suite.) »

Je ne sais pas s’il est possible d’être meilleur que lui et d’avoir en tout une conscience plus sévère ; il n’a pas d’autre pensée, j’en suis sûre, que de faire du bien ; mais par quels moyens ? […] Je ne peux pas dire qu’il me traite en dessous et en enfant, et qu’il ait de la défiance pour moi : au contraire ; il lui échappait l’autre jour un long discours devant moi et comme s’il parlait à lui-même sur les améliorations à introduire dans les finances et dans la justice ; il disait que je devais l’aider, que je devais être la bienfaisance du trône et le faire aimer, qu’il voulait être aimé ; mais il n’a pas énuméré ses moyens d’action, soit qu’il ne les ait pas encore combinés, soit qu’il les garde pour ses ministres ; il leur écrit beaucoup ; c’est au vrai un homme qui est tout en lui, qui a l’air d’être fort inquiet de la tâche qui lui est tombée tout à coup sur la tête, qui veut gouverner en père. […] Hors M. de Mirepoix, tous sont acccablés des dons et des grâces du roi, et personne ne les rend… Heureusement que tous les moyens sont encore dans les mains du roi et qu’il arrêtera tout le mal que les imprudents veulent faire. » On se croyait maître de la situation, on ne l’était déjà plus, et il y avait des hommes qu’on allait être obligé de subir. […] Est-ce à dire qu’on ait de la répugnance à agir par l’étranger, à se servir de ces moyens extérieurs ? […] La cause que soutient et personnifie Marie-Antoinette, la pure cause royale est trop légitime et trop sacrée à ses yeux pour qu’elle ait de ces scrupules sur les moyens : si elle hésite, c’est qu’elle n’est occupée que des meilleures chances de succès.

140. (1913) Les antinomies entre l’individu et la société « Chapitre XI. L’antinomie sociologique » pp. 223-252

Le fait de participer à des groupes opposés et hostiles peut être pour l’individu un moyen efficace de libération. […] Mais ce moyen ne va pas sans inconvénient pour l’individu. […] On voit que l’utilisation de la loi de l’entrecroisement des groupes comme moyen de libération individuelle a en réalité des limites et des limites assez, étroites. […] La multiplicité des groupes peut seulement lui fournir une occasion favorable et un moyen plus ou moins efficace de protéger son indépendance contre les empiétements de ces groupes, en les opposant les uns aux autres. […] Ce mensonge est une machine de guerre, un instrument de domination aux mains du groupe : un moyen de défense du groupe contre les causes extérieures ou intérieures de destruction.

141. (1864) Études sur Shakespeare

C’était déjà là un progrès ; un accessoire inutile était devenu un moyen de développement et de clarté. […] Il faut le découvrir dans ses ouvrages, examiner de quels moyens il se sert, à quels résultats il aspire. […] Où trouverait-on des moyens égaux à ceux qu’il possède ? […] Shakespeare y est parvenu par d’autres moyens. […] Tant il est vrai que celle-là seule est le but, tandis que les autres ne sont que le moyen.

142. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre II. « Faire de la littérature » » pp. 19-26

L’étymologie du mot, littérature, confirme qu’il signifie, au juste, un moyen tout extérieur d’expression ou plutôt de publicité. […] L’homme qui rédige sa pensée, qui use du moyen de publicité dit écriture, ne peut avoir pour but que : 1º le beau : il cherche à faire œuvre d’artiste ; 2º le vrai : il cherche à faire œuvre de savant ; 3º l’agréable (et l’utile, qui est l’agréable en expectative), et il fait œuvre d’industriel. […] Il y a, jusque sur les livres de la collection à cinq sous, la vieille trilogie : Sciences — Lettres — Arts, où l’on ne voit pas que le terme moyen, réductible aux extrêmes, est de toute inutilité.

143. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — P. — article » pp. 439-450

Par ce moyen, nous mettrons le Lecteur à portée de juger des motifs qui ont pu déterminer M. […] Par ce moyen, il foudroie l’amour-propre des Ecrivains arbitraires, & ouvre une carriere sûre aux vrais talens*. […] Le moyen d’estimer en effet un Auteur qui s’estime assez peu lui-même pour écrire indifféremment le pour & le contre ; qui n’est ni pour Baal, ni pour le Dieu d’Israël ; qui combat les Philosophes, & qui se déchaîne avec fureur contre leurs adversaires ; qui proscrit les Drames, & fait le panégyrique des Dramaturges ; qui s’érige en vengeur de la Religion & des mœurs, & qui loue la Pucelle & fait l’apologie des Romans de Crébillon ; un Auteur qui s’éleve contre le charlatanisme philosophique, & qui ne cesse de parler de lui-même, & qui se loue tantôt sous le masque d’Editeur, tantôt à visage découvert, & qui recueille & qui fait religieusement imprimer tous les Vers, tous les petits Billets où l’on dit quelque bien de lui ; un Auteur enfin qui mendie bassement des éloges, & qui se déchaîne ensuite contre ceux qui l’ont le plus loué, croyant, par cette odieuse manœuvre, donner du poids à la louange, & persuader qu’il ne l’a point sollicitée !

144. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre II. Des tragédies grecques » pp. 95-112

La douleur et la mort sont les premiers moyens des situations tragiques, et la religion modifie toujours puissamment l’action de la douleur, et la terreur de la mort. […] C’est aussi par ce moyen de terreur, que les législateurs exerçaient une grande puissance, et que des principes de moralité se maintenaient entre les hommes. […] On peut quelquefois reprocher aux tragiques grecs la longueur des récits et des discours qu’ils mettaient sur la scène ; mais les spectateurs n’avaient pas encore appris à s’ennuyer ; et les auteurs ne resserrent leurs moyens d’effet, que lorsqu’ils redoutent la prompte lassitude des spectateurs. […] Je ne crois point que rappeler sans cesse les infortunes des rois, fût un moyen d’anéantir l’amour de la royauté.

145. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Seconde partie. De l’état actuel des lumières en France, et de leurs progrès futurs — Chapitre IX et dernier. Conclusion » pp. 586-601

Mais que l’on réfléchisse sur les moyens qu’il faut employer pour arrêter la tendance des hommes vers les lumières ! Que l’on se demande comment empêcher ce mal, si c’en est un, à moins de recourir à des moyens affreux en eux-mêmes, et définitivement infructueux ! […] Sans doute on ne peut se promettre avec certitude de marcher sans faiblesse dans cette noble carrière ; mais ce qu’on peut, ce qu’on doit à l’espèce humaine, c’est de diriger tous ses moyens, c’est d’invoquer tous ceux des autres, pour répéter aux hommes, qu’étendue d’esprit et profondeur de morale, sont deux qualités inséparables ; et que, loin que la destinée vous condamne à faire un choix entre le génie et la vertu, elle se plaît à renverser successivement, de mille manières, tous les talents qui voguent au hasard sans ce guide assuré. […] Souvent des revers et toujours du malheur au dedans de soi ; mais l’esprit vraiment remarquable, mais une intelligence éclairée, c’est l’homme qui choisit le bien et sait le faire, pour qui la vérité est une puissance de gouvernement, et la générosité un moyen de force.

146. (1900) Le rire. Essai sur la signification du comique « Chapitre III. Le comique de caractère »

Il faut, pour que nous soyons tentés d’en rire, que nous en localisions la cause dans une région moyenne de l’âme. Il faut, par conséquent, que l’effet nous apparaisse tout au plus comme moyen, comme exprimant une moyenne d’humanité. […] Elle-même est à peine un vice, et néanmoins tous les vices gravitent autour d’elle et tendent, en se raffinant, à n’être plus que des moyens de la satisfaire. […] Jusqu’ici, nous avions vu dans le rire un moyen de correction surtout. […] Une moyenne de justice pourra apparaître dans le résultat d’ensemble, mais non pas dans le détail des cas particuliers.

147. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Mémoires du général La Fayette (1838.) »

En disant non à certains moyens, n’aurait-il pas abdiqué le pouvoir dès le second jour ? […] Ce qui me frappe, ce n’est pas tant qu’il croie, comme les plus habiles engagés dans le premier moment, à l’excellence des moyens nouveaux et à leur efficacité immédiate. […] Ç’a été une des conditions de son rôle, en le définissant comme je viens de le faire ; et si c’en a été un des moyens, il n’a rien eu que de permis. […] L’indulgence qu’on a en révolution pour les moyens est singulière, tant que vos opinions ne sont pas dépassées. […] Je suis encore plus loin de chercher à attaquer ses moyens de justification, et je me suis contenté d’admirer les pages éloquentes où il nous peint le règne de l’anarchie et de la Terreur.

148. (1883) Le roman naturaliste

Mais transposer le sujet est une chose, transposer les moyens d’expression en est une autre. […] Il s’agit de savoir si la conception de l’œuvre est antérieure à la recherche des moyens d’exécution, ou si les moyens d’exécution, au contraire, sont acquis, étiquetés, et classés antérieurement à la conception de l’œuvre. […] Les moyens en tout art ne sont que des moyens ; et vous les traitez comme des fins, au-delà desquelles vous ne concevriez rien d’ultérieur. […] Le moyen, toutefois, pour lassé que l’on fût des exagérations romantiques, le moyen d’accepter ce réalisme vulgaire ? […] ce sont les moyens eux-mêmes du romantisme qui servaient d’instruments à cette dérision du romantisme.

149. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Montluc — I » pp. 56-70

Soit naïveté, soit finesse (car il est très spirituel), il trouve moyen de convaincre à la fois de sa véracité et de sa jactance ; les fiertés de son style nous rendent bien celles de son courage et de sa personne : il n’est pas donné à tout le monde d’être un Catinat. […] Il refuse même, à l’occasion, un guidon qui lui est offert dans une compagnie à cheval : « Il lui semblait qu’il parviendrait plus tôt par le moyen de l’infanterie. » Il est bien en cela de son siècle et non du xve  siècle ; ce n’est plus un chevalier d’autrefois, c’est un moderne. […] Il en tire, selon son habitude, l’occasion d’une petite moralité à l’usage des capitaines ses compagnons qui lui feront l’honneur de lire sa vie : l’important, c’est de chercher dès ses débuts à montrer ce qu’on vaut et ce qu’on peut faire ; ainsi les grands et chefs vous connaissent, les soldats vous désirent et veulent être avec vous, et par ce moyen on a toute chance d’être employé : « Car c’est le plus grand dépit qu’un homme de bon cœur puisse avoir, lorsque les autres prennent les charges d’exécuter les entreprises, et cependant il mange la poule du bonhomme auprès du feu. » M. de Lautrec, à la première occasion, donne à Montluc une compagnie ; celui-ci n’avait guère que vingt ans. […] Deux trous furent pratiqués à la muraille, et Montluc aussitôt se jeta dans l’un tête baissée : « Dieu me donna (alors), dit-il, ce que je lui avais toujours demandé, qui était de me trouver à un assaut pour y entrer le premier ou mourir. » Ce dernier vœu faillit se vérifier ; ses soldats, assaillis d’une grêle de pierres, ne purent le suivre, et n’eurent d’autre moyen de le secourir que de le tirer dehors par les jambes, quand, blessé et renversé à terre, il eut à faire sa retraite à reculons ; mais ils ne le tirèrent pas si bien que, roulant de haut en bas jusqu’au fond du fossé, son bras ne se rompît en deux endroits : « Ô mes compagnons ! […] Je veux dire seulement que son titre de maréchal de France ne doit point induire en erreur ; ce titre ne lui fut donné que tout à la fin de sa carrière, comme récompense des services rendus, et non comme un moyen d’en rendre de nouveaux.

150. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « M. Biot. Mélanges scientifiques et littéraires, (suite et fin.) »

Biot n’avait point précisément les moyens et les qualités extérieures d’un rôle politique et public de savant ; il n’était point armé extérieurement pour l’attaque et pour la défense ; son geste était mince, familier, un peu cassant ; sa voix claire, un peu fluette, très suffisante dans sa jeunesse pour le professorat, s’était brisée d’assez bonne heure, et portait peu hors d’un cercle intime. […] Arago serait à faire, et, en en retranchant même ce qui ne paraîtrait pas digne de tous deux, il y aurait lieu d’y caractériser deux natures d’esprit et de tempérament tout à fait opposées, et qui devaient presque nécessairement en venir à se contredire et à se combattre : — Arago, ardent, puissant, robuste, doué de génie et capable d’invention, mais qui en fut trop distrait par d’autres qualités qui le tentèrent, par le besoin d’influer, par le talent d’exposer et d’enseigner, par un zèle aussi qu’on peut dire généreux à populariser la science, à en ouvrir à tous les voies et moyens, à en répandre et en propager les résultats généraux ou les applications utiles ; — Biot, esprit étendu, mais nature plus curieuse et plus déliée que riche et féconde, au sourire fin, à la lèvre mince, à la dent aiguë et mordante, dédaigneux du public sur lequel il avait peu de prise, jaloux de garder la science pour les seuls et vrais savants, pour ceux qu’il estimait dignes de ce nom. […] Biot fit un pas de plus dans cette voie et donna le moyen de l’application. […] Il était fier, et avec raison, de cette découverte : « Auparavant, disait-il, les chimistes ressemblaient à des architectes qui, pour connaître un édifice, auraient commencé par le démolir et auraient prétendu ensuite juger de sa structure intérieure d’après la nature, le nombre et le poids des matériaux bruts, au lieu que maintenant, dans bien des cas, on peut saisir la constitution intime des corps sans les endommager, et distinguer les propriétés essentielles des particules mêmes en situation. » — Se plaignant que les chimistes tardassent trop à user de ce nouveau moyen d’investigation délicate : « Les chimistes ne sont que des cuisiniers, disait-il encore ; ils ne savent pas tirer parti de l’admirable instrument que je leur ai mis entre les mains. » Mais, enfin, il y eut de jeunes et habiles chimistes qui en essayèrent et qui donnèrent à M.  […] Biot et au moyen du rayon polarisé, que la médecine a appris à distinguer par un diagnostic certain la maladie dite du diabète, et à reconnaître les moindres traces de sucre dans les sécrétions urinaires.

151. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Chateaubriand, jugé par un ami intime en 1803, (suite et fin) » pp. 16-34

Avec les Anciens, on n’a pas les moyens suffisants d’observation. […] On peut refaire ainsi des figures de poètes ou de philosophes, des bustes de Platon, de Sophocle ou de Virgile, avec un sentiment d’idéal élevé ; c’est tout ce que permet l’état des connaissances incomplètes, la disette des sources et le manque de moyens d’information et de retour. […] Avec les modernes, c’est tout différent ; et la critique, qui règle sa méthode sur les moyens, a ici d’autres devoirs. […] Il est très-utile d’abord de commencer par le commencement, et, quand on en a les moyens, de prendre l’écrivain supérieur ou distingué dans son pays natal, dans sa race. […] C’est un dernier moyen d’observation facile et commode.

152. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « M. de Sénancour — Note »

Le défaut de force dans les membres, l’impossibilité de dire : « Je vivrai dans toutes les situations où un homme peut vivre ; » cet assujettissement joint à l’immense difficulté de soutenir une femme, des enfants, sans revenus fixes, sans autres moyens que des débris à recueillir à des époques inconnues, sans état (même très-longtemps sans papiers et sans droits de citoyen), sans dettes, sans aucune intrigue, surtout aussi avec le sort contre soi, avec ce qu’on appelle du malheur (excepté la faveur marquée du sort en 1798 et en quelques autres circonstances rares), tout cela a rendu ma vie morale laborieuse et triste. […] Le temps et l’extrême impartialité de la rédaction auraient été les seuls moyens de lui donner du succès.  […] Ainsi c’est toujours par une sorte d’incapacité que les autres restent enchaînés, ils ne savent pas secouer les entraves. » Cela se peut : leur talent n’est pas celui-là, et remarquez que celui qui sait, selon vous, lutter contre le sort, pourrait être plus justement regardé comme bien servi par le sort, puisque la difficulté des premiers pas à faire était justement ce qui convenait à ses moyens.  « Il ne faut pas dire : « Il n’y a pas eu d’hommes d’État dans tel pays, car s’il s’y en était trouvé, ils se seraient élevés comme Cromwell, lequel a prouvé, ainsi que d’autres, qu’il n’était pas nécessaire d’être né sur le trône. » Cela n’était pas nécessaire pour lui, mais l’était pour d’autres qui, moins en état de s’élever comme lui, ou plus scrupuleux sur le choix des moyens, sont restés simples particuliers. […] « Mais maintenant, s’il me venait enfin quelque moyen d’acquérir un coin de terre, où le chercherais-je ?

153. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Deuxième partie. Ce qui peut être objet d’étude scientifique dans une œuvre littéraire — Chapitre II. L’analyse interne d’une œuvre littéraire » pp. 32-46

Il en est d’autres où plaire n’est qu’un but secondaire ou, mieux encore, un moyen de gagner l’esprit par le cœur, de faire pénétrer des vérités ou de déterminer des résolutions à l’aide de phrases artistement enchaînées : tels un sermon, un pamphlet, l’exposé d’une théorie scientifique. […] La définition précédente contient encore deux éléments à retenir : elle distingue, dans une œuvre quelconque, les choses exprimées, que j’ai réduites à cinq catégories correspondant à la nature même de l’homme4, et les moyens d’expression. […] Il faut donc chercher si une œuvre nous fait percevoir le petit ou le grand, le microscopique ou le démesuré, ou encore tous les deux ou seulement les aspects moyens. […] Mais en général elle ne dépasse point la portée d’une intelligence moyenne et elle arrive à constituer une série de documents solides. […] La beauté n’est pour eux qu’un moyen d’arriver plus sûrement à leurs fins.

154. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — J. — article » pp. 517-518

Il étoit d’une figure avantageuse ; sévere observateur des Loix, moyen dont il se servoit pour gagner la bienveillance du Peuple ; fourbe, imposteur, hypocrite, faisant servir la Religion à ses desseins, mettant en œuvre les révélations & les visions, pour s’autoriser, effronté jusqu’à se vanter d’affermir l’autorité du Pape, dans le même temps qu’il la sapoit par les fondemens ; fier dans la prospérité, prompt à s’abattre dans l’adversité, étonné des moindres revers ; mais, avec la réflexion, capable de se servir des moyens les plus hardis pour se relever ».

155. (1894) Écrivains d’aujourd’hui

C’est à coup sûr un moyen d’information qu’on ne doit pas négliger. […] Le cosmopolitisme peut bien être un moyen pour les oisifs de tromper leur ennui en le promenant sous des cieux différents : il n’est pas pour le moraliste un moyen d’investigation. […] Jules Lemaître, un moyen pour lire les livres avec plus de plaisir. […] Tous les moyens extérieurs lui font défaut. […] Mais je n’avais ni le moyen ni le désir de parler de tout le monde.

156. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre troisième »

L’Histoire de Charles XII parut à Napoléon un roman, parce qu’il n’y trouvait pas de renseignements sur les moyens de vaincre la Russie. […] Pourtant, même à ce moment de sa vie, il ne sort pas du caractère moyen. […] Ainsi s’améliorent, en s’avançant dans la vie, les caractères moyens. […] Gil Blas en ce point passe un peu la moyenne ; mais s’il a plus d’esprit que nous, il n’en a que du nôtre. Ses compagnons sont comme lui, des caractères moyens.

157. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre onzième. La littérature des décadents et des déséquilibrés ; son caractère généralement insociable. Rôle moral et social de l’art. »

Plusieurs ont eu l’audace de se faire photographier dans l’accomplissement simulé du meurtre, ce qui était le meilleur moyen de se faire prendre. […] Ils ont peur, en plaignant autrui, d’en venir à cesser de se plaindre eux-mêmes : et pourtant le meilleur moyen de rétablir en soi l’équilibre, ce serait d’y faire une part à autrui. […] L’analyse de soi n’a de valeur qu’en tant que moyen de se dépasser soi-même, de se projeter en quelque sorte dans ce monde qui nous enveloppe, de le découvrir enfin, fût-ce en la plus infime mesure. […] Si bien que l’art est à la fois un moyen de hâter la civilisation et un moyen de la retarder en y maintenant une certaine barbarie. […] Une dame qui paye une robe 2 500 francs ôte à la société près de deux ans de travail utile aux taux actuels ; elle a fait travailler, mais en vain, comme un propriétaire qui aurait le moyen de faire bâtir régulièrement chaque année un palais qu’il brûlerait au bout de quinze jours.

158. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « III — Bossuet et la France moderne »

Lorsqu’il n’était encore que grand archidiacre de Metz, il s’opposait déjà par tous les moyens à ce que les Réformés pussent faire aboutir les plus modestes et les plus légitimes de leurs vœux. […] Emprisonnements, spoliations, persécutions, tels sont les moyens évangéliques de conversion dont se sert l’évêque de Meaux. […] Impuissant à persuader par les seuls moyens d’oppression morale dont il dispose, le pouvoir religieux fait appel aux pouvoirs civils. […] Le double caractère de fourberie et de violence des « conseillers secrets » apparaît bien dans cette duplicité des moyens de conversion.‌ […] C’est pourquoi je trouve bien naïve la duplicité des historiens d’Église, qui devraient avouer franchement, si la franchise leur était permise, qu’en cette circonstance comme en tous temps, l’Église ne fut arrêtée par aucun scrupule et ne recula devant aucun moyen pour imposer sa domination.

159. (1889) Essai sur les données immédiates de la conscience « Chapitre I. De l’intensité des états psychologiques »

Il est incontestable qu’une sensation plus intense de lumière est celle qui a été obtenue ou qui s’obtiendrait au moyen d’un plus grand nombre de sources lumineuses, supposées à la même distance et identiques entre elles. […] Ainsi l’art vise à imprimer en nous des sentiments plutôt qu’à les exprimer ; il nous les suggère, et se passe volontiers de l’imitation de la nature quand il trouve des moyens plus efficaces. […] Nous n’avons guère d’autre moyen pour comparer entre eux plusieurs plaisirs. […] Toutefois, avec ces sensations dites moyennes, nous abordons une série d’états psychiques dont l’intensité doit avoir une signification nouvelle. […] La différence n’est donc pas aussi considérable qu’on le croit entre la méthode des modifications minima et celle des graduations moyennes, entre la psychophysique de Fechner et celle de M. 

160. (1932) Les deux sources de la morale et de la religion « Remarques finales. Mécanique et mystique »

Nous serions embarrassé pour répondre, si nous devions fournir un moyen de recherche applicable automatiquement. […] Mais peut-être s’est-elle déjà ménagé des moyens de le faire. […] Ainsi devient possible le progrès, malgré l’oscillation ou plutôt au moyen d’elle, pourvu qu’on en ait le souci. […] Le corps est bien pour nous un moyen d’agir, mais c’est aussi un empêchement de percevoir. […] Mais, qu’on opte pour les grands moyens ou pour les petits, une décision s’impose.

161. (1922) Durée et simultanéité : à propos de la théorie d’Einstein « Chapitre VI. L’espace-temps à quatre dimensions »

Je le veux bien, en ce sens qu’il n’y a aucun moyen de traduire mathématiquement la différence entre les deux. […] En y regardant de près, on verrait que la méthode de l’architecte est le seul moyen effectif de composer le tout, c’est-à-dire de le faire ; les autres, en dépit de l’apparence, ne sont que des moyens de le décomposer, c’est-à-dire, en somme, de le défaire ; il y en a donc autant qu’on voudra. […] Il nous a paru que c’était le meilleur moyen d’analyser l’opération par laquelle l’Espace s’additionne au Temps et le Temps à l’Espace dans la théorie de la Relativité. […] Il n’y a pas d’autre moyen d’indiquer les implications spatiales et temporelles de l’une et de l’autre. […] C’est ce que nous exprimions sous une autre forme (p. 57 et suiv.) quand nous disions que la science n’a aucun moyen de distinguer entre le temps se déroulant et le temps déroulé.

162. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre second. De la sagesse poétique — Chapitre III. De la logique poétique » pp. 125-167

. — Ceci nous donne un moyen de juger du temps où les métaphores furent introduites dans les langues. […] Socrate, père de toutes les sectes philosophiques, introduisit la dialectique par l’induction, et Aristote la compléta avec le syllogisme, qui ne peut prouver qu’au moyen d’une idée générale. […] Ceux qui désespéraient de trouver cette origine, devaient toujours ignorer que les premières nations ont pensé au moyen des symboles ou caractères poétiques, ont parlé en employant pour signes les fables, ont écrit en hiéroglyphes, principes certains qui doivent guider la philosophie dans l’étude des idées humaines, comme la philologie dans l’étude des paroles humaines. […] Le langage épistolaire [ou alphabétique], que l’on est convenu d’employer comme moyen de communication entre les personnes éloignées, dut être parlé originairement chez les Égyptiens, par les classes inférieures d’un peuple qui dominait en Égypte, probablement celui de Thèbes, dont le roi, Ramsès, étendit son empire sur toute cette grande nation. […] Maintenant encore, au milieu de tant de moyens d’apprendre à parler, ne voyons-nous pas les enfants, malgré la flexibilité de leurs organes, prononcer les consonnes avec la plus grande peine.

163. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Le duc de Rohan — II » pp. 316-336

Mais les armes une fois prises, il ne les dépose que lorsqu’il n’y a plus moyen de prolonger la lutte, et il n’est pas d’expédients qu’il n’emploie pour obliger les siens à l’imiter, à le suivre jusqu’au bout. […] La conclusion de Richelieu est que « tant que les huguenots auront le pied en France, le roi ne sera jamais le maître au dedans, ni ne pourra entreprendre aucune action glorieuse au dehors » ; qu’il n’y a pas moyen de faire deux affaires considérables à la fois ; que le mal interne, fût-il moindre en soi, est le pire et celui auquel il faut avant tout pourvoir. […] Bref, et comme on l’a vu par le récit deRohan, après la défaite de Soubise en l’île de Ré, la paix se fit, mais non pas telle tout à fait que Rohan se plaît à le dire : le cardinal sans doute, sachant bien « que toute la prudence politique ne consiste qu’à prendre l’occasion la plus avantageuse qu’il se peut de faire ce qu’on veut », et sentant que les grandes et diverses affaires que le roi avait pour lors sur les bras ajournaient plus ou moins cette occasion, dissimula et laissa croire aux réformés qu’il ne leur était pas un irréconciliable adversaire : « Car ce faisant, dit-il, il avait moyen d’attendre plus commodément le temps de les réduire aux termes où tous sujets doivent être en un État, c’est-à-dire de ne pouvoir faire aucun corps séparé et indépendant des volontés de leur souverain. » Toutefois, par ce traité du 5 février 1626, le roi, déjà plus roi qu’auparavant, donnait la paix à ses sujets et ne la recevait pas ; et, du côté de La Rochelle expressément, il se réservait le fort Louis comme une citadelle ayant prise sur la ville, et les îles de Ré et d’Oléron comme deux autres places « qui n’en formaient pas une mauvaise circonvallation ». […] L’honneur de Richelieu est de l’avoir senti avec une énergie ardente et un indomptable génie d’exécution : le malheur de Rohan, celui de sa position, est de n’avoir pu le sentir, d’avoir été l’allié naturel et comme nécessaire de l’étranger, de quiconque était alors l’ennemi de la patrie, d’avoir continué de penser là-dessus comme un seigneur féodal en retard, devenu républicain par rencontre, et qui, en vue d’une conviction religieuse particulière, usait de tous les moyens de défense, sans se douter de ce qu’il allait choquer au sein de cet autre sentiment moral et religieux aussi, de ce sentiment patriotique, tout à l’heure universel. […]  » Envoyée prisonnière à Niort, on essaya d’agir sur elle dans le cours de l’année suivante pour lui faire écrire à M. de Rohan de rentrer dans le devoir ; on mit en avant des tiers, qui, sans employer le nom du roi, l’exhortaient comme d’eux-mêmes et comme s’ils étaient mus par la seule considération de son intérêt et de celui de ses enfants : « Mais cette femme maligne jusques au dernier point, dit Richelieu, ne voulut jamais condescendre à s’y entremettre par lettres, disant pour prétexte que ce n’était pas un moyen assez puissant et qu’il fallait qu'elle y allât elle-même, ce que Sa Majesté refusa, sachant qu’elle ne le désirait que pour rendre le mal plus irrémédiable, et affermir son fils et ceux de son parti dans la rébellion jusqu’à l’extrémité. » Telle était cette mère invincible, qui portait dans la défense de sa foi l’âme des Porcia, des Cornélie, et des anciens Romains.

164. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Mémoires et correspondance de Mallet du Pan, recueillis et mis en ordre par M. A. Sayous. (2 vol. in-8º, Amyot et Cherbuliez, 1851.) — I. » pp. 471-493

L’inconsistance, l’inconséquence des mesures, toute cette série de légèretés et de témérités, de coups d’État impuissants, qui amenèrent la convocation des États généraux, est vivement présentée par Mallet : Point de combinaison sur les moyens de faire réussir l’opération, dit-il à propos du lit de justice qui suspendit les parlements (8 mai 1788) ; rien qu’un espoir trompé de diviser, de corrompre et d’obtenir la Grand’Chambre, le Châtelet, etc. […] Le maréchal de Castries, du côté des princes, frères du roi, lui écrivait : « J’ai vu l’impression que vos écrits faisaient sur tous les bons esprits… Il est temps de parler à la nation et de l’éclairer. » Mallet reprit la plume pour parler non à la nation, qui, à cette date, avait peu de liberté d’oreille et d’entendement, mais aux chefs des cabinets et à ceux de l’émigration, pour les éclairer, s’il se pouvait, sur ce qui, selon lui, était raisonnable et nécessaire ; car il ne voyait plus qu’un moyen de mener à bien cette grande « guerre sociale », comme il l’appelait : c’était d’en faire une guerre à la Révolution seule, à la Convention qui résumait en elle l’esprit vital de la Révolution, non à la France. […] Elle développe cet amour de la domination qui forme le second instinct de l’homme ; rendez-lui aujourd’hui l’indépendance, demain il l’aimera comme moyen d’autorité, et, une fois soustrait à la puissance des lois, son premier besoin sera de l’usurper. — « Il est de l’essence de la démocratie, pense-t-il encore, d’aller toucher le pôle tant qu’aucun obstacle ne l’arrête. » Analysant avec une force de dissection effrayante les idées fausses, vagues, les sophismes de divers genres qui ont filtré dans toutes les têtes au milieu d’une nation amollie et de caractères déformés par l’épicuréisme, Mallet du Pan montre comment on n’a jamais opposé au mal que des moyens impuissants et des espérances dont se berçait la présomption ou la paresse : « Cependant on s’endormait sur des adages et des brochures : Le désordre amène l’ordre, disaient de profonds raisonneurs ; l’anarchie recomposera le despotisme. — La démocratie meurt d’elle-même ; la nation est affectionnée à ses rois. » C’est surtout aux émigrés, on le sent, qu’il parle ainsi ; et, tandis que les partis se nourrissaient de leurs illusions et de leurs rêves, les Jacobins seuls marchaient constamment au but : « Les Jacobins seuls formaient une faction, les autres partis n’étaient que des cabales. » Et il montre en quoi consiste cette faction, son organisation intérieure, son affiliation par toute la France, ses moyens prompts, redoutables, agissant à la fois sur toutes les mauvaises passions du cœur humain. […] Or, ces alliances au cœur de la France, il n’y a, selon lui, qu’un moyen, qu’une chance de les provoquer, c’est de déclarer bien haut et avec franchise que la cause qu’on soutient énergiquement par les armes n’est pas celle des rois, mais celle de tous les peuples, et de la France la première avant tous les autres.

165. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Franklin. — I. » pp. 127-148

Indiquant un moyen d’économie pour avoir toujours de l’argent dans sa poche, moyen qui consiste, indépendamment du conseil fondamental du travail et de la probité, « à dépenser toujours un sou de moins que le bénéfice net », il ajoute : Par là ta poche si plate commencera bientôt à s’enfler et n’aura plus jamais à crier qu’elle a le ventre vide. […] Après avoir donné quelques articles dans le journal déjà existant à Philadelphie, il ne tarda pas à avoir lui-même sa gazette, dont il était l’imprimeur, et à disposer ainsi des principaux moyens d’influence et de civilisation dans la ville et dans la province. […] Parmi ses moyens d’action, il faut mettre les Almanachs qu’il publia, à partir de 1732, sous le nom de Richard Saunders, autrement dit le Bonhomme Richard. […] Franklin imagina un moyen de le gagner sans sollicitation ni bassesse, et ce moyen, ce fut de se faire rendre un petit service par lui : Ayant appris, dit-il, qu’il avait dans sa bibliothèque un certain livre très rare et curieux, je lui écrivis un mot où je lui exprimais mon désir de parcourir ce volume, et où je demandais qu’il me fît la faveur de me le prêter pour peu de jours : il me l’envoya immédiatement, et je le lui renvoyai au bout d’une semaine avec un autre billet qui lui exprimait vivement ma reconnaissance pour cette faveur.

166. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome I « Bibliotheque d’un homme de goût. — Chapitre VI. Des Livres qui traitent de la Rhétorique. » pp. 294-329

Ensuite quand le cœur & l’esprit du disciple sont assez formés, il lui ouvre les trésors de la Rhétorique, il lui en découvre la nature, la fin & les moyens. […] Mais ces traits déliés ne sont que trop communs dans notre siécle, & loin de nous donner le moyen de faire un amas de fleurs, sous lesquelles le goût se perd, il faudroit plûtôt nous apprendre l’art d’être simple. […] On embrasse ici ces deux objets, parce que le Poëte & l’Orateur, (ainsi qu’on l’observe) n’ayant tous deux que le même but, celui de plaire, de toucher, d’instruire, ils ne différent que dans la maniere d’employer les moyens qui leur sont communs : mais la poétique n’est pas longue, parce qu’on se propose moins de former des Poëtes que des lecteurs éclairés. […] Elle trouve plus aisément l’art d’intéresser le sentiment, l’art d’étonner l’imagination ; elle présente de plus grands moyens à celui qui parle ; elle étale de plus grands objets à ceux qui écoutent. […] Quelque différens que soient l’objet du comédien & celui du Prédicateur, comme ils les remplissent par les mêmes moyens, peuvent servir au vice & à la vertu, je crois pouvoir consseiller à ceux qui se destinent à la chaire la lecture du Livre de M.

167. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre XI : M. Jouffroy moraliste »

Puisque chaque être a sa fin, la création, qui n’est que l’ensemble des êtres, a sa fin ; « et les fins particulières de tous les êtres qui peuplent et composent l’univers ne sont que des moyens divers qui concourent à l’accomplissement de cette fin totale et suprême. » — « Ce concours des fins éparses aspire à un but unique, celui-là même que Dieu s’est proposé en laissant échapper l’univers de ses mains. » Jusqu’ici les conceptions et les déductions qu’on vient de lire ne sont que spéculatives ; la remarque suivante les rend pratiques ; elles n’étaient que des œuvres de science, elles deviennent des ressorts d’action. […] Jouffroy n’a pas fait, analyser le mot douteux au moyen d’exemples ; il n’y a point de terme ambigu qui, sous cette torture, ne découvre sa double face et ne ruine la fiction qu’il soutient. […] Conservons précieusement le sens exact que les exemples particuliers ont attribué au mot destinée ; par ce moyen, tout s’éclaire. […] Vous désirez ces choses pour elles-mêmes, non comme des moyens, mais comme une fin. […] On peut donc dire que la plante tend à se nourrir, et que la nutrition n’est point pour elle un moyen, mais une fin.

168. (1911) La valeur de la science « Deuxième partie : Les sciences physiques — Chapitre V. L’Analyse et la Physique. »

Parmi les personnes qui font cette question, je dois faire une distinction ; les gens pratiques réclament seulement de nous le moyen de gagner de l’argent. […] Mais il y a plus : ces deux buts sont inséparables et le meilleur moyen d’atteindre l’un c’est de viser l’autre, ou du moins de ne jamais le perdre de vue. […] La série de Fourier est un instrument précieux dont l’analyse fait un usage continuel, c’est par ce moyen qu’elle a pu représenter des fonctions discontinues ; si Fourier l’a inventée, c’est pour résoudre un problème de physique relatif à la propagation de la chaleur. […] IV Mais ce n’est pas tout ; la physique ne nous donne pas seulement l’occasion de résoudre des problèmes ; elle nous aide à en trouver les moyens, et cela de deux manières.

169. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « XI »

Nous le conseillons comme un « exercice de gymnastique littéraire momentané », destiné seulement à « former l’esprit littéraire ». « Il n’a de valeur, disions-nous, que comme moyen de métier et n’est pas un but par lui-même. […] Nous le remercions infiniment, cet excellent critique, de vouloir bien nous révéler que l’art d’écrire exige un labeur effroyable, après que nous avons consacré 300 pages à indiquer cet effroyable labeur, ce qui, par parenthèse, ne me semble pas le meilleur moyen de démontrer qu’« un grimaud peut devenir un Chateaubriand ».‌ […] C’est le seul moyen d’être original.

170. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « XV »

En principe, il a raison, et il est parfaitement entendu qu’à tout écrivain de moyen ordre, c’est-à-dire à quatre-vingt-dix-neuf sur cent, c’est-à-dire à quasi nous tous, je donnerai très exactement le même conseil. »‌ Je pourrais m’arrêter là. […] Nous avons seulement conseillé à chacun de refaire son style, selon ses moyens et ses aptitudes, jusqu’à ce qu’on en soit satisfait, et je crois que, dans cette mesure, le conseil peut s’appliquer à tout le monde. […] En principe, il a raison et il est parfaitement entendu qu’à tout écrivain de moyen ordre, c’est-à-dire à quatre-vingt-dix-neuf sur cent, c’est-à-dire à quasi nous tous, je donnerai très exactement le même conseil. » Nous voilà donc d’accord, et ceci est bien la conclusion, non seulement de M. 

171. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre quatrième. Du cours que suit l’histoire des nations — Chapitre III. Trois espèces de jurisprudences, d’autorités, de raisons ; corollaires relatifs à la politique et au droit des Romains » pp. 299-308

Trois espèces de raisons La première est la raison divine, dont Dieu seul a le secret, et dont les hommes ne savent que ce qui en a été révélé aux Hébreux et aux Chrétiens, soit au moyen d’un langage intérieur adressé à l’intelligence par celui qui est lui-même tout intelligence, soit par le langage extérieur des prophètes, langage que le Sauveur a parlé aux apôtres, qui ont ensuite transmis à l’église ses enseignements. […] Ainsi les faits nous apparaissent tellement séparés de leurs causes, que Bodin, jurisconsulte et politique également distingué, montre tous les caractères de l’aristocratie dans les faits que les historiens rapportent à la prétendue démocratie des premiers siècles de la république. — Que l’on demande à tous ceux qui ont écrit sur l’histoire du Droit romain, pourquoi la jurisprudence antique, dont la base est la loi des douze tables, s’y conforme rigoureusement ; pourquoi la jurisprudence moyenne, celle que réglaient les édits des préteurs, commence à s’adoucir, en continuant toutefois de respecter le même code ; pourquoi enfin la jurisprudence nouvelle, sans égard pour cette loi, eut le courage de ne plus consulter que l’équité naturelle ? […] Dans le temps où le genre humain était encore extrêmement farouche, et où la religion était le seul moyen puissant de l’adoucir et de le civiliser, la Providence voulut que les hommes vécussent sous les gouvernements divins, et que partout régnassent des lois sacrées, c’est-à-dire secrètes, et cachées au vulgaire des peuples.

172. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — B — article » pp. 227-229

Il commence par examiner quelle est la nature des Arts, quelles en sont les parties & les différences essentielles ; il fait voir ensuite que leur unique but ne tend qu’à cette imitation nécessaire, & qu’ils ne different entre eux que par les moyens qu’ils emploient pour y arriver. […] Après cela, il entre dans la définition du goût, il en expose les sources, il développe les moyens propres à le former & à l’entretenir, il découvre les vices qui l’affoiblissent & le corrompent ; & de tous ces articles il forme une chaîne de preuves qui le ramenent à son principe général, l’imitation.

173. (1769) Les deux âges du goût et du génie français sous Louis XIV et sous Louis XV pp. -532

Il n’écrivit que d’après lui-même, sûr moyen de peindre au moins quelque chose. […] Il restait la terreur, autre moyen non moins puissant que les deux premiers. […] On a senti que parler aux yeux était un moyen de plus pour arriver à l’ame. […] On a fait encore depuis un plus ample usage de ce moyen. […] Il est infiniment plus borné dans ses moyens.

174. (1884) Les problèmes de l’esthétique contemporaine pp. -257

La beauté a été assez rarement un moyen de rapprocher et d’unir ses divers amants. […] L’imitation du laid n’est donc pour l’art humain qu’un moyen nécessaire, un procédé ; ce n’est pas son but dernier et définitif. […] En moyenne, un être est d’autant plus moral qu’il est plus capable de ressentir profondément une émotion esthétique. […] Lorsque plusieurs vers se suivaient, il fallait trouver un moyen de les distinguer nettement les uns des autres, et pour cela de marquer avec insistance le temps fort de la douzième syllabe ; la rime était ce moyen. […] Ou de tout autre moyen de mettre une fin...

175. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — S. — article » pp. 210-213

Tous les honnêtes gens qui se sont récriés contre l'abus qu'il fait de son crédit, en réfutant si brusquement son Censeur, ne savoient pas assez peut-être qu'un homme dont le sang est plus bouillant que le génie, est sujet à confondre les moyens de défense. […] Mais le moyen d'en douter ?

176. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — T. — article » pp. 392-394

« Forcé par la fortune à être avare de mon temps, je suis souvent réduit à le consacrer à ces hommes qui, nés avec plus de fortune que de talent, aspirent à la gloire littéraire, quoique la Nature leur ait refusé les moyens d’en acquérir. […] Le moyen d’y parvenir, est de tendre à la perfection, de ne s’attacher qu’au genre pour lequel on a des dispositions plus marquées ; & nous ne craignons pas d’assurer, que M.

177. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Mémoires pour servir a l’histoire de mon temps. Par M. Guizot »

Le propre des doctrinaires est d’estimer assez peu le commun du monde et la moyenne des esprits ; leur inhabileté dans la pratique est de le laisser voir : leur inconséquence (je parle des doctrinaires de seconde venue, non pas de M. Royer-Collard) est d’avoir voulu, d’avoir espéré gouverner précisément par cette moyenne des esprits qu’on dédaignait et qui s’apercevaient du dédain. […] de ces diverses qualités et conditions, réputées par lui essentielles dans un homme de gouvernement, la seconde, la fécondité de l’esprit, lui a manqué ; il n’a su que résister avec une obstination magnifique, sans varier les moyens, sans trouver les ressources ou les expédients. […] Molé sans garanties suffisantes), à mes impressions personnelles, à l’insistance du roi, à l’urgence de la situation, et aussi à une disposition de ma nature qui est d’avoir trop de facilite à accepter ce qui coupe court aux difficultés du moment, trop peu d’exigence quant aux moyens et trop de confiance dans le succès. » Il est curieux, en le lisant, de remarquer comme ces formes de phrases se reproduisent involontairement sous sa plume : « J’ai la confiance de croire, etc. […] Guizot, qu’il en cherche évidemment l’emploi et les occasions, et qu’à propos des morts de chaque année qu’il passe en revue, il trouve moyen de jeter le filet sur des noms qu’il ne rencontrerait pas directement dans son chemin : on ne se plaint pas du hors-d’œuvre.

178. (1914) Enquête : L’Académie française (Les Marges)

Donc, par le moyen de ces prix, l’Académie exerce-t-elle une influence ? […] Considérée dans son ensemble, elle représente aujourd’hui, comme autrefois, la moyenne de l’esprit et de la culture en France ; et son prestige — il faut bien l’avouer — n’a jamais été si grand dans l’Europe entière, comme en notre temps. […] La majorité des quarante académiciens s’offre impeccable, de style correct, d’idées moyennes, d’opinions orthodoxes, de respect aux lois, et de soumission aux religions courantes. […] Il faut se sentir bien humble en vérité pour se juger honoré par les honneurs, surtout lorsqu’on est à l’abri des moyennes spéculations vaniteuses et mercantiles. […] Elle représente la moyenne de l’esprit et de la culture, et son niveau intellectuel semble constant.

179. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Franklin. — II. (Suite.) » pp. 149-166

Après son arrivée en Angleterre, il fut consulté sur cette guerre du Canada et sur les moyens de la mieux conduire. […] Pitt, ministre, qui était alors un personnage trop considérable et peu accessible, mais il communiqua avec ses secrétaires, et ne cessa d’insister auprès d’eux sur la nécessité et l’urgence d’enlever à la France le Canada, indiquant en même temps les voies et moyens pour y réussir. […] La science chez lui est inventive, et il la rend familière : « Un singulier bonheur d’induction, a dit sir Humphry Davy, guide toutes ses recherches, et par de très petits moyens il établit de très grandes vérités. » Il ne se retient point dans ses conjectures et dans ses hypothèses, toutes les fois qu’il s’en présente de naturelles à son imagination, et il s’en est permis de fort hardies pour l’explication de certains grands phénomènes de la nature, mais sans y attacher d’autre importance que celle qu’on peut accorder à des conjectures et à des théories spéculatives. […] Toutes les maladies pourront, par des moyens sûrs, être prévenues ou guéries, sans excepter même celle de la vieillesse, et notre vie s’allongera à volonté, même au-delà de ce qu’elle était avant le Déluge. […] — N’y a-t-il aucun moyen de les obliger à annuler leurs résolutions ?

180. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « I »

Elle est originale et, s’il la conduit avec méthode, elle peut être singulièrement féconde. »‌ Quand on enseigne l’art d’écrire, cela veut donc dire simplement qu’on enseigne à ceux qui en ont les dispositions l’art de développer leur talent, le moyen de l’exploiter et de le mettre en œuvre. […] La prétention était forte en effet ; mais le peut-on davantage en cent leçons et fallait-il faire une moyenne ? […] Le seul moyen de confondre nos adversaires était de continuer la démonstration. […] Ils croient écrire sans reproche parce qu’ils écrivent sans peine, et, prenant l’absence d’effort pour un signe d’inspiration, ils refusent d’en avoir le démenti ; il n’y a vraiment pas moyen de leur en vouloir. […] L’antinomie existe ; elle est très claire, et ce qu’il y a de pis, c’est qu’il n’y a pas moyen de la résoudre, et, comme le dit M. 

181. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Mémoires de Malouet (suite et fin.) »

Il n’y eut pas moyen d’entendre ce qu’il ajoutait, en tremblant, que l’Assemblée serait peut-être étonnée des censures que l’auteur mêlait à ses hommages. […] « J’ai dû vous paraître bien jeune, me dit-il, mais je vous assure que j’ai beaucoup vieilli depuis quelques mois. » Je lui répondis qu’en effet je le croyais maintenant arrivé à la maturité de l’âge dont il lui restait la vigueur ; qu’il était temps d’en faire un bon usage, et qu’il en avait les moyens. […] La révision des décrets nous en donnera les moyens, si le côté droit veut y prendre part sans humeur, sans enflammer le côté gauche par une opposition absolue, si enfin vous voulez reconnaître franchement les points principaux de la Constitution. […] Dès qu’il vit un régime régulier établi en France et dès le temps même du Directoire, il ne craignit pas d’engager tous ceux qui avaient espoir et moyen de se rapatrier, surtout les jeunes gens, à faire les démarches nécessaires ; à plus forte raison le leur conseillait-il dès les premiers jours du Consulat. […] » — « Oui, Sire, repartit le caustique et intéressé ministre, mais il en a encore plus en Angleterre. » De telles paroles distillées à propos dans le tuyau de l’oreille laissent leur impression durable, indélébile. — Nommé commissaire général de la marine à Anvers, puis préfet maritime, Malouet, pendant sept années, exécuta avec des moyens bornés de grandes choses, et dévora en secret plus d’une amertume102.

182. (1892) Boileau « Chapitre II. La poésie de Boileau » pp. 44-72

Pour être juste, il faut tenir compte de la différence des temps, et ne pas chicaner un écrivain sur les moyens d’expression qu’il a choisis, quand on n’en connaissait pas d’autres de son temps. […] Césures déplacées, enjambements alors hardis, tous ces moyens d’assouplir le vers et d’en tirer des effets variés lui sont connus, et il les emploie. […] Quant à la peindre en réaliste, pour étaler à nos yeux la richesse des couleurs et la singularité des formes sans en faire les manifestations d’une âme, il lui eût fallu des moyens d’expression que la versification et la langue d’alors ne mettaient pas à sa disposition. […] L’auteur connaît bien ce monde-là, et je n’en veux qu’une preuve, le moyen très ecclésiastique par lequel le trésorier s’assure la victoire. […] Les Satires et les Épîtres étaient des morceaux bien écrits, bien pensés, selon les idées moyennes du siècle.

183. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre IV. Les tempéraments et les idées (suite) — Chapitre IV. Le patriarche de Ferney »

C’est l’occasion pour lui d’écrire un Traité sur la Tolérance (1763) : mais ce livre même n’est qu’un moyen de frapper l’opinion et les juges. […] Les moyens ordinaires de Voltaire, c’est ce qu’il appelle les rogatons, les petits pâtés, les brochures de quelques pages. […] Le culte de Voltaire Les écrits imprimés de Voltaire ne nous donnent qu’un des aspects, un des moyens de sa prodigieuse influence : par eux s’exerce sa souveraineté sur le public. […] La littérature, à mesure que Voltaire avançait en âge, n’a de plus en plus été pour lui qu’un moyen. […] C’est bien Voltaire qui a tué chez nous la religion : il a révélé à la masse des esprits moyens qu’ils n’avaient pas besoin de croire, qu’ils ne croyaient que mécaniquement, par préjugé, habitude et tradition : et c’était vrai.

184. (1911) La valeur de la science « Troisième partie : La valeur objective de la science — Chapitre X. La Science est-elle artificielle ? »

Il n’y a pas moyen d’échapper à ce dilemme ; ou bien la science ne permet pas de prévoir, et alors elle est sans valeur comme règle d’action ; ou bien elle permet de prévoir d’une façon plus ou moins imparfaite, et alors elle n’est pas sans valeur comme moyen de connaissance. […] À mes yeux au contraire, c’est la connaissance qui est le but, et l’action qui est le moyen. Si je me félicite du développement industriel, ce n’est pas seulement parce qu’il fournit un argument facile aux avocats de la science ; c’est surtout parce qu’il donne au savant la foi en lui-même et aussi parce qu’il lui offre un champ d’expérience immense, où il se heurte à des forces trop colossales pour qu’il y ait moyen de donner un coup de pouce. […] Ces erreurs sont de deux sortes, les unes sont accidentelles et je les corrigerai en prenant la moyenne ; les autres sont systématiques et je ne pourrai les corriger que par une étude approfondie de leurs causes. […] Il est clair que si les lois se réduisaient à cela, elles ne pourraient servir à prédire ; elles ne pourraient donc servir à rien, ni comme moyen de connaissance, ni comme principe d’action.

185. (1887) Discours et conférences « Rapport sur les prix de vertu lu dans la séance publique annuelle de l’Académie française »

Le monde est plein de gens singulièrement habiles à deviner ce qui mène à la fortune ; or jamais on n’a vu personne prendre la vertu comme une carrière avantageuse, comme un moyen de réussir. […] Sa force est dans les histoires qu’elle raconte avec une connaissance achevée des moyens de toucher la fibre populaire. […] M. l’abbé Carton a trouvé moyen, dans cette triste zone de la banlieue parisienne, de créer un véritable paradis, un asile propre, bien bâti, presque gai, où cinquante vieillards des deux sexes sont logés, chauffés, blanchis, habillés et nourris. […] Malgré sa pauvreté, elle trouva encore le moyen d’être charitable. […] Daubrée a jointe au dossier de Joachim Fontaine, constate que, malgré les précautions, chaque jour plus minutieuses, que prend l’administration, soixante mille tonnes de charbon coûtent en moyenne une existence d’homme.

186. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Monsieur de Broglie. » pp. 376-398

J’ai dit que M. de Broglie est un des esprits les plus originaux de ce temps-ci ; il l’est surtout dans la forme, dans la méthode et dans les moyens de démonstration qu’il emploie ; même quand il pense la même chose que tout le monde, quand il arrive aux mêmes conclusions, il y arrive ou s’y confirme par ses raisons à lui ; il a en tout ses raisons, vraies peut-être, subtiles quelquefois, ingénieuses toujours, et qui ne sont jamais du vulgaire : son aristocratie, s’il fallait en rechercher quelque trace en lui, se retrouverait par ce coin-là. […] Il apportait dans ces discussions une grande connaissance de la matière, la science de l’histoire, des rapprochements lumineux avec la législation anglaise, qu’il possédait à fond et dans les moindres particularités, un esprit véritablement législatif, qui ne s’en tient pas aux vues générales, mais qui se plaît à entrer dans le dispositif des lois, à en examiner le mécanisme, et qui invente au besoin des moyens et des ressorts nouveaux. […] Improvisateur véritable, il ne parle jamais qu’autant qu’il a quelque chose à dire ; il intervient dans les discussions ardues pour les éclairer, pour y introduire des idées nouvelles, pour y proposer des moyens spéciaux de solution. […] J’ai peu réfléchi, je l’avoue, sur les moyens qui étaient de nature à faire durer le dernier gouvernement ; mais je ne puis croire que les lois de septembre lui aient nui ; il est aujourd’hui plus que probable, ce me semble, qu’elles l’ont fait durer. […] Il fut pourtant encore de bien des choses publiques, commissaire du gouvernement pour régler avec le docteur Lushington les moyens d’arriver à l’extinction de la traite, et ambassadeur en Angleterre pendant les six derniers mois de la monarchie.

187. (1906) Les idées égalitaires. Étude sociologique « Deuxième partie — Chapitre I. La quantité des unités sociales : nombre, densité, mobilité »

Tandis que le Lancashire compte 707 habitants par kilomètre carré, et les Pays-Bas 307, la Russie n’atteint en moyenne que 17. […] S’il est vrai que c’est la quantité, la complexité et la variété des contacts sociaux qui nous importent, quel compte ne devons-nous pas tenir de la multiplication des moyens de transport et de communication ! […] Déjà, de la fin du siècle dernier jusqu’en 1850, la vitesse moyenne des voyages avait triplé : elle a plus que triplé depuis 1850, avec la locomotive. […] Et, de même que les aspirations et les idées économiques varient elles-mêmes suivant les modes de la production et de la distribution des richesses, de même, en vertu des réactions connues qu’exercent les moyens sur les fins, les transformations quantitatives des sociétés influeront, par les modes de gouvernement qu’elles leur imposent, jusque sur leurs aspirations et leurs idées politiques. […] À vrai dire, les voies et moyens de cette influence, il est souvent malaisé de les saisir ; mais que tout le monde ait de ses effets une conscience plus ou moins vague, les proverbes courants, les remarques banales, les conseils de la sagesse populaire suffiraient à le prouver.

188. (1868) Curiosités esthétiques « II. Salon de 1846 » pp. 77-198

L’effet produit sur l’âme du spectateur est analogue aux moyens de l’artiste. […] Dès lors il fallut recourir à d’autres moyens ; et il demanda aide et protection à la poésie. […] Chercher la poésie de parti pris dans la conception d’un tableau est le plus sûr moyen de ne pas la trouver. […] La sculpture a plusieurs inconvénients qui sont la conséquence nécessaire de ses moyens. […] Un tableau n’est que ce qu’il veut ; il n’y a pas moyen de le regarder autrement que dans son jour.

189. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre VII. De la littérature latine, depuis la mort d’Auguste jusqu’au règne des Antonins » pp. 176-187

On peut aussi manquer de goût, comme Juvénal, lorsqu’on essaie, par tous les moyens possibles, de réveiller l’horreur du crime dans une nation engourdie. […] Néanmoins, l’ignorance où l’on était alors de la découverte de l’imprimerie était favorable, à quelques égards, à la liberté d’écrire ; les livres étaient moins surveillés par le despotisme, lorsque les moyens de publicité étaient infiniment restreints. […] L’esclavage qui mettait une classe d’hommes hors des devoirs de la morale, le petit nombre des moyens qui pouvaient servir à l’instruction générale, la diversité des sectes philosophiques qui jetait dans les esprits de l’incertitude sur le juste et l’injuste, l’indifférence pour la mort, indifférence qui commence par le courage et finit par tarir les sources naturelles de la sympathie ; tels étaient les divers principes de la cruauté sauvage qui a existé parmi les Romains.

190. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre XVIII. Pourquoi la nation française était-elle la nation de l’Europe qui avait le plus de grâce, de goût et de gaieté » pp. 366-378

Dans les monarchies limitées, comme en Angleterre et en Suède, l’amour de la liberté, l’exercice des droits politiques, des troubles civils presque continuels, apprenaient aux rois qu’ils avaient besoin de rencontrer dans leurs favoris de certaines qualités défensives, apprenaient aux courtisans que même pour être préférés par les rois, il fallait pouvoir appuyer leur autorité sur des moyens indépendants et personnels. […] L’arbitraire dans le pouvoir n’excluant point alors la liberté dans les opinions, l’on sentait le besoin de se plaire les uns aux autres, et l’on multipliait les moyens d’y réussir. […] La flatterie qui sert à l’ambition exige beaucoup plus d’esprit et d’art que celle qui ne s’adresse qu’aux femmes : ce sont toutes les passions des hommes et tous leurs genres de vanité qu’il faut savoir ménager, lorsque la combinaison du gouvernement et des mœurs est telle, que les succès des hommes entre eux dépendent de leur talent mutuel de se plaire, et que ce talent est le seul moyen d’obtenir les places éminentes du pouvoir.

191. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Satire contre le luxe, à la manière de Perse » pp. 122-126

Satire contre le luxe, à la manière de Perse Vous jetez sur les diverses sociétés de l’espèce humaine un regard si chagrin, que je ne connais plus guère qu’un moyen de vous contenter ; c’est de ramener l’âge d’or… vous vous trompez. […] Il n’y eut plus de distinction entre les moyens d’acquérir. […] C’est par ce moyen qu’on nous restitue goutte à goutte ce sang dont nous sommes épuisés.

192. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « IV »

De tous les moyens recommandés pour former son originalité et son style, l’imitation est un si profitable exercice, d’un usage si universellement admis par les classiques, que je suis ébahi de voir des critiques nous blâmer de la conseiller. […] Il y a deux sortes d’imitations ; l’une est un exercice littéraire d’ordre privé, excellent moyen de former son style… L’autre, la vraie, est une imprégnation générale.‌ […] Nous n’avons jamais soutenu, d’ailleurs, qu’on doive toujours imiter ; nous prétendons seulement que l’imitation est un excellent moyen de formation et d’assimilation littéraire.‌

193. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Topffer »

Mort jeune encore, et lorsque la réputation commençait à lui venir, c’est un de ces talents distingués qui plaisent à la moyenne des âmes comme s’ils étaient vulgaires. […] Il n’est ni assez profond, ni assez élevé, ni assez original, — cette cause d’isolement parmi les hommes, — pour dépayser cette moyenne des esprits et des âmes qui font les succès immédiats et travaillent à la gloire d’un homme comme les ouvriers des Gobelins à leur morceau de tapisserie, — sans voir ce qu’ils font. […] Mais nous l’avons dit déjà, c’est par cette infériorité très réelle et que la Critique doit indiquer, que Topffer plaira davantage à cette moyenne d’âmes pour lesquelles il a écrit, et qui ne comprendraient rien d’ailleurs au troisième dessous du génie.

194. (1892) Boileau « Chapitre V. La critique de Boileau (Suite). Les théories de l’« Art poétique » (Fin) » pp. 121-155

Mais par surcroît les moyens employés pour représenter ces réalités négligeables ne sont point ceux qui en imposeraient la sensation aux gens mêmes qui n’en auraient point l’idée. […] Le plus simple, ce serait, sans doute, de tout tirer de l’opinion et de servir au public ce qu’on sait être dans la moyenne de ses idées et de son goût : mais ce serait se condamner à la médiocrité, à la banalité. […] — Enfin sur tous les héros de la légende et de l’histoire j’ai une idée ; mon voisin du parterre ou des loges en a une aussi, plus ou moins nette : et de toutes ces idées particulières se compose une opinion moyenne qui détermine les caractères, et que le poète doit éviter de choquer directement. […] Dans cette partie de l’art, l’invention individuelle ne peut se passer de l’étude : le génie doit avoir à son service une science technique qui lui permette d’élire toujours les moyens d’expression les plus sûrs et les plus puissants. […] Le soin qu’il a de distinguer les faux ornements, l’incessant rappel de l’art à la nature, les préceptes incessamment réitérés d’être simple, et de ne dire que ce qu’il faut, tout nous persuade que ce qu’il entend en somme par orner les choses, ce n’est que les exprimer par les moyens de l’art, et les couler dans la forme propre à chaque genre.

195. (1913) Le bovarysme « Quatrième partie : Le Réel — I »

On aperçut qu’il n’y a pas lieu de tenir rigueur à un pouvoir qui nous fait concevoir les choses autres qu’elles ne sont si, à vrai dire, les choses ne comportent pas une réalité fixe, et, dans la troisième partie de cette étude on reprit avec complaisance l’examen des diverses conceptions au moyen desquelles l’esprit, par la vertu de ce pouvoir de déformation, nous ouvre sur les choses les perspectives où nous les saisissons. […] Principe de toutes les autres conceptions bovaryques, la croyance en une vérité objective qui ne parvient jamais à se satisfaire intellectuellement, est comme toutes ces autres conceptions le moyen de quelque chose.

196. (1866) Cours familier de littérature. XXII « CXXIXe entretien. Fior d’Aliza (suite) » pp. 129-192

— Mon brave frère Hilario, m’a-t-il répliqué très sérieusement alors, c’est qu’on ne se sert de ce drôle de Nicolas del Calamayo que quand on a un mauvais coup de justice à faire ou une mauvaise cause à justifier par de mauvais moyens. […] Le chef des sbires n’est qu’un homme léger, débauché et corrompu, qui ne refuse rien à ses passions quand on lui offre les moyens de les satisfaire, mais qui, de sang-froid, ne ferait pas le mal si on ne lui présentait pas le mal tout fait. […] Hyeronimo, après avoir écouté leurs exhortations au repentir et leurs offres de prières, leur répondit avec reconnaissance, que le seul service qu’il eût à implorer d’eux, c’était la visite et les consolations du frère Hilario, qu’à lui il se confesserait, mais à aucun autre, et que s’ils voulaient son salut dans l’autre vie, c’était le seul moyen de le décider au repentir de ses fautes et à l’acceptation de son supplice. […] CCXXIX — Mais quel moyen ? […] Je me jetai tout habillée sur mon lit ; je fermai les yeux et je recueillis en moi toutes mes forces dans ma tête pour inventer le moyen de nous sauver ensemble ou de le faire sauver au dernier moment, en le trompant innocemment lui-même et en mourant pour lui toute seule.

197. (1911) La valeur de la science « Deuxième partie : Les sciences physiques — Chapitre VIII. La crise actuelle de la Physique mathématique. »

On a varié les moyens, enfin Michelson a poussé la précision jusqu’à ses dernières limites ; rien n’y a fait. […] Peu importe, puisque nous n’avons aucun moyen de nous en apercevoir. Tous les phénomènes qui se produiront en A par exemple seront en retard, mais tous le seront également, et l’observateur ne s’en apercevra pas puisque sa montre retarde ; ainsi, comme le veut le principe de relativité, il n’aura aucun moyen de savoir s’il est en repos ou en mouvement absolu. […] Si les charges électriques doublent, il serait naturel d’imaginer que les vitesses des divers atomes d’éther doublent aussi, et, pour la compensation, il faut que la vitesse moyenne de l’éther quadruple.

198. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Deuxième partie. Ce qui peut être objet d’étude scientifique dans une œuvre littéraire — Chapitre IV. Cause immédiate d’une œuvre littéraire. L’auteur. Moyens de le connaître » pp. 57-67

Moyens de le connaître Nous avons accompli une première étape ; nous avons relevé, classé les caractères qui distinguent une œuvre littéraire  ; nous sommes en possession d’un nombre considérable de faits scientifiquement constatés. […] Or il y a trois moyens de le connaître : 1° par son œuvre, 2° par sa biographie ; 3° par une observation directe et méthodique. […] Mais, au moyen des ressources que fournit la psychologie, on peut déjà esquisser le caractère d’un homme. […] Les morts se dérobent à de pareilles recherches, et il nous faut pour eux nous contenter des autres moyens d’enquête ci-dessus indiqués.

199. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Introduction. Le problème des idées-forces comme fondamental en psychologie. »

La distinction des phénomènes internes et des phénomènes externes n’est donc qu’une classification des conditions d’un seul et même phénomène en : 1° conditions représentables dans l’espace par le moyen de la vue et du tact, et 2° conditions non représentables dans l’espace. […] Ce dernier n’est pas un moyen terme interposé entre le réel du son et une modification purement psychique qui serait parallèle à cette réalité. […] Il ne porte pas en lui-même un but qui se maintienne identique et suscite de nouveaux moyens quand les anciens manquent. […] Tout est mécanique sous le rapport des changements dans l’espace ; mais la série des causes et effets n’en redevient pas moins, dès qu’on rentre dans l’être vivant pour y considérer la vie même, une série de moyens et de fins, avec une fin unique, le bien-être du vivant. Et le psychologue, venant après le physiologiste, trouve que la série des moyens est, en définitive, une explication plus profonde que la série mécanique des effets.

200. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Études de politique et de philosophie religieuse, par M. Adolphe Guéroult. »

Amis de l’ancien régime et partisans du droit divin, qui en étiez venus, en désespoir de cause, à préconiser le suffrage universel ; à qui (j’aime à le croire) la conviction était née à la longue, à force de vous répéter, et qui vous montrez encore tout prêts, dites-vous, mais moyennant, j’imagine, certaine condition secrète, à embrasser presque toutes les modernes libertés ; — partisans fermes et convaincus de la démocratie et des principes républicains, polémistes serrés et ardents, logiciens retors et inflexibles, qui, à l’extrémité de votre aile droite, trouvez moyen cependant de donner la main parfois à quelques-uns des champions les plus aigris de la légitimité ; — amis du régime parlementaire pur, et qui le tenez fort sincèrement, nonobstant tous encombres, pour l’instrument le plus sûr, le plus propre à garantir la stabilité et à procurer l’avancement graduel de la société ; — partisans de la liberté franche et entière, qui ne vous dissimulez aucun des périls, aucune des chances auxquelles elle peut conduire, mais qui virilement préférez l’orage même à la stagnation, la lutte à la possession, et qui, en vertu d’une philosophie méditée de longue main dans sa hardiesse, croyez en tout au triomphe du mieux dans l’humanité ; — amis ordinaires et moins élevés du bon sens et des opinions régnantes dans les classes laborieuses et industrielles du jour, et qui continuez avec vivacité, clarté, souvent avec esprit, les traditions d’un libéralisme, « nullement méprisable, quoique en apparence un peu vulgaire ; — beaux messieurs, écrivains de tour élégant, de parole harmonieuse et un peu vague, dont la prétention est d’embrasser de haut et d’unir dans un souple nœud bien des choses qui, pour être saisies, demanderaient pourtant à être serrées d’un peu plus près ; qui représentez bien plus un ton et une couleur de société, des influences et des opinions comme il faut, qu’un principe ; — vous tous, et j’en omets encore, et nous-mêmes, défenseurs dévoués d’un gouvernement que nous aimons et qui, déjà bon en soi et assez glorieux dans ses résultats, nous paraît compatible avec les perfectionnements désirables ; — nous tous donc, tous tant que nous sommes, il y a, nous pouvons le reconnaître, une place qui resterait encore vide entre nous et qui appellerait, un occupant, si M.  […] L’idée philosophique de Condorcet, le rêve ardent du progrès, cessait d’être une aspiration vague et presque chimérique : elle prenait corps, elle allait trouver son moyen d’exécution et son organe. […] Michel Chevalier a faite en sa qualité de président pour le Rapport du jury français sur l’Exposition de Londres en 1862, je suis frappé de la ressemblance et presque de l’identité des idées et du programme avec ces anciens articles du Globe qui pouvaient sembler comme un feu d’artifice continu : c’est la même pensée, c’est la même devise ; mais les moyens d’exécution sont autres et plus étudiés. […] Je ne refuse certes pas aux hommes de liberté cet humain et généreux souci ; mais le moyen chez eux est un principe sacré autant que le but. […] Guéroult plus d’une discussion de détail sur tel ou tel point de doctrine ou d’application, car il n’en est presque aucun sur lequel il n’y eût eu moyen, en y regardant de près, d’élever quelque doute, d’établir quelque réserve ou demi-dissidence ; mais j’ai mieux aimé présenter le côté par où se justifie l’estime et par où l’on se concilie.

201. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Seconde partie. De l’état actuel des lumières en France, et de leurs progrès futurs — Chapitre II. Du goût, de l’urbanité des mœurs, et de leur influence littéraire et politique » pp. 414-442

De tous les moyens qui peuvent déconcerter l’émulation des caractères élevés, le plus puissant est l’arme de la moquerie. […] Le bon goût dans le langage et dans les manières de ceux qui gouvernent, inspirant plus de respect, rend les moyens de terreur moins nécessaires. […] Il faut, malgré les différences qui existeront longtemps encore entre les deux nations, que les écrivains français se hâtent d’apercevoir qu’ils n’ont plus les mêmes moyens de succès dans l’art de la plaisanterie ; et loin de penser que la révolution leur ait donné plus de latitude à cet égard, ils doivent veiller avec plus de soin sur le bon goût, puisque la société et toutes les sociétés, confondues après une révolution, n’offrent presque plus de bons modèles, et n’inspirent pas ces habitudes de tous les jours, qui font de la grâce et du goût votre propre nature, sans que la réflexion ait besoin de vous les rappeler. […] Sans doute les premiers citoyens d’un état libre doivent avoir, dans le maintien, plus de gravité que les flatteurs d’un monarque ; mais l’exagération de la froideur serait un moyen d’arrêter l’essor de tous les mouvements généreux. […] Il importe de créer en France des liens qui puissent rapprocher les partis, et l’urbanité des mœurs est un moyen efficace pour arriver à ce but.

202. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Seconde partie. De l’état actuel des lumières en France, et de leurs progrès futurs — Chapitre VI. De la philosophie » pp. 513-542

En prenant la moyenne proportionnelle de dix années, l’on sait, à Berne, que tous les ans il se fait tant de divorces ; à Rome, que tous les ans il se commet tant d’assassinats ; et l’on ne se trompe point dans ce calcul. […] Le despotisme dispense de la science politique, comme la force dispense des lumières, comme l’autorité rend la persuasion superflue ; mais ces moyens ne peuvent être admis lorsqu’on discute les intérêts des hommes. […] Le despotisme ne peut donc être l’objet des calculs de l’entendement, l’examine ici les ressources naturelles que l’esprit humain possède pour éviter de s’égarer, tout en avançant dans sa marche ; et non les moyens d’abrutissement et de violence qui ne le préservent des erreurs qu’en arrêtant tous ses progrès. […] Il existe sûrement des moyens d’améliorer, par la réflexion et le calcul, la théorie même de la morale, d’indiquer de nouveaux rapports de délicatesse et de dévouement entre les hommes ; mais ces moyens, utiles lorsqu’on les considère comme accessoires, deviendraient insuffisants et funestes, si l’on prétendait les substituer au sentiment ; ils rétréciraient la sphère de la morale, au lieu de l’agrandir.

203. (1892) Boileau « Chapitre VII. L’influence de Boileau » pp. 182-206

On trouverait la juste expression du goût moyen et général de la bonne société, pendant le dernier tiers du xviie  siècle, dans Bussy-Rabutin et son cercle, tel que sa correspondance nous les montre. […] Voltaire, ici comme à tant d’autres égards, représente la moyenne des idées de son temps. […] Au lieu de les employer comme moyens d’où résulte la forme expressive et belle, l’idée d’agrément et de beauté s’attache à leur observance même ; un sec formalisme s’impose à la littérature, par une méprise analogue à celle de certains dévots qui croient gagner le ciel par des formules verbales et des actes physiques, sans l’élan du cœur et sans l’amour. […] Car si les règles sont des moyens, Boileau peut encore concéder qu’on y renonce pour mieux atteindre au but de l’art : mais aujourd’hui que le but, c’est précisément l’emploi des règles, il ne peut plus y avoir d’exception ni de privilège pour personne. […] Enfin la liberté règne dans l’art : toutes les barrières, tous les freins sont ôtés ; nuls objets ne sont interdits, nuls moyens prescrits à l’artiste, pourvu que le résultat de sa libre activité soit une œuvre vraie et une œuvre d’art.

204. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre IV. Les tempéraments et les idées (suite) — Chapitre VI, « Le Mariage de Figaro » »

Un abbé, une actrice de l’Opéra, une bourgeoise de province le consultent sur la façon et les moyens de régler leur vie. […] Ce maître intrigant, ce hardi brasseur d’affaires, peu scrupuleux sur les moyens, fut mêlé dans bien des scandales, et n’y parut jamais que comme dupe : c’est cela qui le relève ; et il le savait bien, le drôle, il avait assez d’esprit pour cela. […] La jolie Rosine triomphe sur Bartholo, mais elle triomphe aussi sur Lindor, le très noble comte Almaviva, qui va se tenir heureux d’épouser cette petite bourgeoise : Beaumarchais a suivi le conseil de Diderot, il a enveloppé les caractères dans les conditions, et il y a trouve le moyen de caresser les goûts philosophiques du public. […] Un franc comique jaillissait de l’action lestement menée à travers les situations comiques ou bouffonnes que le sujet contenait, des quiproquos, des travestis, de tous ces boni vieux moyens de faire rire, qui semblaient tout neufs et tout-puissants. […] Toute sorte de tons et de couleurs, la comédie, la farce, le drame, la satire se succèdent et se heurtent ; nous sommes cahotés de Scarron à Marivaux, de Diderot à Voltaire579, et sur cette incohérente profusion de tous les effets et moyens scéniques, surnage toujours la personnalité de l’auteur.

205. (1911) La valeur de la science « Troisième partie : La valeur objective de la science — Chapitre XI. La Science et la Réalité. »

Les effets que nos sens grossiers nous permettent d’observer sont les effets moyens, et dans ces moyennes, les grands écarts se compensent, ou tout au moins il est très improbable qu’ils ne se compensent pas ; de sorte que les phénomènes observables suivent des lois simples, telles que celle de Mariotte ou de Gay-Lussac. […] Et comment se fait cette déduction, c’est par le moyen des lois supposées connues. […] La sensation que j’appelle rouge est-elle la même que celle que mon voisin appelle rouge, nous n’avons aucun moyen de le vérifier. […] De même la science nous révèle entre les phénomènes d’autres liens plus ténus mais non moins solides ; ce sont des fils si déliés qu’ils sont restés longtemps inaperçus mais dès qu’on les a remarqués, il n’y a plus moyen de ne pas les voir ; ils ne sont donc pas moins réels que ceux qui donnent leur réalité aux objets extérieurs ; peu importe qu’ils soient plus récemment connus puisque les uns ne doivent pas périr avant les autres.

206. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Monsieur Droz. » pp. 165-184

L’auteur reconnaît très bien qu’on ne saurait réduire en art les moyens de former les grands hommes ; mais il croit qu’on pourrait porter très loin l’art de rendre les hommes bons. […] Au-dessous du génie, qui est le don unique de la nature, il est de nobles places encore, et Droz se plaît à les indiquer aux jeunes talents comme des degrés honorables dans lesquels ils peuvent se rendre utiles et mériter l’estime : « Et peut-être est-ce là le partage, ajoute-t-il, qu’il faut demander pour ceux dont on désire le bonheur ; avec plus de moyens on s’élève à bien des périls. » C’est ainsi que, dès les premiers pas, cette âme élevée et justement tempérée circonscrit elle-même la limite de son désir et marque d’avance son niveau. […] Avec La Rochefoucauld, avec l’abbé Galiani par exemple, quand il les lit, quand il les entend exprimer leurs principes et leurs maximes, il s’arrête, il se révolte, parce qu’ici il n’y a plus moyen d’hésiter et que l’intention s’accuse dans l’accent. […] L’Évangile, selon lui, était venu pour perfectionner et accomplir la loi de nature plutôt que pour la renverser ; il était venu apporter la paix et l’harmonie dans l’homme, plutôt que le glaive ; et ce sage aimable, en cela disciple de Fénelon, évitant les rochers et les précipices où d’autres vont se heurter, trouva moyen encore de passer par une route unie, et comme en continuant les sentiers fleuris de l’humaine sagesse, aux sentiers plus élevés d’où l’on entend avec le peuple et avec les disciples le divin sermon sur la montagne. […] L’idée qui a présidé à son Histoire est celle-ci : il y aurait eu moyen, si un homme éclairé et ferme s’était trouvé investi à temps du pouvoir, de régler la Révolution française, de l’empêcher de dégénérer en violence aveugle et en anarchie, et de la faire arriver au port avant d’avoir traversé et épuisé toutes les tempêtes.

207. (1898) Manuel de l’histoire de la littérature française « Livre III. L’Âge moderne (1801-1875) » pp. 388-524

Science et philosophie, dont elle n’a garde de médire, ne sont pour elle que des moyens dont le but est l’amélioration morale de l’humanité. […] On reconnaît, on avoue qu’au théâtre il faut que le moi se subordonne à quelque chose d’autre que lui-même ; et c’est comme si nous disions que le théâtre ne rentre en possession de ses moyens qu’en cessant d’être romantique. […] Nous avons depuis quatre cents ans, dans notre littérature et dans notre langue même, les moyens de travailler ensemble à la grandeur du nom français et au bien commun de l’humanité. […] — et qu’à vrai dire en changeant de moyens, — on pourrait presque soutenir qu’il n’a pas changé véritablement d’objet. […] Rédemption, 1849, et Dalila, 1853] ; — et comment il essaie de les concilier tous les deux par le moyen du romanesque [Cf. 

208. (1882) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Deuxième série pp. 1-334

Merveilleux moyen, à la vérité, pour renouveler les sujets ! […] Il n’est abondant que de moyens de rhétorique et de mots. […] D’Alembert faisait mieux encore, qui trouvait le moyen de faire agir pour lui le pouvoir contre les défenseurs de ce même pouvoir. […] Ce que je constate, c’est que, s’il a de l’esprit, il le sait, et qu’il écrit pour le montrer : mauvais moyen d’être naturel, mais moyen sûr d’être guindé. […] Quand les peintres pensent, il faut qu’ils pensent d’une façon à eux particulière, je veux dire qui leur est imposée par les moyens d’expression dont ils disposent, et qui ne sont pas, qui ne sauraient être les moyens d’expression de la littérature.

209. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 avril 1885. »

La musique pour Wagner, est un moyen, non une fin ; la fin est l’expression dramatique. […] Il doit avoir pour objet une communication immédiate, et publique des émotions, et pour moyen l’union entière et libre des trois arts aujourd’hui séparés. […] Dans le drame il avait vu, d’abord, un moyen d’arracher les auditeurs à leur vie quotidienne, pour leur donner la jouissance d’une vie plus complète, créée. […] Or, ces symboles recouvrent des vérités divines que la religion doit laisser cachées, mais qui doivent être interprétées à tous par le moyen de l’art. […] Le drame a besoin de montrer des faits ; et il doit les montrer par tous les moyens.

210. (1895) La science et la religion. Réponse à quelques objections

L’inconnaissable nous entoure, il nous enveloppe, il nous étreint, et nous ne pouvons tirer des lois de la physique ou des résultats de la physiologie aucun moyen d’en rien connaître. […] Un de ces moyens (d’atteindre et de réaliser l’union) est d’accepter sans arrière-pensée, avec cette loyauté qui convient au chrétien, le pouvoir civil, dans la forme où, de fait, il existe. […] — mais il y aura toujours, il y a toujours eu des moyens moraux d’atténuer ce que les conséquences de cette inégalité ont de plus troublant encore pour l’esprit que de douloureux pour le cœur. […] Admettons que, depuis le troisième ou le quatrième siècle, le christianisme se soit propagé, développé, soutenu par des moyens purement humains. […] L’auteur avait d’abord écrit d’une manière courante et comme habituelle : « … qui donnera son concours à ceux qui par tous les moyens combattront le nouveau concordat »; mais il s’est heureusement relu, et il a ajouté légitimes en surcharge : « … son concours à ceux qui par tous les moyens légitimes combattront le nouveau concordat ».

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