Ces questions politiques ont aujourd’hui perdu de l’intérêt actuel qui les rendait encore si vivantes il y a douze ans ; je ne fais que les indiquer en passant ; mais dans ces volumes du duc de Raguse, je voudrais citer pourtant, comme pages durables et dignes d’un moraliste social aussi judicieux que fin, l’appréciation qu’il fait de la race arabe, des Arabes du désert et des qualités essentielles qui les caractérisent : D’abord, dit-il, la patience qu’ils montrent en tout. […] Vivant ou mort, il ne faut pas que, de la part du maréchal, une approbation, une louange exprimée dans l’intimité semble venir solliciter une faveur et une grâce ; ce serait aller contre sa pensée.
Comment exprimer cependant la perfection de pénétration et d’imagination avec laquelle Dostoïevski crée des âmes plus animées que les vivantes ! […] Effrayé de la peur de la vie et souffrant misérablement de son horreur, pénétrant l’homme dans ses dessous farouches et douloureux, pris du triste amour de sa chair souffreteuse, ne voyant en toute transgression que le commencement du châtiment, inquiet, éperdu et aimant, obstinément attaché à débattre et à retourner le problème du mal, du péché et de la peine, interrogeant la science et violenté, dans son âme obscure et slave, par la hautaine impiété de la philosophie évolutionniste, par ces doctrines qui, extraites et résumées du cours des astres, du choc des atomes, du sourd essor de la substance organique, puisent dans leur origine matérielle une inhumaine dureté et font au ciel qu’elles mesurent et dans l’âme qu’elles analysent un épouvantable et clair vide, frémissant du tranquille déni qu’elles opposent au problème final de toute méditation irréaliste — le but et le sens de la vie, — et finalement repoussé par les sèches raisons dont elles interdisent la pitié, l’aide aux faibles, aux malades, aux méchants, par la nécessité de ne point intervenir dans la lutte de tous contre fous, qui est à la fois la loi du monde vivant et la source même de ce qui nous pousse à la violer, — Dostoïewski s’est violemment rejeté en arrière ; sortant de toute église comme de tout enseignement, maudissant toute intelligence, se contraignant à croire ce qui console non sans trembler de la peur tacite d’être déçu, il a rivé ses yeux sur l’Évangile, il s’est prosterné pleurant sur la face pleurante d’un Christ populaire, en une agonie de pitié, de douleur, d’angoisse, d’effroi, de fou désespoir et de tremblante supplication aussi tragique en sa clameur que les affres contenues de Pascal.
Quant à Maine de Biran, très-peu de ses écrits furent publiés de son vivant. […] C’est ainsi qu’un spiritualisme de collège se substitue bien vite au spiritualisme vivant, dont on retrouve le sentiment chez tous les grands philosophes.
La nature a diversifié les êtres en froids, immobiles, non vivants, non sentants, non pensants, et en êtres qui vivent, sentent et pensent. La ligne était tracée de toute éternité : il fallait appeler peintres de genre les imitateurs de la nature brute et morte ; peintres d’histoire, les imitateurs de la nature sensible et vivante ; et la querelle était finie.
Nos langues conservent toujours des monuments vivants de leurs premières origines. […] La perpétuité d’un nom au sein des sociétés humaines, quel que soit au reste le genre de renommée qui entoure ce nom, n’est-elle pas en effet comme un symbole vivant de l’immortalité elle-même ?
Moraliste aux nuances fines, observateur qui s’attendrit en raillant, peintre gai, mais dont la gaîté touche si joliment à la mélancolie, enfin paysagiste vivant par-dessus tout cela, voilà ce que nous a paru Hippolyte Babou en ces nouvelles, d’une valeur inégale entre elles, mais toutes de cette distinction, recherchée et obtenue, qui appelle non pas les tapages, — abyssus abyssum invocat, — mais la distinction du succès. […] C’est le Spallanzani des sots, qui veut que ses grenouilles sentent quelque chose, et n’a-t-il pas raison, puisqu’il prend la peine de les galvaniser de leur vivant ?
Vous avez présent et vivant dans le souvenir tel livre d’Alphonse Daudet, de George Sand, d’André Theuriet, de Cherbuliez, telle nouvelle de Loti ou même de Maupassant, qui n’est pas seulement une belle histoire, mais une bonne histoire, parfaitement saine en chacune de ses parties. […] Mais il a donné un exemple admirable de description vivante quoique étendue, quand il a peint le comice agricole dans Madame Bovary, parce que l’idée maîtresse du livre s’y mêle étroitement à la vision des choses.
Mais l’idée que le monde entier, y compris les êtres vivants, relève de la mathématique pure, n’est qu’une vue a priori de l’esprit, qui remonte aux cartésiens. […] Tout ce qu’on aura dit du rapport du cerveau à la représentation dans un idéalisme pittoresque, qui s’arrête aux représentations immédiates encore colorées et vivantes, s’appliquera a fortiori à un idéalisme savant, où les représentations sont réduites à leur squelette mathématique, mais où n’apparaît que plus clairement, avec leur caractère spatial et leur extériorité réciproque, l’impossibilité pour l’une d’elles de renfermer toutes les autres.
Corneille et Racine ont fait des discours admirables, et n’ont pas créé un seul personnage tout à fait vivant. […] Mais de ce labeur infini et de ces petits détails est sortie une œuvre vivante ; ces portraits si nombreux, attachés les uns au bout des autres, sont animés ; ils parlent au visiteur ; on sent la main d’un romancier et d’un poëte.
Il n’y aurait plus que statues pour les vivants.
Ou bien, quand l’œuvre est d’importance et qu’on veut « élever ses vues », on s’efforce de la situer historiquement dans une série de productions écrites ; ou bien, on recherche quel moment elle marque dans le développement, la dégénérescence ou la transformation d’un genre les genres littéraires étant considérés comme un je ne sais quoi de vivant et d’organique, qui existerait indépendamment des œuvres particulières et des cerveaux où elles ont été conçues… Cette critique-là, qui n’est qu’une idéologie, exclut presque entièrement la volupté qui naît du contact plein, naïf, et comme abandonné, avec l’œuvre d’art.
Pierre Dupont ne montrait pas moins de clairvoyance que les élégiaques pessimistes quand il déclarait les joies vivantes et réelles, à l’égal des douleurs.
Énée se réjouit d’abord de voir Hector qu’il croit vivant ; ensuite il parle des malheurs de Troie, arrivés depuis la mort même du héros.
Des panégyriques ou éloges des princes vivants.
. — Une preuve frappante que les premières fables furent des histoires, c’est que la satire attaquait non-seulement des personnes réelles, mais les personnes les plus connues ; que la tragédie prenait pour sujets des personnages de l’histoire poétique ; que l’ancienne comédie jouait sur la scène des hommes célèbres encore vivants.
Mais la vérité, c’est que l’Odéon est devenu un théâtre vivant, et un théâtre audacieux. […] Mais son Hamlet est bien vivant avec son arrière-fond d’énigme. […] Quant à la Grande Rose et à Denis Ronciat, ils sont vivants et je les sens vrais, mais je vous avoue que je ne les ai pas rencontrés en personne. […] mais Musette est plus vivante que jamais. […] L’héroïne est adorable, et si vivante !
La patrie est une association, sur le même sol, des vivants avec les morts et ceux qui naîtront. […] Ces choses vivantes, seule une loi vivante, intelligente et toujours veillant peut les régler. […] Mais l’homme qui sait qu’un peuple est un organisme vivant ne se sépare pas. […] Ils ne sont pas vivants, mais ils sont vrais. […] Il ne sait pas créer un être tout à fait vivant.
Il est rare qu’au théâtre les beaux vers soient en situation et que les créatures poétiques nous semblent assez vivantes. […] Il faut qu’il nous présente une œuvre vivante et passionnée, qui frappe l’imagination en touchant le cœur ; il n’y réussira pas, s’il est lui-même rebelle à l’émotion et incapable d’aimer. […] Les personnages dramatiques, si l’auteur disposait arbitrairement de leur vie intime, ne seraient plus des êtres vivants, mais de simples marionnettes dont il tirerait les fils. […] L’œuvre qu’il aura ainsi composée sera forcément vivante, puisqu’elle aura été réellement vécue. […] Une fois le plan général d’une scène établi, non seulement le développement n’exige plus grande réflexion, mais il sera plus naturel, plus vivant, plus pathétique, s’il est fait en dehors de toute réflexion, par inspiration pure.
C’est bien en vue de la vie éternelle, mais c’est aussi, et très formellement, pour diminuer les douleurs de la vie présente (les deux buts devant d’ailleurs être atteints par les mêmes voies) que Veuillot se soucie de l’humanité, étant lui-même trop vivant, trop débordant d’énergie et trop épris de l’action pour se désintéresser, à la façon des ascètes, de cette vie mortelle et transitoire. […] À coup sûr, Veuillot préfère encore Vindex à Spartacus, et Barrabas à Barras. « Je ne me pique d’aucune vertu, fait-il dire à Vindex, et c’en est une au moins que j’ai de plus que toi. » Ce que Veuillot a fait là, c’est la psychologie vivante du nihiliste. […] Après le coup d’État, il est contre eux, et pour l’Empire, en homme aux yeux de qui l’intervention directe de la Providence dans les événements de ce monde est une réalité vivante. […] Il considère la France comme un organisme vivant et qui a un passé. […] Il est très vrai qu’un roman d’édification peut être sincère, émouvant, vivant.
La brunette accourait déjà, se dégageant très vite du cercle de vivants madrigaux qui l’entourait, et arrivait en trois bonds légers, jusqu’à Marie Launay, qui lui tendait un crayon en aluminium et une feuille de papier. […] … Une pendule sonna quatre heures, une autre lui répondit, d’autres encore dans le désert du vaste palais où il semblait qu’il n’y eût plus que l’heure de vivante. […] Rien de plus animé, de plus vivant, que cette dernière partie. […] Ô vivant du tombeau, vivant de l’infini, Jéhovah ! […] Mirabeau fut le plus grand orateur de son temps, ce qui est beau pour l’orgueil d’un vivant, mais ce qui n’est pas assez pour l’honneur d’un mort dont le nom appartient à l’histoire.
… — Je ne voudrais pas tuer mes bêtes moi-même ; je les leur livre vivantes et ils s’arrangent… Cela ne me regarde plus. […] Un des plus grands attraits de cette œuvre nouvelle est dans sa sincérité, dans l’émotion réelle que dégagent ces pages si vivantes, toutes faites des souvenirs du cœur et des yeux. […] Les moissonneuses aux costumes éclatants, penchées sur l’éclair de leurs faucilles, ressemblaient à d’énormes pavots, à des bleuets vivants. […] C’est comme un défilé des toiles d’Horace Vernet, plus vivantes encore, et parfois comme une prévision de celles où Fromentin a montré tant d’esprit et de fin coloris. […] C’est une véritable joie pour les curieux du dix-huitième siècle de feuilleter ce livre qui nous jette en plein dans le vivant de ce monde disparu.
La théorie était faite, sans qu’elle pût arriver à prendre forme dans une série d’œuvres vivantes. […] Il n’est guère de roman où Feuillet ne nous ait montré un de ces ménages mondains vivant sur le pied réel d’un divorce amiable. […] Elles ne sont pas du monde des vivants. […] Ce qu’il aperçoit sous l’azur pâli du ciel, c’est « une chair vivante. […] C’est directement et sans parti pris qu’il se place en présence de la réalité vivante.
Si la chronique est rendue si vivante, c’est aussi que Les Dates et les Œuvres se présente comme une mise en échos de textes critiques et d’extraits de la presse de l’époque. […] Ainsi, nous rendions méthodiquement à la langue idéographique ses valeurs phonétiques originelles et la ressaisissions ses complexes source idéogéniques, tandis que nous la comprenions ainsi qu’une vivante et multiple matière orchestrale à ordonner selon les puissances poétiques et le tempérament de tout poète. […] » Viennent ensuite Stuart Merrill, le vivant Paul N. […] C’était au « Napolitain », et, après avoir vanté le seul Parnasse et protesté que de tous les poètes vivants le plus digue d’admiration était Armand Silvestre Mendès disait : « Les Symbolistes nous font rire. […] Et, pour de Meung, Rabelais de qui l’Œuvre n’est qu’un vivant pensant et énorme poème, Du Bartas, et Strada, n’est-ce point de dessein philosophique, et n’est-ce point « poésie Scientifique » ?
Mais le discours académique est un genre vivant qui transforme, qui embellit, qui a pour objet avant tout de réussir et de plaire, qui a pour premier devoir et pour condition de savoir tirer parti de chaque défunt et d’en dégager, ne fût-ce que pour un jour, un immortel.
« Et puisque les destins terribles La forceront, avec le temps, D’aimer quelques morts insensibles, Qu’elle aime quelque bon vivant. » Après ces mots, cette pauvre ombre Se tut, rêvant à son destin, Et retombant dans son chagrin Reprit son humeur triste et sombre.
Profondément estimé en France de tous ceux qui avaient lu quelques-uns de ses morceaux de morale et de critique dans lesquels une pensée si forte et si fine se revêtait d’un style ingénieux et savant, il laisse un vide bien plus grand que la place même qu’il occupait, et il serait impossible de donner idée de la nature d’une telle perte à quiconque ne l’a pas vu au sein de ce monde un peu extérieur à la France, mais si étendu et si vivant, dont il était l’une des lumières.
Elle a surtout senti l’importance des langues vivantes dans l’éducation, et en même temps la facilité de cette étude convenablement dirigée ; c’est dans les jeux, dans les repas, que dès l’enfance elle les insinue plutôt qu’elle ne les enseigne à ses élèves, ainsi qu’on fit pour Montaigne, qui parlait latin presque au berceau.
Il nous paraît avoir mieux saisi notre littérature vivante et en avoir exprimé quelques traits avec bonheur.
Je me disais tout cela en regardant ce front bosselé qui, certes, manque beaucoup moins d’énergie que de vraie noblesse et de grandeur ; cet œil inégal et mobile sous un sourcil disgracieux ; cette dent vive, en saillie, prompte à la morsure ; et je me demandais comment ce masque vivant d’orateur allait s’employer dans la harangue académique d’usage, quand M. de Jouy a déclaré la séance ouverte, et M.
Signoret sont toutes pénétrées de cet amour intense de la nature qui fait qu’on s’identifie avec elle, qu’on la sent vivante et qu’on prête une âme, comme les anciens, aux vieux chênes, aux sources, aux rochers… Les divinités mythologiques sont ici bien chez elles, dans leurs paysages familiers ; on les y attend, et l’on serait étonné de ne pas les y voir.
Interrogez le répertoire des théâtres, les programmes d’enseignement ; regardez les morts que les vivants imitent ou combattent ; tout cela fournit des lumières sur la durée des renommées.
« Oui, je le répète, insista M. de Goncourt, avec un geste et un accent de conviction et de sincérité frappante, je n’en ai nulle honte, car depuis que le monde existe, les Mémoires un peu intéressants n’ont été faits que par des indiscrets, et tout mon crime est d’être encore vivant, au bout des vingt ans où ils ont été écrits, et où ils devaient être publiés — ce dont, humainement parlant, je ne puis avoir le remords.
La religion et l’amour exercent à la fois leur empire sur son cœur : c’est la nature rebelle, saisie toute vivante par la grâce, et qui se débat vainement dans les embrassements du ciel.
combien les cœurs sont vivants !
Une foule de portraits, nets, vigoureux, très vivants, et dans ce cas, nulle recherche, rien d’apprêté, aucune manière. […] »… Le livre devient ainsi une mêlée, bien réglée par celui qui l’écrit, ce qui veut dire que, sans laisser d’être bien composé, il est vivant. […] Une institution pour lui est un être vivant, qu’il observe dans ses allures, dans ses démarches, pour ainsi dire dans sa physionomie, et dont il découvre ainsi l’esprit et l’humeur. […] A connaître les siècles passés ils se sont habitués à voir les idées mourir, ce qui les amène à tenir pour essentiellement mortelles et éphémères les idées vivantes. […] Mais ils sont vivants.
Ce qui, de près, est souvent une lutte et une souffrance entre vivants, est de loin, pour la postérité, un concert. […] Chacun, dans cette lecture, peut apprécier la marche du critique, le procédé savant des tableaux, la nouveauté expressive des figures, cette théorie éparse, dissimulée, qui est à la fois nulle part et partout, se retrouvant de préférence dans des faits vivants, dans des rapprochements inattendus, et comme en action ; cette lumière enfin distribuée par une multitude d’aperçus et pénétrant tout ce qu’elle touche. […] Villemain construisait à chaque moment, soutenait et rendait vivante cette composition d’enseignement toujours libre et renouvelée ?
… » C’est qu’il n’a jamais existé qu’un seul crime, celui de vouloir se passer du Dieu vivant… Qu’ils ont dû être remplis, les immenses vœux de votre cœur, heureux Alexandre, quand, dans cette journée du Ciel, vous avez vu dans ces plaines où, il y a six cents ans, cent mille Français, en présence d’un roi de Navarre210, virent le supplice de cent quatre-vingts hérétiques à la clarté des torches funèbres ; vous avez vu, dis-je, cent cinquante mille Russes faire amende honorable à la religion de l’amour ! […] de la Chevalerie, dont les rêves ont charmé l’univers, revenez tout entière, car vous êtes vivante d’immortalité ! […] Après tout, sous une forme particulière, dans son langage biblique vague, mais avec un sentiment vivant et nouveau, Mme de Krüdner n’a fait autre chose qu’entrevoir à sa manière et proclamer de bonne heure, du sein de l’orage politique, cette plaie du néant de la foi, de l’indifférence et de la misère moderne, qu’avec plus ou moins d’autorité, de génie, d’illusion et de hasard, ont sondée, adoucie, aigrie, déplorée et tourmentée tour à tour ceux qui, en des sens divers, tendent au même but de la grande régénération du monde, Saint-Martin, de Maistre, Saint-Simon, Ballanche, Fourier et La Mennais.
C’est là, sans doute, qu’il se proposait de peindre « toutes les espèces à qui la nature ou les plaisirs (per Veneris res) ont ouvert les portes de la vie. » « Traduire quelque part, se dit-il, le magnum crescendi immissis certamen habenis. » Il revient, en plus d’un endroit, sur ce système naturel des atomes, ou, comme il les appelle, des organes secrets vivants, dont l’infinité constitue L’Océan éternel où bouillonne la vie. […] Alors d’autres corps organisés (car les organes vivants secrets meuvent les végétaux, minéraux 50 et tout) héritèrent de la quantité d’atomes de vie qui étaient entrés dans la composition de celles qui s’étaient détruites, et se formèrent de leurs débris. » Qu’une élégie à Camille ou l’ode à la Jeune Captive soient plus flatteuses que ces plans de poésie physique, je le crois bien ; mais il ne faut pas moins en reconnaître et en constater la profondeur, la portée poétique aussi. […] Comme les enfants prennent les statues d’airain au sérieux et croient que ce sont des hommes vivants, ainsi les superstitieux prennent pour vérités toutes les chimères.
J’admets donc que le livre est faiblement écrit ; mais son succès prodigieux et continu me permet de croire qu’il est, malgré ses imperfections, encore vivant et sympathique. […] L’instinct du peuple le portait à se presser en foule autour de la maison de son tribun, comme pour demander encore des inspirations à son cercueil ; mais Mirabeau vivant lui-même n’en aurait plus eu à donner. […] Ses cheveux blond-cendré étaient longs et soyeux ; son front haut et un peu bombé venait se joindre aux tempes par ces courbes qui donnent tant de délicatesse et tant de sensibilité à ce siège de la pensée ou de l’âme chez les femmes ; les yeux de ce bleu clair qui rappelle le ciel du Nord ou l’eau du Danube ; le nez aquilin, les narines bien ouvertes et légèrement renflées, où les émotions palpitaient, signe du courage ; une bouche grande, des dents éclatantes, des lèvres autrichiennes, c’est-à-dire saillantes et découpées ; le tour du visage ovale, la physionomie mobile, expressive, passionnée ; sur l’ensemble de ces traits, cet éclat qui ne se peut décrire, qui jaillit du regard, de l’ombre, des reflets du visage, qui l’enveloppe d’un rayonnement semblable à la vapeur chaude et colorée où nagent les objets frappés du soleil : dernière expression de la beauté qui lui donne l’idéal, qui la rend vivante et qui la change en attrait.
La contemplation des tableaux des grands peintres ou des statues des grands sculpteurs, qui gravent, en immortelles attitudes, leur pensée dans l’œil de leurs admirateurs, avait convaincu la jeune fille que l’effet de la beauté vivante ne serait pas moins impressionnant que celui de la beauté morte, et que la chair était au moins l’égale de la pierre, ou du bronze, ou du marbre. […] La Restauration y avait rétabli son fils, en attendant le duché de Parme, après Marie-Louise, veuve de Napoléon vivant relégué à Sainte-Hélène. […] C’est la saison où tout tombe Aux coups redoublés des vents ; Un vent qui vient de la tombe Moissonne aussi les vivants : Ils tombent alors par mille, Comme la plume inutile Que l’aigle abandonne aux airs, Lorsque des plumes nouvelles Viennent réchauffer ses ailes À l’approche des hivers.
Seulement, les deux premiers opéraient sur le papier ou le marbre ; c’est sur l’homme vivant, sur la chair sensible et souffrante que celui-ci a travaillé. […] Je les ai résumés, j’en ai dit mon impression, et quelles atténuations et quels compléments j’aurais voulus à ce portrait grandiose, à la fois abstrait et vivant. […] Stella nous dit que, dans cette bienheureuse planète, les grands artistes contemplent enfin leur idéal vivant : Ils possèdent leur songe incarné sans effort : C’est aux bras d’Athéné que Phidias s’endort ; Souriante, Aphrodite enlace Praxitèle ; Michel-Ange ose enfin du songe qui la tord Réveiller sa Nuit triste et sinistrement belle.
Jacques Chaumié fait cette remarque qu’aucun des grands poètes de langue française (il n’est pas, bien entendu, question des poètes vivants) sauf André Chénier, dont le père était marseillais, mais la mère grecque, n’était du midi de la France. […] Lamartine et Hugo ; ni Baudelaire, ni Banville ne sont, en effet, du Midi et il nous faut bien admettre l’absence, dans toute la terre d’oc, de grands poètes de langue française, en exceptant les vivants de cette constatation, comme l’indique le formulaire des Marges. […] La langue d’oc était pourtant bien vivante alors, et littérairement cultivée.
Et comme ce sont moins les vérités générales qui, de leur vivant, font la fortune, même des meilleurs, que le tour d’esprit du moment, qu’une disposition de leur époque qu’ils ont flattée ou subie à leur insu, le moindre risque que nous courions en les imitant, c’est de nous donner des défauts exotiques. […] Peu s’en fallut que Ronsard n’eût de son vivant, la gloire de Dante après sa mort, et qu’il ne vît des chaires instituées pour interpréter ses poésies. […] Aucun poëte ne s’est plus admiré, parce qu’aucun de son vivant n’eut plus d’admirateurs.
Ainsi les musiciens, toujours, furent pleinement réalistes : ils n’ont point créé pour la musique des émotions nouvelles : ils ont recréé, plus vivantes, les émotions qui, dans l’habitude, poignaient leurs âmes. […] Nous n’avons pas affaire à des personnages d’opéra ; des figures vivantes s’agitent devant nous et nous associent, pour un temps, à leur existence. […] Doux ressouvenir, aspirations ardentes, silencieux enlacements, songes langoureux échangés à voix basse, désirs qui renaissent d’eux-mêmes, telles sont les sublimes essences de cette page vivante.
Par suite, le grand problème de la psychologie, comme section de la biologie, c’est de tirer tous les phénomènes psychiques du processus fondamental d’un tissu vivant. […] Rien de plus frappant d’abord que ce fait : un corps vivant conserve sa forme et ne semble pas céder à l’action destructive des agents chimiques ; tandis que, dès que la vie est éteinte, les molécules cèdent à faction des affinités chimiques. […] Cette question ne peut avoir qu’un seul sens : quelles sont les conditions connues du tissu musculaire vivant et les modes de réaction de ce tissu, quand on l’excite ?
c’est la dernière… mais le décret est signé. » Quand il fut au moment de mourir, il dit à sa fille de s’approcher, lui prit la main, et soupira : « Tant que je te la serrerai, je serai vivant… Après cela, je ne saurai plus où je serai… » * * * — Un professeur d’esthétique disait, ces jours-ci, à une personne de ma connaissance, qu’il ne faisait aucune différence entre les jolies femmes et les autres… Après cette profession de foi, qu’il soit le mari de sa femme très bien, — mais professeur d’esthétique ? […] Entre ces lugubres verdures, des femmes promenant sur elles des robes, des femmes, qui, à ce métier de porte-manteaux, ont perdu quelque chose de vivant, et ont gagné un certain automatisme. […] Oui, en ce moment-ci, mon petit Daudet, est comme un poulpe aux tentacules, cherchant à pomper tout ce qu’il y a de vivant en tout et partout dans Paris, et il grandit, grandit, grandit.
Cette préface, sur laquelle on a tant compté, n’a pas été tracée, en effet, par une main vivante. […] Avant Villemain, François de Neufchâteau, ministre comme lui, avait été, comme lui aussi, un enfant célèbre ; François de Neufchâteau, entré maintenant plus, profondément que Villemain dans cette mer d’obscurité où, comme les vivants s’enfoncent dans la mort, s’enfoncent leurs tombeaux après eux ! […] Le général Foy, leur contemporain, aurait pu rappeler les orateurs anglais davantage, mais il manque aussi au livre honteusement surprenant de Villemain… Certes, s’il y a quelque chose qui puisse étonner après l’oubli incompréhensible qu’il a fait de Mirabeau, c’est l’oubli qu’il y ajoute du général Foy, l’honneur de la tribune française sous la Restauration, le plus vivant et le plus palpitant des orateurs que leur cœur a tués, car cet impassible au canon est mort des émotions de la tribune.
Le livre premier est le plus charmant : c’est celui des ballades qui empruntent à la chanson populaire un refrain, le charme d’un mot qui revient comme un son de cloche, un rythme de ronde, une légende ; on sent que le poète a vécu dans un milieu où cette vieille littérature orale était encore vivante, contée ou chantée. […] Rebell ; mais c’est tout de même une œuvre vivante, amusante et riche. […] Huysmans vivisectait les peintres avec la joie d’un chat de gouttière dévorant une souris vivante ; Laforgue était ironique, léger, mélancolique et délicieux ; M. […] Oui, tout cela est un peu minuscule, mais si vivant (jusqu’à l’agacement) et si logique ! […] Leurs fictions, plus que toutes autres, inspirent confiance ; on peut y étudier la vie comme dans la vie elle-même ; les faits, transposés selon le ton nécessaire, loin d’être défigurés, sont encore accentués et rendus plus vivants par l’art qui les remet en leur place et en leur lumière logiques.
Hier, nous avions des tableaux vivants : le premier tableau représentait les quatre saisons : Dina représentait l’Hiver ; moi, le Printemps ; Sophie Kavérine, l’Automne ; Mlle Élise l’Été. […] — Voici ma photographie en Mignon pour les tableaux vivants. […] Les figures sont belles et vivantes. […] Tout le monde me dit que je parais toute neuve ainsi : coiffure, costume, taille ; une statue vivante et non une demoiselle comme il y en a tant. […] Il est très difficile par le temps qui court de parler avec justice d’un artiste vivant, et jeune.
Les bonnes raisons sont celles qu’inspire la vivante nature. […] Et comme la morte et le vivant sont encore du même monde ! […] Je leur sais un gré infini de remplacer les acteurs vivants. […] Vivant, il est déjà le grand saint Antoine. […] Ils sont l’un pour l’autre un vivant idéal.
Les idées sont beaucoup plus réelles et beaucoup plus vivantes que les choses réelles. Elles sont abstraites en notre esprit, mais elles sont réelles et vivantes en l’esprit de Dieu. […] Il n’y a rien donc de plus réel et de plus vivant au monde. Le rocher est inanimé, mais l’idée de rocher est vivante dans la pensée vivante de Dieu. […] Probablement c’est, à l’état inconscient et sourdement, la règle même de tout être vivant.
Si nous avons du respect pour les traditions vivantes, nous n’avons aucun respect pour les traditions mortes. […] Ce ton indique une blessure secrète toujours vivante ; quand la raillerie tourne habituellement au sarcasme, soyez sûr que le moqueur souffre. […] La prunelle est bordée d’un cercle orange ; c’est du bronze entouré d’or, mais de l’or vivant, du bronze animé. […] Il parle de son trésor avec les vivantes et caressantes expressions d’un amoureux et d’un artiste. […] « Le démérite général de tous les vivants est la véritable cause de la destruction du monde, comme le mérite général de tous les vivants est la véritable cause de la reconstruction du monde63 ».
. — Ses paysages vivants. — Tendance générale de la littérature nouvelle. — Introduction graduelle des idées continentales. […] Enfin la poésie est redevenue vivante ; ce ne sont plus des mots qu’on écoute, mais des émotions qu’on ressent ; ce n’est plus un auteur qui parle, c’est un homme. […] Est-ce un amateur de là vérité pure, telle qu’elle est, atroce et sale, un curieux naturaliste, indifférent à l’applaudissement de ses contemporains, uniquement attaché à constater les transformations de la nature vivante ? […] Les rochers, les nuages et les prairies, qui semblent inertes et insensibles aux yeux ordinaires, sont, pour les grandes sympathies, des êtres vivants et divins qui reposent de l’homme. […] Est-ce qu’il n’y a pas une communauté de nature entre tous les vivants de ce monde ?
Cette maison d’autrefois, quel être vivant, palpitant, sonore et tiède comme un nid ! […] confessant que vous êtes Bon, clément, indulgent et doux, ô Dieu vivant ! […] J’ai cité le Palais Louis XIII si vivant (Passé — Voix intérieures). […] Mais cette métaphore desséchée a été vivante jadis. […] Quand Homère le dit, lui qui croit à une vraie déesse, vivante et présente, dont les doigts sont faits de roses, il dit une chose charmante.
Mais vivant, mais brillant d’esprit et de grâces, on l’aimait, on jouissait de lui jusque dans ses défauts, dulcibus vitiis. […] C’est véritablement le petit chien qui secoue des pierreries. » Ainsi, en y regardant bien, on verrait qu’à chaque époque toutes les opinions sur les talents vivants sont représentées, exprimées. […] Bref, Delille entrait vivant dans la gloire incontestée, et prenait rang parmi ceux qui règnent. […] Mais l’aspect des vendanges a beau être animé, vivant, agréable, on le voit toujours d’un œil sec.
Les sots l’appellent fou ; la vérité est qu’il est clairvoyant ; car nous avons beau être inertes, la nature est toujours vivante ; ce soleil qui se lève est aussi grand qu’à la première aurore ; ces fleuves qui roulent, ces plantes qui pullulent, ces passions qui frémissent, ces forces qui précipitent le tourbillon tumultueux des êtres, aspirent et combattent du même élan qu’à leur naissance ; le cœur immortel de la nature palpite encore, soulevant son enveloppe brute, et ses battements retentissent dans le cœur du poëte quand ils n’ont plus d’écho chez nous. […] Elle garde dans la tourelle le bouclier qu’il a laissé, et tous les jours elle y monte pour le contempler, comptant les marques des coups de lance et vivant de ses rêves. […] Une causerie d’artistes qui plaisantent dans un atelier, une belle jeune fille qui se penche au théâtre sur le bord de sa loge, une rue lavée par la pluie où luisent les pavés noircis, une fraîche matinée riante dans les bois de Fontainebleau, il n’y a rien qui ne nous le rende présent et comme vivant une seconde fois. […] Il a arraché avec désespoir de ses entrailles l’idée qu’il avait conçue, et l’a montrée aux yeux de tous sanglante, mais vivante.
Voilà donc ce féroce ennemi des rois, vivant de leurs débris et de leurs secours : un roi de France lui donne la vie, un roi d’Angleterre lui laisse ravir sa femme ; quelle logique ! […] Dans le courant de novembre, je me transportai à Pise, décidé à y passer l’hiver, en attendant qu’un destin meilleur vînt me rendre à moi-même ; car, privé de tout ce qui nourrit le cœur, je ne pouvais, en vérité, me regarder comme vivant. […] « Avec tout cela, écrit-il, inébranlable dans ma conviction du beau et du vrai, j’aime mieux (et je saisis toutes les occasions de renouveler à cet égard ma profession de foi), j’aime beaucoup mieux encore écrire dans une langue presque morte et pour un peuple mort, et me voir enseveli moi-même de mon vivant, que d’écrire dans ces langues sourdes et muettes, le français ou l’anglais, quoique leurs armées et leurs canons les mettent à la mode ; plutôt mille fois des vers italiens, pour peu qu’ils soient bien tournés, même à la condition de les voir pour un temps ignorés, méprisés, non compris, que des vers français ou anglais, ou dans tout autre jargon en crédit, lors même que, lus aussitôt par tout le monde, ils pourraient m’attirer les applaudissements et l’admiration de tous. […] Enfin, le 3 novembre, nous arrivâmes à Florence, que nous n’avons plus quittée, et où je retrouvai le trésor vivant de ma belle langue, ce qui me dédommagea amplement de tant de pertes en tout genre, qu’il m’avait fallu supporter en France. » XII Qu’on se figure l’accès de rage d’Alfieri, homme si personnel et si mobile au gré de ses passions, après une telle aventure de la révolution, qu’il avait célébrée en républicain classique, et qui s’était retournée pour lui disputer sa tête au moment où il se sauvait devant elle !
Du reste, pour n’avoir rien à démêler avec les hommes sincères ni surtout avec les indifférents, qui, pour vivre bien avec les dévots, feraient brûler les libres penseurs, il fallut que Jean de Meung protestât Qu’oncques ne fut s’(son) intention ̃ De parler contre homme vivant, Sainte religion suivant. […] Plus vieille de soixante ans, elle fait de ce portrait un personnage vivant ; mais ce personnage mal appris se confesse et se dénonce. […] Vénus y met un prix : les barons vont jurer qu’aucune femme vivante ne restera chaste ; ils en font le serment sur leurs carquois et leurs flèches, en guise de reliques dit Jean de Meung. […] Là on le voit dans ce naturel qui se perfectionnera sans changer ; ennemi des préjugés, et vivant bien avec eux ; pénétrant les réalités derrière les apparences, et l’homme sous l’habit ; obéissant aux puissances ; à condition de n’en être pas dupe ; narguant toute classe qui profite de la simplicité populaire ; ami des innovations praticables, du progrès, et point de ce qui n’en a que l’air plus malin que méchant ; « cette certaine gaieté d’esprit, dont parle Rabelais, conficte en mespris des choses fortuites. » Le bon sens français a chassé le merveilleux romanesque ; la dissertation qui a pour objet d’établir quelques vérités pratiques, a remplacé les récits qui ne font qu’amuser.
De cet honnête combat entre les incitations de la mode et les scrupules de son goût, il résulta un travail sans vérité, qui finit par ne plus faire rire ni pleurer personne, même de son vivant. […] Un seul rôle dans la Métromanie est vivant : c’est M. […] Mais le personnage le plus vivant, c’est Figaro. […] De son vivant, cette réputation lui suscita un envieux à qui la jalousie, chose triste à dire, inspira la meilleure comédie de la fin du siècle.
Les discours de Massillon ont cela de particulier, au point de vue littéraire, qu’ils ne furent jamais imprimés de son vivant ; le seul de ses discours qu’il publia lui-même, et pour lequel il se vit critiqué, fut son Oraison funèbre du prince de Conti en 1709. […] Je me trompe : on avait essayé d’en donner de son vivant une ébauche d’édition faite sur des notes et par des copistes (la sténographie n’existait pas alors) ; c’était sur cette édition incomplète, non authentique, que les critiques étaient réduits à le juger.
Il fallait surtout que ce fût un sujet auquel la république de Venise pût prendre confiance et qu'elle eût en estime. » Enfin Rohan était la définition vivante de l’homme très compliqué qu’il fallait à ce moment-là en un tel pays. […] [NdA] Le Parfait Capitaine, imprimé en 1637, parut ou à la fin de l’année ou au commencement de l’année suivante, avec une grande préface historique et surtout académique, qu’on sait être de Silhon ; il y est parlé de M. de Rohan comme vivant encore.
Si l’on excepte La Rochefoucauld qui fait son profit de l’expérience pour écrire un livre profond, et Retz qui s’en inspire pour écrire les Mémoires les plus vivants et les plus amusants, rien de cette révolution avortée de la Fronde.ne tourne précisément aux lumières. […] Jean-Jacques Rousseau, qu’on cite toujours comme exemple de faiseur d’utopies politiques, ne s’est pas trompé lorsqu’il a tant de fois décrit, appelé de ses vœux et deviné à l’avance cette classe moyenne de plus en plus élargie, vivant dans le travail et dans l’aisance, dans des rapports de famille heureux et simples, dans des idées saines, non superstitieuses, non subversives, ce monde qui fait penser à celui de Julie de Wolmar et de ses aimables amies, et dont les riantes demeures partout répandues, dont les maisons « aux contrevents verts » peuplent les alentours de notre grande ville et nos provinces.
Le Saint-Simonisme rendit à l’esprit français d’alors cet éminent service d’implanter dans le camp de la Révolution et dû progrès quelques-unes des pensées élevées de M. de Maistre, et de les y naturaliser en bonne terre et d’une manière vivante. […] La question sociale et l’humanitarisme ne lui font pas oublier la patrie ; il a parmi ses proches amis et rédacteurs un reste vivant de ces patriotes de 1815, animés d’un vieux souffle ardent, et qui, tout républicains qu’ils étaient de cœur, se sont ralliés au Napoléon des Cent-Jours, défendant le sol français21.
Le Théophile Gautier des premières poésies se représente à nous comme un jeune homme frileux et casanier, « vivant au coin du feu avec deux ou trois amis et à peu près autant de chats55. » Le voyage d’Espagne le fit un tout autre homme et le transforma. […] Après une description heureuse du Généralife qui n’est, en quelque sorte, que le pavillon champêtre de l’Alhambra, et dont le charme principal consiste dans les jardins et les eaux, il termine par une image vivante et d’une adoration toute sympathique : « Un canal, revêtu de marbre, occupe toute la longueur de Fenclos, et roule ses flots abondants et rapides sous une suite d’arcades de feuillage formées par des ifs contournés et taillés bizarrement.
Après avoir parlé de la race née aux confins de la terre des monstres, dans la limoneuse vallée du Nil, et de l’autre race dite sémitique, habitante du désert et de l’antique Arabie, après les avoir définies l’une et l’autre, et les avoir montrées fléchissant de respect et de superstitieuse terreur, ou comme anéanties sous la main souveraine en face d’un ciel d’airain, il ajoute, par un vivant contraste, en leur opposant la race aryenne venue du haut berceau de l’Asie, et de laquelle est sortie à certain jour et s’est détachée la branche hellénique, le rameau d’or : « Une autre race encore s’éveille sur les hauteurs, aux premières lueurs du matin ; les yeux au ciel, elle suit pas à pas la marche de l’aurore, elle s’enivre de ce mobile et merveilleux spectacle du jour naissant ; elle mêle une note humaine à cette immense symphonie, un chant d’admiration, de reconnaissance et d’amour ; c’est la race pure des Aryas ; leur première langue est la poésie ; leurs premiers Dieux, les aspects changeants du jour, les formes multiples de la sainte lumière. […] Ne nous figeons pas ; tenons nos esprits vivants et fluides.
Il a causé, disserté, avec des amis de son âge, avec des artistes, des médecins ; il a échangé, dans de longues conversations à deux, des vues infinies sur le fond des choses, sur les problèmes qui saisissent et occupent de jeunes et hautes intelligences : il n’a pas assez vu les hommes eux-mêmes des diverses générations, des diverses écoles et des régimes contraires, et ne s’est pas rendu compte, avant tout, du rapport et de la distance des livres ou des idées aux personnes vivantes et aux auteurs tout les premiers. […] L’homme, comme toute chose vivante, change avec l’air qui le nourrit.
Quand je dis que cette langue romane des xie et xiie siècles est sortie du latin vulgaire et populaire graduellement altéré, j’ai peur de me faire des querelles ; car, d’après les modernes historiens philologues, les transformations du latin vulgaire ne seraient point, à proprement parler, des altérations : ce seraient plutôt des développements, des métamorphoses, des états successifs soumis à des lois naturelles, et qui devinrent décidément progressifs à partir d’un certain moment : il en naquit comme par voie de végétation, vers le xe siècle, une langue heureuse, assez riche déjà, bien formée, toute une flore vivante que ceux qui l’ont vue poindre, éclore et s’épanouir, sont presque tentés de préférer à la langue plus savante et plus forte, mais plus compliquée et moins naïve, des âges suivants. […] Cette réforme, toutefois, qui consistait à substituer l’a à l’o dans tous les mots où l’o se prononçait a, ne passa point tout d’une voix de son vivant : elle n’était point admise encore dans la quatrième édition du Dictionnaire de l’Académie, qui parut en 1762.
Un tel voyage est une sorte d’analyse pratique et vivante de l’origine des peuples et des États : on part de l’ensemble le plus composé pour arriver aux éléments les plus simples ; à chaque journée, on perd de vue quelques-unes de ces inventions que nos besoins, en se multipliant, ont rendues nécessaires ; et il semble que l’on voyage en arrière dans l’histoire des progrès de l’esprit humain. […] Une femme célèbre, déterminée à lutter avec le vainqueur d’Italie, l’interpella au milieu d’un grand cercle, lui demandant quelle était, à ses yeux, la première femme du monde, morte ou vivante : « Celle qui a fait le plus d’enfants », lui répondit-il en souriant. » C’est là le lieu de ce fameux mot en réponse à Mme de Staël, et qui a tant couru : elle voyait également pour la première fois le général Bonaparte, elle essayait d’emblée sur lui la fascination de son éloquence.
Or il arrive que chacun d’eux possède précisément une des principales qualités qu’on regrette chez l’autre : celui-ci, la tournure d’esprit rêveuse et les extases choisies ; celui-là, le sentiment profond et l’expression vivante de la réalité : comparés avec intelligence, rapprochés avec art, ils tendent ainsi à se compléter réciproquement. […] André Chénier, un poëte grec vivant, se retrouvait aussi.
Deux sœurs vivantes : l’une continuellement obsédée d’idées obscènes, l’autre simplement égoïste et revêche. […] Nous avons ainsi nos deux termes extrêmes : l’observation vivante, directe du vieux Shakespeare, inconscient de la beauté clinique de son drame — et la pénible érudition avec son cortège d’erreurs et de tares essentielles, aboutissant, en une situation analogue, à une parfaite incohérence des symptômes décrits.
De son vivant même, Rousseau dirige des consciences ; ses lettres en font foi. […] Tandis que la comédie classique en vers ira s’évanouir dans les pâles œuvres des Collin d’Harleville et d’autres plus oubliés encore, le Mariage et le Barbier offriront le modèle d’une comédie en prose, plus vivante, plus colorée, plus intéressante.
Il vit en société, mais il est resté un individu vivant d’une vie propre et dont les intérêts s’opposent toujours plus ou moins aux intérêts de l’ensemble dont il est un élément. […] Si tous les autres hommes mouraient, la vie me serait difficile, impossible peut-être, mais si je sacrifie ma vie à un autre, cet autre continuera de vivre quand je ne serai plus, et déjà, en vivant près de moi, il me prend une partie de ma vie.
Avec une conscience de l’humanité aussi développée que la nôtre, nous aurions bien vite fait le rapprochement, nous nous jugerions comme nous jugeons le passé, nous nous critiquerions tout vivants. […] La science large et libre, sans autre chaîne que celle de la raison, sans symbole clos, sans temples, sans prêtres, vivant bien à son aise dans ce qu’on appelle le monde profane, voilà la forme des croyances qui seules désormais entraîneront l’humanité.
Et, de fait, c’est moins une femme vivante qu’une idole, l’idole splendide et rigide, qu’on nourrit d’encens et de chair humaine, et qui sourit indifféremment. […] Au troisième acte, ce drame, jusqu’alors si vivant, si franc, si hardi, qui semblait gros d’un dénouement tragique, avorte subitement.
Ses leçons, en tout, étaient un agréable spectacle, et Pariset, dans ses chaires d’Athénée, semblait la définition vivante de l’homme disert. […] Je laisse de côté les vivants, pour ne paraître flatter personne ; mais écoutons Cuvier en tête de son recueil d’éloges : Les petites biographies écrites avec bienveillance, dit-il, auxquelles on a donné le nom d’éloges historiques, ne sont pas seulement des témoignages d’affection que les Corporations savantes croient devoir aux membres que la mort leur enlève ; elles offrent aussi à la jeunesse des exemples et des avertissements utiles, et à l’histoire littéraire des documents précieux.
C’est là que chacun d’eux, près de sa fosse prête, Spectre vivant, S’exerçait à la lutte, ou reposait sa tête En attendant ! […] L’humidité, qui dissout tant d’autres choses, durcit ces ossements en les recouvrant d’une croûte qui leur donne plus de consistance qu’ils n’en avaient lorsqu’ils étaient les membres d’un corps vivant.
Mais comment voulez-vous qu’on aperçoive l’être vivant et ses actions sous cette carapace de barbarismes hérissés et soudés ? […] Les uns, plantés au sommet des collines, sont exhaussés par le sol ; tout l’hiver, ils chauffent les habitants de leurs débris ; tout l’été, ils sont peuplés d’oiseaux ; seuls, on les voit de loin ; seuls, ils sont vivants et utiles.
Les feuilletonistes du grand format, même ceux qui ont le moins épargné Mlle Rebecca de son vivant, ont paraphrasé à l’envi, cette semaine, le discours prononcé par M. […] Scudo, né satellite, s’était inspiré pour cette étude d’Hoffmann analysant Gluck et Don Juan seulement, d’un jardin vivant et parfumé, il devait faire l’herbier d’un naturaliste. […] Théophile Gautier, comme écrivain et chef d’école, consiste à donner un corps à l’idée abstraite et, par contrecoup, une âme ou tout au moins une forme vivante à la matière. […] mais dans son attitude de critique, il me fait un peu l’effet d’un homme qui aurait mis un crêpe extrêmement flottant ses opinions littéraires, afin de pleurer les morts avec une ostentation fatigante pour les vivants. […] Le second est peut-être un nouvelliste mieux informé ; mais le premier, vivant loin des coteries, est plus impartial.
Tout être vivant possède un langage et on ne peut concevoir sans langage fixe la moindre colonie de madrépores ou de bryozoaires. […] Il se passe dans les êtres vivants des phénomènes qui étaient regardés comme très mystérieux. […] Sans doute, beaucoup d’éléments inorganiques entraient dans la composition des corps vivants ; mais les corps vivants contenaient ou produisaient un certain nombre d’éléments qui semblaient leur être absolument particuliers. […] L’homme, comme tous les êtres vivants, possède des instincts primordiaux. […] Le sphex, le cercéris, qui sont des variétés de guêpes, ont besoin, pour la nourriture de leurs larves, de proies vivantes.
Chuquet a le génie de la précision, du détail exact et significatif, du récit incisif et vivant. […] Il faudrait être au moyen âge et pouvoir en appeler au pape, comme à une autorité à laquelle vivants et morts mêmes doivent se soumettre. […] Il se développe par une cohésion d’un autre genre : par la cohésion des vivants avec les morts. […] Cette cohésion des morts avec les vivants consiste en ceci : les vivants veulent que les morts continuent de vivre. […] Non, non, on ne hait jamais autant le vivant à cause du mort que le mort à cause du vivant.
Il se peut très bien qu’à chercher la vie, l’extension de la vie, la vie toujours plus vivante, ce soit la peine, la souffrance, la blessure et finalement que vous rencontriez. — Soit et précisément ! […] « Gardons-nous [par exemple, panthéisme] de penser que le monde est un être vivant. […] On sait comment il est né : tout ce qu’il y avait de bas, de vil, de fatigué, de déchet social et de décadence sociale, a été appelé à se considérer comme saint, comme divin, comme « membre vivant de Dieu » et à mépriser tout ce qu’il y avait de vivant et d’énergique et de beau et de noble, tout ce qui avait une volonté de vie et de beauté. […] Le juge, très habitué au crime, vivant dans le crime, finirait par y être extrêmement indulgent, tant il arriverait à le trouver naturel et presque, je dis en chaque espèce, nécessaire. […] Me permet-elle de couper un chien vivant par petits morceaux ?
La défunte est la poésie des Parnassiens, la vivante est la poésie de ceux qu’on appelait naguère « les Décadents ». […] Des fous vont et viennent à travers les chemins et les venelles ; on dirait qu’ils sont seuls vivants dans la campagne déserte. […] Étrange morte, vivante en allégorie lointaine de Beauté, guerrière, et douce exilée vers qui se tend la nostalgie éternelle des cœurs, — étrangère et voyageuse ! […] Ici, c’est une ombre ancienne qui interroge un vivant d’hier, et presque une ombre lui aussi, car, sur le bord du fleuve sombre, il attend le passage vers la Nuit. […] Mais, le vivant, plus taciturne, ne sait rien des gaietés et des joies ; il ignore l’aurore et les treilles mûres, et si le mort frémit encore au souvenir de la vie, le vivant semble prêt déjà pour le sommeil d’oubli.
Lorsque la Caroline s’enfonce et va couler à fond, Wilder entend les sons creux et menaçants qui sortent des profondeurs de la cale, pareils aux mugissements de quelque monstre à l’agonie, et le bon Richard nous apprend encore qu’un vaisseau près de couler bas fait des lamentations aussi bien que toute autre chose vivante.
Car sa route glorieuse ou douloureuse, de Lorraine en Normandie, enveloppe toute la France comme d’une ceinture : et ainsi la Pucelle continue toujours son œuvre, et, morte depuis tantôt cinq siècles, elle contribue aujourd’hui encore au maintien de l’unité française, puisque le culte de Jeanne d’Arc, pieusement entretenu à toutes les étapes de son tragique pèlerinage, est un des sentiments par où cette unité est rendue sensible et se conserve vivante.
Charles Maurras Depuis l’apparition du Pèlerin passionné, et surtout depuis les retouches essentielles qu’il a faites à ce beau livre, Jean Moréas, mon maître et mon ami, m’est le signe vivant de la poésie nationale.
Au lieu d’un organe vivant, vous avez une anthologie sèche.
Il faut, par conséquent, se rendre compte des conditions auxquelles un homme est reconnu pour supérieur et comme sacré grand homme de son vivant.
Âme vivante n’en avait connaissance ; on la voulut donner aussi mystérieusement qu’elle avait été fait briquée, Le tailleur de madame de Montespan lui apporta l’habit qu’elle lui avait ordonné ; il en avait fait le corps sur des mesures ridicules.
Le nom de jet-d’eau donné à une sorte de rabot est fort joli par l’image évoquée des copeaux qui surgissent au-dessus du contre-fer ; il semble nouveau dans cette signification47, mais la langue des métiers toujours vivante et si inconnue est en perpétuelle transformation.
La réputation d’un poëte ne sçauroit parvenir de son vivant au point d’élevation où elle doit atteindre.
» C’est pourquoi l’État sait mieux qu’eux ce qui leur convient ; il a donc le droit et le devoir, non seulement d’inspecter et de protéger leur travail, mais encore de le diriger ou même de le faire, à tout le moins d’y intervenir, d’opérer par des excitations et des répressions systématiques, sur les tendances qui accolent et ordonnent en tissus vivants les cellules individuelles.
Je serais moins sévère pour des néologismes qui ne font que compléter une famille de mots, ou qui vont, dans le tombeau de la langue latine, chercher des frères vivants. […] Les institutions et les personnages d’une même époque, selon leur position respective, se servent de miroir les uns aux autres ; miroirs vivants et sensibles dans lesquels l’objet est mieux observé, mieux connu, parce qu’on y apprend quel sens l’instinct des contemporains lui a donné, de quelle manière il a été senti et répercuté. […] Pour en trouver la preuve vivante, on n’a qu’à parcourir le volume de M. […] Qu’est-ce que l’Éternité succédant au Père Eternel, sinon l’expulsion du Dieu personnel et vivant, et l’abandon de l’univers aux mains de fer de la nécessité ? […] Pensez-vous être les premiers qui aient voulu lier le genre humain tout vivant au cadavre du globe, et qui, possédant la terre, aient cru posséder le ciel ?
Le corps par excellence, celui que nous sommes le mieux fondés à isoler dans la continuité de la matière, parce qu’il constitue un système relativement clos, est le corps vivant ; c’est d’ailleurs pour lui que nous découpons les autres dans le tout. […] C’est pourquoi l’idée de lire dans un état présent de l’univers matériel l’avenir des formes vivantes, et de déplier tout d’un coup leur histoire future, doit renfermer une véritable absurdité. […] Elle les considère à l’état abstrait, tels qu’ils seraient en dehors du tout vivant, c’est-à-dire dans un temps déroulé en espace. […] La physique et la chimie n’étudient que la matière inerte ; la biologie, quand elle traite physiquement et chimiquement l’être vivant, n’en considère que le côté inertie. […] Ainsi comprise, la philosophie n’est pas seulement le retour de l’esprit a lui-même, la coïncidence de la conscience humaine avec le principe vivant d’où elle émane, une prise de contact avec l’effort créateur.
») commence ainsi : « Ces morts, alignés dans une pose vivante, étaient épouvantables à voir ! […] A cette heure, à défaut du grand public, qui ne veut entendre parler que de trois ou quatre noms, les poètes sont en assez grand nombre pour composer à eux seuls un public vivant, parce qu’il est passionné. […] Il faut être mort ou vivant. […] Ces distinctions s’apprennent en vivant, en parlant, en lisant. […] Oui, et ils sauront l’orthographe de bœuf, ces pauvres êtres, forcés dans les serres scolaires, et qui, un rapport officiel le confesse, n’avaient jamais vu un bœuf vivant !
Il avoue goûter peu, ou plutôt ne pas aimer (tout en convenant qu’elles sont admirablement peintes, et du plus vivant coloris) les femmes de Molière4. […] Ce n’est pas trop que tous ces succès littéraires de gens incapables, succès qui venaient au fond de son âme se tourner en bile, pour expliquer l’impatiente fureur avec laquelle il se précipite, pendant ses dix années glorieuses, non seulement sur les écrits ridicules des écrivains de son temps, mais sur ces écrivains eux-mêmes, qu’il dévorait tout entiers, et tout vivants, dans ses comédies, absolument comme le serpent boa avale des lapins tout vivants. […] Mais si je veux vous montrer Molière complet, il faut bien faire voir, avec la statue, l’homme vivant, le comédien ambulant, le valet de chambre tapissier du roi, le poète en grande partie complaisant, non pas officiel, mais ce que nous appelons aujourd’hui, en plus d’une circonstance, officieux et agréable. […] Quant au grand capitaine que César honore du titre de camarade, tu en as peut-être entendu parler de ton vivant ; on l’appelle Paul-Louis Courier, et c’était un simple officier de ton artillerie. […] ——— Temps heureux de nos premiers rêves où l’espérance a quelque chose en soi de si plein et de si vivant que, ne fût-elle suivie d’aucune réalité, c’est assez, pour embellir encore des âges plus tristes, du souvenir de cela seulement que l’on a espéré !
Je crois bien qu’on s’occupe d’idées plus larges, de théories plus radicales et plus absolues ; mais il en est peut-être à ce sujet des littératures qui se décomposent, comme des corps organiques en dissolution, lesquels donnent alors accès en eux par tous les pores aux éléments généraux, l’air, la lumière, la chaleur : ces corps humains et vivants étaient mieux portants, à coup sûr, quand ils avaient assez de loisir et de discernement pour songer surtout à la décence de la démarche, aux parfums des cheveux, aux nuances du teint et à la beauté des ongles.
Ce que Tardieu traduit avec une sécheresse brutale et étroite « la prédisposition à l’étude de la médecine est le fait de deux facteurs associés : l’aptitude aux manipulations mécaniques, la faculté d’enregistrer passivement et impartialement, selon la méthode scientifique, les impressions matérielles, les sensations brutes, données par le fonctionnement des organismes vivants » (Revue philosophique).
Que je regrette de lui avoir si peu marqué, de son vivant, cette profonde et unique sympathie !
Maeterlinck y exposait, sous la vivante forme de poèmes, sa méthode d’analogies, qui, développée et mûrie, a donné ses drames et ses essais, ainsi M.
Mais telle était la trace qu’il avait laissée dans le cœur de ses disciples et de quelques amies dévouées que, durant des semaines encore, il fut pour eux vivant et consolateur.
De ses amours sauvages avec les Démons du désert, naquit la race des Lamies et des Empuses, divinités cannibales qui cherchaient leurs proies parmi les vivants.
Virgile cultiva ce genre de tristesse en vivant seul au milieu des bois.
On aimait se représenter Zola vivant parmi les paysans, amassant des documents personnels, intimes, analysant patiemment des tempéraments de ruraux, recommençant, enfin, le superbe travail de l’Assommoir.
quand j’y assistais en personne, le vieillard était vivant en moi : ce n’était pas Dieu seul que je contemplais sur les flots dans la magnificence de ses œuvres. […] Les créations féminines de Chateaubriand sont les vivantes réalisations de ce coupable songe, les victimes idéales de cette forme cruelle et égarée du désir. Vivantes ? […] L’âme humaine, sujette à cette fatale habitude, au lieu d’être un foyer persistant et vivant, devient bientôt comme une machine ingénieuse qui s’électrise contrairement en un rien de temps, au gré des circonstances diverses. […] deux graves et douloureuses figures, la femme dans la société, la femme hors de la société, c’est-à-dire en deux types vivants toutes les femmes, toute la femme.
Il sait soixante langues mortes ou vivantes, et il ne sait pas le français. […] Car, s’il y a bien des manières d’être vivant, on n’en connaît encore qu’une seule d’être mort. […] Du temps que j’étais vivante, joignant un jour mes mains pour la prière, je songeai qu’elles étaient belles. […] — J’ai vu le sépulcre du Christ vivant, j’ai vu la gloire du Ressuscité. — Dis-nous, Marie, qu’as-tu vu sur ton chemin ? […] C’était, de son vivant, un bibliothécaire assidu et très doux, une âme timide, triste et naïve.
Ne la rencontrant pas devant lui, il ne pouvait la supprimer ; et ne la trouvant pas vivante, il ne pouvait la tuer. […] Paul Gautier substitue la réalité complexe, variée, mouvante, vivante et singulièrement plus curieuse. […] Le mot est pour Victor Hugo un être réel et vivant : Car le mot, qu’on le sache, est un être vivant : La main du penseur vibre et tremble en l’écrivant. […] Molière est mort, mais les médecins de Molière sont toujours vivants. […] Suggérer des idées à l’aide de symboles qui ne sont que des images organisées et vivantes, tel est son objet.
. — Il tremblait davantage — quand il était dans sa poitrine. » — …« Högni rit — lorsqu’on coupa jusqu’à son cœur, — jusqu’au cœur vivant du guerrier qui savait arranger le panache des casques. — Il ne pensa pas du tout à pleurer. — Ils mirent le cœur sanglant dans un plat — et le portèrent à Gunnar. — Gunnar, d’un visage serein, parla ainsi, — le vaillant Niflung ! […] — À moi seul est confié maintenant — tout le trésor caché, — toute la richesse des Niflungs. — Car Högni n’est plus parmi les vivants. — Je n’étais point rassuré — tant que nous vivions tous deux. — Mais maintenant je suis tranquille, — car je survis seul. » Suprême insulte de l’homme sûr de soi, à qui rien ne coûte pour s’assouvir, ni sa vie ni celle d’autrui. […] Chez lui, la phrase se retourne et se renverse, il crie le mot vivant qui lui vient, au moment où il lui vient ; il saute d’une idée dans une idée lointaine. […] Il semble qu’on entende les sourds répons retentissants qui roulent dans l’église pendant que la pluie fouette les vitraux ternes, que les nuages déchirés roulent lugubrement dans le ciel, et que les yeux, fixés sur la face pâle du mort, sentent d’avance l’horreur de la fosse humide où les vivants vont le jeter63. […] C’est ici que s’est arrêtée la culture étrangère ; par-delà le christianisme, elle n’a pu greffer sur ce tronc barbare aucun rameau fructueux ni vivant.
La vaine déclamation qu’il y mêle, par fausse chaleur on par flatterie, n’empêche pas de sentir ce que ce portrait a, pour l’époque, de vrai et de vivant. […] C’est une anecdote connue et non contestée, que Louis XIV en dénonça quelques-uns à Molière, qui les transporta tout vivants de la cour sur le théâtre, où ils ne se reconnurent pas. […] Les caractères avaient conservé quelques restes de l’énergie farouche des guerres civiles ; cette grandeur un peu forcée qui marque le théâtre de Corneille avait des types vivants à l’époque où il écrivait. […] Pour la chaire, comme pour les autres genres, le temps présent ne fut qu’un terme de comparaison pour connaître la vie dans tous les siècles ; les personnes particulières ne furent que des indications vivantes pour faire le portrait général de l’homme. […] Ce prince ne lui offrit pas seulement dans sa personne une image vivante de la grandeur que respirent ses ouvrages ; il lui en suggéra les desseins et lui en fournit les sujets par les emplois mêmes auxquels il l’appela.
Je puis dire avec vérité qu’on tordrait aujourd’hui mon cœur comme une éponge sans qu’une goutte de haine ou même de fiel en tombât sur aucun nom vivant ! […] XII Cette passion de littérature et ce culte pour les grands esprits vivants ou morts ne s’amortit pas en moi pendant le long voyage d’Italie que je fis avant l’âge. […] Nous résolûmes d’aller y passer autant de jours qu’il serait nécessaire pour qu’un heureux hasard nous fournît enfin l’occasion d’entrevoir cette grande figure vivante de notre siècle, soit quand il sortirait de son ermitage pour venir à Paris, soit quand il y rentrerait à la fin du jour, soit enfin par-dessus le mur de son parc, quand il se promènerait dans ses allées avec son ombre et ses pensées tristes et sombres comme son nom. […] Rousseau, aux Charmettes, avait un écho vivant de ses rêves auprès de lui, mais moi je n’avais qu’une ombre ! […] Maintenant que je suis mort au monde et que je n’assiste plus qu’en spectateur relégué sur les derniers gradins du cirque au drame du monde, drame sans commencement et sans dénouement, quand je veux me donner un de ces purs plaisirs d’esprit que les ombres se donnent dans les champs Élysées du Dante en causant des choses de la terre avec ceux qui habitent encore le monde des vivants, je sors seul vers le milieu du jour de ma retraite laborieuse, je m’achemine vers l’extrémité presque suburbaine de la ville, et je monte l’escalier de bois qui mène à la petite chambre du philosophe.
« Quand on écrit sur les maîtres de Ninive, ou sur les Pharaons d’Égypte, on peut n’avoir qu’un intérêt historique ; mais le christianisme est une puissance tellement vivante et la question de ses origines implique de si fortes conséquences pour le présent le plus immédiat, qu’il faudrait plaindre l’imbécillité des critiques qui ne porteraient à ces questions qu’un intérêt purement historique. » Ces paroles sont de J. […] Les pauvres, au même titre que les riches, sont de par le droit naturel des citoyens, c’est-à-dire du nombre des parties vivantes dont se compose, par l’intermédiaire des familles, le corps entier de la nation, pour ne pas dire qu’en toutes les cités ils sont le grand nombre… Comme donc il serait déraisonnable de pourvoir à une classe de citoyens, et d’en négliger l’autre, il devient évident que l’autorité publique doit prendre les mesures voulues pour sauvegarder le salut et les intérêts de la classe ouvrière… Pour ce qui est des intérêts physiques et corporels, l’autorité publique doit tout d’abord les sauvegarder, en arrachant les malheureux ouvriers aux mains de ccs spéculateurs qui, ne faisant point de différence entre un homme et une machine, abusent sans mesure de leurs personnes pour satisfaire d’insatiables cupidités. […] Les vivants y prient pour les morts, les morts y intercèdent pour les vivants. […] Mais je crois d’autre part les avoir assez loués ; « Intolérants et orgueilleux, — disais-je encore, il n’y a pas trois ans, — difficiles à manier, chagrins et moroses, méprisants et austères, affectant la religion jusque dans leur costume, les protestants, en revanche, possédaient la vertu dont ces défauts étaient comme l’enveloppe, et grâce à elle on peut dire qu’en 1685 et depuis plus d’un siècle, ils représentaient la substance morale de la France… Écartés des tentations par les mesures mêmes qui les éloignaient des emplois, ils se dressaient, dans la société du temps de Louis XIV, comme un enseignement vivant par l’ardeur de leur foi, par leur constante préoccupation du salut, parleuréloignement des plaisirs faciles, par la dignité de leurs mœurs, par la raideur même enfin et la fierté de leur attitude. » Ne pouvant pas abuser ici du droit de me citer moi-même, je renvoie le lecteur à l’étude, Sur la formation de l’idée de progrès dont je tire ces lignes.
Est-il vivant ? […] C’était une excellente arme aux mains de M. le commissaire du roi que Mlle Rachel ; son talent tout antique, plein de froide majesté, de sobre passion et de sourde ironie, remarquable par une diction irréprochable bien plutôt que par des accents du cœur, devait reproduire d’une manière satisfaisante les types grecs et romains de la littérature du xviie siècle, poétiques figures qui semblent moins empruntées à la nature vivante qu’à l’atelier du statuaire ; mais aussi ce talent monocorde devait échouer lorsqu’elle essayerait de représenter les créations pittoresques, excentriques ou passionnées du xixe siècle. […] Vivant toujours en avant d’elle-même : soit que la magie de l’imagination la transporte sur les cimes les plus élevées de l’illusion et du bonheur, soit que les angoisses de la souffrance la plongent dans les abîmes les plus profonds, toujours vous croyez entendre sortir du fond de sa joie ou du fond de sa tristesse inassouvies, ce cri : plus loin, là-bas, là-bas. […] Maintenant, grâce à Dieu, j’en ai à peu près fini avec M. le commissaire du roi, puisque j’ai dit ce qu’il avait fait pour éloigner du Théâtre-Français les auteurs vivants et les ouvrages modernes. […] Il n’y a de littérature dramatique vivante à cette heure que la littérature dramatique française.
Je gémis sur le sort de ma fille, qui malheureusement pour elle reste vivante, jeune, sans direction, entre les mains de ses ennemis, sans autre ami que son misérable père, pauvre, âgé, loin d’elle et disgracié de la fortune. […] Celui qui ferait de ces traditions une épopée chrétienne serait assisté dans son œuvre, non-seulement par l’imagination, mais par la foi des hommes ; il serait l’Homère d’un culte vivant au lieu d’être l’Homère de fables mortes. […] Tel est le portrait minutieux qu’un contemporain et un ami trace du Tasse ; ce portrait est parfaitement conforme à celui que nous possédons nous-même, copié sur le portrait original, peint sur le Tasse vivant à Florence, et qui nous a été prêté par notre illustre ami, le marquis Gino Caponi, homme digne de vivre dans sa galerie en société avec ces grands hommes de sa patrie.
Ils se meuvent, ils ont l’intérieure mobilité des vivants. […] Il n’y a point de milieu : ou la femme est l’ange de pureté, l’idéale et rarement vivante Geneviève de Brabant, stéréotypée dans sa douloureuse fidélité, banale réplique d’une des plus primitives traditions ; ou bien, et plus souvent, plus vivante aussi parfois, c’est l’impudente, la sensuelle, fille ou femme, qui d’un regard s’enflamme, et qui donnera pour être aimée, s’il le faut, la tête d’un père37.
Magistrat, d’une vieille famille de magistrats de Savoie, jeté hors de chez lui par la Révolution française qui annexa son pays, Joseph de Maistre671, s’en alla à l’autre bout de l’Europe représenter son maître le roi de Sardaigne : il passa quatorze ans de sa vie (1802-1816) dans cet exil de Saint-Pétersbourg, vivant pauvrement, stoïquement, jugeant de haut les événements et les hommes, et composant dans son loisir ses principaux ouvrages. […] Et ce fut lui peut-être qui réalisa pour les contemporains l’idéal de l’orateur universitaire : il avait la parole vivante et brillante, la phrase ample et facile, relevée de traits fins ou spirituels. […] Didon cherche à faire apparaître dans le catholicisme le remède aux misères sociales, la réponse aux incertitudes morales de l’heure actuelle : de tous les prédicateurs qui veulent faire de la religion une chose vivante, efficace, pratique, il n’y en a pas qui soit mieux informé, plus habile et plus fort.
On n’en continuera pas moins, j’en ai peur, à le prendre pour un vulgaire « bon vivant » ou pour une espèce de vieil humaniste enclin aux amours ancillaires et à le confondre presque avec ceux qui, dans les provinces reculées, le traduisent encore en vers, sans y rien comprendre… Alfred de Vigny ou l’orgueil sauveur Non, il ne faut pas regretter ces publications, de plus en plus fréquentes, de la correspondance intime des écrivains illustres. […] Cette probité paraît dans son style si exact, si concis, si étroitement appliqué sur les idées, d’une clarté extraordinaire dans la plus vigoureuse subtilité, dédaigneux de la musique, dédaigneux de la couleur, et vivant (mais avec intensité) du seul mouvement de la pensée. […] Et, seuls vivants dans un pauvre paquet d’os et de muscles ankylosés, noués en boule dans une corbeille, les yeux d’une rachitique roulent, désorbités, effrayants du désir de vivre, de la volonté de guérir… » Mais il faut tout lire.
Mensonges vivants, elles s’harmonisent à ces mensonges de la forme, du contour et de la matière. […] Ceci dit, la pièce reste, en bien des endroits, une œuvre jeune et vivante, étincelante d’esprit et de larmes, détachée de toute convention, imprégnée, jusqu’à la moelle, des mœurs et de la vie de son temps. […] Elle l’a englué dans la toile d’araignée de l’habitude ; elle l’a confiné dans les malpropretés et les médiocrités du petit ménage, elle l’a isolé de ses maîtres, de ses amis, du monde vivant, de l’air extérieur.
Ce sont là les véritables portraits dans lesquels une femme se transfigure réellement sur la toile vivante de notre imagination ; portraits dont les couleurs ne noircissent ou ne s’éraillent jamais, parce que la mémoire vit et les renouvelle sans cesse. […] La teinte du marbre sied seule aux belles statues vivantes comme aux statues mortes. […] On dirait un pays de meurtre et de remords : Le travail des vivants, c’est d’embaumer les morts.
il y a à faire entre la notion du pouvoir, incarnée toute dans un homme, et cet homme, signe vivant du pouvoir, une forte abstraction presque impossible au commun des intelligences lorsqu’il faut mettre à part le péché et le crime. […] Nous n’avons point autorité pour descendre dans cette profondeur qu’on appelle la conscience, ombre mystérieuse claire à l’œil de Dieu seul, et nous sommes d’ailleurs trop soumis au signe vivant d’un pouvoir divin pour agiter des questions qui le mettent en cause devant les hommes. […] Il semblait, par sa volonté, par sa parole et par sa beauté puissante et majestueuse, être l’expression vivante de la force de son gouvernement.
. — Cette langue appartient à la science nouvelle ; guidés par elle, les philologues pourront se faire un vocabulaire intellectuel commun à toutes les langues mortes et vivantes. […] Le plus sublime effort de la poésie est d’animer, de passionner les choses insensibles. — Il est ordinaire aux enfants de prendre dans leurs jeux les choses inanimées, et de leur parler comme à des personnes vivantes. — Les hommes du monde enfant durent être naturellement des poètes sublimes. […] Ce passage prématuré de la barbarie aux sciences les plus subtiles, a donné à la langue française une délicatesse supérieure à celle de toutes les langues vivantes ; c’est elle qui reproduit le mieux l’atticisme des Grecs.
Ce ne sont pas des êtres vivants, mais des automates ingénieusement construits ; on y voit, presque à chaque mouvement, les ressorts que le mécanicien introduit et touche par le dehors. […] Quand je serai de nouveau pauvre diable, vivant au quatrième étage, je traduirai cela fidèlement ; la fidélité, suivant moi, en fait tout le mérite.
Quand il créa le Centaure, son seul morceau achevé (et qui me fait regretter qu’on ait retrouvé la Bacchante, autre morceau de lui bien inférieur et capable, vraiment, de faire tort au premier), quand au sortir d’une visite au Musée des Antiques, après avoir admiré cette œuvre vivante, correcte, magnifique, irréprochable, qu’on attribue à des sculpteurs cariens, il se dit qu’il allait, « par sa plume, commenter et étendre le ciseau29 » que fit-il, qu’imagina-t-il dans sa conception vraiment puissante ? […] Vivant avec l’abandon des fleuves, respirant sans cesse Cybèle, soit dans le lit des vallées, soit à la cime des montagnes, je bondissais partout comme une vie aveugle et déchaînée… » Et vous oserez dire qu’un souffle de panthéisme n’a point passé sur de telles pages !
Les obsèques de ses parents et de sa femme étant achevées, il dit au père Fray Juan Regia : “Je désirerais aussi faire faire mes propres obsèques, et les voir, et y assister vivant : que vous en semble ?” […] Pour nous, les témoins de cette scène, ce fut un spectacle bien imposant et bien nouveau que des funérailles faites ainsi pour un personnage qui vivait encore, et j’assure que le cœur nous fendait de voir qu’un homme voulût en quelque sorte s’enterrer vivant et faire ses obsèques avant de mourir.
Les frères Le Nain, nés et élevés à Laon, eurent pour premier maître un étranger et probablement un Flamand, qu’on ne nomme pas ; ils étaient trois, Antoine, Louis et Mathieu, « vivant, est-il dit, dans une parfaite union » ; ils offraient, dans l’application de leur pinceau, des différences, qui paraissent avoir été de dimension plutôt que de manière. […] Trop rejetés en seconde ligne, trop négligés, même de leur vivant, totalement éclipsés durant l’époque radieuse de Louis XIV, les Le Nain ont commencé peu à peu à reparaître quand la splendeur du règne académique diminua.
Fallait-il peindre à perpétuité des Ajax, des Léonidas ou des Hector, des Ulysse, des fleuves Scamandre, comme le faisaient encore les peintres chers aux anciennes écoles et amis de l’ennuyeux ; ou bien aborder hardiment et coûte que conte des sujets nouveaux, vivants, — vivants ou dans l’imagination moderne ou dans la réalité, — comme le fit toute cette vaillante élite, les Delacroix, les Schnetz, les Scheffer, et Horace Vernet ?
Philosophie, musique, roman, comédie, peinture, médecine, amours, luxe et misère, noblesse et roture, tout cela vit ensemble, rit ensemble ; et quand ces intelligences barbues et ces plâtres vivants habillés de satin sont partis, il reste ici pendant deux jours une odeur de punch, de cigare, de patchouli et de paradoxe, à asphyxier les bourgeois. […] A ceux qui me reprochent de trop m’amuser au détail en de semblables sujets, je ne répondrai qu’en redoublant de soin pour laisser à ceux qui viendront après nous le plus de renseignements précis et le plus d’idées vivantes sur un passé déjà si enfui pour nous-mêmes et si lointain dans le souvenir.
» Ceux qui sont si empressés à refuser aux hommes engagés dans la vie active et dans l’âpreté des luttes publiques la faculté de sentir et de souffrir n’ont pas lu Émile, où se rencontrent, au milieu d’une certaine exaltation de tête, tant de pensées justes, délicates ou amères nées du cœur : « A l’âge où les facultés sont usées, où une expérience stérile a détruit les plus douces illusions, l’homme, en société avec son égoïsme, peut rechercher l’isolement et s’y complaire ; mais, à vingt ans, les affections qu’il faut comprimer sont une fosse où l’on est enterré vivant. » « Cette proscription qui désole mon existence ne cessera entièrement que lorsque j’aurai des enfants que je vous devrai (il s’adresse à celle qu’il considère déjà comme sa compagne dans la vie) ; je le sens, j’ai besoin de recevoir le nom de père pour oublier que le nom de fils ne me fut jamais donné. » Émile parle de source et, quand il le pourrait, il n’a à s’inspirer d’aucun auteur ancien ; la tradition, je l’ai dit, ne le surcharge pas ; elle commence pour lui à Jean-Jacques, et guère au-delà : c’est assez dans le cas présent. […] Sa fondation essentielle et vivante, à laquelle son nom restera attaché et qui fit révolution dans le journalisme par le bon marché et toutes les conséquences qui en découlent, est celle du journal La Presse, en juillet 1836.
Oui, il existe, en effet, une classe bien peu nombreuse de philosophes sages, sobres, vivant de peu, sans intrigue, occupés, — comme ce Woepke mort récemment et dont M. Taine nous entretenait l’autre jour27, — occupés, dis-je, à rechercher uniquement et scrupuleusement la vérité dans de vieux livres, dans des textes ingrats ou par des expériences difficiles ; des hommes qui voués à la culture de leur entendement, se sevrant de toute autre passion, attentifs aux lois générales du monde et de l’univers, et puisque dans cet univers la nature est vivante aussi bien que l’histoire, attentifs nécessairement dès lors à écouter et à étudier dans les parties par où elle se manifeste à eux la pensée et l’âme du monde ; des hommes qui sont stoïciens par le cœur, qui cherchent à pratiquer le bien, à faire et à penser le mieux et le plus exactement qu’ils peuvent, même sans l’attrait futur d’une récompense individuelle, mais qui se trouvent satisfaits et contents de se sentir en règle avec eux-mêmes, en accord et en harmonie avec l’ordre général, comme l’a si bien exprimé le divin Marc-Aurèle en son temps et comme le sentait Spinosa aussi ; — ces hommes-là, je vous le demande (et en dehors de tout symbole particulier, de toute profession de foi philosophique), convient-il donc de les flétrir au préalable d’une appellation odieuse, de les écarter à ce titre, ou du moins de ne les tolérer que comme on tolère et l’on amnistie par grâce des errants et des coupables reconnus ; n’ont-ils pas enfin gagné chez nous leur place et leur coin au soleil ; n’ont-ils pas droit, ô généreux Éclectiques que je me plais à comparer avec eux, vous dont tout le monde sait le parfait désintéressement moral habituel et la perpétuelle grandeur d’âme sous l’œil de Dieu, d’être traités au moins sur le même pied que vous et honorés à l’égal des vôtres pour la pureté de leur doctrine, pour la droiture de leurs intentions et l’innocence de leur vie ?
Sans doute, en considérant avec détail les maîtres, on aurait pu trouver plus d’une fois que l’imitateur n’avait pas tout rendu, qu’il était resté au-dessous ou pour la concision ou pour une certaine simplicité qui ne se refait pas ; c’est l’inconvénient de tous ceux qui imitent, et Horace, mis en regard des Grecs, aurait à répondre sur ces points non moins que Chénier ; mais tout à côté on aurait retrouvé chez celui-ci les avantages, là où il ne traduit plus à proprement parler, et où seulement il s’inspire ; on aurait rendu surtout justice en pleine connaissance de cause à cet esprit vivant qui respirait en lui, à ce souffle qu’on a pu dire maternel, à cette fleur de gâteau sacré et de miel dont son style est comme pétri, et dont on suivrait presque à la trace, dont on nommerait par leur nom les diverses saveurs originelles ; car, à de certains endroits aussi, ne l’oublions pas, l’aimable butin nous a été livré avant la fusion complète et l’entier achèvement. […] Cet art libre, ce procédé vivant, André Chénier l’a lui-même trop poétiquement exprimé en sa seconde Épître pour que nous ne posions pas ici cette réponse directe et triomphante à l’attaque qui n’en tient nul compte.
D’autre part, en dédommagement de ses frais de justice, il reçoit les biens de l’homme condamné à mort et à la confiscation dans son domaine ; il succède au bâtard né et décédé dans sa seigneurie sans testament ni enfants légitimes ; il hérite du régnicole, enfant légitime, décédé chez lui sans testament ni héritiers apparents ; il s’approprie les choses mobilières, vivantes ou inanimées, qui se trouvent égarées et dont on ignore le propriétaire ; il prélève le tiers ou la moitié des trésors trouvés, et, sur la côte, il prend pour lui les épaves des naufrages ; enfin, ce qui est plus fructueux en ces temps de misère, il devient possesseur des biens abandonnés qu’on a cessé de cultiver depuis dix ans. — D’autres avantages attestent plus clairement encore que jadis il eut le gouvernement du canton. […] « Selon mes amis du Rouergue, dit-il encore, je pourrais vivre à Milhau avec ma famille dans la plus grande abondance pour 100 louis ; il y a là des familles nobles vivant d’un revenu de 50 et même de 25 louis. » Aujourd’hui à Milhau les prix sont triplés et même quadruplés. — À Paris, telle maison dans la rue Saint-Honoré, louée 6 000 francs en 1789, est louée 16 000 fr. aujourd’hui.
Il faut pour cela deux choses : la première, que les langues soient déjà très riches, très fortes et très nuancées d’expressions, sans quoi le poète manquerait de couleurs sur sa palette ; la seconde, que le poète lui-même soit un instrument humain de sensations, très impressionnable, très sensitif et très complet ; qu’il ne manque aucune fibre humaine à son imagination ou à son cœur ; qu’il soit une véritable lyre vivante à toutes cordes, une gamme humaine aussi étendue que la nature, afin que toute chose, grave ou légère, douce ou triste, douloureuse ou délicieuse, y trouve son retentissement ou son cri. […] À peine la mort eut-elle interrompu ses chants divins que les rapsodes ou les homérides, chantres ambulants, l’oreille et la mémoire encore pleines de ses vers, se répandirent dans toutes les îles et dans toutes les villes de la Grèce, emportant à l’envi chacun un des fragments mutilés de ses poèmes, et les récitant de génération en génération aux fêtes publiques, aux cérémonies religieuses, aux foyers des palais ou des cabanes, aux écoles des petits enfants ; en sorte qu’une race entière devint l’édition vivante et impérissable de ce livre universel de la primitive antiquité.
Aussi regarde-les, ceux qui ont passé par ses mains, à part quelques révoltés comme Herscher qui, dans sa haine du convenu, tombe à l’excessif et à l’ignoble, comme moi qui dois à cette vieille bête mon goût du contourné, de l’exaspéré, ma sculpture en sacs de noix, comme ils disent… tous les autres, abrutis, rasés, vidés… » Bien candide, ce bon Védrine… J’ai eu l’honneur d’être professeur de rhétorique, ce qui est un métier fort amusant ; et je jure devant Dieu que je n’ai jamais étouffé le génie et que je n’ai jamais vu personne l’étouffer autour de moi… Tous les autres personnages sont, à des degrés divers, vivants et vrais ; mais quelques-uns avec un peu d’inattendu et comme des trous, des solutions de continuité dans leur psychologie, Voici l’historien Astier-Réhu, Oh ! […] Ces dessous ne sont pas exprimés, c’est vrai, mais la pantomime de ces véridiques et vivantes marionnettes est si juste que chacun de leurs gestes ou de leurs airs de tête nous révèle leur âme et tout leur passé ; et je ne croirai jamais qu’un romancier qui, rien qu’en notant des mouvements extérieurs et de brefs discours, a pu suggérer à M.
Les uns, se rattachant au principe de l’immortalité philosophique, se représentèrent les justes vivant dans la mémoire de Dieu, glorieux à jamais dans le souvenir des hommes, jugeant l’impie qui les a persécutés 159. « Ils vivent aux yeux de Dieu ; … ils sont connus de Dieu 160 », voilà leur récompense. […] Moins brillant en un sens que le développement de Jérusalem, celui du nord fut en somme bien plus fécond ; les œuvres les plus vivantes du peuple juif étaient toujours venues de là.
Tel est aussi celui de René, celui d’Atala mourante, quand elle s’écrie, parlant à Chactas : « Tantôt j’aurais voulu être avec toi la seule créature vivante sur la terre ; tantôt, sentant une Divinité qui m’arrêtait dans mes horribles transports, j’aurais désiré que cette Divinité se fût anéantie, pourvu que, serrée dans tes bras, j’eusse roulé d’abîme en abîme avec les débris de Dieu et du monde ! […] Je souffre cruellement, et je voudrais arriver vite au bout de ma carrière. » À chaque ligne de cette correspondance naïve, je vois l’ennui, le mépris du présent, la haine des générations vivantes, de « ces myrmidons d’aujourd’hui qui se fagotent en grands hommes », le culte surtout, l’idolâtrie de la jeunesse, de celle qu’il n’a plus : « Je suis toujours triste, parce que je suis vieux… Restez jeune, il n’y a que cela de bon. » L’Élégiaque grec ne dit pas autrement, mais il est Grec et païen.
Vous souvient-il quand nous dévorions ces pages toutes pleines de faux pour les grandes personnes, toutes vivantes de vérité pour nos imaginations d’alors ? […] Il se plaît en réalité avec les animaux ; lui aussi, il vit avec eux à sa manière : Vous connaissez ce quai nommé de la Ferraille, Où l’on vend des oiseaux, des hommes et des fleurs : À mes fables souvent c’est là que je travaille… On nous le montre aussi logé à l’hôtel de Toulouse, ayant sa bibliothèque tout près d’une volière peuplée d’une multitude d’oiseaux, sujets vivants de ses Fables.
De son vivant, il avait eu sa fille d’alliance, Mlle de Gournay, qui s’était vouée solennellement à lui, et son disciple Charron, de plus près, le suivait pas à pas, ne faisant guère que ranger avec plus d’ordre et de méthode ses pensées. […] Il ne saurait y avoir au-dessus d’un tel chapitre, à titre de consolation dans les calamités publiques, qu’un chapitre de quelque autre livre non plus humain, mais véritablement divin, d’un livre qui ferait sentir la main de Dieu partout, et non point par manière d’acquit comme le fait Montaigne, mais la main réellement présente et vivante.
On ne saurait dire, toutefois, qu’il ait méconnu ni encore moins calomnié Catherine, celui qui traçait d’elle dès l’abord ce mémorable et vivant portrait : Sa taille est agréable et noble ; sa démarche fière ; sa personne et son maintien remplis de grâces. […] Lorsqu’il aborde enfin sa vraie matière, qui commence avec l’élection du roi Stanislas Poniatowski, Rulhière a l’inconvénient d’avoir à se prononcer sur des caractères vivants qui n’ont pas eu leur entier développement, sur des personnages qui n’ont pas donné leur dernier mot.
Théophile Gautier, qui se plaît à déployer plus que jamais dans ses rimes de sculpteur ou de peintre les opulences de la nature corporelle et de la matière vivante ; c’est le luxe et la floraison du genre porté au dernier degré de l’épanouissement. […] la nature est vide et le soleil consume : Rien n’est vivant ici, rien n’est triste ou joyeux.
Mais à voir l’ensemble, comme on sent bien que ce personnage vivant était le contraire du triste et du sombre, et point du tout ennuyeux ! […] Ce chef-d’œuvre de satire est celle qu’il adresse à son Esprit, sujet favori encore, toujours le même, rimes, métier d’auteur, portrait de sa propre verve ; il s’y peint tout entier avec plus de développement que jamais, avec un feu qui grave merveilleusement sa figure, et qui fait de lui dans l’avenir le type vivant du critique.
Gannal les fait autrement, sinon mieux, que ne les faisaient, du vivant d’Hérodote, les Taricheutes, les Paraschistes et les Cholchytes, les premiers lavant le corps, les seconds l’ouvrant, et les troisièmes l’embaumant. […] Et Aristote croyait au fait d’Andron d’Argos, et Platon croyait au principe social de la communauté des femmes, et Gorgisippe croyait au fait de la terre plate, et Épicure croyait au fait de la terre portée par l’air, et Hermodamante croyait au fait des paroles magiques maîtresses du bœuf, de l’aigle, de l’ours et du serpent, et Echécrate croyait au fait de la maternité immaculée de Thémistoclée, et Pythagore croyait au fait du sceptre en bois de cyprès de Jupiter, et Posidonius croyait au fait de l’océan donnant à boire au soleil et des rivières donnant à boire à la lune, et Pyrrhon croyait au fait des tignes vivant dans le feu.
Héritière, en ligne collatérale, de Louis XIV, et jalouse d’orner sa souveraineté nouvelle des séductions d’un art né d’elle et vivant d’elle, la bourgeoisie avait cru, jadis, trouver, dans M. […] On n’a pas découvert qu’Émile Augier fût autre chose qu’Émile Augier, c’est-à-dire un génie solide et clair, d’une probité littéraire égale à sa loyauté personnelle, un vrai Français, de style et d’âme, un maître depuis longtemps classique et qui dans sa retraite volontaire, son glorieux bonheur intime, goûta, de son vivant, la gloire incontestée et reçut le respect de la postérité.
Unis de leur vivant au sommet des grandeurs humaines, unis devant Dieu et par des ressemblances de nature qu’on n’a pas assez remarquées et qu’il serait curieux de faire saillir, Louis XIV et Mme de Maintenon seront encore unis dans l’injustice et dans l’injure. […] Il n’en a pas été partie vivante.
Le Jésus de Renan, ce Jésus romantique, rêveur, paysagiste, exquise personne, âme suave, ennemi de toute religion, qui ne veut que la pureté du cœur, ce Jésus qui est un blasphème vivant contre Notre-Seigneur Jésus-Christ, une insulte hypocrite et profonde à la foi du plus grand nombre des Français encore par ce temps respecté de suffrage universel, a été trouvé généralement charmant, comme dit Renan lui-même. […] C’est le Témoignage éternellement vivant, indiscutable, incompatible et péremptoire, qui ne souffre pas qu’on l’invalide de la grosseur d’un atome, de la grosseur d’un rien, si un rien pouvait être quelque chose se gardant contre ses Saints eux-mêmes ; car l’Église a condamné, sur des points d’interprétation particulière, ceux qu’elle aimait le plus et qui l’ont le mieux servie.
Tous ceux qui sont effrayés des empiètements de l’État moderne invoquent l’exemple de la Grande-Bretagne : voyez comme les autorités locales y sont puissantes, comme les grands corps collectifs y sont vivants ! […] Et cette tendance entraîne non pas seulement ceux qui possèdent le pouvoir, mais encore ceux qui, vivant dans des sociétés unifiées, aspireraient à les réformer.
Flourens, et nous le supplions de ne plus taillader de cerveaux vivants. […] Gardez plutôt la théorie qui déclare les vivants tout formés dans l’ovaire ; dites que l’animal ne se crée pas, qu’il s’accroît ; que, fabriqué tout entier d’avance, il est aussi compliqué au premier qu’au dernier jour, que sa grosseur change, non sa structure ; qu’Ève contenait incluses les unes dans les autres, achevées et complètes, les cent quatre-vingts générations qui d’elle ont transmis la vie jusqu’à nous.
Après François Ier, Henri II, son successeur et son fils, eut l’honneur d’un panégyrique, même de son vivant. […] Cet homme hardi et brillant, fait pour éblouir le peuple, pour subjuguer les grands, pour opprimer le roi, courant à la grandeur par les factions, et à la renommée par l’avilissement de son maître ; qui s’occupait de le détrôner sans daigner le haïr ; et qui, par mépris, ne s’apercevait pas même qu’il s’en était fait craindre, vivant pouvait être coupable, mais assassiné ne parut qu’un héros.
André Chénier, vivant, eût été le grand poëte français, immédiatement antérieur à M. de Chateaubriand, lequel date du Christianisme renaissant, du culte restauré, et d’un ordre de sentiments spiritualistes que le génie d’André n’eût sans doute pas accueillis.