. — C’est dans ce haut esprit de dévouement que Pasquier ne craignit pas de s’opposer à Henri IV lui-même pour l’enregistrement d’un édit qui allait à démembrer la Cour des comptes, et cela pendant le séjour du Parlement à Tours, c’est-à-dire pendant que les magistrats loyaux partageaient les fortunes diverses du Béarnais et son exil de Paris. […] Louis XIV asservit le Parlement, Louis XV le craignit : « Vous ne savez pas ce qu’ils font et ce qu’ils pensent, disait-il à ses intimes, c’est une assemblée de républicains… » À ce moment, la théorie en question, qui avait besoin d’une condescendance, d’une confiance et d’une foi réciproque, cette théorie où il entrait, on l’a vu, je ne sais quelle illusion platonique, était totalement perdue ; il n’y eut plus après que de grands et beaux noms qui jusqu’à la fin, et en présence de l’échafaud, attestèrent les races généreuses.
Le principe qui dirigea Montaigne dans toute son administration fut de n’aller qu’au fait, au résultat, et de ne rien accorder à l’éclat et à la montre : « À mesure qu’un bon effet est plus éclatant, pensait-il, je rabats de sa bonté. » Car il est toujours à craindre qu’il n’ait été produit, plutôt pour être éclatant que pour être bon : « Étalé, il est à demi vendu. […] On est au mercredi 22 mai 1585 ; il est nuit, Montaigne veille, et il écrit au gouverneur de la province. » La lettre, qui est d’un intérêt trop particulier et trop local pour être insérée ici, peut se résumer en ces mots : Montaigne regrette l’absence du maréchal de Matignon et craint qu’elle ne se prolonge ; il le tient et le tiendra au courant de tout, et il le supplie de revenir aussitôt que les affaires le lui permettront : « Nous sommes après nos portes et gardes, et y regardons un peu plus attentivement en votre absence… S’il survient aucune nouvelle occasion et importante, je vous dépêcherai soudain homme exprès, et devez estimer que rien ne bouge si vous n’avez de mes nouvelles. » Il prie M. de Matignon de songer pourtant qu’il pourrait bien aussi n’avoir pas le temps de l’avertir, « vous suppliant de considérer que telle sorte de mouvements ont accoutumé d’être si impourvus que, s’ils devoient avenir, on me tiendra à la gorge sans me dire gare ».
Est-il besoin de dire qu’il ne faisait aucun cas de la littérature de son temps, ni de celle de l’Empire, ni, je le crains bien, de celle qui vint depuis ? […] Et ici j’aborderai franchement l’objection avec Courier, et je ne craindrai pas de montrer en quoi je le trouve étroit, fermé, négatif et injuste.
« On devrait, disait Boileau, ordonner le vin de Champagne à ceux qui n’ont pas d’esprit, comme on ordonne le lait d’ânesse à ceux qui n’ont point de santé : le premier de ces remèdes serait plus sûr que l’autre. » Boileau dans son bon temps ne haïssait pas lui-même le vin de Champagne, la bonne chère, le train du monde ; il se ménageait moins à cet égard que son ami Racine, qui soignait sa santé à l’excès et craignait toujours de tomber malade. […] Racine, je le crains, aurait fait plus souvent des Bérénice ; La Fontaine moins de Fables et plus de Contes ; Molière lui-même aurait donné davantage dans les Scapins, et n’aurait peut-être pas atteint aux hauteurs sévères du Misanthrope.
Je crains Berlin pour cette raison, et j’aurai bien de la peine à me sevrer des agréments que me procuraient autrefois dans cette ville l’amitié et la société de deux personnes que je regretterai toute ma vie (Jordan et Keyserlingk). […] Mais le plus souvent il craint de donner à son ami des regrets en lui parlant des choses auxquelles celui-ci ne peut plus participer.
Si élevé et même si tendu qu’il soit quelquefois, Édelestand du Méril ne craint pas d’employer l’expression moderne et même basse, et de rappliquer brutalement aux choses antiques, pour faire saillir les analogies qui existent entre le monde moderne et l’antiquité. […] … Ces nerfs titillés ne sont pas, en fait de critique, de cette terribilité que Sainte-Beuve pourrait craindre… Plus Français qu’Édelestand du Méril n’est Allemand, Sainte-Beuve et Taine se soucient assez peu, allez !
il n’est pas à craindre que femme plus belle ait vu la lumière du jour sortir du sein de l’Océan. […] La mère sacrilège, se prostituant à son fils trompé, n’a pas craint de rendre complices de son crime les dieux domestiques.
Les beautés vraiment lyriques où il s’est élevé, ce sont ses souvenirs des Alpes et de l’Allemagne, des paysages magnifiques et des vertus simples de la Suisse ; c’est enfin sa douleur, quand il voit la liberté de ce peuple menacée par l’invasion républicaine de la France ; c’est son indignation, sa fureur de résistance, quand il craint pour l’Angleterre la même menace et la même profanation. […] Ne craignons pas d’en recueillir encore le pur et gracieux témoignage dans d’autres vers, où le même amour est entouré et comme pénétré de cette douce et brûlante vapeur de l’Inde.
Je crains pourtant, dans tout ce qui précède, de n’être pas assez juste.
Sans doute cette faculté puissante et féconde, à laquelle nous devons tant de nobles jouissances, tant d’heures d’une émotion pure, tant de créations merveilleuses qui sont devenues une portion de nous-mêmes et de nos souvenirs, sans doute cette belle faculté commençait à faiblir sensiblement ; on n’osait plus en attendre des chefs-d’œuvre comparables aux anciens ; on craignait même de la voir se complaire dans une postérité de plus en plus débile, comme il arrive aux plus grands hommes en déclinant comme le bon Corneille ne sut pas assez l’éviter dans sa vieillesse.
Et quand on croit l’avoir bien aperçu et qu’on l’exprime avec assurance, pour ne point avoir à craindre de rencontrer des observateurs informés de plus près, est-on plus certain d’avoir pénétré par conjecture jusqu’à l’intime vérité ?
La recherche d’une brièveté télégraphique, qui compte les lettres et les syllabes, et qui en craint la dépense, a introduit en français beaucoup de barbarismes.
Elle a redouté de recevoir alors plus que sa récompense : elle a craint la statue.
Ses vers, pareils à des diamants pâles, respirent un tel détachement de vivre, qu’en vérité… ce serait à craindre quelque fatal renoncement chez ce poète, si l’on ne savait pas que, tôt ou tard, les âmes limpides sont toujours attirées par l’espérance.
On n’a pas à craindre de se tromper en citant : El Perro del hortelano, La Discreta enamorada, El Acero de Madrid, de Lope de Vega ; El Desden con et desden, de Moreto ; Casa con dos puertas mala es de guardar, de Calderon, etc.
Elle ne peut donner au physicien qu’un langage commode ; n’est-ce pas là un médiocre service, dont on aurait pu se passer à la rigueur ; et même, n’est-il pas à craindre que ce langage artificiel ne soit un voile interposé entre la réalité et l’œil du physicien ?
On proscriroit sur-tout ces Bureaux d’esprit où l’on anathématise les meilleurs Ouvrages, quoiqu’on ne puisse s’en dissimuler le mérite ; où l’on encense la médiocrité, parce qu’elle est en état de protéger ou de nuire ; où l’on n’admet tant d’adorateurs stupides, que pour en faire des écho, dont la voix ira d’oreille en oreille déifier tous les Membres du tyrannique Sénat, & promulguer ses intrépides Arrêts ; nous aurions la douce joie de voir couler le lait & le miel à côté de l’Hipocrene, de pouvoir cueillir les fruits du sacré Vallon, sans redouter ceux de la Discorde, de dormir sur le Parnasse sans craindre de réveils fâcheux ; nous verrions renaître en un mot l’âge d’or de la Poésie, & le Monde savant retraceroit le modele de cette République, dont M.
De tous temps les fantasmagories nocturnes ont craint et repoussé les témoins.
Ils se respectèrent & se craignirent encore plus qu’ils ne s’aimèrent.
Les anti-Uranistes, ou Jobelins, préféroient le sonnet de Job à celui d’Uranie : Job, de mille tourmens atteint, Vous rendra sa douleur connue : Mais raisonnablement il craint Que vous n’en soyez pas émue.
Il dit qu’Addisson condamne avec des louanges affectées, qu’il approuve avec une politesse maligne ; qu’il ne raille point, mais qu’il excite à railler ; qu’il voudroit blesser, mais qu’il craint de frapper ; qu’il fait penser à la faute qu’il remarque, mais qu’il hésite à la condamner ; qu’également réservé dans sa critique & dans ses louanges, il est à la fois ennemi timide & ami peu sur.
C’est un parti qu’il faut nous décider à prendre, si nous commençons à craindre que l’attention ne se lasse, et surtout qu’à voir ainsi défiler triomphalement tant d’auteurs, le sentiment des distinctions et des distances qui les séparent ne finisse par s’y abolir.
Ne doit-on pas craindre que cette fureur de ramener nos connaissances à des signes physiques, de ne voir dans les races diverses de la création que des doigts, des dents, des becs, ne conduise insensiblement la jeunesse au matérialisme ?
Racine, sans craindre d’ôter le merveilleux de l’entreprise de Mithridate, pouvoit bien encore accorder six mois de marche à son armée qui avoit sept cens lieuës à faire pour arriver à Rome.
Quoi qu’il en soit, on ne peut disconvenir qu’Adam n’ait été souverain du monde, comme Robinson de son île, tant qu’il en fut le seul habitant ; et ce qu’il y avait de commode dans cet empire était que le monarque, assuré sur son trône, n’avait à craindre ni rébellions, ni guerre, ni conspirateurs. » Telle est la froide bouffonnerie qui ouvre le Contrat social.
Mais si vous ajoutez que ledit coquebin est un roi, et un roi de ce pays gaulois qu’on appelle la France, la France, qui ne craint pas que le ciel lui-même tombe sur sa lance !
C’est qu’au lieu de lécher d’une langue efféminée cette blessure, qui saigne au flanc du siècle, on l’aurait débridée, élargie ; on n’eût pas craint de porter dans sa profondeur un fer courageux ou la flamme.
Cochin, à qui je ne crains pas de m’associer en cette occasion — de s’inspirer dans les questions religieuses du principe supérieur de la tolérance… Je dis que sur ce point vous pouvez compter à la fois et sur la vigilance du gouvernement pour maintenir les droits de l’État, et sur l’esprit nouveau qui l’anime (Applaudissements répétés au centre et à droite)… Cet esprit nouveau, c’est l’esprit qui tend, dans une société aussi profondément troublée que celle-ci, à ramener tous les Français autour des idées de bon sens, de justice et de charité qui sont nécessaires à toute société qui veut vivre… » (Vifs applaudissements sur les mêmes bancs.
On craint que leurs noms même ne se heurtent et ne se froissent dans la foule ; et il faut que les autres noms se rangent par respect.
Je crains pour eux l’indifférence et l’ironie de nos fils. […] Il a craint de s’abandonner à son essor naturel. […] Le nôtre craint également, avec juste raison, la victoire et la défaite. […] Il craint peu les officiers, car il n’a pas souvent l’occasion de les voir. […] Ici, point de mystification ni de mensonge à craindre.
Pourtant, il frissonne ; et il craint de cédera des illusions, aux mêmes illusions « qui nous perdirent en l’année terrible ». […] Un jour, le gaillard ne craint personne : il a confiance d’avoir accompli son chef-d’œuvre. […] Joachim Merlant n’a pas craint de leur poser des questions nouvelles. […] craignons de lui attribuer un système : il eût dédaigné le mot, refusé cette prison pour ses idées. […] Les sciences véritables ont une liberté meilleure et ne craignent pas l’hypothèse : l’histoire, qui est une science à peine, craint l’hypothèse et, quelquefois, n’évite pas toute espèce de pharisaïsme.
Disons-le, puisque nous avons la certitude que ces lignes ne seront lues que par des personnes intelligentes : un gouvernement qui aura pour unique désir de s’établir en France et de s’y éterniser aura désormais, je le crains, une voie bien simple à suivre : imiter le programme de Napoléon III, moins la guerre. […] Mais on peut craindre qu’avec des ressources infinies de courage, de bonne volonté, et même d’intelligence, la France ne s’étouffe comme un feu mal disposé. […] Le jour où nous l’avons abandonné à lui-même, la machine brutale s’est détraquée ; je crains qu’il ne faille la remiser pour des siècles. […] Hyacinthe, si un mouvement de réforme, dis-je, entraînant le mariage des prêtres de campagne et le remplacement du bréviaire par un enseignement presque quotidien, était possible, il faudrait l’accueillir avec empressement ; mais je crains que l’Ëglise catholique ne se roidisse et n’aime mieux tomber que de se modifier. […] Certes, la crise de 1870-1871 est bien plus profonde que celle de 1848 ; mais on peut craindre que le tempérament du pays ne prenne encore le dessus, que la masse de la nation, rentrant dans son indifférence, ne songe plus qu’à gagner de l’argent et à jouir.
Sur César, il sait très-bien accueillir par un éclat de rire un des faiseurs de romans d’alors qui, pour se venger de ce que le conquérant avait appelé les Gaulois des barbares, n’avait pas craint de décider que César était peu cavalier. […] C’étoit un homme avancé en âge, fort timide et d’une foible constitution ; mais il aimoit à se faire craindre, et parce qu’il avoit cru que ces dogues m’avoient épouvanté, il me dit qu’il seroit bien dangereux de se promener la nuit autour de chez lui ; et me faisant entrer dans une salle, il me demanda ce que je cherchois : Je suis, lui dis-je, un homme de lettres qui me mêle d’instruire les jeunes gens. — Vous êtes propre et leste, reprit-il ; mais n’avez-vous ni bonnet ni chemise, et marchez-vous comme cela sans hardes ? […] Vous, Mitton, le couvrez ; vous ne l’ôtez pas pour cela… » En effet, selon Mitton, « pour se rendre heureux avec moins de peine, et pour l’être avec sûreté sans craindre d’être troublé dans son bonheur, il faut faire en sorte que les autres le soient avec nous » ; car alors tous obstacles sont levés, et tout le monde nous prête la main. […] Sur le maréchal de Clérembaut (Palluau), plus adroit courtisan que grand guerrier, on peut voir les Mémoires de Mme de Motteville, 31 mars 1649. — Je craindrais pourtant de ne pas donner une idée assez favorable du maréchal, si je n’indiquais un passage de Saint-Évremond dans un très-agréable morceau sur la Retraite, et encore dans la Conversation avec le duc de Caudale.
Il ne l’avait pas voulu tant qu’il avait pu craindre une nouvelle attaque. […] Thiers, résumée à la fin de ses livres les plus sanglants et les plus cadavéreux, sur des plaines changées en sépulcres pour la gloire d’un homme ; toute cette philosophie et toute cette morale se bornent à un léger avertissement, timidement adressé à son héros, de se modérer un peu dans l’excès de son ambition et de craindre les retours de fortune, ces vengeances voilées de la destinée. […] Encore une fois, non ; son histoire est sans vertu, bien qu’elle ne soit pas sans honnêteté, mais honnêteté bourgeoise et timide qui semble craindre d’aborder corps à corps une si grande ombre ! […] Ces trois choses sont : un fort sentiment de gouvernement, une puissante science de l’administration, une haute glorification de la guerre quand elle est juste ; ces trois choses sont trois nécessités, et, nous ne craignons pas de le dire, trois vertus des civilisations nationales chez les peuples modernes.
« Moi qui craignais quelque mauvais coup de la part de ces gens-là, je résolus de me défendre, et je mis mon arquebuse en état ; ils refusent, me disais-je, de me donner le prix de mon travail, et ils veulent encore ma vie ! […] Ils se levèrent de table, et me prièrent de leur prêter secours ; mais je leur dis en riant qu’ils n’avaient rien à craindre, et que j’étais homme à pouvoir les défendre ; que je leur demandais seulement leurs bons offices pour bander ma blessure. […] Tantôt j’avais envie de mettre le feu à sa maison, tantôt de lui estropier quatre bons chevaux qu’il avait dans son écurie ; mais je craignais que Tribolo ne pût se sauver avec moi. […] Que Votre Sainteté ne craigne rien, lui dis-je, je ferai et je parlerai encore mieux !
Il craint que les choses soient en train de mal tourner pour lui. […] Diable, moi qui ne peux lire, chez moi, une page de ma prose à deux ou trois amis, sans un tremblement dans la voix, je l’avoue, je suis plein d’émotion, et crains que mon discours ne s’étrangle dans mon larynx, à la dixième phrase. […] Oui, il était foncièrement bon, Flaubert, et il pratiqua, je dirais, toutes les vertus bourgeoises, si je ne craignais de chagriner son ombre avec ce mot, sacrifiant un jour sa fortune et son bien-être à des intérêts et à des affections de famille, avec une simplicité et une distinction, dont il y a peu d’exemples. […] * * * Eh bien, non, ça s’est passé mieux que je ne croyais, et ma voix s’est fait entendre jusqu’au bout, dans une bourrasque impétueuse qui me collait au corps ma fourrure, et me cassait sous le nez les pages de mon discours, — car l’orateur ici est un harangueur de plein air ; — mais mon émotion, au lieu de se faire aujourd’hui dans la gorge, m’était descendue dans les jambes, et j’ai éprouvé un trémolo qui m’a fait craindre de tomber, et m’a forcé à tout moment de changer de pied, comme appui.
Pendant vingt ans et davantage, cette injure qu’il ne craignait pas, qui ne troublait pas la bonne humeur de sa force, l’a travesti en je ne sais quel condottiere superbe, impassible à la honte ; et c’était vrai : il était impassible à celle qu’on voulait lui faire pour fausser ses armes ou pour le désarmer. […] Ce qui frappe d’abord et ce qui plaît dans cette loyale histoire, c’est la franche et vaillante bonne foi qui y jette sa lumière et que l’auteur n’a pas craint de voir se retourner… jusque contre lui. […] Les jugements qu’il porte sur eux, non seulement attestent cette volonté de s’abstraire de son temps qui fait la moralité d’une histoire contemporaine, mais, nous ne craignons pas de l’affirmer, ils seront, à bien peu de choses près, l’opinion de l’avenir. […] je ne crains pas de le dire, cela seul, et quel que soit le livre, est déjà très intéressant, et, ma foi !
On veut trop faire fortune aujourd’hui, et on craint trop de la perdre quand on l’a faite : c’est le mal général qui afflige aujourd’hui l’Europe ; car, Dieu merci, on a beau dire, nous ne sommes pas les seuls qui méritions des reproches. […] Et puis l’ambition lui est venue : du moment qu’il n’est plus un simple particulier, jouissant à son gré des douceurs et des agréments de la société, il n’y a plus qu’à être un homme public occupé et utile ; il résume en termes parfaits cette alternative : « Être libre et maître de son loisir, ou remplir son temps par des travaux dont l’État puisse recueillir les fruits, voilà les deux positions qu’un honnête homme doit désirer ; le milieu de cela ressemble à l’anéantissement. » De Versailles, certains ministres, qui craignaient son retour, lui tendaient des pièges ; on employait toutes sortes de manèges dont le détail nous échappe, pour l’immobiliser là-bas dans ses lagunes : « Je vois clairement, disait-il, que, par ces artifices, on trouvera le secret de me faire rester les bras croisés dans mon cul-de-sac. » Duverney le conseillait et le calmait dans ces accès d’impatience, qui sont toujours tempérés de philosophie chez Bernis, et qui ne vont jamais jusqu’à l’irritation : Tout ici-bas dépend des circonstances, lui écrivait Duverney, et ces circonstances ont des révolutions si fréquentes, que ce que l’on peut faire de plus sage est de se préparer à les saisir au moment qu’elles tournent à notre point.
Élever les demoiselles « chrétiennement, raisonnablement et noblement », était le but, mais il y avait à craindre que ce noblement ne menât au mépris de l’humilité, que ce raisonnablement ne menât au besoin de raisonner. […] » Une haute idée, c’est que les Dames de Saint-Louis étant destinées à élever des demoiselles qui deviendront mères de famille et auront part à la bonne éducation des enfants, elles ont entre leurs mains une portion de l’avenir de la religion et de la France : « Il y a donc dans l’œuvre de Saint-Louis, si elle est bien faite et avec l’esprit d’une vraie foi et d’un véritable amour de Dieu, de quoi renouveler dans tout le royaume la perfection du christianisme. » La fondatrice leur rappelle expressément qu’étant à la porte de Versailles comme elles sont, il n’y a pas de milieu pour elles à être un établissement très régulier ou très scandaleux : « Rendez vos parloirs inaccessibles à toutes visites superflues… Ne craignez point d’être un peu sauvages, mais ne soyez pas fières. » Elle leur conseille une humilité plus absolue qu’elle ne l’obtiendra : « Rejetez le nom de Dames, prenez plaisir à vous appeler les Filles de Saint-Louis. » Elle insiste particulièrement sur cette vertu d’humilité qui sera toujours le côté faible de l’institut : « Vous ne vous conserverez que par l’humilité ; il faut expier tout ce qu’il y a eu de grandeur humaine dans votre fondation. » Quoi qu’il en soit des légères imperfections dont l’institut ne sut point se garantir, il persista jusqu’à la fin dans les lignes essentielles, et on reconnaîtra que c’était quelque chose de respectable en l’auteur de Saint-Cyr que de bâtir avec constance sur ces fondements, en vue du xviiie siècle déjà pressé de naître, et dans un temps où Bayle écrivait de Rotterdam à propos de je ne sais quel livre : On fait, tant dans ce livre que dans plusieurs autres qui nous viennent de France, une étrange peinture des femmes de Paris.
Elle aida plus que personne à le consoler ou à le distraire de la mort de la duchesse de Bourgogne ; elle allait près de lui le soir, aux heures permises, et marquait qu’elle se plaisait dans sa compagnie : « Il n’y a que Madame qui ne me quitte pas, disait Louis XIV, je vois qu’elle est bien aise d’être avec moi. » Madame a ingénument exprimé le genre d’affection ouverte et sincère qu’elle se sentait pour Louis XIV, lorsqu’elle a dit : « Quand le roi eût été mon père, je n’aurais pu l’aimer plus que je ne l’ai aimé, et j’avais du plaisir à être avec lui. » Quand la santé du roi décline et qu’il approche de la dernière heure, on voit Madame dans ses lettres laisser éclater sa douleur à nu ; elle, dont le fils sera Régent, elle craint, plus que tout, le changement de règne : « Le roi n’est pas bien (15 août 1715) ; cela me tracasse au point que j’en suis à moitié malade ; j’en perds l’appétit et le sommeil. […] mais, si ce que je crains arrivait, ce serait pour moi le plus grand malheur. » Elle raconte les dernières scènes d’adieu avec un véritable et visible attendrissement.
Parlant de l’impression que cause sur place la vue du Forum contemplé du haut des ruines du Colisée, et se laissant aller un moment à son enthousiasme romain, il craint d’en avoir trop dit et de s’être compromis auprès des lecteurs parisiens : « Je ne parle pas, dit-il, du vulgaire né pour admirer le pathos de Corinne ; les gens un peu délicats ont ce malheur bien grand au xixe siècle : quand ils aperçoivent de l’exagération, leur âme n’est plus disposée qu’à inventer de l’ironie. » Ainsi, de ce qu’il y a de la déclamation voisine de l’éloquence, Beyle se jettera dans le contraire ; il ira à mépriser Bossuet et ce qu’il appelle ses phrases. […] Il eût craint, en combattant les La Harpe, de leur ressembler, et il se faisait léger, vif, persifleur, un pur amateur au passage, un gentilhomme incognito qui écrit et noircit du papier pour son plaisir.
Mais le grand homme, dont le propre est de connaître les hommes mieux souvent qu’ils ne se connaissent eux-mêmes, a distingué en lui, sous l’enveloppe modeste, une capacité supérieure qu’il ne craint pas de forcer et d’élever tout entière jusqu’à lui. […] Vous n’aurez point ce malheur à craindre si, pendant quelques années encore, vous ne faites des vers que pour vos amis.
Comme il s’est, dans la suite, prononcé en toute occasion contre les inconvénients de l’éducation publique, telle surtout qu’elle existait alors, on a cherché dans les circonstances de ses premières années à expliquer cette opinion qui s’accorde si bien d’ailleurs avec toute sa manière de sentir et de craindre. […] Il en éprouva une telle consolation et une vue de foi si pleine et si lumineuse, que le médecin craignit que cette brusque transition du désespoir à la joie n’amenât à son tour une crise nouvelle. — « L’homme, a dit admirablement Cowper dans un de ses meilleurs poèmes, est une harpe dont les cordes échappent à la vue, chacune rendant son harmonie lorsqu’elles sont bien disposées ; mais que la clef se retourne (ce que Dieu, s’il le veut, peut faire en un moment), dix mille milliers de cordes à la fois se relâchent, et jusqu’à ce qu’il les accorde de nouveau, elles ont perdu toute leur puissance et leur emploi. » La convalescence se soutenant, Cowper résolut de changer tout son train de vie, et renonçant pour jamais à Londres qu’il appelait le théâtre de ses abominations, et qui l’était plutôt de ses légèretés, il chargea son frère de lui trouver une retraite de campagne dans quelque petite ville, non éloignée de Cambridge.
Leur politique dut être de se fortifier dans les places de sûreté qu’ils avaient conservées, et d’en ravoir d’autres qu’ils avaient perdues ; en un mot, pour se faire respecter, ils durent se rendre plus à craindre que jamais : Je sais, disait Rohan à l’assemblée de Saumur (1611), qu’on nous opposera que nous demandons plus que nous ne possédions du temps du feu roi ; que nous devons, pour entretenir la paix en l’enfance de ce règne, nous contenter de pareil traitement. […] Cependant on ne saurait leur faire à l’un ni à l’autre l’injure de poser cette question, s’ils étaient braves et très braves en effet : mais ils étaient les têtes du parti, et ils avaient à se réserver pour leur cause ; et de plus, comme on l’a très judicieusement observé, ils devaient craindre, non pas de périr les armes à la main de la mort du soldat, mais d’être pris et d’aller finir sur un échafaud en rebelles.
Voir les choses telles qu’elles sont et les hommes tels qu’ils ont été est l’affaire déjà d’une intelligence qui se désintéresse, et un effet, je le crains, du refroidissement. […] On m’a écrit que M. le régent a donné sa parole, et comme j’ai celle de la personne qui l’a obtenue du régent, je ne crains point qu’on se serve d’un autre canal que le mien ; je peux même vous assurer que, si je pensais qu’ils eussent dessein (les hommes d’argent) de s’adresser à d’autres, mon peu de crédit auprès de certaines personnes serait assez fort pour faire échouer leur entreprise.
Il n’est pas inscrit sur le testament non plus que les autres domestiques, qui sont seulement recommandés en général à la libéralité du légataire, et il ne craint pas de dire que ce testament déshonore M. de Meaux. […] Sa condition désormais, sa spécialité, en quelque sorte, sera de tenir l’article Bossuet (manuscrits, biographie., etc.) ; il craint les concurrences.
Il se vit l’objet d’une exception unique, il fut le seul homme de lettres envers qui l’Académie ne craignit pas de s’engager à l’avance. […] Déjà Voiture était comme cela : homme du monde et de Cour, délicat à l’excès et dégoûté, un peu dédaigneux des gens de lettres, il craignait apparemment de s’ennuyer parmi eux ou de retomber en bourgeoisie, et il restait dans ses belles et fines sociétés.
Quelqu’un qui n’a ni à craindre l’oubli ni à redouter la lumière, et sur qui l’on vient de publier de nouveaux et authentiques témoignages, c’est l’illustre Charlotte Corday. […] Il en est une surtout que je ne crains pas de donner pour un charmant récit original ; cela s’appelle le Séminaire.
Il y a des jours où le maître du château et le maire de la commune (car il est l’un et l’autre) ne craint pas, à l’exemple de ses administrés, d’endosser la blouse. […] Une chose, entre autres, m’y plaît encore : c’est que la description si riche et si vive y est pourtant toujours à sa place et n’empiète pas au-delà, comme on eût pu l’attendre et le craindre de la part d’un peintre.
Je ne crains pas de confier ma pensée à tous ceux qui ont réfléchi sur les principes de la vraie morale. […] Tout à coup nous avons eu des raisons de craindre d’être découverts, et nous avons cru prudent de renoncer à nos plaisirs de pensionnaires.
Il craignait de n’en pas faire assez ou d’en faire trop. […] Ce rapport est des plus simples, et le vainqueur y paraît surtout occupé de rendre justice à tous ; après qu’il a nommé tout le monde, il craint encore d’avoir oublié quelqu’un : « Je puis manquer dans cette Relation, disait-il, à rendre les bons offices que plusieurs particuliers, et même des troupes, méritent dans cette occasion où tout le monde s’est bien employé ; je dois à leur bonne volonté et à leur secours la gloire qui peut retomber sur moi de ce combat. » Il faut lire d’autres relations que la sienne pour apprendre que Catinat, voyant que la lutte s’opiniâtrait, se mit à la tête de troupes fraîches tirées de la brigade Du Plessis-Bellière, les mena à la charge, et décida la victoire.
« Il avait, remarque-t-il finement de ce premier ancêtre des doctrinaires, un orgueil timide, qui se reposait sur ses moyens, sur sa célébrité, et qui lui faisait craindre sans cesse de se compromettre avec l’opinion publique, qu’il ne savait plus gouverner lorsqu’il s’en voyait contrarié. » A la veille des élections, Malouet avait déjà son plan arrêté qu’il communiqua à M. […] « Tous les deux détestaient Mirabeau et ne le craignaient pas encore. » M. de Montmorin révèle ses secrets griefs, trop réels, contre un homme qu’il estime peu et dont il a déjà eu à se plaindre dans une de ces circonstances qui ne s’oublient pas.
Sans prévoir rien de ce que l’on fera, je crains que, malgré notre apathie, on ne nous lance dans les grandes aventures de révolution, si l’on se laisse aller à la tentation de la censure. […] Cette affaire de Rome ne serait pas encore en suspens, s’il avait vécu. — Un grand mot d’un grand homme est celui-ci : Je crains plus une armée de cent moutons commandée par un lion, qu’une armée de cent lions commandée par un mouton. — Faites et surtout ne faites pas l’application de cela. — Hier j’ai parlé de Sainte-Aulaire ou de Rigny, disant que, pour le dehors, il n’y avait que ces deux noms-là qui pussent convenir.
Cette note rentre dans le thème qui lui était familier, — le déchirement d’un amour brisé, d’une blessure dont on craint de remuer et de rouvrir la profondeur. […] Je te crains ; j’ai peur de ma mémoire : Elle a gardé ta voix qui m’appelle souvent.
Son ami, l’auteur des Iambes, et aujourd’hui du Pianto, a osé beaucoup : proférant des paroles ardentes, et d’une main qui n’a pas craint quelque souillure, il a fouillé du premier coup dans les plaies immondes, il les a fait saigner et crier. […] Sa ballade andalouse était mieux rimée dans le premier jet ; il l’a dérimée après coup, comme s’il avait craint de montrer le bout de la cocarde.
Mais le soir même, quand tout le monde est retiré, quand la maison entière repose, et que Mlle de Liron, après avoir fait son inspection habituelle, entre dans sa chambre, non sans songer à ce pauvre Ernest qu’elle craint d’avoir affligé par sa dernière brusquerie, que voit-elle ? […] Quant à la circonstance de récidive et à l’objection d’avoir déjà eu un amant, je ne m’en embarrasse pas davantage, ou plutôt je ne craindrai pas d’avouer que c’est un des points les mieux observés, selon moi, et les plus conformes à l’expérience un peu fine du cœur.
Mlle Phlipon s’en tira en beauté qui ne craint pas les épreuves, et elle était remise à peine de la longue convalescence qui s’ensuivit, que les prétendants, à qui mieux mieux, et de plus en plus éblouis, se présentèrent. « Du moment où une jeune fille, écrit-elle dans ses Mémoires, atteint l’âge qui annonce son développement, l’essaim des prétendants s’attache à ses pas comme celui des abeilles bourdonne autour de la fleur qui vient d’éclore. » Mais à côté d’une si gracieuse image, elle ne laisse pas de se moquer ; elle est agréable à entendre avec cette levée en masse d’épouseurs qu’elle fait défiler devant nous et qu’elle éconduit d’un air d’enjouement. […] Je crains pourtant que ce ne soient les Mémoires qui, en ramassant dans une seule scène le résultat de jugements un peu postérieurs, aient altéré sans façon un souvenir dès longtemps méprisé.
La vérité le menait comme un enfant ; il se soumit à elle quand il pensa l’avoir trouvée ; il s’arrêta quand il craignit de n’être plus avec elle ; il recula quand il crut l’avoir dépassée. […] Il craignait de sembler escompter ce qu’il désirait et de prendre trop vite pour une réalité ce qui vraiment n’eût été que juste.
Je crains cependant qu’elle ne mérite pas tout le bien qu’on a dit d’elle. […] Sa devise est le mot connu : « Tous les genres sont bons, hors le genre ennuyeux. » A son esprit doivent toujours être présentes ces paroles que deux grands écrivains n’ont pas craint d’émettre, alors que l’autorité, même en matière littéraire, s’affirmait avec énergie.
Le parterre déjà prenait parti, et une collision était à craindre, lorsque M. […] Il confesse que l’amour de la popularité fut longtemps son faible et son idole, et que, s’il dévia un moment de la droiture de sa ligne, ce fut pour la ressaisir quand il la vit près de s’échapper : Dès qu’un homme faible, a-t-il remarqué, sent échapper la popularité, il fait mille efforts pour la retenir, et, pour l’ordinaire, ce moment est celui où on manque le plus à son opinion, et où l’on peut se laisser entraîner aux plus folles et aux plus funestes extravagances. — Pour un homme de caractère, l’abus contraire serait plutôt à craindre, et, tout comme l’autre y eût mis de la lâcheté, il serait enclin à y mettre du dépit.
Chesterfield craignait le ridicule, c’était un faible, et il garda le silence plus qu’il n’aurait voulu en certaines occasions, de peur de prêter à la parodie de son collègue et contradicteur. […] Je tire toujours le meilleur parti que je puis des amusements tranquilles du jardinage, de la promenade et de la lecture, moyennant quoi j’attends la mort, sans la désirer ou la craindre.
Et, en effet, la plupart des personnages qui ont cette gravité apparente redoutent à bon droit la familiarité ; ils craignent, en se laissant approcher de trop près, qu’on ne les tâte, pour ainsi dire, au défaut de la cuirasse, et qu’on ne sente par où ils fléchissent. […] Il ne craindra pas de nous le montrer, à un moment, comme s’offrant à Louis XIII pour un message des moins honorables auprès de Mlle d’Hautefort, et rappelé à l’ordre par le roi même.
Dans son petit traité Du bonheur, il veut qu’avant de s’attacher aux objets extérieurs, on évalue ce qu’ils peuvent rapporter en plaisirs ou en peines, et qu’on ne laisse prendre des droits sur soi qu’aux objets dont, tout compte fait, on a plus à espérer qu’à craindre : « Il n’est question que de calculer, dit-il, et la Sagesse doit toujours avoir les jetons à la main. » Des jetons pour compter les points. […] En recherchant moins l’agrément, mais en ne s’attachant pas moins à l’extrême clarté, les Buffon, les Cuvier, les Humboldt eux-mêmes en français, n’ont pas craint de composer quelques portions de leurs écrits en vue des ignorants, et de les publier à l’usage de toutes les classes de lecteurs.
il les craint comme des privilèges, comme des droits féodaux non encore éteints et toujours prêts à renaître. […] Quelques personnes voudraient que je fusse député et y travaillent de tout leur pouvoir. » Son bon sens pourtant lui disait qu’il ne convenait à aucun parti, et on lui doit cette justice qu’il craignait de s’engager dans aucune cabale.
En rapportant tout à son maître et en affectant de s’effacer, il ne craint pas que la postérité se méprenne, et qu’elle méconnaisse celui qui, en de si grands desseins si glorieusement exécutés, a été le principal outil. […] Il n’a pas craint quelque part de comparer crûment la charge des peuples à celle des bêtes de somme, qui doit être proportionnée à leurs forces : « Il en est de même, ajoute-t-il, des subsides à l’égard des peuples ; s’ils n’étaient modérés, lors même qu’ils seraient utiles au public, ils ne laisseraient pas d’être injustes. » Dans tout ce que j’aurai à dire de Richelieu, je m’attacherai à le faire avec vérité, sans parti pris, sans idée de dénigrement : on est revenu, par expérience, de cette idée-là, qui tendait à méconnaître et à déprimer en lui l’un des plus généreux artisans de la grandeur de la France.
Il avait toujours été désintéressé en pareille matière ; il avait refusé durant ses divers ministères les appointements de ministre des Finances et tous les avantages qui étaient attachés à cette place ; il ne craignait pas de le rappeler avec un faste qui compensait, certes, le désintéressement : « Ainsi, s’écriait-il, l’Assemblée nationale peut à son aise me montrer de l’indifférence, je n’en resterai pas moins créancier de l’État de plusieurs manières, et jamais je n’ai tant joui de cet avantage, jamais je n’y ai tenu plus superbement. » Ces cris d’orgueil sont fréquents chez M. […] il me semble que ce n’est pas là tout à fait la doctrine de l’Évangile ; il me semble que l’apôtre et, depuis lui, saint Augustin, Bossuet et tous les grands chrétiens, ont noté précisément cette gloire et cette superbe de l’esprit comme un des périls les plus raffinés et les plus à craindre pour les hautes âmes.
Ils craignent qu’une male chanson ne soit chantée. […] Amnistie, clémence, grandeur d’âme, une ère de félicité s’ouvre, on est paternel, voyez tout ce qui est déjà fait ; il ne faut point croire qu’on ne marche pas avec son siècle, les bras augustes sont ouverts, rattachez-vous à l’empire ; la Moscovie est bonne, regardez comme les serfs sont heureux, les ruisseaux vont être de lait, prospérité, liberté, vos princes gémissent comme vous sur le passé, ils sont excellents ; venez, ne craignez rien, petits, petits !
Maintenant, lorsque Boileau, dans un ouvrage spécial et presque technique, nous donne en termes un peu froids des recettes pour faire des chefs-d’œuvre, lorsqu’il imite Descartes et fait en quelque sorte le Discours sur la méthode de la poésie, je crains qu’il n’ait donné au didactique plus que la poésie n’en peut supporter, et qu’il n’ait cru à la vertu des règles plus qu’elles ne le méritent. […] Nisard ne craint pas de taire entre Bossuet et Voltaire, supérieurs l’un et l’autre par le bon sens, l’un dans les vérités familières, l’autre dans les plus hautes vérités morales ; mais enfin le bon sens suffit-il à constituer le génie ?
Je ne crains pas de l’affirmer, Rivarol était de nature, de premier jet, — hélas ! […] Seulement, puisqu’il a été prononcé, j’oserai dire au critique qui n’a pas craint l’imprudence d’une comparaison entre des hommes si différents, que c’est bien moins l’idée d’une analogie qu’il fait naître que d’un contraste.
Par un contraste inexplicable, il a choisi Hegel, le triste Hegel et son monstrueux prosaïsme, — Hegel l’antipoète, l’antechrist de toute poésie, qui a osé écrire que « la nature n’est rien en soi, qu’il n’y a rien de réel en elle que le mouvement de l’idée », et qui, répliquant à Kant préoccupé d’un soleil central pour les étoiles que l’astronomie devait un jour découvrir, ne craignit pas de répondre : « Il n’y a point de raison dans les rapports des étoiles entre elles ; elles appartiennent à la répulsion formelle. […] Ceci est la transformation — comme nous l’avons avancé au commencement de ce chapitre — de l’auteur de l’Allemagne, la condamnation absolue — et il le reconnaît — de beaucoup de pages de son livre qu’il aurait voulu déchirer, et — nous ne craignons pas de le dire !
Le Sage tremble d’avoir ri ; le Sage craint le rire, comme il craint les spectacles mondains, la concupiscence.
C’est plus tard, c’est quand la poésie devient une science littéraire, que, dans le Musée d’Alexandrie, dans la cage des oiseaux chanteurs nourris par les Ptolémées, loin des religieux anniversaires qui ramenaient l’offrande sacrée de la muse tragique, loin des triomphes patriotiques qui inspiraient sa voix, Callimaque, Apollonius, Lycophron, maîtres experts au métier de la poésie, feront indifféremment des hymnes aux dieux, des cantates aux rois, des tragédies, des épigrammes, et ne craindront pas même de reprendre en sous-œuvre et de versifier de nouveau ces grands sujets que s’était appropriés le génie aux jours de sa jeunesse créatrice, les Pélopides, Œdipe, Agamemnon, toute une part du répertoire d’Eschyle et de Sophocle. […] Cratinus, avant Aristophane, n’avait pas craint de traduire en plein théâtre, sous un terme de composition grotesque, ce qu’il nommait la race porco-béotienne, portant des robes ornées de franges.
Elle avait sous les yeux, parmi les ouvrages qui se présentaient à son examen, des études de l’Antiquité, tentées avec ingénuité et avec franchise120 ; des drames où la passion romanesque traverse l’histoire et ne craint pas de se rencontrer en présence des plus grands noms121 ; des comédies surtout, où des scènes et des caractères fort gais ont charmé le public122, et où des figures aimables, entremêlées à d’autres qui ne sont que plaisantes, lui ont procuré et lui procurent chaque jour un divertissement plein de distinction et d’élégance123.
Si ce n’était pas l’état de la société en 1830 ; si après ce qui s’est passé durant ces trois jours fameux et tout ce qui en est sorti, il y avait encore dans le pays les mêmes éléments de passions et de désordres qu’aux deux époques précédentes, je craindrais fort que la méthode politique de nos trembleurs ne nous sauvât pas plus que la méthode expectante en médecine ne sauve un homme jeune et vigoureux qui a le délire au cerveau.
Quand le gouvernement est fondé sur la force, il peut ne pas craindre le penchant de la nation à la plaisanterie : mais lorsque l’autorité dépend de la confiance générale, lorsque l’esprit public en est le principal ressort, le talent et la gaieté qui font découvrir le ridicule et se plaire dans la moquerie, sont excessivement dangereux pour la liberté et l’égalité politique.
Comme elle naît toujours de la profondeur de la réflexion, et qu’elle est souvent inspirée par le besoin de résister à ses passions, elle suppose des qualités supérieures, et donne une jouissance de ses propres facultés tout à fait inconnue à l’homme insensible ; le monde lui convient mieux qu’au philosophe ; il ne craint pas que l’agitation de la société trouble la paix dont il goûte la douceur.
Renan craignait davantage d’avoir l’air de surfaire, dans ses discours, les vertus à la pratique desquelles il avait consacré toute sa vie.
Dès lors, je crains un peu de rhétorique. » Je vois maintenant qu’il n’y en avait pas.
Craignons qu’une certaine paresse d’esprit ou la peur d’être dupes ne nous rende aveugles ou étroits.
Ne craignez pas que je vienne vous engager à cultiver une herbe qui pousse fort bien d’elle-même ; malgré l’instruction intégrale et obligatoire, il y aura toujours assez d’ignorance.
Racine, celui des quatre amis dont le caractère avait le plus d’élévation, celui à qui les autres étaient le moins nécessaires, celui dont la marche était la plus sûre à la cour, n’aidait de son talent, ni même n’accréditait par une approbation éclatante, ni la satire directe, ni la comédie satirique ; mais s’il n’était pas celui qui se fît le plus craindre de l’ennemi, c’était celui qui flattait le plus noblement le maître, celui dont l’éloge avait le plus de poids, et qui donnait à l’agrégation des quatre amis le plus de sûreté et de stabilité, parce qu’il était celui qui affectionnait le plus les autres et avait au plus haut degré leur confiance.
Destructeurs de la Société, ils en avoient tout à craindre, & c’est à la faveur de ceux qui ne sont plus ; qu’ils ont cru pouvoir travailler en sûreté à l’avilir & à la déchirer.
On me dit : Vous paraissez craindre que si certains rapports précis et certains étaient trouvés entre l’intelligence et le cerveau, la doctrine spiritualiste fût par là compromise et l’existence de l’âme mise en péril.
Quelle ignorance est la leur, et qu’il serait aisé de les confondre, si, faibles et présomptueux, ils ne craignaient point d’être instruits ?
Une expérience que je proposerais volontiers à l’homme de soixante-cinq ou six ans, qui jugerait les miennes ou trop longues, ou trop fréquentes, ou trop étrangères au sujet10, ce serait d’emporter avec lui, dans la retraite, Tacite, Suétone et Sénèque ; de jeter négligemment sur le papier les choses qui l’intéresseraient, les idées qu’elles réveilleraient dans son esprit, les pensées de ces auteurs qu’il voudrait retenir, les sentiments qu’il éprouverait, n’ayant d’autre dessein que celui de s’instruire sans se fatiguer : et je suis presque sûr que, s’arrêtant aux endroits où je me suis arrêté, comparant son siècle aux siècles passés, et tirant des circonstances et des caractères les mêmes conjectures sur ce que le présent nous annonce, sur ce qu’on peut espérer ou craindre de l’avenir, il referait cet ouvrage à peu près tel qu’il est.
Il ajoutait d’ailleurs, dans un sentiment très judicieux : L’Académie, en vous adoptant si jeune, non seulement s’assure une plus longue jouissance de vos talents, mais elle donne en votre personne un exemple propre à réveiller dans notre jeune noblesse le goût des belles-lettres, qui semble s’y éteindre peu à peu ; c’est ce qui nous fait craindre pour l’avenir un temps où la noblesse ne se distinguera plus du commun des hommes que par une férocité martiale. […] La négociation est trop fatigante ici pour moi : Il faut négocier avec vingt personnes également accréditées ou également à craindre ; il faut courir après eux en toute sorte de lieux et à toute sorte d’heures ; il faut recevoir et combiner une immensité de rapports et de relations ; il faut passser quatre heures à table ; enfin, il faut tout ce que je n’ai pas. […] Elle est la décente amie de M. de Nivernais ; car en ce pays aucune intimité n’est permise que sous le voile de l’amitié. » Le duc a son mérite ; comme écrivain, il est « au sommet du médiocre », et Horace Walpole cite à ce propos le mot de Mme Geoffrin, qu’il corrige légèrement, puis il ajoute : Il serait disposé à penser avec liberté, s’il n’avait l’ambition de devenir gouverneur du dauphin (Louis XVI), et de plus il craint sa femme et sa fille qui sont des fagots d’Église.
tu crains de la revoir ! […] « Je crains, leur dit-il, qu’elle n’ait déjà frappé dans la main d’un heureux jeune homme de son pays, et je me vois tout honteux devant elle de mes propositions rejetées. » Les deux négociateurs le rassurent en vain ; ils lui proposent de sonder le cœur de la jeune étrangère. […] Ils s’assirent tous deux sous le poirier pour se reposer un instant, et il allait lui ouvrir son cœur en lui prenant la main ; mais, en sentant au doigt de la jeune fille l’anneau d’or, signe fatal, il craignit d’entendre un refus, et ils restèrent ainsi l’un près de l’autre assis en silence.
Cependant je suis de plus en plus décidé à ne pas quitter le service du duc, car, outre que mes obligations envers lui sont telles que, quand je lui sacrifierais ma vie, ce ne serait pas encore assez pour payer ma dette, je crains bien de ne pas trouver à une autre cour plus de repos que dans ses États ; les maux que je subis sont de telle nature qu’ils m’atteindront partout ailleurs autant qu’à Ferrare. » Ces lettres sont d’autant moins suspectes d’adulation pour le duc de Ferrare, qu’elles sont écrites hors des États de ce prince, et adressées à un de ses ennemis, Scipion Gonzague, parent et ami des Médicis. […] Il voulut, comme s’il se fût craint lui-même, s’enfermer pour le reste de sa vie dans le monastère des Franciscains de Ferrare. […] Le Tasse, soit qu’il craignît d’être reconnu par des émissaires du duc de Ferrare lancés à sa poursuite, soit plutôt que, par suite de sa maladie mentale, il voulût éprouver sa sœur elle-même avant de se découvrir à elle, changea ses habits de gentilhomme, usés et déchirés par la longue route, contre les habits d’un berger des Abruzzes.
Son intervention en Écosse dont elle tenait la reine dans ses mains, et dont le régent Murray avait tout à espérer ou à craindre, devenait toute-puissante par cette attitude d’Élisabeth ; elle allait régner en arbitre et sans troupes sur ce royaume. […] Marie alors adoucissant de plus en plus son accent et son regard : « Milords, dit-elle, je vous engage ma parole que mes serviteurs éviteront tout ce que vous craignez. […] On craignait les reliques qui font revivre les fanatismes. » Mais le fanatisme trompa ces prudences cruelles de la politique.
Jugeant l’art en homme de génie, et ses propres œuvres en honnête homme qui ne craint pas d’avouer en quoi il a failli à l’idéal, Corneille inventait à la fois l’œuvre et les perfectionnements. […] Deux amants qu’attache l’un à l’autre une passion profonde et légitime, et que va rendre ennemis la loi du devoir filial et de l’honneur domestique ; Rodrigue aimant Chimène, mais forcé de venger l’affront de son père dans le sang du père de sa maîtresse ; Chimène forcée de haïr celui qu’elle aime, et de demander sa mort, qu’elle craint d’obtenir ; Rodrigue, tout plein des grands sentiments qui feront bientôt de lui le héros populaire de l’Espagne ; Chimène, héritière de l’orgueil paternel, fière Castillane, qui veut se battre contre Rodrigue avec l’épée du roi ; ce roi, si plein de sens et d’équité, image de la royauté de Salomon, par sa modération, par sa connaissance des hommes, par sa justice ingénieuse : les deux pères si énergiquement tracés ; le comte, encore dans la force de l’âge, qui a été vaillant à la guerre, mais qui se paie de ses services par le prix qu’il en exige et par les louanges qu’il se donne ; le vieux don Diègue, qui a été autrefois ce qu’est aujourd’hui le comte, mais qui n’en demande pas le prix, et ne s’estime que par l’opinion qu’on a de lui ; le duel de ces deux hommes, si rapide, si funeste, d’où va naître entre les deux amants un autre duel dont les alternatives seront si touchantes ; Rodrigue, après avoir tué le comte, défendant son action devant Chimène, qui n’en peut détester le motif, puisque c’est le même qui l’anime contre Rodrigue ; la piété filiale aux prises avec l’amour ; l’ambition désappointée ; l’idolâtrie de l’honneur domestique ; des épisodes étroitement liés à l’action ; un récit qui nous met sous les yeux le sublime effort de l’Espagne se débarrassant des Maures, d’un pays rejetant ses conquérants : quel sujet ! […] Pompée, qui aime sa femme, mais qui craint Sylla, résiste ; il la supplie d’attendre l’abdication ou la mort du dictateur.
Je craignais de l’avoir commis sans le savoir. […] Il était à craindre que cela ne fît de moi un démocrate à la façon de Lamennais. […] Je crains que les nouvelles institutions militaires, n’admettant ni exception ni équivalent, n’amènent un affreux abaissement.
Heureusement nous ne sommes ni consulaire ni sénateur : les ombrages modestes qui nous abritent n’ont jamais entendu s’agiter les destinées d’un grand empire : nous ne pouvons craindre de déroger en parlant des choses de l’esprit. […] « Donc, ô poètes, ne craignez pas de faire foisonner sur les hauteurs de l’idée toutes les frondaisons du style29 ! […] De nos jours l’animosité est moins à craindre chez le critique que la complaisance.
La sympathie intellectuelle s’est singulièrement élargie, et il n’y a plus aujourd’hui d’idée qui ait à craindre la barbare inhospitalité des âges précédents. […] ce n’est pas même chez eux, je le crains, un choix arbitraire, né d’une fausse délibération, c’est une affaire de mode et d’imitation. […] Elle semble craindre de déroger, et l’on dirait qu’elle réserve sa science esthétique pour les grandes occasions, qui ne viendront peut-être jamais. […] Est-il à craindre que la conception de l’artiste perde par cette individualisation sa profondeur morale et sa signification éternelle ? […] À d’autres époques, la pensée que nous venons d’exprimer eût paru un lieu commun, tant les arts avaient d’étroits rapports avec la religion ; mais aujourd’hui nous craignons presque que cette pensée ne paraisse un paradoxe.
Je ne vous promets pas d’être aussi érudit : je craindrais de ne pas semer dans mon érudition autant d’agrément que M. […] Craignons de devenir volontairement des provinciaux, même des provinciaux de Paris. […] Les servants d’armes, et un berger qui sert de guide aux trois voyageurs, n’osent approcher de ce malheureux : ils craignent la contagion de son mal horrible. […] Je demande sa tête, et crains de l’obtenir : Ma mort suivra la sienne, et je le veux punir ! […] Celui qui n’a pas craint les Maures, ni mon père, Va combattre Don Sanche, et déjà désespère !
On sent combien il est avantageux de puiser les incidents au sein du sujet et dans le propre fonds des pensées qu’il suggère : le poète les exécute plus librement ; il n’a point à craindre que les souvenirs en émoussent l’effet, et sa naturelle inspiration s’accroît de leur nouveauté piquante. […] Craint-on de ne pas assez tôt manifester son génie, lorsqu’on suit la méthode des écrivains qui en ont prodigué le plus, en commençant par se montrer avares de leurs richesses ? […] J’invoque votre appui ; car je navigue en haute mer sous des vents ennemis, et si vous ne m’assistez, je crains bien que mon frêle esquif ne soit près de s’engloutir. […] Ne craignez pas néanmoins qu’il vous rassasie de cet amusement : déjà l’antre de la Sibylle est prêt à s’ouvrir : le poète avait besoin de vos forces auxquelles il n’accorda quelque relâche, que pour vous faire descendre dans les profondeurs de l’Érèbe, et remonter ensuite sur les hauteurs de son admirable Élysée, tout peuplé de mânes prophétiques. […] Je ne crains pas pourtant que mes arguments puissent être allégués contre la supériorité de l’auteur portugais : ses qualités prévalent sur ses fautes ; elles ne sont imputables qu’à son temps, et qu’à l’esprit des vieilles écoles, qui n’admettaient d’autre merveilleux que le mythologique ; mais ses beautés originales sont dignes des meilleurs âges littéraires.
Corneille semble sans cesse craindre, en nous montrant les combats intérieurs qui se livrent dans l’âme de ses personnages, de les faire descendre du piédestal sur lequel il les élève. […] Janin n’avait pas craint de comparer à Homère. […] Crains les maux et la torture Que mon doux sylphe a subis. […] « Alfred de Musset est encore, il est vrai, un gamin des rues ; mais ne crains rien, nous lui lierons son infâme langue railleuse. […] Mais Philippe II craint les idées libérales de son fils, et refuse.
M. de Pontmartin admire les grands écrivains du grand siècle je m’agenouillerai à ses côtés, s’il veut bien me permettre de partager cet honneur avec lui ; mais notre prière en commun achevée, il est à craindre qu’un dissentiment profond ne nous sépare. […] Je voulais faire tenir ici une étude sur les Vêpres siciliennes ; mais cette boutade est déjà bien longue, et je craindrais que le lecteur ne me laissât en chemin. […] Sur ce point-là, niez ou bien haussez les épaules, — je suis accessible aux superstitions populaires, et je crains qu’il n’arrive un malheur ! […] Je crains que la littérature n’ait que faire ici, et que le tort le plus grave de M. […] Je crains que Méry n’ait été piqué d’émulation à cet aimable récit du chroniqueur.
Rien de plus, je le crains. […] … Tu n’as pas craint de sacrifier à ta cupidité ce que tu avais de plus cher au monde. […] C’était à lui qu’ils pensaient dans leurs tentations, et c’était lui qu’ils craignaient dans les défaillances de leur âme et de leur corps. […] L’invention, toutefois, en semble hasardeuse quand on y réfléchit ; on craint que ce trop naturel : « Monsieur le bourreau, ne me tuez pas ! […] Ce n’est plus une féministe, ce n’est plus une ibsénienne ; ce n’est qu’une farceuse. — Bref, je crains que le parti pris morose de M.
ne craignez pas que je dise que vous êtes deux océans. […] Je ne crains pas de dire que M. […] Je ne crains pas d’affirmer que ce roman ne serait pas naturaliste. […] Je ne craignis pas de contrarier un peu celui-ci. […] Elle craint un malheur parce qu’elle a vu la nouvelle lune de l’œil gauche.
On venait chez elle, chaque jour, lire les ouvrages nouveaux et deviser finement, sans craindre l’afféterie ou l’extravagance même. […] Quant à lui il entra, certes, dans une grande colère ; cependant il patienta et ne fit semblant de rien, car il était fort sage et il craignait de jeter par un éclat l’opprobre sur sa maison. […] Et je ne crains pas d’ajouter que c’est presque une révélation et le point de départ d’un art nouveau, purement aristophanesque et populaire… » On s’arracha les Pupazzi. […] Chat échaudé craint l’eau froide ! […] Certes, les anciens ne craignaient pas de montrer Ajax au milieu des troupeaux égorgés, ni Philoctète dévoré de son mal cruel, ni Prométhée cloué sur un rocher, ni le parricide Oreste poursuivi par les hurlantes Euménides.
Pour citer des dates positives, Bernis, dans une lettre à Choiseul du 23 août 1769, exprimait encore toute sa méfiance en des termes qu’on n’a pas à craindre de reproduire, parce qu’ils vont donner à la rectification tout son prix : Il est certain que la cour de Madrid, disait-il, fait beaucoup de cajoleries au pape, et que Sa Sainteté les lui rend. […] Les événements de la Révolution vinrent mettre à l’épreuve sa fermeté : il vit cette opulence presque royale dont il jouissait depuis plus de vingt ans et dont il usait avec une libéralité vraiment auguste, lui échapper tout à coup, et la misère, à soixante-seize ans, lui apparaître ; il fut le même : « À soixante-seize ans révolus, disait-il, on ne doit pas craindre la misère, mais bien de ne pas remplir exactement ses devoirs. » J’ai déjà cité quelques-unes de ses nobles paroles.
L’objet de M. de Meilhan est de présenter un tableau général exact du gouvernement de la France et de la société avant la Révolution, et de montrer qu’il n’y avait pas lieu ni motif à la révolte, qu’il y aurait eu moyen de la conjurer si on l’avait su craindre, et que lorsque la crainte est venue après l’extrême confiance, elle a, par son excès même, paralysé les moyens : « La légèreté d’esprit dans les classes supérieures a commencé la Révolution, la faiblesse du gouvernement l’a laissée faire des progrès, et la terreur a consommé l’ouvrage. » La description que donne l’auteur de l’ancien gouvernement de la France, de cette Constitution non écrite, éparse et flottante, mais réelle toutefois, est des plus fidèles ; il fait parfaitement sentir en quoi la France d’avant 89 ne pouvait nullement être considérée comme, un État despotique proprement dit ; il parle du roi et de la reine, du clergé, de la noblesse, du tiers état et du rapprochement des diverses conditions, des parlements, du mécanisme de l’administration, des lettres de cachet, de la dette, de l’influence des gens de lettres sous Louis XVI, avec une justesse et une précision qui me font considérer cet ouvrage comme la meilleure production de M. de Meilhan, après ses Considérations sur l’esprit et les mœurs, et comme pouvant se joindre à titre de supplément utile à l’Abrégé chronologique du président Hénault. […] [NdA] Il avait dit aux femmes de son temps bien des impertinences en effet et aussi des vérités ; il les avait montrées plus faciles à séduire par l’éclat et la vanité, que par le sentiment ou même les sens ; il avait dit par exemple : Louez, admirez, soyez étonné, en extase, ne craignez pas d’outrer les flatteries, l’enthousiasme auprès des femmes ; faites croire, si vous pouvez, à celle que vous voulez séduire qu’elle est une substance particulière plus près de l’ange que de la femme : vous serez cru ; que dis-je ?
Sans prétendre m’engager si avant, je profiterai de tout cela, et surtout d’un manuscrit autographe de Saint-Martin, que je ne crains pas d’appeler son meilleur ouvrage. […] [NdA] Ainsi encore, il a lu dans un Discours sur les ordres sacrés, de Godeau, évêque de Vence, que la première division des temples, celle qui contenait l’autel, s’appelait βῆμα : « Ce nom Béma, dit-il aussitôt, sonne trop bien à mon oreille par ses rapports avec mon chérissime Boehm, pour que je ne m’expose pas au ridicule d’en faire la remarque. » Si ce n’est qu’une rencontre fortuite et une assonance qu’il prend plaisir à noter à la façon des poètes et rimeurs, il n’y a rien à dire, mais je crains qu’il n’y ait vu des sens profonds.
Nous ne sommes pas faits pour tant de difficultés et de circonspection a Véritablement nous sommes mal élevés, c’est la faute des chefs que nous nous sommes donnés ; nous craignons nos mies, nous respectons leurs injustices grossières et leur mauvaise conduite, quoique nous en disions de bonnes sur cela entre nous. […] Il était bon, bienfaisant, il aimait à donner, et il ne voyait là qu’une qualité et un don de la nature et de Dieu : « Les hommes généreux craignent de dépenser et aiment à donner, ils se privent avec délices et se donnent (à eux-mêmes) avec chagrin.
Si je ne craignais que M. […] Nombre de remarques justes sur l’humeur de la nation, et sur son étrange facilité à se plier pour un temps à cet atroce régime de terreur, révèle le publiciste moraliste, l’homme qui a vécu avec Tacite et qui en a pénétré tout le sens : Parmi les habitants de Paris, faibles, légers, indolents pour la plus grande partie, les gens riches ou aisés désiraient intérieurement, l’année passée (1792), le retour de la monarchie, pour assurer leur fortune ; mais ils craignaient la transition, et, semblables à ces malades qui ne peuvent supporter l’idée d’une opération douloureuse qui doit les sauver, ils se familiarisaient avec leurs maux… Aujourd’hui, stupides de terreur, ils attendent comme de vils animaux qu’on les conduise à la mort.
Pour lui, je le crains fort, il but avec plaisir jusqu’à la fin le vin dont il s’enivrait. […] Il l’aura respecté et même un peu craint, comme un frère enfant, comme un bon génie qu’il ne faut offenser et effaroucher que le moins possible : il aura eu quelque pudeur avec lui.
Je ne craindrai pas de présenter à l’avance le jugement filial que portait Eckermann de ces conversations si vivantes, après que la mort du maître l’eut laissé dans un vide profond et dans un deuil inconsolable. […] Il craignait toujours, plus tard, en se ressouvenant, de ne pas ressaisir au degré voulu la vivacité et l’éclat de ses impressions premières ; il attendait pour écrire que le parfait réveil se fît en lui, que les heures passées se peignissent dans sa mémoire toutes brillantes et lumineuses, que son âme eût retrouvé le calme, la sérénité et l’énergie où elle devait atteindre pour être digne de voir reparaître en soi les idées et les sentiments de Gœthe ; « car j’avais affaire, disait-il, à un héros que je ne devais pas abaisser. » Ainsi pénétré du noble sentiment de sa mission, il la remplit avec une piété que nous ne trouverons jamais trop minutieuse ; et les grands traits, d’ailleurs, il ne les a pas omis, et il nous permet, ce qui vaut mieux, de les déduire nous-mêmes peu à peu de la réalité simple : « Gœthe vivait encore devant moi, s’écrie-t-il en une de ses heures de parfait contentement et de clarté ; j’entendais de nouveau le timbre aimé de sa voix, à laquelle nulle autre ne peut être comparée.
Je ne crains pas les anecdotes avec cet homme de théorie et de tribune, mais aussi de conversation mordante et de dialogue, et dont les deux grands précédents philosophiques et littéraires, à le bien voir, sont Socrate et Despréaux. […] Prenant la Chambre à partie pour chaque projet de loi qu’elle avait ainsi transformé et dénaturé, il aboutit a résumer ses griefs et son acte d’accusation sous cette forme saisissante : « Proposer la loi, c’est régner. » Il alla même d’audace en audace, à mesure que croissait l’irritation autour de lui, et puisqu’il était en veine de la braver, jusqu’à ne pas craindre de réveiller le plus terrible souvenir et à montrer au bout de cette voie fatale, et comme conséquence extrême de ces empiétements illégitimes, la liberté d’action du souverain et la sanction royale enchaînée au point de n’être plus que le Veto de l’infortuné Louis XVI !
Folie, citée à comparaître, demande qu’un dieu plaide pour elle : elle craindrait, si elle plaidait en personne, les murmures de la cabale des jeunes dieux, toujours portés « du côté d’Amour. » La Folie n’est pas si folle. […] Quand ils entrent en leur maison, ils craignent que quelqu’un les regarde.
Saint-Réal a commencé et a écrit, dans ce genre spécieux de la nouvelle historique, un petit roman aussi faux dans son genre que les grands romans de Mlle de Scudéry, mais qui avait cela de plus insidieux d’être court, vraisemblable, insinuant, et de marcher d’un style sage et vif, qui n’eût pas craint la comparaison avec celui de Mme de La Fayette. […] Il paraît que dès le sein et en tétant, don Carlos marqua des instincts étranges : « Non-seulement il mordait, dit-on, mais encore il mangeait le sein de sa nourrice ; il en eut jusqu’à trois auxquelles il fit des morsures telles qu’elles faillirent en mourir. » Il fut très-long avant de prononcer un mot, et l’on put craindre qu’il ne restât muet.
Don Diègue reste seul, exhale son désespoir, déplore son infamie qui fait contraste à sa gloire passée, et, s’adressant à cette épée devenue inutile, il la rejette par ces beaux vers que chacun sait : « Et toi, de mes exploits glorieux instrument, Mais d’un corps tout de glace inutile ornement, Fer, jadis tant à craindre…… » Dans la pièce espagnole, c’est lorsqu’il est rentré dans sa maison où ses fils remarquent sa douleur sans en savoir d’abord le motif, que don Diègue, leur ayant dit de sortir, essaye s’il pourra encore manier le fer ; car devant le comte il n’avait pas d’épée et ne portait que son bâton qu’il a brisé de rage. […] On craint d’eux une surprise ; on a vu leurs vaisseaux à l’embouchure du fleuve… Tout ceci, on le sent, est pour préparer à l’exploit prochain de Rodrigue, qui aura lieu cette nuit même.
Il avait tout à craindre des jacobins, s’ils le devinaient ; je ne devais pas me montrer en intelligence avec lui, en supposant même qu’il me fît des avances : et il m’en fit. […] Dès qu’il vit un régime régulier établi en France et dès le temps même du Directoire, il ne craignit pas d’engager tous ceux qui avaient espoir et moyen de se rapatrier, surtout les jeunes gens, à faire les démarches nécessaires ; à plus forte raison le leur conseillait-il dès les premiers jours du Consulat.
Un jour que Mme Duchambge indiquait à Mme Valmore un livre qui venait de paraître, et qui disait crûment de certaines choses meilleures à cacher, Mme Valmore répondait : « (22 avril 1857)… Tu craignais de m’avoir fait mal en me racontant Mme Dorval. […] Tout ce que je sais d’un Virgile compréhensible pour moi, c’est que le nôtre ou celui de la Bretagne voyage dans le Midi, sous le nom de Brizeux, dont la santé et le silence commencent à m’inquiéter, à moins que tu n’en aies reçu quelque lettre. » Ce diminutif de Virgile, Brizeux, qui n’avait rencontré à temps ni Auguste ni Mécène, ni leur diminutif, ne touchait guère Paris qu’en passant ; il se sauvait bien vite, pendant des mois et des saisons, tantôt dans sa Bretagne, tantôt à Florence ; il craignait d’écrire et poussait l’horreur de la prose jusqu’à ne se servir le plus souvent que d’un crayon pour tracer des caractères aussi peu marqués que possible.
Nous craignons que ce ne soit là un peu le cas de l’auteur du roman d’Arthur. […] Que l’oubli du passé me vienne à côté d’elle ; Que, rentré dans la paix, je craigne d’en sortir… Que cet amour surtout, bien que noble et fidèle.
« Il est temps de se faire aimer, craindre, estimer ! […] Quand on voudra faire son épitaphe, on pourra l’écrire en ces mots : « Quelques hommes ont fait craindre ou briller la France ; aucun ne la fit plus aimer des nations. » Lamartine.
Il est opprimé par sa vieille servante, qu’il respecte et qu’il craint. […] Paul de Gabry : J’ai lieu de craindre que ma physionomie n’ait trahi ma distraction incongrue par une certaine expression de stupidité qu’elle revêt dans la plupart des transactions sociales.
Par là surtout Marguerite a mérité la louange que lui donne Claude Gruget, « d’avoir passé Boccace en beaulx discours qu’elle a faits sur chacun de ses contes. » On avait eu des raisons de craindre, d’après les usages de cette époque, que l’éditeur de l’Héptaméron n’y eût fait de grands changements. […] François Ier écrivit à la cour des aides, qui le relâcha ; mais, à peine libre, la persécution générale l’atteignit de nouveau ; il craignit que François Ier ne se lassât de le protéger, et se réfugia d’abord à Blois auprès de Marguerite, puis à Ferrare, auprès de Renée de France, laquelle avait fort à souffrir du duc son mari, allié de Charles-Quint.
Cette morale prend toutes les formes : elle analyse, elle décrit, elle discute ; elle dogmatise aussi, mais plus rarement, car elle craint d’ennuyer ; elle aime mieux captiver l’esprit qu’attaquer la conscience. […] En lisant les Caractères, je regrette de temps en temps l’autorité du prédicateur chrétien, qui me rendrait ma mobilité suspecte et me ferait craindre que mon indifférence sur les vices ne fût de la complicité ; mais, pour une fois que ma liberté m’est incommode et m’embarrasse, combien de fois ne suis-je pas flatté de l’avoir entière, et combien n’ai-je pas plus de goût pour l’écrivain supérieur qui a trouvé l’art de la caresser sans la corrompre !
Il n’y a pas du tout à craindre. […] Mistral a obéi là à un sentiment très juste ; il a craint peut-être que les vertus un peu démodées du bon Simian n’eussent pas quelque chose d’assez civique pour mériter de grosses approbations officielles.
Je crains qu’il n’y revienne par pitié. » Après cette scène, madame de Montespan se retira à Clagny. […] On se persuada aisément qu’après avoir rendu furieux et irréconciliables des malheureux qu’on n’avait pu exterminer, le moyen le plus sûr de n’avoir rien à craindre d’eux était de les chasser.
Dans une polémique avec La Harpe, il ne craindra pas de dire : Je m’efforce de réhabiliter ce mot délation… Nous avons besoin dans les circonstances que ce mot délation soit en honneur, et nous ne laisserons pas M. de La Harpe, en sa qualité d’académicien, abuser de son autorité sur le Dictionnaire, et charger d’opprobre un mot parce qu’il déplaît à M. […] J’ai dit que Camille, dans un endroit du Vieux Cordelier, a un mouvement d’élévation véritable ; c’est dans le numéro 5, quand il fait bon marché de sa vie et qu’il se montre prêt à la sacrifier pour la cause de l’humanité enfin et de la justice, c’est quand, s’adressant à ses collègues de la Convention, il s’écrie : Ô mes collègues, je vous dirai comme Brutus à Cicéron : Nous craignons trop la mort, et l’exil et la pauvreté.
Je cause rarement ici de poésie, précisément parce que je l’ai beaucoup aimée et que je l’aime encore plus que toute chose : je craindrais d’en mal parler, ou du moins de n’avoir pas à en bien parler, à en dire assez de bien. […] Elle avait adopté cette allure, de peur, disait-elle à ceux qui s’en étonnaient, de mouiller ses brodequins dans la rosée, mais, en effet, parce qu’elle craignait d’écraser ou de blesser par mégarde la cigale qui chante dans le sillon, et le lézard qui frétille au soleil ; car elle était si prodigue de soins et d’amour, la bonne fée !
que Mirabeau le sentait lorsque, impatient de ces éternelles remises de l’« homme aux indécisions » (c’est ainsi qu’il appelle La Fayette), et de cette pudibonderie si hors de propos, irrité de voir en tout et partout les honnêtes gens de ce bord en réserve et en garde contre lui, il s’écrie : « Je leur montrerai ce qui est très vrai, qu’ils n’ont ni dans la tête, ni dans l’âme, aucun élément de sociabilité politique. » Et relevant la tête en homme qui, avec ses taches, avait son principe d’honneur aussi et le sentiment de sa dignité, il écrivait un jour (1er décembre 1789) à La Fayette, sans craindre d’aborder le point délicat et qui recelait la plaie : J’ai beaucoup de dettes, qui en masse ne font pas une somme énorme ; j’ai beaucoup de dettes, et c’est la meilleure réponse que les événements puissent faire aux confabulations des calomniateurs. […] Et dessinant la situation en traits de feu, il ne craint pas de prononcer le mot d’échafaud et de montrer la chose fatale dans le lointain.
Pour toutes ces parties que je ne puis qu’indiquer en passant à cause de la gravité des sujets, l’abbé Maury mérite la plus sérieuse estime, une estime qui lui sera accordée, je ne crains pas de l’affirmer, par quiconque, voulant étudier nos grands orateurs de la chaire, aura l’occasion de vérifier ses jugements si sains, si substantiels et si solides. J’aurai assez à le critiquer d’ailleurs, pour ne pas craindre de lui rendre ici une justice qui lui est pleinement due.
En fait d’esprit, il a été un grand rajeunisseur, ce qui est le plus aimable bienfait dont sache gré cette vieille société qui ne craint rien tant que l’ennui, et qui y préfère même les périls et les imprudences. […] « Il n’y a, disait celui-ci, que les petits hommes qui craignent les petits écrits » ; et il le leur avait persuadé en effet.
Ce qu’on ne s’avoue pas, la chose obscure qu’on commence par craindre et qu’on finit par désirer, voilà le point de jonction et le surprenant lieu de rencontre du cœur des vierges et du cœur des meurtriers, de l’âme de Juliette et de l’âme de Macbeth ; l’innocente a peur et appétit de l’amour comme le scélérat de l’ambition ; périlleux baisers donnés à la dérobée au fantôme, ici radieux, là farouche. […] Les cas de rage, c’est-à-dire les œuvres de génie, sont à craindre.
Parce qu’il craint de tomber dans la sensiblerie, il manque, parfois de sensibilité, mais il est d’autre part, un des rares hommes qui sachent raisonner aujourd’hui. […] Il craint de croire et, pourtant, il parle des poètes avec passion.
Il a parlé d’abord du bœuf, l’animal qu’il nous importe le plus de bien connaître ; ensuite du cheval ; puis de l’âne, du mulet, du chien ; le loup, l’hyène, le tigre, la panthère, occupent d’après sa méthode un rang d’autant plus éloigné dans la science, qu’ils sont plus loin de nous dans la nature, et que nous en avons eu moins d’avantages à tirer ou moins de dommages à craindre. […] Vice incurable : ne craignez point que celui qui possède les principes fondamentaux se rende ridicule.
L’homme de génie ne doit craindre de tomber dans un style faible et négligé, que lorsqu’il n’est point soutenu par sa matière ; c’est alors qu’il doit songer à l’élocution et s’en occuper ; dès qu’il aura de grandes choses à dire, son élocution sera telle qu’elle doit être sans qu’il y pense. […] On ne saurait croire, et je ne crains point là-dessus d’être démenti par les bons juges, combien un mot plus ou moins long à la fin d’une phrase, une chute masculine ou féminine, et quelquefois une syllabe de plus ou de moins dans le corps de la phrase, produisent de différence dans l’harmonie.
Amédée Thierry n’a pas craint d’aborder avec des curiosités rapetissantes, des proportions qu’on ne retrouve dans aucun autre sujet historique, quel qu’il soit ! […] Augustin Thierry, nature de juste milieu, qui le fut en politique comme il le fut en facultés, comme il le fut en toutes choses, exprima, avec la discrétion d’un homme de goût qui craint l’asphyxie, le suc de ces fleurs d’un temps naïf et barbare, dont il sentait pourtant et a nous donné quelques-unes des âpres saveurs.
Les enfants de cette race élue pour les exceptionnels destins, ne sont pas rares parmi nous, et nous n’avons pas à craindre pour aujourd’hui l’extinction de cette aristocratie du non-sens. […] Je crains qu’en se basant sur le fait de l’hallucination religieuse et de l’extase provoquée par une existence contre nature, M.
Il mourut méprisé de tout ce qui le connut et, s’il le faut dire au décri de la nature humaine, plus craint encore que méprisé. […] On craint toujours de déplaire, on veut toujours tout concilier, tout accommoder. […] Pour cela ne craignez pas de les accuser et de les pousser. […] Lors même qu’il semblait céder, il ne laissait pas de se faire craindre. […] Est-ce raison de craindre si longtemps chose de si brief temps ?
Et pourtant, lorsque après les événements de juin 1832, à la suite de l’insurrection, Paris fut mis en état de siège, quand on put craindre à un moment une réaction sanglante et qu’il fut question d’insérer dans le National une protestation revêtue de signatures, Victor Hugo, que j’avais prévenu de la part de Carrel, me répondit par cette lettre, à laquelle je ne change pas un seul mot : « Je ne suis pas moins indigné que vous, mon cher ami, de ces misérables escamoteurs politiques qui font disparaître l’article 14 et qui se réservent la mise en état de siège dans le double fond de leur gobelet !
Quand la maturité, ou ce qui en a l’air, usurpe la place de la jeunesse, il est toujours à craindre qu’une certaine pesanteur n’occupe l’âge de la maturité.
Habituellement, M. de Lamartine semble craindre, en refeuilletant, comme dit André Chénier, son âme et sa vie, de rouvrir en lui-même des émotions trop déchirantes, de ranimer des traces trop vives.
Qu’en conservant tout son esprit, il se garde seulement du brillanté ; qu’à côté de ses explications psychologico-physiologiques qu’il ne craint pas de pousser jusqu’à l’intussusception, et de ses bouts de tirades séraphiques et swedenborgistes, dont, sous sa moustache, il sourît tout bas, il ne développe pas tant par contraste quelques scènes, gaies sans doute, mais un peu burlesques, de la livrée : ainsi la querelle du cocher de mademoiselle de Corandeuil avec le menuisier Lambernier.
Ainsi donc la décadence des nations, et par conséquent celle des lettres, est maintenant beaucoup moins à craindre.
Si quelques circonstances peuvent faire craindre qu’une condamnation soit injuste, qu’un innocent ait péri par le glaive des lois, les nations entières écoutent avec effroi les plaintes élevées contre un malheur irréparable.
Surtout je ne crains guère ce danger pour les jeunes gens, et c’est par l’aveuglement sur soi, par l’entraînement, par l’inconscience, qu’ils pêchent presque toujours.
Et puisqu’on veut bien nous accorder que les Naturistes apportent en effet une éthique imprévue et une inédite méthode de vie, je ne crains pas trop de m’avancer en déclarant que leur désir d’art populaire, autochtone, païen et rationnel, contribuera énormément à une réforme dans l’expression, qui, pour être très différente de celle de Malherbe, n’en sera pas moins considérable.
Si votre voix, novice encore et mal affermie, trompa votre pieuse ardeur, il fallait accepter cette mésaventure comme une épreuve envoyée par la divine Providence, et n’en pas concevoir un dépit où je crains qu’il n’y ait, hélas !
Ainsi, nous ne craindrons pas de participer aux luttes quotidiennes, de les décrire comme des exploits, de glorifier la paix de la patrie à l’égal des expéditions et des victoires qui lui soumirent tant de provinces.
Si l’on considère qu’il n’y a pas un mot de trop, pas un terme impropre, pas une négligence ; que dans l’espace de trente vers, La Fontaine, en ne faisant que se livrer au courant de sa narration, a pris tous les tons, celui de la poésie la plus gracieuse, la plus élevée : on ne craindra pas d’affirmer qu’à l’époque où cette fable parut, il n’y avait rien de ce qu’on a dans notre langue.
Plus vous multiplierez le nombre idéal de vos plans, plus vous serez corrects et vrais ; et ne craignez pas d’être froids par une condition de plus ou de moins ajoutée à votre technique.
Ce soin occupoit encore Gracchus lorsqu’il prononçoit ces terribles harangues qui devoient armer les citoïens les uns contre les autres, et qui armoient certainement contre l’orateur le parti le plus à craindre dans Rome.
Malheureusement, quand, à propos des dernières maîtresses de Louis XV, le trop sensible Capefigue ne craignait pas d’encourir pour sa peine le nom du Lebel de l’histoire, — et encore du Lebel rival de son maître !