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714. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamartine — Lamartine »

non, tout n’était pas dans l’éclat des cheveux, Dans la grâce et l’essor d’un âge plus nerveux, Dans la chaleur du sang qui s’enivre ou s’irrite ! […] Il ne conçoit les transformations de l’humanité, même la plus adulte, que sur le terrain de l’héritage du Christ, dans le champ sans limites, acheté et nommé de son sang, toujours en vue de la Croix, au pied de l’indéfectible mystère. — Tel nous apparaissait Lamartine, lorsqu’hier sa voile s’enflait vers l’Orient ; tel il nous reviendra bientôt, plus pénétré et plus affermi encore, après avoir touché le berceau sacré des grandes métamorphoses. 

715. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « LE COMTE XAVIER DE MAISTRE. » pp. 33-63

Il n’y eut jamais interruption bien longue dans cette suite littéraire notable ; et Ducis se vantait tout haut à Versailles de son sang allobroge, quand déjà, de par delà les monts, la voix de Joseph de Maistre allait éclater29. […] Le plus savant des docteurs de Salerne lui a dit qu’il ne pourrait être guéri que par le sang d’une jeune vierge librement offert, et l’amour le lui fait trouver38.

716. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXXVII et dernier » pp. 442-475

Madame de Montespan dansa très bien… Fontanges mal. » Le 6 avril, cette belle est nommée duchesse, avec 20 000 écus de pension… Malheureusement, dans le cours de ce mois, madame de Sévigné nous apprend que « cette favorite a besoin d’être traitée d’une perte de sang opiniâtre et très désobligeante. » On a quelques espérances de guérison ; mais on lit dans une lettre de madame de Sévigné, du 14 juillet suivant : « Vous aurez ri de cette personne blessée dans le service ; elle l’est au point qu’on la croit invalide. […] Toutes ses sœurs y étaient avec elle ; mais tout cela si triste qu’on en avait pitié ; la belle perdant tout son sang, pâle, changée, accablée de tristesse, méprisant 40 mille écus de rente et un tabouret qu’elle a, et voulant la santé et le cœur du roi qu’elle n’a pas. » Le 21 juillet, madame de Sévigné écrit : « La place me paraît vacante.

717. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — CHAPITRE VII »

On les rétracte et on les retire ; mais la flèche était empoisonnée, et son venin reste dans le sang. […] Il faut qu’il soit fou à lier pour imaginer qu’une femme qui le hait lui donnera sa main lorsqu’il se représentera devant elle couvert du sang du seul homme qu’elle aime et qu’elle ait aimé.

718. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Monsieur de Broglie. » pp. 376-398

Je suis prêt, pour ma part, à me conformer aux conseils de la prudence ; je suis prêt à me taire ; mais c’est à cette condition pourtant qu’on ne prétendra pas me contraindre à proclamer qu’un tel droit n’existe pas ; c’est à cette condition qu’on ne prétendra pas me contraindre à approuver par mes paroles, à tolérer par mon silence, à sceller du sang de mes concitoyens, des maximes de pure servitude. […] Et lorsque, des hauteurs où cette pensée nous transporte, on abaisse ses regards sur l’état actuel de l’Europe, lorsque l’on songe que ce sont ces mêmes cabinets que nous avons vus pendant trente ans si complaisants envers tous les gouvernements nés de notre Révolution, qui ont successivement traité avec la Convention, recherché l’amitié du Directoire, brigué l’alliance du dévastateur du monde ; lorsque l’on songe que ce sont ces mêmes ministres que nous avons vus si empressés aux conférences d’Erfurt qui viennent maintenant, gravement, de leur souveraine science et pleine autorité, flétrir de noms injurieux la cause pour laquelle Hampden est mort au champ d’honneur et lord Russell sur l’échafaud, en vérité le sang monte au visage ; on est tenté de se demander : Qui sont-ils enfin, ceux qui prétendent détruire ainsi, d’un trait de plume, nos vieilles admirations, les enseignements donnés à notre jeunesse, et jusqu’aux notions du beau et du juste ?

719. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « La Grande Mademoiselle. » pp. 503-525

Elle s’accoutuma naturellement à se considérer comme née d’un tout autre sang que le reste des hommes, même des gentilshommes, et comme n’allant de pair qu’avec les reines et les rois. […] Elle nous peint en traits expressifs le moment où elle retrouve M. le Prince dans un des intervalles de l’action : Il était dans un état pitoyable, il avait deux doigts de poussière sur le visage, ses cheveux tout mêlés ; son collet et sa chemise étaient pleins de sang, quoiqu’il n’eût pas été blessé ; sa cuirasse était pleine de coups, et il tenait son épée nue à la main, ayant perdu le fourreau ; il la donna à mon écuyer.

720. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Mirabeau et Sophie. — II. (Lettres écrites du donjon de Vincennes.) » pp. 29-50

Après un long et habile exposé de sa conduite et des circonstances qui peuvent atténuer ses torts : Voilà, mon père, dit-il en concluant, voilà l’ébauche de ce que je pouvais dire : ce n’est pas le langage d’un courtisan, sans doute ; mais vous n’avez point mis dans mes veines le sang d’un esclave. […] Ma poitrine, oppressée par le sang, couve un poison lent qui me ronge.

721. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Henri Heine »

On la reconnaît à ces détails précis et vrais, à ces touches de pourpre qui mettent le sang de créatures vives aux ombres bleuâtres des romantiques de Berlin et de Stuttgard, à la simplicité et à la fermeté de la langue, à un retour constant au décor primitif de toute poésie, l’oiseau, la fleur, le ciel, — à l’apparition des figures traditionnelles de la légende allemande, la Loreley, l’empereur Barbe-rousse, le Tannhaeuser, l’image miraculeuse de la cathédrale de Cologne. […] Trop de temps s’était écoulé depuis le Pœan de Salamine, le sang de sa race était trop pénétré d’une religion de douleur, pour que Heine pût librement revenir aux Anthestéries et aux Penathénées.

722. (1864) William Shakespeare « Deuxième partie — Livre II. Shakespeare — Son œuvre. Les points culminants »

Une leçon qui est un homme, un mythe à face humaine tellement plastique qu’il vous regarde et que son regard est dans un miroir, une parabole qui vous donne un coup de coude, un symbole qui vous crie gare, une idée qui est nerf, muscle et chair, et qui a un cœur pour aimer, des entrailles pour souffrir, et des yeux pour pleurer, et des dents pour dévorer ou rire, une conception psychique qui a le relief du fait, et qui, si elle saigne, saigne du vrai sang, voilà le type. […] Prométhée et Hamlet, ce sont deux foies à nu ; de l’un coule le sang, de l’autre le doute.

723. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Nisard » pp. 81-110

pour accuser d’avarice le Byron qui a donné à pur don ses lettres et ses Mémoires à Thomas Moore, et les restes de sa fortune, les dernières gouttes du sang de sa fortune comme les dernières gouttes du sang de ses veines, à la cause des Grecs.

724. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Sainte-Beuve. Les Poésies de Joseph Delorme, Les Consolations, les Pensées d’août. »

L’un puisait par en haut dans cet étang de sang, de larmes et de fanges typhoïdes ; l’autre puisait par en bas, mais ils étaient tous deux originaux, tous deux trouveurs, l’un, en nous rapportant son idéale amphore de marbre noir veiné de rose, l’autre son humble cruche de grès, toutes deux remplies de la même vase saignante et des mêmes larmes de l’humanité ! […] C’est un Lamartine, en effet, à plusieurs Elvires, et dont la chair veut chanter comme chantait l’âme de l’autre… Cependant il a des traits bien à lui et qui ne manquent pas de cette fougue qui, si elle durait, tacherait le mors de sang (comme dans la pièce à M. 

725. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « I — L’art et la sexualité »

La terreur de l’étreinte naturelle des sexes ne peut provenir que de la pauvreté du sang, car l’être sain et puissant désire et se satisfait. […] Mes sens fleurissent d’une flamme vive, Mon âme chante des psaumes allégresse, Mon sang projette des hymnes, Mes membres se gonflent de force pour tout travail.

726. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XXIV. »

et même, après cet espoir trompé, quelle vertu guerrière, quelle effusion de sang généreux au profit d’un maître ! […] La femme illustre qui s’unissait à lui ne lui apportait que la sollicitude et les veilles d’une sœur, selon le sang, et les bénédictions d’un ange, devant Dieu.

727. (1890) La bataille littéraire. Deuxième série (1879-1882) (3e éd.) pp. 1-303

C’est bien le même sang brûlé, la même lave d’enfer qui te dévore. […] Le sang jaillit sous la force du coup et le bruit du coup réveilla Lasthénie, qui poussa un cri en voyant cette lumière soudaine, ce visage, ce sang qui coulait et cette mère qui se frappait avec cette croix ! […] Ô mon Dieu, recevez mon sang en expiation de mon crime et du sien ! Et elle redoublait ses coups contre sa poitrine, et le sang ruisselait. […] Les animaux à sang froid sont les seuls qui aient du venin.

728. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Victor Hugo — Note »

« Oui, c’est un triste, mais un beau sujet de poésie que toutes ces folies trempées de sang !

729. (1874) Premiers lundis. Tome II « Adam Mickiewicz. Le Livre des pèlerins polonais. »

Ces espèces d’exclusions sauvages, cette tchamara polonaise, dont il fait trop lui-même un signe distinctif et matériel, comme l’était la circoncision chez les Hébreux ; ces âpres méfiances au milieu de populations cordiales et compatissantes, ne me paraissent pas appartenir à cette liberté moderne, européenne, dont l’enfantement s’opère depuis plus de quarante ans dans le sang et les larmes de tous.

730. (1874) Premiers lundis. Tome II « Charles de Bernard. Le nœud Gordien. — Gerfaut. »

Le baron de Bergenheim, jeune homme de vieille race, et qui en a toutes les allures, officier d’ordonnance sous la Restauration, et que Juillet a jeté dans ses terres, court le sanglier, songe peu à sa femme, la croit froide et sûre, et, au moindre soupçon, laverait la tache dans le sang.

731. (1897) La crise littéraire et le naturisme (article de La Plume) pp. 206-208

Les amours, les luxures se fondent, le soleil tremblant vacille et soupire, l’émoi effrite les pensées, le sang et la chair flambent dans un brasier, et le vent tournoie.

732. (1887) Discours et conférences « Discours lors de la distribution des prix du lycée Louis-le-Grand »

Ce que faisaient autrefois l’hérédité du sang, les usages séculaires, les traditions de famille et de corporations, il faut le faire de nos jours par l’éducation.

733. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. Bain — Chapitre V : Rapports du physique et du moral. »

Nous savons à n’en pas douter que les forces mentales dépendent de l’activité du cerveau ; nous savons aussi que l’activité cérébrale dépend de la force nerveuse ; que cette force nerveuse provient immédiatement des transformations qui se font dans le sang, et en dernier ressort de l’oxydation des matériaux de la nutrition ; qu’elle est un équivalent défini de cette combustion ou oxydation.

734. (1867) Le cerveau et la pensée « Chapitre VIII. La mécanique cérébrale »

L’hypothèse des esprits animaux consistait à supposer que les nerfs sont de petits tubes creux remplis d’une sorte de vapeur composée des partie les plus subtiles du sang et sécrétée par le cerveau ce sont de petits corpuscules ronds qui, par leu extrême ténuité, échappent aux sens, et par leu extrême mobilité sont susceptibles des situation les plus variées.

735. (1765) Essais sur la peinture pour faire suite au salon de 1765 « Tout ce que j’ai compris de ma vie du clair-obscur » pp. 26-33

L’ombre d’un corps avec la chair et le sang de la peau forme une faible teinte jaunâtre.

736. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Satire contre le luxe, à la manière de Perse » pp. 122-126

C’est par ce moyen qu’on nous restitue goutte à goutte ce sang dont nous sommes épuisés.

737. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Gabrille d’Estrées et Henri IV »

Il est bien souvent obligé de plonger sa main dans le sang et dans la pourriture, mais, comme l’anatomiste, il ne doit pas oublier que c’est sur une table de marbre qu’il opère, marbre lui-même par l’impartialité !

738. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Jules Vallès » pp. 259-268

Les meilleures couleurs de nos palettes ne sont jamais que le sang qui coula de nos cœurs… Seulement, ce que je lui reproche, c’est de n’avoir pas assez de souvenirs.

739. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Topffer »

Si le talent de peintre est le chaton d’or de la bague de sa renommée, le rubis est son talent d’écrivain, ce talent qui est toujours plus grand que le cadre, la manière, le sujet des livres, qui est le sang même de la pensée et qui vivifie tout, partout où il tombe, — que ce soit par gouttes ou que ce soit par torrents !

740. (1866) Dante et Goethe. Dialogues

Au dire des chroniqueurs, le sang étrusque de Fiesole et le sang romain de Florence n’avaient jamais pu ni se mêler ni s’accommoder. […] Le sang du patriciat romain qui coule dans ses veines donne à son visage un caractère de force et de fierté. […] Aux fêtes de mai, dans une querelle survenue entre deux femmes de ces deux maisons ennemies, le sang avait coulé. […] Son bisaïeul Cacciaguida s’empresse vers lui : « Ô mon sang ! […] C’était comme une voix du sang, une transmission paternelle.

741. (1896) Les origines du romantisme : étude critique sur la période révolutionnaire pp. 577-607

La croix de ma mère, les cheveux blancs de mon père, la voix du sang, devinrent dans la suite des ficelles dramatiques. […] « Derrière les mots mourir pour son pays, écrit Chateaubriand, on ne voit plus que du sang, des crimes et le langage de la Convention17. » Le Mercure du 3 vendémiaire an XI ayant employé le mot patriotisme, expliquait en note qu’il prenait ce mot dans sa « signification primitive » d’avant la révolution ; « car les hommes de 1792 n’avaient pas de patriotisme quoiqu’ils parlassent beaucoup de patrie ». […] La jalousie amoureuse que les romanciers et autres semblables psychologues, considèrent aussi inhérente à l’homme que la circulation du sang, n’est apparue dans l’humanité qu’avec la propriété collective familiale, pour se développer et s’exagérer avec la propriété privée : les femmes et les hommes des tribus communistes l’ignorent.

742. (1856) Cours familier de littérature. I « Ve entretien. [Le poème et drame de Sacountala] » pp. 321-398

Lisons : Pendant les guerres entre deux peuplades dont l’une est exterminée, un pauvre brahmane reçoit par charité, dans sa maison, deux jeunes vaincus et leur mère, qui cherchent à se dérober aux vainqueurs ; la ville qu’habitait le pauvre brahmane était gouvernée par Bahas, chef cruel qui avait imposé un tribut de sang à la contrée soumise. […] C’est ainsi que cette forêt, tout à l’heure si bruyante, ne présente bientôt plus que l’aspect d’un funeste champ de carnage, dévoué au silence, couvert de cadavres, souillé de sang et jonché de tronçons de lances brisées, de massues, d’arcs, de flèches, et de débris d’armes de toute espèce. […] Voyez, ses belles épaules sont tout affaissées encore par le poids de l’arrosoir qu’elle vient à peine de déposer ; le sang en colore plus vivement la paume de sa main délicate ; on reconnaît qu’elle est lasse, à cette respiration pressée qui agite délicieusement son sein ; le nœud charmant qui emprisonne avec tant de grâce les fleurs de siricha dont son oreille est ornée, est humecté de sueur ; et d’une main languissante elle est occupée à réunir les boucles de ses beaux cheveux, échappés de la bandelette à demi détachée qui peut à peine les contenir. » Sacountala reçoit de lui un anneau ; le héros croit s’apercevoir qu’elle est émue d’admiration et d’amour pour lui.

743. (1893) Impressions de théâtre. Septième série

Ce n’est guère ; mais Esther sait bien que l’amour ne lui est pas permis, à elle, et que les filles de la haute banque se marient comme jadis les princesses du sang. […] Sa religion, elle l’a conservée ; elle croit au roi Louis XIV, elle croit au connétable d’Aurec, elle croit à la supériorité d’essence du sang bleu. […] Il leur arrive d’aimer la France autant que nous l’aimons ; et alors ils sont français comme nous, tout comme nous, — et cela d’autant mieux que le sang français, ne l’oublions pas, est un mélange incroyable de tous les sangs. […] On s’aperçoit qu’ils sont d’un pays d’hérétiques, qu’ils ont gardé dans leurs veines quelques gouttes du sang des Albigeois. […] Nulle intrusion indiscrète, dans ce petit drame, de la « voix du sang ».

744. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome III pp. -

Orgueilleux humains sous un extérieur humble, vous qui parlez d’un ton si doux & qui trempez vos mains dans le sang ; quel démon funeste vous introduisit parmi nous » ? […] c’est pour enrichir des architectes, des peintres, des statuaires, & des histrions, que vous avez arrosé de votre sang la Grèce & l’Asie ? […] A son côté droit paroissoit une cicatrice rouge comme d’un coup de lance, & souvent elle jettoit du sang. […] Aussitôt, des cinq cicatrices de ses sacrées plaies, j’ai vu tomber sur moi cinq rayons de sang, qui tendoient à mes mains, à mes pieds & à mon cœur ». […] Ils soutinrent qu’on avoit pris le change sur sa pensée, sur la manière dont il avoit parlé des commandemens divins, de la nature de la grace, du sang de Jésus-Christ, répandu pour le salut de tous les hommes.

745. (1898) La cité antique

En effet, le lien du sang ne constituait pas à lui seul la famille et il fallait encore le lien du culte. […] Le lien du sang ne suffit pas pour établir cette parenté, il faut le lien du culte. […] Or, la religion domestique se transmettait par le sang, de mâle en mâle. […] Pour quiconque a versé le sang, il n’y a plus de sacrifice permis, plus de libation, plus de prière, plus de repas sacré. […] Carla religion de la phratrie, comme celle de la famille, ne se transmettait que par le sang.

746. (1879) À propos de « l’Assommoir »

Et, se signant avec le calice, portant de nouveau la patène sous son menton, il prit tout le précieux sang, en trois fois, sans quitter des lèvres le bord de la coupe, consommant jusqu’à la dernière goutte le divin sacrifice. […] Au mot Jesu Christi, il incline la tête, pais, portant de la main gauche la patène au-dessous du calice, il prend révérencieusomont tout le précieux sang avec la particule en une fois ou trois fois au plus, et sans retirer le calice de sa bouche. […] Cet Empire pourri, pétrifié, saignait terriblement, étalait, aux yeux des passants, de hideuses plaies, que le fouet du poète semblait envenimer encore ; les Bathylles des danses impures, les Locustes, les Astrées impudiques, les Tijellinus éhontés avaient horreur d’eux-mêmes en s’apercevant tachés de boue, souillés de sang, infects, dans le miroir du satirique. […] c’est plein de sang… Ah !

747. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre dixième. Le style, comme moyen d’expression et instrument de sympathie. »

Du plus pur de ton sang tu l’avais rajeunie ; Jésus, ce que tu fis, qui jamais le fera ? […] Aussitôt elle porte à sa gorge l’instrument sacré : le sang jaillit. […]     A ce moment le soleil se couchait : Les derniers rayons, d’un pourpre sombre, ensanglantaient la plaine,          Alors la route sembla charrier du sang,     Les femmes, les hommes continuaient à galoper,     Saignants comme des bouchers en pleine tuerie. […]     Par une soirée sanglante de cette fin de siècle,          Oui, un soir, le peuple lâché, débridé,          Galoperait ainsi sur les chemins ; Et il ruissellerait du sang des bourgeois,     Il promènerait des têtes, Il sèmerait l’or des coffres éventrés.

748. (1894) Critique de combat

En récrivant à sa manière la vie de Jésus, il suppose que le Christ mourant a lancé vers le ciel cinq gouttes de sang. […] Evidemment du sang des bourgeois, du sang des riches voués au massacre. […] Si le sang y coule (rassurez-vous, vous dis-je !) […] Dans un accident de chemin de fer, elle entend le sang qui s’égoutte d’une banquette avec un petit pouf ! […] Un député provoque délibérément des collègues, réveille, à propos de n’importe quoi, les haines d’une époque où des tonneaux de sang plébéien coulèrent pour chaque goutte versée de sang bourgeois, et l’on expulse, non pas le provocateur, mais un des provoqués, parce qu’il a osé protester.

749. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Poésies d’André Chénier »

Il est philosophe, il est moraliste ; il a en lui les lumières et la foi en tous les progrès ; la barbarie, sous quelque forme qu’elle ose reparaître, l’indigne et fait bouillonner son sang.

750. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — V — Vigny, Alfred de (1797-1863) »

Son mal ne l’isole pas de celui des autres hommes, et c’est leur sang qu’il jette avec le sien à la face des dieux, en accusant l’implacable destinée.

751. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre XII. Lo Ipocrito et Le Tartuffe » pp. 209-224

Grande est la force du sang.

752. (1920) La mêlée symboliste. I. 1870-1890 « Jules Laforgue » pp. 36-47

Ysaye, le pianiste, quelques parents lointains dans une voiture avec Mme Jules Laforgue, Paul Bourget, Fénéon, Moréas, Adam et moi ; et la montée lente, lente à travers la rue des Plantes, à travers les quartiers sales, de misère, d’incurie et de nonchalance, où le crime social suait à toutes les fenêtres pavoisées de linge sale, aux devantures sang de bœuf, rues fermées, muettes, obscures, sans intelligence, la ville telle que la rejettent sur ses barrières les quartiers de luxe, sourds et égoïstes ; on avait dépassé si vite ces quartiers de couvents égoïstes et clos où quelques baguettes dépouillées de branches accentuent ces tristesses de dimanche et d’automne qu’il avait dites dans ses Complaintes, et, parmi le demi-silence, nous arrivons à ce cimetière de Bagneux, alors neuf, plus sinistre encore d’être vide, avec des morts comme sous des plates-bandes de croix de bois, concessions provisoires, comme dit bêtement le langage officiel, et, sur la tombe fraîche, avec l’empressement, auprès du convoi, du menuisier à qui on a commandé la croix de bois et qui s’informe si c’est bien son client qui passe, avec trop de mots dits trop haut, on voit, du fiacre, Mme Laforgue riant d’un gloussement déchirant et sans pleurs, et sur cet effondrement de deux vies, personne de nous ne pensait à la rhétorique tumulaire6. » Jules Laforgue représente le type accompli de l’intellectuel en 1880.

753. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre II. Recherche des vérités générales » pp. 113-119

Flux et reflux de l’Océan, courbes symétriques des fleuves, battements du sang dans l’artère, fièvre, musique ou danse, tout autour de nous et en nous révèle une alternance plus ou moins régulière.

754. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Balzac, et le père Goulu, général des feuillans. » pp. 184-196

La mort seule du chef de la sédition empêcha que tout ne fût à feu & à sang.

755. (1765) Essais sur la peinture pour faire suite au salon de 1765 « Mes petites idées sur la couleur » pp. 19-25

On a dit que la plus belle couleur qu’il y eût au monde était cette rougeur aimable dont l’innocence, la jeunesse, la santé, la modestie et la pudeur coloraient les joues d’une fille ; et l’on a dit une chose qui n’était pas seulement fine, touchante et délicate, mais vraie : car c’est la chair qu’il est difficile de rendre ; c’est ce blanc onctueux, égal sans être pâle ni mat ; c’est ce mélange de rouge et de bleu qui transpire imperceptiblement ; c’est le sang, la vie qui font le désespoir du coloriste.

756. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XI. Mme Marie-Alexandre Dumas. Les Dauphines littéraires »

Nous ne croyons plus que le fils d’un Turenne ou d’un Luxembourg soit nécessairement — de sang — un héros, au lieu d’un crevé, comme on dit, qu’il peut très bien être, dans cette société morte.

757. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Philippe II »

Quelques gouttes d’un sang héroïquement versé lavèrent toutes les infamies du XVIe siècle.

758. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Lettres portugaises » pp. 41-51

Et nous disons romances, et non pas romans ; car le romancier le plus vulgaire, avec ce sujet d’une religieuse séduite et abandonnée, apostate de Dieu par amour d’un homme, aurait mis certainement plus de sang du cœur dans les larmes qu’il eût fait verser à sa chimère qu’il n’en passa jamais sur les joues de cette religieuse, qu’on nous donne comme une réalité.

759. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Henri Rochefort » pp. 269-279

Rochefort est un Chamfort jeune, qui n’a pas encore l’âge d’être un misanthrope amer, empoisonné, brisé et bronzé, et blessé, et jetant son sang à poignées à la tête d’une société haïe ; mais qui le deviendra, pour peu qu’il vive.

760. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre II. Des éloges religieux, ou des hymnes. »

Je te loue, s’écrie l’habitant sauvage du Groenland, ô toi dont la main invisible amène tous les ans la baleine sous mes harpons, et fait couler son sang dans les mers, pour m’aider à suivre sa trace quand elle s’éloigne du rivage.

761. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XI. Des éloges funèbres sous les empereurs, et de quelques éloges de particuliers. »

Un tel langage eût été grand dans la bouche des Scipions, mais il dut paraître ridicule dans la bouche d’Octave, qui savait assassiner et ne savait point combattre, et ne versa jamais que le sang des citoyens.

762. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XIII. Éloges donnés aux empereurs, depuis Auguste jusqu’à Trajan. »

Le grave auteur des institutions oratoires, à la tête de son quatrième livre, ne rougit pas de donner le nom de censeur très saint, et de divinité favorable, à Domitien, à ce tyran jaloux, capricieux et lâche, sous qui le nom même de la vertu fut proscrit, qui n’eut que des vices, ne fit que des crimes, empoisonna peut-être Titus, et teint de sang, voulait être homme de lettres et passer pour juste.

763. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XIV. Panégyrique de Trajan, par Pline le jeune. »

Tel est celui où il parle de la vie farouche et solitaire de Domitien, qu’il peint « enfermé dans son palais, comme une bête féroce dans son antre, tantôt s’y abreuvant, pour ainsi dire, du sang de ses proches, tantôt méditant le meurtre des plus illustres citoyens, et s’élançant au-dehors pour le carnage.

764. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XVII. De l’éloquence au temps de Dioclétien. Des orateurs des Gaules. Panégyriques en l’honneur de Maximien et de Constance Chlore. »

D’ailleurs, dur et impitoyable, avide d’or et de sang, en même temps féroce et faible, c’était un lion à la chaîne, que gouvernait Dioclétien, et qu’il avait approché du trône, pour le lancer de là sur les ennemis de l’empire.

765. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XVIII. Siècle de Constantin. Panégyrique de ce prince. »

Après cela, le panégyriste peint son héros qui vole sur les bords du Rhin pour combattre les Francs nos aïeux, et il le loue très sérieusement de ce que vainqueur, il a fait servir le carnage des vaincus aux amusements de Rome, de ce qu’il a embelli de leur sang la pompe des spectacles et donné le délicieux plaisir de voir dévorer par les bêtes une multitude innombrable de prisonniers ; de manière que ces malheureux en expirant, dit-il, souffraient encore plus des outrages de leurs vainqueurs, que des morsures des bêtes féroces et de la mort même. » Dans quels siècles de férocité et de bassesse de tels panégyriques ont-ils été écrits ?

766. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — Chapitre V. Swift. » pp. 2-82

Ce cœur bouleversé et dévoré ne comprenait rien au calme de ses amis ; il leur demandait « si les corruptions et les scélératesses des hommes au pouvoir ne mangeaient pas leur chair et ne séchaient pas leur sang. » La résignation le révoltait. […] Regardez comme lui les détails physiques de la science, de la religion, de l’État, et réduisez comme lui la science, la religion et l’État à la bassesse des événements journaliers ; comme lui, vous verrez, ici, un Bedlam de rêveurs ratatinés, de cerveaux étroits et chimériques, occupés à se contredire, à ramasser dans des bouquins moisis des phrases vides, à inventer des conjectures qu’ils crient comme des vérités ; là, une bande d’enthousiastes marmottant des phrases qu’ils n’entendent pas, adorant des figures de style en guise de mystères, attachant la sainteté ou l’impiété à des manches d’habit ou à des postures, dépensant en persécutions et en génuflexions le surcroît de folie moutonnière et féroce dont le hasard malfaisant a gorgé leurs cerveaux ; là-bas, des troupeaux d’idiots qui livrent leur sang et leurs biens aux caprices et aux calculs d’un monsieur en carrosse, par respect pour le carrosse qu’ils lui ont fourni. […] En effet, c’est la meilleure manière de répondre : pour remuer de tels auditeurs, il faut mettre en mouvement leur sang et leurs nerfs ; dès lors les boutiquiers et les fermiers retrousseront leurs manches, apprêteront leurs poings, et les bonnes raisons de leur ennemi ne feront qu’augmenter l’envie qu’ils ont de l’assommer. […] Ils ont joui d’eux-mêmes et de la nature ; ils ont savouré la grandeur qui était en eux et la beauté qui était dans les choses ; ils ont pressé de leurs mains douloureuses toutes les épines dont la nécessité a hérissé notre route, mais ils y ont vu fleurir des roses, vivifiées par le plus pur de leur noble sang. […] —  oubliant ceux qui sont sa chair et son sang !

767. (1867) Cours familier de littérature. XXIV « CXLe entretien. L’homme de lettres »

Si la nuit nous surprend dans ces bois, j’allumerai du feu, j’abattrai un palmiste ; tu en mangeras le chou, et je ferai avec ses feuilles un ajoupa pour te mettre à l’abri. » Cependant Virginie, s’étant un peu reposée, cueillit sur le tronc d’un vieux arbre penché sur le bord de la rivière de longues feuilles de scolopendre qui pendaient de son tronc: elle en fit des espèces de brodequins, dont elle s’entoura les pieds, que les pierres des chemins avaient mis en sang ; car, dans l’empressement d’être utile, elle avait oublié de se chausser. […] Près de là croissaient des lisières de pervenche, dont les fleurs sont presque semblables à celles de la giroflée rouge, et des piments, dont les gousses, couleur de sang, sont plus éclatantes que le corail. […] Aucun souci n’avait ridé leur front ; aucune intempérance n’avait corrompu leur sang ; aucune passion malheureuse n’avait dépravé leur cœur: l’amour, l’innocence, la piété, développaient chaque jour la beauté de leur âme en grâces ineffables, dans leurs traits, leurs attitudes et leurs mouvements. […] Quelquefois il avait l’espoir de l’aborder ; car la mer, dans ses mouvements irréguliers, laissait le vaisseau à sec, de manière qu’on en eût pu faire le tour à pied ; mais bientôt après, revenant sur ses pas avec une nouvelle furie, elle le couvrait d’énormes voûtes d’eau qui soulevaient tout l’avant de sa carène, et rejetaient bien loin sur le rivage le malheureux Paul, les jambes en sang, la poitrine meurtrie, et à demi noyé. […] vous m’avez sauvé la vie ; mais je l’aurais donnée de bon cœur pour cette digne demoiselle qui n’a jamais voulu se déshabiller comme moi. » Domingue et moi, nous retirâmes des flots le malheureux Paul sans connaissance, rendant le sang par la bouche et par les oreilles.

768. (1887) Journal des Goncourt. Tome II (1862-1865) « Année 1865 » pp. 239-332

Le rire est si malsain, qu’il faudra un grand bouleversement, du sang pour assainir jusqu’au comique. […] L’âcreté du sang chez Chamfort devait faire son âcreté d’esprit. […] Des bras levés qui s’agitent ; un imprésario énorme qui veut mettre la paix avec un patois des Pyramides ; des mères furieuses, leurs marmots chargés sur le dos, dont les colères gesticulantes, mimées, farouches, mêlent des phrases de sang à des malédictions du désert ; un jeune homme de la troupe, en maillot, dont le dos saigne comme d’un soleil de sang, — la scène était poignante, mystérieuse, grandie par la nuit. […] Lui est un passionné tendre et mélancolique, tandis que moi je suis un matérialiste mélancolique… Je sens encore en moi, de l’abbé du xviiie siècle, avec de petits côtés cruels du xvie  siècle italien, non portés toutefois au sang, à la souffrance physique des autres, mais à la méchanceté de l’esprit6.

769. (1880) Goethe et Diderot « Diderot »

Il a du sang dans les veines, et il l’a rouge. […] Il n’y avait pas toujours du sang dans les crachats de ce bavard. […] Le sang lumineux de l’inspiration que ce « coup de hache » fait couler se coagule bientôt au vent des passions déclamatoires, ineptes ou folles, du temps maudit auquel appartenait Diderot, et le front noblement ouvert n’apparaît plus que furieux ou stupide, comme celui d’un bœuf assommé. […] L’amour solennellement et mélancoliquement fidèle qui revient dans toutes les lettres de Diderot à mademoiselle Volland, comme le bruit d’un homme attendri qui se mouche, et malgré deux ou trois éructations déclamatoires dans lesquelles on reconnaît le déclamateur incorrigible, offrant son « sang à boire » à mademoiselle Volland, — qui n’en a pas la moindre envie et qui n’est pas une bête… féroce, au moins, — cet amour n’a d’égal en bourgeoisisme que la gaîté de Diderot, quand il est en gaîté… et qu’il se débraille avec les dames. […] Il n’avait pas été mis à la tête, ou plutôt à la queue de l’édition des frères Garnier, pour juger Diderot avec la fière impartialité d’un critique qui se sent du sang dans les veines, mais pour tintinnabuler à pleines volées en l’honneur du xviii° siècle et de l’homme dont ils publiaient les Œuvres complètes pour la première fois.

770. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [1] Rapport pp. -218

Ce qui s’éteignit d’eux dans le sang albigeois, fut-ce une rose artificielle au tulle depuis longtemps fané, ou un bourgeon d’églantine qui allait éclore pleinement ? […] Non, il n’y avait pas de poètes dans ce temps, puisque aucun cri d’amour ne protesta contre la déchéance du baiser en débauche, du délice en saleté et-en terreur, de l’étreinte en étranglement qui a du sang aux ongles ! […] Le lait prit très vite la couleur du sang. […] Elle est singulièrement calme, tiède, prudente, bien ordonnée ; le tigre more n’y rugit qu’avec trop peu d’emportement ; c’est un sang presque décoloré qui jaillit de sa gorge ouverte. […] D’autres fois, il fait penser à un royal affligé qui aurait versé, pleur à pleur, tout le sang de ses veines, dans un lacrymatoire d’or incrusté de rubis et de chrysoprases.

771. (1896) Les idées en marche pp. 1-385

Madame de Gua Saint-Cyr est une jalouse et il lui faut du sang. […] Ont-ils du sang ou des reflets rouges, ou des hontes plus insaisissables sur ces mains que ne rendraient pas suaves tous les parfums de l’Arabie ? […] Pour lutter contre l’entraînement général, pour infuser un sang nouveau au sentiment social et sociable, la contrainte n’est pas un remède, on s’en apercevra bien vite. […] Et peu à peu se précise un sublime épisode, esquisse tracée au sang humain, image qui se reformera toujours, tel un givre sur les vitres du temps, la divine aventure de Daphnis et Chloé. […] Le grand prévôt, François de Richelieu, par son union avec une bonne famille de robe, les Laporte, mêla à un sang tumultueux un filet de cette prudente sagesse qui bride et concentre les forces d’expansion.

772. (1846) Études de littérature ancienne et étrangère

Les triumvirs s’abandonnant l’un à l’autre le sang de leurs amis, sa tête fut demandée par Antoine. […] Il sort du ton paisible de l’histoire pour apostropher Marc-Antoine et lui reprocher le sang d’un grand homme. […] Tibère se vit à l’aise pour punir et faire couler le sang. […] Regarde sur quel point le sang du Christ brille au firmament : une goutte de ce sang me sauvera. […] Pourquoi les yeux faux et menteurs d’autrui signaleraient-ils les écarts de mon sang trop vif ?

773. (1910) Muses d’aujourd’hui. Essai de physiologie poétique

Le cygne est blessé ; son sang tache la blancheur de son plumage : il va chanter et son chant sera un cri d’amour, un appel qui ne veut pas être entendu, un cri de sensualité plus beau de n’être pas étouffé par l’étreinte brutale du mâle. […] Et pourtant il faudra nous en aller d’ici, Quitter les jours luisants, les jardins où nous sommes, Cesser d’être du sang, des yeux, des mains, des hommes Descendre dans la nuit avec un front noirci, Descendre par l’étroite horizontale porte, Où l’on passe étendu, voilé, silencieux ; Ne plus jamais vous voir, ô Lumière des cieux ! […] Marie Dauguet écrit : Je suis le vent qui roule et je m’entends bruire Parmi le vol agile et bleu des libellules ; Aux visages des eaux, j’ai vu mes yeux reluire, Et mon sang a teinté les roses campanules, Pendant que de la sève en moi se coagule. […] oui c’est trop cruel de mourir de son âme, Et de sa vie et de ses veines au sang lourd, C’est trop amer, ô volupté, d’être une femme, Une bien vraie avec des flancs et de l’amour. […] ………………………………………………………………………… La larme qui me monte aux yeux, tu la connais, Elle a le goût profond de mon sang sur tes lèvres.

774. (1892) Un Hollandais à Paris en 1891 pp. -305

— « Voyez-vous », dit-il, « notre tâche consistera à apporter un sang plus riche à la langue. […] Il coule du sang de klephte dans mes veines. […] Voici mon sang que je n’ai pas versé, Voici ma chair indigne de souffrance, Voici mon sang que je n’ai pas versé. […] Les vieux militaires se mordaient les lèvres d’assister à ces scènes de soldatesque ivre de sang, des scènes que rien ne rendait, après tout, nécessaires. […] La vie, un autre sphinx, offre des problèmes auxquels nous ne savons répondre que par notre désespoir, et la conscience, avec sa tête de Méduse, nous glace le sang dans les veines.

775. (1911) L’attitude du lyrisme contemporain pp. 5-466

Sans doute, c’est ton sang qui chante en toi, C’est ton sang qui scintille, Et ton illusion est ta complice : Toujours n’est-il pas de silence qui ne bruisse, Toujours n’est-il pas d’ombre qui ne brille. […] La Mort a bu du sang Au cabaret des Trois-Cercueils. […] Une même pensée leur vient : boire le sang l’un de l’autre, afin de confondre leur être et de communier leur vie. […] Mon sang libre comment communieraient-elles ? […] Voici les preux étendus sur le gazon teint de leur sang, dont les pensers héroïques s’attardent au souvenir de leur Dame.

776. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre premier. La structure de la société. — Chapitre III. Services locaux que doivent les privilégiés. »

On a vu que les apanages des princes du sang comprennent un septième du territoire ; Necker69 estime à deux millions le revenu des terres dont jouissent les deux frères du roi. […] Même avec la délégation du roi, un gouverneur de province, fût-il héréditaire et prince du sang comme les Condés en Bourgogne, doit s’effacer devant l’intendant ; il n’a pas d’office effectif ; ses emplois publics consistent à faire figure et à recevoir. […] Sombre aspect que celui d’un pays où le cœur cesse de pousser le sang dans les veines.

777. (1861) Cours familier de littérature. XI « LXIVe entretien. Cicéron (3e partie) » pp. 257-336

II Une guerre inattendue a éveillé en sursaut l’Europe ; une petite cour, qui a le courage de son ambition, a demandé le sang de la France au nom d’une cause plus sympathique que la convoitise d’une maison de Savoie. Le principe de la liberté va servir à doubler un trône au pied des Alpes ; l’avenir dira si le sang français aura été versé pour des alliés reconnaissants ou pour des voisins suspects. […] Cependant le canon gronde, les hommes jonchent les champs de bataille, le sang demandé par le Piémont lui est prodigué avec largesse, l’Allemagne s’aigrit, la confédération germanique se concerte et se compte, la Prusse hésite entre sa nature prussienne et sa nature allemande, l’Angleterre se concerte entre deux pensées contraires, la Russie regarde et se réjouit en secret de l’affaiblissement des puissances qui la limitent à l’Occident et à l’Orient.

778. (1868) Cours familier de littérature. XXVI « CLIIIe entretien. Madame de Staël. Suite. »

Le fantôme de l’ennui m’a toujours poursuivie ; c’est par la terreur qu’il me cause que j’aurais été capable de plier devant la tyrannie, si l’exemple de mon père et son sang qui coule dans mes veines ne l’emportaient pas sur cette faiblesse. […] Le prince Louis m’écrivait en commençant son billet par ces mots : « Le nommé Louis de Prusse fait demander à Madame de Staël, etc. » Il sentait l’injure faite au sang royal dont il sortait, au souvenir des héros parmi lesquels il brûlait de se placer. […] D’abord Bonaparte voulait rassurer le parti révolutionnaire, en contractant avec lui l’alliance du sang.

779. (1894) Journal des Goncourt. Tome VII (1885-1888) « Année 1886 » pp. 101-162

j’étais beaucoup plus fort que lui, me dit-il, mais l’épée me grise… ça m’arrive même à la salle d’armes… Je me suis jeté sur son épée… le foie est touché… S’il n’y a pas de péritonite… Il n’achève pas sa phrase, mais tout affaibli qu’il est par la perte de son sang, on sent dans le noir de son œil, la volonté de se rebattre un jour. […] Et il nous peint Drumont blessé, sa culotte tombée à terre, sur le pas de la grange où on l’avait entraîné, tapant sur le pan de sa chemise, toute mouillée de sang, et criant exaspéré à Meyer et à ses témoins : Au Ghetto, sales juifs, vous êtes des assassins… c’est vous qui avez choisi cette maison ayant appartenu à Hirsch, et qui devait me porter malheur !  […] Il raconte enfin qu’une nuit, ils avaient été attaqués par des soldats, mourant de faim comme eux, et qui les soupçonnaient d’avoir du pain, et le lendemain, Riffaut voyait son sabre tout rouge de sang.

780. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XVIII. »

« Chantons d’abord le Fils200, dans notre saint respect, pour le sang expiateur de nos fautes. […] Il peut porter ses pas jusqu’aux sentiers dite vins, celui-là qui reconnaît un Dieu né de soi-même dans le monde des vivants, un Christ sauveur des mortels, qui eut un jour pitié des maux de l’espèce humaine, et se fit mortel, étant Dieu, jusqu’à ce qu’il eût délivré par son sang tous ceux qui gémissaient dans l’enfer. […] Dieu jettera quelque regard favorable sur l’autel arrosé par le sang du pontife. » Cela même, cette résolution qui fut accomplie, relève singulièrement le caractère du poëte dans l’évêque.

781. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Le marquis de Lassay, ou Un figurant du Grand Siècle. — II. (Fin.) » pp. 180-203

Cet homme, en effet, qui avait précédemment essayé d’introduire Marianne de la bourgeoisie dans la noblesse, allait s’efforcer à son tour de s’initier parmi les princes du sang à l’aide d’une alliance du côté gauche. […] » Très initié malgré tout, et nonobstant les ennuis, dans ce monde de Chantilly et de Saint-Maur, devenu coûte que coûte allié des princes du sang et appartenant dorénavant du côté gauche à la maison de Condé, Lassay passait sa vie dans la familiarité du plus grand monde ; s’il essuyait quelquefois la chanson et la satire, il les rendait bien.

782. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Le maréchal de Villars — II » pp. 57-80

L’heure à laquelle il arrivait était marquée par des mouvements dans mon sang. […] S’il était aussi bien M. de Vendôme, on dirait que c’est le sang de Henri IV qui pétille dans sa parole.

783. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Œuvres inédites de F. de la Mennais (suite et fin.)  »

L’acte de son établissement a été signé avec le sang français, à la lueur de nos villes et de nos hameaux incendiés. […] Le genre humain tout entier marche à grands pas vers sa destruction ; il est dans le travail de l’agonie, et, comme un malheureux blessé à mort, il se débat et se roule dans son propre sang. » Qu’il y ait quelques amères vérités mêlées et broyées dans cette peinture apocalyptique, on ne le saurait nier ; mais comment faire le départ du vrai et du chimérique ?

784. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Béranger — Béranger en 1832 »

Il s’élevait une profonde voix, Âme, soupir, émotion guerrière, Regret aussi de nos antiques droits, Le tout confus comme un gros de poussière Que la déroute envoie en tourbillons, Comme du sang fumant dans les sillons ! […] notre France est là… France d’alors, chantant sous le tonnerre Plus d’un refrain qui depuis s’envola, Vive et rétive, assez peu doctrinaire, Encore en sang des caresses des rois ; Oui, cette France est toute dans ta voix.

785. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « PENSÉES FRAGMENTS ET LETTRES DE BLAISE PASCAL, Publiés pour la première fois conformément aux manuscrits, par M. Prosper Faugère. (1844). » pp. 193-224

Voir surtout au tome II, page 341, le passage inédit où l’auteur, ravi dans une tendre contemplation, voit Jésus-Christ présent, converse avec lui, entend sa parole et lui répond : « On croirait lire, dit M augère, un chapitre de l’Imitation : Je pensois à toi dans mon agonie ; j’ai versé telles gouttes de sang pour toi. — Veux-tu qu’il me coûte toujours du sang de mon humanité, sans que tu donnes des larmes ?

786. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Du génie critique et de Bayle »

Chacun apporte ainsi dans sa jeunesse sa dose de foi, d’amour, de passion, d’enthousiasme ; chez quelques-uns, cette dose se renouvelle sans cesse ; je ne parle que de la portion de foi, d’amour, d’enthousiasme, qui ne réside pas essentiellement dans l’âme, dans la pensée, et qui a son auxiliaire dans l’humeur et dans le sang ; chez quelques-uns donc cette dose de chaleur de sang résiste au premier échec, au premier coup de tête, et se perpétue jusqu’à un âge plus ou moins avancé.

787. (1858) Cours familier de littérature. V « XXVIIIe entretien. Poésie sacrée. David, berger et roi » pp. 225-279

La souveraineté l’enivre, le sang l’allèche, l’amour le corrompt ; mais il ne perd point son génie poétique avec sa vertu ; il est à lui-même son propre barde. […] Quel talion de miséricorde demande ainsi au coupable des larmes pour du sang ?

788. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre II. L’époque romantique — Chapitre IV. Le théâtre romantique »

Voyez la fin de Christine : Monaldeschi a peur, peur de la mort, peur de la blessure, de la douleur, du sang qui coule, du fer froid qui entre dans la chair ; il a la fièvre, il tremble ; puis il est blessé, il se traîne saignant, il supplie, on l’achève. […] Voici dans les mêmes Burgraves la voix du sang, et dans Angelo la croix de ma mère, empruntée à Zaïre.

789. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Victor Hugo, Toute la Lyre. »

Le poète nous explique en cinq ou six cents vers que la Révolution ne pouvait se faire que par l’échafaud, mais que, maintenant qu’elle est faite, il ne faut plus verser de sang  Il croit au progrès, à la future fraternité des hommes  Il maudit les rois et les empereurs  Cela ne l’empêche pas de dire ensuite à Dieu : « Seigneur, expliquons-nous tous deux », et de lui demander pourquoi « il laisse mourir Rome », c’est-à-dire la civilisation latine, et grandir « l’Amérique sans âme, ouvrière glacée ». […] Nous l’avons bien vu quand on a repris le Roi s’amuse et Marion Delorme : Il ne manque qu’une chose à ces belles machines lyriques : le frémissement de la vie, ce qui fait qu’on se croit en présence de créatures de chair et de sang.

790. (1868) Alexandre Pouchkine pp. 1-34

Nous sommes des barbares sans lois ; nous ne savons ni torturer ni punir, nous n’avons besoin ni de sang ni de larmes, mais nous ne vivons pas avec un assassin. […] Leur sang a teint tes sabots d’acier.

791. (1894) Propos de littérature « Chapitre V » pp. 111-140

Plus tard, ce fut dans la chair et le sang de sa poésie que M.  […] Non seulement pour l’action du drame et le cadre où elle se meut ; mais tels détails comme le sang du dragon qui fait entendre les oiseaux, l’histoire de la Peur, etc… Siegfried lui-même est enfant du génie populaire et peut s’affronter avec Tiehl Uylenspiegel par exemple.

792. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Discours préliminaire, au lecteur citoyen. » pp. 55-106

Puis on l’assujettira à un régime propre à calmer l’âcreté de son sang ; on lui fera avaler des pillules capables de corriger le vice des humeurs ; enfin il changera d’air, pour tâcher de dissiper les vapeurs qui exaltent & brûlent son cerveau. […] Il est beau, nous dit-on, de mourir pour la Patrie ; mais est-ce mourir pour la Patrie, que de verser son sang pour celui qui, pour de vils intérêts, conduit ses Citoyens au carnage ?

793. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — Chapitre Premier »

Non, jamais un raffiné du temps de Louis XIII n’aurait consenti à remettre une bravade au fourreau, quelque extravagante qu’elle pût être : « Le sang est tiré, il faut le boire !  […] Les nations ont de ces crises fébriles où le sang étouffe dans leurs veines, et cherche, pour sortir, des issues violentes et rapides.

794. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Madame de Pompadour. Mémoires de Mme Du Hausset, sa femme de chambre. (Collection Didot.) » pp. 486-511

Les Maurepas, les Richelieu, se révoltèrent à l’idée d’une bourgeoise, d’une grisette comme on l’appelait, usurpant le pouvoir réservé jusqu’alors aux filles de noble sang. […] Le sang bourbon résistait en lui à l’attrait d’une telle alliance, ainsi proposée.

795. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Chateaubriand homme d’État et politique. » pp. 539-564

Nos larmes, nos gémissements, nos sanglots ont étonné un imprudent ministre : les pieds lui ont glissé dans le sang ; il est tombé. » Cette parole contre un homme aussi modéré que M.  […] J’ai entendu raconter à l’une des personnes qui étaient alors dans la rédaction du Conservateur que, primitivement, la phrase de M. de Chateaubriand était ainsi conçue : « Les pieds lui ont glissé dans le sang, et il a été entraîné par le torrent de nos pleurs.

796. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1861 » pp. 361-395

Il n’y manque pas même au milieu, à côté de la signature du propriétaire, le sang d’un pou écrasé, — tout cela imité merveilleusement avec de la plume, de la mine de plomb, une goutte d’aquarelle, et les dents du peigne brèche-dents découpées dans le carton. […] * * * 8 septembre Amsterdam… Une terre sortie de l’eau et véritablement bâtie ; un pays à l’ancre, un ciel aqueux ; des coups de soleil qui ont l’air de passer par une carafe remplie d’eau saumâtre ; des maisons qui ont l’air de vaisseaux, des toits qui ont l’air de poupes de vieilles galères, des escaliers qui sont des échelles, des wagons qui sont des cabines, des salles de danse qui figurent des entreponts ; des hommes, des femmes à sang blanc et froid ; des caractères qui ont la patience de l’eau ; des existences qui ont la platitude d’un canal, des castors dans un fromage : — voilà la Hollande.

797. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1879 » pp. 55-96

* * * — Toute la valeur du romantisme, ça été d’avoir infusé du sang, de la couleur dans la langue française, en train de mourir d’anémie, — quant à l’humanité qu’elle a créée, c’est une humanité de dessus de pendule. […] Alors il nous dit avoir vomi, une nuit, sans souffrance, un gros caillot de sang… que les uns disent venir des bronches, les autres du poumon.

798. (1864) William Shakespeare « Conclusion — Livre III. L’histoire réelle — Chacun remis à sa place »

Était-ce du sang ? […] Le sang qu’ils versent fume dans Cantemir avec une odeur d’encens, et le vaste assassinat qui est leur règne s’épanouit en gloire.

799. (1868) Curiosités esthétiques « IV. Exposition universelle 1855 — Beaux-arts » pp. 211-244

Un poëte a essayé d’exprimer ces sensations subtiles dans des vers dont la sincérité peut faire passer la bizarrerie :                           Delacroix, lac de sang, hanté des mauvais anges, Ombragé par un bois de sapins toujours vert, Où, sous un ciel chagrin, des fanfares étranges Passent comme un soupir étouffé de Weber30. Lac de sang : le rouge ; — hanté des mauvais anges : surnaturalisme ; — un bois toujours vert : le vert, complémentaire du rouge ; — un ciel chagrin : les fonds tumultueux et orageux de ses tableaux ; — les fanfares et Weber : idées de musique romantique que réveillent les harmonies de sa couleur.

800. (1906) Les idées égalitaires. Étude sociologique « Deuxième partie — Chapitre III. La complication des sociétés »

Bien longtemps après que les divisions par familles ont cessé de s’imposer officiellement à l’organisation de la cité antique, les descendants d’un même sang reprennent, à de certaines fêtes, la conscience de leur parenté153. […] On sait, d’ailleurs, qu’indépendamment des liens quasi, naturels, comme ceux que tisse d’elle-même la communauté du sang ou du sol, les citoyens romains se forgeaient volontairement, pour les objets ou sous les prétextes les plus divers, des chaînes sociales de toutes sortes.

801. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre second. De la sagesse poétique — Chapitre VI. De la politique poétique » pp. 186-220

La victoire leur ôtant tout droit civil, ainsi que nous le démontrerons, les vaincus conservaient seulement la puissance paternelle, donnée par la nature, les liens naturels du sang, cognationes, et d’un autre côté le domaine naturel ou bonitaire ; en tout cela leurs obligations étaient simplement naturelles, de jure naturali gentium, en ajoutant, avec Ulpien, humanarum. […] Comment expliquer cette prétendue alliance, quand Romulus lui-même, sorti du sang des rois d’Albe, vengeur de Numitor auquel il avait rendu le trône, ne put trouver de femmes chez les Albains.

802. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre III. »

« Est-ce que je mangerai la chair des taureaux, ou boirai le sang des boucs ? […] Humainement parlant, on ne peut expliquer d’autre sorte ces écoles perpétuées dans Israël, ces prophètes, voix du peuple et conseils du souverain, accusateurs publics de toute violence et de toute fraude, hérauts et messagers, scellant de leur sang la vérité de leurs reproches et de leurs prédictions.

803. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Le maréchal de Villars — V » pp. 123-131

Je me suis rendu, d’autant plus que le commandement qu’on m’offre est si important, que je ne crois pas pouvoir refuser à mon roi et au roi d’Espagne, tant qu’il me reste une goutte de sang dans les veines, les services qu’ils me demandent.

804. (1874) Premiers lundis. Tome I « M. A. Thiers : Histoire de la Révolution française — II. La Convention après le 1er prairal. — Le commencement du Directoire. »

Les principaux chefs insurgés furent pris, et périrent ; et aujourd’hui qu’on élève des mausolées à ces victimes, aujourd’hui qu’on voudrait faire retomber leur sang sur ceux qui eurent le droit de le verser, il est bon de remarquer qu’après tout, les affligeants trépas des Sombreuil et des Charettene doivent pas être imputés seulement à la valeur républicaine, et que, si les héros exhalèrent en mourant des ressentiments et des plaintes, ces plaintes et ces ressentiments s’adressaient à d’autres qu’à leurs vainqueurs.

805. (1874) Premiers lundis. Tome II « Thomas Jefferson. Mélanges politiques et philosophiques, extraits de ses Mémoires et de sa correspondance, avec une introduction par M. Conseil — II »

En 1823, octogénaire, écrivant au général La Fayette avec un poignet perclus, il lui exprime cette forte pensée : « Des alliances saintes ou infernales, dit-il, peuvent se former et retarder l’époque de la délivrance ; elles peuvent gonfler les ruisseaux de sang qui doivent encore couler ; mais leur chute doit terminer ce drame, et laisser au genre humain le droit de se gouverner lui-même. » Comme nous ne voulons rien céler de l’opinion de l’illustre vieillard, et que son autorité ne saurait jamais avoir d’effet accablant pour nous, nous transcrirons ce qu’il ajoute : « Je doutais, vous le savez, dans le temps où je vivais avec vous, si l’état de la société en Europe comportait un gouvernement républicain, et j’en doute encore.

806. (1874) Premiers lundis. Tome II « Loève-Veimars. Le Népenthès, contes, nouvelles et critiques »

Il emploie les mots selon leurs acceptions précises et distinctes, il sait être piquant, sans les violenter, sans pincer jusqu’au sang cette pauvre langue, sans la chatouiller à la plante des pieds, comme le héros d’un roman nouveau14 fait à sa maîtresse ; la pauvre langue et la maîtresse expirent de la sorte en des rires et des ébats convulsifs.

807. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Guy de Maupassant »

Et tout de même, comme il est jeune et qu’un sang de campagnard, de chasseur et de marin coule dans ses veines, il laisse voir assez fréquemment une prédilection pour les tableaux charnels  soit qu’il porte en ces matières l’esprit du naturalisme antique, ou l’amertume pessimiste qui est à la mode depuis vingt ans.

808. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — V — Verhaeren, Émile (1855-1916) »

Ils ont des polychromies d’ors et de pourpres, brasiers flambants où furent concassés des vitraux et des pierreries, où rutilent du soleil et du sang.

809. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Deuxième partie. Ce qui peut être objet d’étude scientifique dans une œuvre littéraire — Chapitre V. Des trois ordres de causes qui peuvent agir sur un auteur » pp. 69-75

De tous ceux dont le sang coule dans ses veines et, en particulier, de ses derniers aïeux il tient des puissances qui existent en lui à l’état latent, des germes qui sommeillent engourdis, mais vivants, dans les profondeurs de son être.

810. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XV » pp. 175-187

On réputait précieux ce vers de Corneille concernant le crime de Laïus, et la peine que les dieux en ont porter à ses enfants : Et s’il faut après tout qu’un grand crime s’efface Par le sang que Laïus a transmis à sa race… Sans doute il aurait fallu dire : par le châtiment des enfants de Laïus !

811. (1767) Salon de 1767 « Les deux académies » pp. 340-345

Il faut présenter à l’académie l’occasion de réparer son injustice, aller à Rome, ou mourir. " et voilà, mon ami, comme on décourage, comme on désole le mérite, comme on se déshonore soi-même et son corps ; comme on fait le malheur d’un élève et le malheur d’un autre à qui ses camarades jetteront au nez, sept ans de suite, la honte de sa réception ; et comme il y a quelquefois du sang répandu.

812. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 8, des plagiaires. En quoi ils different de ceux qui mettent leurs études à profit » pp. 78-92

Faites parler de guerre cet officier décrépit, il s’échauffe comme par inspiration ; on diroit qu’il se soit assis sur le trépied : il s’énonce comme un homme de quarante ans, et il trouve les choses et les expressions avec la facilité que donne, pour penser et pour parler, un sang petillant d’esprits.

813. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Notre critique et la leur »

Elles ne se sont pas demandé si elles avaient, pour réussir comme lui, les qualités spontanées ou imitées de Janin, lequel a l’art de débrailler Diderot, si débraillé déjà, et de mettre du petit pot à la pâleur anglaise de Sterne, — cette belle pâleur qui crache du sang ! 

814. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Rome et la Judée »

Puisque sa veine était tarie, puisqu’il avait donné le meilleur du sang de sa pensée à son premier livre, ne pouvait-il pas, au moins, s’imiter ?

815. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Swift »

Exemple de plus de ce manque de respect si fréquent envers son propre génie qu’on paye de plus que de son sang, car on le paye avec son immortalité.

816. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Lessing »

Seulement il a bien voulu, par exception, condescendre à prendre une sucée de sang à Lessing.

817. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. de Gères. Le Roitelet, verselets. »

Il moralise à travers les larmes et le sang du cœur ; c’est un âpre jugeur de la vie.

818. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Victor de Laprade. Idylles héroïques. »

Pour réchauffer cette climature, l’auteur ne s’est-il pas imaginé de faire tomber dans cette neige alpestre une goutte du sang immortel du vieux Dante ?

819. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « M. Paul Bourget »

Tel qu’un mauvais soldat exilé de son rang, Il écoute le bruit du combat qui l’attire, Et ne sait à quel Dieu dévouer tout son sang.

820. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre VIII. De Platon considéré comme panégyriste de Socrate. »

Quand Thraséas, qui mourut aussi dans Rome, pour avoir été vertueux et juste, faisait couler son sang : « Jeune homme, dit-il à un Romain qui était présent, approche et regarde6. » 6.

821. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXII. Des panégyriques latins de Théodose ; d’Ausone, panégyriste de Gratien. »

L’orateur parle avec éloquence de tous les maux que nos ancêtres ont soufferts sous ce tyran ; il peint les brigandages et les rapines, les riches citoyens proscrits, leurs maisons pillées, leurs biens vendus, l’or et les pierreries arrachées aux femmes ; les vieillards survivant à leur fortune ; les enfants mis à l’enchère avec l’héritage de leurs pères ; le meurtre employé comme les formes de justice, pour s’enrichir ; l’homme riche invoquant l’indigence, pour échapper au bourreau ; la fuite, la désolation ; les villes devenues désertes et les déserts peuplés ; le palais impérial, où l’on portait de toutes parts les trésors des exilés et le fruit du carnage ; mille mains occupées jour et nuit à compter de l’argent, à entasser des métaux, à mutiler des vases ; l’or teint de sang, posé dans les balances, sous les yeux du tyran ; l’avarice insatiable engloutissant tout, sans jamais rendre, et ces richesses immenses perdues pour le ravisseur même qui, dans son économie sombre et sauvage, ne savait ni en user, ni en abuser ; au milieu de tant de maux, l’affreuse nécessité de paraître encore se réjouir ; le délateur errant, pour calomnier les regards et les visages, le citoyen qui de riche est devenu pauvre, n’osant paraître triste, parce que la vie lui restait encore, et le frère, dont on avait assassiné le frère, n’osant sortir en habit de deuil, parce qu’il avait un fils.

822. (1920) Impressions de théâtre. Onzième série

Il a semé sur la mer le sang qui ruisselait de ses blessures, et, de cette écume rouge, Vénus est née. […] Je me suis offert en sacrifice pour les hommes et je les abreuve de mon sang divin. […] Et, d’un autre côté, il répète vingt fois qu’il se vomit lui-même, que son propre sang le dégoûte, parce que c’est le sang de Barnabo. […] Le sang qui rend ma main froide comme un tombeau, C’est du sang de serpent, du sang de Barnabo ! […] Mais auparavant, sachant Semblançay condamné à mort, elle supplie le roi de ne pas souiller ses mains du sang de ce juste.

823. (1920) Essais de psychologie contemporaine. Tome II

On est un peu les uns sur les autres, on est secoué, on se fait du mauvais sang, mais on s’y habitue, on s’endort, et on arrive pendant que les autres se fatiguent ou se perdent dans les mauvais chemins. […] Il y a ainsi une sorte de mysticisme physique, si l’on peut dire, qui est, par exemple, celui de cette femme au teint étrangement maladif, à la pupille trop dilatée, au sang décoloré par l’anémie. […] Le sang rose et subtil qui dore son col fin Est doux comme un rayon de l’aube sur la neige. […] Devons-nous remonter bien loin dans notre passé pour nous souvenir du temps où, agenouillés devant le crucifix, nous laissions, nous aussi, s’envoler notre prière vers les plaies d’où jaillit le sang réparateur ? […] Voilà ce qui distingue Tourguéniev des écrivains de notre race : cette jeunesse de la sensation qui lui venait de son sang, de son existence aussi, de ses goûts de chasseur.

824. (1925) Les écrivains. Première série (1884-1894)

Il était couvert de sang ; ses forces l’abandonnaient ; mais il ne voulait point se rendre, et il attendait la mort, en se défendant comme une bête traquée. […] L’intérêt n’y manque point, et le style en est d’une couleur savante, quelquefois d’une couleur de sang, comme l’époque qu’il raconte. […] Cette étude, sombre et vengeresse, de la fin d’une race royale, qui s’écroule dans le sang, dans la boue, dans la sanie, était le début de M.  […] Il est long et cruel, le martyrologe des artistes : les larmes et le sang l’ont rougi à plus d’une page. […] De ces âpres peintures, il se dégage une odeur forte de pourriture et de sang.

825. (1927) Les écrivains. Deuxième série (1895-1910)

On le retrouve partout où il y a du sang et des larmes. […] La forme du supplice diffère selon les pays, mais la douleur humaine n’en perd pas, croyez-moi, un seul cri, ni une seule goutte de sang. […] C’est dans l’infection du pus et le venin du sang corrompu, qu’éclosent les formes, par qui notre rêve chante et s’enchante. […] Et je doute que le paysage mystique de la forêt où la terre d’automne boit le sang de la pécheresse qui se repent, trouve jamais un poète plus émouvant et plus magnifiquement inspiré. […] … » Aussitôt, les massacres s’organisaient partout, la terre, pourtant si rouge, de notre pays, rougissait sous les flots de sang… Et le toit du roi reprenait bien vite un aspect tout neuf, éclatant, vraiment royal !

826. (1913) Poètes et critiques

Il n’y avait pas auprès des marmites un seul œil qui n’exigeât du sang. » Une chanson du Vermland ? […] Oui, le Polyphème de Théocrite peut paraître un berger sentimental auprès de l’ogre nain, avide de sang, affamé de chair fraîche encore plus que de baisers. […] Ce n’est pas le sang de son cœur d’homme, ou, si l’on veut, d’enfant naïf, — d’un cœur que les douleurs ont rafraîchi, ont fait revivre et que la foi exalte puissamment — qui se répand encore dans ses ouvrages. […] vraiment, c’est trop la mort du naïf animal Qui voit tout son sang couler de son regard fané. […] », les douloureuses litanies où passe un souvenir des prières de l’Extrême-Onction : « Voici mon sang… Voici mon front… Voici mes mains », deux ou trois autres pièces encore.

827. (1886) Le roman russe pp. -351

Voici les temps de famine et d’anémie revenus pour elle : les Russes arrivent à point ; si nous sommes encore capables de digérer, nous referons notre sang à leurs dépens. […] La goutte de sang d’Afrique tombée dans les neiges russes peut expliquer bien des contrastes, la fougue et la mélancolie mariées dans cette nature extrême. […] Le sol fertile porte d’incomparables moissons, la vie est facile, partant joyeuse, dans cet éveil universel de la sève et du sang. […] Alors, dans son cœur pris de désespoir, le sang du Cosaque, de l’aventurier errant, s’attesta par un brusque retour d’atavisme. […] Et pour chaque goutte de leur sang, elle aurait donné tout le sien !

828. (1906) Propos de théâtre. Troisième série

Puis c’est l’oracle que vous savez qui se fait entendre : il faut aux dieux le sang de Ménécée. […] Les dieux veulent du sang et du sang d’Hélène. […] De l’autre Achille menaçant, l’armée en émeute, le sang de toutes parts prêt à couler. […] De l’Etat et de toi, je sens que je suis père ; Donne ton sang à Rome et n’en exige rien. […] tout souillé du sang des malheureux humains, Ton sang, lâche Néron, épouvante les mains !

829. (1895) Journal des Goncourt. Tome VIII (1889-1891) « Année 1889 » pp. 3-111

En résumé, je ne trouve dans les quatre ou cinq pièces supérieures de Shakespeare, tout à fait hors ligne, que la scène de somnambulisme de lady Macbeth, s’essayant à effacer la tache de sang de sa main, et avant tout la scène du cimetière d’Hamlet, où il atteint le sommet du sublime. […] J’ai reçu ce matin une lettre de Mme Daudet me disant, que Daudet a eu cette nuit des crachements de sang qui l’ont bien effrayée. […] Puis il m’introduit, au crépuscule, dans une chaumière, où au moment de prendre une pomme de terre dans un pot de fonte sur le feu, il est soudain arrêté par la vue d’une femme couchée à terre sur la figure, et les cheveux répandus ainsi qu’une queue de cheval dans une mare de sang, et comme il sort dans la cour, il se trouve en face d’un homme appuyé debout sur une herse, en train de mourir, avec un restant de vie dans les yeux, épouvantant. […] Jeudi 13 juin Ce soir, je retrouve Daudet, de retour de Lamalou, avec du sang sous la peau. […] Mirbeau a la gentillesse de me reconduire à Auteuil, et, en une expansion amicale, me raconte dans le fiacre, des morceaux de sa vie, pendant qu’aux lueurs passagères et fugitives, jetées par l’éclairage de la route dans la voiture, je considère cet aimable violent, dont le cou et le bas du visage ont le sang à la peau, d’un homme qui vient de se faire la barbe.

830. (1861) Questions d’art et de morale pp. 1-449

M. de Maistre nous menace encore au nom du Jéhovah de Moïse et d’Isaïe ; il a oublié que sa foudre s’est éteinte dans le sang de l’agneau. […] D’après les mêmes traditions, le meurtrier primitif a versé le sang de son frère, de son père, de quelqu’un de sa race, son propre sang, en un mot, emblème de l’établissement de l’humanité elle-même sur la terre à la suite du fractionnement de son essence première par la chute. […] Dans cette nourriture vivifiante que les initiateurs sont chargés de répandre, il entre toujours un peu de leur propre sang. […] Après que Shakespeare nous a montré le sang ineffaçable sur les mains de lady Macbeth, que reste-t-il au moraliste à nous apprendre du remords ? […] La Grèce a connu la miséricorde et le prix du sang humain.

831. (1890) Causeries littéraires (1872-1888)

Trois têtes d’enfants qui reposent les yeux et jettent quelque fraîcheur dans cette atmosphère de feu et de sang. […] Cimourdain s’est traversé le cœur d’une balle, un flot de sang sort de sa bouche, il tombe mort. […] Nous apprenons alors que le maître a dans les veines du sang de trois nations : du sang français par ses grands-parents maternels, du sang italien par son grand-père paternel, du sang grec par la femme de ce grand-père. […] Tout au plus nous demande-t-il avec étonnement : Mais pourquoi s’être pendu au flanc gauche une épée avec rigole pour l’écoulement du sang ? […] Leur sang se fige, tant l’air qu’on respire sous la coupole est glacé.

832. (1903) Hommes et idées du XIXe siècle

Le sage n’est pas celui qui n’a jamais senti les ardeurs du sang ; mais c’est Socrate qui dirige vers le bien des instincts qui d’eux-mêmes tendaient vers le mal. […] Chez les femmes, chez les jeunes filles, chez les enfants, si ce n’est pas la poussée du sang qui conduit au meurtre et au suicide, c’est la prédominance des nerfs. […] Elle sucerait l’or, le sang, la vie ! […] Elle a bu du sang de son amant et lui a fait boire de son sang ; et l’auteur ne nous cache pas que telle est sans doute la cause qui rend leur union indissoluble. […] C’est, bien entendu, en lettres de sang.

833. (1867) Cours familier de littérature. XXIII « cxxxiiie entretien. Littérature russe. Ivan Tourgueneff »

Elle a le droit de revivre comme tout ce qui a été enseveli avant la mort, mais elle n’a pas le droit de disposer des enfants, des biens et du sang de la France, pour tenter après soixante et dix ans une résurrection courte et impossible. […] Lorsque le soir un domestique frisé et revêtu d’une livrée bleu-clair avec des boutons armoriés se présente devant vous et se met avec un zèle extrême en devoir de tirer vos bottes, vous sentez que si, au lieu de sa pâle et maigre figure, apparaissaient tout à coup à vos yeux les larges pommettes et le nez épaté d’un jeune rustre que son maître a enlevé depuis peu à la charrue, mais qui a déjà eu le temps de découdre en plus de dix endroits les coutures du kaftane 5 de nankin qu’on vient de lui faire endosser, — ce changement vous causerait un indicible plaisir, et que vous vous exposeriez très-volontiers au danger d’avoir vos pieds mis en sang par la maladresse de ce valet improvisé. […] tiens, — s’écria-t-il en clignant les yeux et avec le frémissement de la haine sur les lèvres — dévore, maudit assassin, bois le sang d’un chrétien, bois-le… Le forestier se retourna. — C’est à toi que je parle, — continua de plus belle le paysan, — à toi, asiatique 23, buveur de sang, à toi !

834. (1906) La nouvelle littérature, 1895-1905 « Troisième partie. Dictionnaire » pp. 243-306

. — Ton Sang, précédé de La Lépreuse, théâtre, Paris, Soc. du Mercure de France, 1897, in-18, — L’Enchantement, comédie dramatique en 4 actes, jouée à l’Odéon en 1900. — Têtes et Pensées (Portraits de Tristan Bernard, Alfred Capus, Jules Case, Maurice Donnay, Paul Fort, André Gide, Gustave Kahn, Jean Lorrain, Pierre Louÿs, Octave Mirebeau, Robert de Montesquiou, Catulle Mendès, Lucien Muhlfeld, André Picard, Henri de Régnier, Jules Renard, Georges Rodenbach, Edmond Sée, Jean de Tinan, Pierre Valdagne, Fernand Vandérem, Willy). […] Les œuvres. — Fleurs de Neige, poésies, Nancy, Crépin-Leblond, 1893 (sous le pseudonyme d’Hericlas Rügen). — L’Art parjure, poésies, Munich, 1894. — Joies Grises, poésies, Paris, Ollendorff, 1894. — Georges Rodenbach, essai de critique, Nancy, Crépin-Leblond, 1894. — Le Sang des Crépuscules, poésies, Paris, Soc. […] Œuvres. — Décidément, plaquette, vers, librairie Universelle, 1891. — La Tragédie du Grand Ferré, poème dramatique en vers Paris, Chamuel, 1892. — Le Sang de l’Autre, roman Paris, Société d’Éditions littéraires, 1901, in-18, jésus. — Les Folles Verveines, plaquettes vers. […] , 1903. — Le Sang de Méduse, poèmes, id.

835. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Histoire du Consulat et de l’Empire, par M. Thiers. Tome xviii » pp. 84-92

Les militaires, fatigués eux-mêmes de donner le spectacle de leur propre sang versé à flots, n’étaient pas les moins pressés d’assister à ces luttes, et de s’y mêler.

836. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « George Sand — George Sand, Indiana (1832) »

Indiana est une créole de l’île Bourbon, une créole triste et pâle, qui a du sang espagnol dans les veines ; une Indienne malade du mal d’Europe, menue, frêle et fluette (gracilis) ; âme souffrante, étiolée, avide d’un amour qu’elle attend et qu’elle n’espère plus ; organisation débile, défaillante par elle-même, peu sensuelle, tout éthérée, toute soumise à l’âme, et capable, quand il le faudra, des plus robustes épreuves.

837. (1874) Premiers lundis. Tome I « J. Fiévée : Causes et conséquences des événements du mois de Juillet 1830 »

Après le massacre des citoyens, pendant que nos pieds glissaient encore sur le sang répandu, nous aurions abandonné le soin des blessés, oublié les souscriptions pour les parents des morts ; les pouvoirs de la société auraient négligé de régler le présent qui seul nous appartient, pour discuter où on placerait le berceau d’un enfant, les thèmes qu’on lui ferait faire, et les petits honneurs à lui rendre.

838. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — R — Rostand, Edmond (1868-1918) »

Cela fait plaisir, cela rafraîchit le sang !

839. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre VI. La commedia sostenuta » pp. 103-118

Sang de… !

840. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Deuxième partie. Ce qui peut être objet d’étude scientifique dans une œuvre littéraire — Chapitre III. L’analyse externe d’une œuvre littéraire » pp. 48-55

Se termine-t-elle par un dénouement heureux ou considéré comme tel (le mariage de deux amoureux) ou s’achève-t-elle dans le sang et les larmes ?

841. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — R. — article » pp. 24-41

Rac.ABCD Mais je n’ai plus trouvé qu’un horrible mélange D’os & de chair meurtris, & traînés dans la fange, Des lambeaux pleins de sang & des membres affreux Que des chiens dévorans se disputoient entre eux.

842. (1682) Préface à l’édition des œuvres de Molière de 1682

Aussitôt qu’il se sentit en cet état, il tourna toutes ses pensées du côté du Ciel ; un moment après il perdit la parole, et fut suffoqué en demie heure par l’abondance du sang qu’il perdit par la bouche.

843. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XII. Mme la Princesse de Belgiojoso »

C’est que « bon sang » ne saurait mentir.

844. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « La Révolution d’Angleterre »

Tout y est fait avec cette poussière, arrosée de flammes, qui fut l’homme, et son sang et sa vie !

845. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Le cardinal Ximénès »

Les prêtres, auxquels on peut appliquer le mot superbe de saint Bernard : « Ils n’ont soif que du sang des âmes », sont plus près du caractère qu’il faut pour gouverner ces masses d’âmes qui font les peuples que ceux-là qui ont toutes les autres soifs de la vie.

846. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Marie-Antoinette » pp. 171-184

Montrez tout ce que vous voudrez des ruines de cette femme, et la poignée de cheveux s’il vous en reste, de ces cheveux blanchis en une nuit, et les souliers percés qu’elle traînait à la prison de ses pieds de reine, et la pauvre robe d’indienne brune et blanche, et toute rapiécée, qu’elle portait au Temple, et le mouchoir trempé par Mingault dans le sang de l’échafaud, et même la robe de linon immortelle de cette reine qui commença par le bonheur pour mieux finir par le martyre !

847. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XII. Marie-Antoinette, par MM. Jules et Edmond de Goncourt » pp. 283-295

Montrez tout ce que vous voudrez des ruines de cette femme, et la poignée de cheveux s’il vous en reste, de ces cheveux blanchis en une nuit, et les souliers percés qu’elle traînait à la prison, de ses pieds de reine, et la pauvre robe d’indienne brune et blanche, et toute rapiécée, qu’elle portait au Temple, et le mouchoir trempé par Mingault dans le sang de l’échafaud, et même la robe de linon immortelle de cette reine qui commença par le bonheur pour mieux finir par le martyre.

848. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « Léopold Ranke » pp. 1-14

Les rhétoriques l’exigent impartiale et impersonnelle, et, fût-ce celle de Polichinelle ou d’Arlequin qu’il nous fallût écrire, nous ne pourrions l’écrire autrement qu’avec nos personnes, — avec le sang, avec la flamme, avec la lave ou avec la froide argile dont nous avons été pétris !

849. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « Crétineau-Joly » pp. 367-380

le plus honnête homme qu’il eût connu, — mais qui, à part le sang, dans lequel il ne tomba point, avait la même ambition que son père, cette ambition qui se remuait tortueusement et toujours, mais qui ne savait pas frapper le coup décisif et suprême ; car Louis-Philippe ne le sut jamais, ni avant d’être roi, ni après qu’il fut roi, ni depuis qu’il fut roi.

850. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XXV. Le Père Ventura »

Nous pensons que si on opposait aux droits de l’homme de Rousseau la déclaration des droits de la famille française représentée par le Père, ceci nous infuserait un sang nouveau dans les veines, et que le pouvoir politique bénéficierait, à l’instant même, car le Notre Père ne s’adresse pas qu’à Dieu.

851. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Émile Augier, Louis Bouilhet, Reboul »

dont l’amant se fait gladiateur et se trouve en face d’un inceste quand il s’agit d’épouser la femme qu’il aime… Mais cette histoire, qui aurait pu être dramatique et touchante, surtout à l’heure où le christianisme, sortant comme une aurore des Catacombes, commençait de jeter, avec ses premiers rayons, dans les âmes, les troubles d’une vertu et d’une pudeur inconnus à cet effroyable monde romain qui finissait, cette histoire n’est pour Bouilhet qu’un prétexte : son vrai but, c’est de nous décrire le luxe inouï et les derniers excès d’une société dont les vices sont restés l’idéal du crime, et qui tombe, ivre-morte du sang dont elle a nourri ses murènes, sous la table de Lucullus.

852. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Mistral. Mirèio »

Aussi en gardait-il entre les sourcils une balafre, — pareille à la nuée que la foudre déchire, — et les salicornes et les traînasses, de son sang ruisselant s’étaient teintes jadis. » IV Encore une fois, — ne nous lassons pas d’y revenir, — le caractère de cette poésie, divinement douce ou divinement sauvage, est le caractère le plus rare, le plus tombé en désuétude, dans les productions de ce temps.

853. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. de Banville. Les Odes funambulesques. »

Vacquerie, « tout échevelé dans les étoiles, mais il pourra prendre, sans se mettre à feu et à sang, un engagement de chapeau chinois dans la musique bouffe du Tintamarre… et s’y distinguer.

854. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Henri Murger. Œuvres complètes. »

Par respect pour la souffrance humaine, au contraire, voyons aujourd’hui si la pauvreté, l’indigence de l’éducation qui fait la virginité du génie, toutes les Cruautés de la destinée, ces nourrices aux mamelles de bronze qui donnent du sang à téter à leur nourrisson et bien souvent ne leur donnent rien à téter du tout, sont parvenues à élever M. 

855. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre quatrième. Du cours que suit l’histoire des nations — Chapitre V. Autres preuves tirées des caractères propres aux aristocraties héroïques. — Garde des limites, des ordres politiques, des lois » pp. 321-333

Dès le temps de la république, les préteurs commencèrent à faire attention aux droits du sang, et à leur prêter secours au moyen des possessions de biens.

856. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre V. »

Le fleuve Hélicon, après un cours de quelques lieues, s’abîme et semble se perdre sous terre pendant vingt-deux stades, pour renaître sous un autre nom qu’il porte jusqu’à la mer : les habitants racontaient que cette disparition datait du jour où, devant les meurtrières du poëte, qui voulaient laver le sang dont elles étaient souillées, le fleuve s’était enfui d’horreur pour ne pas servir à purifier le crime.

857. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome IV pp. -328

Dans toutes quatre, il reçut des honneurs infinis, tels qu’elle n’en avoit jamais fait aux ambassadeurs de Russie & de Corée, ni même aux princes du sang. […] La transfusion du sang d’un animal dans un autre, fit naître à peu près, vers le même temps, de grandes disputes dans les écoles. […] Des méchans eussent voulu voir les médecins & les chirurgiens en venir aux mains, & les manes de tant de victimes, vengés par l’effusion de leur sang & par l’extinction des deux corps. […] La palme n’indique pas toujours le martyre : des phioles teintes de rouge ne constatent pas des phioles qui ont été pleines de sang. Il n’est pas même bien sûr qu’elles soient teintes de sang plutôt que d’huile ou d’une autre liqueur.

858. (1858) Cours familier de littérature. VI « XXXVe entretien » pp. 317-396

Comment refuser de partager sa dernière épargne avec ceux qui ont partagé vos efforts et vos périls pour maintenir l’ordre et pour préserver la société, dans ces heures où ces braves citoyens, moins intéressés en apparence que nous à la propriété, offraient généreusement leur sang pour elle ? […] Je dois venger le Tien et mes peuples ; mais il n’en est pas moins triste d’être exposé au danger de faire couler une goutte de sang qu’on eût pu épargner. […] s’écrie ici le savant traducteur, que les Montesquieu, les Burlamaqui, les Grotius baissent et se rapetissent quand on les compare à ce qui y est dit sur le prince du sang et les princes titrés, les hommes publics et les simples citoyens ; jusqu’où les grands doivent être soumis à l’empereur ; sur ces ministres et ces magistrats qui doivent s’exposer à tout pour ne pas tromper sa confiance ; sur le choix des dépositaires de l’autorité, la manière de les gouverner, de les veiller, de les élever ou abaisser, récompenser ou punir ; sur tout ce qui concerne les fortunes des particuliers, la division des terres, les impôts, les différentes récompenses des talents, des services, des vertus, et le juste châtiment de toute espèce de désordre, crime et délit ! 

859. (1859) Cours familier de littérature. VII « XLIe entretien. Littérature dramatique de l’Allemagne. Troisième partie de Goethe. — Schiller » pp. 313-392

Herder, Wieland l’accueillirent en frère plus jeune, mais du même sang. […] Le ciel est rouge comme du sang, et cette lueur de pourpre n’est pas celle du jour. […] C’est ce qui fait que le Laocoon expire avec beauté sous les nœuds et sous les morsures du serpent ; que Niobé meurt belle sur les cadavres de ses enfants percés par les traits du dieu de l’arc ; que le Christ de Michel-Ange rayonne sur la croix d’une divinité morale pendant que les clous transpercent ses mains et ses pieds ; son sang ruisselle de ses blessures, mais son âme ne sent que la sainte beauté de son sacrifice.

860. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CXe entretien. Mémoires du cardinal Consalvi, ministre du pape Pie VII, par M. Crétineau-Joly (2e partie) » pp. 81-159

Il s’écria : “Et c’est pour cela que je vous dis que vous avez cherché à rompre, et que je considère l’affaire comme terminée, et que Rome s’en apercevra et versera des larmes de sang sur cette rupture.” […] Deux heures s’écoulèrent dans les appartements voisins de la salle du trône, où se trouvaient l’empereur et l’archiduchesse, environnés des rois, des princes du sang et des hauts dignitaires. […] C’était d’un seul coup blesser la justice, les règles et l’usage, qui les placent au-dessus des grands dignitaires et des princes du sang.

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