On ressent, à le feuilleter, une impression complexe, et il y a certaines de ses pièces formant si bien tableau, qu’on s’arrête pour laisser passer l’image ; il faut lire les Glaneuses, les Deux Croix et le poème du Pardon : un long défilé de costumes bretons, de mendiants bariolés, de bannières flottant comme des petites voiles sur cet horizon de mer qui sert de fond à toutes les fêtes bretonnes, apparaît écumant ou calme, uni ou blanchissant, entre les menhirs gigantesques, les vieilles églises romanes, comme la poésie éternelle et l’éternelle menace de la nature.
Si l’on peut s’exprimer de la sorte, ce poème chatoie d’images délicates et de peintures gracieuses.
Elles ont ceci de précieux pour moi, qu’elles sont bien réellement le cri, et, malgré l’artifice ici et là, le jaillissement spontané de votre jeunesse, l’expression naïve quelquefois à force d’être insolemment jeune, de vos rêves — et de nos rêves — d’adolescent. elles ont le trouble fiévreux, la violence de possession, le charme impur, et c’est ce qu’il faut, des pubertés qui s’éveillent et qui dans une seule et multiple étreinte voudraient conquérir tout l’amour… en elles, et c’est par là que je les aime, je me revois parmi les images de ma jeunesse, paysages, figures, rêves, de très vieilles choses, déjà un peu effacées aujourd’hui…, impuretés, désespoirs, négations et blasphèmes, tout cela si candide !
Il n’y a là pas un mot, pas une image que ne puisse comprendre le plus simple de ces laboureurs berrichons à qui M.
Henri de Régnier ; et si les allées rectilignes en leur sévère majesté en imposent d’abord par leur charme un peu triste, la lumière des aubes et des crépuscules s’y joue à souhait et dans le même décor fait alterner de changeantes images qui sont toute la vie et l’âme du poète, projetée hors de lui et lui apparaissant par un mirage dont il n’est pas dupe sous les formes multiples de son rêve.
C’est pour eux, c’est avec eux, que j’ai appris à reconnaître, dans le magnifique ensemble des chefs-d’œuvre de l’esprit français, l’image la plus complète et la plus pure de l’esprit humain.
Des longueurs insupportables, peu de variété dans les images, un style incorrect & traînant, en rendent la lecture ennuyeuse, quoique le sujet soit le plus intéressant qui ait encore été traité.
Chapelle répondit à l’Auteur, qui lui en avoit envoyé un exemplaire, par un Rondeau qu’il finit ainsi : De ces Rondeaux un Livre tout nouveau A bien des gens n’a pas eu l’art de plaire ; Mais quant à moi, je trouve tout fort beau, Papier, dorure, image, caractere, Hormis les vers, qu’il falloit laisser faire A la Fontaine.
Des Héros efféminés, des images licencieuses, des madrigaux emmiellés, ne sont propres ni à former ni à divertir une Nation jalouse de la véritable gloire.
« Seulement à le voir, dit-il, on démêloit un étourdi, un fou, un insensé, un furieux, un enragé, un glorieux, un impertinent, un menteur, un débauché, un méchant, un querelleur, un impie, un Ecrivain sans Dieu, sans foi, sans religion quelconque ; & l’on voyoit si bien tout cela, que ni le bronze ni la toile n’eussent jamais pu être, comme son visage, l’image d’un monstre.
Ces pèlerins, allant par troupes et s’arrêtant dans les places publiques, où ils chantaient, le bourdon à la main, le chapeau et le mantelet chargés de coquilles et d’images peintes de différentes couleurs, faisaient une espèce de spectacle qui plut, et qui excita quelques bourgeois de Paris à former des fonds pour élever un théâtre où l’on représenterait ces moralités les jours de fêtes, autant pour l’instruction du peuple que pour son divertissement.
Les conceptions les plus hardies, les images les plus éclatantes, les vers les plus mâles, le sentiment le plus large de la nature extérieure, toutes les vraies richesses intellectuelles du poète sont contenues dans la Chute d’un Ange. […] Ces perceptions diverses, qui affluent incessamment en lui, s’animent et jaillissent en images vivantes, toujours précises dans leur abondance sonore, toujours justes dans leur accumulation formidable ou dans leur charme irrésistible. […] Il ne faut pas demander sans doute à ces belles inspirations les grands aspects de mouvement et de couleur qui sont la marque des génies profonds et virils par excellence, ni même la certitude constante de la langue, la solidité du vers et la précision vigoureuse de l’image. […] Je ne puis me rappeler, pour ma part, sans un profond sentiment de reconnaissance, l’impression soudaine que je ressentis, tout jeune encore, quand ce livre me fut donné autrefois sur les montagnes de mon île natale, quand j’eus cette vision d’un monde plein de lumière, quand j’admirai cette richesse d’images si neuves et si hardies, ce mouvement lyrique irrésistible, cette langue précise et sonore. […] Ces perceptions diverses, qui affluent incessamment en lui, s’animent et jaillissent en images vivantes, toujours précises dans leur abondance sonore, et qui constatent la communion profonde de l’homme et de la nature.
Le poète se considère comme un Breton venu du Midi et qui y retourne… Sa poésie est toute pleine de bons sentiments qu’il propose, d’idées et de visées qui ennoblissent, d’images qui observent l’austère beauté.
Godeau à Louis XIII, une image, rendue presque mot à mot dans la Tragédie de Polieucte.
Ceux qui s’y pencheront retrouveront leur propre image dans cette eau profonde et triste, qui s’est lentement amassée là, au fond d’une âme.
On passe alors de la grandeur à la douceur des images : sous l’ombrage, des forêts, on parcourt l’empire de l’Ange de la solitude ; on retrouve dans la clarté de la lune le Génie des rêveries du cœur ; on entend ses soupirs dans le frémissement des bois et dans les plaintes de Philomèle.
Quarante ans après l’avoir perdue, il est mort dans les bras d’une seconde femme, mais le nom de la première dans la bouche et son image au fond du cœur. […] De sales amours, plus semblables à des turpitudes qu’à des affections, souillent à chaque instant ces pages de jeunesse, ignoble philosophie des sens dont les images font rougir la plus simple pudeur ; sensualités grossières ; fleurs de vices dans un printemps de sensations que Rousseau fait respirer à ses lecteurs et à ses lectrices, et dont il infecte l’odorat des siècles. […] Ces vices du goût, ces abjections d’images, sentent les inélégances natales d’un enfant sans mère qui prend ses polissonneries pour des phénomènes, et qui croit devoir les immortaliser comme des précocités de génie et d’originalité. […] Il emporte, dans son cœur ému, sa conversion déjà faite dans l’image et dans le tendre accueil de la charmante femme ; son imagination est souillée par les sordides exemples de débauche dont il est témoin parmi les faux convertis de l’hospice des faux catéchumènes de Turin ; il troque sa religion contre un vil salaire. […] Rousseau y avait trop souvent contemplé cette grande image, pour ne pas la reproduire dans ses écrits.
Elle trouvait le génie dans l’âme au lieu de le chercher dans l’artifice ; elle faisait de la pensée exprimée par la littérature non plus un métier, mais une religion ; elle réhabilitait le verbe humain avili par les lettrés de profession jusqu’à un vain battelage de mots et d’images transmis d’Athènes à Rome et de Rome à nous par les écoles. […] « Un homme d’un esprit supérieur disait que la prose était factice, et la poésie naturelle : en effet les nations peu civilisées commencent toujours par la poésie, et dès qu’une passion forte agite l’âme, les hommes les plus vulgaires se servent, à leur insu d’images et de métaphores ; ils appellent à leur secours la nature extérieure pour exprimer ce qui se passe en eux d’inexprimable. […] Les modernes ne peuvent se passer d’une certaine profondeur d’idées dont une religion spiritualiste leur a donné l’habitude ; et si cependant cette profondeur n’était point revêtue d’images, ce ne serait pas de la poésie ; il faut donc que la nature grandisse aux yeux de l’homme pour qu’il puisse s’en servir comme de l’emblème de ses pensées. […] Un monde nouveau s’offre à lui ; l’image sublime de chaque situation, de chaque caractère, de chaque beauté de la nature frappe ses regards, et son cœur bat pour un bonheur céleste qui traverse comme un éclair l’obscurité du sort. La poésie est une possession momentanée de tout ce que notre âme souhaite ; le talent fait disparaître les bornes de l’existence et change en images brillantes le vague espoir des mortels.
C’est la démocratie envahissant l’Art, après l’Etat ; la pure Raison perd son pouvoir, devant ce flot montant des images et des sensations ; à peine, par instants, de l’intime émotion, de la spéculation contemplative, un reflet : tout se traduit en figures, en couleurs, en sonorités. […] Et, même ainsi, je laisserai à la libre fantaisie du lecteur le soin de faire revivre l’Image en ses traits particuliers ; je l’y puis aider, uniquement, en traçant le schème très général de cette représentation. […] L’œil intérieur du Maître aperçoit, alors, l’apparition consolante, à lui seul reconnaissable (Allegro 6/8), où le désir arrive à un jeu attendri et gracieux avec lui-même ; l’image du rêve intérieur se réveille, dans le plus aimable souvenir. […] Deux peintures sont ; l’une, immédiate, la peinture dite réaliste, donnant l’image exacte des choses, vues par la vision spéciale du peintre ; l’autre, médiate, comme une Poésie de la peinture, insoucieuse des formes réelles, combinant les contours et les nuances en pure fantaisie, produisant aux âmes, non la vision directe des choses, mais — conséquence de séculaires associations entre les images et les sentiments, — un monde d’émotion vivante et bienheureuse : deux peintures sont, toutes deux également légitimes et sacrées, formes diverses d’un Réalisme supérieur, et que le Wagnériste trouve, toutes deux, sur la voie tracée à l’Art par le Maître vénéré.
C’est l’image du voyageur. […] Plus on détaille, plus l’image qu’on présente à l’esprit des autres diffère de celle qui est sur la toile. […] Je crois avoir déjà quelque part déduit de là une expérience qui déterminerait la grandeur relative des images dans la tête de deux artistes ou dans la tête d’un même artiste en différents temps ; ce serait de leur ordonner le dessin net et distinct et le plus petit qu’ils pourraient d’un objet susceptible d’une description détaillée. […] Une autre chose qui ajouterait encore à l’effet des ruines, c’est une forte image de la vicissitude. […] Que ce buste poudreux que vous me montrez à demi-enfoncé dans la terre, parmi des ronces ait un grand caractère, soit l’image d’un personnage fameux.
Tantôt, au milieu des pensées ou des descriptions les plus élevées, il jette, une idée ou une image vulgaire. […] Une école a surgi cependant, en cette seconde moitié du siècle, qui, dans le but d’obtenir la réalité vraie, de saisir la nature et l’humanité vivantes, a tenté de reproduire les phénomènes extérieurs aussitôt qu’ils étaient perçus, avec la netteté immédiate d’un miroir renvoyant une image. […] Niobé, assistant au meurtre de ses fils et de ses filles, ne pleure qu’autant qu’il est utile pour fournir à la statuaire le motif d’une grandiose image de marbre218. […] Sans nous en rendre précisément compte, nous vivons sur la légende de l’homme façonné à l’image de Dieu, créature supérieure et privilégiée, la dernière et la plus parfaite qui soit sortie des mains de Jéhovah. […] C’est au nom du Vrai qu’il proclame le mélange du sublime et du grotesque dans le drame, parce qu’ils sont inséparables dans l’existence, et que la tâche de l’écrivain consiste précisément à rendre sans la modifier l’image de la vie.
Quand le théâtre anglais voulut reproduire l’image poétique du monde, la tragédie et la comédie ne s’y séparèrent point. […] Au moment où la vérité semble près de se laisser saisir, l’image pâlit, s’efface, son rôle est fini, elle disparaît. […] C’est probablement de quelque théâtre placé entre ces deux extrêmes que Shakespeare nous donne une si plaisante image dans le Songe d’une nuit d’été. […] Ce n’est point cette puissance, c’est son ombre, c’est l’image de nos traits répétés et frappants dans un miroir, quoique sans vie. […] Le système classique est né de la vie et des mœurs de son temps ; ce temps est passé : son image subsiste brillante dans ses œuvres, mais ne peut plus se reproduire.
De même pour l’imagination ; ils ont accompli cette révolution littéraire qui s’appelle un changement d’images : mais les images, ils ne les ont acceptées que cohérentes, disciplinées, soumises aux lois de la logique. […] Ils avaient presque peur des images trop vives, des métaphores trop poussées ; les choses n’avaient pas besoin d’être embellies, puisqu’elles étaient parfaitement dignes d’attention dans leur naturel. […] Dans une de ses lettres à Thomson, parlant d’une chanson, Les rives de la Dee, il écrit : La chanson est assez bien, mais elle contient des images fausses, par exemple : Et doucement le rossignol chanta sur l’arbre. […] Dans la Chute d’un ange, nous trouvons une surabondance d’images, les plus neuves, les plus hardies, voire même les plus débridées. […] Je prends comme témoin le sachem du romantisme : Chateaubriand, qui a rempli son œuvre, en même temps que d’harmonies parfaites, d’images sublimes.
Nous n’avons plus autour de nous que les phénomènes : ce sont comme les images des choses, images derrière lesquelles les choses se sont évanouies. Autour de nous, c’est encore trop dire : les images ne sont pas hors de nous ; elles sont en nous et il y a une espèce d’absurdité à nous interroger sur la ressemblance de ces images et de leurs modèles. Ces images n’ont pas de modèles. […] Cette image est un poignant chef-d’œuvre et de peinture et de pensée. […] Même si sa coquetterie nous fait sourire, nous lui sommes reconnaissants d’avoir préservé son idéale image.
Catulle est un de ces poètes sympathiques en qui nous reconnaissons d’abord notre image. […] Paul de Saint-Victor, dans ce qu’il a de plus caractéristique, la richesse et l’éclat des images. […] Tous les mots, même ceux qui paraissent le moins figurés, se résolvent à l’analyse en images. […] Les images qu’il voit peuvent être des illusions ; mais, comme ces images trompeuses que croyaient apercevoir, bien avant le temps de Colomb, les habitants des Canaries ou des Açores, elles peuvent amener la découverte d’un nouveau monde. » Le charme infini des ouvrages de M. […] Eman Martin ferait peut-être une campagne plus utile en s’attaquant aux images incohérentes qui sont employées de bonne foi.
Dieu a fait l’homme à son image et a donné à la nature des lois analogues. […] L’illusion fantastique seule a une valeur esthétique : on frémit, et l’on se hâte de passer à une transformation, à une image nouvelle. […] Préoccupé avant tout du naturel de l’expression, il ne recula pas devant les tours familiers, les images risquées, les disharmonies de style. […] Son style dramatique, au lieu de se mouler étroitement sur sa pensée, ne fut qu’un marivaudage colossal naissant souvent d’une impropriété de termes cherchée et voulue, d’assemblages monstrueux de mots et d’idées, d’images nobles et d’images vulgaires. […] Faust y aperçoit dans un miroir l’image de la beauté féminine, du féminin éternel, comme il l’appelle.
Il nous ramène l’antique périphrase de Delille, vieille prétentieuse inutile qui se pavane fort singulièrement au milieu des images dévergondées et crues de l’école de 1830.
Philarète Chasles Poète des derniers temps, qui semble enivré de sons et de lumière, de pensées métaphysiques qu’il transforme en images et de créations gigantesques qui le séduisent et le ravissent, nul ne ressemble plus à
L’élégance du style, la noblesse, l’agrément & la variété des images, la finesse & la solidité des réflexions toujours amenées par les faits, une marche naturelle & rapide dans la narration, une liaison & une netteté dans les événemens, un coloris proportionné au sujet, feront toujours de l’Histoire de l’ancien Peuple de Dieu un Ouvrage intéressant, instructif, propre à plaire, autant qu’à féconder l’imagination.
Il a préféré l’abondance des images, la vivacité des descriptions, & sur-tout la multiplicité des détails, à cette sage sobriété, à ce style moëlleux & facile que le goût inspiroit lui-même aux Virgile & aux Horace.
Ses peintures sont peu gracieuses, mais elles sont hardies ; ses images sont lugubres, mais elles saisissent l’ame & la subjuguent ; ses pensées ne sont pas philosophiques, mais elles sont vives & pleines d’énergie ; sa versification est quelquefois rude, mais elle est toujours mâle & vigoureuse.
Daniel l’abondance des images, la vivacité des peintures, l’appareil des sentences, la force & l’énergie de l’expression.
Dans ses autres Discours, il parle rarement au cœur ; jamais ou presque jamais de ces expressions vigoureuses, de ces images frappantes, de ces traits hardis qui supposent une ame fortement pénétrée de son sujet, & capable de maîtriser les autres ames Il a paru trop oublier que les hommes déferent moins à la raison qu’à leurs passions ; que ce n’est qu’en agitant leur cœur, qu’on parvient à les dominer ; que l’homme éloquent n’est pas celui qui raisonne avec justesse, mais celui qui rend avec énergie ce qu’il sent avec vivacité ; celui qui nous échauffe par la chaleur du sentiment & de l’imagination, non celui qui nous instruit & nous éclaire par la lumiere & la vérité de ses raisonnemens.
On ferme les yeux, on se sauve, et lorsque cette vilaine, hideuse chose revient à l’imagination, on est persécuté, poursuivi par une image importune.
En effet c’est une propriété innée de l’âme humaine d’aimer l’uniformité ; lorsqu’elle est encore incapable de trouver par l’abstraction des expressions générales, elle y supplée par l’imagination ; elle choisit certaines images, certains modèles, auxquels elle rapporte toutes les espèces particulières qui appartiennent à chaque genre ; ce sont pour emprunter le langage de l’école, des universaux poétiques.
On voit qu’il est obsédé et hanté de visions éclatantes ou lugubres ; chaque pensée en lui est une secousse ; un flot de passion fumeuse arrive en bouillonnant dans ce cerveau qui regorge, et le torrent d’images déborde et roule avec toutes les boues et toutes les splendeurs. […] Ce catéchisme cynique, jeté au milieu de déclamations furibondes, donne, je crois, la note dominante de cet esprit étrange : c’est cette tension forcenée qui fait son talent ; c’est elle qui produit et explique ses images et ses disparates, son rire et ses fureurs. […] Car il le façonne et façonne le nôtre à l’image de son propre esprit ; il le définit par les émotions qu’il en tire et le figure par les impressions qu’il en reçoit. […] Il y a une règle fixe pour transposer, c’est-à-dire pour convertir les unes dans les autres les idées d’un positiviste, d’un panthéiste, d’un spiritualiste, d’un mystique, d’un poëte, d’une tête à images et d’une tête à formules. […] To find a Parliament more and more the express image of the people, could, unless the people chanced to be wise as well as miserable, give him no satisfaction.
L’esprit s’appliquant aux images fournies par la mémoire les décompose, choisit entre leurs différents traits, et en forme des images nouvelles. […] Le don d’être affecté fortement par les objets et de reproduire leurs images absentes ou évanouies, et la puissance de modifier ces images pour en composer de nouvelles, épuisent-ils ce que les hommes appellent l’imagination ? […] Au contraire, on fait de l’image tout ce qu’on veut, on la métamorphose à son insu, on l’embellit, à son gré. […] Qui fait la beauté terrible d’un orage, qui fait celle d’une grande image, d’un vers isolé ou d’une ode sublime ? […] Il souffre de contenir les sentiments ou les images ou les pensées qui s’agitent dans son sein.
, non, jamais je ne pourrai arracher de mon cœur le désastre de la patrie ; partout elle me suivra, je reverrai son image abattue et désolée. […] Tout son soin, dans l’amitié, est de n’en point flétrir en lui l’image par des vices ; mais c’est moins de lui-même à cet égard qu’il s’inquiète que de son ami ; car, lui, il se considère comme moins propre aux grandes perfections, et moins sujet par là même aux grandes maladies morales : « Pour toi, au contraire, dit-il à Montaigne, il y a plus à combattre, toi, notre ami, que nous savons propre également aux vices et aux vertus d’éclat. » Toute la pièce d’où ceci est tiré a pour but de montrer les inconvénients du libertinage et du plaisir. […] L’image de La Boétie demeura jusqu’à la fin dans sa vie et s’y maintint debout comme la colonne isolée d’un temple, — d’un temple resté inachevé et qui n’a jamais été construit.
En attendant, pour consoler ses regards, elle s’est fait apporter ce qu’elle appelle this dear picture, un médaillon contenant le portrait de Buzot en miniature que, par une sorte de superstition, dit-elle, elle n’avait point voulu mettre d’abord dans sa prison : « Mais pourquoi se refuser cette douce image, faible et précieux dédommagement de la privation de l’objet ? […] Mme Roland, selon moi, si l’on veut bien laisser de côté en elle la Romaine et si on la sépare un moment des circonstances et des accidents extraordinaires qui ont compliqué sa destinée, nous a donné dans le récit de sa jeunesse, de sa propre éducation et de ce qu’elle enseignait à sa fille un tableau qui est comme l’image d’une quantité d’autres existences individuelles, et il faudrait retrancher peu de chose pour y trouver un modèle d’étude, de moralité, d’énergie bien dirigée, de santé de l’âme et de l’esprit mise à un excellent régime. […] Après le trouble que venaient de jeter les documents nouveaux dans l’idée qu’on se faisait d’elle, il était nécessaire de repasser sur les traits de son caractère et de dresser de nouveau son image.
De tous ces courants parallèles ou rivaux, de toutes ces lames redoublées (cette image physique et presque domestique est ici permise) il est résulté vraiment une manière de pile de Volta, un appareil littéraire considérable. — Je parlerai encore moins de ces autres influences incomparables qui ne se mesurent pas, et pour lesquelles il faudrait demander un nom aux muses. […] Ampère est fertile en pareilles images appropriées, mais qui se dissimulent plutôt chez lui sous un tour d’ingénieuse exactitude, et qui surtout ne s’affichent jamais en s’étalant. Je note seulement encore sa grande image sur le gnosticisme, tome I, page 187, et celle sur les médailles d’argent des Grecs opposées aux médailles de bronze des Romains, I, 128.
Fénelon n’avait pas assez d’énergie dans l’imagination pour exercer sur ses pensées cette pression du style qui les incruste dans le rhythme et qui solidifie, pour ainsi dire, la parole et l’image en les jetant dans le moule des vers ; mais sa prose, aussi poétique que la poésie, si elle n’a pas toute la perfection, toute la cadence et l’harmonie de la strophe, en a cependant le charme. […] Fénelon et Chateaubriand sont aussi poëtes par le sentiment et par l’image, c’est-à-dire par ce qui est de l’essence de la poésie, que les plus grands poëtes ; seulement ils ont parlé au lieu de chanter leur poésie. […] Ses courtisans, en lui montrant son image dans le faible et dur Idoménée, fléau de ses peuples, lui dirent « qu’il fallait être son ennemi pour avoir peint un pareil portrait. » On vit une satire sanglante des princes et du gouvernement dans les récits et dans les théories du païen.
Les œuvres défilent devant le miroir de notre esprit ; mais, comme le défilé est long, le miroir se modifie dans l’intervalle, et, quand par hasard la même œuvre revient, elle n’y projette plus la même image. […] Enfant précoce, nerveux, chétif, caressant, Déjà surpris de vivre et de regarder vivre, de bonne heure il a aimé les images, et les livres avant de les avoir ouverts ; de bonne heure il a su regarder les objets, voir leurs formes, leurs couleurs et en jouir ; et il a su goûter les vieilles choses et s’intéresser au passé. […] Il s’efforça, avec quelques autres jeunes gens, de pousser plus loin qu’on ne l’avait fait encore l’art de combiner exactement de beaux mots qui suscitent de belles images.
Au moment où il perdit sa mère, Bettina lui écrivait, en faisant allusion à cette disposition froide et ennemie de la douleur, qu’on lui attribue : « On prétend que tu te détournes de ce qui est triste et irréparable : ne te détourne pas de l’image de ta mère mourante ; sache combien elle fut aimante et sage à son dernier moment, et combien l’élément poétique prédominait en elle. » Par ce dernier trait, elle montre bien qu’elle sait l’endroit par où il faut le pénétrer. […] Elle lui rouvrait tout un livre imprévu d’admirables images et de charmantes représentations. […] Il est enchanté et ravi de voir un si grand individu que Beethoven venir augmenter sa collection et sa connaissance : « J’ai eu bien du plaisir, dit-il, à voir se refléter en moi cette image d’un génie original. » Ce grand miroir de l’intelligence de Goethe tressaille involontairement, quand un nouvel objet digne de lui s’y réfléchit.
Il me semble que rien ne répand de la clarté dans les idées d’un auteur, comme les rapprochements, les images. […] Mais il n’a pas d’effort à faire pour s’y conformer ; sauf l’élévation qui, à un ou deux endroits, lui sort du cœur, et la verve qui, en trois ou quatre passages, est excellente, il est dans Le Vieux Cordelier ce qu’il était dans ses précédents écrits, incohérent, indécent, accouplant à satiété les images et les noms les plus disparates, accolant Moïse à Ronsin, profanant à plaisir des noms révérés, disant le sans-culotte Jésus en même temps qu’il a l’air de s’élever contre l’indigne mascarade de l’évêque apostat Gobel ; en un mot, il parle dans Le Vieux Cordelier l’argot du temps ; il a le style débraillé, sans dignité, sans ce respect de soi-même et des autres qui est le propre des époques régulières et la loi des âmes saines, même dans les extrémités morales où elles peuvent être jetées. […] comme, après la lecture de ces pages bigarrées, toutes tachées encore de boue et de sang, et convulsives, image vivante (jusque dans les meilleurs endroits) du dérèglement des mœurs et des âmes, comme on sent le besoin de revenir à quelque lecture judicieuse où le bon sens domine, et où le bon langage ne soit que l’expression d’un fonds honnête, délicat, et d’une habitude vertueuse !
Et nous, nous voyons chemin faisant le talent d’écrire naître de lui-même sous sa plume et les images éclore. […] Pourtant lorsqu’il pénètre dans l’île, lorsqu’il arrive vers l’une de ces habitations perdues au plus profond des bois et dans les escarpements des mornes, et qu’il y trouve l’image imprévue de l’abondance, de la paix et de la famille, il est touché, et il trouve, à le dire, de bien gracieuses couleurs : Je ne vis dans toute la maison qu’une seule pièce : au milieu, la cuisine ; à une extrémité, les magasins et les logements des domestiques ; à l’autre bout, le lit conjugal, couvert d’une toile, sur laquelle une poule couvait ses œufs ; sous le lit, des canards ; des pigeons sous la feuillée, et trois gros chiens à la porte. […] Leurs jeux paisibles, la solitude du lieu, le bruit de la mer me donnaient une image de ces premiers temps où les filles de Noé, descendues sur une terre nouvelle, firent encore part, aux espèces douces et familières, du toit, de la table et du lit.
Volney n’en a jamais, sinon quand il cite quelque locution du pays, quelque proverbe arabe qui fait image. […] Ce terme et cette image de pivot qui la termine un peu brusquement m’a aussitôt rappelé un tableau que nous connaissons tous : Joseph vendu par ses frères, de Decamps. […] Saussure, on l’a dit, tout savant qu’il est, a de la candeur ; il a, en présence de la nature et à travers ses études de tout genre, le sentiment calme et serein des primitives beautés ; il se laisse faire à ces grands spectacles ; pour les peindre ou du moins pour en donner idée, pour dire la limpidité de l’air dans les hautes cimes, le frais jaillissement des sources ou de la verdure au sortir des neiges, la pureté resplendissante des glaciers, il ne craindra point d’emprunter à la langue vulgaire les comparaisons qui se présentent naturellement à la pensée, et que Volney, dans son rigorisme d’expression, s’interdit toujours ; il aura, au besoin, des images de paradis terrestre, de fées ou d’Olympe ; après un danger dont il est échappé, lui et son guide, il remerciera la Providence.
“La parole écrite est l’image de la parole prononcée. Pour donner à cette image toute la ressemblance dont elle est susceptible, l’orthographe employe six sortes de caractères.” […] On prodigue les images, & les tours de la poésie, en physique ; on parle d’anatomie en style empoulé ; on se pique d’employer des expressions qui étonnent, parce qu’elles ne conviennent point aux pensées.”
Ce grand poëte était d’abord un poëte naturel, prodiguant les images et l’harmonie avec cette facilité qui ajoute la grâce à la puissance, d’une pureté admirable quand il était inspiré, et alors, fidèle à la perfection, même dans les hasards du caprice et de la rêverie. […] Lorsque le talent devance ainsi la réflexion et se confond avec l’éveil même de la pensée par les sens, il aura plus d’images que d’idées ; et ces idées, soudains éclairs du dehors, pourront quelquefois passer vite pour lui-même, tout en éblouissant au loin. […] Ne paraîtra-t-elle pas souvent, jusque dans son abondance native, une imitation de notre art moderne, et ne nous rendra-t-elle pas comme une image affaiblie de notre dernier âge poétique ?
C’est s’accommoder à l’image que nous nous faisons de lui et qu’il se fait de nous. […] Toutes les fois que Pascal parle d’une profession, par exemple, c’est en des termes qui font image. […] Voilà l’image de l’usurpation de toute la terre. » Réfléchit-il à l’inégalité des conditions ? […] On l’écoutait tâtonner autour du vocable précis, destiné à faire image et à ramasser dans son raccourci le plus de réalité possible. […] Elle risque de dépersonnaliser l’esprit, en substituant l’image de la vie à la vie même, l’expression de la réalité à cette réalité.
L’image n’est pas belle, mais elle est exacte. […] Quel est le naïf que ces images peuvent émouvoir ? […] Il semblait, dit un écrivain moderne, que l’image ne pouvait plus qu’appesantir la pensée. […] Elle perfectionne, d’année en année, l’image adorée. […] La langue qu’il avait à sa disposition était presque entièrement formée à l’image de celle d’Athènes ou de Rome, saturée d’images antiques, encombrée de mythologie.
En ta pensée Se dresse tout d’abord son image glacée : Tu vois d’avance au loin les bois découronnés, Dans chaque arbre un squelette aux longs bras décharnés ; Plus de fleurs dont l’éclat au jour s’épanouisse ; Plus d’amoureux oiseaux dont le chant réjouisse ; La Nature au linceul épand un vaste effroi. — Pour toi quand tout est mort, ami, tout vit pour moi : Ce déclin que l’Automne étale avec richesse Me parle, à moi, d’un temps de fête et d’allégresse, Du meilleur des saints jours, — alors qu’heureux enfants, Sur les bancs de la classe, en nos vœux innocents, Les feuilles qui tombaient ne nous disaient encore Que le très-doux Noël et sa prochaine aurore.
M. de Noailles M. de Chateaubriand déploya devant nos yeux l’Océan, l’Amérique, la Grèce, la Judée, les levers et les couchers du soleil à l’horizon des mers, les cieux étoilés du Nouveau-Monde brillant sur l’immensité des fleuves et des savanes ; et, par la grandeur et la nouveauté de ses descriptions, il étendit la sphère des images poétiques.
Les Chants de la Pluie et du Soleil, visiblement inspirés de Whitman quant à leur sentiment de modernité lyrique, renferment des proses vraiment belles, d’une élévation et d’une énergie saine, d’un éclat d’images qui intéresseront les artistes.
On lui a reproché une touche quelquefois trop sombre ; mais ce coloris n’en est que plus conforme aux images qu’il nous trace, son but étant d’exciter la terreur & la pitié, & l’on ne peut, sans injustice, lui refuser le mérite d’y avoir réussi.
Toute chose dont l’esprit peut mesurer l’étendue est petite : le cercle, qui chez les anciens exprimait l’éternité, pouvait être une image grande et vraie ; cependant il nous semble qu’elle tue l’imagination, en la forçant de tourner dans ce cerceau redoutable.
À distance, l’image de la douleur qu’on impose paraît vague et confuse, telle qu’un nuage facile à traverser ; on est encouragé par l’approbation d’une société toute factice, qui supplée aux principes par les règles et aux émotions par les convenances, et qui hait le scandale comme importun, non comme immoral, car elle accueille assez bien le vice quand le scandale ne s’y trouve pas ; on pense que des liens formés sans réflexion se briseront sans peine.
Deux condiments particuliers entrent dans la cuisine du siècle, et, selon la main qui les emploie, fournissent à tous les mets littéraires un assaisonnement gros ou fin Dans une société épicurienne à qui l’on prêche le retour à la nature et les droits de l’instinct, les images et les idées voluptueuses s’offrent d’elles-mêmes ; c’est la boîte aux épices appétissantes et irritantes. […] Il pense par explosions ; ses émotions sont des sursauts, ses images sont des étincelles ; il se lâche tout entier, il se livre au lecteur, c’est pourquoi il le prend. […] Car c’est là le trait le plus frappant de ce style, la rapidité prodigieuse, le défilé éblouissant et vertigineux de choses toujours nouvelles, idées, images, événements, paysages, récits, dialogues, petites peintures abréviatives, qui se suivent en courant comme dans une lanterne magique, presque aussitôt retirées que présentées par le magicien impatient qui en un clin d’œil fait le tour du monde, et qui, enchevêtrant coup sur coup l’histoire, la fable, la vérité, la fantaisie, le temps présent, le temps passé, encadre son œuvre tantôt dans une parade aussi saugrenue que celles de la foire, tantôt dans une féerie plus magnifique que toutes celles de l’Opéra. […] Voilà l’avantage de ces génies qui n’ont pas l’empire d’eux-mêmes : le discernement leur manque, mais ils ont l’inspiration ; parmi vingt œuvres fangeuses, informes ou malsaines, ils en font une qui est une création, bien mieux une créature, un être animé, viable par lui-même, auprès duquel les autres, fabriqués par les simples gens d’esprit, ne sont que des mannequins bien habillés C’est pour cela que Diderot est un si grand conteur, un maître du dialogue, en ceci l’égal de Voltaire, et, par un talent tout opposé, croyant tout ce qu’il dit au moment où il le dit, s’oubliant lui-même, emporté par son propre récit, écoutant des voix intérieures, surpris par des répliques qui lui viennent à l’improviste, conduit comme sur un fleuve inconnu par le cours de l’action, par les sinuosités de l’entretien qui se développe en lui à son insu, soulevé par l’afflux des idées et par le sursaut du moment jusqu’aux images les plus inattendues, les plus burlesques ou les plus magnifiques, tantôt lyrique jusqu’à fournir une strophe presque entière à Musset480, tantôt bouffon et saugrenu avec des éclats qu’on n’avait point vus depuis Rabelais, toujours de bonne foi, toujours à la merci de son sujet, de son invention et de son émotion, le plus naturel des écrivains dans cet âge de littérature artificielle, pareil à un arbre étranger qui, transplanté dans un parterre de l’époque, se boursoufle et pourrit par une moitié de sa tige, mais dont cinq ou six branches, élancées en pleine lumière, surpassent tous les taillis du voisinage par la fraîcheur de leur sève et par la vigueur de leur jet.
L’animal contient tous les matériaux de l’homme, sensations, jugements, images, et, de ces matériaux assemblés par une loi nouvelle, naît la raison, comme des corps minéraux liés par une loi nouvelle naît la vie. […] Nous savons bien, en leur prêtant ainsi des pensées et des émotions, que nous mettons notre âme dans leur être, et que notre discours n’est qu’image. Mais notre âme se trouve doucement dans cet être plus simple, et nos images n’en sont que plus délicates, parce que nous sentons qu’à la réflexion elles devront s’évanouir. […] Ce n’est qu’une échappée, il ne faut pas qu’elle dure ; d’ailleurs vous plaisantez, et on ne plaisante que légèrement ; dites que le renard est un courtisan, que le lion est un roi ; cette comparaison prise à la volée nous montrera un air de tête, un geste expressif ; mais passez vite ; si vous insistiez, toute l’image disparaîtrait.
Mais il a le don du style : il renouvelle ces thèmes usés, à force de grâce imprévue, d’images fraîches ; ce que tout le monde a dit depuis trois siècles, il le dit, mais comme personne. […] Jovialités facétieuses, et brusques indignations, apostrophes brutales, apologues satiriques, dialogues comiques ou dramatiques, quolibets des halles et pédantisme de l’école, descriptions saisissantes de vérité vécue, et parfois à l’aventure d’étonnantes images de mélancolie profonde, des jets hardis de poésie pittoresque, tout se mêlait, se heurtait dans cette verve puissante dont ils enlevaient les foules, grands et peuple. […] Il a le mot qui emporte pièce, la couleur crue, intense, le trait net, ferme, qui détache vigoureusement l’image. […] Le détail de son style est d’un artiste : il a le sentiment de la puissance de la sobriété : il serre l’idée dans l’image, courte, franche, saisissante : c’est un maître de l’expression nerveuse et chaude.
Les Vies des Pères du désert n’offrent rien à comparer au tableau suivant extrait du Mahâbhârata : « Le roi s’avança vers le bosquet sacré, image des régions célestes ; la rivière était remplie de troupes de pèlerins, tandis que l’air retentissait des voix des hommes pieux qui répétaient chacun des fragments des livres sacrés. […] Elles n’ont pas cette prodigieuse subtilité psychologique, cet esprit de limite, d’intolérance, de particularisme, si j’osais dire, cette force d’abstraction, vrai vampire qui est allé absorbant tout ce qu’il y avait dans l’humanité de suave et de doux, depuis qu’il a été donné à la maigre image du Crucifié de fasciner la conscience humaine. […] Quel charme de voir dans des chaumières ou dans des maisons vulgaires, où tout semble écrasé sous la préoccupation de l’utile, des images ne représentant rien de réel, des saints, des anges ! […] Et j’ai vu ton temple s’écrouler pierre à pierre, et le sanctuaire n’a plus d’écho, et, au lieu d’un autel paré de lumières et de fleurs, j’ai vu se dresser devant moi un autel d’airain, contre lequel va se briser la prière, sévère, nu, sans images, sans tabernacle, ensanglanté par la fatalité.
Ce repentir de sa part est d’autant plus sérieux et plus sûr qu’il ne vient pas s’étaler en vives images, et qu’il ne se plaît point à repasser avec détail sur les traces des faiblesses d’hier. […] Dès que Rancé fut informé de son dessein, il lui écrivit pour le prier de passer la brosse sur tout ce qui le concernait ; cette lettre du 17 juillet est d’une humiliation de ton, d’un abaissement d’images qui sent plus l’habitué du cloître que l’homme de goût : non content de s’y comparer à un animal ( sicut jumentum factus sum ), Rancé trouve que c’est encore un trop beau rôle pour lui dans le paysage, et il descend l’échelle en ne voulant s’arrêter absolument qu’à l’insecte et à l’araignée.
Nous aussi, quand nous cherchons à retrouver la vie sentimentale du XVIIIe siècle, ou les manières de penser de la Renaissance, nous poursuivons l’image d’un passé qui n’est plus. […] Et toutes deux ont, comme on dit vulgairement, bien d’autres chats à fouetter que de surveiller l’image que nous présentons de Lamartine et de Montaigne.
Il ne se demande pas alors si un beau vers est une illusion dans l’éternelle illusion et si les images qu’il forme au moyen des mots et de leurs sons rentrent dans le sein de l’éternelle Maïa avant même d’en être sortis. […] Pierre Quillard L’un des plus stupides reproches que l’on eut coutume d’adresser à cette œuvre fut d’alléguer qu’elle n’allait pas au-delà d’une facile beauté extérieure et purement formelle, et que toute véhémence et toute vie lui faisaient défaut ; et c’était un jeu familier à la basse critique de comparer les poèmes de Leconte de Lisle à de froides images de marbre que nul Prométhée n’aurait animées du feu divin.
La volonté des voluptueux qu’à des images sensuelles. — Les raisons d’agir et de ne pas agir, les raisons de vivre et de mourir, les raisons d’espérer et de désespérer varient à l’infini suivant les individus. […] En effet, les états d’âme instantanés qui se succèdent comme un défilé d’images cinématographiques ont tous, pour une individualité donnée, une teinte commune, une même coloration sentimentale.
Sur les murs, des estampes et des lithographies : un portrait du poète enfant ; celui de sa mère en jupe à volants, dans l’épanouissement de la trentaine ; un Christ, peint par Germain Nouveau, d’après l’original de l’église de Saint-Géry d’Arras et, dans l’alcôve, une image ancienne, épave du luxe d’antan : une jeune fille de Greuze, pressant une tourterelle sur son sein nu ; mais ni ces enjolivures ni les fleurs en pots de la fenêtre n’arrivaient à masquer la détresse du logis. […] Il faisait passer dans l’humble galetas de Verlaine d’éblouissantes images de châtelaines, d’amazones, de ballerines en jupe de gaze, mêlées d’habits noirs.
Quand on est parvenu à former plusieurs chaînes du même genre, on possède, si je puis risquer cette image, le squelette d’une âme. […] Lorsque Lamartine18 écrit : « C’est Ossian, après le Tasse, qui me révéla ce monde des images et des sentiments que j’aimai tant depuis à évoquer avec leurs voix… Ossian fut l’Homère de mes premières années ; je lui dois une partie de la mélancolie de mes pinceaux… » — voilà une filiation poétique qu’il serait désormais bien hardi de contester.
À chaque grande époque où naît, renaît, s’épanouit la poésie, il semble que les ressources de la langue, images, rhythmes, sons, se présentent vierges devant le poète. […] — La loi des nombres gouverne les sentiments et les images et ce qui paraît être l’extérieur est tout bonnement, le dedans. » J’ai cité cette page au hasard.
Lorsque, il y a quelque temps déjà, nous écrivions ceci : « Dans l’œuvre du poète, le rythme est le geste de l’âme », l’image dont nous nous servions indiquait à elle seule que nous étions loin de conserver au mot rythme le sens étroit qu’il possède couramment. […] Pour nous, le symbole est une généralisation de la pensée par l’image.
Le théâtre actuel est l’image docile et passive de l’histoire et de la société ambiante. Le théâtre de l’avenir remoulera l’homme et la société à son image.
Cette image de la beauté divine que nous portons en nous-mêmes est d’abord quelque peu obscure ; il faut que les traits de cette beauté, aperçus par des yeux plus clairvoyants et reproduits dans les écrits qu’elle a inspirés, habituent peu à peu nos yeux à la distinguer. […] Il y a tant de manières de mal exprimer sa pensée : le néologisme, l’abus des images, les termes techniques, les tours barbares ou étrangers, défauts qui mènent tous à n’être point entendu.
Il en a les qualités les plus brillantes : l’amour de l’image, du rhythme, de la langue, qu’il aime un peu comme une courtisane amoureuse et… stérile. […] Il est monotone parce que la masse d’images qu’il remue a été déjà remuée cent fois au xvie et au xixe siècle, et, quoique le kaléidoscope, à force de tourner, amène parfois de nouvelles combinaisons de lumière, il n’en est pas moins vrai que ce sont les mêmes nuances et les mêmes couleurs qu’on y voit toujours.
Les poètes parcourent dans la nature tout ce qui donne des impressions ou agréables, ou fortes, et transportent ensuite ces beautés ou ces impressions dans le langage ; ils attachent par une sensation un corps à chaque idée, donnent aux signes immobiles et lents la légèreté, la vitesse ; aux signes abstraits et sans couleur, l’éclat des images ; aux êtres qui ne sont vus et sentis que par la pensée, des rapports avec tous les sens. […] Trois siècles après, un empereur10 plaça son image dans un temple domestique, et l’honora à côté des dieux.
Mais, à une époque si avancée de la civilisation, les esprits, même du vulgaire, sont trop détachés des sens, trop spiritualisés par les nombreuses abstractions de nos langues, par l’art de l’écriture, par l’habitude du calcul, pour que nous puissions nous former cette image prodigieuse de la nature passionnée ; nous disons bien ce mot de la bouche, mais nous n’avons rien dans l’esprit. […] C’est ainsi que les premiers poètes théologiens inventèrent la première fable divine, la plus sublime de toutes celles qu’on imagina ; c’est ce Jupiter roi et père des hommes et des dieux, dont la main lance la foudre ; image si populaire, si capable d’émouvoir les esprits, et d’exercer sur eux une influence morale, que les inventeurs eux-mêmes crurent à sa réalité, la redoutèrent et l’honorèrent avec des rites affreux.
Il hait l’Eté, cette immense image de bonheur qui nous laisse plus accablés de notre condition, et le chant du rossignol qui navre. […] N’est-ce pas l’image de la vie ? […] La pensée cesse devant ces concepts sans contenu, qui ne se donnent une apparence d’exister qu’au moyen de l’image. […] Une belle image. […] Aussi bien, est-ce fidélité au christianisme, que de le glorifier comme magnifique répertoire de tableaux et d’images ?
Nourri d’Henri de Régnier, s’il n’en connaît pas tous les détours, toutes les séductions, il vaut encore par une spontanéité d’images élégantes, pures et bien ajustées.
Son talent, si élevé déjà, ne peut manquer d’acquérir encore plus de certitude et d’éclat, à mesure qu’il illustrera d’images vivantes et colorées la ferme substance de ses vers.
. — Images tendres et merveilleuses (1897). — Sâvitri, comédie héroïque en deux actes et en vers (1899). — Au hasard des chemins (1900).
Ce Greffier dont tu vois l’image, Travailla plus de soixante ans ; Et cependant à ses enfans Il a laissé pour tout partage, Beaucoup d’honneur, peu d’héritage, Dont son fils l’Avocat enrage.
Est-ce en s’accommodant au ton du monde & de la société, qui n’est que l’image des travers qui nous déshonorent, qu’on pourra frapper les esprits & changer les cœurs corrompus ?
Voici comme il décrit le Colosse de Rhodes : Que l’Isle où le Soleil chaque jour se récrée, Ne vante plus l’image à ce Dieu consacrée, Ce superbe Colosse en qui l’art des humains Consomma tant de jours, & lassa tant de mains, Dont la tête élevée au delà du tonnerre, Et les pieds embrassant & la mer & la terre, Sembloient, en leur stature épouvantable aux yeux, Joindre ensemble la mer, & la terre & les cieux.
Des traits d’Histoire semés adroitement, des réflexions judicieuses, des pensées agréables & souvent énergiques, l’art d’exprimer de grandes choses d’une maniere naïve, l’abondance des métaphores, la multitude & la variété des images, sont des titres suffisans pour contenter les Esprits superficiels, parce qu’ils se laissent facilement entraîner à ce qui leur plaît, & qu’ils sont incapables de rien approfondir.
Ennuyeux peut-être pour qui vient d’éditer Boileau, et d’y admirer, dans la perfection même de l’art d’écrire en vers, une image si pure de l’esprit français. […] D’autres passages du même caractère ; quelques pièces plus connues, dont la plus goûtée, Les fourriers d’esté sont venus est une description du printemps, où la grâce n’est pas sans recherche ; dans tout le recueil, une certaine délicatesse de pensées, qui trop souvent tourne à la subtilité ; des expressions plus claires que fortes ; des images abondantes, mais communes une pureté prématurée à une époque où la langue avait plus besoin de s’enrichir que de s’épurer ; bon nombre de vers agréables qui prouvent plus de culture que d’invention, et où l’on reconnaît l’effet de l’éducation maternelle plutôt que le génie national : ces titres, que je suis bien loin de dédaigner, ne valent pas qu’on dépossède Villon de son rang, au. profit d’un poëte, le dernier qui ait imité le Roman de la Rose, le premier, qui ait imité la poésie italienne. […] Voilà, non plus un poëte, bel esprit, nourri des livres à la mode, mais un enfant du peuple, né poète, qui lit dans son cœur, et qui tire ses images des fortes impressions qu’il reçoit de son temps ; voilà un amant qui ne poursuit pas des maîtresses imaginaires, qui n’a rien à démêler avec Dangier et Faux-Semblant et qui sait faire ses affaires sans le secours de Bel-Accueil. […] Je ne sache pas d’image plus charmante de cette fuite insensible du temps, qui emporte nos jours sans nous rien laisser de solide. […] J’ai insisté sur Villon, parce que son recueil offre la première image nette et populaire de notre poésie.
Les événements qu’il suscite sont à son image. […] Je n’y vois que le grand style du dix-septième siècle se continuant dans le dix-huitième, le tour noble et tranquille, une phrase abondante et longue qui ne craint pas qu’on la laisse en chemin, une logique pressante sans être précipitée, l’image qui n’est que la plus parfaite justesse de l’expression. […] Il ne nous met sous les yeux que les images familières de l’amour, de l’ambition, de la vanité, qui troublent plus ou moins toutes les existences, et par qui se renouvelle sans cesse le tableau de la vie humaine. […] Là sont les chambres « bien meublées sans magnificence », où nous avons passé les heures paresseuses, feuilletant les vieux livres dans de vieux fauteuils de damas effacé, qui ajoutaient à la douceur de notre repos, en répandant autour de nous les images tranquilles et comme un air du passé. […] L’image d’une abeille est la seule en effet qui caractérise l’aimable génie de Rollin.
J’insiste sur ce fait, parce qu’on trouve dans beaucoup de livres français et allemands des indications comme celle-ci : « Puis soudain une autre image se présenta à ses yeux, s’imposa souverainement. […] Je regrette de ne pouvoir indiquer à mes lecteurs une biographie dans laquelle ils trouveraient le récit et l’image complète de cette vie du maître à Zurich, de 1850 à 1859 ; je n’en connais point. […] Et en même temps qu’on enlevait à son libre essor cette lourde chaîne, on lui indiquait comme auditoire un public absolument fantaisiste, irréel, qu’il pouvait combler de toutes les qualités et façonner en son image : un public de Brésiliens ! […] C’est la réduction de la phrase aux seuls mots essentiels et qui évoquent une image précise. […] De ce que nous avons perçu par la vue se dégage clairement à nous l’image de la chevalerie légendaire du Gral, souffrant du péché de son roi indigne et délivrée par un « simple qui, après un temps d’épreuves, reconnaît sa mission et l’accomplit.
Je ne parle pas du coloris d’Homère, qu’il est impossible, à quelque traducteur que ce soit, de rendre parfaitement ; mais je parle de ses pensées, de ses images, du sublime & du merveilleux qui y règne, & qu’on peut faire passer dans quelque langue du monde que ce puisse être. […] Une image contraire eût été un défaut, la poësie n’étant qu’une imitation ; & « si l’on eût donné, ajoute-t-il, au Poussin, le Guesclin & Boucicaut à peindre, il les eût représentés simples & couverts de fer, pendant que Mignard auroit peint les courtisans du dernier siècle avec des fraises ou des collets montés, ou avec des canons, des plumes, de la broderie & des cheveux frisés ». […] Un roman, disoit-on, peut être bien fait & bien écrit ; ne blesser en rien l’honnêteté des mœurs ; n’avoir point une fade galanterie pour objet ; mais renfermer une morale fine en action, ou qui réjouisse le lecteur par des images plaisantes, & des saillies spirituelles & comiques. […] quelle image vive & naturelle de la vie ordinaire des hommes ! […] On remarque ce persifflage, même au milieu des horreurs dont nos romans sont remplis ; au milieu des images terribles formées par les trahisons, par les enlevemens, les poisons, les poignards, les enterremens précipités, les résurrections & les phantômes ; ressources admirables pour un génie stérile.
Dieu solitaire comme les âmes inférieures ; sphère fermée comme son Image, parce que parfaite à la fois et embryonnaire : nature naturante pour le panthéiste Johannes, auguste artisan pour le pasteur et les vieux Vockerat et Kaethe peut-être ; rien ou l’inexpliqué fatigant pour Braun, il s’abstient d’intervenir au frottement âpre des êtres aveugles. […] On connaît la Sainte couchée entre les pages, longues comme ses mains, de l’Idéalisme de M. de Gourmont, et les deux têtes, Christ et Vierge, enluminure du Latin Mystique. — Le Jugement dernier s’élabore, mais il faudrait presque qu’il ne fût point fini, car le prétexte sera lors mort de créer des faces d’anges ou de damnés, chevelues de flammes ou de rayons ; et nous n’aimerons plus, forcés, au changement, l’image — où Georgin couche la lame sonore de son verset sur la tête de mort en bois, sonnant à tous les champignons : noirs subitement germés des dalles : Levez-vous, morts, et venez au Jugement. — En attendant l’étonnement de la trompe finale, ce mois : Sainte-Cécile et son violon : sur le ciel bleu d’arrosoir d’or et l’arche-cadre des croix ornementales, le bras : de la Sainte où le sexe hésite, peut-être main de l’ange mêlée à la sienne, union ou communion. […] Sous son archet la sphérique contrebasse s’éveille en ces mots, luisant pareils sur l’image aux replis d’une vouivre tanguée de fleurs de lys ; LA QUADRUPLE CONTRAINTE DE L’ENFER PAR LAQUELLE J’AI FORCE LES ESPRITS A M’APPORTER CE QUE JE DESIRAIS. — Et les onze masques bleus sont cloués étiquetés par chacune de leurs quatre oreilles, après qu’ils ont obéi. […] L’œil clos du Château enferme l’image de la princesse Elade, que le commerce subtil des tendres lettres et des songes a dotée pour les visiteurs du désir, de la beauté des madones et des fées, sœur de cette Statue de Diane, si asexuée ou ambisexuée, conte l’un des philosophes du Banquet, que le jeune Grec qui la vint violer dans son temple l’approcha à la manière des philopaèdes, avant de se jeter dans la mer. […] Mais ce point serait faux que la métaphore resterait exacte, et l’image porte avant tout simplement sur l’idée de travail et l’idée d’abeille, « tes petites mains » s’adressant à la personne.
Celui de l’envie taille au dedans du profil, une image qui ne ressemble à rien. […] Que le plus habile artiste, s’arrêtant strictement à l’image du poëte, nous montre cette tête si belle, si noble, si sublime dans l’ énéide, et vous verrez son effet sur la toile. […] L’imagination passe rapidement d’image en image ; son œil embrasse tout à la fois. […] Chardin, La Grenée, Greuze et d’autres m’ont assuré, et les artistes ne flatent point les littérateurs, que j’étois presque le seul d’entre ceux-cy dont les images pouvoient passer sur la toile, presque comme elles étoient ordonnées dans ma tête.
Le peintre espère vivre au moyen de la toile où son talent se prouve ; le modèle espère vivre aussi dans cette même toile où son image est fixée. […] L’image brillante de Macaulay cache deux ou trois sophismes. […] ou, pour user d’une pittoresque image des Grecs, quel bœuf un Pierre l’Hermite aurait eu sur la langue au siècle de Voltaire ! […] C’est la traduction au sens propre et dans les faits matériels d’une spirituelle image de M. […] Cette page, assurément, fait le plus grand honneur au caractère de celui qui l’a écrite ; mais l’image d’une toile d’araignée, rompue par la force du bras, n’est point juste, et toute l’idée se trouve faussée par l’impropriété de l’image.
Je m’enivrais, comme un fiancé, de cette pure image. […] J’y ai goûté, par endroits, des images mélancoliques, des frissons douloureux, la grâce farouche de tel paysage, complice des tourments de notre cœur. […] Peut-être êtes-vous trop hantées par l’image de la Madone portant comme un ostensoir son fils entre ses bras. […] Des peintres grecs enluminent pour lui, dans l’or, l’azur et le vermillon des iconostases, l’image du Sauveur et de la Panaghia. […] Et puis ces images enluminées modifient quelque peu l’idée qu’on se faisait de l’art ancien.
Barbou pour nous séparer, et je fis reparaître, après trois semaines d’intervalle qui me parurent opportunes, La Vogue, mieux à mon image. […] Pour différencier la passion et l’amour, Poe évoque les images de la Vénus Uranienne et de la Vénus Dionéenne. […] C’était un fidèle du Louvre et du Cabinet des estampes, un dévot du tableau et de l’image. […] Les vers du sonnet sont très beaux — tous font image. […] Il s’est agi pour l’auteur de tirer des feux d’artifice d’images.
Dans toute société polie on recherche l’ornement de la pensée ; on lui veut de beaux habits rares, brillants, qui la distinguent des pensées vulgaires, et pour cela on lui impose la rime, la mesure, l’expression noble ; on lui compose un magasin de termes choisis, de métaphores vérifiées, d’images convenues qui sont comme une garde-robe aristocratique dont elle doit s’empêtrer et se parer. […] Partout de justes oppositions qui ne servent qu’à la clarté et ne sont point trop prolongées ; d’heureuses expressions aisément trouvées qui donnent aux choses un tour ingénieux et nouveau ; des périodes harmonieuses où les sons coulent les uns dans les autres avec la diversité et la douceur d’un ruisseau calme ; une veine féconde d’inventions et d’images où luit la plus aimable ironie. […] Nous devons copier et noter notre pensée avec le flot d’émotions et d’images qui la soulèvent, sans autre souci que celui de l’exactitude et de la clarté. […] Il fait comprendre au public les images sublimes, les gigantesques passions, la profonde religion du Paradis perdu. […] Les sentiments grands et simples viennent d’eux-mêmes se lier à ces nobles images, et leur harmonie mesurée compose un spectacle unique, digne de ravir le cœur d’un honnête homme par sa gravité et par sa douceur.
Le latin appelle l’écho une image qui jase. — Le latin a parfaitement défini la renommée comme on la fait de nos jours. […] Saint-Marc Girardin), comme un jour ses disciples voulaient le faire peindre, s’y refusa formellement : « N’est-ce donc pas assez, disait-il, de traîner partout avec nous cette triste image dans laquelle la nature nous a enfermés, et croyez-vous qu’il faille encore transmettre aux siècles futurs une image de cette image, comme un spectacle digne de leur attention ? […] » Eh bien, quelle plus belle image, quelle preuve plus éloquente ? […] — avait songé à le marier, et il avait fini par rencontrer une douce et charmante créature, que l’on eût dit faite à l’image de feu madame Monteil. […] Pendant que nous étions à considérer cette image, qui ajoutera beaucoup à la renommée de son auteur, nous pensions aussi à tous les travaux, à toutes les luttes que cet homme placé là a évités par sa mort.
De nos jours on a essayé de rendre à la poésie sa langue propre, son style, ses images, ses priviléges, mais l’entreprise a pu paraître bien artificielle, parce qu’il a fallu aller chercher ses exemples dans le passé par delà Malherbe, et encore des exemples très-incomplets et sans autorité éclatante.
Lemonnier, ne font pas oublier, il est vrai, que ses détails tombent souvent dans la diffusion, à force de fécondité ; que sa simplicité, pour être trop familiere, devient quelquefois triviale & rebutante ; que sa facilité à tourner une même pensée de différentes façons, donne un air languissant à certains endroits de ses Récits, riches d’ailleurs en tournures, en images, & en sentimens.
quelles images !
Les secondes ruines sont plutôt des dévastations que des ruines ; elles n’offrent que l’image du néant, sans une puissance réparatrice.
La Métamorphose de la Vie en Rêve, de la Matière en Esprit, la lente métempsycose des Images en Idées et des Hommes en Anges ! […] Si l’arrangement de ses syllabes est toujours d’un bon effet, la succession des images est inharmonieuse, et le fil de l’idée décrit d’exagérées paraboles. […] Car nous concevons une œuvre où s’assembleront enfin tous les êtres, apparaissant dans leur stricte morphologie, chantant ces dieux à leur image, qu’ils rêvent assurément. […] Si le style doit être consubstantiel à l’objet qu’il célèbre, celui de Verhaeren, ravagé et chaotique, demeure bien l’image et le reflet de ce tempérament exténué sous la violence des chocs sensoriels. […] Il y a, entre les lignes, une continuelle évocation, un mirage qui lève devant le lecteur la réalité des images… Les moindres détails s’animent comme d’un tremblement intérieur.
Ce village avait jadis appartenu à un monastère, et son église possédait une petite image miraculeuse, à l’influence de laquelle les habitants attribuaient leur bonne fortune d’être restés libres, au beau milieu des possessions d’un puissant seigneur. […] Des formes confuses, des images insaisissables glissaient dans mon âme en y excitant des sentiments où se mêlaient la compassion sur moi-même, les regrets, la désespérance et la résignation. […] À la nouvelle du mariage de son fils, Petre Andrévitch tomba malade, et défendit de prononcer devant lui le nom d’Ivan Pétrovitch ; seule, la pauvre mère emprunta en cachette cinq cents roubles en papier au prêtre du village et les envoya à son fils avec une petite image pour sa bru. […] Les images du passé continuèrent à monter lentement dans son âme, se mêlant et se confondant avec d’autres tableaux. […] Auprès de la fenêtre se trouvait une toilette en marqueterie ornée de cuivres et surmontée d’un miroir doré et noirci. — Une porte donnait dans l’oratoire, dont les murs étaient nus, et où l’on apercevait, dans un coin, une armoire remplie d’images.
Il y a du moins, entre tant de tristesses, cela de bon à survivre à ses contemporains illustres, illustre soi-même, et quand on a la piété de la gloire : c’est de pouvoir à loisir couronner leur image, réparer leur statue, solenniser leur tombe. […] Mme de Staël, en revenant si fréquemment sur ce rêve, n’avait pas à en aller chercher bien loin des images : son âme, en sortant d’elle-même, avait tout auprès de quoi se poser ; au défaut de son propre bonheur, elle se rappelait celui de sa mère, elle projetait et pressentait celui de sa fille59. […] La beauté du site, les bois qui l’ombragent, le sexe du poëte, l’enthousiasme qu’on y respire, l’élégance de la compagnie, la gloire des noms, les promenades du lac, les matinées du parc, les mystères et les orages inévitables qu’on suppose, tout contribue à enchanter pour nous l’image de ce séjour. […] Corinne est bien l’image de l’indépendance souveraine du génie, même au temps de l’oppression la plus entière, Corinne qui se fait couronner à Rome, dans ce Capitole de la Ville éternelle, où le conquérant qui l’exile ne mettra pas le pied. […] Mais, à part même l’honneur d’une initiative dont personne autre n’était capable alors, et que Villers seul, s’il avait eu autant d’esprit en écrivant qu’en conversant, aurait pu partager avec elle, je ne crois pas qu’il y ait encore à chercher ailleurs la vive image de cette éclosion soudaine du génie allemand, le tableau de cet âge brillant et poétique qu’on peut appeler le siècle de Goëthe ; car la belle poésie allemande semble, à peu de chose près, être née et morte avec ce grand homme et n’avoir vécu qu’une vie de patriarche ; depuis, c’est déjà une décomposition et une décadence.
Nul écrivain chrétien n’a fait à Dieu plus d’holocaustes de la gloire humaine, et nul n’en a tracé des images plus propres à la faire aimer. […] Comme il voit toutes les choses en lui-même, il les fait pour ainsi dire à son image et leur imprime uniformément son air. […] Avec ce sermon en projet, il montait en chaire et remplissait ce cadre de mouvements, d’images, de fortes peintures, liées entre elles par les idées principales plutôt que par l’artifice des transitions. […] C’est l’image de cette lutte intérieure de nos facultés, dont parle Bossuet dans le traité de la Connaissance de Dieu et de soi-même. […] On l’a appelé l’aigle de Meaux ; si cette image n’est pas vaine, il la faut entendre aussi bien de la force de son regard que de la hardiesse de son vol.
Avec quelle précision merveilleuse cette mince plaque de verre a conservé son image. […] Il l’était, je le répète, par la qualité de la sensibilité et de l’imagination, par les idées et par les images — par sa vie même. […] Pour fixer de lui une image définitive, le sculpteur n’a eu qu’à modeler son exacte ressemblance, car, en lui, la nature fut sans hypocrisie. […] Par le mouvement de ses images, par l’incantation de son rythme, la Poésie nous berce et nous enlace en même temps qu’elle nous enivre. […] Venise, au milieu de ses lagunes, Tolède, sur son dur rocher, les palais mauresques de Grenade, les langoureux jardins de Lombardie, telles sont les images préférées de sa rêverie juvénile.
Le symbole étant défini : une figure, une image, qui exprime une chose purement morale.
Dans ses Controverses contre le Ministre Claude, on admire une dialectique profonde, une méthode lumineuse, un enchaînement de preuves, une variété d’images, une force d’expression, qui captivent l’esprit & l’attachent agréablement.
Ce chant pareil, qui revient à chaque couplet sur des paroles variées, imite parfaitement la nature : l’homme qui souffre, promène ainsi ses pensées sur différentes images, tandis que le fond de ses chagrins reste le même.
Quiconque rejette les notions sublimes que la religion nous donne de la nature et de son auteur, se prive volontairement d’un moyen fécond d’images et de pensées.
Là un cheval cabré se précipite sur une autre femme, menace de la fouler elle et ses enfans, et cette femme lui oppose ses mains au poitrail si mollement que, si l’on ne voyait que cette figure, on jurerait qu’elle colle une image contre une muraille, c’est que le reste est ainsi et qu’il n’en faut rien rabattre.
L’image d’Emma Bovary me revient. […] Les origines de cette locution, on les retrouverait dans une vieille image chère à la poésie élégiaque. […] Elle est amusante, cette vieille image ainsi renouvelée par un homme qui a le génie du pittoresque. […] Elle a présenté à nos yeux de vives et brillantes images de paix et de fraternité humaine. […] L’image est ample et belle, mais n’est pas très précise.
Les images profondes que nous portons en nous sont formées par la monotonie et le retour périodique des sensations semblables. Pour produire ces images, il faut que l’art emploie, par des procédés voulus, les mêmes modes que la nature. […] La réflexion, survenant après coup, a bientôt fait d’en dissiper les images chimériques. […] Savoir, c’est refléter ; connaître, c’est prendre en soi l’image des objets ; se connaître, c’est se regarder au miroir de son intelligence. Mais l’image n’est qu’une image.
On prend le cerveau pour une lanterne magique ; on y rassemble des sensations et des images. […] Les ruissellements d’images, la splendeur féerique n’ont pas suffi à populariser ces fresques éblouissantes, qui enthousiasmaient Heredia. […] C’est par la vie du style que Saint-Simon a conquis l’immortalité ; et Tacite, le plus grand des historiens, est avant tout un artiste de mots et d’images. […] Frères bien-aimés, écoutons et méditons chacune de ces paroles ; faisons l’homme à notre image et à notre ressemblance. […] Doit-on modifier les images et les pensées, lorsqu’elles ne répondent pas au goût civilisé des Français, ou qu’elles leur semblent exagérées, désagréables et même ridicules ?
Sans qu’il s’en doutât, il apprenait d’elle à dessiner des images à la ressemblance de son cœur, à elle, qui valait mieux que toutes ces images. […] Les associations d’idées sont ici des associations d’imagés, et d’images d’objets. […] Il a semblé aux adeptes de cette école que la vertu essentielle de la poésie était la suggestion, entendez par là le pouvoir d’évoquer des images, ou des états particuliers de l’âme, avec des rencontres de syllabes, si étroitement liées à ces images et à ces états de l’âme qu’elles en fussent comme la figure perceptible. […] Dans telle tête ressuscitent des images de sentiments, dans telle autre des images de sensations, dans une troisième des images de raisonnement. […] Il n’y a point d’éducation ni de volonté qui puisse amener dans l’intelligence la production d’images d’un certain ordre, si ces images ne surgissent point par une reviviscence instinctive.
Les Italiens mettent tant de poésie dans l’amour, que tous leurs sentiments s’offrent à vous comme des images, vos yeux s’en souviennent plus que votre cœur.
De pures images pour les yeux, une délicieuse musique pour l’oreille et des notes émues pour le cœur, tout y est.
Georges Rodenbach Ils sont exquis de sentiment, de vocabulaire, d’image, ces vers choisis au hasard dans un livre soigné, et d’un métier sur de lui-même, qui, sans rompre avec toute la tradition d’une prosodie fondée en raison, profite des acquêts nouveaux, aère l’alexandrin, ductilise le sonnet, embrume la rime jusqu’à l’assonance ; et ce n’est pas un des moindres charmes de ce poème que la netteté des impressions et des pensées en une forme fluide et flottante, comme qui dirait des figures de géométrie faites avec de la fumée.
L’Art va se traîner, image fidèle de notre décadente époque, jusqu’au réveil.
Le tempérament du poète persiste sous ses multiples aspects et à travers ses manifestations les plus diverses ; son âme n’est ni violente, ni véhémente : réservée, lointaine, insaisissable presque, elle laisse cependant parvenir jusqu’à elle les émotions de la vie, qu’elle ressent intimement, mais adoucies et purifiées, et c’est avec un art parfait que le poète les exprime et les réalise avec un luxe simple de mots et d’images.
C’est votre image que j’ai eue sans cesse devant les yeux, quand j’ai cherché à exprimer l’idéal élevé où la vie est conçue non comme un rôle et une intrigue, mais comme une chose sérieuse et vraie.
Patru a éprouvé, est l’image de celui qui est réservé à plusieurs Ecrivains de nos jours, dont la renommée n’est que le fruit des préventions d’une infinité d’esprits incapables de juger & d’estimer autrement que sur parole.
Un silence subit et pénible, des images vagues et fantastiques, succèdent au tumulte des premiers mouvements : on sent, après le cri de Pluton, qu’on est entré dans la région de la mort ; les expressions d’Homère se décolorent ; elles deviennent froides, muettes et sourdes, et une multitude d’S sifflantes imitent le murmure de la voix inarticulée des ombres.
Dans l’Aminta du Tasse, comme dans les Églogues de Virgile, le poète paraît d’autant plus parfait qu’il est moins tendu ; il semble se complaire à racheter la simplicité du sujet par l’inimitable perfection des images, des sons et des vers. […] Le sonnet du Tasse adressé à la comtesse de Scandiano semble, par l’amoureuse recherche de ses images, justifier ce commérage de palais, recueilli par la postérité, qui recueille tout des grands hommes. […] Il y a au fond du cœur des hommes nés sensibles une passion ou une maladie de plus que dans les autres hommes : c’est la passion ou la maladie des lieux qui les ont vus naître et dont le nom, le site, le ciel, les montagnes, les mers, les arbres, les images, évoqués tout à coup par un puissant souvenir, se lèvent devant leur imagination avec une telle réalité et une telle attraction du cœur, qu’il faut mourir ou les revoir. […] Le lieu, les montagnes, le climat, l’horizon, la mer, achevaient le prodige ; l’imagination se guérissait par les belles et douces images de ce délicieux séjour.
monsieur, nous le portons tous les quatre dans notre mémoire, s’écrièrent-elles, nous ne l’accepterions pas, nous savons l’usage que vous en faites depuis quatorze ans pour conserver encore l’image des lieux de votre enfance. […] Ma mère avait le plus beau chez la veuve de l’ancien maire ; le lit, gonflé de feuilles de blé de maïs, était haut comme un monticule ; des buis bénits étaient suspendus à la muraille, un bénitier en argent doré contenait de l’eau bénite ; une image coloriée du Juif-Errant donnant cinq sous au bourgeois de Bruxelles, et une gravure représentant Bonaparte faisant grâce de la vie à une dame de Berlin, dont le mari avait raconté dans une lettre à son roi l’entrée triomphale de l’Empereur des Français dans sa capitale, avec des expressions de respect pour le souverain de la Prusse, décoraient les murs. […] On dit que c’est l’image littérale de cette sainte femme auprès de laquelle tous les montagnards viennent prier. […] Nous crûmes respirer les images que vous y aviez vous-même respirées en écrivant Jocelyn.
On a peine d’abord à débrouiller cette incohérence ; cependant des courants se laissent distinguer dans ces tumultueuses ondulations ; l’on s’aperçoit qu’en dépit de tout, l’instinct classique du temps l’emporte, et organise peu à peu la littérature à son image. […] Il ne traite pas son thème à la mode lyrique : s’il abonde en descriptions, en images, en ornements, il est sensible qu’il vise déjà surtout à noter, à détailler, à expliquer des faits moraux, qu’il traite comme des réalités. […] C’est un vrai poète (il en avait l’âme et l’oreille), un amant de la campagne, qui dans le plus faux des genres, dans la pastorale dramatique, a su jeter quelques impressions profondément sincères, un doux mélancolique qui a pleuré la fuite des choses et le néant de l’homme en strophes lamartiniennes, du milieu desquelles parfois s’enlèvent puissamment de magnifiques images, des périodes nerveuses et fières. […] Comme il écrit pour des gens très raffinés, et pour cette coterie seule, il met de la finesse partout, il la fabrique avec un tortillage d’images, de plaisanteries, d’allusions, dont ils ont seuls la clef, et ainsi il est pour nous obscur et fatigant.
L’éclat pittoresque des images, l’heureuse alliance et l’habile entrelacement des sentiments familiers et des plus sublimes visions, que de merveilles n’a-t-il pas faites ! […] Il lui faut des contrastes heurtés qui fournissent au développement stratégique de ses rimes, de ses similitudes, de ses images, de ses symboles, de magnifiques occasions, de périlleux triomphes. […] Ces belles exagérations héroïques et castillanes, cette superbe emphase espagnole, ce langage si fier et si hautain dans sa familiarité, ces images d’une étrangeté éblouissante, nous jetaient comme en extase et nous enivraient de leur poésie capiteuse. […] Ils se servent d’épithètes et d’images, ils ont des alliances de termes et des surprises de rimes, des tours de phrases et des formes de pensée qui sont des réminiscences inconscientes de Victor Hugo.
La plus décente façon d’apprécier un Salon, le Salon présent, par exemple, elle serait à tenir nettement ce Salon pour un magasin, et les peintres exposants pour des industriels ; puis à établir, d’après les plus graves expertises, l’avantage que peuvent procurer ces diverses images à leurs acheteurs, et à quels acheteurs, et les prix moyens qui leur siéent. […] Elles ne sont que des signes conventionnels, devenus adéquats à ce qu’ils signifient par le résultat d’une association entre les images ; mais aussi différents, en somme, des couleurs et des lignes réelles, qu’un mot diffère d’une notion ou un son musical de l’émotion qu’il nous suggère. […] Rêveries d’une mélancolie nonchalante et harmonieuse, ces images ont un charme indécis et subtil, étrangement parisien. […] Et je sais des images cruelles de M.
Le temps est loin où l’on pouvait dire avec justice : « La critique souvent n’est pas une science, c’est un métier, où il faut plus de santé que d’esprit, plus de travail que de capacité, plus d’habitude que de génie2. » De nos jours elle est devenue non pas une science sans doute3, mais un art tour à tour savant et ingénieux, qui tantôt déroule avec une grandeur imposante les annales de la pensée d’un peuple, tantôt dessine avec finesse le portrait et le caractère d’un homme ; ici, dans une causerie facile, nous fait confidence de toutes ses émotions, et se raconte lui-même avec un charmant égoïsme ; là, dans une brillante improvisation, retrouve en quelque sorte l’image de l’éloquence antique, et tient suspendu à ses lèvres un jeune auditoire charmé de voir la pensée éclore à chaque instant sous ses yeux. […] Les images des objets réels ne sont pour vous que des moyens : la nature vous fournit la couleur : c’est à vous de conduire la brosse. […] Leur esprit est comme cette lame métallique où la lumière laisse des images fidèles, si l’on veut, mais laides et décolorées. […] « Si l’on accorde à l’art la haute mission de représenter le vrai dans une image sensible, il ne faut pas soutenir qu’il n’a pas son but en lui-même, etc. » Hegel, Esth.
C’était le trompe-l’œil d’une facture matérielle que l’on croit supérieure parce qu’elle est très compliquée et dont le procédé fondamental, j’oserai dire le procédé maniaque, soit en vers, soit en prose, soit en poésie lyrique, soit dans le drame, soit dans le roman, n’est rien de plus cependant qu’une antithèse, — l’opposition de deux images ! […] Hémistiches alternés et pondérés, balance exactement équilibrée, périodes mesurées, sévérités rythmiques, splendeur de vocabulaire, majesté d’images, voilà les caractères essentiels, grands et profonds, qui ont toujours distingué le vers, dans les œuvres lyriques ou dramatiques de tous les âges. […] Du reste, quand nous avons parlé de ces quelques beaux cris paternels passant à travers l’emphase et la poussée d’images qui obsèdent l’esprit de M. […] littérairement et nonobstant le rude travail de forgeron qui a martelé cette poésie, cette pièce (l’une des mieux fabriquées) est d’un grotesque involontaire et d’une fausseté d’images qui montre que l’imagination dans M.
Il était toujours poète dans sa conversation. » Mais les images familières de Suhm étaient presque toujours prises de la mythologie des Scandinaves et des Eddas ; et pour l’étranger, même le plus alerte et le plus intelligent, il s’en perdait quelque chose. […] Bonstetten n’était cependant pas insensible et fermé à l’aspect pittoresque et aux beaux effets de tristesse morale : « Rome, disait-il alors, ne présente partout que l’image de la destruction et des vicissitudes humaines. […] Moi, j’aurais un plaisir immodéré à écrire dans une langue neuve qui recevrait jusqu’aux moindres nuances de ma pensée et me donnerait comme une place pure l’image la plus vraie de mon âme.
» M. de Balzac a fréquemment, et à son insu peut-être, l’image lascive, le coup de pinceau vagabond et sensuel. […] Je la citerai ici pour montrer à M. de Balzac un excellent modèle en certaines parties de lui-même, et pour dédommager le lecteur de ces querelles de langue par une plus gracieuse image. […] Quel homme n’a pas plusieurs de ces vierges souvenirs qui, plus tard, se réveillent, toujours plus gracieux, apportant l’image d’un bonheur parfait ; souvenirs semblables à ces enfants perdus à la fleur de l’âge, et dont les parents n’ont connu que les sourires ?
Ton eau silencieuse en son paisible cours Présente à mon esprit l’image de la vie : Elle semble immobile et s’écoule toujours. […] Une image physique très-précise s’insère quelquefois, s’incruste, pour ainsi dire, dans une trame d’ailleurs toute abstraite ; et quoique ce puisse être très-juste de sens à la réflexion, cela a fait faire de prime abord un petit soubresaut18. […] En parlant des mots d’abord nobles, de quelques mots employés par Malherbe lui-même, mais qui finirent par être déshonorés dans un emploi familier, et qu’il fallut expulser alors de la langue de choix : « C’est le cheval de parade, dit-il, qui, sur ses vieux jours, est envoyé à la charrue20. » Ailleurs (préface du troisième volume), quand, voulant marquer que la poésie d’une époque exprime encore moins ce qu’elle a que ce qui lui manque et ce qu’elle aime, il dit : « C’est une médaille vivante où les vides creusés dans le coin se traduisent en saillies sur le bronze ou sur l’or, » ceci n’est-il pas frappé, de l’idée à l’image, comme la médaille même ?
L’idée de placer la France du dix-septième siècle à la tête de l’Europe intellectuelle, de faire accepter de tout le monde l’appellation du Siècle de Louis XIV, de présenter à l’esprit humain, comme sa plus parfaite image, l’esprit français personnifié dans nos écrivains, nos savants et nos artistes, cette idée-là ne vint à Voltaire ni d’un besoin public, ni d’une invitation de la mode. […] Il manque au livre de Voltaire, pour être l’image la plus exacte du grand siècle, l’élévation morale. […] Le luxe, les arts, les commodités de la vie, y sont au premier rang ; il fait la civilisation à l’image de sa vie.
La grâce des plus belles statues lui est odieuse ; leur beauté n’est plus, car elles n’ont pas d’yeux. » — Image touchante d’une inexprimable tendresse. […] Toute chaude du souffle divin, je m’étendrai bientôt sur la terre. » Le Chœur se plaint de l’obscurité de ses prédictions ; elle lui répond par cette triste et gracieuse image, où brillent les larmes de la vierge qui ne connaîtra pas les joies de l’hymen : — « Eh bien ! […] Chaque image reflète une lueur de vision subite, chaque vers part comme un trait dardé.
. — C’était la fragile image d’un songe : il ne cause pas le plus léger trouble. » La Grèce connut peu la mélancolie ; une éducation héroïque, admirablement impartiale entre la culture du corps et de l’âme, y détruisait en germe ses premiers symptômes. […] De même la race des humains naît et s’écoule. » — Dans une de ces odes de Pindare, hérissées de lauriers et drapées de pourpre, retentissantes du chant des clairons, qui ressemblent à des processions triomphales, apparaît l’image et rapide et voilée d’une jeune femme blessée par une douleur mystérieuse : — « Elle n’avait plus le courage de s’asseoir à une table nuptiale ni de mêler sa voix aux chants d’hyménée. […] Son cœur s’élève à la hauteur des images de domination qui l’entourent, et, au lieu de plaintes et de sanglots, un hymne éclate sur ses lèvres, l’hymne de la toute-puissance, de la majesté de la monarchie triomphante.
Dès le premier jour, il fut dans l’arène, et on peut dire, en lui empruntant une de ses images, qu’il entra dans la Restauration en rugissant. […] Voilà qui est tout à fait joli et séduisant : on arrive à un symbole politique par une image. […] Nous parlant des conférences et réunions particulières qui précédèrent l’entrée de MM. de Villèle et Corbière au Conseil et dont il était l’un des principaux moteurs, M. de Chateaubriand se complaît à tracer de ses collègues des caricatures plus ou moins grotesques ; il nous étale les fronts chauves de tous ces Solons peu soignés : « C’était bien vénérable assurément, dit-il, mais je préférais l’hirondelle qui me réveillait dans ma jeunesse, et les Muses qui remplissaient mes songes. » Et il continue de se jouer avec ces images de cygne et d’aurore.
Et voir laver la planche, la voir noircir, la voir nettoyer, et voir mouiller le papier, et monter la presse, et étendre les couvertures, et donner les deux tours, ça vous met des palpitations dans la poitrine, et les mains vous tremblent à saisir cette feuille de papier tout humide, où miroite le brouillard d’une image à peu près venue. […] Et rien ne la dit, rien ne la montre comme une image, cette belle gravure des Comédiens-Français de Watteau. […] C’est de lui-même qu’il en tire l’image.
C’est amusant, l’installation d’un journal à images naissant, avec ses divans qui ne sont encore que des planches, l’essai de ses cornets acoustiques qu’on pose, les épreuves de Gillot voletant sur le bureau, la paperasserie en désordre de la copie des feuilles destinées à faire le premier numéro, les allées et les sorties de messieurs qui s’en vont, après un petit entretien avec le rédacteur en chef dans un coin du bureau. […] Il disait qu’aujourd’hui encore, il avait dans son cabinet un portrait d’elle, au-dessus d’un divan, et que lorsqu’il rentrait fatigué du palais, il faisait une sieste sur ce divan, s’endormant les yeux sur l’image de l’assassine. […] Au fond dans les tableaux hippiques, il y a une convention pour le galop… On fait tous les chevaux galopants maintenant, à l’image de Pégase, les quatre pieds dans l’air, et le dévorant… et jamais le galop, à moins d’un éloignement infini, ne se présente ainsi… Enfin c’est la mode moderne… Le curieux, tu connais les bas-reliefs du Parthénon, eh bien, je les ai étudiés à fond, c’est extraordinairement juste… bien plus juste que tous les Horace Vernet du monde… Il y a là dedans une volte d’un cheval sur ses pieds de derrière… c’est d’une rouerie… Oui, dans ces bas-reliefs, c’est tout le contraire, du galop contemporain… toujours les deux jambes de derrière sont ramassées sous l’arrière-train… pourquoi cela ?
Ceci serait un conte philosophique très intéressant, qui pourrait être plus ou moins sentimental, ou plus ou moins moral, ou plus ou moins amer, et qui, en tout cas, se terminerait comme moralité, par les vers de Musset, par les vers de Rodolphe dans l’Idylle, de Musset : Quand la réalité ne serait qu’une image Et le contour léger des choses d’ici-bas, Me préserve le ciel d’en savoir davantage ! […] « … Pour ce qui me touche, je prends un plaisir extrême à vous voir en peine ; d’autant plus que votre imagination ne se forge guère de monstres, j’entends d’images de ma personne, qui ne soient très agréables. […] L’image de ces biens rend mes maux cent fois pires ; Ma mémoire me dit : « Quoi, Psyché, tu respires, Après ce que tu perds ?
Puis nous sommes partis en traînant nos fusils sur le parquet… C’est comme une image d’Épinal, un de ces moments de poésie et de légende qu’on croirait n’exister que dans les livres… Avant qu’il s’éloigne de chez nous et de cette Lorraine dont il disait « Lorraine si verte avec ses coteaux, ses rivières, ses pâturages et ses forêts, nous y reviendrons en pèlerinage après la guerre », avant qu’il meure, prenons de ce jeune Provençal une dernière image dans la campagne de Bar-le-Duc : Nous étions dans un verger, couchés, attendant des ordres. […] Acceptation du sacrifice, sentiment d’une haute présence à côté d’eux, les voilà le plus souvent, et s’il fallait une image pour les symboliser, je n’en vois pas de plus vraie que celle qui sort d’une phrase que Bernard Lavergne, le treizième enfant du peintre verrier Claudius Lavergne, écrit à sa famille : « … Ce soir, départ pour la tranchée.
Je ne prétends pas avoir donné en ces quelques lignes une image fidèle et nette de ces trois hommes, qui ont joué des rôles divers, mais capitaux, dans l’évolution de la pensée moderne ; mais si j’ai réussi à montrer l’objet commun de leurs réalisations et de leurs efforts, c’est-à-dire la poursuite de plus en plus réelle, de plus en plus parfaite, de plus en plus riche d’une claire possession de la vie, de ses millions de formes, de sa liberté et de sa mobilité infinies, j’aurais suffisamment rempli mon but qui est de concentrer l’attention sur ce point central. […] Nous sentons clairement, irrésistiblement, sans nulle hésitation, sans nulle obscurité, que le Dieu qui trônait dans l’azur céleste, monstrueuse image de l’absolue monarchie, s’est effacé comme un mauvais rêve, comme un hallucinant cauchemar, d’où les premiers rayons du jour viennent nous arracher. […] Et cette Solidarité des Élites n’est que l’image, la lointaine projection d’une solidarité à laquelle l’homme le plus humble de la rue, l’homme le plus fruste des champs prendra sa part aussi bien que l’homme de science ou le politique.
Même observation encore s’il en avait deux, si c’était un univers superficiel, toile indéfinie sur laquelle se dessineraient indéfiniment des images plates l’occupant chacune tout entière : la rapidité de succession de ces images pourra encore devenir infinie, et d’un univers qui se déroule nous passerons encore à un univers déroulé, pourvu que nous soit accordée une dimension supplémentaire. Nous aurons alors, empilées les unes sur les autres, toutes les toiles sans fin nous donnant toutes les images successives qui composent l’histoire entière de l’univers ; nous les posséderons ensemble ; mais d’un univers plat nous aurons dû passer à un univers volumineux.
et si, dans la pensée du poëte, cette fiction était l’image des combats que soutient ici-bas la vérité contre la violence, si le Prométhée d’Eschyle représentait l’être supérieur qui se dévoue pour éclairer les hommes, qui d’abord en porte la peine, sous la torture des fers et de l’inaction, puis est délivré, reprend son œuvre et la voit accomplie ; si l’enseignement moral de cette gradation tragique paraissait tellement vraisemblable que plus d’un père de l’Église a cru pouvoir, sans profanation, reconnaître dans les souffrances de Prométhée un type précurseur de celles du Christ, quelle ne devait pas être l’illusion pathétique de ces trois drames humains, dans leur ensemble et leur péripétie dernière ! […] Eschyle était pour la Grèce l’image de cette poésie patriotique et guerrière, célébrant Salamine victorieuse, comme, un siècle auparavant, elle en avait décidé la conquête au profit d’Athènes. […] » N’y a-t-il pas là comme l’image chantante de ce peuple d’Athènes, entre sa place publique et son théâtre, les fêtes de ses temples et les discours de ses orateurs ?
Le Souvenir serait une vraie élégie si la fin répondait au commencement ; mais l’expression abstraite gâte l’effet : il y manque l’image. […] Il ne songe pas à rehausser et à redorer son cadre, à rajeunir ses images de bordure et de lointain par l’observation de cette nature nouvelle, qu’il avait eue pourtant sous les yeux et qu’il éteignait sous des couleurs un peu vagues : il estimait que Bernardin de Saint-Pierre l’exagérait et la rendait trop ; lui, il ne la rendait pas.
Heureux qui de son cœur voit l’image apparaître Au flot d’un verbe pur comme en un ruisseau clair, Et peut manifester comment frémit son être En faisant frémir l’air ! […] Il y a eu dans les derniers temps un essai violent de réaction contre le charmant et très aimé poëte de Rolla et des Nuits ; on s’est ennuyé sans doute de le voir un peu trop loué et un peu surfait : une invasion toute fraîche de jeunes et altiers puritains, guidés par M. de Ricard, prétendait briser son image et l’arracher de l’autel.
Si l’on accuse certaines personnes, et les femmes surtout, de manquer de logique, c’est que, dans leurs raisonnements, les images viennent brusquement expulser les idées, et introduire des objets concrets qui intéressent la sensibilité : l’argumentation commencée selon l’ordre de la raison se poursuit selon l’ordre du cœur ; la conclusion n’a plus la valeur d’une nécessité universelle, mais d’une volonté individuelle. […] Il y a là, si l’on veut, une sorte de contradiction nécessaire et innocente, qui fait que le pessimiste, épris du néant, a droit de vivre, de jouir, d’aimer les bonnes et belles choses ; que le déterministe délibère tout comme le croyant au libre arbitre, et accepte devant les hommes la responsabilité de ses actes : tout comme on se sert dans le langage de mots et d’images qui impliquent mille croyances et une conception de l’univers que nos pères des antiques tribus aryennes s’étaient faites, et que nous avons réformées depuis des siècles.
Il ramenait l’idée à l’image et l’image à la sensation.
Chaque génération lit sa pensée ou son idéal dans les chefs-d’œuvre de la littérature ; chaque siècle les refait à son image. […] Un esprit gagné à la fine psychologie de Marcel Proust, et à la métaphysique qui s’y implique, soutiendrait sans doute que le moi et le non-moi sont inséparablement mêlés dans nos perceptions et notre connaissance, que s’il y a une réalité extérieure, elle ne se révèle à nous que par des réactions qui ne sont jamais les mêmes au même instant chez deux hommes, ni chez le même homme à deux moments différents, que nous sommes dans l’impossibilité de choisir entre les vingt images d’une personne que la vie a mises en nous, qu’il n’y en a pas une qui soit la seule vraie ni la plus vraie, ou que toutes sont vraies également, sans que nous puissions y distinguer ce qui est de l’objet perçu et ce qui est du sujet sentant.
Telles sont les images, évidemment incomplètes, qui me viennent à l’esprit au moment où j’évoque le crâne chauve, la barbe hirsute, les petits yeux obliques, le nez kalmouk, le visage ravagé, l’âme sensuelle et dolente de Paul Verlaine… Il a donné du jour, de l’air, et une sorte de fluidité frémissante aux vers et à la strophe, qu’avait durcie et glacée la discipline des Parnassiens. […] Quelle que soit donc la valeur de Banville et de Leconte de Lisle, ils apparaissent tributaires ; ils ne brillent point suffisamment d’un feu personnel ; ils sont soit les pairs, soit les vassaux magnifiques de celui qui fut l’énorme poète de notre siècle et qui tint aussi, comme Charlemagne, l’image d’un monde entre ses mains.
Elle substitue au monde réel et à la vie pratique ou nous devons déployer notre activité utile et remplir notre tâche d’êtres moraux, une image de rêve, un mirage qui nous abuse et nous égare. […] Sans doute l’idée du néant n’est pas par elle-même esthétique : mais elle peut s’exprimer au moyen d’images et de formes esthétiques.