N’est-ce pas à ses dettes que César avait dû l’empire ? […] Bonaparte aspirait à l’empire ; la fortune l’autorisait à tout espérer, l’audace à tout prétendre. […] De tels crimes ne se conseillent pas, ils s’improvisent sous l’empire d’une passion ou d’une peur. […] L’empire était proclamé, et la guerre sous-entendue avec l’empire. […] L’empereur Alexandre débat avec M. de Caulaincourt, plus favori qu’ambassadeur de Napoléon, le partage de l’empire ottoman.
Examen critique de l’Histoire de l’Empire, par M. […] Un guerrier couvert de gloire peut fonder un empire, il ne saurait fonder une religion. […] Thiers, dans le livre suivant intitulé l’Empire. […] Thiers la nature humaine en osant l’empire et en réinstituant l’hérédité. […] S’il a applaudi au consulat à vie, pourquoi s’étonne-t-il de l’empire ?
Son récit entame et suit l’histoire de l’idée d’empire, de royauté et de dynastie, à partir d’Auguste : ses Prolégomènes remontent beaucoup plus haut et nous transportent du premier pas aux plateaux les plus reculés de la mystérieuse Asie. […] Au temps de l’empire, il fallut aux empereurs toutes sortes d’efforts et de dissimulation pour implanter, à l’encontre du sénat, quelque chose de l’idée et de l’habitude dynastique. […] L’idée de royauté cheminait donc et grandissait à travers le déclin de l’empire ; le christianisme la favorisait indirectement. […] Elle semblait pénétrer encore plus avant, plus au cœur de l’empire, avec les Goths et Théodoric ; mais les Goths, comme leur illustre chef, admirateurs, imitateurs du génie romain et de cette grandeur déchue, s’y fondirent et y absorbèrent leur originalité ; le Sicambre résista mieux. […] Ainsi la papauté confirme la royauté, cette royauté de seconde formation ; mais, pour ce qui est de l’empire, elle fait plus : la couronne impériale proprement dite, elle la confère et la décerne.
Histoire des cabinets de l’Europe pendant le Consulat et l’Empire, par M. […] Armand Lefebvre, qui fut, sous le premier Empire, un excellent secrétaire d’ambassade, et qui légua à son fils, avec son exemple et ses enseignements, une partie de son expérience. […] Premier secrétaire d’ambassade, en Italie d’abord, à Naples, à Florence, à Rome, puis en Allemagne, à Cassel près du roi Jérôme, et en dernier lieu à Berlin, il s’était trouvé mêlé à bien des épisodes dramatiques du Consulat et de l’Empire, et avait été un témoin clairvoyant, un agent fort apprécié dans son rôle modeste. […] Son Napoléon, tel qu’il l’avait conçu et qu’il l’avait vérifié par une longue étude, était d’un seul jet, et le Consulat, l’Empire, envisagés par lui dans leur continuité, offraient moins de déviations et d’écarts qu’on n’en suppose d’ordinaire. […] Il me reste à donner l’idée la plus nette que je pourrai de sa manière de comprendre le Consulat, l’Empire et Napoléon.
Pour peindre les mœurs de l’Empire, Μ. […] Un reproche plus juste, c’est trop de poudre de riz en ces romans, comme sur les épaules de l’Empire ; mais la poudre de riz de Μ. […] Or, si c’était cela, si Rolande exprimait les mœurs générales de son temps, ce serait écrasant pour l’Empire. […] Si leur Rolande veut exprimer une idée générale de son temps, si c’est là le type du genre de femmes qui furent les femmes de l’Empire, ah ! il faut avoir une cruelle et implacable misanthropie contre l’Empire, et, certes !
L’espérance est sortie et vole sur l’empire, les maux sont enchaînés. » On sait qu’au commencement du règne de Valens, Procope se révolta et prit la pourpre. […] Sais-tu pourquoi tu as mis cet ordre dans les finances de l’empire ? […] Instruit de ces détails, tu es monté sur le trône ; c’est pourquoi, comme si ce vaste empire n’était qu’une famille, tu vois d’un coup d’œil quels sont tes revenus, quelles sont tes dépenses, ce qui manque, ce qui reste ; les opérations qui sont faciles, celles qui ne le sont pas. […] Au lieu des moissons et des fruits de la terre qu’on nous arrachait, reçois des fruits qui ne se flétriront pas ; ce sont ceux de la gloire : c’est elle qui sans cesse renouvelle l’empire d’Auguste, qui empêche Trajan de vieillir, qui tous les jours ressuscite Marc-Aurèle. […] Ils s’occupaient de leur parure, et ils négligeaient l’univers ; peut-être même avaient-ils grand soin de choisir leurs chevaux, mais point du tout les hommes qu’ils destinaient aux places ; et tandis qu’aux jeux, du cirque ils n’auraient pu souffrir de voir des cochers conduire un char, ils abandonnaient à des hommes sans choix les rênes de l’empire et la conduite des nations.
Tantôt on la poussait à humilier ou à coaliser l’Allemagne au nom des limites du Rhin ; tantôt à braver l’Angleterre, qui ne pouvait que s’en réjouir, en conquérant en Afrique un onéreux empire dont la France aurait la charge et dont l’Angleterre nous couperait la route en cas de guerre par de nouveaux Trafalgars et par d’autres Aboukirs. […] » V Tantôt on la poussait, par je ne sais quel engouement contre nature, à s’armer pour le démembrement de l’empire ottoman en faveur d’un pacha d’Égypte, ci-devant marchand de tabac à Salonique, ami des Anglais, révolté contre le sultan son maître ; à donner ainsi, aux dépens de la Turquie, notre alliée naturelle, un empire arabe aux Anglais, pour doubler ainsi leur empire des Indes, et à livrer, d’un autre côté, l’empire ottoman, affaibli d’autant, à la Russie ; politique à contresens de tous les intérêts de la France, que M. […] C’est à l’Angleterre seule de se féliciter du démembrement de l’empire ottoman par Méhémet-Ali, ou de la promenade monarchique du roi de Piémont en Italie pour y lever une armée de quatre cent mille hommes concentrés dans la main d’un client obligé des Anglais. […] XXVIII Cette ténacité de l’Autriche à préserver l’empire napoléonien, même après toute espérance perdue, éclate encore en mauvaise humeur évidente contre les Bourbons, après l’abdication et après la réinstallation de Louis XVIII sur le trône. […] Les bases en étaient déjà éventuellement posées : elles étaient des bornes très reculées de l’Allemagne en Italie ; mais elles n’étaient pas un empire de trente millions d’hommes, improvisé au profit d’un roi guerrier et d’un pays militaire contre l’Allemagne et contre la France.
. — Immensité de l’empire des Perses. […] L’Empire démesurément agrandi par Cyrus, encore accru par Cambyse, dominait le monde. […] L’Empire nourrissait en outre le roi et sa maison, et les défrayait de toutes choses. […] Les plus belles femmes de l’Empire, recrutées dans toutes les provinces, peuplaient et renouvelaient son sérail. […] Aux extrêmes frontières de son empire, s’agitait dans une péninsule maigre et sèche, entrecoupée de montagnes, toute de côtes au terrain pierreux, un petit peuple qui, selon le mot d’un de ses poètes, « avait eu la Pauvreté pour sœur de lait ».
Il distingue l’esprit de l’homme de ses organes, les souverains des sujets, Dieu de l’univers, afin de rendre à l’homme l’empire de lui-même, aux souverains le gouvernement des peuples, à Dieu l’empire des êtres. […] Coup d’œil sur la situation de la littérature pendant l’empire. […] On demandait au métaphysicien Siéyes, sous l’empire : « Que pensez-vous ? […] Au lieu d’être un camp, le Journal de l’Empire devenait un champ de bataille. […] Mouvement des idées philosophiques sur la fin de l’empire. — Royer-Collard
On peut observer une marche à peu près pareille depuis Auguste jusqu’aux Antonins, avec cette différence cependant, que les empereurs qui ont régné pendant ce temps, ayant été des monstres abominables, l’empire n’a pu se soutenir, l’esprit général a dû se dégrader, et un très petit nombre d’hommes ont conservé la force d’esprit nécessaire pour se livrer aux études philosophiques et littéraires. […] On a prétendu que la décadence des arts, des lettres et des empires devait arriver nécessairement, après un certain degré de splendeur. […] Une des causes de la destruction des empires dans l’antiquité, c’est l’ignorance de plusieurs découvertes importantes dans les sciences ; ces découvertes ont mis plus d’égalité entre les nations, comme entre les hommes. La décadence des empires n’est pas plus dans l’ordre naturel que celle des lettres et des lumières. […] Les crimes inouïs dont l’empire romain a été le théâtre, sont l’une des principales causes de sa décadence.
Et cela nous surprend d’autant plus que le docteur Véron est un partisan de l’Empire et qu’il s’en vante. […] Si nous y avons vu de la critique contre l’Empire, nous y avons vu des éloges de bon aloi donnés au génie politique de l’Empereur. […] Et cependant, nous le répétons, l’auteur des Quatre années de règne n’est pas un ennemi de l’Empire. […] Il nous a indiqué le remède aux inconvénients de l’Empire, et vraiment, s’il n’y a que ce qu’il réclame qui nous manque, nous ne sommes pas assez malades pour avoir besoin de médecin. […] Nous l’avons dit déjà, il n’y a dans sa brochure ni le pays, ni l’Empire, ni l’Empereur, ni même ce système parlementaire qu’on évoque pour dire quelque chose quand on est un bourgeois de Paris, un taquin né d’opposition plus ou moins aimable.
Un empereur, son empire le dispute à lui-même. […] Sans heurt et sans secousse, il était allé à l’Empire : ou plutôt, il amena l’Empire à lui. […] L’Empire libéral est son apologie. […] Voilà, je ne dis pas, le portrait de l’Empire, mais l’un des portraits de l’Empire, et magnifique. […] Non, le Parlement, sous l’Empire, n’est pas méprisable.
La renommée du rhéteur des Gaules devint telle qu’il fit prime dans tout l’Empire. […] L’Empire romain en décomposition a contaminé de son étreinte les peuples latins. […] A mesure que l’Empire se christianise, le christianisme s’impérialise. […] Elle n’a cessé d’appartenir à l’Empire que pour passer sous la domination de l’Eglise. […] Victoire stérile s’il en fut : les soldats de l’Empire battent en retraite et se rembarquent.
M. de Féletz, et de la critique littéraire sous l’Empire. […] Le nom de M. de Féletz s’associe naturellement à ceux de Dussault, d’Hoffman, ses anciens collaborateurs au Journal des débats, alors Journal de l’Empire. […] La tradition nous a entretenus mainte fois des beaux jours de la critique littéraire à cette époque du Consulat et de l’Empire ; on regrette ce règne brillant de la critique, on voudrait le voir renaître sous une forme qui convînt à nos temps. […] Mais, aux abords de l’Empire, toute cette ardeur s’amortit par degrés, et cette mêlée s’éclaircit beaucoup. […] Le Journal des débats, sous le titre de Journal de l’Empire, fut le seul à prospérer et à gagner chaque jour dans l’opinion.
Il s’en fallait bien qu’on pensât ainsi à Rome sous ce gouvernement féroce qu’on appela l’empire. […] Ainsi on ne disait mot du général, et on prononçait dans le sénat un panégyrique en l’honneur du prince ; mais si par hasard l’empereur sortait de Rome en temps de guerre, pour peu qu’il lui arrivât, comme à Domitien, ou de voir de loin les tentes des armées, ou de fuir seulement l’espace de deux ou trois lieues en pays ennemi, alors il n’y avait plus assez de voix pour célébrer son courage et ses victoires ; à plus forte raison, quand l’empereur était un grand homme, et qu’à la tête des légions il faisait respecter par ses talents la grandeur de l’empire. […] Quand un prince avait régné vingt-quatre ans, il fallait célébrer le bonheur de l’empire ; c’était alors des jeux pour le peuple et un panégyrique pour le prince. […] Outre les orateurs qui, dans toutes ces fêtes, parlaient devant le prince, et mentaient, pour ainsi dire, au nom de l’univers, il y avait encore dans toutes les parties de l’empire une foule de sophistes ou d’orateurs subalternes, flattant et mentant pour leur compte, louant des empereurs qu’ils n’avaient jamais vus et qu’ils ne devaient jamais voir ; ceux-là, on ne les payait pas même de leurs mensonges.
Je ne parle pas de vingt autres causes qui la préparèrent ; mais je remarque que dès le premier siècle, la grandeur de l’empire, une puissance qui n’était limitée par rien, des fantaisies qui n’avaient de bornes que la puissance, des trésors qu’on ne pouvait parvenir à épuiser, même en abusant de tout, firent naître dans les princes je ne sais quel désir de l’extraordinaire qui fut une maladie de l’esprit autant que de l’âme, et qui voulait franchir en tout les bornes de la nature ; de là cette foule de figures colossales consacrées aux empereurs, la manie de Caligula de faire enlever de toutes les statues des dieux leur tête, pour y placer la sienne ; le palais d’or de Néron, où il avait englouti un quart de Rome, une partie des richesses du monde, et des campagnes, des forêts et des lacs ; la statue d’Adrien élevée sur un char attelé de quatre chevaux, et qui faite pour être placée au sommet d’un édifice, était d’une grandeur que nous avons peine à concevoir ; sa maison de campagne, dont les ruines seules aujourd’hui occupent dans leur circonférence plus de dix milles d’Italie, et où il avait fait imiter les situations, les bâtiments et les lieux les plus célèbres de l’univers ; enfin le palais de Dioclétien à Spalatro en Illyrie, édifice immense partagé par quatre rues, et dont chaque côté avait sept cents pieds de long. […] C’est à la même idée que tenait l’apothéose de leurs prédécesseurs ; la fantaisie de se faire adorer de leur vivant ; les temples qu’on leur élevait dans toutes les parties de l’empire ; la multitude énorme de statues d’or et d’argent, de colonnes et d’arcs de triomphe ; le caractère sacré imprimé à leurs images et jusqu’à leurs monnaies ; le titre de seigneur et de maître que Tibère même avait rejeté avec horreur, et qui fut commun sous Domitien ; la formule des officiers de l’empereur, qui écrivaient, voici ce qu’ordonne notre Seigneur et notre Dieu 50 ; et quand les princes, par les longs séjours et les guerres qui les retenaient en Orient, furent accoutumés à l’esprit de ces climats ; la servitude des mœurs, l’habitude de se prosterner, consacrée par l’usage et ordonnée par la loi. […] D’ailleurs, dur et impitoyable, avide d’or et de sang, en même temps féroce et faible, c’était un lion à la chaîne, que gouvernait Dioclétien, et qu’il avait approché du trône, pour le lancer de là sur les ennemis de l’empire. […] Le troisième, dont on ne connaît pas l’auteur, est curieux, surtout par la manière dont on y traite l’abdication de ce prince, et son retour à l’empire. […] C’est dans ces moments-là que les grêles ravagent les moissons, que la terre s’entrouvre, que les villes sont englouties ; fléaux qui désolent le monde, non par la volonté des dieux, mais parce qu’alors leurs regards ne tombent point sur la terre : voilà, grand empereur, ce qui nous est arrivé, lorsque vous avez cessé de veiller sur le monde et sur nous. » Ensuite on prouve à Maximien que, malgré son grand âge, il ne pouvait sans injustice quitter le fardeau de l’empire ; « mais les dieux l’ont permis, lui dit l’orateur, parce que la fortune, qui n’osait rien changer tant que vous étiez sur le trône, désirait pourtant mettre un peu de variété dans le cours de l’univers ».
Examen critique de l’Histoire de l’Empire, par M. […] Ce n’était pas un intérêt économique, c’était un orgueil qui pouvait seul jeter ainsi la moitié d’un continent contre l’autre : le rêve de l’empire d’Occident partagé entre Alexandre et Napoléon était devenu le rêve de l’empire napoléonien unique. […] est-il juste de nier le style dans l’Histoire du Consulat et de l’Empire ? […] Nulle part ; un païen d’Athènes ou un fataliste de Stamboul aurait écrit ainsi l’histoire de l’empereur et de l’empire français. […] Thiers de les avoir et de les manifester à un degré si éminent dans son Histoire du Consulat et de l’Empire ; nous comprenons même que l’excès de ces trois vertus gouvernementales dans l’historien l’ait rendu plus indulgent que sévère et juste envers son héros au 18 brumaire, au consulat de dix ans, au consulat à vie, à l’usurpation de l’empire.
Mais lorsque l’auteur de l’Histoire de la chute de Louis-Philippe, de la République de 1848 et du rétablissement de l’Empire, a dit cela, a-t-il donc tout dit ? […] Pour tous ceux qui aiment le pouvoir et souhaiteraient son action éternelle, pour tous ceux qui, comme Cassagnac, voudraient effacer à jamais ce mot d’accident que les partis désarmés jettent à l’Empire qui les a vaincus, n’était-ce pas surtout de ce côté que l’historien de cet Empire devait diriger son regard et concentrer sa pensée ? […] Il cédait à l’empire d’une idée acquise tout à la fois juste et puissante. […] Il n’a pas cru sérieusement le second Empire possible, parce qu’il n’avait pas vu le premier nécessaire. […] Entraîné dans les ruines de l’Empire, qu’il avait couvert de son talent, il est resté debout dans ces ruines, tout prêt à les couvrir et à les défendre.
Lacombe a beaucoup profité de l’Histoire des Empires & des Républiques depuis le déluge jusqu’à J. […] jusqu’à la destruction de cet Empire par les Turcs (en 1453.) […] L’Empire est un théatre plus vaste. […] Nous avons sur les derniers tems de ce vaste empire l’histoire du Czar Pierre I. par M. de V. […] L’auteur s’étoit appliqué pendant 24. ans à coufronter toutes les différentes rélations de ce vaste Empire.
Né en 1785, il débuta sous l’Empire en 1805 et en reçut la pleine influence ; il fut, par l’inspiration et le timbre du talent, le plus jeune poète de l’Empire, et, pour ainsi dire, éclos le même jour que lui, dans sa première grande victoire. […] On s’est étonné que le premier Empire, avec ses miracles dans la guerre et dans la paix, n’ait pas suscité sur l’heure ses poètes. […] Athlète, tandis que vous tournez et retournez votre ceste et votre ceinture, ou que vous polissez le timon et les roues de votre char, la terre tremble, le stade se déplace, les astres se précipitent, les empires que vous méditez de célébrer s’écroulent. […] Lorsque j’habitais ce beau lieu, au temps de l’Empire, il y avait, au pied de la tour de l’Aigle, un petit port souvent rempli de barques et de navires qui y faisaient relâche en remontant du Havre à Rouen. […] en plein Empire !
Pendant ce temps-là, les peuples gémissaient, les barbares pillaient, les empereurs s’égorgeaient, et ceux qui restaient quelque temps sur le trône, la plupart voluptueux et fanatiques, superstitieux et féroces, controversistes aussi ardents que lâches guerriers, placés entre les hérétiques et les barbares, donnaient des édits au lieu de combattre ; et tandis que les Huns, les Goths, les Arabes, les Vandales, les Bulgares et les Perses ravageaient tout, du Tibre au Pont-Euxin, et du Danube au Nil, les empereurs de Byzance oubliaient l’empire pour usurper les droits des évêques et proscrire ou soutenir des erreurs qui ne devaient être jugées que par les pontifes ; on sent bien que des temps d’avilissement et de malheur ne sont pas favorables ni aux panégyriques, ni à l’éloquence. […] On voit combien ce nom et le souvenir d’une ancienne grandeur en imposaient encore : « L’orateur, dit-il, craint de faire entendre devant les héritiers de l’éloquence romaine, ce langage inculte et sauvage d’au-delà des Alpes, et son œil effrayé croit voir dans le sénat les Cicéron, les Hortensius et les Caton assis auprès de leur postérité pour l’entendre. » Il y a trop d’occasions où il faut prendre la modestie au mot, et convenir de bonne foi avec elle qu’elle a raison ; mais ici il y aurait de l’injustice : l’orateur vaut mieux qu’il ne dit ; s’il n’a point cet agrément que donnent le goût et la pureté du style, il a souvent de l’imagination et de la force, espèce de mérite qui, ce semble, aurait dû être moins rare dans un temps où le choc des peuples, les intérêts de l’empire et le mouvement de l’univers, qui s’agitait pour prendre une face nouvelle, offraient un grand spectacle et paraissaient devoir donner du ressort à l’éloquence : la sienne, en général, ne manque ni de précision, ni de rapidité. […] Presque tous les historiens de l’empire l’ont peint comme un grand homme, qui donna l’exemple du courage et des mœurs, se fit respecter des Barbares, soutint l’éclat des victoires par celui des vertus, et jamais n’avilit, dans le palais, l’empereur qui avait vaincu sur les champs de bataille. […] Gratien, qui eut de la faiblesse et du zèle, qui posséda peut-être le courage militaire, mais à qui le courage d’esprit et les talents manquèrent, que les écrivains d’un parti ont comparé aux meilleurs princes, que ceux du parti contraire ont comparé à Néron ; Gratien, dont le plus grand mérite peut-être est d’avoir, élevé Théodose à l’empire, et qui, après un règne de huit ans, mourut à vingt-quatre, vaincu à Paris et assassiné à Lyon, eut aussi ses panégyristes. […] En le nommant à la seconde place de l’empire, il lui écrivit : j’acquitte ce que je dois, et je dois encore ce que j’acquitte.
Tandis que dans l’Occident tout penchait vers sa décadence, tandis que les malheurs de l’empire, les invasions des Barbares, le mélange des peuples, le despotisme ou l’incapacité des princes, la terreur des sujets, l’esprit d’esclavage, le contraste même de l’ancienne grandeur, qui ajoute toujours à la petitesse présente, corrompaient le goût, et rétrécissaient à la fois les esprits et les âmes, on vit paraître un homme né avec une imagination brillante et forte, et à qui, peut-être, pour avoir les plus grands talents, il ne manqua que d’être né dans un autre siècle : c’était Claudien. […] Pour excuser le panégyriste, il faut pourtant convenir que ces éloges ont été écrits pendant la vie de Stilicon ; et qu’alors, si l’empereur n’était rien, l’empire eut du moins de la grandeur. […] Tout tombait alors ; bientôt l’empire d’Occident, ébranlé pendant trois siècles, disparut. […] Ainsi, dans l’espace de près de cinq cents ans, les lois, les mœurs, les arts, le gouvernement, la religion, le langage même, tout avait changé ; et dans le pays où César et Caton, Cicéron et Auguste avaient parlé aux maîtres du monde, en attestant souvent les dieux de l’empire et près de l’autel de la victoire, un Gaulois, chrétien et évêque, haranguait en langage barbare, un roi goth venu avec sa nation des bords du Pont-Euxin pour régner au Capitole.
Il jette, il est vrai, vers la fin, un regard assez prophétiquement noir sur l’Empire, auquel sa carcasse, comme il disait de sa personne, a survécu quelques jours. […] L’auteur avait eu sous l’Empire une position unique et superbe pour nous raconter ce qu’il avait vu, si ce myope avait vu quelque chose ! […] À cette époque-là, Planche exerçait-il un empire sur Buloz ? […] Excepté ce mot inconséquent sous lequel Mérimée ne pouvait mettre qu’une idée banale, sans aucun sens pour lui, on ne trouve rien dans ces Lettres à Panizzi qui caractérise et honore l’Empire, cet Empire qui l’avait comblé ! […] On y cherche en vain Mérimée, — comme on y a cherché vainement l’Empire.
Lorsque l’Empire passa des nobles au peuple, les plébéiens qui faisaient consister toutes leurs forces, toutes leurs richesses, toute leur puissance dans la multitude de leurs fils, commencèrent à sentir la tendresse paternelle. […] Ainsi les lois romaines de l’Empire se montrèrent si attentives à favoriser les dernières volontés, que, tandis qu’autrefois le plus léger défaut les annulait, elles doivent aujourd’hui être toujours interprétées de manière à les rendre valables s’il est possible. […] Ce qui donna aux Romains la plus sage de toutes les jurisprudences, est aussi ce qui fit de leur Empire le plus vaste, le plus durable du monde. […] De crainte d’éveiller la jalousie du peuple en lui enlevant le privilège nominal de l’empire, imperium, il prit le titre de la puissance tribunitienne, potestas tribunitia, se déclarant ainsi le protecteur de la liberté romaine. […] Une observation a échappé aux grammairiens, aux politiques et aux jurisconsultes, c’est que dans la lutte des plébéiens contre les patriciens pour obtenir le consulat, ces derniers voulant satisfaire le peuple sans établir de précédents relativement au partage de l’empire, créèrent des tribuns militaires en partie plébéiens, cum consulari potestate, et non point cum imperio consulari.
Lebrun, en publiant en 1858 une édition complète de ses œuvres, nous a montré, par quelques pièces de vers charmantes, que, dès l’époque du premier Empire, il y avait bien des élans et des essors vers ces heureuses oasis de poésie qu’on a découvertes depuis et qu’il a été des premiers à pressentir, comme les navigateurs devinent les terres prochaines au souffle odorant des brises.. […] Édouard Fournier Il échapperait à notre temps, s’il était resté ce que son âge, — il naquit en 1785, — voulait qu’il fût d’abord : un arrière-classique, un poète de l’Empire, rimant des Odes sur la Guerre de Prusse, sur la Campagne de 1807 et des tragédies telles qu’Ulysse et Pallas, fils d’Évandre ; mais il lui appartient, par la part qu’il prit au mouvement rénovateur, avec sa pièce de Marie Stuart assez fièrement imitée de celle de Schiller et surtout avec son brillant Voyage en Grèce, l’œuvre la plus sincère, la plus vraie de couleur et la plus éclatante qui ait été inspirée chez nous par la guerre des Hellènes. […] Pour mesurer le vide de cette poésie officielle, le faux goût de ces oripeaux mythologiques du Style Empire, qu’on aille méditer cette chute d’une strophe du temps, en face du bas-relief de l’Arc-de-Triomphe où Napoléon est si lourdement couronné : Et qui pourra prêter, pour tracer ton histoire, Une plume à Clio ?
Mais la France, depuis les ébranlements de la Révolution et de l’Empire, a semblé acquérir, du côté de l’imagination et du penchant au merveilleux, une faculté nouvelle. […] — C’était la mode alors chez tous nos poëtes de préconiser le premier Empire et de faire l’apothéose de Napoléon ; Béranger, Hugo, M. […] Prevost-Paradol (dans le Journal des Débats du vendredi 4 décembre 1868) a soutenu la thèse que tout ce concert d’éloges, y compris le rappel des cendres de Sainte-Hélène, n’avait été pour rien ou presque rien dans le réveil napoléonien du second Empire. […] C’est pourtant singulier et piquant que nous qui, en 1836, étions si peu chaud pour les souvenirs du premier Empire, nous ayons si franchement accepté le second, non point par enthousiasme sans doute, mais par bon sens, et comme la solution pratique la meilleure aux difficultés où était alors engagée la France, et que nous nous trouvions aujourd’hui si à distance des poëtes qui n’avaient cessé, durant toute leur jeunesse, de préconiser et de chanter, que dis-je ? […] Ce qui peut diminuer peut-être l’étonnement, du moins en ce qui nous concerne, c’est qu’à l’exemple de la grande majorité de la France nous n’avons si vivement épousé le second Empire que parce qu’il s’annonçait dès son début comme devant différer notablement du premier.
., est interrogé par le Docteur Balouard, Isabelle, Colombine, sur ce qui a lieu dans son lointain empire. […] Et dans votre empire, seigneur, y a-t-il de beaux esprits ? […] Et dans votre empire, seigneur, fait-on bonne justice ? […] Seigneur, dans votre empire, les maris sont-ils commodes ? […] C’est tout comme ici… Et les femmes sont-elles heureuses, seigneur, dans votre empire ?
Évidemment, si nous en croyons son histoire : L’Empereur Soulouque et son Empire 21, il y a, dans l’extravagance cruelle de cette caricature d’empereur et la faculté de tout souffrir de cette caricature de peuple, des choses qui rappellent à leur façon les folies et les furies des vieux monstres connus, solennels et sérieux, et la patience ou l’enthousiasme plus incompréhensible encore, du monde qui les acclama. […] Excellent tout le temps qu’il n’est qu’historien et peintre, il n’a plus la même valeur quand, des faits qu’il décrit avec une si pénétrante ironie, il veut monter dans les généralités philosophiques et, dominant Soulouque et son empire, regarder plus haut que cette tête crêpue et ce globe impérial fait avec une boule de jongleur. […] L’histoire de Soulouque, qui est bien le type de sa race, n’aurait pas appris à son historien que le nègre, à cela près de quelques exceptions, d’ailleurs superficiellement observées, n’a guères que les vertus et que les vices de l’enfance et de la domesticité, et que ce n’est ni avec ces vices ni même avec ces vertus que l’on peut fonder des empires ! […] Quand Dieu veut dégoûter le monde de liberté, il lui offre en spectacle les nègres essayant de s’en faire une, comme ils ont fait depuis plus de soixante ans, rejetant la règle, créant des républiques et des empires, toujours d’imitation, et toujours aussi, en raison de leur nature même, retombant de leurs premiers maîtres sous la main de maîtres plus durs ! […] L’Empereur Soulouque et son Empire (Pays, 29 novembre 1856).
Le drame commence. » C’est donc un drame ; et, en regard de cette première lettre, il n’y aurait plus qu’à placer pour plus d’effet cette autre lettre, la toute dernière, de la reine captive, « lettre encore tachée de ses larmes », et qui est aux Archives de l’Empire, où elle doit prochainement être exposée, dit-on, sous vitrine, aux regards des curieux. Voilà qui est bien conforme et « en parfaite harmonie avec le goût théâtral du moment où nous vivons71. » Pour peu donc qu’on ait le sentiment dramatique et qu’on se mette à envisager les choses à ce point de vue, on indiquerait d’avance, comme dans un bon cours de rhétorique, les endroits, les motifs qui prêtent à une jolie lettre et qui font canevas ou thème : Le moment où la Dauphine quitte les terres de l’empire ; Le moment où elle met le pied sur la terre de France ; Le moment, la minute qui suit la célébration du mariage ; Le moment, la minute où elle devient reine, Louis XV venant de rendre le dernier soupir ; Le moment où, souveraine outragée, elle apprend l’Arrêt du Parlement dans l’affaire du Collier, etc., etc. […] Henri Bordier, les Inventaires des Archives de l’Empire (1867). […] Le Recueil de M. d’Hunolstein commence au moment où la Dauphine quitte la dernière ville frontière de l’empire ; le recueil de M.
Babel de groupements hétérogènes, l’Empire romain devait voir l’entrecroisement de classifications de toute nature et de toute date. […] Dans une société à la fois aussi antique et aussi ample que l’Empire romain, la complication sociale ne pouvait manquer d’être grande. […] Suivant une statistique allemande163, près de 5 millions d’habitants de l’Empire ont « plusieurs cordes à leur arc » ; plus de 3 500 000 ouvriers ou employés sont en même temps cultivateurs : au total il n’y aurait pas moins d’un tiers de travailleurs, dans l’Empire, à pratiquer, à côté de leur métier principal, un métier accessoire. […] Pour les mêmes raisons, peu d’institutions devaient plus contribuer au relèvement de l’esclave que les collèges de l’Empire. […] Leroy-Beaulieu, L’Empire des Tsars, III. p. 82.
Tel est un autre endroit sur l’utilité de mettre de bonne heure un jeune prince en action ; de familiariser et ses yeux et son âme avec les périls, les combats, les peuples et les armées ; de lui faire connaître par lui-même, dans son empire, la situation des lieux, l’étendue des pays, la puissance des nations, la population des villes, le caractère des peuples, leur force, leur pauvreté, leur richesse. […] Il pense, il sent, il respire dans un autre ; il est d’autant plus fier qu’il est plus asservi, jusqu’à ce qu’une nouvelle révolution amène un autre empire et d’autres esclaves. […] « La première qualité d’un prince, dit Julien, est le respect pour les dieux, et l’attention à maintenir leur culte dans son empire. […] Qu’il confie à chacun la place qui convient à son caractère ; les emplois militaires à l’âme forte et au courage mêlé de prudence ; les magistratures, à la justice tempérée par l’humanité ; les premières places de l’empire, à ceux dont le mérite, composé des deux autres, unit la vigueur du caractère aux vertus. […] On voit qu’avant de monter sur le trône, il avait médité en philosophe les devoirs d’un homme d’état, et ce magnifique portrait des devoirs d’un souverain était en même temps une leçon pour le tyran qui l’écoutait, et un engagement que le nouveau César prenait avec l’empire.
Histoire des cabinets de l’Europe pendant le Consulat et l’Empire, par M. […] Le service inappréciable que rendit alors l’historien du Consulat et de l’Empire fut d’apporter de l’ordre dans cette confusion, de nous développer avec étendue et clarté les motifs de son admiration et de la nôtre, au triple point de vue militaire, administratif, civil. […] En un mot, si l’Empire est admirablement exposé par lui, son Napoléon, en tant que caractère politique, est relâché et un peu épars. […] Armand Lefebvre, le nœud de toutes les difficultés qui travaillèrent la fin du Consulat et tout l’Empire était dans la paix de Lunéville et dépendait du parti que l’arbitre de cette paix aurait su prendre. […] Ce duché, grossi en 1809 par la paix de Vienne, devint en effet comme un corps étranger, remuant, qui ne demandait qu’à s’étendre encore et qui, interposé entre les liens des deux empires, finit par les distendre jusqu’à les briser.
En devenant plus simples dans leur sujet, les discours sont aussi devenus plus longs ; les hors-d’œuvre, au besoin, n’y ont pas manqué : l’Empire et l’Empereur ont pourvu aux effets oratoires, comme précédemment avait fait Louis XIV ; le plus souvent même, on n’a pu les éviter, et la biographie des hommes politiques ou littéraires est venue, bon gré, mal gré, se mêler à ce cadre immense. […] On a beaucoup parlé de la littérature de l’Empire, et on range sous ce nom bien des écrivains qui ne s’y rapportent qu’à peu près : M. […] Ce que cette découverte excita de curiosité, ce que cette querelle enfanta de brochures, d’explications, de révélations pour et contre, ne saurait se comprendre que lorsqu’on a parcouru le dossier désormais enseveli ; on en ferait un joli chapitre qui s’intitulerait bien : Un épisode littéraire sous l’Empire. […] La chute de l’Empire coupa court, ou à peu près, à la carrière dramatique de M. […] Étienne, à propos toujours de cette Intrigante si singulièrement agrandie, ne fût présenté comme un héros et un martyr d’indépendance, comme un frondeur de l’Empire, comme un audacieux qui exposait ses places : M.
Il avait débuté dans l’éloquence politique aux Cinq-Cents : le Consulat l’avait réduit au silence, et l’Empire en avait fait un philosophe. […] Voyez ses campagnes de l’Empire : il a et il nous donne l’illusion de lire à tout moment toute la pensée de l’Empereur, et de conduire le monde avec elle ; son récit est ordonné comme un budget où tout est prévu. […] Cette Histoire du Consulat et de l’Empire 700 est d’un homme d’État bien imprudent et aveugle : avec Béranger et Victor Hugo, Thiers a créé le grand mouvement d’idolâtrie napoléonienne d’où devait sortir le second empire ; il s’imaginait un peu trop aisément que toute la gloire de Napoléon s’escompterait au profit de la monarchie de Juillet, qui avait ramené les trois couleurs. […] Sur le tard, dans les loisirs que lui fit l’Empire, son imagination se réveilla, voluptueuse, et l’on vit ce vieux prédicateur du catéchisme spiritualiste s’éprendre des jolies pécheresses du temps de Louis XIII et de la Fronde. […] L’Empire chassa Quinet et Michelet de leurs chaires, et bannit de l’enseignement l’éloquence polémique : ce ne fut pas, malheureusement, pour favoriser la science.
. — Veille de l’Empire. — Napoléon défini par lui-même […] Dès ce moment, à bien juger de la portée des actes, l’Empire était fait, il l’était en principe ; ce qui vint après ne devait plus être qu’une consécration, une conséquence. […] Regnault, à partir de ce jour, devint la plume et l’orateur du Conseil d’État sous la fin du Consulat et durant l’Empire. […] Les principaux emplois de Roederer sous l’Empire furent auprès du roi Joseph, qu’il avait beaucoup connu dans le Conseil d’État, alors qu’ils en faisaient tous deux partie, et qui lui portait une véritable amitié. […] À la chute de l’Empire il devint étranger à toutes fonctions publiques.
C’est ce mérite de la particularité et d’une sincérité parfaite que j’ai trouvé dans les deux volumes que je viens de lire, et qui me les a rendus intéressants après tant d’autres qui se sont publiés et qui se publieront encore sur cette grande époque de l’Empire. […] Le chef de bataillon Suchet, depuis l’illustre maréchal d’Empire, est de ceux qui paraissent compter le moins sur le nouveau général, « cet intrigant, disait-il, qui ne s’appuie sur rien ». […] Tout en regrettant un peu le Consulat « dont les formes austères et grandes allaient beaucoup plus, dit-il, à sa manière d’être que les pompes de l’Empire », il salue et acclame de grand cœur ce dernier régime comme la consécration et le couronnement de l’ère militaire. […] Seul, en effet, l’historien véritable et sérieux des armées de la République et de l’Empire saura rapporter d’une manière complète et impartiale, et sans tomber dans le roman, cette grande phase de nos victoires et de nos revers. […] un maréchal de France, deux généraux luttant avec 300 jeunes conscrits pour la défense de la capitale du grand Empire, voilà ce qu’on aurait pu voir dans les rues de Belleville le 30 mars 1814 !
Le régime absolutiste, confiné dans les empires de l’Est, en Russie ou en Turquie, n’est plus, nous dit M. […] Benoît 10, qu’il soit empire, royaume, ou république, personne n’est plus en dehors ni au-dessus de la loi. […] Il n’est que trop aisé de le prouver, l’Empire romain vit d’inégalités de toutes sortes, économiques, politiques, même civiles et juridiques. […] En un mot, malgré toutes les survivances de l’esprit de la cité antique, à la fin de l’Empire romain, l’étranger a forcé les portes du droit, l’esclave va les forcer à son tour. […] L’Empire romain, qui avait pu les révéler au monde, n’avait plus la force nécessaire pour les réaliser dans les masses, sans doute trop nombreuses et trop hétérogènes, qu’il avait rassemblées sous sa loi.
Et qu’on ne nous oppose pas l’existence des « grands empires » anciens, comme ceux des Assyriens, qui tout en étant mille fois plus volumineux que les cités grecques, sont aussi mille fois moins près de l’égalitarisme. […] L’immensité de l’aire couverte par un Empire a peu d’action si, entre les individus qui sont ses sujets, il n’y a et ne saurait y avoir que peu de relations. […] Dans un Empire où les déplacements étaient aussi faciles, les provinces extrêmes pouvaient échanger leurs habitants : on trouve des soldats syriens ou bretons en Dacie et en Rhétie. […] D’un bout à l’autre de l’Empire romain c’était, suivant l’expression de Montesquieu, une « incessante circulation d’hommes ». […] C’est en ce sens que l’extension de l’Empire aidait l’opinion romaine à penser l’humanité.
. — Histoire du Consulat et de l’Empire, par M. […] — La femme de quarante ans, par M. d’Onquaire 265 LXVIII. — Histoire du Consulat et de l’Empire, par M. […] Sainte-Beuve à l’Académie française. — Histoire du Consulat et de l’Empire. — Procédé américain 300 LXXVII. — Histoire du Consulat et de l'Empire, par M.
Écoutez le prince des ténèbres s’écrier, du haut de la montagne de feu d’où il contemple pour la première fois son empire : « Adieu, champs fortunés, qu’habitent les joies éternelles. […] Par toi, du moins, avec le roi du ciel je partagerai l’empire ; peut-être même régnerai-je sur plus d’une moitié de l’univers, comme l’homme et ce monde nouveau l’apprendront en peu de temps78. » Quelle que soit notre admiration pour Homère, nous sommes obligé de convenir qu’il n’a rien de comparable à ce passage de Milton. […] Satan se repentant à la vue de la lumière qu’il hait, parce qu’elle lui rappelle combien il fut élevé au-dessus d’elle, souhaitant ensuite d’avoir été créé dans un rang inférieur, puis s’endurcissant dans le crime par orgueil, par honte, par méfiance même de son caractère ambitieux ; enfin, pour tout fruit de ses réflexions, et comme pour expier un moment de remords, se chargeant de l’empire du mal pendant toute une éternité : voilà, certes, si nous ne nous trompons, une des conceptions les plus sublimes et les plus pathétiques qui soient jamais sorties du cerveau d’un poète.
D’Athènes, de Sparte, de la tribu israélite, transportons-nous dans l’Empire romain. […] Il contracte avec l’Empire romain une alliance intime, et, par l’effet de ces deux incomparables agents d’unification, la raison ethnographique est écartée du gouvernement des choses humaines pour des siècles. […] Charlemagne refit à sa manière ce que Rome avait déjà fait : un empire unique composé des races les plus diverses ; les auteurs du traité de Verdun, en traçant imperturbablement leurs deux grandes lignes du nord au sud, n’eurent pas le moindre souci de la race des gens qui se trouvaient à droite ou à gauche. […] Ce qui était vrai à Sparte, à Athènes, ne l’était déjà plus dans les royaumes sortis de la conquête d’Alexandre, ne l’était surtout plus dans l’Empire romain. Les persécutions d’Antiochus Épiphane pour amener l’Orient au culte de Jupiter Olympien, celles de l’Empire romain pour maintenir une prétendue religion d’État furent une faute, un crime, une véritable absurdité.
Pourquoi les grandes destinées de Rome, pourquoi les luttes de son aristocratie et de sa démocratie, pourquoi la république d’abord et ensuite l’empire ? […] En tout ce qui concerne l’ordre des choses morales, l’esprit allemand se complaît dans la réalité, aime la tradition, cède facilement à l’empire des faits accomplis. […] Avec tous nos grands historiens, le sentiment du droit reprit son empire dans l’histoire comme dans la politique. […] Malgré Cicéron, Caton et Brutus, la république romaine tombe entre les mains des maîtres qui en font l’empire. […] L’histoire de l’empire est là pour le dire.
Il est un dernier malheur dont la pensée n’ose approcher, c’est la perte sanglante de ce qu’on aime, c’est cette séparation terrible qui menace chaque jour tout ce qui respire, tout ce qui vit sous l’empire de la mort. […] Il est vrai, l’amour qu’elles inspirent donne aux femmes un moment de pouvoir absolu, mais c’est dans l’ensemble de la vie, dans le cours même d’un sentiment, que leur destinée déplorable reprend son inévitable empire. […] Cette certitude, cette confiance, si douce à la faiblesse, est souvent importune à la force ; la faiblesse se repose, la force s’enchaîne ; et dans la réunion des contrastes dont l’homme veut former son bonheur, plus la nature l’a fait pour régner, plus il aime à trouver d’obstacles : les femmes, au contraire, se défiant d’un empire sans fondement réel, cherchent un maître, et se plaisent à s’abandonner à sa protection ; c’est donc presque une conséquence de cet ordre fatal, que les femmes détachent en se livrant, et perdent par l’excès même de leur dévouement. […] Une sorte de trouble sans fin, sans but, sans repos, s’empare de leur existence, les unes se dégradent, les autres sont plus près d’une dévotion exaltée que d’une vertu calme ; toutes au moins sont marquées du sceau fatal de la douleur : et pendant ce temps, les hommes commandent les armées, dirigent les Empires, et se rappellent à peine le nom de celles dont ils ont fait la destinée ; un seul mouvement d’amitié laisse plus de traces dans leur cœur que la passion la plus ardente ; toute leur vie est étrangère à cette époque, chaque instant y rattache le souvenir des femmes ; l’imagination des hommes a tout conquis en étant aimé ; le cœur des femmes est inépuisable en regrets, les hommes ont un but dans l’amour, la durée de ce sentiment est le seul bonheur des femmes. […] vous vous exposez, avec des cœurs sans défense, à ces combats où les hommes se présentent entourés d’un triple airain ; restez dans la carrière de la vertu, restez sous sa noble garde ; là il est des lois pour vous, là votre destinée a des appuis indestructibles ; mais si vous vous abandonnez au besoin d’être aimée, les hommes sont maîtres de l’opinion ; les hommes ont de l’empire sur eux-mêmes ; les hommes renverseront votre existence pour quelques instants de la leur.
» Dans les dernières années de sa vie enfin, étant revenu habiter à Lausanne, sa conversation habituelle était en français, et il craint que les derniers volumes de son Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain, composés durant cette époque, ne s’en ressentent : « La constante habitude, dit-il, de parler une langue et d’écrire dans une autre peut bien avoir infusé quelque mélange de gallicismes dans mon style. » Si ce sont là pour lui des inconvénients et peut-être des torts aux yeux des purs Bretons, que ce soit au moins à nos yeux une raison de nous occuper de lui et de lui rendre une justice plus particulière, comme à un auteur éminent qui a été en partie des nôtres. […] D’Auguste à Trajan, Gibbon a trouvé la forme d’empire à laquelle sa raison et ses instincts d’esprit le rattachent le plus naturellement. […] Sans aller peut-être aussi loin que Montesquieu, qui voyait en Trajan « le prince le plus accompli dont l’histoire ait jamais parlé ; avec toutes les vertus, n’étant extrême sur aucune ; enfin l’homme le plus propre à honorer la nature humaine et représenter la divine » ; sans se prononcer si magnifiquement peut-être, et en faisant ses réserves d’homme pacifique au sujet des guerres et des ambitions conquérantes de Trajan, Gibbon plaçait volontiers à cette époque le comble idéal de la grandeur d’un empire et de la félicité du genre humain. […] « Le capitaine des grenadiers du Hampshire, dit-il en prévoyant le sourire du lecteur, n’a pas été tout à fait inutile à l’historien de l’Empire romain. » L’homme de lettres en lui ne se laisse jamais oublier. […] Suard, ce portrait en charge, qui est d’ailleurs amusant : L’auteur de la grande et superbe Histoire de l’Empire romain avait à peine quatre pieds sept à huit pouces ; le tronc immense de son corps à gros ventre de Silène était posé sur cette espèce de jambes grêles qu’on appelle flûtes ; ses pieds assez en dedans pour que la pointe du droit pût embarrasser souvent la pointe du gauche, étaient assez longs et assez larges pour servir de socle à une statue de cinq pieds six pouces.
La date favorite de Mme Gay, quand elle y songeait le moins et qu’elle laissait faire à son imagination, était celle précisément qui répond à la fin du Directoire et au Consulat ; jeune personne sous le Directoire et femme sous l’Empire, voilà son vrai moment, et qui lui imprima son cachet et son caractère, en littérature comme en tout ; ne l’oublions pas. […] » Les femmes, pour peu qu’elles écrivent et qu’elles marquent, portent très bien en elles le cachet des époques diverses, et, si l’on voulait désigner en leurs personnes les périodes successives de Louis XVI, du Directoire et de l’Empire, de la Restauration et du régime de Louis-Philippe, on arriverait à quelques aperçus de mœurs qui ne tromperaient pas. […] Avec le Consulat et l’Empire, la femme militaire paraît, celle qui aime franchement la gloire, qui l’admire et qui s’honore de la récompenser ; qui a les sentiments en dehors, la parure d’éclat, le front haut, les épaules éblouissantes, l’esprit (quand elle en a) franc, naturel et pas trop compliqué. […] De la religiosité, un peu de mysticisme, des nerfs (on n’avait pas d’attaques de nerfs sous l’Empire), un idéal ou libéral ou monarchique, mais où il s’exhale quelque vapeur de poésie, voilà ce qui distingue assez bien la jeune femme de la Restauration. […] Qui a lu Le Moqueur amoureux (1830), Un mariage sous l’Empire (1832), La Duchesse de Châteauroux (1834), ne s’est aperçu en rien que ce ne fût pas à un auteur du moment, et du dernier moment, qu’il ait eu affaire.
L’Histoire du Consulat et de l’Empire, qu’on a voulu nous donner comme un monument, n’a rien de ce qui constitue les vrais monuments. […] Aussi, rien d’étonnant à ce que le législateur, le fondateur d’empire, ait saisi et fortement captivé son regard quand il l’a porté sur l’Empereur, sur cette encyclopédie de facultés faites homme, à qui il faudrait peut-être autant d’historiens et d’histoires qu’il possédait de facultés ! […] Elle s’imaginait que l’Empire et l’Empereur étaient un accident, quelques coups de canon, un passage, la grande aventure des temps modernes, et rien de plus. […] Il y a, en effet, dans ces institutions que Beauverger nous retrace, la plus péremptoire des réponses à ceux qui ont dit si longtemps que l’empire de Napoléon était une chose éblouissante et éphémère, le prestige et le prodige bientôt évanoui de la plus étonnante individualité.
Histoire du Consulat et de l’Empire, par M. […] Mais, même dans le civil, le gigantesque se retrouve bientôt à la fondation de l’Empire ; je le vois surgir dans cet échafaudage improvisé d’un trône à la Charlemagne, dans cette machine exagérée et ruineuse d’un Empire de toutes parts flanqué de royautés de famille. […] Thiers, et le premier emportement apaisé, il déféra à un tribunal d’honneur, composé des grands de l’Empire, le jugement de cette affaire. […] Mais oublie-t-on que c’est l’histoire de l’Empire qu’il écrit, et celle du plus grand capitaine des temps modernes ? […] Telles sont les tristes conséquences du choc des grands empires !
Parmi les littérateurs et les poètes dits de l’Empire, M. […] Ayant joui, sous l’Empire, d’une position justement acquise et d’une faveur modérée, il reste un des plus fidèles après la chute, et il est frappé à ce titre d’un ostracisme qui l’honore. […] En ce qui est de la tragédie, par exemple, il aspirait à quelque chose qu’on peut se figurer entre Shakespeare et Corneille : Les intérêts des nations, les passions appliquées à un but politique, le développement des projets de l’homme d’État, les révolutions qui changent la face des empires, voilà, disait-il, la matière tragique. […] Tout ce côté élevé d’avenir ou de passé religieux et monarchique que Fontanes appréciait et admirait dans son ami Chateaubriand, n’allait point à Arnault qui prenait les choses de plus près, plus à bout portant, et en bourgeois de Paris qui gardait de la Fronde même sous l’Empire. […] Cependant la chute de l’Empire atteignit Arnault dans sa fortune d’abord, et bientôt dans sa sécurité.
Le titre complet de l’ouvrage, et qui en exprime l’idée, est celui-ci : Discours sur l’Histoire universelle à Monseigneur le Dauphin, pour expliquer la suite de la Religion et les changements des Empires. Première partie depuis le Commencement du Monde jusqu’à l’Empire de Charlemagne. […] Son sujet, dans sa simplicité même, est double : il s’agit de présenter et de fixer dans la mémoire deux suites, celle de la Religion et celle des Empires : « Et comme la Religion et le Gouvernement politique sont les deux points sur lesquels roulent les choses humaines, voir ce qui regarde ces choses renfermé dans un abrégé et en découvrir par ce moyen tout l’ordre et toute la suite, c’est comprendre dans sa pensée tout ce qu’il y a de grand parmi les hommes et tenir, pour ainsi dire, le fil de toutes les affaires de l’univers. » Jamais prétention plus haute ne fut plus magnifiquement et plus simplement exprimée : c’est celle, ni plus ni moins, d’un vicaire de Dieu dans l’histoire. […] Bossuet a exécuté ce premier plan : il s’est arrêté à l’avénement de Charlemagne qu’il considère comme le terme de l’ancien Empire romain et l’établissement d’un nouvel Empire. […] J’avoue que j’admire cette première partie au moins autant que les deux autres. » Cette première partie ainsi expliquée, et les grands événements de l’histoire ancienne étant une fois distribués chronologiquement et par époques, de manière à venir se ranger, pour ainsi dire, « chacun sous son étendard,) » on est préparé et l’on n’a plus qu’à entrer avec Bossuet, le grand généralissime, dans ce qui fait l’objet principal et le vrai dessein du livre, à savoir les considérations sur la suite du peuple de Dieu, et sur celle des grands empires.
Leroux, que j’ai rencontré l’autre jour, est dans une situation toujours bien grevée : de son travail, vous en pouvez juger par les excellents articles de l’Encyclopédie, mais sa situation personnelle empire plutôt. […] Béranger, qui était homme d’un bon esprit, eut celui de comprendre qu’ayant tout fait pour exalter et populariser l’Empire, il eût été ridicule à lui d’attaquer l’Empire revenu. […] L’Empire lui en a su gré ; c’est tout simple.
La littérature de la Révolution et de l’Empire appartient au xviiie siècle, par toutes ses basses œuvres : par tout ce qu’elle a de considérable, c’est le xixe siècle qui s’ouvre. […] Et cela revient à dire que les femmes ont perdu leur empire presque deux fois séculaire. […] Malheureusement il semble qu’on ait seulement changé de joug : la délicatesse mondaine était au moins une forme d’esprit nationale, au lieu que l’élégance antique de la littérature du premier empire n’est qu’un froid pastiche, une inintelligente copie de formes étrangères. […] Welschinger, le Théâtre de la Révolution, Paris, 1881, in-12 ; la Censure sous l’Empire, 1886, in-8.
Or, suivant le sentiment de Platon, l’habitude de se livrer aux passions, même à ces passions artificielles, que la poësie excite, affoiblit en nous l’empire de l’ame spirituelle et nous dispose à nous laisser aller aux mouvemens de nos appetits. […] Après avoir avoüé que souvent il s’est trop laissé seduire à ses charmes, il compare la peine qu’il sent à se separer d’Homere à la peine d’un amant forcé, après bien des combats, à quitter une maîtresse qui prend trop d’empire sur lui. […] En voilà suffisamment à ce sujet, d’autant plus que les poësies françoises, comme nous le dirons dans la suite, ne sçauroient prendre le même empire sur les hommes que celles dont Platon craignoit si fort les effets.
C’est cette même ville qui avait donné naissance à Sieyès, le grand métaphysicien de 89 ; venant après lui et sorti du même lieu, le chansonnier de l’Empire et de la Restauration semblait destiné à prouver qu’en France, même après 89, tout finit encore par des chansons. […] La gaieté sous l’Empire différa un peu de celle du Directoire ; elle se régla davantage sans cesser d’être abondante, elle se simplifia. Sous le Directoire, elle était en train de tout envahir et de déborder : l’Empire fit là comme ailleurs, il fit des quais. […] Je puis assurer les élégiaques et les rêveurs que Lamartine, qui effleura cette vie de l’Empire dans sa jeunesse, apprécie fort et sait très-bien rappeler à l’occasion certaines des plus belles chansons de Désaugiers. […] Les loisirs de l’Empire et la première Restauration, voilà son cadre et son règne à lui, son règne sans partage.
Elle a fait de Naples un royaume français de famille, tantôt pour un frère, tantôt pour un beau-frère du maître de l’empire. […] Est-ce l’Italie romaine, la république du monde romain, l’empire romain, souveraineté universelle militaire et tyrannique de l’Italie, de la Gaule, de la Germanie, de l’Espagne, de l’Afrique, de l’Asie, que vous voulez ressusciter ? […] Rendez-lui Candie, Lépante, ses flottes, ses ports, son commerce, ses Doria faisant pencher la victoire et l’empire tantôt du côté de Charles-Quint, tantôt du côté de la France, selon qu’ils passaient d’un vaisseau à l’autre sur les escadres de ces deux rivaux couronnés qui se disputaient l’Italie ! […] Le véritable souverain serait évidemment celui qui pourrait à son gré, et sans répression, incendier l’empire temporel au nom de l’omnipotence spirituelle. […] qu’est-ce que la tranquillité des empires auprès de la liberté de Dieu dans les consciences ?
Cette réflexion m’avait frappé avant même qu’on eût proclamé que l’arrivée d’un Bourbon ne nous apportait qu’un Français de plus ; elle a dominé mes pensées dans tous les écrits que j’ai publiés, elle est la seule explication des motifs qui m’ont toujours porté du côté de l’opposition ; aucun parti arrivé au pouvoir n’ayant jamais compris que le salut de la royauté et de nos libertés était dans l’exécution de la Charte, dans le renversement sans pitié d’une administration formée pour l’empire. […] Il n’avait vu que l’empire. […] La politique a ses nécessités, et c’est sous leur empire qu’il faut marcher aujourd’hui. […] Tout ce qu’on tenterait par de petits moyens pour éluder cette vérité de fait ne servirait qu’à prolonger son dangereux empire.
« Voici des races d’hommes qui descendent du sommet des plateaux de l’Asie ; ils n’ont pas de commencement, ils n’ont pas d’histoire ; ils fondent des villes, des empires qui passent. « Voici, en Europe, des races d’hommes dont on ignore encore les commencements, l’histoire ; ils fondent des villes, des empires ; c’est la Grèce, elle n’est plus !… Une race d’hommes différente encore est venue qui a détruit celle qui l’avait précédée, qui a fondé des villes et des empires, apporté une civilisation nouvelle, elle n’est plus !… Voici des races d’hommes sorties des forêts de la Germanie, qui fondent aussi des villes et des empires, apportent une civilisation nouvelle transformée par le christianisme.
On ne peut croire que cela eût été à la rigueur impossible, quand on voit l’empressement avec lequel les barbares, dès leur entrée dans l’Empire, embrassent les formes romaines et se parent des oripeaux romains, des titres de consuls, de patrices, des costumes et des insignes romains. […] Les barbares renversèrent l’Empire ; mais, au fond, quand ils essayèrent de reconstruire, ils revinrent au plan de la société romaine, qui les avait frappés dès le premier moment par sa beauté, et le seul d’ailleurs qu’ils connussent. […] L’empire, dont ils reprirent l’idée pour leur compte, qu’était-il, sinon une façon de se rattacher à Rome, source unique de toute autorité légitime ? […] Il semble que les affaires extérieures soient le but premier de la vie, que la fin de la plus grande partie du genre humain soit de vivre sous l’empire pressant et continu de la préoccupation du pain du jour, en sorte que la vie n’aurait d’autre but que de s’alimenter elle-même. […] Au contraire, les derniers représentants de la vieille société polie, corrompue, affadie, Sidoine Apollinaire, Aurélius Victor, les insultent obstinément et se cramponnent aux abus du vieil Empire, sans voir qu’il était décidément condamné.
quel empire exercèrent sur elle les mœurs de la cour, l’esprit et le langage des hommes de lettres alliés de la cour ; ou quel empire exercèrent-elles sur ces mœurs, cet esprit et ce langage ? […] Toutes n’étaient pas comme elle sans faiblesse ; mais celles à qui on pouvait en reprocher étaient au-dessus de la galanterie, par une de ces passions que leur durée, leur sincérité, leur empire sur la réflexion et la volonté, font pardonner.
Quand, plus tard, elle eut à gouverner ce puissant Empire qu’elle agrandit dans tous les sens, et qui embrassait le nord jusqu’au pôle, et l’orient jusque par-delà l’aurore, elle ne paraissait pas y trouver plus de difficulté et y mettre plus de façon qu’à ce règlement du Holstein. […] Il avait, d’ailleurs, des amours publiques avec des femmes de la Cour, et il finit par entretenir une liaison affichée avec une des frailes ou dames d’honneur (Élisabeth Woronzoff), qui prit sur lui un empire absolu, et qui le poussait au divorce dès qu’il serait le maître. […] » Sans vouloir contredire aux idées d’un vieillard, et les regardant d’ailleurs comme un pur radotage, elle n’avait pas, dit-elle, mordu à cette amorce, par la raison « qu’elle regardait le projet comme nuisible à l’Empire, que chaque querelle entre un époux qui, ne l’aimait pas, et elle, aurait, déchiré » :— C’est qu’aussi elle ne marchandait point en fait de puissance, et qu’elle voulait être Impératrice, comme elle l’a dit, de son chef ; sinon, elle aimait mieux n’être rien : aut Cæsar, aut nihil. […] C’est là-dessus (avril 1759) que nous en restons avec les Mémoires inachevés ; et les trois années qui précèdent l’avénement à l’Empire et la grande usurpation de Catherine continuent de se dérober à nous dans leur entière obscurité et leur mystère. […] Tout d’ailleurs, jusque dans cette disgrâce où elle vivait, lui montrait du doigt et lui promettait l’Empire ; son vieux chirurgien Gyon, son jardinier d’Oranienbaum, Lamberti, le lui prédisaient au milieu de ses plantations et de ses amusements solitaires, la voix du peuple et des soldats, quand elle passait, le lui murmurait à ses oreilles ; son démon secret, le plus sûr oracle, lui disait, à toute heure : Tu régneras.
Je vous vois parcourir le vaste miroir des siécles écoulés, examiner les ressorts qui changent la face des Empires, pénétrer le jeu rapide des révolutions de la Fortune, percer les intrigues de l’Ambition, par les événemens passés prédire les événemens futurs, alors tout sert à vous affermir dans vos heureux principes ; vous les jugez, ces foibles humains, vous les jugez sans passion, vous les voyez tels qu’ils sont, composés de grandeur & de foiblesse, de vertus et de vices, mais qui doivent peut-être leurs crimes non à la Nature, qui a caché dans leurs cœurs le doux sentiment de la pitié, principe des vertus, mais à la Tyrannie, à l’affreuse Tyrannie, qui aggravant sur leur tête un joug humiliant les a fait gémir, haïr, détester leur existence & les a forcés d’être méchans en les rendant malheureux. […] C’est ainsi qu’un charme profond captive sous son empire l’homme de Lettres. […] Trop grand pour s’occuper sérieusement d’objets frivoles, & s’il faut le dire trop amoureux de la gloire pour daigner rabaisser quiconque ignore qu’il en est une, il ne jugera dignes de ses coups que ceux qui par leur puissance influent sur la destinée des Etats, & s’il médit, ce ne fera des Rois de leurs Ministres & du vice des Empires. […] Retenir l’empire de la puissance est un héroïsme trop grand pour qu’il ne soit pas aussi peu rare, & qui peut blamer Christine parce que à sa place il auroit eu le courage de ne point abandonner l’autorité suprême, le Philosophe sera-t’il toujours orgueilleux de la trempe heureuse de son ame, & exigera-t-il sans cesse des Souverains cette même fermeté qu’il auroit pû avoir. Je ne veux point que vous renonciez à l’empire des Graces, vous sexe aimable, qui pouvez partager le bonheur qu’enfante la culture des Lettres.
La musique, pour laquelle les Italiens sont si passionnés, et qu’ils ont cultivée avec tant de succès, est de tous les arts celui qui parle aux sens avec le plus d’empire. […] À son retour, que penserait le voyageur, en trouvant dans son pays les arts établis, de nouveaux habillements, des mœurs nouvelles, architectures, maisons, citadelles, villes, lois, usages, coutumes, tout enfin jusqu’au cours des fleuves et aux bornes de la mer, changé dans cet empire ? […] Les quatre mers qui bornent cet empire, témoins de ses exploits, se sont tour à tour courbées sous le poids de ses flottes. […] » Ce discours finit par une apostrophe à l’âme du czar, qui est sans doute dans les cieux, d’où l’orateur le prie de veiller sur son empire. […] Les Russes ont un esprit facile et souple ; leur langue est, après l’italien, la langue la plus douce de l’Europe ; et si une législation nouvelle élevant les esprits, fait disparaître enfin les longues traces du despotisme et de la servitude ; si elle donne au corps même de la nation une sorte d’activité qui n’a été jusqu’à présent que dans les souverains et la noblesse ; si de grands succès continuent à frapper, à réveiller les imaginations, et que l’idée de la gloire nationale fasse naître pour les particuliers l’idée d’une gloire personnelle, alors le génie qu’on y a vu plus d’une fois sur le trône, descendra peu à peu sur l’empire ; et les arts même d’imagination, transplantés dans ces climats, pourront peut-être y prendre racine, et être un jour cultivés avec succès, 82.
Quand une femme publie un livre, elle se met tellement dans la dépendance de l’opinion, que les dispensateurs de cette opinion lui font sentir durement leur empire. […] Je crois fermement que dans l’ancien régime, où l’opinion exerçait un si salutaire empire, cet empire était l’ouvrage des femmes distinguées par leur esprit et leur caractère : on citait souvent leur éloquence quand un dessein généreux les inspirait, quand elles avaient à défendre la cause du malheur, quand l’expression d’un sentiment exigeait du courage et déplaisait au pouvoir. […] L’amour-propre aussi de nos jours veut attribuer ses revers à des causes secrètes, et non à lui-même ; et ce serait l’empire supposé des femmes célèbres qui pourrait, au besoin, tenir lieu de fatalité.
Déclin de l’imagination poétique, sous l’empire d’Alexandre. — Grandeur qui reste encore à l’esprit grec. — Lyrisme philosophique. […] Deux choses à remarquer, cependant : le siècle d’Alexandre, si l’on peut appeler ainsi la course de dix ans du jeune héros, et les fondations d’empires qui, jetées sur son passage, s’achevèrent après lui, le siècle d’Alexandre fut bien loin d’atteindre, dans l’ordre des arts et du génie, à la gloire du siècle de Périclès, ou plutôt d’Athènes, dans sa période la plus étendue, de la naissance d’Eschyle à la mort de Platon. […] À vrai dire, et sauf cette merveilleuse souplesse du génie grec qui lui permit plusieurs retours et plusieurs Renaissances avant sa ruine, l’empire d’Alexandre, où il ne resta qu’un grand esprit, pour analyser tout ce que le monde avait su et fait jusque-là, fut à la fois la date de l’agrandissement démesuré de la Grèce et de son déclin moral. […] À mesure que s’étendait l’horizon de l’empire grec, et que le génie de la liberté se perdait dans l’unité de la puissance, la grande poésie, l’audace de l’imagination et l’ardeur de la passion durent insensiblement diminuer et disparaître.
Je répons : nous voïons bien dans les ouvrages de saint Augustin, qui mourut l’an quatre cens trente de l’ère chrétienne, que dès son temps les théatres commençoient à se fermer dans la plûpart des villes de l’empire romain. L’inondation des nations barbares qui se répandoient dans tout l’empire, ôtoit au peuple des païs désolez le moïen de faire la dépense des spectacles. […] Voilà quel fut le sort du théatre antique dans l’empire d’occident.
La République des Lettres lui doit l’excellente Description historique, géographique & physique de l’Empire de la Chine, en quatre vol. […] Cet Ouvrage est ce que nous avions de plus complet, de mieux digéré & de plus exact sur ce vaste Empire, avant qu’on en publiât l’Histoire générale, traduite du texte Chinois par le P. de Mailla.
Au-delà, l’Empire comprenant la terre du soleil ; plus loin des régions obscures, des peuples confus, de plus en plus étranges, de moins en moins visibles, qui se perdent dans l’Occident nébuleux. […] Il arrive enfin, le Messager si anxieusement attendu, et c’est comme si le spectre meurtri de l’armée rentrait dans l’Empire, et l’inondait du sang de ses vastes plaies. […] Que l’Empire gémisse, regrettant sa très chère jeunesse ! […] Blanchis sous les secrets de deux règnes, ils savent le défaut de ce vaste Empire taillé par le glaive, dans un bloc friable de nations conquises. […] Quelle honte que cette brèche faite à l’Asie construite en empire par ses prédécesseurs, et dont il avait couronné le faîte !
C’est bien loin, le second empire. […] Il faut qu’il mène jusqu’au bout « l’histoire naturelle et sociale d’une famille sous le second empire ». […] Pour documents il n’a (car il s’agit toujours, ne l’oubliez pas, du second empire) que les souvenirs et les impressions de sa jeunesse, des impressions nécessairement incomplètes et effacées ou déformées par le temps. […] Pour en revenir à l’Œuvre, si les artistes qu’on nous y montre ont peut-être les allures et le langage de ceux du second empire, ils ressemblent assez peu à ceux d’aujourd’hui. […] Le rêve Ce que je vais vous raconter est tiré des Rougon-Macquart, histoire naturelle et sociale d’une famille sous le second empire.
A ne prendre que l’empire, qui semble avoir été si hostile à la liberté, ç’a été le temps où, à l’abri d’un pouvoir fort, l’égalité civile a le plus profondément pénétré dans nos mœurs, où la tolérance religieuse a jeté le plus de fondements dans la société, où, les habitudes et le génie militaire circulant dans tous les rangs de la nation, nous avons appris ce qui nous garantira d’ici à un long temps de la dictature prétorienne ; sans Austerlitz, Wagram et dix ans de conquêtes à travers l’Europe, qui sait si le peuple de Paris eût vaincu la garde royale en trois jours ? La liberté politique suspendue sous l’empire reparut avec la Restauration, bien qu’au grand regret des rois restaurés, et la France continua au milieu de mille entraves sa marche progressive. […] Les Concordats, la création d’une noblesse d’empire, la réhabilitation de l’ancienne noblesse, les dons aux couvents, le milliard d’indemnité, tout cela n’avait refait ni un clergé Corps politique, ni une aristocratie féodale, ni une grande propriété ; la loi d’aînesse, dernière conséquence du système, n’aurait pas eu plus d’efficace20 .
Mais je dois confesser que je résidais peu dans mon empire. […] Né sensible, j’abolis dans mon empire l’esclavage, qui est une des hontes du genre humain. […] Quant à l’Italie … attendez la fin de la triple alliance, laquelle n’est sans doute pas éternelle… Ce que l’antiquité n’avait pas même conçu, la possibilité de républiques aussi vastes que les anciens empires devient chaque jour évidente… Si notre République était sage, vous verriez quelle serait bientôt sa force de propagande, même involontaire, et quelle fascination elle exercerait, rien qu’en durant, sur tous les peuples de la vieille Europe… Les temps sont mûrs ; cela commence : … Magnus ab integro seclorum nascitur ordo ; Qui sait ?
Racine suppose que son Antiochus, celui qui fut blessé dans un combat des troupes d’Othon contre celles de Vitellius, et qui avoit mené un secours aux romains devant Jerusalem, fut roi de Commagene sous l’empire de Titus, quoique les historiens nous apprennent que le pere de ce prince infortuné ait été le dernier roi de commagene. Il fut soupçonné sous l’empire de Vespasien, le pere et le prédecesseur de Titus, d’intelligence avec les parthes, et il fut obligé de se sauver chez eux avec ses fils, dont l’Antiochus de Racine étoit un, pour éviter de tomber entre les mains de Cesennius Poetus qui avoit ordre de les enlever. Poetus se mit en possession de la Commagene, qui fut deslors reduite pour toujours en province de l’empire.
Depuis l’Empire de Napoléon, qui faisait forteresse à la frontière contre tout ce qui n’était pas français, l’Allemagne positivement nous avait envahis, et, chose lamentable ! […] Voltaire, qui vécut aussi quatre-vingts ans, Voltaire, l’heureux Voltaire, mais moins heureux que l’heureux Gœthe, eut assurément sur son siècle une influence plus grande, plus militante, et surtout plus activement spirituelle que le sentimental coup de pistolet de Werther, et cependant Voltaire ne régna pas toujours du même empire sur l’opinion. […] Il est vrai que l’empereur Napoléon, pendant quelque temps, lui fit un peu tort dans la renommée… Le fameux coup de pistolet de Werther fut légèrement couvert par les tonnerres de l’Empire, qui empêchaient d’entendre autre chose qu’eux. […] Aujourd’hui que l’Empire n’est plus, — ni Sainte-Beuve, — ni Persigny, — ni même sa traduction parfaitement oubliée, — et que la République a pour prétention de nous dégermaniser, souffrira-t-on sans crier la netteté de l’opinion écrite ici sur Gœthe ?
Il saura que, si son gouvernement n’est pas bon, il perdra l’empire et la vie. […] « La maxime des grands empires d’Orient, de remettre les tributs aux provinces qui ont souffert, devrait bien être portée dans les États monarchiques. […] « Ceci s’est encore trouvé vrai dans l’Amérique ; les empires despotiques du Mexique et du Pérou étaient vers la ligne, et presque tous les petits peuples libres étaient et sont encore vers les pôles. […] Le travail favorisé et garanti vaut un empire. […] La seule population du Céleste Empire dépasse les populations réunies de l’Europe, de l’Afrique et de l’Amérique.
Histoire du Consulat et de l’Empire, par M. […] Le 24 décembre 1813, « jour de funeste mémoire », les coalisés passent le Rhin ; l’Empire est envahi : il faut recommencer une campagne d’hiver et en terre de France. […] Sans s’arrêter à des sièges, tournant nos défenses, elles se sont donné rendez-vous sur la Haute-Marne, entre Chaumont et Langres, d’où, réunies, elles doivent se porter en masse vers Paris, droit au cœur et à la tête de l’Empire. […] Thiers dès l’origine, dans ce qu’il écrivait sur la Révolution française, sur la Convention, ne s’est point amollie ni usée chez lui avec les années, et elle donne à ce dernier volume de son Histoire de l’Empire, au milieu de ses autres mérites, une vie singulière. […] Et s’il est arrivé que, lui sorti de la scène politique, la France n’ait point dépéri ; que cet être collectif, cet être idéal et redoutable qu’on appelait la coalition, et qui est demeuré pendant tant d’années un grand spectre dans l’imagination des gouvernants, ait été conjuré enfin par un enchanteur habile et puissant ; que la France soit redevenue elle-même tout entière sur les champs de bataille anciens et nouveaux et dans les conseils de l’Europe ; si, à cette heure même où nous écrivons, une province, une de ses pertes, est recouvrée par elle et lui est acquise, moins à titre d’accroissement que de compensation bien due, et aussi comme un gage manifeste de sa pleine et haute liberté d’action, on est sûr qu’en cela du moins le cœur de l’historien du Consulat et de l’Empire se réjouit ; que si une tristesse passe sur son front, c’est celle d’une noble envie et de n’avoir pu, à son heure, contribuer pour sa part à quelque résultat de cet ordre, selon son vœu de tous les temps ; mais la joie généreuse du citoyen et du bon Français l’emporte.
Il parle fort bien, pour commencer, des Égyptiens, et il a un sentiment juste de l’importance de ce premier grand empire civilisé. […] Il parle ensuite des deux empires d’Assyrie ; mais tout cela est trop conjectural encore, et ce n’est qu’avec la Grèce que l’historique proprement dit commence. […] C’est sans doute les grands hommes qui font la force d’un empire. […] Ainsi ce Mithridate qui fournit matière à un si beau chapitre chez Montesquieu, n’est pas même nommé chez Bossuet. — A propos du Droit romain, des lois romaines qui ont paru si sages et si saintes que leur majesté a survécu à la ruine même de l’Empire, Bossuet a ce beau mot, souvent cité : « C’est que le bon sens qui est le maître de la vie humaine « y règne partout. » La fin de cette troisième partie peut paraître brusquée. […] Plus loin, dans le narré de l’Empire, il oublie de nommer Trajan, si bien vengé par Montesquieu ; il nomme seulement Marc-Aurèle, et sans un éloge.
Mais non : Racine, revenant ici, dans le dernier acte, à l’inspiration supérieure et majestueuse de la tragédie, a rendu énergiquement cette stabilité héroïque de l’âme à travers tous les orages, et n’a voulu laisser aucun doute sur ce qui demeure impossible : En quelque extrémité que vous m’ayez réduit, Ma gloire inexorable à toute heure me suit ; Sans cesse elle présente à mon âme étonnée L’empire incompatible avec notre hyménée, Me dit qu’après l’éclat et les pas que j’ai faits, Je dois vous épouser encor moins que jamais. Oui, madame, et je dois moins encore vous dire Que je suis prêt pour vous d’abandonner l’empire, De vous suivre et d’aller, trop content de mes fers, Soupirer avec vous au bout de l’univers. […] Jean-Jacques n’a pas craint de soutenir que Titus serait plus intéressant s’il sacrifiait l’empire à l’amour, et s’il allait vivre avec Bérénice dans quelque coin du monde, après avoir pris congé des Romains : une chaumière et son cœur ! […] Si redonner de la nouveauté à Racine était une conquête, il ne fallait pas craindre d’aller jusqu’au bout, et, après avoir fait son entrée dans ces grands rôles qui sont comme les capitales de l’empire, il y avait à se loger encore plus au cœur : Bérénice, quand il s’agit de Racine, c’est comme la maison de plaisance favorite du maître. […] On ne conçoit pas, en effet, que la représentation eût été possible sous l’Empire après le divorce ; on y aurait vu trop d’allusions.
On y saisit sans effort, &, pour ainsi dire, d’un coup d’œil, les différens tableaux des révolutions qui ont élevé ou détruit les Empires. […] Ce tableau abrégé de l’Histoire générale, commence au premier Empire d’Assyrie, & finit vers le milieu du Regne de Louis XV, en cela plus complet que le sublime Discours de Bossuet sur l’Histoire universelle, mais peu propre, malgré tout son mérite, à nous dédommager de ce qui manque à ce dernier Ouvrage.
Sous l’empire de cette illusion, la volonté humaine, prise dans le remous d’un tourbillon de causes et d’effets, croit ; qu’il est possible pourtant d’intervenir. […] On trouvera donc, au cours de cet ouvrage, composé avec des mots, quelque trace de cette humeur où une volonté humaine, c’est-à-dire malléable, et sujette à changer sous l’empire de causes qu’elle ignore, se prend pour la mesure, des choses.
Extraire ce qu’il y a de bon dans le socialisme pour le soustraire à la Révolution et pour le faire entrer dans l’ordre régulier de la société, m’a toujours paru une partie essentielle et originale de la tâche dévolue au second Empire. […] Messieurs, vous qui êtes des politiques, veuillez encore vous dire ceci : L’Empire, que nous aimons tous et que nous maintenons, n’a aucun intérêt à pencher tout d’un côté. […] Le propre et l’honneur de l’Empire est de maintenir la balance égale et de ne verser d’aucun côté. […] En un mot, l’Empire a une droite et une gauche ; à gauche est le cœur. […] Ernest Hamel a fait remarquer, dans son Histoire du second empire, que M.
Cicéron fut peu célébré sous l’empire d’Auguste. […] Il revoyait le théâtre de sa gloire ; il reprenait le chemin de l’empire. […] Rome et l’empire accusaient le gouverneur de Syrie, et demandaient sa mort. […] Ces hommes, protégés par Tibère, devinrent le fléau de l’empire. […] Auguste annonçait qu’il ne voulait l’empire que pour dix ans.
Henri Beyle est, comme Paul-Louis Courier, du très petit nombre de ceux qui, au sortir de l’Empire en 1814, et dès le premier jour, se trouvèrent prêts pour le régime nouveau qui s’essayait, et il a eu cela de plus que Courier et d’autres encore, qu’il n’était pas un mécontent ni un boudeur : il servait l’Empire avec zèle ; il était un fonctionnaire et commençait à être un administrateur lorsqu’il tomba de la chute commune ; et il se retrouva à l’instant un homme d’esprit, plein d’idées et d’aperçus sur les arts, sur les lettres, sur le théâtre, et empressé de les inoculer aux autres. […] Et je ne sais pour quelle autre chose je ferais cet effort. » Je ne le suivrai pas dans ses courses à travers l’Europe sous l’Empire. […] Daru en 1814, il commença sa vie d’homme d’esprit et de cosmopolite, ou plutôt d’homme du Midi qui revient à Paris de temps en temps : « À la chute de Napoléon, dit Beyle en tête de sa Vie de Rossini, l’écrivain des pages suivantes, qui trouvait de la duperie à passer sa jeunesse dans les haines politiques, se mit à courir le monde. » Malgré le soin qu’il prit quelquefois pour le dissimuler, ses quatorze ans de vie sous le Consulat et sous l’Empire avaient donné à Beyle une empreinte ; il resta marqué au coin de cette grande époque, et c’est en quoi il se distingue de la génération des novateurs avec lesquels il allait se mêler en les devançant pour la plupart. […] Il existe de cette dédicace deux versions, l’une où se trouve le nom de l’exilé de Sainte-Hélène, l’autre, plus énigmatique et plus obscure, sans le nom ; dans les deux, Napoléon y est traité en monarque toujours présent, et Beyle, en rattachant « au plus grand des souverains existants » (comme il le désigne) la chaîne de ses idées, prouvait que dans l’ordre littéraire et des arts, c’était une marche en avant, non une réaction contre l’Empire, qu’il prétendait tenter. […] Dans ses brochures, il combat les deux unités de lieu et de temps, qui étaient encore rigoureusement recommandées ; il s’attache à montrer que pour des spectateurs qui viennent après la Révolution, après les guerres de l’Empire ; qui n’ont pas lu Quintilien, et qui ont fait la campagne de Moscou, il faut des cadres différents, et plus larges que ceux qui convenaient à la noble société de 1670.
Il y aurait ici des observations très importantes à faire sur l’état où se trouvaient et l’empire romain en général, et le peuple juif en particulier, lorsque le christianisme est venu renouveler le monde. Dans l’empire romain, les institutions politiques et les institutions religieuses succombaient à la fois ; chez le peuple juif depuis les Macchabées, la force des institutions religieuses était concentrée dans les institutions politiques, et, par conséquent, était matérialisée. Les nations soumises à l’empire romain reçurent une nouvelle existence du christianisme. […] Ne voyez-vous pas, en effet, que le sceptre de l’éducation est confié sans partage aux mœurs, pendant que l’empire de la société est sous le joug de l’opinion ?
Les autres, moins persuadés que le Céleste Empire soit céleste, ont fait du peuple-phénomène qui l’habite une nation de la date de beaucoup d’autres dans la chronologie asiatique, malgré ses prétentions exorbitantes à l’antiquité ; ni plus grand, ni plus fier, ni plus sage que tous les idolâtres de la terre, que toutes les races tombées et dispersées aux quatre vents de la colère de Dieu, abominablement corrompu, — ce qui lui donne ce petit air vieux qui nous fait croire à sa vieillesse, car la corruption vieillit le multiple visage des peuples comme la chétive figure de l’homme, — laid jusqu’à la plus bouffonne laideur, et, si l’on s’en rapporte aux œuvres qui sortent des mains patientes et industrieuses de ce peuple stationnaire, encagé dans son immuable empire du Milieu, ces œuvres de prisonnier qui s’ennuie et qui apparaissent comme des prodiges à notre fougue occidentale, ayant l’intérieur de la tête aussi étrangement dessiné que le dehors, le cerveau conformé comme l’angle facial ! […] Comme mœurs politiques et sociales, nos deux historiens nous développent, sans trop savoir ce que prouve contre les peuples l’empire de telles dominations, l’effroyable et perpétuelle domination des Eunuques et les formes de cette polygamie, de cette lèpre dont la famille est rongée ; car, quoique mutilée, abaissée, la famille, dont l’esprit peut tout sauver et tout éterniser, subsiste, en Chine, dans le respect porté aux ancêtres, — et voilà, sans nul doute, ce qui a empêché cet empire de laque de complètement se dissoudre.
Tandis que dans Rome Tacite écrivait l’histoire, que Pline célébrait Trajan, que Quintilien professait l’éloquence, que Martial cultivait la poésie légère, que Stace chantait les héros, et Juvénal, ardent et sombre, poursuivait, avec le glaive de la satire, les crimes des Romains, à l’autre extrémité de l’empire, dans l’Ionie, la Grèce et une partie de l’Asie, les orateurs grecs, qu’on nommait sophistes, jouaient le plus grand rôle, et remplissaient quelquefois de l’admiration de leur nom les villes et les provinces ; ce qui les distinguait, c’était l’art de parler sur-le-champ avec la plus grande facilité. […] À leur arrivée, le peuple s’assemblait en foule dans les places publiques ou dans les portiques du temple ; on leur donnait un sujet, et ils parlaient au bruit des applaudissements ; souvent ils commençaient par prononcer l’éloge de la ville ; c’était eux qu’on envoyait en ambassade vers les empereurs ; ils arrivaient à Rome précédés par leur renommée, et souvent le prince leur accordait des privilèges, des exemptions de charges, et quelquefois les premières dignités de l’empire. […] Un homme qui faisait le sort du monde, une cour où l’on se rendait de toutes les extrémités de l’Europe, de l’Afrique et de l’Asie, les caprices d’un tyran qui pouvaient faire trembler cent nations, une servitude même qui avait quelque chose d’auguste, parce qu’elle était partagée par l’univers ; enfin la grandeur romaine qui respirait de toutes parts, même à travers les ruines de la liberté, tout ce spectacle, au moins dans les premiers siècles de l’empire, agitait fortement les esprits et les âmes. […] Les dieux, pour récompense, lui donnent l’empire de l’univers, et il va partout combattre les malheurs et le crime.
Dans la seconde supposition, peut-être la plus naturelle, le sentiment maternel, accoutumé par les soins qu’il donne à la première enfance, à se passer de toute espèce de retour, fait éprouver des jouissances très vives et très pures, qui portent souvent tous les caractères de la passion, sans exposer à d’autres orages que ceux du sort, et non des mouvements intérieurs de l’âme ; mais il est si tristement prouvé que, dès que le besoin de la réciprocité commence, le bonheur des sentiments s’altère, que l’enfance est l’époque de la vie, qui inspire à la plupart des parents l’attachement le plus vif, soit que l’empire absolu qu’on exerce alors sur les enfants, les identifie avec vous-mêmes, soit que leur dépendance inspire une sorte d’intérêt, qui attache plus que les succès mêmes qu’ils ne doivent qu’à eux, soit que tout ce qu’on attend des enfants alors, étant en espérance, on possède à la fois ce qu’il y a de plus doux dans la vérité et l’illusion, le sentiment qu’on éprouve, et celui qu’on se flatte d’obtenir. […] L’éducation, sans doute, influe beaucoup sur l’esprit et le caractère, mais il est plus aisé d’inspirer à son élève ses opinions que ses volontés ; le moi de votre enfant se compose de vos leçons, des livres que vous lui avez donnés, des personnes dont vous l’avez entouré, mais quoique vous puissiez reconnaître partout vos traces, vos ordres n’ont plus le même empire ; vous avez formé un homme, mais ce qu’il a pris de vous est devenu lui, et sert autant que ses propres réflexions à composer son indépendance : enfin, les générations successives étant souvent appelées par la durée de la vie de l’homme à exister simultanément, les pères et les enfants, dans la réciprocité de sentiments qu’ils veulent les uns des autres, oublient presque toujours de quel différent point de vue ils considèrent le monde ; la glace, qui renverse les objets qu’elle présente, les dénature moins que l’âge qui les place dans l’avenir ou dans le passé. […] Personne ne sait à l’avance, combien peut être longue l’histoire de chaque journée, si l’on observe la variété des impressions qu’elle produit, et dans ce qu’on appelle avec raison, le ménage, il se rencontre à chaque instant de certaines difficultés qui peuvent détruire pour jamais ce qu’il y avait d’exalté dans le sentiment ; c’est donc de tous les liens celui où il est le moins probable d’obtenir le bonheur romanesque du cœur, il faut pour maintenir la paix dans cette relation une sorte d’empire sur soi-même, de force, de sacrifice, qui rapproche beaucoup plus cette existence des plaisirs de la vertu, que des jouissances de la passion.
La littérature française apparaît comme une succession d’empires dont chacun est renversé par une guerre littéraire ou une révolution, et auquel un autre empire succède. […] Si l’Empire n’est qu’une période de transition littéraire, ce n’est que pour des raisons littéraires. […] Votre dernier ouvrage n’est pas français. » C’est d’ailleurs pourquoi l’Empire n’avait pas de littérature, et pourquoi Napoléon ne voulait pas que la littérature eût un empire. […] L’Empire est l’âge d’or de ce genre horloger. […] Aucune génération n’en avait été plus privée que celle de la Révolution et de l’Empire.
Et avant tout, pour aborder sans hésitation une question délicate, et qui, soulevée un jour devant lui, fit rougir le front du noble guerrier, mais une question qui est trop chère à la calomnie pour qu’on la lui laisse, je dirai qu’à l’étranger, le maréchal Marmont, privé de ses traitements en France, vivait surtout de sa dotation d’origine et de fondation napoléonienne, datant de l’époque de ses grands services en Illyrie, dotation qui, par suite de la reprise des Provinces illyriennes, lui avait été légitimement garantie dans les traités de 1814, comme cela arriva à d’autres grands feudataires de l’Empire en ces provinces. […] Il exprima le désir d’entendre de sa bouche le récit détaillé et méthodique des campagnes d’Italie, d’Égypte et de toutes celles de l’Empire, en un mot « d’apprendre sous lui l’art de la guerre ». […] C’est, en général, une des vertus de ceux qui sont placés en présence de l’immensité : l’homme qui est soumis à l’action d’une force supérieure, accoutumé à reconnaître son impuissance, se soumet, facilement à l’empire de la nécessité. […] Que les haines, s’il en était encore, se taisent ; que les préjugés daignent achever de s’éclairer et de se dissiper ; que la justice et la générosité descendent, au nom de l’Empereur même, sur cette rentrée funéraire du dernier des grands lieutenants de l’Empire ; que les armes de nos soldats l’honorent et la saluent, et il y aura dans le cercueil de Marmont quelque chose qui tressaillira8. […] [NdA] Les seules dotations, ainsi respectées, furent celles dont les titres portaient sur des provinces qui, bien que conquises par l’Empereur, avaient été ensuite reconnues dans les traités de paix comme faisant partie de l’Empire français.
C’est lui qui fait ici de la psychologie appliquée : avec le cynisme d’un esprit lucide et sachant qu’il est autre, il se pare, aux yeux de la dupe qu’il a choisie, de qualités générales dont la représentation existe par avance, sous forme de notion, dans tous les esprits : générosité, vertu, bonté piété, religion et il compte, pour établir sur celle-ci son empire, que, prenant le change, elle l’identifiera avec ces concepts que son attitude évoque. […] À côté de ces cas que chacun imagine et qui relèvent chez l’individu d’une présomption quant à la valeur de son intelligence de son adresse ou de sa force physique on ne va retenir ici, comme exemples de ce Bovarysme tragique, que ces fausses conceptions que, sous l’empire du milieu, mœurs et coutumes, l’individu se forme de sa sensibilité. […] Le point d’honneur, tel que le fixe la coutume de chaque nation, prend sur la plupart des consciences individuelles un empire souverain et on y voit l’opinion, glus forte que la nature, déformer et façonner ce qu’il y a de plus intime dans un être, ses instincts. […] En même temps que l’enfant, sous l’empire de l’enthousiasme qu’excitent en lui les images, risque de s’attribuer des pouvoirs qu’il n’a pas, de s’appliquer à des exercices et à des études auxquels il est impropre et de négliger ses aptitudes réelles, l’avidité dont il témoigne à l’égard de la notion, le dispose mieux que quiconque à s’assimiler toute la part de mensonge et d’erreur que comporte la science humaine. […] Sous l’empire de nécessités identiques, les snobs se comprennent sans mot dire.
Celle de l’Empire a été détruite par Napoléon III ; celle de 1792 a reçu le coup de grâce de M. […] Notre passé de gloire et d’empire venait comme un spectre troubler notre fête. […] Les armées de la République et de l’Empire succédèrent à celles qui furent battues à Rosbach. […] Quand de grandes machines de gouvernement, comme l’empire romain, l’empire franc, commencent à s’affaiblir, les parties disloquées de ces ensembles font leurs conditions au pouvoir central, se dressent des chartes, forcent le pouvoir, central à les signer. En d’autres termes, la formation d’une confédération (hors le cas des colonies ) est l’indice d’un empire qui s’effondre.
Il était tenté de désespérer de la France issue de la Révolution et de l’Empire. […] Pise ne sera pas, comme elle l’a rêvé, la capitale d’un empire méditerranéen. Elle devient une capitale de l’empire des idées. […] Je pensai : « Du moment que le chancelier de l’empire ; à l’Empereur lui-même. […] Ainsi s’était construit l’Empire romain.
Car la France mérite Austerlitz, et l’empire Waterloo. […] Quand l’empire en Gomorrhe avait changé Lutèce, Morne, amer, Je me suis envolé dans la grande tristesse De la mer.
Il a pris ses sujets presque exclusivement dans l’histoire, et chez les historiens : Rodogune, c’est l’Asie hellénisée des successeurs d’Alexandre ; Suréna, c’est l’empire parthe ; Pertharite, ce sont les Lombards : le Cid, don Sanche malgré leurs origines poétiques, sont encore des sujets d’histoire. Mais Corneille s’est arrêté avec prédilection à l’histoire romaine, où il n’y a guère d’époque qu’il n’ait représentée ; les rois dans Horace ; la conquête du monde dans Sophonisbe et dans Nicomède ; les guerres civiles dans Serîorius et dans Pompée ; l’empire dans Cinna, Othon, Tite et Bérénice, Pulchérie ; le christianisme et l’empire dans Polyeucte et Théodore : les barbares et l’empire dans Attila, l’empire byzantin dans Héraclius. […] Il y a dans Othon d’étonnantes peintures des mœurs de cour sous l’Empire.
Tel fut aussi le sort de l’Afrique et de l’Egypte, et telle sera la destinée des empires dans toutes les contrées de la terre et dans tous les siècles à venir. […] — Aigle de l’université de Paris, je vais vous le dire : il s’agit de donner au souverain des sujets zélés et fidèles, à l’empire des citoyens utiles ; à la société des particuliers instruits, honnêtes et même aimables ; à la famille de bons époux et de bons pères ; à la république des lettres quelques hommes de grand goût, et à la religion des ministres édifiants, éclairés et paisibles. […] Le théologien aurait rapporté tout à Dieu ; le médecin, tout à la santé ; le jurisconsulte, tout à la législation ; le militaire tout à la guerre ; le géomètre, tout aux mathématiques ; le bel esprit, tout aux lettres ; et chacun eût été le pendant de Marcel11, qui croyait qu’un empire ne pouvait être que mal gouverné lorsqu’on n’y dansait pas supérieurement le menuet. […] Tant il est important d’instituer les choses non pour le moment, mais pour toute la durée d’un empire. […] Qu’elles fassent ou ne fassent point corps avec celles de l’université, un jour elles ne s’en établiront pas moins dans les villes de l’empire, mais isolées, mais sans être assujetties à aucune méthode raisonnée d’enseignement, ce qui n’en sera pas mieux.
Cet ennemi acharné des Français à Rome était sincère, je le crois, dans le Barde de la Forêt Noire, dans la Vision, alors qu’il célébrait en beaux vers l’affranchissement espéré de l’Italie sous le Consulat et même sous l’Empire. […] « L’orageuse et tremblante joie d’un grand dessein, l’anxiété d’un cœur qui bouillonne indomptable sous la pensée de l’empire, il les sentit en soi, et il tint dans ses mains un prix qu’il y avait folie d’espérer. […] La chute et les légendes héroïques de l’Empire ouvrirent une source nouvelle aux imaginations françaises ; et, sans partialité contemporaine, il faut, dans l’époque qui suivit, reconnaître un âge poétique. […] Ne négligeons pas ce reflet de la France, et ce nouvel empire qu’elle avait obtenu. […] « Élevez-le, tel que l’admirèrent, puissant et stable au-dessus des faisceaux de l’empire, les barbares triomphant au milieu de la ruine des peuples et des lois.
Les modernes, influencés par les femmes, ont facilement cédé aux liens de la philanthropie, et l’esprit est devenu plus philosophiquement libre, en se livrant moins à l’empire des associations exclusives. […] Chez les anciens peuples du Nord, des leçons de prudence et d’habileté, des maximes qui commandaient un empire surnaturel sur sa propre douleur, étaient placées parmi les préceptes de la vertu. […] Toutes les fois que le cours des idées ramène à réfléchir sur la destinée de l’homme, la révolution nous apparaît ; vainement on transporte son esprit sur les rives lointaines des temps qui sont écoulés, vainement on veut saisir les événements passés et les ouvrages durables sous l’éternel rapport des combinaisons abstraites ; si dans ces régions métaphysiques un mot répond à quelques souvenirs, les émotions de l’âme reprennent tout leur empire.
L’agriculture, voilà le fleuve qui fertilisera votre empire. […] Vous avez attaché des peines aux crimes ; attachez des récompenses à la vertu ; et ne redoutez pour la durée de vos empires, que le laps des tems. […] Dans l’empire, le ciel suscite un maître qui amende ou qui détruit ; dans le cycle des races, un descendant qui relève ou qui renverse.
Après avoir tâché de se rendre utile au Public par des Ouvrages, tels qu’une Traduction de la Siphylis de Fracastor ; l’Histoire des Révolutions de l’Empire de Russie ; l’Histoire de Christine, Reine de Suede ; l’Abrégé chronologique de l’Histoire Ancienne, celui de l’Histoire du Nord ; le Dictionnaire portatif des Beaux-Arts, & la Poétique de M. de Voltaire ; de l’amour des Lettres, il est passé à celui de la Librairie. Peut-être lui a-t-il paru plus doux & plus avantageux d’acquérir, par cette voie, un certain empire dans la Littérature, que ses talens ne lui auroient pas procuré.
On s’adjugeait ainsi la souveraineté de quantité de villages ou de seigneuries qui jusque-là avaient aimé à se rattacher par un dernier lien à l’Empire : on les forçait à se retourner et à regarder désormais du côté de la France. […] On n’entendait pas déclarer et fulminer en un rien de temps une réunion sommaire et en bloc à la Couronne, ce qui eût fait crier en Europe ; on devait y aller plus doucement et pas à pas : « Je vous prie, lui disait Louvois, de vous bien mettre dans l’esprit qu’il n’est point question d’avoir réuni en un ou deux mois à la Couronne les lieux que l’on croit être en état de prouver qui en dépendent, mais bien de le faire de manière que toute l’Europe connaisse que Sa Majesté n’agit point avec violence, ne se prévaut point de l’état de supériorité où sa vertu l’a mise sur tous les princes de l’Europe pour usurper des États, mais seulement qu’elle rend justice à des Églises dont les biens ont été usurpés, desquelles Églises Sa Majesté est demeurée protecteur et souverain, eu même temps que, par le Traité de Munster, l’Empire a renoncé, en sa faveur, à tous les droits qu’il pouvait y avoir… « Il faut donc se contenter de faire assigner à la requête des évêques, abbés, etc., les maires et échevins des lieux qu’ils prétendent leur avoir été usurpés par les ducs de Lorraine ou avoir été engagés par leurs prédécesseurs. […] La Diète de Ratisbonne, prise à tout instant pour juge et harcelée de réclamations, ne savait qu’opposer un veto impuissant, réserver les droits, se plaindre et demander, que la France voulût bien produire une bonne fois toutes ses prétentions : c’était, disait-elle, le seul moyen pour elle de couper court d’un seul coup à « ce chancre de prétentions que la France proposait sans cesse, et qui ne pourrait être qu’irrémédiablement contagieux pour l’Empire. » On en vint même, dans cette guerre de chicane, jusqu’à soupçonner que, parmi les titres qu’on produisait à l’appui du droit de la France, tous les parchemins n’étaient pas aussi vieux qu’on le disait. […] En lisant cette histoire de Louvois, en la voyant ainsi montrée à nu et comme par le revers de la tapisserie, je crois entendre continuellement ce mot de la tragédie grecque, qui résonne et se murmure de lui-même à mon oreille ; « S’il faut violer le droit, c’est pour l’empire et la domination, c’est en haute matière d’État qu’il est beau de le faire : dans tout le reste, observe la bonne foi et la justice. » Je paraphrase un peu là parole d’Euripide, cette parole si détestée de Cicéron. […] La foudre, pour être tombée sans bruit et sans éclair, n’en parut que plus prodigieuse. « Tout le monde, écrivait-on de Wurizbourg quelques jours après au baron de Montclar, ne peut revenir de la consternation où l’on est de ce que les Français ont pris Strasbourg sans tirer un seul coup ; et tout le monde dit que c’est une roue du chariot sur lequel on doit entrer dans l’Empire, et que la porte de l’Alsace est fermée présentement. » Cette roue de chariot peut paraître un peu hardie et hasardée : mais ce qui est certain, c’est que la porte, hier encore ouverte sur la terre française, se fermait pour ne se rouvrir désormais que dans le sens opposé.
Mais ce qu’il y a de caractéristique en ce genre, c’est l’éclosion, dans ces dernières années, des Mémoires relatifs au premier Empire : chaque jour en voit paraître de nouveaux942. […] Martha (né en 1820) : les Moralistes sous l’empire romain (1854) ; le Poème de Lucrèce (1869) ; Études morales sur l’antiquité (1883) ; la Délicatesse dans l’art, 1884, Hachette, in-18. […] Il a été l’un des principaux orateurs de l’opposition sous l’empire. […] Son mari fut préfet du palais sous l’Empire. — Éditions : Mémoires, 3 vol. in-8, 1879-1880. […] Pasquier (1767-1852), maître des requêtes, puis conseiller d’État, et préfet de police sous l’Empire ; ministre et pair de France sous la Restauration ; président de la Chambre des pairs, chancelier et duc sous Louis-Philippe : Souvenirs, Plon, 1893-95, 6 vol. in-8 (en cours de public.).
Cet éloquent regret revient en plus d’un endroit, bien qu’ailleurs il reconnaisse aussi les facilités et les bienfaits que l’on doit à cette unité pacifique de l’Empire. […] Il faut voir dans le texte (car les meilleures traductions sont pâles en ces endroits) avec quelle effusion il célèbre ce beau génie, le seul que le peuple romain ait produit de vraiment égal à son empire : « Je te salue, ô toi, s’écrie-t-il, qui le premier fus nommé Père de la patrie, toi qui le premier méritas le triomphe sans quitter la toge… » À quelques livres de là nous apprenons à regret que le fils indigne de l’illustre orateur était un buveur éhonté ; qu’il se vantait d’avaler d’un seul trait des mesures de vin immenses ; qu’un jour qu’il était ivre, il jeta une coupe à la tête d’Agrippa : « Sans doute, dit ironiquement Pline, ce Cicéron voulait enlever à Marc-Antoine, meurtrier de son père, la palme du buveur. » Le livre de Pline sur l’Homme est rempli de particularités, d’anecdotes intéressantes et qu’on ne trouve que là. […] Ses lettres, que chacun peut lire dans l’agréable traduction de Sacy, nous offrent tous les détails de la vie publique, de la vie domestique et littéraire d’un Romain éclairé et honnête homme, sous Trajan, à la belle époque finissante de l’Empire. […] Mais, dans son proconsulat de Bithynie, il se vit en présence des chrétiens eux-mêmes, qui déjà se multipliaient extrêmement dans l’Empire. […] [NdA] On me fait remarquer que le papier dit Grand-Aigle était connu avant l’époque de l’Empire ; c’est pourtant bien alors qu’il prit son cachet impérial.
L’Histoire de la Restauration commence par être une histoire de la fin de l’Empire. […] Mais, dans ce portrait du Napoléon de 1812, M. de Lamartine s’est trop abandonné à son nouveau style de prose, dans lequel il entre plus de Balzac que de Tacite, je parle de Balzac le romancier : L’Empire l’avait vieilli avant le temps, dit l’historien : l’ambition satisfaite, l’orgueil assouvi, les délices des palais, la table exquise, la couche molle, les épouses jeunes, les maîtresses complaisantes, les longues veilles, les insomnies partagées entre le travail et les fêtes, l’habitude du cheval qui épaissit le corps (tout ceci joue le Tacite), avaient alourdi ses membres et amolli ses sens. […] Ses joues, autrefois veinées de muscles et creusées par la consomption du génie, étaient pleines, larges, débordaient comme celles d’Othon dans les médailles romaines de l’Empire. […] On eût dit que sa tête, naturellement petite, s’était agrandie pour laisser plus librement rouler entre ses tempes les rouages et les combinaisons d’une âme dont chaque pensée était un empire. […] Lainé, le premier qui osa élever une parole de résistance légale et de liberté au déclin de l’Empire.
Les années 1677 et 1678 ne présentent que la continuation, à la fin très monotone, des mêmes alternatives de refroidissement et d’ardeur entre le roi et madame de Montespan ; de galanteries entre le roi et quelques femmes de la cour ; et au milieu de ces aventures d’un genre fort commun, le progrès lent, très peu dramatique, très peu sensible de l’empire que madame de Maintenon prenait sur l’esprit du roi, par la sagesse, la convenance, le charme de sa conversation121. […] Elle fut une des plus intéressantes victimes de l’empire que Louis XIV exerçait sur toutes les femmes de sa cour, et de l’empire qu’une d’elles exerçait sur lui.
Ils se préparent, pour ainsi dire, des destinées humaines ; ils n’influent plus sur le sort des empires. […] Rien ne s’y détruit plus ; le plus petit État moderne peut se vanter d’une durée égale à celle des empires des Cyrus et des Césars.
. — Baron de l’empire (1813). […] La ville d’Amsterdam sera la troisième ville de l’empire. […] La capitale de l’empire était alors très gaie. […] D’où venait donc l’impulsion fatale qui poussait l’Empereur et l’Empire dans une vertigineuse course à l’abîme ? […] À Paris ou dans les pays alliés de l’Empire, un grenadier n’est presque rien.
Le même Auteur avoit commencé une Géographie Histori-Politique de l'Allemagne, dont il parle dans son livre de l'Office des Rois d'Armes ; & l'on doit peu regretter qu'il ne l'ait point achevée, depuis que M. l'Abbé Courtalon, Précepteur des Pages de Madame, a publié un Atlas élémentaire de cet Empire, où l'on voit sur des Cartes & des Tableaux sa description géographique, & l'état actuel de sa constitution politique. Comme cet Ouvrage, qui suppose autant de connoissances que d'application, peut être infiniment utile à la jeune Noblesse & à tous les Militaires curieux d'avoir une juste idée du Corps Germanique, nous saisissons cette occasion de le faire connoître ; & nous ne pouvons mieux y réussir, qu'en rapportant la Lettre d'un Ambassadeur de l'Empire d'Allemagne, adressée à l'Auteur même qui lui en avoit envoyé un exemplaire.
Nos pseudo-classiques du premier Empire s’épuisent à cette tâche impossible. […] La chose crève les yeux sous le premier Empire, qui est peut-être dans notre histoire l’époque du despotisme le plus complet et le plus brutal. […] Un certain Brifaut avait fait une tragédie dont l’action se passait en Espagne, et l’Empire français était en guerre avec l’Espagne. […] On le vit bien sous le second Empire, copie et parodie du premier. […] Ainsi le souvenir de l’Empire inspire poètes et historiens que sa présence a étouffés.
VII Quant à la souveraineté, c’est-à-dire à ce pouvoir légitime qui régit avec une autorité sacrée les empires, Rousseau la place, la déplace métaphysiquement ici ou là, dans un tel labyrinthe d’abstractions, et lui suppose des qualités tellement abstraites, tellement contradictoires, qu’on ne sait plus à qui il faut obéir, et contre qui il faut se révolter ; tantôt lui donnant des limites, tantôt la déclarant tyrannique ; ici la proclamant indivisible, là divisée en cinq ou six pouvoirs, pondérés, fondés sur des conventions supérieures à toute convention ; collective, individuelle, existant parce qu’elle existe, n’existant qu’en un point de temps métaphysique que la volonté unanime doit renouveler à chaque respiration ; déléguée, non déléguée, représentative et ne pouvant jamais être représentée ; condamnant le peuple à tout faire partout et toujours par lui-même, lui défendant de rien faire que par ses magistrats ; déclarant que le peuple ne peut jamais vouloir que le bien, déclarant quelques lignes plus loin la multitude incapable et perpétuellement mineure. […] Du patriarche d’Arabie au mage de Perse, du grand roi de Persépolis au démagogue d’Athènes, du consul de Rome aristocratique au César de Rome asservie dans le bas empire, du César païen au pontife chrétien souverain dans le Capitole ; de Louis XIV, souverain divinisé par son fanatisme dans sa presque divinité royale, aux chefs du peuple élevés tour à tour sur le pavois de la popularité ou sur l’échafaud où ils remplaçaient leurs victimes ; des démagogues de 1793, du despote des soldats, Napoléon, affamé de trônes, aux Bourbons rappelés pour empêcher le démembrement de la patrie ; des Bourbons providentiels de 1814 aux Bourbons électifs de 1830, des Bourbons électifs, précipités du trône, à la république, surgie pour remplir le vide du trône écroulé par la dictature de la nation debout ; de la république au second empire, second empire né des souvenirs de trop de gloire, mais second empire infiniment plus politique que le premier, calmant dix ans l’Europe avant d’agiter de nouveau la terre, agitant et agité aujourd’hui lui-même par les contrecoups de son alliance sarde, insatiable en Italie, contrecoups qui, si la France ne prononce pas le quos ego à cette tempête des Alpes, vont s’étendre du Piémont en Germanie, de Germanie en Scythie, de Scythie en Orient, et créer sur l’univers en feu la souveraineté du hasard ; de tous ces gouvernements et de tous ces gouvernants, la souveraineté, souvent dans de mauvaises mains, mais toujours présente, n’a jamais failli ; c’est-à-dire que la souveraineté, instinct conservateur et résurrecteur de la société naturelle et nécessaire à l’homme, n’a pas été éclipsée un instant dans l’esprit humain. […] On dirait que l’excès même d’évidence du droit de propriété a aveuglé, en les éblouissant, ces insurgés contre la nature qu’on appelle socialistes, sans doute comme on appelait à Rome les destructeurs d’empires du nom des nations qu’ils avaient anéanties. […] On se demande si, quand l’état de mariage les fait suivre forcément hors du foyer de la famille un maître ou un époux qui les assujettit à son empire, elles doivent emporter dans des familles étrangères la propriété héréditaire de leur propre famille. […] Voyez la Chine, le plus admirable chef-d’œuvre de démocratie qui soit sur la terre ; le partage égal des biens entre les enfants y a multiplié démesurément l’espèce et affaibli démesurément l’État ; des poignées de Tartares, où la famille est organisée en clans, en hordes, en tribus, en féodalités dynastiques, y renversent et y possèdent des empires de trois cents millions d’hommes isolés.
N’était-il pas craint et redouté de tout l’Empire ? […] L’évêque Burnet avoue que ce goût, acquis en France par les courtisans de Charles II, réforma chez vous jusqu’à la chaire, malgré la différence de nos religions : tant la saine raison a partout d’empire ! Dites-moi si les bons livres de ce temps n’ont pas servi à l’éducation de tous les princes de l’empire ? […] Le tombeau du martyr, le rocher, la retraite, Où dans un long exil vieillit l’anachorète, Tout parle à notre cœur ; et toi, signe sacré, Des chrétiens et du monde à l’envi révéré, Croix modeste, quel est ton ineffable empire ? […] Disc. sur l’Hist. univ., 3e partie, intitulée les Empires.
. — Ou bien revenir un peu en arrière, à la période de l’Empire, reprendre et refaire en sous-œuvre le livre de M. […] J’ai depuis longtemps la pensée, que je t’ai exprimée, je crois, de choisir dans cette grande étendue de temps qui va de 1789 jusqu’à nos jours, et que je continue à appeler la Révolution française, les dix ans de l’Empire, la naissance, le développement, la décadence et la chute de cette prodigieuse entreprise. […] Thiers ; d’écrire l’action même de l’Empire, en évitant seulement de m’étendre sur la partie militaire que M. […] Nous ne sommes d’ailleurs pas au bout de cette sorte de confession intellectuelle, la plus curieuse et la plus détaillée que je connaisse : « A cette première manière d’envisager le sujet, poursuis l’auteur, en a succédé dans mon esprit une autre que voici : il ne s’agirait plus d’un long ouvrage, mais d’un livre assez court, un volume peut-être ; je ne ferais plus, à proprement parler, l’histoire de l’Empire, mais un ensemble de réflexions et de jugements sur cette histoire ; j’indiquerais les faits sans doute et j’en suivrais le fil, mais ma principale affaire ne serait pas de les raconter ; j’aurais, surtout, à faire comprendre les principaux, à faire voir les causes diverses qui en sont sorties ; comment l’Empire est venu, comment il a pu s’établir au milieu de la société créée par la Révolution ; quels ont été les moyens dont il s’est servi ; quelle était la nature vraie de l’homme qui l’a fondé ; ce qui a fait son succès, ce qui a fait ses revers ; l’influence passagère et l’influence durable qu’il a exercée sur les destinées du monde, et en particulier sur celles de la France. […] Vieillard, l’ancien précepteur du fils aîné de la reine Hortense, l’ami particulier et le correspondant, en tout temps, du prince Louis-Napoléon, l’homme dévoué à l’Empereur bien avant l’Empire, le libre et original penseur dont la fin, tout sénateur qu’il était, ne démentit point les convictions.
Daru sous l’Empire n’est pas de ces sujets qui s’effleurent. […] Daru, et j’ai dessein de m’y arrêter même au milieu de cette époque active de l’Empire où il semblait absorbé par de tout autres soins. […] Daru a été sous l’Empire le centre de tout un groupe estimable, spirituel, assez fécond, très goûté à son heure, dont nous avons pu médire dans notre jeunesse et quand les générations en présence se faisaient la guerre, mais auquel il convient de rendre justice quand toutes les rivalités ont cessé. […] Le seul défaut que j’y relèverai, c’est que le sage rapporteur n’y marque pas assez ce qui fut le charme et l’enchantement dans la manière du nouvel écrivain, ce par quoi il a fait avènement à son heure, et qu’il ne nous dit pas assez nettement ce qu’il faut toujours dire et proclamer à la vue des génies, même incomplets et mélangés : « La veille, il y avait un être de moins au monde ; le lendemain, il y a une création de plus. » De tout ce qu’on vient de lire il résulte, ce me semble, que si l’on veut considérer la littérature dite de l’Empire dans ses productions les plus saines, les plus honorables, on ne court aucun risque de s’attacher à M. […] Littérairement, Fontanes fut le critique accepté et autorisé de l’Empire : c’était lui que l’Empereur aimait à faire causer et à entendre sur ces questions délicates et dans ces discussions animées où son actif génie se délassait.
Il y fut bientôt noté comme mal pensant, c’est-à-dire comme pensant beaucoup trop à ces choses de la Révolution et de l’Empire que la Restauration avait brisées et qu’elle se flattait d’avoir abolies. […] Une quantité de Piémontais, de Polonais, anciens militaires de l’Empire, et un moindre nombre de Français, se trouvaient réunis dans cette ville ; ils y furent organisés en légion, sous l’aigle et le drapeau tricolore, par le colonel Pacchiarotti, officier piémontais d’un grand caractère, et dont Carrel ne s’est jamais souvenu depuis qu’avec un sentiment profond : il le citait toujours quand il parlait des hommes créés pour commander aux autres hommes. […] Quant à lui, qui probablement eût fait de même s’il se fût trouvé avec eux, il se vit, en débarquant en Catalogne, jeté dans un groupe tout différent ; il y rencontra des militaires la plupart étrangers, bien qu’ayant fait partie autrefois des armées de l’Empire, des Italiens, des Polonais, qui n’étaient liés par aucun scrupule envers la France du drapeau blanc. […] Parlant du beau caractère de ce colonel piémontais Pacchiarotti, qui avait succombé devant Figuières dans sa protestation impuissante pour les souvenirs de l’Empire : Les choses, disait Carrel, dans leurs continuelles et fatales transformations, n’entraînent point avec elles toutes les intelligences ; elles ne domptent point tous les caractères avec une égale facilité, elles ne prennent pas même soin de tous les intérêts ; c’est ce qu’il faut comprendre, et pardonner quelque chose aux protestations qui s’élèvent en faveur du passé. […] Mme Courier aurait bien désiré que le passage où se trouvait le mot d’équipée fût modifié et adouci, et elle visita Carrel : « Je vis là pour la première fois Mme Courier, me dit un témoin fidèle, et je n’oublierai jamais ni l’esprit avec lequel elle défendit sa thèse, ni la grâce parfaite de Carrel, maintenant son dire et son jugement. » Nous avançons lentement avec Carrel ; c’est que ce n’est pas un talent littéraire tout simple ni de première venue : c’est un esprit éminent, un caractère supérieur qui s’est tourné par la force des choses aux lettres, à la politique, qui s’y est appliqué avec énergie, avec adresse, et finalement avec triomphe, mais qui était plus fait primitivement, je le crois, pour devenir d’emblée un des généraux remarquables de la République et de l’Empire.
Cette idée de nécessité a aussi cela de bon qu’elle doit couper court à tous les regrets, à tous les gémissements rétrospectifs ; que, quelles qu’aient été à nous tous, amis de l’empire dès la première heure, nos vues d’avenir, nos ambitions pour ce régime d’une dictature éclairée et progressive, nos espérances plus ou moins réalisées, plus ou moins déçues, nous n’avons plus qu’une seule idée à suivre, un seul soin à prendre : — entrer sans arrière-pensée de retour dans la nouvelle voie commandée et imposée. […] moi, ami de l’Empire dès le premier jour, voilà ce que j’ai vu, — et ce que j’ai vu sans avoir eu certes personnellement à me plaindre, car, personnellement, j’ai toujours rencontré bienveillance et, je puis dire, égards exceptionnels. Eh bien, donc, préoccupé dès les premiers temps de l’Empire et à l’époque de ses triomphes (c’est assez dans ma nature d’être préoccupé), me posant dès lors la question du lendemain et de la situation morale des esprits, de ceux surtout de mon ordre, de l’ordre littéraire, qu’ai-je vu ? […] Quoi qu’il en soit, nous y sommes, et il s’agit, bon gré mal gré, d’inaugurer une nouvelle période, une nouvelle méthode de l’Empire : la méthode et la période parlementaires.
L’amour de la gloire se fonde sur ce qu’il y a de plus élevé dans la nature de l’homme ; l’ambition tient à ce qu’il y a de plus positif dans les relations des hommes entre eux ; la vanité s’attache à ce qui n’a de valeur réelle, ni dans soi, ni dans les autres, à des avantages apparents, à des effets passagers, elle vit du rebut des deux autres passions ; quelquefois cependant elle se réunit à leur empire ; l’homme atteint aux extrêmes par sa force et sa faiblesse, mais plus habituellement la vanité l’emporte surtout dans les caractères qui l’éprouvent. […] Licidas, il est vrai que vous n’avez pas d’esprit, mais il n’est pas prouvé pour cela que vous soyez capable de gouverner un empire. […] L’origine de toutes les femmes est céleste, car c’est aux dons de la nature qu’elles doivent leur empire : en s’occupant de l’orgueil et de l’ambition, elles font disparaître tout ce qu’il y a de magique dans leurs charmes ; le crédit qu’elles obtiennent ne paraissant jamais qu’une existence passagère et bornée, ne leur vaut point la considération attachée à un grand pouvoir, et les succès qu’elles conquièrent ont le caractère distinctif des triomphes de la vanité : ils ne supposent, ni estime, ni respect pour l’objet à qui on les accorde. […] Mais c’est dans la marche intérieure de la révolution, qu’on peut observer l’empire de la vanité, du désir des applaudissements éphémères, du besoin de faire effet, de cette passion native de France, et dont les étrangers, comparativement à nous, n’ont qu’une idée très imparfaite. — Un grand nombre d’opinions ont été dictées par l’envie de surpasser l’orateur précédent, et de se faire applaudir après lui ; l’introduction des spectateurs dans la salle des délibérations a suffi seule pour changer la direction des affaires en France.
Et d’abord, dans l’ordre de l’action, il y avait le Premier Consul, celui qui disait un matin, en mettant la main sur sa poitrine : Je sens en moi l’infini ; et qui, durant quinze années encore, entraînant le jeune siècle à sa suite, allait réaliser presque cet infini de sa pensée et de toutes les pensées, par ses conquêtes, par ses monuments, par son Empire. Vers ce même temps, et non plus dans l’ordre de l’action, mais dans celui du sentiment, de la méditation et du rêve, il y avait deux génies, alors naissants, et longuement depuis combattus et refoulés, admirateurs à la fois et adversaires de ce développement gigantesque qu’ils avaient sous les yeux ; sentant aussi en eux l’infini, mais par des aspects tout différents du premier, le sentant dans la poésie, dans l’histoire, dans les beautés des arts ou de la nature, dans le culte ressuscité du passé, dans les aspirations sympathiques vers l’avenir ; nobles et vagues puissances, lumineux précurseurs, représentants des idées, des enthousiasmes, des réminiscences illusoires ou des espérances prophétiques qui devaient triompher de l’Empire et régner durant les quinze années qui succédèrent ; il y avait Corinne et René, Mais, vers ce temps, il y eut aussi, sans qu’on le sût, ni durant tout l’Empire, ni durant les quinze années suivantes, il y eut un autre type, non moins profond, non moins admirable et sacré, de la sensation de l’infini en nous, de l’infinienvisagé et senti hors de l’action, hors de l’histoire, hors des religions du passé ou des vues progressives, de l’infini en lui-même face à face avec nous-même.
Je mets plus haut, pour ses chefs-d’œuvre, un genre qui appartient spécialement au second empire, et qui en est, à certains égards, l’originale expression : je veux parler de l’opérette telle que l’a compris Offenbach897, surtout lorsque ses rythmes échevelés coururent sur les livrets de MM. […] Dans ces livrets d’une bouffonnerie énorme et pourtant fine898, dont la fantaisiste irréalité semble se rapprocher parfois de la comédie de Musset, dans cette « blague » enragée qui démolit tous les objets de respect traditionnel, en politique, en morale, en art, et qui ne reconnaît rien de sérieux que la chasse au plaisir, revit ce monde du second empire que les romans et les comédies, plus brutalement ou plus sévèrement, s’efforceront de représenter : monde effrénément matérialiste, si vide de conviction qu’il ne croyait même pas à lui-même, se moquant du pouvoir et de l’argent qu’il détenait, et se hâtant, avant de les perdre, d’en acheter le plus possible de plaisir. […] A ces deux traits de la société du second empire, Augier, en pur bourgeois libéral, en ajoutera un troisième : le jésuitisme.
Aux générations frivoles de l’Empire, éprises de gaudrioles et de flonflons, succédait une génération sérieuse, triste et concentrée ; Mallarmé commentait Wagner, éveillait un frisson nouveau. […] Ma Triste, les oiseaux de rire Même l’été ne volent pas Au Mutisme de mort de glas Qui vint aux grands rameaux élire, Tragique d’un passé d’empire, Un seul néant dans les amas, Plus ne songeant au vain soulas Vers qui la ramille soupire. […] Moréas dira de tout cela, quelques années plus tard, sévère pour lui-même : « C’est purement grotesque. » Jean Lorrain y donna des extraits d’un roman, Très Russe, « où il y a, dit-il, des portraits, celui de Guy de Maupassant, celui de Paul Bourget, un panorama de la société royale et de l’Empire ».
C’est d’abord dans l’univers romain, à la fin de l’Empire, c’est ensuite et surtout dans l’Europe et l’Amérique modernes. […] Les sociétés qu’il fait siennes nous présentent comme les synthèses concrètes des conditions que nous avons étudiées l’une après l’autre, par une abstraction analytique : pour définir sociologiquement et l’Empire et nos nations, il faut dire qu’il s’est rencontré, ici comme là, des populations à la fois très nombreuses, très denses et très mobiles, des individus à la fois très semblables et très originaux, et des groupements partiels très divers, entrecroisés sous des pouvoirs centraux très forts. […] La dissolution de l’ancienne famille germaine fut une des raisons de l’invasion de l’Empire par les Germains et réciproquement cette invasion fut une des raisons de cette dissolution230.
Vers le milieu du quatrième siècle ; l’Empire romain envahi par les barbares et déchiré par l’hérésie, tomba en ruine de toutes parts. […] Sous l’empire des Goths et des Lombards, le christianisme continua de tendre une main secourable aux talents.
Il fut orateur de l’Empire, mais le poëte chez lui était antérieur103. […] La Grèce et Rome, en passant de l’empire des rois sous celui des archontes ou des consuls, ne virent changer ni leur culte, ni le fond de leurs usages et de leurs mœurs. […] Ce serait, il faut en convenir, une étrange manière de renouveler l’empire d’Orient et celui d’Occident. […] Il s’y trouvait un portrait de l’aide de camp, piquant, rapide, brillamment enlevé ; l’autre jour le délicieux causeur, avec une pointe de raillerie, nous le récitait encore ; rien que ce portrait-là portait avec lui toute une fortune sous l’Empire ; mais y avait-il encore un Empire ? […] Craignant de rencontrer ton œil victorieux, Te cède la moitié de l’empire des cieux.
Histoire du Consulat et de l’Empire, par M. […] Là encore, on l’a pu croire quelquefois entraîné, fasciné, tant il pénétrait avec satisfaction et avec plénitude dans toutes les branches de son sujet, tant il se laissait porter avec la pensée de son héros à toutes les conséquences, et jusqu’aux extrêmes splendeurs, jusqu’aux éblouissements de l’Empire. […] C’était dans l’émigration la portion instruite, acceptant la Charte par nécessité, mais ayant pour les choses de l’esprit un goût aussi ancien que la noblesse française ; c’étaient, parmi les amis de la liberté, des hommes nouveaux, acceptant les Bourbons comme les autres la Charte, par nécessité, mais très disposés à recevoir la liberté de leurs mains, et résolus à leur être fidèles s’ils étaient sincères ; c’étaient, dans les partis mécontents, les révolutionnaires, les militaires, les partisans de l’Empire, se déguisant en amis de la liberté, et le devenant sans s’en apercevoir.
Les siècles et la philosophie ont épuisé ce sujet, et ce que j’ai dit sur l’esprit de parti est applicable à cette frénésie comme à toutes celles causées par l’empire d’une opinion ; ce n’est pas non plus de ces idées religieuses, seul espoir de la fin de l’existence dont je veux parler. […] Une dévotion ardente suffit à l’imagination exaltée des criminels repentants, et dans ces solitudes profondes où les Chartreux et les Trappistes adoptaient une vie si contraire à la raison, ces coupables convertis trouvaient la seule existence qui convint à l’agitation de leur âme ; peut-être même, des hommes dont la nature véhémente les eut appelés dans le monde à commettre de grands crimes, livrés, dès leur enfance, au fanatisme religieux, ont enseveli dans les cloîtres l’imagination qui bouleverse les Empires. […] On s’est trop accoutumé à penser que les hommes du peuple bornaient leur ambition à la possession des biens physiques ; on les a vus passionnément attachés à la révolution, parce qu’elle leur donnait le plaisir de connaître les affaires, d’influer sur elles, de s’occuper de leurs succès ; toutes ces passions des hommes oisifs ont été découvertes par ceux qui n’avaient connu que le besoin du travail et le prix de son salaire : mais lorsque l’établissement d’un gouvernement quelconque, fait rentrer nécessairement les trois quarts de la société dans les occupations qui chaque jour assurent la subsistance du lendemain, lorsque le bouleversement d’une révolution n’offrira plus à chaque homme la chance d’obtenir tous les biens que l’opinion et l’industrie ont entassé depuis des siècles dans un Empire de vingt-cinq millions d’hommes ; quel trésor pourra-t-on ouvrir à l’espérance, qui se proportionne, comme la foi religieuse, aux désirs de tous ceux qui veulent y puiser ?
D epuis long-temps, les maux qui désolent la République des Lettres, sont assez semblables à ceux qui, dans l’ordre politique, furent les présages & la cause de la ruine des Empires les mieux affermis. […] Les Esprits simples & légers de la Capitale le communiquerent aux Provinces ; l’empire de la mode rendit la maladie épidémique. […] N’étoit-ce pas pervertir tous les caracteres, ôter aux ames leur vigueur & leur énergie, aux esprits leurs principes & leurs lumieres, au sentiment son usage & ses objets légitimes, aux préjugés les plus respectables leur empire & leurs avantages ?
Les guerres que les grecs se faisoient entr’eux, n’étoient point de ces guerres destructives de la societé, où le particulier est chassé de ses foïers et fait esclave par un ennemi étranger, telles que furent les guerres que ces conquerans brutaux, sortis de dessous les neiges du Nord, firent quelquefois à l’empire romain. […] Si l’on considere quelle étoit la situation de Rome quand Virgile, Pollion, Varius, Horace, Tibulle et leurs contemporains firent tant d’honneur à la poësie, on verra que de leur temps cette ville étoit la capitale florissante du plus grand et du plus heureux empire qui fut jamais. […] Si nous descendons au siecle de Leon X où les lettres et les arts qui avoient été ensevelis durant dix siecles, sortirent du tombeau, nous verrons que sous son pontificat, l’Italie étoit dans la plus grande opulence où elle ait été depuis l’empire des Cesars.
Raczynski, opposé à l’idée de l’empire d’Allemagne, qu’il regardait comme un piège tendu par la Révolulion à la Prusse, n’avait pas prévu la constitution de son unité et l’homme robuste qui s’appelle Bismarck ! Donoso Cortès n’avait pas prévu davantage que l’Empire, sorti d’un coup d’État et qu’il a bien jugé dans son effet immédiat, serait un temps d’arrêt infligé, pendant dix-huit ans, à la Révolution, qui n’a vaincu que parce que l’Empire, mal inspiré, après l’avoir été si bien, s’est lâchement abandonné à elle.
Les courtisanes tiennent leur empire d’une corruption qu’elles n’ont pas créée, mais qu’elles augmentent. […] « Ôtez le père, — a dit suprêmement bien un moraliste religieux, — nous autres hommes, nous sommes tous des jeunes gens. » Il faut, en effet, tout le trouble de la jeunesse, pour ne pas s’apercevoir de l’immense bêtise qu’il y a au fond de ces empires qui ont des flatteurs et des poètes à des siècles de distance. […] Telle elle était, — rien de plus, — et ce fut suffisant pour lui constituer un empire auquel travaillèrent les hommes et les femmes : les hommes, vaniteux et sensuels, les femmes, curieuses, curieuses de voir cette maîtresse de tout le monde, et la regardant comme les sauvages regarderaient un beau fusil.
Redevenus naturels de pitié, de respect et d’irrésistible enthousiasme pour cette victime royale qui seule, peut-être, empêchera Dieu de pardonner à la Révolution, ces mignards enfants d’un siècle faux, qui n’avaient jusque-là compris que les jouissances arrangées et savantes de la vie, ont, du premier coup et sous l’empire des impressions que Marie-Antoinette causera toujours à toute âme passablement faite, peint la douleur et peint la mort comme jamais ils n’avaient peint les joies de l’existence et ses ivresses. […] Elles virent que l’empire, leur empire à elles, allait rester à celle qui ne l’usurpait pas ; et de terreur, de désespoir, ce fut un déchaînement de fureur, d’atrocités et de perfidies, comme des femmes qui perdent le sceptre doivent en inventer.
Redevenus naturels de pitié, de respect et d’irrésistible enthousiasme pour cette victime royale qui seule, peut-être, empêchera Dieu de pardonner à la Révolution, ces mignards enfants d’un siècle faux, qui n’avaient jusque-là compris que les jouissances arrangées et savantes de la vie, ont, du premier coup et sous l’empire des impressions que Marie-Antoinette causera toujours à toute âme passablement faite, peint la douleur et peint la mort, comme jamais ils n’avaient peint les joies de l’existence et ses ivresses. […] Elles virent que l’empire, leur empire à elles, allait rester à celle qui ne l’usurpait pas ; et de terreur, de désespoir, ce fut un déchaînement de fureur, d’atrocités et de perfidies, comme des femmes qui perdent le sceptre doivent en inventer !
Tel fut cet homme politique que l’on connaît peu, mais qu’il faut apprendre à connaître ; qui traversa, sans se démentir, la Révolution, l’Empire et la Restauration ; esprit lucide, conséquent et ferme, resté au second rang, mais fait pour le premier ! […] Sous l’Empire, Napoléon, qui classait les espèces vivantes comme Cuvier classait les espèces mortes, le fit préfet du plus important de nos départements frontières, et sans les malheurs qui suivirent, l’aurait probablement élevé plus haut. […] Dussent-ils s’exagérer un peu leur empire, il est bon à toute heure, mais surtout à cette heure, que les Gouvernements ne croient plus à cette idée funèbre qui les a trop souvent perdus — l’impossibilité.
II C’est sous l’empire de ces pensées que nous avons ouvert le livre publié aujourd’hui par le R. […] Rapports entre Dieu et les pouvoirs humains, — Nécessité d’une réforme de l’enseignement public dans l’intérêt de la religion, — Nécessité d’une réforme de l’enseignement public dans l’intérêt de la littérature et de la politique, — Importance sociale du catholicisme, — Mœurs des Grands, — Exemple des Grands, — l’Église et l’État, ou Théocratie et Césarisme, — Royauté de Jésus-Christ et Restauration de l’Empire en France, voilà les neuf majestueux sujets que le P. […] Dans l’impossibilité de le suivre en ces neuf stations qu’il traverse, nous nous permettrons de signaler à l’homme d’idée le sermon final de son Carême, parce qu’il résume en somme toutes les questions agitées dans les autres et qu’il pose celle-là qui nous couvre, nous protège et doit nous défendre dans les éventualités que l’avenir nous garde, c’est-à-dire, la restauration et l’affermissement de l’Empire.
Mais son plan se bornait d’abord au déclin de la ville même plutôt qu’à celui de l’Empire, et ce ne furent que ses méditations et ses lectures ultérieures qui élargirent son cadre et qui lui donnèrent tout son sujet. […] Dans ce premier volume, l’historien exposait et développait avec le plus grand détail l’état et la constitution de l’Empire sous les Antonins ; il remontait dans ses explications jusqu’à la politique d’Auguste ; il caractérisait en traits généraux les règnes et l’esprit des cinq empereurs à qui le genre humain dut le dernier beau siècle, le plus beau et le plus heureux peut-être de tous ceux qu’a enregistrés l’histoire ; et, à partir de Commode, il entrait dans la narration continue. Ce seul premier volume renfermait bien des matières diverses : des considérations remarquables par l’ordre et l’étendue, des récits rapides ; les cruautés et les atroces bizarreries des Commode, des Caracalla, des Élagabal, les trop inutiles vertus des Pertinax, des Alexandre Sévère, des Probus ; le premier grand effort des Barbares contre l’Empire, et une digression sur leurs mœurs ; l’habile et courageuse défense de Dioclétien, sa politique nouvelle qui, toujours veillant aux frontières, se déshabitue de Rome, et qui, présageant l’acte solennel de Constantin, tend à transporter ailleurs le siège de l’Empire ; enfin les deux chapitres concernant l’établissement du christianisme et sa condition durant ces premiers siècles. […] Cette admiration pour un empire de plus de deux cents millions d’hommes, où il n’y a pas un seul homme qui ait le droit de se dire libre ; cette philosophie efféminée qui donne plus d’éloges au luxe et aux plaisirs qu’aux vertus ; ce style toujours élégant et jamais énergique, annoncent tout au plus l’esclave d’un électeur de Hanovre. » Ce jour-là Mirabeau avait évidemment besoin de faire l’orateur et de se donner un adversaire qu’il pût invectiver ; il se figura Gibbon en face de lui et lança son apostrophe.
, fierté des gloires militaires de la Révolution et de l’Empire, rêve d’une France libre, glorieuse et honorée parmi les hommes », cela composait une sorte de religion civique, commune alors à un très grand nombre de Français, et faite de très antiques bons sentiments, mais qui, naturellement, revêtaient les formes accidentelles propres à cette époque : on n’était pas clérical dans la maison ; on était de ces Parisiens qui, à l’endroit des « capucinades » officielles de la Restauration, retrouvaient les propos de la Satire Ménippée ; et, le samedi soir, on se réunissait entre amis, sous la tonnelle, pour chanter les premières chansons de Béranger. […] Il jugeait que l’empire devait d’autant plus faire pour le peuple que le peuple avait abdiqué entre ses mains. […] Car (pour ramener la complexité des choses à des expressions toutes simples) on aurait presque tout dit en disant que si la Grèce s’éleva par sa générosité charmante, elle périt par quelque chose d’assez approchant de ce que nous nommons le dilettantisme ; et de même, si c’est en somme par la vertu que grandit la république romaine, dire que, avant de mourir par les barbares, l’Empire mourut du mensonge initial d’Auguste et de n’avoir pas eu les institutions qui en eussent fait une patrie au lieu d’un assemblage de provinces, et à la fois de la corruption païenne et de l’indifférence chrétienne à l’égard de la cité terrestre, et encore de l’abus de la fiscalité qui amena la disparition de la classe moyenne, c’est dire, au fond, qu’il périt faute de franchise ou de bon jugement chez ses fondateurs, faute de liberté et d’égalité, faute de communion morale entre ses parties et, finalement, faute de bonté. — Et toutefois le sévère historien sait gré à Rome d’avoir eu quelque chose de ce qu’il lui reproche de n’avoir pas eu assez. Après tout, la conquête romaine, relativement douce aux vaincus, substitua aux lois étroites de la République les lois générales et moins dures de l’Empire ; elle aplanit sans le savoir, pour la propagande chrétienne, tout le champ méditerranéen, et, d’autre part, respecta presque toujours l’indépendance de la pensée philosophique et commença de fonder, à travers le monde, la république des libres esprits ; elle fut enfin, pour une portion considérable de la race humaine, un puissant agent d’unité, encore qu’imparfaite et bientôt défaite… Et puis, nous venons de Rome ; et Victor Duruy ne peut se défendre d’aimer en Rome, initiée de la Grèce et notre initiatrice dans le travail jamais achevé de la civilisation, l’aïeule même de la France. […] On l’exceptait, pour ainsi parler, du second empire, — sans qu’il sollicitât, en aucune manière, cette exception.
Il est vrai que ces quatorze années paraissent n’être plus rien à l’auteur lorsque plus tard, au lendemain de la chute de l’Empire, il fit réimprimer sa brochure en 1814. […] Sous l’Empire et jusqu’au moment où il entreprit son Histoire des croisades, M. […] Il lui a encore été reproché d’avoir, sous l’Empire, payé tribut à la puissance par deux morceaux en vers qu’on peut lire insérés dans le Recueil des poésies impériales et royales en l’honneur du roi de Rome (1812). Rattaché en effet à l’Empire par goût de la stabilité, M. […] Sous l’Empire, étant l’un des propriétaires de La Gazette de France, il eut l’idée, par exemple, de L’Ermite de la Chaussée-d’Antin, dont les chapitres parurent d’abord en feuilletons dans La Gazette (1811-1812) ; il avait même pris la plume pour la mise en train, et il y a, m’assure-t-on, des chapitres qui sont de lui et de Merle.
Nous apprenons de Zozime et de Suidas, que l’art des pantomimes naquit à Rome sous l’empire d’Auguste, et c’est ce qui fait dire à Lucien que Socrate n’avoit vû la danse que dans son berceau. Zozime compte même l’invention de l’art des pantomimes parmi les causes de la corruption des moeurs du peuple romain, et des malheurs de l’empire. […] Ce qui est certain, c’est que l’art des pantomimes charma les romains dès sa naissance, qu’il passa bien tôt dans les provinces de l’empire les plus éloignées de la capitale, et qu’il subsista aussi-long-temps que l’empire.
Sous la forme de l’empire romain, l’Italie avait dominé le monde, lui avait imposé la paix romaine. Depuis la chute de l’empire jusqu’en 1870, elle est la proie des peuples initiés par elle à la civilisation. […] Refaire l’empire romain, ou, pour d’autres, retrouver les consuls de la République, tel fut le songe séculaire des rois étrangers et des patriotes italiens. […] L’Église romaine succéda à l’Empire.
Arthur Rimbaud prend tous les tons, pince toutes les cordes de la harpe, gratte toutes celles de la guitare et caresse le rebec d’un archet agile s’il en fût… Bien des exemples de grâce exquisément perverse ou chaste à vous ravir en extase nous tentent, mais les limites normales de ce second essai déjà long nous font une loi de passer outre à tant de délicats miracles, et nous entrerons sans plus de retard dans l’empire de la Force splendide où nous convie le magicien avec son Bateau ivre. […] Verlaine, à qui nous devons de le connaître, « l’empire de la force splendide ».
Malgré les difficultés qui se présentoient dans un Discours dont le but est de développer le chaos des temps, de suivre, pour ainsi dire, pas à pas la marche de la Sagesse divine, de rapprocher les événemens pour en faire connoître les ressorts & le terme, de présenter enfin le tableau du genre humain dans sa naissance, dans ses erreurs, dans ses crimes, dans le progrès de ses lumieres, dans sa législation, dans la réformation de ses mœurs, dans les révolutions des Empires ; le génie de Bossuet est toujours égal au sujet qu’il embrasse, & embellit les objets que leur propre grandeur sembloit mettre au dessus de l’esprit de l’homme. […] On fut étonné de cette force majestueuse dont il a décrit les mœurs, le Gouvernement, l’accroissement & la chute des grands Empires, & de ces traits rapides d’une vérité énergique dont il peint & dont il juge les Nations.
L’historien romain, après avoir raconté que Thrasylle avait prédit l’empire à Tibère, ajoute : « D’après ces faits, et quelques autres, je ne sais si les choses de la vie sont… assujetties aux lois d’une immuable nécessité, ou si elles ne dépendent que du hasard180. » Suivent les opinions des philosophes que Tacite rapporte gravement, donnant assez à entendre qu’il croit aux prédictions des astrologues. […] « Ce long enchaînement des causes particulières qui font et défont les Empires, dépend des ordres secrets de la divine Providence.
Dans cette rare et fine lignée des Sévigné ou des Motteville, Mme de Rémusat tiendrait bien sa place ; elle l’aura surtout du jour où les Mémoires qu’elle a laissés sur l’Empire pourront être publiés. […] Il frayait la voie à de plus grands, encore rebelles, qui ne firent pas faute pourtant dès que le Consulat se changea en Empire, et qui se précipitèrent en foule. […] On y venait régulièrement ; on y causait beaucoup, à la manière de l’ancien régime, et son salon de la place Louis XV fut tout à fait un de ceux du temps de l’Empire. […] La fatigue et le détachement des esprits étaient grands sur la fin de l’Empire. […] Mais les troubles civils, et, aussitôt après, l’éclat de l’Empire, avaient dérobé ce résultat, qui n’apparut un peu nettement qu’au début de la Restauration.
On voit seulement dans les rapports de Suard que l’Académie se reconnaît et se présente très justement comme autorité plus grave et plus compétente, par opposition aux journalistes (ceux du premier Empire) qui étaient naturellement plus enclins à dénigrer les auteurs qu’à encourager les Lettres, et qui, pour la plupart, ne pensaient qu’à divertir le public. […] Depuis la réorganisation de l’Institut en 1803, elle a traversé et vu se succéder jusqu’à cinq régimes : l’Empire, la Restauration, le règne de Louis Philippe, la République et le second Empire. […] Un signe l’indique assez : aucun homme politique du second Empire, quelque talent de parole ou de plume qu’il ait montré, n’a été nommé membre de l’Académie. […] Chateaubriand, le premier, sous le premier Empire, succédant à Marie-Joseph Chénier en 1812, avait essayé de faire entrer la politique dans les Lettres par ce Discours de réception, qui ne put être prononcé. […] Enfin, l’Empereur ayant créé, le 22 décembre 1860, le grand prix biennal de 20,000 francs pour être attribué tour à tour, à partir de 1861, « à l’œuvre ou à la découverte la plus propre à honorer ou à servir le pays, qui se sera produite pendant les dix dernières années dans l’ordre spécial des travaux que représente chacune des cinq Académies de l’Institut impérial de France », l’Académie française a eu, la première, à en faire l’application, et après de longs débats intérieurs ou bien des noms célèbres furent contradictoirement discutés et agités, sans qu’on pût se fixer sur aucun, elle en vint à proposer l’Histoire du Consulat et de l’Empire par M.
On ne savait pas grand-chose de son origine, de sa famille, de son passé, et il a bien couru la chance de mourir tout entier, n’ayant vécu, sinon toujours en lui, au moins pour lui, — ce qui est peut-être la meilleure manière de vivre… Le prince de Ligne disait de Catherine II que son empire allait d’une tempe à l’autre de son beau front. C’est bien plus vrai de certains esprits que de Catherine II, qui aurait été très attrapée si elle n’avait eu que cet empire-là… Doudan était justement de ces esprits qui ont leur empire dans leur front, et qui sont pauvres, excepté de cela.
Mais si réellement elle en fut un, il faut s’étonner d’autant plus de l’empire d’une fille qui fut la Ninon de son temps, bien plus dépravé que le temps de Ninon, et qui n’avait que la moitié de ce qu’avait Ninon pour vaincre dans les luttes olympiques de son métier de courtisane, — car Ninon avait sa beauté. III C’est cet empire de l’esprit seul et réduit à lui-même, exercé si souverainement et si longtemps par une coquine méprisée, honnie, exécrée et laide, qu’il fallait détacher, pour l’expliquer, de tout ce qui n’était pas cet empire.
Quelques autres personnes du même cercle, hommes de gouvernement, adoptés d’abord par l’empire, fidèles jusqu’à la fin, respectueux toujours, laissés sur la grève bonapartiste quand l’empire leur remit, après son abdication, leur fidélité ; accueillis avec faveur par la Restauration, en 1814, et n’ayant pas cru devoir violer leurs serments parce que Bonaparte avait violé les siens en 1815. […] Je ne le comparais à aucun autre écrivain de son temps ; c’était la nature qui l’avait fait ce qu’il était, et les misérables écrivains du métier, à l’exception d’un petit nombre qu’on appelait les écrivains ou les poëtes de l’empire, avaient beau s’insurger et bourdonner leur ironie contre lui comme des mouches malfaisantes, il ne daignait point les écraser de son courroux. […] La Révolution sérieuse, dont la France était incapable, devait aboutir à la monarchie ; l’armée, enorgueillie de ses victoires et lasse d’attendre, allait transférer l’empire à un de ses chefs. […] La figure et les manières du jeune homme plurent au futur souverain de l’empire.
Les Ruines, ou Méditation sur les révolutions des empires, parurent en août 1791. […] C’est là, c’est devant cette enfilade de colonnes encore debout et de fûts renversés que Volney établit son voyageur ou plutôt s’établit lui-même comme une espèce d’Ossian arabe ou turc, méditant après le coucher du soleil sur les vicissitudes des empires : « Je m’assis sur le tronc d’une colonne ; et là, le coude appuyé sur le genou, la tête soutenue sur la main, tantôt portant mes regards sur le désert, tantôt les fixant sur les ruines, je m’abandonnai à une rêverie profonde. » La gravure qui était en tête du volume, et qui a été souvent reproduite depuis, représente le voyageur dans cette pose un peu solennelle. […] Mais le xviiie siècle, dans son ambition, ne se contente point de si peu ; Sieyès, dans un de ses rares moments d’épanchement, disait : « La politique est une science que je crois avoir achevée. » Et quant à la morale, plus d’un philosophe du temps eût été plus loin et eût dit : « Je crois l’avoir à la fois achevée et inventée. » Piqué par les reproches du Génie et enhardi par sa présence, le voyageur s’ouvre donc à lui ; il veut savoir « par quels mobiles s’élèvent et s’abaissent les empires ; de quelles causes naissent la prospérité et les malheurs des nations ; sur quels principes enfin doivent s’établir la paix des sociétés et le bonheur des hommes. » Ici les ruines de Palmyre s’oublient : le Génie enlève le voyageur dans les airs, lui montre la terre sous ses pieds, lui déroule l’immensité des lieux et des temps, et commence à sa manière toute une histoire de l’humanité et du principe des choses, de l’origine des sociétés, le tout sous forme abstraite et en style analytique, avec un mélange de versets dans le genre du Coran. […] Il était sénateur pendant le Consulat, et il continua de l’être avec l’Empire ; une démission qu’il avait envoyée ne fut point acceptée, et il s’accommoda très bien de garder son siège bientôt doté, blasonné et anobli. […] Il est clair (en prenant pour exactes au pied de la lettre les paroles d’Hérodote) que, si l’on pouvait fixer avec précision par l’astronomie la date de cette éclipse, on aurait un point fixe pour classer bien des événements de l’empire des Mèdes.
Comment donc, sous l’empire absolu de la lettre, expliquer les attributs, la fécondité, les limites, la sainteté de la parole ? […] Le représentant des idées d’un siècle, le législateur d’un peuple, le fondateur d’un empire : voilà le héros de l’épopée. […] L’homme de génie qui, voyant que tout est lié dans les destinées humaines, exprimerait d’avance les idées vulgaires d’un autre âge ; celui-là, comblant l’espace qui le tiendrait séparé des temps postérieurs, créerait dans l’avenir des événements et des chefs d’empire, et prédirait ainsi une épopée. […] Virgile, en racontant les origines de l’empire romain, en transportant les pénates de Troie sur la vieille terre du Latium, nous montre comment se fondent les empires, comment les traditions lient les générations les unes aux autres.
Peut-être même, chez un peuple dont l’humeur sociable et douce aime à communiquer ses sentiments et ses idées, et chez qui les femmes de tout temps exercèrent leur empire, la parole dut se perfectionner et s’adoucir un peu plus tôt que chez d’autres nations, qui avaient moins le goût et le besoin de la société que nous. […] Outre la communication que les Français eurent d’abord avec les Grecs comme le reste des croisés, dans la suite ils se rendirent maîtres de Constantinople, et y fondèrent un nouvel empire, qui subsista près de soixante ans. Dans toute cette époque, l’empire grec fut presque une province de la France. […] Non, l’orateur républicain n’est pas un vain discoureur chargé de cadencer des mots ; ce n’est pas l’amusement d’une société ou d’un cercle ; c’est un homme à qui la nature a remis un empire inévitable ; c’est le défenseur d’une nation, c’est un souverain, c’est un maître ; c’est lui qui fait trembler les ennemis de sa patrie. […] L’éloquence s’éleva donc surtout dans la chaire, et c’est là qu’elle parvint à sa plus grande hauteur ; car pour être vraiment éloquent, on a besoin d’être l’égal de ceux à qui l’on parle, quelquefois même d’avoir ou de prendre sur eux une espèce d’empire ; et l’orateur sacré parlant au nom de Dieu, peut seul déployer dans les monarchies devant les grands, les peuples et les rois, cette sorte d’autorité et cette franchise altière et libre, que dans les républiques l’égalité des citoyens, et une patrie qui appartenait à tous, donnait aux anciens orateurs.
Cet amant étoit sous l’empire de Clémence de Bourges. […] Les plus hautes pyramides tombent, les fontaines tarissent, les villes & les empires ont un terme ; le feu même d’amour, quelque violent qu’il soit dans les autres, ne tient pas contre les années : Mais, las !
Les peuples dont descendent les nations modernes et qui envahirent l’empire romain, avoient déja leurs poëtes quoique barbares, lorsqu’elles s’établirent dans les Gaules et dans d’autres provinces de l’empire.
De sorte qu’on peut dire, en abrégeant, que les générations politiques et révolutionnaires de 89 eurent pour mot d’ordre le droit, et que les générations obéissantes et militaires de l’Empire eurent pour mot d’ordre le devoir. […] Deux seuls grands esprits souvent cités résistèrent à cet Empire et lui tinrent tête, M. […] Madame de Staël, de même, ne put être supprimée par l’Empire, auquel elle était antérieure de position prise et de renommée fondée. […] Revenu à Paris à l’époque où Bonaparte consul visait de près à l’empire, il y fit la Napoléone (1802), encore plus républicaine que royaliste : le dernier vers y salue l’échafaud de Sidney. […] Il entra dans la rédaction des Débats, alors Journal de l’Empire, et que dirigeait encore M.
Quoi qu’il en soit, Bonaparte la connaissait très-bien ; il discerne promptement le mauvais côté de chacun, car c’est par leurs défauts qu’il soumet les hommes à son empire. […] Il y a un sanctuaire de l’âme où jamais son empire ne doit pénétrer ; s’il n’en était pas ainsi, que serait la vertu sur la terre ? […] Le bruit qu’elle y faisait était trop grand pour le silence absolu que l’empire faisait en France. […] Elle croyait que l’intention secrète de ce livre, cachée sous des commentaires littéraires, échapperait à la police inintelligente de l’Empire. […] Il ne veut pas que dans l’univers, depuis les détails de ménage jusqu’à la direction des empires, une seule volonté s’exerce sans relever de la sienne.