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859. (1859) Moralistes des seizième et dix-septième siècles

La peine que prennent ceux-ci est vaine le plus souvent. […] Tout compté, il y a plus de peine à garder l’argent qu’à l’acquerir. […] Si cet homme n’a qu’indifférence ou mépris pour l’opinion de ses semblables, vous y perdrez vos peines ; il ne saurait vous entendre. […] Ce serait peine perdue que de vouloir ramener à un sentiment universel les déviations nationales et séculaires de la moralité humaine. […] L’instinct en déciderait tout aussi bien ou tout aussi mal ; ce n’est pas la peine de faire un système.

860. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Malherbe »

On croirait entendre déjà don Diègue dans le Cid ; mais, dans les stances qui suivent, il va parler comme l’a pu faire le seul Malherbe : Ceux à qui la chaleur ne bout plus dans les veines En vain dans les combats ont des soins diligents ; Mars est comme l’Amour : ses travaux et ses peines     Veulent de jeunes gens. […] C’est chose que tout autre eût demandée avec passion, et néanmoins vous ne sauriez croire la peine qu’il a eue à y condescendre146… Il a été assez généreux pour n’y consentir qu’à la condition d’entretenir ces soldats à ses dépens. […] J’ai été un peu long, mais, quand on est couché sur des fleurs, il y a de la peine à se lever. » L’homme sensé, le bon citoyen clairvoyant et ferme, celui qui semble avoir connu à l’avance le Testament politique du Cardinal, a eu le haut ton dans toute cette lettre : le poëte, proprement dit, ne se trahit et ne reparaît qu’à ces derniers mots147. […] Devenu vieux, sa plus grande peine était dans la privation de ce qui lui semblait, comme à La Fontaine, le plus charmant des biens ; il l’a dit dans une lettre à Balzac (1625) avec une vivacité ingénue et une chaleur qui compense bien la délicatesse : « Toutes choses, à la vérité, sont admirables en elles (le donné) ; et Dieu, qui s’est repenti d’avoir fait l’homme, ne s’est jamais repenti d’avoir fait la femme. […] Allons-nous vers elles, elles font aussitôt la moitié du chemin ; leur disons-nous, « mon cœur », elles nous répondent, « mon âme »… Si après cela il y a malheur égal à celui de ne pouvoir plus avoir de part en leurs bonnes grâces, je vous en fais juge, et m’assure que vous aurez de la peine à me condamner. » 151.

861. (1864) Cours familier de littérature. XVII « CIe entretien. Lettre à M. Sainte-Beuve (1re partie) » pp. 313-408

Qu’on ne lui parle pas de protecteurs, ils se ressemblent tous, plus ou moins : ils ne donnent que pour qu’on leur rende, ou, s’ils donnent gratuitement, c’est qu’il ne leur en coûte nulle peine ; leur indifférence n’irait pas jusque-là. […] L’idée de s’associer aux êtres élus qui chantent ici-bas leurs peines, et de gémir harmonieusement à leur exemple, lui sourit au fond de sa misère et le releva un peu. […] C’était le seul sentiment assez fort pour l’arracher aux peines individuelles, et il en a consacré, dans quelques pièces, l’expression amère et généreuse. […] « Dieu donc et toutes ses conséquences ; Dieu, l’immortalité, la rémunération et la peine ; dès ici-bas le devoir et l’interprétation du visible par l’invisible : ce sont les consolations les plus réelles après le malheur, et l’âme, qui une fois y a pris goût, peut bien souffrir encore, mais non plus retomber. […] « Recevez mes biens vifs remercîments, mon cher Sainte-Beuve, pour toute la peine que vous a donnée le laborieux enfantement de mes deux volumes au jour.

862. (1879) À propos de « l’Assommoir »

Or, certains critiques se donnent une peine immense pour chercher des prototypes aux personnages de M.  […] Ce qui crée leur diversité, ce n’est pas la différence de leur position sociale ; un ouvrier peut différer d’un ouvrier tout aussi bien que d’un grand seigneur, et ceux qui reprochent à l’Assommoir de n’être éclairé par aucun rayon, ne se sont pas donné la peine de le lire et de le comprendre. […] Mais le rayon qui pénètre dans la mansarde ne ressemble pas au rayon qui fait briller le marbre d’un palais : il a de la peine à entrer, à travers des carreaux ternis ou brisés, dont les morceaux sont retenus par un papier sans transparence ; il n’arrive que tout pâle dans ce pauvre milieu, et les graines de poussière qu’il fait danser en grand nombre l’obscurcissent encore. […] Il s’est aussi donné beaucoup de peine, et peut prendre sa part au succès. […] Charpentier a pris la peine d’aller le chercher lui-même, comme il avait été chercher M. 

863. (1896) Matière et mémoire. Essai sur la relation du corps à l’esprit « Chapitre II. De la reconnaissance des images. La mémoire et le cerveau »

On s’en convaincra sans peine en lisant de près la relation de ce cas. […] Aucun observateur ne s’étant posé une question de ce genre, nous serions fort en peine d’y répondre si nous n’avions relevé çà et là, dans leurs descriptions, certains faits qui nous paraissent significatifs. […] Son malade avait la plus grande peine à dessiner les objets simples, et s’il voulait les dessiner de tête, il en traçait des portions détachées, prises çà et là, et qu’il n’arrivait pas à relier les unes aux autres. […] Je démêle sans peine des particularités d’inflexion et d’intonation chez un Anglais parlant allemand — je le corrige donc intérieurement ; — il ne suit pas de là que je donnerais l’inflexion et l’intonation justes à la phrase allemande si je parlais. […] Je l’accorde sans peine ; mais plus la langue que vous me parlerez sera primitive et dépourvue de termes exprimant des rapports, plus vous devrez faire de place à l’activité de mon esprit, puisque vous le forcez à rétablir les rapports que vous n’exprimez pas : c’est dire que vous abandonnerez de plus en plus l’hypothèse d’après laquelle chaque image irait décrocher son idée.

864. (1924) Souvenirs de la vie littéraire. Nouvelle édition augmentée d’une préface-réponse

Il y avait chez lui comme un ardent besoin de panser les blessures et de bercer les peines ». […] Ce n’est pas la peine d’avoir brisé les conventions de l’ancien répertoire pour s’encombrer d’un pareil bric-à-brac ». […] A peine dans la banlieue, il rebroussait chemin, revenait le soir et ne parlait pas de sa tentative d’évasion. […] A peine assis, il se penchait vers nous et cela ne tardait pas  : « Vous savez ce qu’Iphigénie disait à son père ? […] A peine consentait-il à les embellir.

865. (1924) Critiques et romanciers

On a peine à le suivre. […] Mais nous constatons que nous avons plaisir ou peine : et malheur à qui augmente la peine, et bénédictions à qui augmente le plaisir. […] Lisée en a trop de peine. […] La fête nationale ne modifie pas la peine de Cécile : tant de peine, et le hasard peu important de cette joie aux alentours ! […] Elle a beaucoup de peine, à la mort de M. 

866. (1853) Portraits littéraires. Tome I (3e éd.) pp. 1-363

Malgré la sévérité des leçons de l’expérience, chaque fois que le cœur se passionne, il retombe sans peine dans son premier aveuglement. […] Prévost n’a pas pris la peine d’affirmer l’existence des sentiments que nous indiquons. […] Applaudi, enivré, il a pris en pitié les hommes qui se donnent la peine de vivre, de sentir et de penser, qui se résignent à toutes les épreuves de l’étude et de la passion, avant de s’adresser à la foule. […] En vérité, plus je pense à Gringoire, et plus j’ai de peine à comprendre comment M.  […] Il croit que sa maîtresse devinera sans peine le motif de son absence, et qu’elle acceptera l’abandon sans lutte, sans colère.

867. (1856) Réalisme, numéros 1-2 pp. 1-32

Il faut que nous ne soyons plus obligés d’admirer des choses comme Profils et Grimaces sous peine d’être excommuniés. […] Il est facile de dire chaque matin M. un tel est un idiot : M. un tel fait très mal ; il est moins commode de se donner la peine d’étudier et de réfléchir pour apporter des idées en vertu desquelles on puisse faire des œuvres. […] Cette peinture était incomplète, vague et mal conçue, on le voit, les passants s’y arrêtaient à peine, hésitaient, cherchaient et n’y formaient pas foule comme autour de l’autre, dont ils avaient peine à se rassasier. […] J’ai relu quelques bons écrits des esprits anglais là-dessus, les anglais ont toujours compris les choses vivantes, mais je ne parle ici qu’au point de vue de la peinture, je n’oserais dire un mot sur la littérature, mes brosses et mes pinceaux me donnent assez de peine. […] Il faut que nous ne soyons pas obligés d’admirer des choses comme Profils et Grimaces, sous peine d’être excommuniés.

868. (1885) Le romantisme des classiques (4e éd.)

Mais alors je me fusse trouvé si loin de celui-ci, que, même à l’aide de mes notes, j’aurais eu grand’ peine à le ressaisir. […] Moi, j’avoue qu’en pareil cas, et si j’étais absolument sûr que ce fussent des vérités, j’aurais grand’ peine à la tenir fermée. […] On a peine à croire jusqu’à quel degré Corneille, une fois en veine de bizarrerie, se laisse entraîner. […] Lygdamon Leur nombre est plus petit que celui de mes peines ! […] Dona Jacinta A quelle fin prend-on la peine de mériter ?

869. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Mort de M. Vinet »

Vinet ont été remplies de peines sensibles, et il est à croire que sa vie en a été abrégée.

870. (1874) Premiers lundis. Tome I « Bonaparte et les Grecs, par Madame Louise SW.-Belloc. »

Mais, à son retour, il ne trouva plus Bonaparte à Milan, et c’est à Paris que ce vieillard, devenu presque aveugle dans le voyage, parvint, non sans beaucoup de peines et de démarches, à remettre au général divers mémoires qui répondaient à ses questions.

871. (1875) Premiers lundis. Tome III « Émile Augier : Un Homme de bien »

Se soucie-t-on seulement d’être tant soit peu en règle à l’égard des autres, et se donne-t-on quelque peine pour les abuser ?

872. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Quatrième partie. Élocution — Chapitre X. De la simplicité du style »

Il n’y a pas d’idées, de sentiments qui vaillent la peine d’être préférés : il y a des phrases qui méritent d’être écrites, des phrases belles, des phrases bien faites.

873. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Introduction. Origines de la littérature française — 4. Physionomie générale du moyen âge. »

Elles rendent impossible la saine conception de l’histoire : et il est notable que dans l’âge moderne l’esprit français, substituant une conception philosophique à la conception théologique de l’univers, n’arrivera pas encore sans grande peine à l’intelligence historique, comme si sa nature répugnait secrètement à la considération du contingent, du relatif, de ce qui passe dans les choses qui passent.

874. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre V. Un livre de Renan et un livre sur Renan » pp. 53-59

Renan a créé assez d’œuvres pour qu’on lui permette la joie de faire paraître, de temps en temps, un livre né sans peine, par les soins du seul éditeur.

875. (1887) Discours et conférences « Discours prononcé à Tréguier »

Dans un temps où le mal général est le dégoût de la vie, nous continuons à croire que la vie vaut la peine qu’on en poursuive le but idéal.

876. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Deuxième partie. Ce qui peut être objet d’étude scientifique dans une œuvre littéraire — Chapitre VI. Recherche des effets produits par une œuvre littéraire » pp. 76-80

On arrive sans trop de peine à savoir si elle a réussi auprès des contemporains et en quelle mesure, si elle a obtenu un succès lent ou rapide, disputé ou presque unanime, éphémère ou durable.

877. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — E. — article » pp. 238-247

A peine fut-elle partie, qu’elle se cassa la jambe ; mais ce cruel accident ne l’arrêta point, & son arrivée à Versailles précéda de 36 heures celle du Courrier dépêché par la Cour de Vienne à son Ambassadeur à celle de France.

878. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — Q. — article » pp. 572-580

D’après cette maniere austere de penser, que lui donnoit le sentiment de sa propre force, il avoit de la peine à regarder Quinault comme un grand Poëte, & en cela il étoit conséquent* ».

879. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des romans — Préface et note de « Notre-Dame de Paris » (1831-1832) — Note ajoutée à l’édition définitive (1832) »

C’est pour cela surtout que les chapitres ajoutés à cette édition complèteront Notre-Dame de Paris, en n’admettant que Notre-Dame de Paris vaille la peine d’être complétée.

880. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Girac, et Costar. » pp. 208-216

Mais ils les menaçoient d’un logement de soldats. » A peine Girac eut-il vu la sortie faite contre lui, qu’il en médita une plus violente, & ramassa de tous côtés de quoi déshonorer son adversaire, & le rendre modeste.

881. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre troisième. Suite de la Poésie dans ses rapports avec les hommes. Passions. — Chapitre V. Suite des précédents. — Héloïse et Abeilard. »

Si nous trouvons tant de charmes à révéler nos peines à quelque homme supérieur, à quelque conscience tranquille qui nous fortifie et nous fasse participer au calme dont elle jouit, quelles délices n’est-ce pas de parler de passions à l’Être impassible que nos confidences ne peuvent troubler, de faiblesse à l’Être tout-puissant qui peut nous donner un peu de sa force ?

882. (1761) Salon de 1761 « Peinture —  Deshays  » pp. 134-138

La peine et la douleur auraient été plus fortes dans tous les assistants.

883. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 4, du pouvoir que les imitations ont sur nous, et de la facilité avec laquelle le coeur humain est ému » pp. 34-42

Pourquoi les acteurs qui se passionnent veritablement en déclamant, ne laissent-ils pas de nous émouvoir et de nous plaire, bien qu’ils aïent des défauts essentiels : c’est que les hommes qui sont eux-mêmes touchez, nous touchent sans peine.

884. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 12, qu’un ouvrage nous interesse en deux manieres : comme étant un homme en general, et comme étant un certain homme en particulier » pp. 73-80

Qu’on se mette en la place de Cesar, et l’on trouvera sans peine cet endroit.

885. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 6, des artisans sans génie » pp. 58-66

Il est au supplice quand il voit que son éleve n’entend qu’avec peine ce qu’il comprenoit d’abord, lorsque lui-même il étoit éleve.

886. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 11, les romains partageoient souvent la déclamation théatrale entre deux acteurs, dont l’un prononçoit tandis que l’autre faisoit des gestes » pp. 174-184

On remarqua que son action étoit alors beaucoup plus animée, parce qu’il emploïoit toutes ses forces à faire les gestes quand un autre étoit chargé du soin et de la peine de prononcer.

887. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Quelques documents inédits sur André Chénier »

… Partout sur des autels j’entends mugir Apis, Bêler le dieu d’Ammon, aboyer Anubis. » Mais voici le génie d’expression qui se retrouve : « Des opinions puissantes, un vaste échafaudage politique ou religieux, ont souvent été produits par une idée sans fondement, une rêverie, un vain fantôme, Comme on feint qu’au printemps, d’amoureux aiguillons La cavale agitée erre dans les vallons, Et, n’ayant d’autre époux que l’air qu’elle respire, Devient épouse et mère au souffle du Zéphire. » J’abrège les indications sur cette portion de son sujet qu’il aurait aimé à étendre plus qu’il ne convient à nos directions d’idées et à nos désirs d’aujourd’hui ; on a peine pourtant, du moment qu’on le peut, à ne pas vouloir pénétrer familièrement dans sa secrète pensée : « La plupart des fables furent sans doute des emblèmes et des apologues des sages (expliquer cela comme Lucrèce au livre III). […] On a l’épilogue de l’Hermès presque achevé : toute la pensée philosophique d’André s’y résume et s’y exhale avec ferveur : Ô mon fils, mon Hermès, ma plus belle espérance ; Ô fruit des longs travaux de ma persévérance, Toi, l’objet le plus cher des veilles de dix ans, Qui m’as coûté des soins et si doux et si lents ; Confident de ma joie et remède à mes peines ; Sur les lointaines mers, sur les terres lointaines, Compagnon bien-aimé de mes pas incertains, Ô mon fils, aujourd’hui quels seront tes destins ? […] J’ai toujours eu peine à me figurer cela.

888. (1861) Cours familier de littérature. XII « LXXIe entretien. Critique de l’Histoire des Girondins (2e partie) » pp. 305-367

C’est ce même scrupule de véracité, quelle que fût la peine prise pour en consulter les sources par des voyages ou par des recherches parmi les familles des principaux acteurs du drame révolutionnaire, dont on retrouvera les preuves toutes les fois qu’on voudra, comme M. de Cassagnac, contester l’exactitude de telle ou telle page de l’Histoire des Girondins. […] XVII Je retrouvai avec plus de peine encore une autre source d’informations sur Danton dans M. de Saint-Albin, dont le vaste hôtel de la rue du Temple était un vrai musée de la Terreur. […] On l’a bien vu, quand, porté un moment, par le hasard de ma vie et des événements, à la place même où Robespierre avait reçu le coup de pistolet vengeur du sang qu’il avait demandé et qu’il demandait encore, mon premier acte politique a été de proposer au gouvernement de la seconde république, qui partageait mon impatience d’humanité, de porter le décret d’abolition de la peine de mort en politique, et de désarmer, en nous désarmant, le peuple de l’arme des supplices, qui déshonore toutes les causes populaires quand elle ne les tue pas.

889. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CXIe entretien. Mémoires du cardinal Consalvi, ministre du pape Pie VII, par M. Crétineau-Joly (3e partie) » pp. 161-219

Au milieu des douleurs et dans ses peines continuelles, il se montra détaché de la terre et de moi-même, qui lui étais néanmoins si cher. […] « Cette dernière phrase me fit tant de peine, que je n’y voyais presque plus. […] IV Le Pape reconquit sans peine au congrès de Vienne tout ce que Napoléon avait dérobé par la force au domaine de l’Église.

890. (1902) Le culte des idoles pp. 9-94

M. de Goncourt ne se croirait pas un historien sérieux s’il se donnait la peine d’exposer son sujet. […] La « poésie » de Madame Bovary, de Salammbô, lui avait paru déplacée ; et sans peine, parce que ce n’était chez lui qu’un procédé, il use, dans l’Éducation sentimentale, d’un style plat, aussi méticuleux que le premier, mais sans précision, incorrect, boursouflé, un style à la Homais. […] Il y a en lui non pas du germain, mais du slave et du slave mystique, et on sent aussi le fils du pasteur et le professeur de philosophie qui parle en prophète et en homme habitué à ce qu’on ne discute pas ses jugements, même lorsqu’il ne se donne pas la peine de les motiver.

891. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre VII. Repos »

Mais, si le stoïcien est sans peine un satirique hautain ou véhément, il ne deviendra qu’après bien des efforts un poète comique ou un consciencieux réaliste. […] Et je pense alors, poète, que c’est votre âme qui tourne ainsi autour de moi, jouant à cache-cache, ayant de lancinants regrets de s’éloigner et de vifs désirs, aussitôt exaucés, de revenir vite… » Je voudrais bien aussi vous faire admirer — mais on n’enferme pas un chêne dans un herbier — le morceau merveilleux : C’était « un de ces fols », n’ayant pas de demeure Et faisant peine à voir comme un pauvre qui pleure. Il s’en allait des jours entiers à travers champs, Le cœur en peine et la pensée à l’aventure.

892. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre sixième. La volonté — Chapitre deuxième. Le développement de la volonté »

Mais la certitude de ces résultats mécaniques n’empêche point les mouvements d’être en eux-mêmes sensitifs et appétitifs : la ligne du mouvement le plus facile y est toujours, psychologiquement, la ligne de la moindre peine. […] L’élément primordial du développement volontaire, sans lequel la sélection naturelle n’aurait pas où s’exercer, est donc l’appétition spontanée par laquelle, étant donné un plaisir, l’être réagit pour le retenir, étant donnée une douleur, l’être réagit pour l’écarter, sans avoir besoin ni de concevoir plusieurs partis possibles, ni d’opposer la représentation à la peine présente ou au plaisir présent. […] Elles supposent une sensation produite par le contact d’un objet, une émotion de plaisir ou de peine plus ou moins rudimentaire, enfin une appétition ou aversion immédiate qui est la réponse de la volonté.

893. (1888) Préfaces et manifestes littéraires « Romans et nouvelles » pp. 3-80

cette pénalité du silence continu, ce perfectionnement pénitentiaire, auquel l’Europe n’a pas osé cependant emprunter ses coups de fouet sur les épaules nues de la femme, cette torture sèche, ce châtiment hypocrite allant au-delà de la peine édictée par les magistrats et tuant pour toujours la raison de la femme condamnée à un nombre limité d’années de prison, ce régime américain et non français, ce système Auburn, j’ai travaillé à le combattre avec un peu de l’encre indignée qui, au xviiie  siècle, a fait rayer la torture de notre ancien droit criminel. […] Non, le romancier, qui a le désir de se survivre, continuera à s’efforcer de mettre dans sa prose de la poésie, continuera à vouloir un rythme et une cadence pour ses périodes, continuera à rechercher l’image peinte, continuera à courir après l’épithète rare, continuera, selon la rédaction d’un délicat styliste de ce siècle, à combiner dans une expression le trop et l’assez, continuera à ne pas se refuser un tour pouvant faire de la peine aux ombres de MM.  […] Il y a aujourd’hui plus de trente ans que je lutte, que je peine, que je combats, et pendant nombre d’années, nous étions, mon frère et moi, tout seuls, sous les coups de tout le monde.

894. (1886) Quelques écrivains français. Flaubert, Zola, Hugo, Goncourt, Huysmans, etc. « Victor Hugo » pp. 106-155

On relève sans peine, en peu de pages : « Au grand soleil couchant horizontal et sombre ; miroir sombre et clair ; sérénité des sombres astres d’or. » Les romans sont riches en ces contrastes purement verbaux, notamment certaines oraisons comiques et grandiloquentes dans l’Homme qui Rit, dans les Misérables la plupart des dissertations générales, parmi lesquelles il faut relever celle sur l’antithèse entre les pénitences du couvent et l’expiation du bagne. […] Il proteste contre le suicide, qu’il qualifie de lâcheté, et soutient, contre toutes les statistiques, que l’abolition de la peine de mort et la diffusion de l’instruction diminuent la criminalité (Quatre vents de l’Esprit, pag. 87 et 97). […] Mais dans tous les livres du poète aucun récit ne monte plus haut au sublime et au tragique que celui où Gwynplaine mené dans le caveau de la prison de Southwark aperçoit le spectacle misérable de Hardquannone soumis à la peine forte et dure.

895. (1707) Discours sur la poésie pp. 13-60

En effet, rien n’abrége tant le discours, et ne multiplie tant le sens, qu’une epithéte bien choisie : elle tient lieu presque toujours d’une phrase entiére : elle fait une impression vive et inattenduë ; et outre l’agrément de la briéveté, quelques lecteurs sentent encore, ce qui fait une partie de leur plaisir, la peine et le mérite qu’il y a de s’exprimer aussi heureusement, malgré toute la contrainte des vers. […] Il est vrai qu’aujourd’hui peu de gens sont capables de l’étudier dans sa langue ; que ceux même qui le lisent dans la traduction latine, avoüent la plûpart ingénument, qu’ils ne le trouvent pas encore trop intelligible, et que nos plus habiles ecrivains auroient peine à en faire une traduction françoise, exacte et en même tems agréable. […] J’ai peine à croire que ce ne fût pas-là un vrai défaut ; car la mesure de chaque strophe avoit sans doute été ordonnée pour l’agrément, et cette mesure étoit violée, lorsqu’un sens suspendu obligeoit d’y ajouter de nouveaux nombres ; ou si l’on ne faisoit aucune violence à la mesure, ce devoit être une fatigue pour l’esprit de se sentir arrêté sur un sens interrompu.

896. (1896) Écrivains étrangers. Première série

Sous prétexte de lui laisser le commandement, elle lui a laissé la peine et la responsabilité. […] À grand’ peine, après quatre ans de séjour, il obtint un diplôme du second degré. […] Je me rappelle la peine qu’il eut à écrire le premier chapitre de Marius : une vraie peine, car la fatigue le rendait malade, avec des accès de fièvre, une insomnie persistante, un sentiment de dépression incroyable. […] Mais je serais fort en peine, après cela, de dire quelle sorte d’homme il était. […] Aucun de mes livres ne m’a encore donné tant de peine et de souci.

897. (1927) Des romantiques à nous

A peine le nom s’en fut-il répandu que l’on discutait à perte de vue sur sa nature. […] Quelle peine trouvez-vous à déverser dans un trou d’ombre, auquel vous n’avez pas à confier votre nom et où tout s’ensevelit pour ne jamais remonter au jour, le récit de vos plus lamentables faiblesses et de vos pires turpitudes ? […] La rudesse des circonstances, les difficultés de la mer, les peines du commerce naissant, les combats continuels avec les populations environnantes, il n’y pense point. […] Mais la petite peine qu’elle aura dû se donner pour entendre ces abstractions lui aura fait prendre la salutaire habitude d’une certaine liaison entre les idées et d’une sage méfiance de celles qui ne se lient pas. […] Nous nous découvrions nos peines, nos rêves, nos espérances.

898. (1898) Introduction aux études historiques pp. 17-281

., ont pris la peine d’exposer, dans des opuscules spéciaux, leurs pensées sur la matière. […] Le texte d’un document qui a été restitué au prix de peines infinies ne vaut pas davantage que celui d’un document analogue dont l’original a été conservé ; au contraire, il vaut moins. […] La plupart des enfants dénaturent tout de la sorte, par des à peu près ; ils ont de la peine à devenir exacts et scrupuleux, c’est-à-dire à maîtriser leur imagination. […] L’auteur affirme des faits qu’il aurait pu observer, mais qu’il ne s’est pas donné la peine de regarder. […] Il faudra distinguer ces différences, sous peine d’expliquer les actes des artistes et des savants par les croyances et les habitudes de leur prince ou de leurs fournisseurs.

899. (1896) Impressions de théâtre. Neuvième série

dit Thyeste. — Ne te mets point en peine : j’ai juré que rien ne vous séparerait plus », dit Atrée avec un sourire satanique. […] Et nous nous disons que ce n’est pas la peine d’emprunter aux étrangers leurs mauvaises pièces, car, Dieu merci ! […] Puis, je viens de prendre la forte culotte, et je dois payer sous peine d’être affiché. […] Anna Vogt n’a pas trop de peine à endormir, à étourdir la conscience retardataire de Humphry. […] Je suis à peu près sûr de la traiter honorablement, car j’ai moins de peine à exprimer des sentiments et des idées qu’à inventer des faits.

900. (1903) La pensée et le mouvant

On le montrerait sans peine pour les opérations de la mémoire. […] Mais déjà nous aurons moins de peine à percevoir le mouvement et le changement comme des réalités indépendantes si nous nous adressons au sens de l’ouïe. […] Nous n’aurions aucune peine à envisager les choses de ce biais si nous n’avions contracté l’habitude de croire que le passé est aboli. […] Ceci posé, on verrait sans peine que la science positive a pour fonction habituelle d’analyser. […] Cousin, s’il fit quelque tentative de ce côté, s’aperçut bien vite qu’il perdait son temps et sa peine.

901. (1892) Essais sur la littérature contemporaine

J’ai quelque peine à le croire ; et, pour parler franchement, je n’en ai guère moins à comprendre ces mystiques formules. […] Mais est-ce que cette autre page, au moins, ne valait pas la peine d’être rappelée ? […] Boire, manger, dormir, et le reste, cela ne vaut-il pas la peine d’être né ? […] Quels sont leurs plaisirs et leurs peines ? […] Spronck n’a pas eu de peine à retrouver le romantique impénitent.

902. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Notes et pensées » pp. 441-535

Flourens, au moment où il se promettait de ne pas me donner sa voix, me disait avec tendresse : « Je vous assure qu’il ne m’est jamais arrivé d’être reçu dans un corps savant, sans éprouver en même temps une véritable peine, une peine très vive, en songeant aux hommes de talent et de mérite qui se trouvaient évincés et ajournés par ma nomination : au milieu de ma satisfaction personnelle, j’en ressentais une sorte de douleur !  […] » La tête du bonhomme était un peu déménagée ; et Mme de Fitz-James prenait en vain toutes les peines du monde pour lui expliquer comme quoi Bonaparte et la Révolution étaient en réalité advenus. — Presque tous les hommes à un certain âge, et même ceux qui passent pour le moins dérangés d’esprit, en viennent à être comme ce bon M. de Bissy et à se dire comme lui des choses et des hommes qui contrarient leurs idées : « Cet homme-là, cette chose-là, ça n’est pas vrai !  […] … » Mais quand l’idée nouvelle qui s’empare de la société s’est établie, s’est répandue et presque universalisée, il arrive qu’un matin l’immense majorité s’impatiente de voir encore debout ce qui ne vit plus à ses yeux, et alors, sans trop s’inquiéter du motif, sans prendre même la peine de colorer le prétexte, elle fait quelque querelle d’Allemand à ce reste de vieille opinion insolente, et quelquefois innocente, qui l’offusque et qui la gêne. […] En revanche, ils aiment fort la satire, ce qui est bien différent : mais la vérité, c’est-à-dire cet ensemble non arrangé de qualités et de défauts, de vertus et de vices, qui constituent une personne humaine, ils ont toute la peine du monde à s’en accommoder. […] Pendant qu’ils étaient, lui et elle, debout à les regarder, on sonne : Vigny prend une mine grave, et dit à la demoiselle : « Mademoiselle, quelqu’un vient, remettons-nous ; il importe quon nous trouve assis. » — Mademoiselle D. le regarda d’un air étonné et eut peine à ne pas lui envoyer un éclat de rire au visage.

903. (1900) Quarante ans de théâtre. [II]. Molière et la comédie classique pp. 3-392

Lapommeraye, qui a pris la peine de le suivre pied à pied et d’opposer à chacune de ses affirmations une réponse péremptoire et nette. […] Il n’y avait pas tant de peine à se donner autour de Sganarelle. […] Mais Molière ne s’est pas donné la peine de le justifier par la conduite tout entière de sa comédie. […] Alceste n’est pour lui qu’un désagréable original, qui ne valait guère la peine d’être peint, n’étant qu’une assez peu plaisante exception. […] L’auteur n’a pas même pris la peine de le dire.

904. (1929) Les livres du Temps. Deuxième série pp. 2-509

Si l’on manque à leur répondre, on est conduit dans une prison d’où l’on a beaucoup de peine à se tirer. […] Michaut n’a pas de peine à mettre en lumière le paganisme profond de M.  […] Il montre sans peine que cette conscience du moi est fragile, intermittente, et fondée sur la mémoire qui est la plus débile de nos facultés. […] Donnez à ma peine cruelle La pleine vision de la vie éternelle ! […] Non sans peine, car l’état-major monténégrin ne leur facilite pas le voyage, MM. 

905. (1814) Cours de littérature dramatique. Tome III

Racine, avec son goût, son élégance et ses grâces, eut longtemps à lutter contre l’ascendant de la grande âme de Corneille, il eut beaucoup de peine à nous faire goûter les faiblesses du cœur, les tourments et les crimes de l’amour. […] Comment pourraient-ils être touchés d’un contraste qu’ils ont peine à concevoir ? […] La scène où Mahomet prend lui-même la peine de séduire un enfant, n’est qu’une scène de fourberie honteuse qui dégrade ce célèbre imposteur. […] Je pense que ces peines chimériques, qui n’ont pour fondement que le caprice et l’entêtement le plus bizarre, sont trop puériles et trop extravagantes pour toucher beaucoup des spectateurs raisonnables. […] Argant fait de la peine, parce que le genre est plus noble et le sujet plus grave.

906. (1860) Cours familier de littérature. IX « LIe entretien. Les salons littéraires. Souvenirs de madame Récamier. — Correspondance de Chateaubriand (3e partie) » pp. 161-240

Il eut de la peine à s’y résigner, mais la majesté romaine de l’exil et la haute fortune dont on lui dorait cet exil le firent enfin partir. […] « Soyez tranquille sur tous les points », écrit-il à son amie qui avait sans doute manifesté quelque inquiétude à cet égard, « soyez tranquille ; la ressemblance n’est pas du tout parfaite, et, quand elle le serait, elle ne me rappellerait que des peines et le bonheur dont vous les avez effacées. […] Pouvez-vous maintenant douter de moi, et n’ai-je pas réparé depuis trois mois toute la peine que j’avais eu le malheur de vous faire dans ma vie ? Quand je vous entretiens de mes tristesses, c’est malgré moi : ma santé est fort altérée, et il est possible que cela me porte à des prévoyances d’avenir prochain qui sont trop sombres : j’aurais tant de peine à vous quitter ! 

907. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CXe entretien. Mémoires du cardinal Consalvi, ministre du pape Pie VII, par M. Crétineau-Joly (2e partie) » pp. 81-159

Pie VII n’eut pas de peine à lui prouver combien sa détermination était juste ; il lui démontra qu’il ne pouvait accepter le plan de concordat tracé par le gouvernement français. […] « Tandis qu’il parlait, se trouvant proche du comte de Cobenzel, ministre d’Autriche, il se retourna vers lui avec une extrême vivacité, et lui répéta à peu près les mêmes choses qu’à moi, affirmant plusieurs fois qu’il ferait changer de manière de penser et de religion dans tous les États de l’Europe ; que personne n’aurait la force de lui résister, et qu’il ne voulait pas assurément être seul à se passer de l’Église romaine (c’est sa phrase), qu’il mettrait plutôt l’Europe en feu de fond en comble, et que le Pape en aurait la faute et la peine encore. […] Ce qui me fait le plus de peine, c’est que vous soyez du nombre ! […] « Alors les ministres, voyant avec peine sacrifier des hommes innocents (car ils ne pouvaient pas s’empêcher de nous reconnaître comme tels), et désirant aussi accommoder la chose afin de contenter l’Empereur et de faire révoquer les mesures déjà prises et dont ils prévoyaient l’éclat, proposèrent diverses formules.

908. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre I — Chapitre troisième »

Les censeurs de la Sorbonne auraient eu peine à y trouver un seul trait qui blessât les mœurs ; tout au plus y noterait-on quelques détails grossiers, dont la faute est moins au poëte qu’à son temps. […] Si celle que pleure Charles d’Orléans, Qui estoit son comfort sa vie Son bien, son plaisir, sa richesse, était sa première ou sa seconde femme, j’en trouverais plus touchante cette plainte, d’ailleurs médiocrement poétique, qu’il adresse à la Mort : Puisque tu as pris ma maistresse, Prends-moi aussi son serviteur ; Car j’aime mieux prochainement Mourir que languir en tourment En peine, soussy et douleur. […] La peine de mort fut commuée en celle du bannissement, et Villon se retira, sur les Marches de Bretagne. […] Bons vins, poissons, tartes, flans, ils ont tout en abondance Ils ne veulent nulz eschansons, Car de verser chacun se peine.

909. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre troisième »

Rapports de la population avec les gouvernements, les lois et la religion ; constitution économique du commerce ; proportion des peines aux délits ; réduction de toutes les lois françaises en un code unique ; la liberté, pour attirer les étrangers par l’opulence qui la suit toujours ; l’égalité, pour porter l’abondance et la vie dans tout le corps politique ; la tolérance religieuse, pour assurer l’autorité du prince et la stabilité de l’Etat : voilà quelques-unes des nouveautés que Montesquieu proclame avec l’air de n’y penser que par plaisir, répandant à la fois les doutes, les vœux de réforme, les critiques déguisées du temps présent, tout, excepté des craintes sur le prix dont la France devait payer un jour ces conquêtes. […] Buffon, comme Descartes, cherche la solitude et fuit la société, « où, dit-il, pour une phrase quelquefois utile qu’on y recueille, ce n’est pas la peine de perdre une soirée entière. » Mais Descartes défend sa retraite avec une sorte de jalousie, et il en change à plusieurs reprises, pour dépister les visiteurs, en qui il voit des préjugés personnifiés qui viennent tenter son jugement. […] Le poète Fabrice n’a pas moins de faiblesse pour ses vers que l’archevêque de Grenade pour ses homélies ; mais il n’a pas de secrétaire à gages pour les louer sons peine d’être chassé. […] Je sens de nouveau les joies et les peines fécondes de l’émulation, et ces naissantes admirations pour les beautés des lettres, auxquelles m’invitait une parole respectée, et qui sont jusqu’à la fin de la vie des voluptés pour l’esprit et des forces pour l’âme.

910. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre sixième »

Dans les comédies durables, chaque personnage porte la peine de son caractère. […] D’où vient donc, Diderot, que vous vous donnez tant de peine pour imaginer un art qui puisse se passer d’un homme de génie ? […] Que de peines et de démarches pour les produire ! […] Mélange d’habileté et d’audace, d’impudence et de discrétion, honnête homme qui ne veut pas l’être jusqu’à la duperie, Figaro est un type, cher à la France, de l’enfant de ses œuvres faisant son chemin parmi ceux « qui n’ont eu que la peine de naître », de l’inférieur qui défend son bien contre le supérieur, de l’esprit qui bat le privilège.

911. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre onzième »

L’amour de la vertu n’est pas un enthousiasme ; c’est l’amour de la peine, du renoncement, des mille difficultés attachées à une conduite vertueuse. […] Naturellement, les récompenses, qui sont le corollaire des peines, sont supprimées. […] A peine doit-on se fier à la confession qu’on se fait à soi-même, sur l’oreiller, tout bas et sans témoins ; à peine est-il prudent de s’en rapporter aux aveux d’un saint qui s’inflige l’humiliation d’une confession publique ; tant notre tendresse pour nous- mêmes est ingénieuse, tant la chair vaincue et humiliée s’aime encore dans les pleurs qu’elle répand sur sa corruption, et dans la confusion qu’elle en éprouve. […] L’éloquence de Rousseau a porté la peine de son ignorance de lui-même et des autres.

912. (1890) L’avenir de la science « XV » pp. 296-320

Soit mauvaise humeur, soit reste de superstition, la critique scientifique et littéraire a quelque peine à envisager comme ses objets propres les œuvres qui ont ainsi été séquestrées du profane et du naturel, c’est-à-dire de ce qui est ; et pourtant est-ce la faute de ces œuvres ? […] Nos critiques français, qui n’ont étudié que le monde grec et latin, ont peine à comprendre que le christianisme ait été d’abord un fait exclusivement juif. […] J’ai peine à croire que M.  […] Ce serait pourtant peine perdue que de chercher à le démontrer à ceux qui refusent de se placer à ce point de vue.

913. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « IX »

Ses ennemis ont de tout temps suffisamment exploité cette particularité de son style ; il n’était vraiment pas la peine que ses amis les imitassent. […]   Quant à tous les autres livres et à toutes les brochures qui nous inondent, je n’en connais pas un seul qui vaille la peine d’être même feuilleté. […] Il y faut une personne occupée depuis de longues années à des études raisonnées et suivies sur Wagner, connaissant assez toutes les langues pour comprendre sans peine tous les documents ; enfin plus intéressée à la valeur intime des papiers recueillis qu’à la richesse numérique de la collection. […] Mais je crois bien que l’on trouverait sans peine le moyen de rendre le Musée Œsterlein vraiment utile et précieux : il suffirait d’adjoindre à M. 

914. (1856) Cours familier de littérature. II « XIIe entretien » pp. 429-507

« L’homme né de la femme vit un petit nombre de jours et il est rassasié de peines. […] Cette lecture laisse dans l’âme le long retentissement de l’airain sonore suspendu entre le ciel et la terre, sur lequel le marteau divin aurait frappé la gamme entière des grandeurs, des petitesses, des peines d’esprit, des misères de corps, des félicités, des tristesses, des espérances, des doutes, des murmures, des blasphèmes, des désespoirs, des consolations humaines, retentissement dont les vibrations, répandues dans l’air immobile longtemps après le coup, se confondent à jamais avec la respiration et avec la pensée. […] « J’étais le père des nécessiteux, et, quand la cause que j’avais à juger m’était obscure, je ne négligeais aucune peine pour la bien connaître. » VIII Et le monde tout entier, tel qu’il est, avec ses injustices, ses reproches, ses impatiences contre l’infortune qui se plaint, et même contre celle qui se tait, n’apparaît-il pas dans toute sa vérité par la voix des amis faux ou durs de l’homme juste, abattu devant eux dans la poussière ? […] Si l’âme n’avait que cette faculté de comprendre, elle ne souffrirait pas, elle ne s’agiterait pas, elle n’agoniserait pas dans sa peine, elle ne se tourmenterait pas dans sa prison mortelle ; elle verrait et elle comprendrait ; ou, si elle avait une douleur, elle n’en aurait du moins qu’une, la douleur de ne pas pouvoir comprendre Dieu ; car, excepté Dieu, elle se sent capable de tout scruter, de tout pénétrer, de tout embrasser, de tout comprendre dans l’ordre matériel et dans l’ordre moral des créations.

915. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Le prince de Ligne. — II. (Fin.) » pp. 254-272

Le prince de Ligne était de cette race ; au moment de la prise de Belgrade, il écrivait à M. de Ségur, combinant avec art toutes ses sensations : « Je voyais avec un grand plaisir militaire et une grande peine philosophique s’élever dans l’air douze mille bombes que j’ai fait lancer sur ces pauvres infidèles… » Et après l’entrée dans la place : « On sentait à la fois le mort, le brûlé et l’essence de rose ; car il est extraordinaire d’unir à ce point les goûts voluptueux à la barbarie. » Il se plaît lui-même à se jouer à ces antithèses. […] C’est en y songeant le moins qu’il nous la peint le mieux, et qu’il nous fait voir d’un même trait sa bonté et sa grâce : Elle s’occupait si peu de sa toilette, dit-il en un endroit, qu’elle se laissa, pendant plusieurs années, coiffer on ne peut pas plus mal, par un nommé Larceneur qui l’était venu chercher à Vienne, pour ne pas lui faire de la peine.

916. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Gabrielle d’Estrées. Portraits des personnages français les plus illustres du XVIe siècle, recueil publié avec notices par M. Niel. » pp. 394-412

Malgré tout, malgré le soin qu’elle mettait à se concilier le peuple de Paris, elle avait peine à réussir ; et lorsqu’on apprit subitement, au milieu des fêtes de la mi-carême (12 mars 1597), qu’Amiens venait d’être surpris par les Espagnols, l’indignation fut grande dans la ville. […] Il n’arrive pourtant au sujet même qu’après une demi-heure au moins, durant laquelle il parle encore d’autres affaires : après quoi venant au point indiqué, y venant par de nouveaux circuits, énumérant ses fatigues et les peines qu’il s’est données pour parvenir au trône et pour rétablir l’État, il montre que tout cela n’est rien encore et n’aboutira à rien de solide et de durable, s’il ne se procure des héritiers.

917. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Chateaubriand. Anniversaire du Génie du christianisme. » pp. 74-90

C’est alors que, par un concours de circonstances qu’il ne nous a expliqué qu’à demi, éclata tout d’un coup en lui une explosion de sentiments dont on a peine à se faire idée. […] il paraît qu’il y a des peines mentales totalement séparées de celles du corps, comme la douleur que nous sentons à la perte d’un ami, etc.

918. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Sylvain Bailly. — II. (Fin.) » pp. 361-379

On avait pour moi de l’affection et des bontés touchantes ; ma douleur intéressa, et je réussis à ramener le calme. » Aussi, lorsque le lundi 25 mai, après un mois de séance et de secrétariat à l’Archevêché, Bailly se rendit dans la salle des États généraux à Versailles avec les autres députés de Paris, il sentit qu’il changeait de milieu et comme de climat : J’entrai dans cette salle avec un sentiment de respect et de vénération pour cette nation que je voyais réunie et assemblée pour la première fois ; j’éprouvai peut-être un sentiment de peine de m’y sentir étranger et inconnu. […] Pitra, et un vainqueur de la Bastille, de grande et belle taille, Hullin, le trouvent sur l’escalier de l’Hôtel de Ville, assez en peine de s’orienter et de se conduire dans ces flots de peuple ; ils lui offrent leurs bras : cet accompagnement le désigne de plus en plus à l’attention publique : les cris de Vive Bailly !

919. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Ramond, le peintre des Pyrénées — III. (Fin.) » pp. 479-496

Voyageant en Suisse dans le canton de Zurich, il avait remarqué que, dans la plupart des maisons, une piété domestique patriarcale tenait à conserver les images des pères, les portraits de ceux que la famille avait perdus et qui étaient représentés sur leur lit de mort, les yeux fermés, tels qu’ils étaient lorsqu’on les avait vus pour la dernière fois après le dernier soupir : Ces tristes images, ajoutait-il, qui paraîtraient si hideuses à un Français qui ménage son cœur comme un enfant gâté, et qui fuit avec soin tout ce qui pourrait l’émouvoir fortement, sont ici un objet consolant pour des hommes qui savent aimer et ne craignent rien de l’amour, pas même ses peines. […] La perte de ses manuscrits en 1814 dut produire en lui une peine sensible et un secret découragement.

920. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Henri IV écrivain. par M. Eugène Jung, ancien élève de l’École normale, docteur es lettres. — II » pp. 369-387

Ces harangues sont vives et assez courtes, animées de certains mots saillants qu’on retient et qui sont la signature de celui qui les a prononcées, on perdrait sa peine d’y chercher l’application des règles de la rhétorique ancienne et d’y vouloir vérifier les partitions oratoires. […] Il recouvrait ce mépris que d’autres grands politiques n’ont pas pris la peine de dissimuler.

921. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Santeul ou de la poésie latine sous Louis XIV, par M. Montalant-Bougleux, 1 vol. in-12. Paris, 1855. — I » pp. 20-38

Le gothique n’était pas à la mode en architecture ; on ne se donnait pas la peine de l’étudier ni de le comprendre. […] Santeul fut l’auteur de choix qu’on employa dans cette œuvre de réparation, disait-on alors, — d’altération, dit-on aujourd’hui, — et il en porte en ce moment la peine.

922. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Le duc de Rohan — I » pp. 298-315

L’on dort souvent plus mal parmi les délices sur de bons matelas, que sur des gabions ; et n’y a de pareil repos que celui qui s’acquiert avec beaucoup de peine. […] Rohan sera, à sa manière, un héros, mais un héros empêché, qui aura un fardeau à porter sur les épaules : on dirait qu’il s’y plaît encore plus qu’il ne s’y résigne ; il aime la peine.

923. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Madame Bovary par M. Gustave Flaubert. » pp. 346-363

On se donne souvent bien de la peine pour réveiller des choses passées, pour ressusciter d’anciens auteurs, des ouvrages que personne ne lit plus guère et auxquels on rend un éclair d’intérêt et un semblant de vie : mais quand des œuvres vraies et vives passent devant nous, à notre portée, à pleines voiles et pavillon flottant, d’un air de dire : Qu’en dites-vous ? […] Le grade obtenu non sans peine, il ne s’agit plus que de choisir un lieu où il ira exercer.

924. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Les Caractères de La Bruyère. Par M. Adrien Destailleur. »

On conjecture que, né dans un village près de Dourdan, il fut élevé à la campagne ; car il garda toujours de la nature une impression vive qu’il a exprimée avec bonheur, et il porte à l’homme des champs, pour l’avoir vu de près à la peine, un sentiment de compassion et d’humanité qu’il a rendu d’une manière poignante. […] La Bruyère n’avait pas eu les débuts faciles ; il lui avait fallu bien de la peine et du temps, et une occasion unique, pour percer.

925. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Des prochaines élections de l’Académie. »

Parmi ceux qui ne se présentent point, j’ai peine à ne pas songer à M.  […] Ce jeune homme est né dans la pourpre ; lui aussi, il s’est donné la peine de naître.

926. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Une monarchie en décadence, déboires de la cour d’Espagne sous le règne de Charles II, Par le marquis de Villars »

« La camarera-mayor, naturellement rigide, ajoutait de nouvelles peines à cette contrainte, et semblait vouloir effacer tout d’un coup jusqu’aux moindres choses qui auraient pu lui laisser quelque souvenir de la douceur et des agréments de son pays. » On essaya de lui inspirer d’abord une entière aversion pour la reine mère, dont cette camarera-mayor craignait l’influence qui s’annonçait comme prête à renaître. […] Vous aurez peine à imaginer qu’une jeune princesse, née en France, et élevée au Palais-Royal, puisse compter cela pour un plaisir ; je fais ce que je puis pour le lui faire valoir plus que je ne le compte moi-même.

927. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Journal de la santé du roi Louis XIV »

Le roi et feu Monsieur aimaient beaucoup les œufs durs. » Fagon nous donne l’aperçu d’un souper du roi déjà vieux (1709), qui répond bien à un tel dîner ; il est vrai que cela avait toutes les peines du monde à passer : « La variété, dit-il, des différentes choses qu’il mêle le soir à son souper avec beaucoup de viandes et de potages, et entre autres les salades de concombres, celles de laitues, celles de petites herbes, toutes ensemble assaisonnées comme elles le sont de poivre, sel, et très fort vinaigre en quantité, et beaucoup de fromage par-dessus, font une fermentation dans son estomac, etc. » Si tel était un souper ou un dîner ordinaire de Louis XIV, il est curieux de voir quelles étaient ses diètes, quand on le mettait au régime ; par exemple (1708) : « Le roi, fatigué et abattu, fut contraint de manger gras le vendredi, et voulut bien qu’on ne lui servit à dîner que des croûtes, un potage aux pigeons, et trois poulets rôtis ; le soir, du bouillon pour y mettre du pain, et point de viandes… Le lendemain, il fut servi comme le jour précédent, les croûtes, un potage avec une volaille, et trois poulets rôtis, dont il mangea, comme le vendredi, quatre ailes, les blancs et une cuisse !  […] Mais un autre jour, il en est tout autrement : les choses se sont passées, il est vrai, avec un peu moins de sobriété : « Le cours de cette médecine, dit à un endroit Fagon (fin de cette même année 1708), fut brusquement arrêté par le dîner du roi, qui mangea beaucoup, et entre autres choses, outre les croûtes, le pain mitonné en potage et les viandes fort solides, combla la mesure à son dessert avec des vents faits avec du blanc d’œuf et du sucre, cuits et séchés au four, force confitures et des biscuits bien secs ; ce qui joint à quatre grands verres en dînant et trois d’eau sortie de la glace, après dîner, donna sujet au roi de se plaindre, après avoir travaillé trois heures avec M. de Pontchartrain, qu’il se sentait faible et qu’il avait de la peine à marcher. » Notez cependant que, s’il a trop dîné, il n’en a pas moins travaillé ses trois heures.

928. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Entretiens de Gœthe et d’Eckermann (suite) »

Mais au fond elle n’a été que peine et travail, et je puis affirmer que, pendant mes soixante et quinze ans, je n’ai pas eu quatre semaines de vrai bien-être. […] Les Français se développent aujourd’hui, dit-il, et ils valent la peine d’être étudiés.

929. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Salammbô par M. Gustave Flaubert. Suite et fin. » pp. 73-95

C’est un doute historique qui vaudrait la peine d’être discuté. […] Toute la peine qu’il s’est donnée pour le faire, il nous la rend.

930. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Vie de Jésus, par M. Ernest Renan »

Ce n’était pas la peine de changer le nom. […] Depuis quelques années cependant, le petit nombre d’esprits qui, chez nous, sont attentifs à ces questions, pouvaient profiter, sans trop de peine, des écrits français de MM. 

931. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Histoire de la littérature anglaise par M. Taine. »

Est-ce la peine, pourrait-on dire, de fabriquer et de nourrir à grands frais de jeunes géants, pour les occuper ensuite, non pas à fendre des chênes, mais à faire des fagots ? […] Taine ajoute en concluant : « Ce style et ces sentiments sont si éloignés des nôtres, que nous avons peine à les comprendre.

932. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « La reine Marie Legkzinska »

Après une suite de recommandations insistant sur une parfaite et plate obéissance : C’est à vous de chérir ceux que nous chérissons, C’est à vous de haïr ceux que nous haïssons, l’écrit satirique se terminait par une insultante menace, en cas de mécontentement : Le renvoi de l’Infante est la preuve certaine Qu’à rompre votre hymen on aura peu de peine ; Et nous aurons alors de meilleures raisons Pour vous faire revoir vos choux et vos dindons. […] Ce ne fut pas sans peine qu’on parvint à établir une familiarité complète entre un prince excessivement timide et une femme à laquelle sa naissance du moins imposait quelques bienséances… Tout le monde sait quelles suites elle eut, quel empire le goût pour les femmes exerça sur Louis XV ; combien la variété lui devint nécessaire, et combien peu la délicatesse et toutes les jouissances des âmes sensibles entrèrent dans ses amusements multipliés. » Ce qu’on vient de lire est exact, presque à la lettre ; cette reine, dont la destinée de loin paraît celle d’une femme délaissée, donna en effet au roi, avant l’éclat des désordres, jusqu’à dix enfants : deux garçons seulement, dont un seul vécut ; tout le reste n’était que des filles, et Louis XV avait fini par ne plus compter sur autre chose avec la reine : il semblait voir dans cette monotonie l’image de leurs froides amours.

933. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Entretiens sur l’histoire, — Antiquité et Moyen Âge — Par M. J. Zeller. (Suite et fin.) »

Zeller hésite un peu sur ce point ; mais il n’hésite pas quand il attribue à César l’idée de fonder, sous un nom ou sous un autre, une monarchie populaire, universelle et, en quelque sorte, humaine : « Étendre le droit de cité à tous les hommes libres de l’Empire, régner sur le monde pour le monde entier, non pour l’oligarchie ou la démocratie quiritaires ; abaisser les barrières entre les classes comme entre les nations, entre la liberté même et la servitude, en favorisant les affranchissements et en mettant le travail en honneur ; avoir à Rome une représentation non du patriciat romain, mais du patriciat du monde civilisé ; fondre les lois de la cité exclusive dans celles du droit des gens ; créer, répandre un peuple de citoyens qui vivent de leur industrie et qu’on ne soit pas obligé de nourrir et d’amuser : voilà ce qu’on peut encore entrevoir des vastes projets de celui qu’on n’a pas appelé trop ambitieusement l’homme du monde, de l’humanité ; voilà ce dont témoignent déjà les Gaulois, les Espagnols introduits dans Rome, Corinthe et Carthage relevées, et ce qu’indiquent les témoignages de Dion Cassius, de Plutarque, de Suétone, bien qu’ils aient pu prêter peut-être à César quelques-unes des idées de leur temps. » César (s’il est permis d’en parler de la sorte à la veille d’une publication par avance illustre), César, au milieu de tous ses vices impudents ou aimables, de son épicurisme fondamental, de ce mélange de mépris, d’indulgence et d’audace, de son besoin dévorant d’action, et de cet autre besoin inhérent à sa nature d’être partout le premier, César, à travers ses coups de dés réitérés d’ambitieux sans scrupule et de joueur téméraire, avait donc une grande vue, une vue civilisatrice : il n’échoue pas, puisque son idée lui survit et triomphera, mais il périt à la peine, parce qu’il avait devancé l’esprit du temps, tout en le devinant et le servant, parce qu’il vivait au milieu de passions flagrantes et non encore domptées et refoulées. […] César, à la fin, ne se donnait plus la peine de défendre sa vie ; il semblait dire : « Qu’ils la prennent, s’ils la veulent ! 

934. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Marie-Thérèse et Marie-Antoinette. Leur correspondance publiée, par M. le chevalier Alfred d’Arneth et à ce propos de la guerre de 1778 »

Jugez de ma peine en particulier : l’empereur et votre frère (Maximilien) et le prince Albert (beau-frère) y seraient les premiers acteurs : l’idée seule me fait presque succomber, mais je ne saurais l’empêcher, et si je n’y succombe, mes jours seraient pires que la mort. […] Il avait peine à se résigner à cette conviction ; et, plus imprudent que les vrais guerriers, il désira jusqu’à la fin que tout se décidât par la voie des armes.

935. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Mémoires de Malouet »

J’appris à me taire, à écouter attentivement ce qui valait la peine d’être retenu, m’ennuyer quelquefois sans en avoir l’air, et enfin à dissimuler mes premières impressions qui m’avaient jusque-là dominé. […] Il n’y a aucune parité réelle entre ces deux existences, et ce n’était pas la peine à Chateaubriand d’imiter pour si peu.

936. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamartine — Lamartine, Recueillements poétiques (1839) »

Mais, du moment qu’on n’avait plus affaire au simple amant d’Elvire, et qu’on était décidément en face d’un poëte, force était d’aller au delà, de recommencer avec lui la vie et les chants : on eut peine à s’y résigner d’abord, et même, pour bien des cœurs épris de l’amant et qui bientôt se crurent dupés par le poëte, l’idéal, dès ce moment, fut rompu. […] me disais-je, peut-être qu’après tout le grand poëte que voici n’a pas tort, et qu’en se donnant plus de peine, elle serait perdue.

937. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Mathurin Regnier et André Chénier »

Toute femme m’agrée… Ennemi déclaré de ce qu’il appelle l’honneur, c’est-à-dire de la délicatesse, préférant comme d’Aubigné l’estre au parestre, il se contente d’un amour facile et de peu de défense : Aymer en trop haut lieu une dame hautaine, C’est aymer en souci le travail et la peine, C’est nourrir son amour de respect et de soin. […] Il compare sa muse jeune et légère à l’harmonieuse cigale, amante des buissons, qui, De rameaux en rameaux tour à tour reposée, D’un peu de fleur nourrie et d’un peu de rosée, S’égaie… et s’il est triste, si sa main imprudente a tari son trésor, si sa maîtresse lui a fermé, ce soir-là, le seuil inexorable, une visite d’ami, un sourire de blanche voisine, un livre entr’ouvert, un rien le distrait, l’arrache à sa peine, et, comme il l’a dit avec une légèreté négligente : On pleure ; mais bientôt la tristesse s’envole.

938. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre V. De la littérature latine, pendant que la république romaine durait encore » pp. 135-163

Il en était de même, parmi les philosophes romains, des sentiments tumultueux de peine ou de colère, d’envie ou de regret : ils trouvaient efféminés tous les mouvements involontaires ; et rougissant de les éprouver, ils ne s’attachaient point à les connaître dans eux-mêmes, ni dans les autres. […] Le mépris qu’excitait la démonstration de la peine, faisait une loi de mourir ou d’en triompher.

939. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre premier. Les signes — Chapitre II. Des idées générales et de la substitution simple » pp. 33-54

Si lucide et si compréhensive que soit la vue intérieure, après cinq ou six, vingt ou trente lignes, tirées à grande peine, l’image se brouille et s’efface ; et cependant ma conception du myriagone n’a rien de brouillé ni d’effacé ; ce que je conçois, ce n’est pas un myriagone comme celui-ci, incomplet et tombant en ruine, c’est un myriagone achevé et dont toutes les parties subsistent ensemble ; j’imagine très mal le premier et je conçois très bien le second ; ce que je conçois est donc autre que ce que j’imagine, et ma conception n’est point la figure vacillante qui l’accompagne. — Mais d’autre part cette conception existe ; il y a en moi quelque chose qui représente le myriagone et qui lui correspond exactement. […] Au-dessous des images et des expériences, sorte de végétation qui vit au grand jour, il est un monde obscur d’impulsions, de répugnances, de chocs, de sollicitations ébauchées, embrouillées, discordantes, que nous avons peine à distinguer et qui cependant sont la source intarissable et bouillonnante de notre action.

940. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre IV. Les tempéraments et les idées (suite) — Chapitre VI, « Le Mariage de Figaro » »

Beaumarchais a mis tous ses instincts de révolte ; par la bouche de Figaro, il verse le ridicule sur tout ce qui soutenait l’ancien régime : noblesse, justice, autorité, diplomatie ; il fait une revendication insolente des libertés de penser, de parler et d’écrire, il réclame contre l’inégalité sociale ; d’un côté, la nullité et la jouissance ; de l’autre, le mérite et la peine. « Parce que vous êtes un grand seigneur, vous vous croyez un grand génie ; … vous vous êtes donné la peine de naître, rien de plus ; … tandis que moi, morbleu ! 

941. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Pierre Loti »

Pour parler, si je puis, avec plus de précision, ces deux mille pages m’ont, suggéré, m’ont fait imaginer un trop grand nombre de perceptions inattendues ; et ces perceptions étaient accompagnées de trop de plaisir et en même temps de trop de peine, de trop de pitié, de trop de désirs indéfinis et irréalisables… Mon âme est comme un instrument qui aurait trop vibré et à qui le prolongement muet des vibrations passées serait douloureux. […] A peine ai-je su dire que je l’aimais.

942. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre V. La littérature et le milieu terrestre et cosmique » pp. 139-154

A Sully Prudhomme55, elle apparaît, dévoilée et comme déflorée par la science, sous des traits durs et rigides : La nature n’est plus la nourrice au grand cœur ; Elle n’est plus la mère auguste et bénévole, Aimant à propager la grâce et la vigueur,   Celle qui lui semblait compatir à la peine, Fêter la joie, en qui l’homme avait cru sentir Une âme l’écouter, divinement humaine, Et des voix lui parler, trop simples pour mentir. […] Impressions recueillies à vol d’oiseau, notes, études, enquêtes, réflexions philosophiques, poèmes descriptifs, récits d’ascensions, de chasse, d’excursions, romans de mœurs exotiques ou cosmopolites, fantaisies à la Jules Verne, itinéraires à la Chateaubriand, pérégrinations amoureuses à la Pierre Loti, — comptez, si vous pouvez, l’infinie variété d’œuvres qui démontrent cet élargissement du domaine littéraire, et vous comprendrez sans peine combien il importe de savoir en quels points précis chaque époque fixait les limites du monde connu.

943. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Lettres inédites de l’abbé de Chaulieu, précédées d’une notice par M. le marquis de Bérenger. (1850.) » pp. 453-472

. — « Je suis fait de sentiments et de volupté », disait-il, — De telles maximes supposent bien de l’oisiveté, du raffinement, et tout un art que nos âges de lutte et de labeur ont peine à comprendre. […] On a peine à se figurer à présent ce qu’étaient alors ces existences prodigieuses de princes bâtards tels que les Vendôme ; c’étaient de véritables monstruosités sociales, au sein desquelles se logeaient toutes les formes de licence et d’abus, et cet autre abus, cette dernière monstruosité entre toutes les autres, l’abbé courtisan et parasite.

944. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Lettres inédites de la duchesse de Bourgogne, précédées d’une notice sur sa vie. (1850.) » pp. 85-102

« Je pris, ajoute Dangeau, la liberté de lui demander, comme il rentrait dans sa chambre, s’il était content de la princesse ; il me répondit qu’il l’était trop, et qu’il avait peine à contenir sa joie. » Un quart d’heure après, le roi revient la voir : « Il la fit causer, regarda sa taille, sa gorge, ses mains, et puis ajouta : Je ne voudrais pas la changer en quoi que ce soit au monde pour sa personne. […] La duchesse de Bourgogne elle-même, en entrant dans un tel monde, eut peine à ne pas donner quelquefois dans ces vices du temps, dans ces travers dont le lansquenet était le plus affiché et le plus ruineux.

945. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Portalis. Discours et rapports sur le Code civil, — sur le Concordat de 1801, — publiés par son petit-fils — II. » pp. 460-478

laissez-moi ce papier. » Mais Portalis, qui n’y avait rien écrit ou qui n’y avait tracé que des caractères insignifiants, demanda le temps de faire faire une copie au net, et il n’eut pas de peine à dicter, au sortir de là, à son secrétaire ce qu’il avait si fidèlement retenu. […] Je suis un de ceux de la flotte grecque, je le sais, et je conviens que j’ai porté les armes contre Troie ; pour ma peine, si ce crime à vos yeux est indigne de pardon, jetez-moi dans la mer et replongez-moi dans l’immensité des flots.

946. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Beaumarchais. — I. » pp. 201-219

En vérité, horlogerie à part, je n’en vois aucun contre qui je voulusse le troquer… Et lorsque ses ennemis voulaient consommer sa ruine dans le courant du même procès, lorsqu’il se voyait emprisonné, calomnié, ruiné, il montre la consternation de tous ses amis qui le visitaient dans sa prison : La piété, la résignation même de mon vénérable père aggravait encore mes peines. […] Je crois que tu nous as donné les biens et les maux en mesure égale ; je crois que ta justice a tout sagement compensé pour nous, et que la variété des peines et des plaisirs, des craintes et des espérances, est le vent frais qui met le navire en branle et le fait avancer gaiement dans sa route.

947. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « L’abbé Gerbet. » pp. 378-396

Nul n’a jamais lu une page de l’Imitation, surtout dans la peine, sans s’être dit en la finissant : Cette lecture m’a fait du bien. […] Et la palme, et le phare, et l’oiseau qui s’envole                    Au sein de Dieu ; Jonas, après trois jours, sortant de la baleine,                    Avec des chants, Comme on sort de ce monde après trois jours de peine                    Nommés le temps.

948. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1853 » pp. 31-55

Et cet homme qui avait de la fortune, qui avait beaucoup de mille livres de rente, allait demander le maximum de la peine pour un délit dont nous n’étions pas coupables. […] La peur venait à voir sortir de la bouche du président la peine, ainsi que le sourcillement d’une fontaine, toujours égal et intarissable et sans arrêt.

949. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre I : La politique — Chapitre II : Philosophie politique de Tocqueville »

La sympathie pour les misères humaines et pour tout ce qui touche l’humanité, la curiosité et la compassion pour les races lointaines opprimées, persécutées, l’horreur pour tout ce qui fait souffrir inutilement les hommes, le scrupule dans le choix et la mesure des peines, tels sont les traits les plus nobles et les plus relevés des sociétés démocratiques. […] Moi, je voudrais que la société vît ces périls comme un homme ferme qui sait que ces périls existent, qu’il faut s’y soumettre pour obtenir le but qu’il se propose, qui s’y expose sans peine et sans regret, comme à une condition de son entreprise, et ne les craint que quand il ne les aperçoit pas dans tout leur jour. » Dans une lettre de la même époque à un autre de ses amis, trop longue pour être citée, il exprime encore avec plus de précision la vraie pensée du livre de la Démocratie.

950. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre II : Variations des espèces à l’état de nature »

Mais quant à discuter si des formes qui diffèrent si légèrement sont à juste titre appelées espèces ou variétés, avant qu’une définition de ces termes ait été universellement adoptée, ce serait prendre une peine inutile59. […] Watson a pris la peine de m’indiquer, dans le catalogue botanique de Londres (4e édition) si soigneusement dressé, soixante-trois plantes qu’on y trouve mentionnées comme espèces, mais qu’il considère comme si semblables à d’autres espèces voisines, que leur valeur spécifique est fort douteuse.

951. (1912) L’art de lire « Chapitre III. Les livres de sentiment »

Les auteurs qui ont ce goût nous diront volontiers que ce sont les plus intéressants des livres, puisqu’ils apprennent quelque chose ; ceux que vous pouvez contrôler par vos observations propres ne valent pas la peine d’être écrits, puisque vous pourriez presque les faire et que par conséquent il vous est peu utile de les lire ; les nôtres sont des livres d’observation et les livres d’observation par excellence, puisqu’ils sont d’observation inédite et qu’ils étendent le domaine de l’observation. […] Il a une tendance au pessimisme, ou plutôt, car le grand pessimiste est toujours un idéaliste froissé, il a une tendance à trouver tout médiocre, à bien compter là-dessus et à s’en accommoder sans trop de peine.

952. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Fervaques et Bachaumont(1) » pp. 219-245

Fervaques et Bachaumont auraient d’autant plus de peine à en faire un que leurs têtes sont différentes. […] Il n’y a que des chroniqueurs de talent, des hommes du fait, des Américains en littérature, des arrangeurs de panoramas immenses ouverts partout : en France, en Espagne et en Angleterre ; car cette Rolande, qui ne tient à rien qu’à elle-même et à se montrer, ils la font voyager et ils accrochent à la traîne de sa robe, sans beaucoup de peine d’invention, des descriptions comme celles de quelques quartiers de Londres et d’une course de taureaux en Espagne.

953. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Alfred de Vigny »

Il s’agit d’âme, et de la peine la plus haute d’une âme. […] Et cela vaut-il vraiment la peine de se vanter d’en être, même toute vanité de religion mise à part ?

954. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « Lamartine »

Il va à Paris, s’amuse, joue, fait des dettes que sa mère a bien de la peine à payer. […] Puis ces mots de « maestria » et de « verve », appliqués à Lamartine, me font peine : ils me semblent le rapetisser étrangement. […] — et qu’enfin l’histoire ne valait plus guère la peine d’être contée, ou plutôt qu’il ne reste rien, rien du tout, de ce qui devait être le poème du sacrifice idéal. […] Mais il paraît (bien que j’aie peine, pour mon compte, à comprendre ces choses) qu’étant, de sa nature, inassouvissable, la luxure, par la poursuite désespérée de la sensation qui se dérobe, devient inévitablement cruelle. […] Mais Spinoza lui-même a bien de la peine à en tirer une loi morale qui oblige… Et puis, au fond, on n’est pas bien sûr de comprendre.

955. (1932) Les deux sources de la morale et de la religion « La religion statique »

A supposer que l’animal pût esquisser un tel effort, ce serait pour quelque chose qui en valût la peine ; or, rien ne lui serait plus inutile que de savoir qu’il doit mourir. […] C’est de quoi l’on s’assurera sans peine, si l’on considère les procédés de la magie et les conceptions de la matière par lesquelles on se représentait confusément qu’elle pût réussir. […] Notre verbe être a des significations que nous avons de la peine à définir, tout civilisés que nous sommes : comment reconstituer le sens que le primitif donne dans tel ou tel cas à un mot analogue, même quand il nous fournit des explications ? […] Il en est parmi eux qui sont véritablement obsédés par leur héros ; ils sont menés par lui plutôt qu’ils ne le mènent ; ils ont même de la peine à se débarrasser de lui quand ils ont achevé leur pièce ou leur roman. […] Mais que les sociétés, en se développant, aient entraîné la religion dans la seconde direction, c’est ce que l’on comprendra sans peine si l’on se reporte à ce que nous venons d’exposer.

956. (1927) Les écrivains. Deuxième série (1895-1910)

Nous verrons plus loin, par les effrayantes tortures d’une peine qui n’est pas une peine, ce que peuvent bien être celles d’une peine qui est vraiment une peine. […] On a peine à se figurer les douleurs de ce long calvaire. […] … Pouvez-vous dire qu’il ait volé une réputation acquise au prix de tant de peines, de tant de luttes quotidiennes et épuisantes ? […] Cuir est ce qu’on peut appeler un dur à Cuir… » Je le crois sans peine, et comme c’est charmant ! […] j’ai souvent bien de la peine !

957. (1925) Comment on devient écrivain

Personne ne soupçonnait la peine infinie dont il souffrait. […] Cario et Régismanset ont pris la peine de publier un livre pour la discréditer. […] A peine Werther est-il au-dessus. […] A peine s’en cachait-il, d’ailleurs. […] Ces questions valaient la peine d’être traitées, même par de jeunes esprits critiques.

958. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Première série

Une réflexion vous vient : était-ce bien la peine de tant reprocher à Musset sa tristesse et son inertie ? […] La remarque vaut, je crois, la peine d’être faite : la période poétique de M.  […] On se demande si toutes ces impressions valaient bien la peine d’être si soigneusement notées et rimées. […] Coppée ne se donne pas toujours la peine d’en dégager l’âme. […] Zola des armes qu’il avait Iui-même fournies et on a voulu lui faire porter la peine des théories, dont il nous a rebattu les oreilles.

959. (1893) Impressions de théâtre. Septième série

La dame reçoit alors la visite d’un petit ami d’enfance, un brave garçon qui, voyant sa peine, lui propose de venir sans façon dîner avec lui chez ses bons parents. […] Non moins sage, Mme d’Argilès n’a aucune peine à entrer dans ses raisons. […] il ne se donne pas la peine de mentir ; il ne dit point à Cécile qu’il l’épousera, car ce n’est pas encore, à ce moment-là, son intention. […] Sa mort mystérieuse n’a fait de peine à personne. […] Ceci, je suppose. — Rose Morgan devait absolument être condamnée, ne fût-ce qu’à un minimun de peine, douze ou quinze ans de réclusion.

960. (1920) Impressions de théâtre. Onzième série

J’ai trop de peine à manier les idées générales, ou même à répéter celles d’autrui. […] Fournel a toutes les peines du monde à découvrir quelques comédies pures. […] Si vous me disiez que vous savez par cœur l’intrigue de la Métromanie, j’aurais beaucoup de peine à vous croire. […] » se récrie-t-on ; et lui : Pas tout à fait comme eux, car je les fais sans peine. […] A peine les plus audacieux tentent-ils des vers lamartiniens.

961. (1895) La comédie littéraire. Notes et impressions de littérature pp. 3-379

… Que de temps dépensé, que de peines, que de méditations solitaires, que d’activité cérébrale, que de rêves, que d’efforts ! […] Rougeville, enfermé aux Madelonnettes, obtint, au bout de huit jours, la remise de sa peine. […] Il travaille trop vite, il ne prend plus la peine de mûrir ses sujets, d’étudier ses caractères, de veiller à la bonne tenue et à la pureté de son style. […] Il avait un tel dédain pour l’opinion qu’il ne prit jamais la peine de la conquérir et de l’éclairer. […] Et ces silhouettes se succèdent si rapidement qu’on a peine à les saisir, et qu’elles prennent aux yeux du lecteur une allure fantastique et quelque peu grimaçante.

962. (1874) Premiers lundis. Tome I « Mémoires du marquis d’Argenson, ministre sous Louis XV »

Le caractère du style aussi bien que de la vie du marquis d’Argenson est le bon sens, comme on le croira sans peine ; ennemi du clinquant et de ce qu’il appelle les épigrammes politiques, il ne l’est pas moins des pointes et des épigrammes du langage ; avide avant tout de vérités proverbiales, de dictons populaires, et heureux d’en confirmer sa pensée, la trivialité même ne l’effraye pas, il ne l’évite jamais ; mais par malheur la raison n’est pas toujours triviale ; il arrive donc souvent aux saillies à force de sens, et beaucoup de ses comparaisons sont piquantes parce, qu’elles sont justes, Qu’Albéroni, par exemple, vivant à Rome après sa disgrâce, entreprenne, au nom du pape, souverain temporel, la conquête de la petite république de Saint-Marin ; M. d’Argenson, qui vient de nous exposer avec précision et peut-être sécheresse les travaux et les talents du cardinal, saura bien ici nommer cette entreprise une parodie des comédies héroïques qu’Albéroni a données à l’Espagne vingt ans auparavant, et, lui-même, le montrer joueur ruiné quoique habile qui se conduit en jouant aux douze sous la fiche, comme il faisait autrefois en jouant au louis le point.

963. (1874) Premiers lundis. Tome I « Dumouriez et la Révolution française, par M. Ledieu. »

Que l’émigration en ait agi de la sorte avec Dumouriez au moment où celui-ci lui devenait inutile, on le conçoit sans peine : l’ingratitude appartient de droit aux cours encore plus qu’aux républiques.

964. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article » pp. 181-190

A peine eut-il publié cet Ouvrage, qu’on s’empressa de le traduire dans toutes les Langues.

965. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre cinquième. Principales idées-forces, leur genèse et leur influence — Chapitre septième. Les sentiments attachés aux idées. Leurs rapports avec l’appétition et la motion »

La facilité ou la difficulté du cours même des pensées et des associations cause un plaisir ou une peine, analogues à ceux du mouvement libre ou du mouvement entravé, du déploiement ou de l’arrêt de la vie.

966. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des pièces de théâtre — Préface d’« Hernani » (1830) »

Nous essaierons, à nos risques et périls et par dévouement aux choses de l’art, de caractériser les mille abus de cette petite inquisition de l’esprit, qui a, comme l’autre saint-office, ses juges secrets, ses bourreaux masqués, ses tortures, ses mutilations, et sa peine de mort.

967. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des pièces de théâtre — Préface de « Lucrèce Borgia » (1833) »

C’était lui montrer qu’il perdait sa peine.

968. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre VI. Des dictionnaires Historiques » pp. 220-228

Ce n’est pas que l’auteur ne se fût donné beaucoup de peine pour compiler tout ce qui pouvoit avoir rapport à son but ; mais il manquoit d’ordre & de critique.

969. (1782) Plan d’une université pour le gouvernement de Russie ou d’une éducation publique dans toutes les sciences « Plan d’une université, pour, le gouvernement de Russie, ou, d’une éducation publique dans toutes les sciences — Troisième faculté d’une Université. Faculté de droit. » pp. 506-510

Surtout qu’il soit défendu, sous des peines rigoureuses, à un vieux professeur qui se retire, de mettre à contribution celui qui lui succède, comme il arrive parmi nous ; la raison en est évidente.

970. (1767) Salon de 1767 « Peintures — [autres peintres] » pp. 317-320

Nota Bene que dans la liste précédente quand je dis qu’un artiste est excellent, c’est relativement à ses contemporains, à une ou deux exceptions près, qui ne valent pas la peine d’être désignées ; et que quand je dis qu’il est mauvais, c’est relativement au titre d’académicien dont il est décoré.

971. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 3, que le merite principal des poëmes et des tableaux consiste à imiter les objets qui auroient excité en nous des passions réelles. Les passions que ces imitations font naître en nous ne sont que superficielles » pp. 25-33

Ne pourroit-il pas produire des objets qui excitassent en nous des passions artificielles capables de nous occuper dans le moment que nous les sentons, et incapables de nous causer dans la suite des peines réelles et des afflictions veritables ?

972. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 20, de quelques circonstances qu’il faut observer en traitant des sujets tragiques » pp. 147-156

Comme elle n’inflige pas d’autre peine aux personnages vicieux que le ridicule, elle n’est pas faite pour répresenter les actions qui meritent des châtimens plus graves.

973. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 34, du motif qui fait lire les poësies : que l’on ne cherche pas l’instruction comme dans d’autres livres » pp. 288-295

L’attrait du plaisir a-t-il tant de peine à étouffer la voix de la raison.

974. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 25, du jugement des gens du métier » pp. 366-374

En poësie comme en peinture, on a peine à souffrir l’ombre de l’égalité.

975. (1927) André Gide pp. 8-126

J’arrive et à grand’ peine à me purger l’esprit de tout cela ; je me convaincs qu’il n’y a rien à attendre de là, rien à espérer, rien à admettre, qu’Anthime a été joué, que tous nous sommes joués. […] Il doit tout lire, garder tout ce qui en vaut littérairement la peine, et compter sur peu d’amis, Mais Gide n’a fait de critique que par occasion : c’est un poète, un conteur, un analyste, du plus beau talent du resté, mais assez subjectif comme la plupart de ceux d’aujourd’hui. […] Sur le principe, on lui répondra qu’assurément un écrivain a le droit et quelquefois le devoir de ne pas écrire pour les jeunes filles, et qu’on n’oppose aucune convention de pudeur ou de bienséance à la révélation d’une vérité même scandaleuse, mais qui en vaudrait la peine et nous apprendrait réellement quelque chose de nouveau sur la psychologie ou la pathologie humaines. […] Quelle peine il s’est donnée pour mettre sur pied ce récit finalement à demi raté ! […] Dès que les guichets sont ouverts pour l’une et que l’autre se trouve à l’étal des libraires, la critique n’a qu’à payer sa place au parterre ou son exemplaire du livre, si elle suppose que cela en vaut la peine, et elle reprend tous ses droits.

976. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — chapitre VI. Les romanciers. » pp. 83-171

Il travaille donc tous les jours et tout le jour, à la fois charpentier, rameur, portefaix, chasseur, laboureur, potier, tailleur, laitière, vannier, émouleur, boulanger, invincible aux difficultés, aux mécomptes, au temps, à la peine. […] Le pauvre Richardson, sans s’en douter, a pris la peine de mettre la chose dans tout son jour, et il a composé sir Charles Grandisson, « le modèle des gentlemen chrétiens. » Je ne sais pas si ce modèle a converti beaucoup de monde. […] Il sera libéral de sa bourse, de ses peines, de sa souffrance, de son sang ; il ne s’en vantera pas ; il n’aura ni orgueil, ni vanité, ni affectation, ni dissimulation ; la bravoure et la bonté surabonderont dans son cœur, comme la bonne eau dans une bonne source. […] Un Français a peine à supporter l’histoire de Roderick Random ou plutôt celle de Smollett quand il est sur le vaisseau de guerre. […] C’est une dissertation à l’anglaise, toute composée de raisonnements exacts, ayant pour but d’établir que, d’après la nature du plaisir et de la peine, les malheureux souffrent moins que les heureux de quitter la vie, et jouissent plus que les heureux d’obtenir le ciel.

977. (1898) Manuel de l’histoire de la littérature française « Livre II. L’Âge classique (1498-1801) — Chapitre premier. La Formation de l’Idéal classique (1498-1610) » pp. 40-106

Et non seulement, si l’on omettait l’élément italien, on méconnaîtrait le vrai caractère du mouvement de la Renaissance, mais c’est la formation aussi du classicisme qu’on aurait peine à s’expliquer, et ce sont les raisons de sa longue domination. […] On en voit sans peine la liaison avec la précédente. […] Il y a d’ailleurs autre chose, dans ce roman fameux, et, par exemple, sous l’humaniste et sous l’érudit, on n’a pas de peine à retrouver le Gaulois, Gaulois de race et de tempérament, le continuateur ou l’héritier de Villon, du Roman de la Rose, des conteurs de nos vieux fabliaux. […] C’est une autre question, que nous trancherons d’un mot en disant qu’ils ont pu se tromper sur le choix des modèles, ce qui est assurément fâcheux et grave quand on imite ; et ils portent la peine de n’avoir pas toujours senti la différence qui sépare Homère de Quintus de Smyrne ou Virgile de Claudien. […] — Son Apologie pour Hérodote, 1566. — En quoi le livre ment à son titre, et n’est au fond qu’un pamphlet protestant ; — Henri Estienne et Rabelais sur « les Gens d’Église ». — Comparaison de l’Apologie pour Hérodote et du Quatrième livre de Pantagruel. — Si quelques « nouvelles » agréablement contées nous permettent, comme on l’a fait, de placer Henri Estienne bien au-dessus de Bandello. — Qu’on a peine également à trouver dans l’Apologie un avant-goût des Provinciales [Cf. 

978. (1890) Derniers essais de littérature et d’esthétique

La négligence y est absolument stupéfiante, et l’on a peine à comprendre comment un éditeur, tel que M.  […] « De grands kangourous qui bondissent sans bruit sur une herbe grossière, des vols de Kakatoès passent, en jetant des cris d’âmes en peine. […] Moi, la fille du Grand-Pin… Moi, une Micmac, montrer la peine que j’ai au cœur ! […] Si nous avions ignoré ce qui l’attendait, nous n’aurions pas été sans peine jusqu’au bout du livre. […] Il ne se met point en peine de distinctions morales.

979. (1856) Le réalisme : discussions esthétiques pp. 3-105

J’admets les formes les plus bizarres, les plus maniérées, les plus tourmentées, quand le fond en vaut la peine. […] Et le daguerréotype se donne-t-il tant de peine ? […] Mais, pour un réaliste, je remarque avec peine que M.  […] On a pitié de sa peine, et on voudrait aider le pauvre homme à se tirer de la fausse position où il s’est fourvoyé. Peine inutile !

980. (1907) L’évolution créatrice « Chapitre IV. Le mécanisme cinématographique de la pensée  et l’illusion mécanistique. »

D’où vient qu’on a tant de peine à reconnaître ce que la négation a de subjectif, d’artificiellement tronqué, de relatif à l’esprit humain et surtout à la vie sociale ? […] On aura plus de peine à s’en apercevoir sur l’exemple que nous avons choisi, mais l’exemple n’en sera que plus instructif et l’argument plus probant. […] Le nous poiètikos est la Science intégrale, posée tout d’un coup, et que l’intelligence consciente, discursive, est condamnée à reconstruire avec peine, pièce à pièce. […] Les signes sont faits pour nous dispenser de cet effort en substituant à la continuité mouvante des choses une recomposition artificielle qui lui équivaille dans la pratique et qui ait l’avantage de se manipuler sans peine. […] Mais l’échéance a beau être reculée, il faut que nous soyons finalement payés de notre peine.

981. (1869) Philosophie de l’art en Grèce par H. Taine, leçons professées à l’école des beaux-arts

L’œil y saisit sans peine les formes des objets et en rapporte une image précise. […] Ils se cantonnent, ils se jalousent ; même lorsque Darius et Xerxès viennent envahir leur pays, ils ont de la peine à s’unir ; Syracuse refuse tout secours parce qu’on ne lui accorde pas le commandement ; Thèbes se range du parti des Mèdes. […] Sa grande affaire est d’avoir des fêtes bien entendues ; il a décrété la peine de mort contre quiconque proposerait de détourner pour la guerre une partie de l’argent qui leur est destiné. […] J’aimerais mieux être laboureur et servir pour un salaire un homme sans héritage et qui aurait de la peine à se nourrir, j’aimerais mieux cela que de commander à tous les morts qui ont vécu. […] Lorsqu’un peuple sent la vie divine des choses naturelles, il n’a pas de peine à démêler le fond naturel d’où sortent les personnes divines.

982. (1882) Types littéraires et fantaisies esthétiques pp. 3-340

Gustave Doré, l’heureux illustrateur de Dante, et nous le concevons sans peine. […] Ce type est tellement caractérisé que l’imagination a peine à l’écarter, même momentanément, pour regarder agir ou écouter parler d’autres personnages. […] Ces peines et ces chagrins, qui nous mordaient le cœur comme des lutins malicieux, deviennent nos bons anges. […] Vaut-il la peine de se déranger pour contempler quelques visages de bigots fanatiques de diverses dénominations ? […] Si l’on n’était prévenu, on aurait quelque peine à dire à qui peut appartenir une pareille demeure.

983. (1890) Le massacre des amazones pp. 2-265

J’ai pris la peine d’étudier, dans les rimes d’une certaine Berthe Reynold, le néant absolu. […] A peine la croyons-nous certaine, qu’on nous inquiète de nouveau. […] A peine millionnaire, il vient défendre Paris assiégé. […] A peine dans le temple, elle vient à l’idole, la soupèse de ses bras émus mais vaillants. […] et je n’ai aucune peine à résoudre l’équation : galanterie = 0.

984. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Massillon. — P.-S. » pp. 38-40

Vuillart a bien de la peine à se décider entre les deux ; le prix même des chaises, assez significatif dans son inégalité, ne lui paraît pas concluant : il tient tant qu’il peut pour celui qui prêche dans son quartier à lui, et qu’il est le plus à portée d’entendre.

985. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « [Note de l’auteur] » pp. 422-425

Quoi qu’il en soit, il y a tant d’esprit dans cet ouvrage et une si grande pénétration pour connaître le véritable état de l’homme, à ne regarder que sa nature, que toutes les personnes de bon sens y trouveront une infinité de choses qu’ils (sic) auraient peut-être ignorées toute leur vie, si cet auteur ne les avait tirées du chaos du cœur de l’homme pour les mettre dans un jour où quasi tout le monde peut les voir et les comprendre sans peine. » En envoyant ce projet d’article à M. de La Rochefoucauld, Mme de Sablé y joignait le petit billet suivant, daté du 18 février 1665 : Je vous envoie ce que j’ai pu tirer de ma tête pour mettre dans le Journal des savants.

986. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LXXVII » pp. 306-312

Il a donc lutté, il est mort à la peine, mais l’avenir lui a donné raison, et sa politique a triomphé en définitive à Waterloo.

987. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Première partie. Préparation générale — Chapitre II. De la sensibilité considérée comme source du développement littéraire »

On a remarqué souvent que rien n’est plus malaisé au théâtre que de montrer le parfait contentement : les scènes de désir contrarié, de passion désespérée, abondent, et les talents médiocres y réussissent sans trop de peine.

988. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Introduction. Origines de la littérature française — 3. Causes générales de diversité littéraire. »

Mais on conçoit sans peine que la société cléricale, en vertu du principe qui régit son activité et lui fixe son objet, ne lasse œuvre de littérature que par exception, ou par accident ; elle a autre chose à faire eu général, que de réaliser la beauté pour le plaisir de l’esprit.

989. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre III » pp. 30-37

Du fait seul que telle chose était du goût de l’adversaire qui a succombé, elle doit être réprouvée sous peine d’être accusée de complicité avec les desseins funestes que la défaite a fait avorter.

990. (1824) Notes sur les fables de La Fontaine « Livre cinquième. »

Cela est commun et ne valait pas trop la peine d’être dit ; mais il y a plusieurs vers charmans, comme : V. 6.

991. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre second. Poésie dans ses rapports avec les hommes. Caractères. — Chapitre X. Suite du Prêtre. — La Sibylle. — Joad. — Parallèle de Virgile et de Racine. »

L’homme que l’adversité a rendu sensible aux peines d’autrui ne dit pas avec assurance : Je connais les maux, mais il dit, comme Didon : Non ignara mali .

992. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 17, quand ont fini les représentations somptueuses des anciens. De l’excellence de leurs chants » pp. 296-308

On auroit aujourd’hui peine à le croire, ces loix si sages ne furent point encore observées.

993. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXIII. Des panégyriques en vers, composés par Claudien et par Sidoine Apollinaire. Panégyrique de Théodoric, roi des Goths. »

On conçoit comment il put louer Stilicon, qui n’était pas à la vérité un citoyen, mais qui était à la fois et un ministre et un général ; mais Honorius, qui toute sa vie fut, comme son frère, un enfant sur le trône ; qui, mené par les événements, n’en dirigea jamais aucun ; qui ne sut ni ordonner, ni prévoir, ni exécuter, ni comprendre ; empereur qui n’avait pas même assez d’esprit pour être un bon esclave ; qui, ayant le besoin d’obéir, n’eut pas même le mérite de choisir ses maîtres ; à qui on donnait un favori, à qui on l’ôtait, à qui on le rendait ; incapable d’avoir une fois du courage, même par orgueil ; qui, dans la guerre et au milieu des périls, ne savait que s’agiter, prêter l’oreille, fuir, revenir pour fuir encore, négocier de loin sa honte avec ses ennemis, et leur donner de l’argent ou des dignités au lieu de combattre ; Honorius, qui, vingt-huit ans sur le trône, fut pendant vingt-huit ans près d’en tomber ; qui eut de son vivant six successeurs, et ne fut jamais sauvé que par le hasard, ou la pitié, ou le mépris ; il est assez difficile de concevoir comment un homme qui a du génie, peut se donner la peine de faire deux mille vers en l’honneur d’un pareil prince.

994. (1883) Le roman naturaliste

Remarquez de plus, et la chose en vaut la peine, qu’ils ont tous voulu dire la même chose. […] Si celui-là représente « la tradition française », vraiment, ce n’était pas la peine de traiter les romantiques de « bâtards des littératures étrangères !  […] Cependant, quand il serait l’auteur de romans moins bons encore que les siens, il se pourrait qu’il eût sur le roman des idées qui valussent la peine d’être discutées. […] J’ai du moins quelque peine à le croire. […] … A peine ai-je besoin d’ajouter qu’ainsi préparée la Faustin joue avec un succès tel qu’on n’en voit que dans les romans.

995. (1889) Impressions de théâtre. Troisième série

J’ai eu beaucoup de peine l’autre soir à retrouver, dans le Misanthtrope, l’impression de la réalité. […] C’est une large esquisse où se retrouve partout la marque du maître, et où la hâte même du travail a amené certaines particularités de composition, qu’il vaut la peine de noter au passage. […] Dumas, ayant demandé à cette intervention abondante des valets les moyens de simplifier et de précipiter son drame, s’est donné du moins la peine de faire vivre ces deux figures subalternes. […] A peine quelques taches dans cet admirable rôle. […] A peine est-elle sauvée, Gerbert arrive avec ses pillards tout couverts de sang.

996. (1883) Essais sur la littérature anglaise pp. 1-364

La peine du fouet, bannie de toutes les armées de l’Europe occidentale, est conservée en Angleterre de par l’autorité du duc de Wellington. […] Maintenant, vienne la civilisation, et il faudra une peine infinie pour retrouver ce génie, et pour le reconnaître à travers ses transformations. […] Cependant elle n’est pas sans fondement et vaut la peine d’être expliquée. […] Je vous suis très reconnaissant de la peine que vous vous êtes donnée pour moi, mais myn diawl ! […] Lucifer n’y est pas le souverain despotique que vous croyez, et il a une peine infinie à faire régner l’ordre dans le vaste empire qu’il gouverne.

997. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre I. La Renaissance païenne. » pp. 239-403

Le désenchantement, la rêverie morne ou amère, la connaissance innée de la vanité des choses humaines ne manquent guère dans ce pays et dans cette race ; ces hommes ont de la peine à porter la vie et savent parler de la mort. […] qui prend pitié de ma peine,  — répond par un sourd accent de douleur269. » Pareillement, dans l’amour, c’est l’abattement d’une âme fatiguée qu’il exprime. « Chaque chose ayant vie, le paysan, le bœuf de labour, le rameur à la galère, tous ont quelques heures de répit, tous, excepté lui, qui s’afflige le jour, qui veille la nuit, qui passe des rêveries tristes aux plaintes, des plaintes aux larmes amères, puis des larmes encore aux plaintes douloureuses, et dont la vie s’use ainsi270. » Ce qui apporte aux autres la joie lui apporte la peine […] Le soir elle te dit : Adieu, mon bien-aimé ; quoique, Dieu le sait, tu sois bien loin d’elle, elle te répète mainte et mainte fois bonsoir. »  — « Elle te nomme souvent son cher bien-aimé — sa consolation, son bonheur, toute sa joie — et conte à son oreiller toute son histoire : — comment tu as fait sa peine et son chagrin,  — combien elle soupire après toi, comme il lui tarde de te voir. —  Elle dit : Pourquoi es-tu ainsi loin de moi ?  […] Mon esprit s’emploie à défendre une passion qui, pour récompense, le persécute de folles peines. […] Mais il gâte tous ces dons de parti pris, et réussit, à force de peine, à fabriquer du galimatias.

998. (1899) Préfaces. — Les poètes contemporains. — Discours sur Victor Hugo pp. 215-309

Aussi, êtes-vous destinés, sous peine d’effacement définitif, à vous isoler d’heure en heure du monde de l’action, pour vous réfugier dans la vie contemplative et savante, comme en un sanctuaire de repos et de purification. […] Ils porteront, dans un grand nombre d’esprits prévenus ou blessés, la peine des jugements trop sincères qui les précèdent. […] Si nous avouons sans peine notre inaptitude à saisir les vérités métaphysiques, comment se fait-il que personne n’hésite à juger sans appel l’œuvre poétique, infiniment plus spéciale encore ? […] Me voici débarrassé, non sans peine, des renommées populaires et des gloires admises dans les institutions de petites filles. […] Ils y parviendraient sans peine et sur l’heure, disent-ils, mais leur ambition est d’un ordre infiniment plus élevé.

999. (1895) La science et la religion. Réponse à quelques objections

Ç’a été la chimère de Taine, nous le rappelions plus haut, que de vouloir à tout prix, comme il disait, les « souder » les unes aux autres, et rien n’est plus laborieux, ni plus triste en un sens, dans ses derniers écrits, que la peine qu’il se donne pour se persuader à lui-même qu’il y a réussi. […] Charles Richet, qui n’avait pas pris la peine de lire Bossuet avant de me l’opposer, ne s’est pas non plus, dans son impatience de me répondre, donné la peine de mesurer la portée de ses paroles. […] De quelque « libéralisme » qu’ils se vantent eux-mêmes, on ne les voit jamais se libérer du point de vue confessionnel ; et ce qu’ils ont le plus de peine à comprendre, c’est qu’un homme, comme j’ai tâché de le faire dans les deux ou trois pages qui suivent, prenant et considérant le « protestantisme » et le « catholicisme » dans l’histoire, essaye d’en parler avec autant d’indépendance, de désintéressement dogmatique et de liberté qu’il parlerait de « l’alexandrinisme » ou du « stoïcisme ». […] Il n’y a pas de souverain protestant qui n’ait accordé cinquante indulgences en son règne, en accordant un emploi, en remettant ou en commuant une peine, etc., par les mérites des pères, des frères, des fils, des parents ou des ancêtres.

1000. (1896) Matière et mémoire. Essai sur la relation du corps à l’esprit « Chapitre I. De la sélection des images, pour la représentation. Le rôle du corps »

Mais si elle se distingue justement de l’image pure et simple en ce que ses parties s’ordonnent par rapport à un centre variable, sa limitation se comprend sans peine : indéfinie en droit, elle se restreint, en fait, à dessiner la part d’indétermination laissée aux démarches de cette image spéciale que vous appelez votre corps. […] Et sa croyance s’explique sans peine : il y a des états nombreux, tels que l’hallucination et le rêve, où surgissent des images qui imitent de tout point la perception extérieure. […] Mais le psychologue a une très grande peine à accepter cette idée du sens commun. […] Ils n’ont pas de peine à montrer que notre perception complète est grosse d’images qui nous appartiennent personnellement, d’images extériorisées c’est-à-dire, en somme, remémorées) ; ils oublient seulement qu’un fond impersonnel demeure, où la perception coïncide avec l’objet perçu, et que ce fond est l’extériorité même. […] Cet examen sera nécessairement minutieux, sous peine d’être inutile.

1001. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « L’abbé Fléchier » pp. 383-416

L’Amour se plaint à sa mère qu’Alcandre (c’est-à-dire M. de Caumartin) résiste à tous ses traits, et que depuis la mort de sa première femme, il demeure inflexible : Il soupira jadis son amoureuse peine. […] Taillandier, qui a pris la peine d’examiner le manuscrit de Dongois, aux Archives. […] Il y a une historiette, entre autres, celle du curé de Saint-Babel, qui avait surtout choqué : « On l’accusait dans le monde, dit Fléchier en parlant de ce curé condamné à mort pour ses méfaits, d’avoir instruit ses paroissiennes d’une manière toute nouvelle ; de leur avoir inspiré quelque autre amour que celui de Dieu, et de leur avoir fait des exhortations particulières, bien différentes des prônes qu’il leur faisait en public. » Et continuant sur le même ton, il raconte comment ce curé, un jour qu’il était appelé près d’une mourante pour les derniers sacrements, avait négligé la maîtresse pour la servante : « Il ne se soucia plus du salut de sa maîtresse, dans le dessein qu’il eut contre l’honneur de la servante… Au lieu d’écouter la confession de l’une, il faisait sa déclaration à l’autre ; et bien loin d’exhorter la malade à bien mourir, il sollicitait celle qui se portait bien à mal vivre ; et la prenant par la main et par le menton : — Quelle peine !

1002. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre quatrième. La propagation de la doctrine. — Chapitre I. Succès de cette philosophie en France. — Insuccès de la même philosophie en Angleterre. »

Il n’est pas un simple érudit, plongé dans ses in-folio à la façon allemande, un métaphysicien enseveli dans ses méditations, ayant pour auditoire des élèves qui prennent des notes, et pour lecteurs des hommes d’étude qui consentent à se donner de la peine, un Kant qui se fait une langue à part, attend que le public l’apprenne, et ne sort de la chambre où il travaille que pour aller dans la salle où il fait ses cours. […] Car, dans toute question générale, il y a quelque notion capitale et simple de laquelle le reste dépend, celles d’unité, de mesure, de masse, de mouvement en mathématiques, celles d’organe, de fonction, de vie en physiologie, celles de sensation, de peine, de plaisir, de désir en psychologie, celles d’utilité, de contrat, de loi en politique et en morale, celles d’avances, de produit, de valeur, d’échange en économie politique, et de même dans les autres sciences, toutes notions tirées de l’expérience courante, d’où il suit qu’en faisant appel à l’expérience ordinaire, au moyen de quelques exemples familiers, avec des historiettes, des anecdotes, de petits récits qui peuvent être agréables, on peut reformer ces notions et les préciser. […] Devant leur complicité, le public ne fait guère de résistance, et la maîtresse n’a pas de peine à convaincre ceux que la servante a déjà séduits.

1003. (1862) Cours familier de littérature. XIII « LXXIIIe entretien. Critique de l’Histoire des Girondins (4e partie) » pp. 1-63

Que disait l’équité, et quelle peine pouvait-elle prononcer, si le vainqueur a le droit d’appliquer une peine au vaincu ? […] Les uns votèrent par une puissante conviction de la nécessité de supprimer le signe vivant de la royauté en abolissant la royauté elle-même ; les autres par un défi aux rois de l’Europe, qui ne les croiraient pas, selon eux, assez républicains tant qu’ils n’auraient pas supplicié un roi ; ceux-ci, pour donner aux peuples asservis un signal et un exemple qui leur communiquassent l’audace de secouer la superstition des rois ; ceux-là par une ferme persuasion des trahisons de Louis XVI, que la presse et la tribune des clubs leur dépeignaient, depuis le commencement de la Révolution, comme un conspirateur ; quelques-uns par impatience des dangers de la patrie, quelques autres, comme les Girondins, à regret et par rivalité d’ambition, à qui donnerait le gage le plus irrécusable à la république ; d’autres par cet entraînement qui emporte les faibles âmes dans le courant des assemblées publiques ; d’autres par cette lâcheté qui surprend tout à coup le cœur et qui fait abandonner la vie d’autrui comme on abandonne sa propre vie ; un grand nombre enfin votèrent la mort avec réflexion, par un fanatisme qui ne se faisait illusion ni sur l’insuffisance des crimes, ni sur l’irrégularité des formes, ni sur la cruauté de la peine, ni même sur le compte qu’en demanderait la postérité à leur mémoire, mais qui crurent la liberté assez sainte pour justifier par sa fondation ce qui manquait à la justice de leur vote, et assez implacable pour lui immoler leur propre pitié !

1004. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CXIIe entretien. La Science ou Le Cosmos, par M. de Humboldt (1re partie). Littérature scientifique » pp. 221-288

L’attention se porte sur tant d’objets, que l’on a de la peine à se rendre compte des émotions que l’on ressent. […] Le sol sur lequel, nous, hommes, nous voyageons dans la joie et dans la peine, est ce qu’il y a de plus variable ; c’est la destruction et la reproduction qui se succèdent avec une incessante activité ; il est régi par une force qui organise et moule la matière informe, qui enchaîne la planète à son soleil, qui donne à la masse froide et inerte le souffle vivifiant de la chaleur, qui renverse violemment ce qui a l’apparence de la perfection et que l’homme, dans l’étroitesse de sa portée, est obligé d’appeler grand ; enfin qui substitue incessamment les nouvelles formes aux anciennes. […] Tous deux, enchaînés si étroitement d’amitié, dans une vie de communs travaux, avaient, de tout temps, partagé peines et plaisir.

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