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902. (1817) Cours analytique de littérature générale. Tome I pp. 5-537

Deuxièmement, la bassesse rampante qui dégrade l’élocution, et la manie de toujours rechercher du neuf dans les choses et dans le raffinement des tours. […] Leur seul défaut est quelquefois de se trop dépouiller de parure, et de devenir secs et timides, de peur d’affecter encore le tour poétique ; vice le plus fâcheux qui puisse gâter la prose. […] La poésie, obligée à tout rajeunir, doit les multiplier sans cesse, et les quitter sitôt qu’ils sont usés, et quand la prose les lui emprunte et s’en empare à son tour. […] Aristote nous dit qu’elle ne doit pas excéder la durée d’un tour de soleil ou peu au-delà. […] Et ne puis-je à mon tour vous citer aussi Boileau ?

903. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Première série

Ce sont tours de force gratuits. […] On jouit du choix des mots, de la recherche des tours, de telle coupe qui alanguit à dessein la marche du vers. […] Chacune de ses œuvres est un de ces rêves où l’on s’enferme et où l’on vit des mois et des ans, comme dans une tour enchantée. […] Il est resté prêtre ; il donne à la négation même le tour du mysticisme chrétien. […] Son goût de la régularité parfaite nous joue ou peut-être lui joue de ces tours.

904. (1890) La bataille littéraire. Troisième série (1883-1886) pp. 1-343

. — À ce moment, la charge du quart était lourde, et c’était à mon tour de là prendre. […] Plus loin, le mari mort, les deux amants, « pour se distraire » vont faire en voiture un tour au bois. […] — Petit, me dit mon père, très bas : va vite me chercher mon fusil… fais le tour… prends bien garde qu’il ne te voie. […] Des tours de marbre avec de folles broderies, Des tours bravant le temps de leur front exalté, Des tours lançant là-haut par leurs flèches fleuries Le nom de l’architecte à l’immortalité ! […] Je savais bien que, sous un nom ou sous un autre, elle est en train de faire le tour du monde ; mais je ne m’attendais pas à la rencontrer aussi loin.

905. (1864) Histoire anecdotique de l’ancien théâtre en France. Tome I pp. 3-343

Le public, à son tour, exaspéré de la mort d’un homme qui lui plaît, envahit le théâtre et décapite le roi. […] Comme la nuit était close quand l’audacieux équilibriste exécuta ce tour périlleux, il prit à la main un flambeau allumé, afin qu’on le pût bien apercevoir. […] Tour à tour grammairien, humaniste, poëte, antiquaire, prédicateur et romancier, il possédait le caractère le plus hautain, le plus difficile, et trouvait le moyen de se brouiller avec tout le monde. […] Mais, dès le premier acte, les sifflets se font entendre ; Pradon perd contenance ; son ami lui conseille de faire comme tout le monde et de siffler à son tour. […] Il passa au collège de Bordeaux et ayant eu occasion d’aller au théâtre, il fut pris d’une irrésistible démangeaison de fabriquer à son tour une comédie.

906. (1895) La comédie littéraire. Notes et impressions de littérature pp. 3-379

Ce besoin d’idéal qui le dévore lui a joué d’assez méchants tours, c’est à lui qu’il faut attribuer la chute de ses œuvres dramatiques…. […] Rodenbach a trouvé le moyen de les fixer, en des vers dont le tour est peut-être un peu subtil, mais d’une infinie et minutieuse délicatesse. […] Je ne vous cite pas ces vers comme modèle, le tour en est pénible, embarrassé. […] La pauvre femme gagne son pain à des travaux de couture, tandis que son fils accomplit le tour du monde. […] Tout à coup, il se redresse, brandit son épée et, d’une voix éclatante : « Enfin, mes enfants, c’est notre tour ; en avant, là-haut ! 

907. (1837) Lettres sur les écrivains français pp. -167

Souvestre ; à la Tour de Nesle, M.  […] Partir de Toulon, faire le tour de l’Italie, de la Turquie, de l’Égypte, de la Barbarie, de l’Algérie, et rentrer en visitant l’Espagne. […] C’était une espèce de tour de force pour l’état des idées de l’écrivain, mais la bizarrerie de la situation, et peut-être aussi la libéralité de cette proposition le firent céder. […] Gautier a fait ce qu’il appelle un tour en Belgique, et, rentré à Paris, s’est mis à écrire son tour, afin, sans doute, de rentrer dans ses frais de campagne. […] Gautier, moi qui ne renonce pas à l’idée d’écrire mon tour en France.

908. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Horace Vernet (suite et fin.) »

« En arrivant, j’ai trouvé, comme vous me l’aviez dit, une lettre de vous datée du 9, mon cher Delaroche ; quoique vous ayant vu depuis, j’y réponds par la raison toute simple qu’elle traite des questions graves qu’il m’importe à mon tour de traiter de vous à moi ; car je veux et je dois vous ouvrir mon cœur tout entier, au risque de vous déplaire sous certains rapports, et peut-être de voir nos relations se refroidir de nouveau ; mais il est des circonstances où ce serait un crime de se taire, puisqu’il y va de votre bonheur à venir et de vous préserver du plus affreux de tous les malheurs, de cette douleur sans compensation de rester seul sur la terre ! […] La peinture est une maîtresse qui passe de main en main sans jamais vieillir ; avec un peu de jugement on doit s’en éloigner avant quelle ne vous joue de mauvais tours ; du reste, c’est le secret de la vie tout entière. […] À Aurillac, à table d’hôte, au dîner, un commis-voyageur qui tenait le de de la conversation, s’adjugeait en même temps les meilleurs morceaux ; il allait s’appliquer les deux ailes du poulet ; au moment où il levait la main pour prendre la seconde, Horace, d’un tour de fourchette plus habile, la lui escamote : une querelle s’ensuit ; grand bruit.

909. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Œuvres françaises de Joachim Du Bellay. [III] »

Prenez le cent-treizième sonnet de l’Olive, il est dur assurément, mais il est noble, élevé, et il faudrait peu de chose pour que l’essor se fît jour en plein ciel et se déployât : Si notre vie est moins qu’une journée En l’éternel, si l’an qui fait le tour Chasse nos jours sans espoir de retour, Si périssable est toute chose née, Que songes-tu, mon Âme emprisonnée ? […] Les Caraffe, jaloux de la fortune des Farnèse, exploitaient à leur tour le pontificat de Paul IV et dévoraient ce règne d’un moment. […] Ces vers, que je n’ai vus nulle part imprimés, méritent de ne point se perdre ; on y reconnaît le tour philosophique du poète, élève d’Andrieux, en même temps qu’ils ont la marque certaine de son talent : Qu’on porte envie au pontife romain !

910. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME ROLAND — I. » pp. 166-193

Ceux-ci à leur tour, aisément restrictifs et négatifs dans leur prudence, n’hésitant pas au besoin, dans leur système complexe, à limiter, à entamer le droit par la raison d’État, le rendent bien en inimitié aux esprits de nature girondine, que tantôt ils ont l’air de mépriser comme de pauvres politiques, et que tantôt ils confondent en une commune injure avec la secte jacobine pour les montrer dangereux. […] Elle aime à associer les noms de l’amitié aux émotions publiques qui envahissent son âme et la transportent : « C’est ajouter, » dit-elle en un style plein de nombre et dont le tour accompli rappelle le parler de Mme de Wolmar, « c’est ajouter au grand intérêt d’une superbe histoire l’intérêt touchant d’un sentiment particulier ; c’est réunir au patriotisme qui généralise, élève les affections, le charme de l’amitié qui les embellit toutes et les perfectionne encore. » Les lettres du 24 et du 26 janvier 91 à Bancal, alors à Londres, par lesquelles elle essaie de le consoler de la mort d’un père, méritent une place à côté des plus élevées et des plus éloquentes effusions d’une philosophie forte, mais sensible. […] Elle aussi se sentait faite pour un rôle actif, influent, multiplié, pour cette scène principale où l’on rencontre à chaque pas l’aliment de l’intelligence et l’émotion de la gloire ; elle aussi, loin de Paris, exilée à son tour de l’existence agrandie et supérieure qu’elle avait goûtée, elle aurait redemandé, mais tout bas, le ruisseau de sa rue de la Harpe.

911. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre deuxième. Les images — Chapitre II. Lois de la renaissance et de l’effacement des images » pp. 129-161

Pareillement, dans la lutte pour vivre51 qui, à chaque moment, s’établit entre toutes nos images, celle qui, à son origine, a été douée d’une énergie plus grande, garde à chaque conflit, par la loi même de répétition qui la fonde, la capacité de refouler ses rivales ; c’est pourquoi elle ressuscite incessamment, puis fréquemment, jusqu’à ce que les lois de l’évanouissement progressif et l’attaque continue des impressions nouvelles lui ôtent sa prépondérance, et que les concurrentes, trouvant le champ libre, puissent se développer à leur tour. […] Ainsi, la mémoire humaine est un vaste bassin où l’expérience journalière déverse incessamment divers ruisseaux d’eaux tièdes ; ces eaux plus légères restent à la surface, recouvrant les autres ; puis, refroidies à leur tour, elles descendent au fond par portions et par degrés, et c’est l’afflux ultérieur qui fait la nouvelle superficie. […] Si dans l’un des deux états les images ont des associations très exactes et très délicates, si, comme on le voit chez plusieurs somnambules66, des aptitudes supérieures se déclarent, si, comme on le remarque dans l’ivresse et après plusieurs maladies, les passions prennent un autre degré et un autre tour, non seulement les deux personnes morales seront distinctes, mais il y aura entre elles des disproportions et des contradictions monstrueuses. — Sans doute, quoique, chez les somnambules, les personnes hypnotisées et les extatiques, des contrastes semblables opposent la vie ordinaire à la vie anormale, leurs deux vies ne sont point nettement ni entièrement séparées ; quelques images de l’une s’introduisent toujours ou presque toujours dans l’autre ; et la supposition que nous avons faite reste, quand il s’agit de l’homme, une simple vue de l’esprit. — Mais dans les animaux elle rencontre des cas où elle s’applique avec exactitude ; tel est celui des batraciens et des insectes qui subissent des métamorphoses.

912. (1890) L’avenir de la science « VIII » p. 200

Le sentiment des lois psychologiques est-il généralement répandu, ou du moins exerce-t-il une influence suffisante sur le tour de la pensée et le langage habituel ? […] Les lois étant ici d’une nature très délicate et ne se présentant point de face comme dans les sciences physiques, la faculté essentielle est celle du critique littéraire, la délicatesse du tour (c’est le tour d’ordinaire qui exprime le plus), la ténuité des aperçus, le contraire, en un mot, de l’esprit géométrique.

913. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre VI. Premiers pas hors de Saint-Sulpice  (1882) »

Berthelot, ayant achevé ses mathématiques spéciales au lycée Henri IV, retourna chez son père, qui demeurait au pied de la tour Saint-Jacques de la Boucherie. Quant il venait me voir, le soir, à la rue de l’Abbé-de-l’Épée, nous causions pendant des heures ; puis j’allais le reconduire à la tour Saint-Jacques ; mais, comme d’ordinaire la question était loin d’être épuisée quand nous arrivions à sa porte, il me ramenait à Saint-Jacques du Haut-Pas ; puis je le reconduisais et ce mouvement de va-et-vient se continuait nombre de fois. […] J’aimerais à raconter toutes les aventures que mes vertus sulpiciennes m’amenèrent et les tours singuliers qu’elles m’ont joués.

914. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — V. — article » pp. 457-512

Jamais personne n'a su mieux donner une tournure ingénieuse aux plus minces bagatelles ; prodiguer, avec autant de grace que de facilité, la finesse des pensées, l'agrément des figures, la délicatesse des tours, l'élégance, & la légéreté. […] entre les sentences, les maximes, les tours fins & délicats, les expressions ingénieuses, les beaux sentimens qu’il exprime si énergiquement dans plusieurs endroits de ses Ouvrages, & ce débordement de fiel & de malignité, ce tissu d’indécences, de mensonges, de calomnies, répandues sur tant d’Ecrivains de mérite, Etrangers, Nationaux, Prélats, Militaires, de tous les Ordres & de tous les Etats, qui n’ont eu d’autre tort, à son égard, que de n’avoir pas pensé comme lui, & d’avoir osé l’écrire ! […]   Qu’opposent à tous ces tours d’adresse, à ce torrent d’approbation, les Gens de goût & les Hommes sages ?

915. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Chamfort. » pp. 539-566

C’est par rapport au très grand monde seulement que Chamfort a pu dire : « Il paraît impossible que, dans l’état actuel de la société, il y ait un seul homme qui puisse montrer le fond de son âme et les détails de son caractère, et surtout de ses faiblesses, à son meilleur ami. » C’est ce grand monde uniquement qu’il avait en vue quand il disait : « La meilleure philosophie relativement au monde est d’allier, à son égard, le sarcasme de la gaieté avec l’indulgence du mépris. » C’est pour avoir trop vécu sur ce théâtre de lutte inégale, de ruse et de vanité, qu’il a pu dire son mot fameux : « J’ai été amené là par degrés : en vivant et en voyant les hommes, il faut que le cœur se brise ou se bronze. » J’ajouterai, pour infirmer l’autorité de certaines maximes de Chamfort et pour en dénoncer le côté faux, qu’elles viennent évidemment d’un homme qui n’a jamais eu de famille, qui n’a pas été attendri par elle ni en remontant ni en descendant, qui n’a pas eu de père et qui, à son tour, n’a pas voulu l’être. […] L’ardeur révolutionnaire de Chamfort ne s’arrêta pas même au 10 août : il écrivait deux jours après à un ami, en lui racontant qu’il était allé faire son pèlerinage à la place Vendôme, à la place des Victoires, à la place Louis-XV, qu’il avait fait le tour des statues renversées de Louis XV, de Louis XIV : Vous voyez, disait-il en finissant, que, sans être gai, je ne suis pas précisément triste. […] » — Pour en revenir à Chamfort qui a servi de prétexte et de point de départ à la querelle qui m’est faite, je le goûte certes, et je fais le plus grand cas de son esprit et du tour qu’il y donne ; mais j’ai parlé de son âcreté, de son acrimonie et de son cynisme final comme en ont parlé presque tous ceux qui l’ont connu : mon étude a été une étude morale et non politique.

916. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre troisième. Le souvenir. Son rapport à l’appétit et au mouvement. — Chapitre troisième. La reconnaissance des souvenirs. Son rapport à l’appétit et au mouvement. »

L’action réflexe, à son tour, décrit un arc de cercle plus ou moins étendu : une petite impression, comme un léger coup sur la tête, provoque une petite réaction, qui ne dépasse guère le cerveau ; une autre plus forte va jusqu’aux membres ; un coup violent met tout le corps en mouvement dans l’espace, etc. […] « Lorsqu’une idée, dit à son tour Maudsley, devient de nouveau active, c’est simplement que le même courant nerveux se reproduit, avec la conscience que ce n’est qu’une reproduction : c’est la même idée, plus la conscience qu’elle est la même. » Mais cette conscience est précisément ce qu’il y a de moins « simple » à expliquer, et elle ne saurait se confondre avec la reproduction pure : il ne suffit pas, comme fait Spencer, de déclarer les deux choses identiques pour se tirer d’embarras. […] L’effort, à son tour, n’est pas quelque chose de désintéressé, d’indifférent et de froid : sous sa forme primitive, dans l’être vivant et sentant, il est appétit.

917. (1913) Le bovarysme « Première partie : Pathologie du bovarysme — Chapitre V. Le Bovarysme des collectivités : sa forme idéologique »

On va montrer tout d’abord avec insistance que le moyen selon lequel les collectivités sociales se conçoivent à la ressemblance d’une activité différente est l’idée générale et ce fait mis en lumière devra à son tour éclairer et dominer tous les développements qui suivront et où l’on s’efforcera de faire voir sous quelles conditions et dans quelles proportions l’idée générale doit être acceptée par une société pour y être la cause d’une plus-value, dans quelles circonstances elle y détermine au contraire un affaiblissement et y constitue un péril. […] C’est cette religion qui à son tour fixa la forme des institutions sociales et voici les premiers actes par lesquels la croyance ancienne, retirée du terreau physiologique où elle avait germé, abstraite et détachée du souci humain dont elle était la servante, devint une idée dogmatique à qui il appartint de gouverner des consciences sans justifier de son droit. […] Substituant une nouvelle évaluation à l’ancienne, elle allait bientôt décréter à son tour certaines prohibitions et parmi celles-ci l’interdiction du mariage entre proches.

918. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre III. Le théâtre est l’Église du diable » pp. 113-135

Essayez, par exemple, en fait d’étonnements et de surprises, d’aller plus loin que La Tour de Nesle et les drames de M.  […] Il fit encore deux ou trois tours dans l’appartement, en sifflant un air de la Norma ; puis, se posant devant moi : Par hasard, me dit-il, avez-vous vu sortir, des magasins d’Érard, quelque beau piano tout neuf, chef-d’œuvre sonore de l’habile facteur ? […] S’il donne quelque tour à ses pensées, c’est moins par une vanité d’auteur que pour mettre une vérité qu’il a trouvée dans tout le jour nécessaire pour faire l’impression qui doit servir à son dessein.

919. (1913) La Fontaine « VII. Ses fables. »

Ulysse fait ainsi le tour de l’animalité et reçoit de tous des réponses analogues. […] Le rat est poltron, très poltron, mais sage, très capable de sagesse, très capable de prudence, il sait déjouer les tours mêmes du chat et devant un chat enfariné il dit : Ce bloc enfariné ne me dit rien qui vaille. […] Le retour sur ses pas, les malices, les tours, Et le change, et cent stratagèmes…, etc.

920. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Sainte-Beuve » pp. 43-79

Évidemment le critique, à son tour femme aussi, mais trop femme, a pris les perles pour le front. […] Lorsqu’après avoir caractérisé plus ou moins heureusement le génie de Virgile il met l’Énéide à son tour en face de l’Iliade et s’efforce de prononcer, il recommence la séparation qui lui a porté malheur une première fois, et il établit entre les deux poèmes des distinctions très subtiles et très spirituelles, mais plus spécieuses que concluantes aux yeux d’une critique large et de bon sens. […] Pour un poète et pour un critique qui a l’expérience de la vie et qui jette sur les œuvres de la pensée le regard serein d’une maturité pleine et contenue, quelle plus belle place et quelle plus noble attitude que de faire asseoir sa renommée, en lui reployant ses longues ailes, aux pieds d’Homère et de Virgile, — de ce groupe souverain qui couronne le sommet de l’Histoire ; d’être à Virgile à son tour, par l’interprétation de son génie, ce que fut Virgile à Homère, et d’éclairer pieusement d’un flambeau le radieux guide qui conduit à travers les siècles le grand aveugle dans la nuit !

921. (1895) Impressions de théâtre. Huitième série

Ibsen… Ce drame pourrait bien être, à lui aussi, sa dernière tour. — J’ignore quelle a été l’explication du conférencier, M.  […] Biœrnson devint positiviste, mais en gardant un tour d’esprit et des sentiments puritains. […] Et ceux qui attendent leur tour causent entre eux de leurs peines et de leur misère ; et une petite fille se trouve mal, étant venue de très loin sans manger. […] Et, quand ils sont bien sûrs d’être seuls, les deux bonshommes se hissent, à leur tour, et s’embrassent par-dessus la muraille complaisante en s’appelant : « Cher ami !  […] « Et moi aussi, j’ai eu mon tour.

922. (1894) La bataille littéraire. Sixième série (1891-1892) pp. 1-368

Certes, les Loti, Maupassant, Bourget et bien d’autres, sont toujours des plus vaillants sur la brèche, mais des troupes plus fraîches arrivent aussi à leur tour avec de nouveaux officiers. […] L’air des cloches qui s’y survivent et des tours. […] Je n’ai pas faim, et laisse passer, sans y arrêter même un regard, le tronc du cône métallique qui rapidement fait le tour du carré. […] Mais qui n’est pas démodé à son tour ? […] Quel tour prendront les questions sociales ?

923. (1923) L’art du théâtre pp. 5-212

L’absolu de la théorie une fois posé, la pratique, à son tour, pose ses conditions et elles sont inévitablement relatives, relatives à l’homme, à ses limites, à ses besoins, à ses moyens. […] En vain, pour en sauvegarder la pureté, aura-t-il décidé de se retirer dans sa tour. […] Les voici devant un équilibriste qui doit les charmer par ses tours. […] De là cette préciosité, ces intrigues inextricables et ces tours elliptiques qui rendent la plupart de ses dernières tragédies à peu près illisibles et peut-être injouables, hélas ! […] Ce tour de passe-passe qui n’est pas neuf a toujours permis de s’y retrouver dans la masse des productions dont nous recevons l’héritage.

924. (1923) Critique et conférences (Œuvres posthumes II)

» on prierait quelques-uns de mes amis, qui avaient adhéré et aidé à la venue de Rimbaud à Paris, de le loger à leur tour et de l’héberger, sans pour cela, moi, me désintéresser de « l’œuvre », le moins du monde, bien entendu. […] Au bout d’efforts sans nombre et d’un temps infini, je m’aperçus que faucille à son tour ne pouvait absolument pas disparaître. […] Rustiques, Psychologues, Lyriques, Baudelairiens habiles, passés, non sans malice douce-amère, en revue, Jules Tellier s’inquiète à son tour, qui est le bon, du mouvement actuel. […] Qui a bien pu changer l’amateur forcené des tours de force de M.  […] Lamartine règne, incontesté ; Chateaubriand peut passer pour déjà classique ; Vigny, descendu de sa tour d’ivoire, part en guerre ; Hugo est en pleine victoire, mais sa campagne n’est pas finie, il a encore bien des luttes à soutenir.

925. (1874) Premiers lundis. Tome II « La Comtesse Merlin. Souvenirs d’un créole. »

Il y a dans cette partie du récit une sobriété de style et une simplicité de tour qui est du tact par opposition à l’abondance même des sensations.

926. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Troisième partie. Disposition — Chapitre III. Du meilleur plan. — Du plan idéal et du plan nécessaire. »

Ainsi Bossuet, prêchant sur la Providence à Dijon et à Paris, compose deux discours tout à fait dissemblables par l’ordre et le tour particulier des pensées.

927. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Stéphane Mallarmé »

Sa conversation se distingue par un tour imprévu et charmant ; il y emploie du reste les mêmes mots que tout le monde, et dans le même sens, ou à peu près.

928. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — S — Saint-Georges de Bouhélier (1876-1947) »

Tout un réveil met debout la jeunesse ; elle refuse de s’enfermer davantage dans la tour d’ivoire, où ses aînés se sont morfondus si longtemps, en attendant que sœur Anne, la vérité de demain, parût à l’horizon.

929. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre VI » pp. 50-55

Monsieur prend le chemin de Tours.

930. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — H — article » pp. 489-496

Je pourrois, à mon tour, lui rappeler les anecdotes qu’il m’apprenoit chaque jour sur le compte des Philosophes, les plaisanteries que nous en faisions ensemble, les éloges qu’il a donnés à des Productions où ils étoient attaqués.

931. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — R. — article » pp. 133-139

Il seroit à souhaiter qu'on pût louer le sujet de toutes ses Epigrammes, comme on admire la maniere dont il l'a traité ; mais on ne doit pas oublier qu'il s'est reproché ces écarts ; & en ne considérant ces petites Pieces que du côté de la poésie, qui n'applaudira à la simplicité, à la briéveté, à la justesse & à l'énergie de l'expression, au sel piquant, au tour original, qui le rendent un Auteur presque unique en ce genre, sans excepter Martial, lequel, à beaucoup près, n'est ni aussi précis, ni aussi nerveux, ni aussi agréable que lui ?

932. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Louise Labbé, et Clémence de Bourges. » pp. 157-164

Elle fait à son tour des vers charmans, qu’elle envoie à l’objet dont elle est éprise.

933. (1824) Notes sur les fables de La Fontaine « Livre troisième. »

Elle avait raison ; mais les femmes ont mieux fait depuis : c’est de prendre leur revanche, de faire des livres, et de peindre les hommes à leur tour.

934. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre quatrième. Du Merveilleux, ou de la Poésie dans ses rapports avec les êtres surnaturels. — Chapitre III. Partie historique de la Poésie descriptive chez les Modernes. »

Les Religieux qui publièrent la vie des Pères du désert furent à leur tour obligés de faire le tableau des retraites où ces illustres inconnus avaient caché leur gloire.

935. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome I « Lettre a monseigneur le duc de**. » pp. -

Ce n’est pas que vous dédaigniez la lecture des chefs-d’œuvres d’Athènes & de Rome, la meilleure école du goût & du génie ; mais né avec un tempérament aussi délicat que votre esprit, & ne voulant pas vous faire de l’étude un travail pénible, vous avez pensé, avec raison, qu’on éprouvoit toujours quelque fatigue en lisant des Livres écrits dans une langue morte, dont les tours variés, les expressions singulieres, les inversions fréquentes mettent l’esprit à la torture.

936. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre XVI. Des Livres nécessaires pour connoître sa Religion. » pp. 346-352

Il a plus de tours que de pensées.

937. (1763) Salon de 1763 « Peintures — Vernet » pp. 227-230

S’il élève un brouillard, la lumière en est affaiblie, et à son tour toute la masse vaporeuse en est empreinte et colorée.

938. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre I. Les origines. — Chapitre II. Les Normands. » pp. 72-164

Taillefer le jongleur, qui demanda l’honneur de frapper le premier coup, allait chantant, en vrai volontaire français, et faisant des tours d’adresse87. […] Au milieu de la guerre, ils se divertissaient ; Édouard III126, dans une de ses expéditions contre le roi de France, emmena avec lui trente fauconniers, et fit la campagne, chassant et combattant tour à tour127. […] Les fabliaux, les malins tours du renard, l’art de duper le seigneur Ysengrin, de lui prendre sa femme, de lui escroquer son dîner, de le faire rosser sans danger pour soi et par autrui, bref le triomphe de la pauvreté jointe à l’esprit sur la puissance jointe à la sottise ; le héros populaire est déjà le plébéien rusé, gouailleur et gai, qui s’achèvera plus tard dans Panurge et Figaro, assez peu disposé à résister en face, trop fin pour aimer les grosses victoires et les façons de lutteur, enclin, par agilité d’esprit, à tourner autour des obstacles, et n’ayant qu’à toucher les gens du bout du doigt pour les faire tomber dans le panneau. […] On voit bien par le chant, l’accent et le tour de leurs ballades176, qu’ils sont capables de la plus belle invention poétique ; mais leur poésie reste entre les mains des yeomen et des joueurs de harpe. […] And than gan I to mete a mervelyous swevene, That I was in a wyldyrnese, wyst I never qwere ; And as I beheld on hey, est on to the sonne, I saw a tour on a toft, ryaly emaked, A depe dale benethe, a donjon therein, With depe dykys and dyrke, and dredful of sygth.

939. (1880) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Première série pp. 1-336

Ailleurs encore, dans la chanson proprement dite, c’est le raffinement d’allégorie, c’est le tour de force du versificateur remplaçant l’expression du sentiment vrai. […] À son tour, M.  […] Et plus tard enfin, la critique naturelle, à son tour, cette critique savante, mais parfois aventureuse, qui veut soumettre les grands hommes à la dépendance étroite, nécessaire, absolue des circonstances extérieures, de la « race », du « milieu », du « moment », s’empare du sujet, l’étend, l’anime, le renouvelle. […] L’invention devient purement verbale, et les règles deviennent à mesure plus étroites, parce qu’il faut accomplir le tour de force dans des conditions plus difficiles. […] L’homme de lettres, émancipé de la protection du grand seigneur ou du traitant, de l’homme de cour ou de l’homme d’argent, prétend faire figure à son tour, comme eux, et comme eux tenir un personnage dans le monde.

940. (1888) Portraits de maîtres

Nous savons ce qu’ont fait à tour de rôle pour glorifier le captif de Sainte-Hélène, Béranger, Delavigne, Jules Le Fèvre, Pierre Lebrun, Victor Hugo. […] Ce ne fut pas le faiseur de tours, le jongleur hebdomadaire, mais bien le chaste et grave serviteur de la grande Muse. […] Vigny, qui n’aimait pas Racine, est pourtant celui de nos contemporains qui le rappelle le plus par le tour du style. […] Naguère encore « Miette » dans la Tour de Percemont portait le suprême témoignage de cette théorie si honnête et si élevée. […] Il les atteste dans le symbole alors voilé de nos triomphes épiques, le « vieux drapeau », que ses vers ont relevé et fait flotter dans le ciel de l’Art plus haut que les tours et les clochers des villes.

941. (1925) Comment on devient écrivain

Il s’agit d’appliquer en littérature ce que le grand pastelliste La Tour disait à Diderot. […] Il faut lire Eugénie Grandet, Pierrette, la Vieille Fille, les Parents pauvres, le Curé de Tours, etc. […] Tour à tour terroriste, royaliste, peuple, il se mêle au drame, on entend ses cris, on voit ses gestes. […] On ne peut, même dans une traduction littérale, avoir la prétention de rendre les tours do phrases et l’ordre des mots de son modèle. […] Armelin a réussi ce tour de force.

942. (1893) Des réputations littéraires. Essais de morale et d’histoire. Première série

Non certes, à moins qu’on ne pense qu’une mouche a de la grâce sur la joue d’un colosse, ou qu’une jolie femme au sommet de la tour Eiffel ajoute quelque chose à l’effet du monument. […] On a bientôt fait le tour de ce qui est net et intelligible. […] Faguet déclare, à son tour, que « l’irrationnel est le signe de la vérité… Tout l’optimisme, tout le libéralisme, toute la philosophie et toute la philosophie politique du XVIIIe siècle sont l’évidence même. […] Celui-ci n’étant point sincère, s’il mérite à son tour d’entrer dans nos études, ce sera seulement au chapitre du charlatanisme et des trucs. […] De son temps, il était beaucoup moins considérable qu’Eugène Sue : voyez aujourd’hui le tour qu’a fait la roue !

943. (1826) Mélanges littéraires pp. 1-457

Le bon sens et l’esprit du docteur Johnson semblent l’abandonner à son tour quand il parle de Shakspeare. […] Parmi ces décorations changeantes et toujours nouvelles, Edwin découvre des fleuves, des gouffres, des géants, des rochers entassés sur des rochers, et des tours penchées sur des tours. […] Nous avons naturellement la haine des bornes ; je dirais presque que le globe est trop petit pour l’homme, depuis qu’il en a fait le tour. […] Au moment même où il écrit ces derniers mots, il descend un des plus grands fleuves de la France ; sur deux montagnes opposées s’élèvent deux tours en ruines ; au haut de ces tours sont attachées des petites cloches que les montagnards sonnent à notre passage. […] La religion, persécutée dans les villes, trouve à son tour un asile dans les forêts, bien qu’elle y ait aussi perdu ses autels et ses temples.

944. (1907) Propos de théâtre. Quatrième série

Ils en font des plaisanteries faciles : « Et les gouvernements se succédaient, et la tour de six cents mètres avait succédé à la tour de trois cents mètres, et la tour de douze cents mètres à la tour de dix-huit cents pieds, et la cinquantième dynastie de généraux (artillerie) avait succédé à la quarante-neuvième dynastie de généraux (cavalerie légère) ; et le trois mille sept cent dix-huitième volume des œuvres posthumes de Victor Hugo émergeait à l’horizon avec tranquillité. » Voilà qui va bien ; seulement cela ne nous regarde pas. […] On nous a fait des tours pendables et inexplicables. […] Laisse-leur leur tour. […] Hervieu d’avoir donné à l’étau un tour de vis de plus qu’il ne fallait. […] Ils n’ont pas lu même tour d’esprit, ils n’ont pas les mêmes habitudes d’âme, ils n’ont pas la même conscience ; c’est évident.

945. (1846) Études de littérature ancienne et étrangère

Les deux langues ne sont donc pas faites pour se traduire réciproquement ; ce n’est pas le même naturel, ni le même tour d’imagination. […] Il fit le tour de la galerie, s’excusant auprès de chaque malade, même du plus pauvre et du plus inconnu. […] Il paraît qu’alors Séjan, à son tour, fut l’objet des soupçons de Tibère. […] Souvent quelle recherche de tours métaphoriques ! […] Sous ce rapport, on peut dire que, s’il est Anglais par le tour de l’expression et le génie, il est Européen par les idées.

946. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre II. Le Roman (suite). Thackeray. »

que ne m’envoyez-vous une vieille tante, —  une tante fille, —  une tante avec une voiture blasonnée et un tour de cheveux couleur café clair ! […] Quand mon tour vint, j’avalai le condiment avec un sourire, je dis Bismillah, et je léchai mes lèvres avec un air de contentement aimable ; puis, quand on servit le plat voisin, j’en fis moi-même une boule avec tant de dextérité et je la fourrai dans le gosier du vieux galéongi avec tant de grâce, que son cœur fut gagné. […] Le tour de force, j’allais dire le tour de génie, est aussi grand que l’effort et le succès de Courier retrouvant le style de l’antique Grèce. […] Thackeray a dû remonter au sens primitif des mots, retrouver des tours oubliés, recomposer un état d’intelligence effacé et une espèce d’idées perdue, pour rapprocher si fort la copie de l’original. […] On ne peut pas appeler amour ce qu’un enfant de douze ans, presque un domestique, ressentait pour une dame de si haut rang, sa maîtresse ; c’était de l’adoration. » Ce sentiment si noble et si pur se déploie par une suite d’actions dévouées, racontées avec une simplicité extrême ; dans les moindres paroles, dans un tour de phrase, dans un entretien indifférent, on aperçoit un grand cœur, passionné de gratitude, ne se lassant jamais d’inventer des bienfaits ou des services, consolateur, ami, conseiller, défenseur de l’honneur de la famille et de la fortune des enfants.

947. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. BALLANCHE. » pp. 1-51

Ballanche et le tira de la crainte, et le préserva de l’obstination dans des ruines ; il espéra ; et, plus tard, devenu prêtre à son tour, prêtre à demi voilé du plébéianisme grandissant, aimant à voir dans Fénelon le véritable fondateur de l’ère actuelle, le voilà qui marche et continuera, à travers tout, de marcher vers l’avenir, comme un de ces tranquilles vieillards de son maître, comme un Aristonoüs serein et patient, souriant de loin sous ses bandelettes à quelque ami qui s’avance, le long du sable fin des mers. […] Il appelait impatiemment son tour et avait hâte de dire une parole de justice. Son tour arriva ; il s’élança à la tribune, des murmures accueillirent ses premiers mots, puis des menaces ; il se troubla, et par degrés ses paroles changèrent de sens, jusqu’à ce qu’enfin, comme à l’Homme sans nom, une parole inconnue, une parole qui n’était pas la sienne, vint se placer sur ses lèvres. […] Ballanche en colère contre les châteaux ; c’est au chapitre III de l’Essai qu’il en est question : « Ces noires tours couronnées de créneaux doivent tomber ; ces longs cloîtres silencieux doivent être transformés en prisons ou en vastes ateliers pour les manufactures, etc. » M.

948. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « DE LA MÉDÉE D’APOLLONIUS. » pp. 359-406

Pétrone, parlant d’un poëme de la Guerre civile, en esquisse largement la poétique en ces termes : « Il ne s’agit pas, dit-il, de comprendre en vers tout le récit des faits, les historiens y réussiront beaucoup mieux ; mais il faut, par de merveilleux détours, par l’emploi des divinités, et moyennant tout un torrent de fables heureuses, que le libre génie du poëte se fasse jour et se précipite de manière qu’on sente partout le souffle sacré, et nullement le scrupule d’un circonspect récit qui ne marche qu’à couvert des témoignages102. » On se ressouvient involontairement de cette recommandation en lisant les Argonautes ; non certes que les fables et les prodiges y fassent défaut : ils sortent de terre à chaque pas ; mais ici ces fables et ces prodiges sont, en quelque sorte, la suite des faits mêmes, et il ne s’y rencontre aucune machine supérieure, aucune invention dominante et imprévue, pour donner au poëme son tour, son impulsion, sa composition particulière. […] Après donc avoir fait briller de loin la gloire d’Ariane, « c’est ainsi, poursuit-il, que les Dieux te sauront gré à ton tour, si tu prends sur toi de sauver une telle élite de héros ; et certes, à te voir si belle, tout dit assez que tu es ornée des trésors du cœur. […] Dis-moi quelque chose encore de cette jeune fille que tu as nommée comme si célèbre, de cette fille de Pasiphaé, la sœur de mon père. » Elle dit ; et lui aussi, à son tour, le funeste Amour commença à le surprendre par les larmes de la jeune fille, et il répondit… » On voit que Jason a bien tardé à s’émouvoir, et que son sang-froid a duré assez longtemps ; il est tout à fait dans le rôle d’Énée et de tant de héros qui se laissent faire et que les Dieux, en de telles rencontres, conduisent par la main à leur fortune. […] Mais toi seulement, lorsque tu seras de retour à Iolcos, souviens-toi de moi, et je me souviendrai de toi à mon tour, en dépit même de mes parents.

949. (1861) Cours familier de littérature. XI « LXVe entretien. J.-J. Rousseau. Son faux Contrat social et le vrai contrat social (1re partie) » pp. 337-416

« Louise-Éléonore de Warens était une demoiselle de la Tour de Pil, noble et ancienne famille de Vevay, ville du pays de Vaud. […] Elle avait un air caressant et tendre, un regard très doux, un sourire angélique, des cheveux cendrés d’une beauté peu commune, et auxquels elle donnait un tour négligé qui la rendait très piquante. […] Père dénaturé, qui signalait sa tendresse menteuse pour l’humanité en faisant ces forçats de naissance appelés des enfants trouvés, dans ces tours, égouts de l’illégale population des cités. […] Nous nous résumerons, dans le prochain Entretien, sur la législation de la nature, et nous vous dirons à notre tour : Voilà la véritable société, telle que Dieu l’a instituée quand il a daigné créer l’homme sociable.

950. (1856) Cours familier de littérature. II « VIIIe entretien » pp. 87-159

Mais, d’un autre côté, on ne peut se dissimuler que l’imitation d’abord puérile, puis libre, de deux langues aussi bien construites, aussi rationnelles, aussi mûres que le grec et le latin (dérivant presque en entier elles-mêmes du sanscrit, la source indienne de toutes langues) ; on ne peut se dissimuler, disons-nous, que cette imitation n’ait été un travail très perdu pour nos écrivains et nos poètes, mais très utile pour notre langue française elle-même ; on ne peut méconnaître qu’en se calquant sur ce grec, sur ce latin, sur ce sanscrit, langues toutes faites et presque parfaites, la langue française n’y ait contracté une rigueur de construction, une solidité de membrures, une disposition de parties du discours, une propriété de verbe, une logique de sens, une clarté de tours et une maturité de mots qui en ont fait, à l’heure où nous sommes, un des plus parfaits instruments de pensée donnés à un peuple pour créer et pour répandre son esprit dans l’univers et pour le propager loin dans la postérité. […] Mais la Fontaine cependant, tout en corrompant la morale de l’enfance et les cœurs de la jeunesse, a bien mérité de la langue en lui restituant quelques-uns de ces tours gaulois qui sont les dates de son origine et les familiarités de son génie. […] Elle était née pour rendre au français, trop majestueux et trop tendu par les efforts des imitateurs des langues classiques, la détente, l’élasticité et la volubilité de sens, de mots et de tours. […] XXV De toutes les facultés de l’esprit, la plus indéfinissable, selon nous, c’est le style ; et, si nous avions à notre tour à le définir, nous ne le définirions que par son analogie avec quelque chose qui n’a jamais pu être défini, la physionomie humaine.

951. (1898) Manuel de l’histoire de la littérature française « Livre premier. Le Moyen Âge (842-1498) » pp. 1-39

À cette différenciation des genres et des classes, nous voyons enfin se lier une différenciation des nationalités ; et quand il est bien établi que ni la Papauté ni l’Empire ne peuvent maintenir l’unité de l’Europe contre la diversité des intérêts qui la divisent, ce sont, après les genres ou les classes, les nations à leur tour qui prennent conscience d’elles-mêmes. […] Clercs ou laïques, les auteurs de nos Mystères, que l’on en appellerait plus exactement les fournisseurs, ne se proposent seulement plus de nous conter le « drame de la Passion », ni d’apprendre à la foule des vérités nouvelles, ou de lui présenter sous une forme nouvelle des vérités anciennes, mais leur dessein ou plutôt leur fonction, tout ce qu’ils sont et ce qu’on leur demande, n’est que de tracer une espèce de scénario qui serve aux bourgeois de Tours ou d’Orléans de prétexte à monter sur les planches, vêtus d’oripeaux éclatants, — et à se procurer ainsi le même genre de plaisir que leur donne de nos jours une « cavalcade » soi-disant historique. […] Génin, Paris, 1850, — l’édition ou les éditions Léon Gautier, Tours, 1872-1883 ; — les éditions Th.  […] A. — Les Chansons de toile ou d’histoire ; — et qu’elles sont contemporaines de l’épopée nationale, comme le prouvent : — leur tour essentiellement narratif ; — le rôle que les femmes y jouent ; [ce sont elles qui font les avances, et les hommes les traitent avec la brutalité dont ils usent toujours en pareil cas] ; — enfin l’indistinction des éléments épique, lyrique, et même dramatique. — L’élément épique domine dans les Chansons d’histoire proprement dites ; — l’élément dramatique se dégage dans les Pastourelles et Chansons à danser, dont le développement ultérieur aboutit, — sous l’influence des divertissements des Fêtes de Mai, — à de véritables pièces, telles que le Jeu de Robin et Marion, d’Adam de la Halle, 1260 ; — mais le second, l’élément lyrique ou personnel, n’apparaît qu’au contact de la poésie provençale.

952. (1840) Kant et sa philosophie. Revue des Deux Mondes

Jusqu’au moment où les peuples septentrionaux deviennent conquérans à leur tour, et quelque temps même après la conquête, ils ont une civilisation, une forme de gouvernement, une religion, une poésie qui leur est propre. […] Otez l’esprit de l’homme et sa constitution nécessaire, il ne vous reste des objets que des notions sans fondement ; vous élèverez une théorie hypothétique qu’une autre théorie hypothétique renversera pour être renversée à son tour ; les systèmes et les écoles se succéderont sans que la science avance, et la métaphysique, soumise à de continuelles révolutions, cherchera vainement une certitude qui la fuit toujours. […] Au contraire, prenez la dernière vérité de la géométrie, et cherchez d’où elle sort ; elle sort de la vérité précédente, qui, à son tour, sort d’une vérité antérieure, et chacune d’elles vous paraissant tour à tour principe et conséquence, il vous faudra remonter de théorème en théorème jusqu’à des vérités premières qui aient leur raison en elles-mêmes, qui soient principes, sans être conséquences, c’est-à-dire jusqu’à la définition du triangle, de l’angle, du cercle, de la ligne droite. […] Descartes à son tour n’est point Leibnitz, et Kant, qui a commencé la philosophie allemande, ne l’a ni gouvernée ni terminée.

953. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Edgar Poe »

L’Amérique, qui couvre de dollars les derniers saltimbanques, fut pour lui une tour de la Faim et lui fit avaler tous les soirs la clef que Gilbert n’avala qu’une fois, — à l’agonie. […] Sans Ligeia et Morella, où le poète inattendu et puissant jaillit d’une idée ridicule, que le monde moderne, qui n’a pas d’idées à lui, a trouvée dans le bagage de l’Orient et de l’Antiquité, — la métempsycose, — il n’y aurait pas un seul des Contes publiés là qui pût être considéré autrement que comme les tours de force d’un jongleur. […] En présence d’une société grossière, qui aime les tours de force, les difficultés vaincues, qui ferait plus de cas du tableau de la Transfiguration, s’il était fait à cloche pied, la faim explique tout. […] Il établit le tour du cadran de l’analyse sur le pivot de son mouvement interne.

954. (1868) Curiosités esthétiques « I. Salon de 1845 » pp. 1-76

Delacroix n’est pas encore de l’Académie, mais il en fait partie moralement ; dès longtemps il a tout dit, dit tout ce qu’il faut pour être le premier — c’est convenu ; — il ne lui reste plus — prodigieux tour de force d’un génie sans cesse en quête du neuf — qu’à progresser dans la voie du bien — où il a toujours marché. […] Cette couleur est d’une science incomparable, il n’y a pas une seule faute, — et, néanmoins, ce ne sont que tours de force — tours de forces invisibles à l’œil inattentif, car l’harmonie est sourde et profonde ; la couleur, loin de perdre son originalité cruelle dans cette science nouvelle et plus complète, est toujours sanguinaire et terrible. — Cette pondération du vert et du rouge plaît à notre âme. […] Nous ne savons comment louer sa statue — elle est incomparablement habile — elle est jolie sous tous les aspects — on pourrait sans doute en retrouver quelques parties au Musée des Antiques ; car c’est un mélange prodigieux de dissimulations. — L’ancien Pradier vit encore sous cette peau nouvelle, pour donner un charme exquis à cette figure ; — c’est là certainement un noble tour de force ; mais la nymphe de M. 

955. (1817) Cours analytique de littérature générale. Tome II pp. 5-461

Ce n’est aujourd’hui qu’en hésitant que j’ose à mon tour prendre le flambeau pour examiner au milieu de vous les beaux modèles : je m’en saisis d’une main plus timide cette fois, que je ne le fis d’abord. […] Une courte citation de quelques vers composés à l’imitation des tours et des termes de Rabelais, dans un dialogue entre ce gai philosophe et la raison, achèvera de vous caractériser sa ressemblance avec Aristophane. […] Tantôt un parti le défend ; tantôt une faction contraire le protège à son tour, et lui-même soumis à la censure de son auditoire, est réprimé s’il passe le but, ou s’il abuse du droit qu’il acquiert de faire rire le monde aux dépens des abus et des vices. […] Les malins tours que notre Molière attribuait aux filles et aux épouses de son temps ne sont, au prix de ceux dont je parle, que des bagatelles dont il nous conseille plutôt de nous moquer que de nous fâcher. […] Les tours patibulaires de deux vils fourbes, et l’avarice crapuleuse ou l’imbécillité de deux crédules barbons a-t-elle des rapports avec les mœurs d’Alceste, avec la fatuité de deux jeunes seigneurs et d’un courtisan bel esprit ?

956. (1896) Les époques du théâtre français (1636-1850) (2e éd.)

Si je le faisais, je ne saurais en effet m’empêcher, pour répondre à Lessing, de hasarder à mon tour une incursion sur ses terres, de vous parler de Nathan le Sage ou d’Emilia Galotti… et Dieu sait ce que j’en dirais peut-être29 ! […] Du Segrais, Messieurs, du Racine, du Corneille, voilà bien du monde, en vérité, voilà beaucoup de collaborateurs, et vous pensez qu’il est temps que Crébillon, à son tour, paye de sa personne. […] Tout le mélodrame de la Tour de Nesle ne tient qu’à une série de reconnaissances. […] Crébillon n’a donc disparu de l’affiche, comme l’on dit, et du répertoire, que dans le temps même, vous le voyez, où la Tour de Nesle, Lucrèce Borgia, Marie Tudor, — je ne cite ici que des mélodrames devenus historiques, — allaient s’y inscrire, et l’horreur romantique succéder à la terreur classique. […] Pareillement Bérénice… Mais Bajazet, à son tour, n’est-ce pas la tragédie, s’il en fut jamais une, des « fausses confidences » : fausses confidences de Bajazet, fausses confidences d’Atalide à Roxane ?

957. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « De la dernière séance de l’Académie des sciences morales et politiques, et du discours de M. Mignet. » pp. 291-307

Il y eut une époque où, se croyant sûr de lui et de sa science nouvelle, il ne craignit pas à son tour de porter l’attaque dans les croyances d’autrui et de les battre en brèche, afin d’y substituer ce qu’il estimait plus raisonnable et mieux démontré. […] Il avait une langue pure, facile et pleine, une perception vive et pénétrante de la nature, un tour d’imagination assez romanesque, et un sentiment exquis de critique littéraire : il aurait pu se porter sur plus d’un sujet qui eût du corps, s’y reposer du moins et s’y refaire dans les intervalles de ses soliloques psychologiques trop prolongés.

958. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Marivaux. — II. (Fin.) » pp. 364-380

Quoi qu’il en soit, en nous décrivant le tour d’esprit des convives, Marivaux va nous définir en perfection le genre qu’il préfère : Ce ne fut point, dit Marianne, à force de leur trouver de l’esprit que j’appris à les distinguer : pourtant il est certain qu’ils en avaient plus que d’autres et que je leur entendais dire d’excellentes choses ; mais ils les disaient avec si peu d’effort, ils y cherchaient si peu de façon, c’était d’un ton de conversation si aisé et si uni, qu’il ne tenait qu’à moi de croire qu’ils disaient les choses les plus communes. […] Et ici ce n’est point pour sa sincérité précisément que la marquise entend se choquer, notez-le bien : « Mais quand on a le goût faux, lui dit-elle, c’est une triste qualité que d’être sincère. » Ergaste, à son tour, à qui elle se met à dire des vérités, se fâche, et il se rejette vers Araminte, de même que la marquise revient à Dorante, qu’elle veut forcer aussi à lui dire ses défauts : Dorante, en ayant l’air d’obéir, choisit si bien les deux ou trois défauts qu’il lui reproche, que cela devient une flatterie nouvelle et des plus insinuantes.

959. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Geoffroy de Villehardouin. — I. » pp. 381-397

à quelques pas de là, Commynes, mandé par le doge de bon matin, voit en entrant tous ces mêmes visages non plus abattus, mais fiers et radieux ; on lui signifie le traité conclu, hostile à la France, et le nom des puissances confédérées : c’est à lui, à son tour, tout avisé qu’il est, d’avoir le cœur serré et le visage défait, car il n’avait eu vent de rien de précis jusqu’à cette heure, le secret avait été rigoureusement observé ; à force de voir traîner les choses en longueur, il avait fini par les croire échouées : en descendant les degrés du palais, il trahissait aux yeux de tous son étonnement manifeste et sa perte de contenance. […] Et n’avons-nous pas vu nous-mêmes des guerres et des croisades tout aussi vastes s’enflammer, et des hommes de cabinet à leur tour y trouver leur large emploi ?

960. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Sénac de Meilhan. — I. » pp. 91-108

Il a manqué à la réputation de M. de Meilhan quelques années de plus de durée pour être fixée et enregistrée dans l’opinion, et pour que l’auteur fût classé à son tour dans la série des moralistes, à la suite des hommes célèbres dont il a si bien déterminé le caractère et distingué les mérites aux premières pages de ses Considérations sur l’esprit et les mœurs (1787). […] Les révolutions sont des moyens périlleux de se régénérer et de se redonner des idées, de la vivacité, du nerf ; on perd souvent à ces tours de force et à ces convulsions bien autant qu’on y gagne, et ce n’est qu’après un long temps qu’on peut démêler avec quelque justesse les semences nouvelles qui ont réellement levé, et ce qui a pris racine avec vigueur au milieu des déchirements et des décombres.

961. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Bossuet. Lettres sur Bossuet à un homme d’État, par M. Poujoulat, 1854. — Portrait de Bossuet, par M. de Lamartine, dans Le Civilisateur, 1854. — I. » pp. 180-197

Ailleurs, c’est plutôt dans l’emploi de certains mots rudement concis, et dans le tour presque latin, qu’on sent le contemporain de Pascal : Car enfin ne vous persuadez pas que Dieu vous laisse rebeller contre lui des siècles entiers : sa miséricorde est infinie, mais ses effets ont leurs limites prescrites par sa sagesse : elle qui a compté les étoiles, qui a borné cet univers dans une rondeur finie, qui a prescrit des bornes aux flots de la mer, a marqué la hauteur jusqu’où elle a résolu de laisser monter tes iniquités. […] Loin, loin de lui ces caresses et ces tours de force physiologiques d’un pinceau qui s’amuse au carmin et aux veines !

962. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Sylvain Bailly. — I. » pp. 343-360

Bailly s’en expliqua par lettre auprès de Voltaire, lequel répliqua à son tour et résista par toutes les raisons que le bon sens trouve au premier abord, et que le sien rendait si piquantes et si gaies ; il répugnait à admettre que l’âge d’or des sciences, et de l’astronomie en particulier, eût été se loger d’emblée en Sibérie : J’ose toujours, monsieur, vous demander grâce pour les brachmanes. […] Sans l’y suivre en détail, il est impossible de ne pas noter le tour piquant, la manière vive et tout à fait légère dont il se gouverne en ces graves sujets.

963. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « La Divine Comédie de Dante. traduite par M. Mesnard, premier vice-président du Sénat et président à la Cour de cassation. » pp. 198-214

Cette lecture de Dante, comme l’objet même de son poème, est un labyrinthe : il y faut un guide ; on en trouve plus d’un au seuil, on en essaye, on s’en dégage bientôt ; on aspire à en devenir un à son tour : Toute version, dit M.  […] Dans la nouvelle traduction qui nous occupe, je remarque et je loue le soin d’être, autant que possible, coulant et facile en français, d’unir la fermeté du ton à l’aisance du tour et du nombre.

964. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire de mon temps. Par M. Guizot. »

Et cependant, d’enfants que nous étions, nous avons grandi à leur ombre, et quelquefois malgré leur ombre ; nous aussi, nous avons vécu, nous avons vieilli ; nous avons nos opinions faites et qui ont le droit, à leur tour, de se dire mûres. […] On y sent se dessiner les formes d’esprit de l’auteur lui-même, confiance, espérance, certitude ; on y saisit ses origines intellectuelles et morales, son tour et son degré de libéralisme, ses limites distinctes et précises : « Je suis de ceux, dit-il, que l’élan de 1789 a élevés et qui ne consentiront point à descendre… Né bourgeois et protestant, je suis profondément dévoué à la liberté de conscience, à l’égalité devant la loi, à toutes les grandes conquêtes de notre ordre social.

965. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Mémoires de l’Impératrice Catherine II. Écrits par elle-même. »

Je me souviens qu’un jour, à une de ces mascarades publiques, ayant appris que tout le monde se faisait faire des habits neufs, et les plus beaux du monde, désespérant de pouvoir surpasser les autres femmes, je m’avisai de mettre un corps couvert de gros de Tours blanc (j’avais alors la taille très-fine), une jupe de même sur un très-petit panier ; je fis accommoder mes cheveux de derrière la tète, qui étaient fort longs, très-épais et fort beaux ; je les fis nouer avec un ruban blanc en queue de renard ; je mis sur mes cheveux une seule rose avec son bouton et ses feuilles, qui imitait le naturel à pouvoir s’y tromper, une autre je l’attachai à mont corset ; je mis au cou une fraise de gaze fort blanche, des manchettes et un tablier de la même gaze, et je m’en allai au bal. […] Ce portrait de Catherine en gros de Tours blanc (elle n’était pas sans se le dire à elle-même) est le portrait encore pur, le portrait avant la lettre, avant la tache et l’éclaboussure de sang.

966. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « M. de Pontmartin. Les Jeudis de Madame Charbonneau » pp. 35-55

Et la preuve qu’au fond vous tenez peu à cette innocence, et que depuis longtemps elle avait commencé à vous peser, c’est qu’après le premier bruit de la bombe qui vous a fait un peu reculer, vous voilà aux anges ; vous pétillez d’aise, vous avez réussi à faire éclat, à obtenir ce que votre cœur d’homme de lettres désirait le plus, une célébrité d’une heure. « C’est égal, le tour est joué », devez-vous dire. […] Je ne savais pas, je l’avoue, M. de Pontmartin en si piètre état et en si mauvaise posture ; je le croyais sur un meilleur pied dans tous ses mondes ; il me semblait qu’il avait, littérairement, une réputation assez en rapport avec ses mérites, qu’il n’avait pas grand-chose à demander de plus ; et quant à l’Académie, son désir ou son regret aujourd’hui avoué, j’estimais à vue de pays que, du train dont nous y allons et pour peu que nous mourions encore, il avait chance d’y arriver à son tour, — après M. 

967. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Souvenirs de soixante années, par M. Etienne-Jean Delécluze »

David fait le tour de l’atelier et dit à chacun son mot ; le défaut ou la qualité qu’il remarque chez l’élève, dans l’ouvrage commencé qu’il a sous les yeux, lui devient un sujet de réflexions plus générales. […] On me dit qu’il n’est besoin de ne faire aucune supposition, et que David, faisant son tour d’atelier, et arrivé au jeune Etienne, lui dit un jour en effet : « Ah !

968. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Sainte-Hélène, par M. Thiers »

s’emparant d’emblée de cet antique champ de gloire, et le sillonnant à son tour de traces immortelles comme il ne s’en était pas vu depuis Annibal. […] Qu’on lui sache gré surtout de nous fournir, par l’étendue même et le caractère circonstancié de ses récits, les moyens de le discuter, de le contrôler à notre tour, et parfois de le contredire.

969. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « APPENDICE. — CASIMIR DELAVIGNE, page 192. » pp. 470-486

Venise traîne encor son linceul en lambeaux : Comme une voile immense, eh bien, qu’il se déploie Au faîte de ses tours qui nagent sur les eaux, A ses flèches de marbre, aux pointes des créneaux Où volent ces oiseaux de proie ! Venise avec ses tours et ses palais mouvants, Ses temples que la mer balance, Va flotter, va voguer, conduite par les vents, Aux bords où pour les Grecs le passé recommence, etc.

970. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Racine — II »

Si maintenant l’on m’objecte que cette théorie conjecturale serait admissible peut-être si Racine n’avait pas fait Athalie, mais qu’Athalie seule répond victorieusement à tout et révèle dans le poëte un génie essentiellement dramatique, je répliquerai à mon tour qu’en admirant beaucoup Athalie, je ne lui reconnais point tant de portée ; que la quantité d’élévation, d’énergie et de sublime qui s’y trouve ne me paraît pas du tout dépasser ce qu’il en faut pour réussir dans le haut lyrique, dans la grande poésie religieuse, dans l’hymne, et qu’à mon gré cette magnifique tragédie atteste seulement chez Racine des qualités fortes et puissantes qui couronnaient dignement sa tendresse habituelle. […] On remarquera que dans ses tours il conserve par moments des traces légères d’une langue antérieure à la sienne, et je trouve pour mon compte un charme infini à ces idiotismes trop peu nombreux qui lui ont valu d’être souligné quelquefois par les critiques du dernier siècle.

971. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre I. La littérature pendant la Révolution et l’Empire — Chapitre III. Madame de Staël »

Je ne sais si ce n’est pas un mauvais tour que lui a joué son trop sociable esprit : elle n’admet à partager les bénéfices de la Révolution que les gens bien élevés, les « messieurs » qu’on peut recevoir dans un salon. […] La Restauration l’attriste par le tour qu’elle prend.

972. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Les Gaietés champêtres, par M. Jules Janin. » pp. 23-39

ce n’était pas ainsi que Montaigne envisageait le monde du haut de sa tour de Montaigne, ni La Fontaine dans ses rêveries de tout un jour, à la lisière des blés, à l’ombre des bois. […] Il me faut le tour, le détour et le contour.

973. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Les regrets. » pp. 397-413

C’est cette génération, accoutumée au pouvoir durant dix-huit ans, pleine encore de force, de capacité, d’intelligence, se ramifiant dans les classes élevées et dans les moyennes, qui, frappée à son tour, est malade en ce moment du genre d’irritation que je signale. […] Aujourd’hui, un grand nombre de ces jeunes hommes d’alors, après avoir passé par le pouvoir et par le gouvernement à leur tour, se voyant déchus à l’improviste et dépossédés, vont recommencer, s’ils n’y prennent pas garde, le raisonnement des hommes d’autrefois ; ils vont vous démontrer point par point qu’ils représentent le droit, la justice, la légitimité sociale ; tout cela, à les entendre, est en eux seuls et non pas en d’autres : ils en gardent le dépôt, et ils vous en parleront avec autant de zèle et de componction qu’aurait pu faire un bon royaliste au lendemain de juillet 1830.

974. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Ducis. » pp. 456-473

Dans son Roméo et Juliette, par exemple, comme si la matière de Shakespeare ne lui suffisait pas, il trouvait moyen de faire entrer le célèbre épisode de Dante, où l’on voit Ugolin enfermé dans sa tour et réduit (selon l’interprétation qui prévalait alors) à dévorer ses enfants. Ducis transportait cette situation au vieux Montaigu, père de Roméo ; il faisait raconter à ce vieux père lui-même, échappé de sa tour, cet atroce supplice infligé par son ennemi, et quand, le récit terminé, Roméo (qui se trouve être un dernier fils de ce Montaigu-Ugolin) dit un peu simplement au vieillard : ……………………… Ah !

975. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « L’abbé Barthélemy. — II. (Fin.) » pp. 206-223

L’abbé Barthélemy ne pousse pas le scrupule si loin ; il est le Tillemont de la Grèce, en ce sens qu’il compose volontiers son texte de la quantité de ses petites notes mises bout à bout ; mais, cherchant de plus l’agrément et animé du désir de plaire, il a donné à tout cela le plus de liaison qu’il a pu ; il a dissimulé les sutures ; il a insinué avec sobriété les explications ingénieuses ; il y a mêlé, comme par un courant secret, une vague allusion continuelle, un tour de réflexion qui porte sur nos mœurs, sur notre état de société. […] Ces monuments, environnés de bois et de rochers, vus dans tous les accidents de la lumière, tantôt au milieu des nuages et de la foudre, tantôt éclairés par la lune, par le soleil couchant, par l’aurore, devaient rendre les côtes de la Grèce d’une incomparable beauté : la terre, ainsi décorée, se présentait aux yeux du nautonier sous les traite de la vieille Cybèle qui, couronnée de tours et assise au bord du rivage, commandait à Neptune, son fils, de répandre ses flots à ses pieds.

976. (1913) Le bovarysme « Troisième partie : Le Bovarysme, loi de l’évolution — Chapitre I. Le Bovarysme de l’individu et des collectivités »

D’ailleurs, ce moule dont le groupe nouveau va accepter l’empreinte n’est jamais si rigide que, par la vertu d’originalité propre qu’il possède, il ne le modifie à son tour. […] De même, ainsi qu’on l’a déjà noté, la civilisation romaine a servi de corset utile à celles de ces masses humaines qui se fixèrent dans le sud de l’Europe : agissant d’une façon plus directe que l’idéal chrétien, elle a été pour elles un puissant moyen d’organiser le droit de propriété, hase et moyen à son tour de toute civilisation supérieure.

977. (1886) Quelques écrivains français. Flaubert, Zola, Hugo, Goncourt, Huysmans, etc. « J. K. Huysmans » pp. 186-212

Mais ce tour de force descriptif réussit avec une perfection et une fréquence qui constituent déjà une anomalie. […] Huysmans estparvenu à écrire ce surprenant chapitre VII de A Rebours, qui, racontant les intimes fluctuations d’âme d’un catholique incrédule, dévotieux et inquiet, marque le cours de pensées de théologie ou de scepticisme, par une succession de précises images, accomplissant le tour de force de seize pages de la plus subtile psychologie, écrites presque constamment en termes concrets.

978. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « I »

Mais, bonnes gens, si l’on ne l’avait pas enseigné très mal avant nous, nous n’aurions pas songé à l’enseigner un peu mieux à notre tour. […] Ils nous balaient d’un sourire, nous jugent d’un haussement d’épaules, nous exécutent d’un tour de main.

979. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Gustave Droz » pp. 189-211

C’est bien souvent un de Musset par la sveltesse, le tour d’imagination, le mouvement et l’étincelle ; mais c’est un de Musset qui a passé par l’atelier, et il lui est resté, à certaines places, un peu de Mistigris, — que j’aurais voulu effacer. […] Le comte de Manteigney est cet ange exterminateur pour sa femme, comme elle, à son tour, est l’ange exterminateur pour l’abbé Roque, curé de Grand-Fort, — l’intérêt tragique et le plus élevé du roman.

980. (1887) La banqueroute du naturalisme

Qu’après avoir jadis découvert Paris, ce romantique attardé parmi nous inventât donc maintenant la mer, ou qu’après avoir calomnié les mœurs de la bourgeoisie, cet homme de quelque talent, mais de si peu de goût, et de tact, et d’encore moins d’esprit, caricaturât à leur tour celles du populaire ; il n’y avait là ni de quoi s’étonner, ni de quoi revenir à la charge. […] Zola, profitant de la liberté de la campagne, n’a donc fait ici qu’imiter les modèles, avec l’ambition d’en devenir un lui-même à son tour.

981. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre IV : M. Cousin écrivain »

Ce sont donc de grands signes que le choix des mots, la longueur et la brièveté des périodes, l’espèce et le nombre des métaphores ; le tour des phrases explique l’espèce des idées et l’écrivain annonce tout l’homme. […] Un souffle puissant pousse et soutient cette vaste machine ; suspendue deux fois, elle reprend son mouvement sans peine, par les tours les plus naturels et les plus simples : l’émotion va croissant ; elle est si vraie et si bien justifiée, qu’elle autorise deux mots qui ailleurs seraient emphatiques.

982. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre V : M. Cousin historien et biographe »

L’emploi du style régulier et des mots généraux contribuait encore à effacer l’originalité des idées ; souvent une remarque ordinaire, écrite en style familier ou tournée en manière de paradoxe, amuse ; mais alors le tour familier eût paru bas, et le tour paradoxal eût semblé choquant.

983. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XXII. »

Près de Grenoble, il inscrivit sur le livre de la Grande Chartreuse, dans quelques strophes latines d’un mode et d’un tour horaciens, le vœu et comme le soupir d’une âme pieuse pour la retraite. […] Vous, tours de Jules César, opprobre durable de Londres, nourries de meurtres hideux, à l’heure de minuit, respectez la vertu fidèle de sa compagne, la renommée de son père ; épargnez la tête sainte d’un usurpateur clément.

984. (1925) Proses datées

Tour à tour, Lorrain évoque à nos yeux la mystérieuse Afrique, la sèche et grave Espagne, la molle et sensuelle Italie, Tunis la Blanche et l’éclatant Alger, Tripoli de Barbarie, Carthagène et Tolède, Venise et ses enchantements. […] Alors, il me parle et c’est à mon tour de l’écouter. […] Un moulin à vent dresse sa ronde tour ailée, éventant le calme et monotone paysage. […] A peine aux mains de leurs destinataires, elles s’en échappaient pour faire le tour de vos amis. […] Chacun d’eux y est calculé et évalué à son tour.

985. (1890) Les princes de la jeune critique pp. -299

Aussi que de tours d’adresse pour éveiller et soutenir l’attention ! […] C’était Jupiter qui riait à son tour. […] Par quel tour de passe-passe un sceptique peut-il devenir si affirmatif ?  […] Mais est-il certain d’y échapper à son tour ? […] À ses peintures flamboyantes et mouvementées il ne préfère pas les tours d’adresse et les manèges savants d’un Scribe.

986. (1925) Promenades philosophiques. Troisième série

Le fils de Jehovah descendant du ciel et y remontant à son tour, miracle, vérité éternelle ! […] Un de leurs tours consiste à lancer en l’air une balle qui ne retombe pas. […] L’amiral Dumont d’Urville avait fait plusieurs fois le tour du monde, avait échappé aux tempêtes les plus redoutables. […] Il est, sur l’amour, inépuisable ; il est tour à tencore une minuteour tendre, subtil, passionné, délirant. […] Sa seconde devise sera : « Tour à tour Minerve et Vénus », ce qui est la sagesse même ; il s’appliquera à cueillir à la fois « les fruits de la raison et les fruits du plaisir ».

987. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Académie française — Réception de M. Biot » pp. 306-310

Guizot a raconté d’un tour piquant, et même avec grâce, les premières missions scientifiques de M. 

988. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — P — Ponsard, François (1814-1867) »

On lui a joué, de son vivant, le mauvais tour de l’opposer à Victor Hugo et de le sacrer chef de l’« école du bon sens ».

989. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — S. — article » pp. 196-203

Sa diction est toujours convenable aux matieres qu’il traite ; elle est ordinairement pure, nette, élégante : les seuls défauts qu’on y trouve se réduisent à une affectation de tours, à un vernis de morgue philosophique, peut-être excusable dans lui, mais poussée depuis jusqu’à l’extravagance par des Auteurs qui ne le valent pas.

990. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 25, des personnages et des actions allegoriques, par rapport à la poësie » pp. 213-220

Le brillant qui naît d’une action metaphorique, les pensées délicates qu’elle suggere et les tours fins avec lesquels on applique son allegorie aux folies des hommes ; en un mot toutes les graces qu’un bel esprit peut tirer d’une pareille fiction, ne sont point en leur place sur le théatre.

991. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « X »

35 Il n’est pas du tout question de découvrir ce que les grands écrivains ont découvert ; il s’agit d’appliquer leurs procédés pour découvrir autre chose à notre tour.

992. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Bathild Bouniol »

Quand il vous émeut et vous frappe, et vous frappe pour vous faire penser, il vous frappe par le tour et par le mouvement souvent très dramatique de sa pensée.

993. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Charles Barbara » pp. 183-188

Sa femme l’a aidé, et à son tour il aide sa femme à porter le poids du crime partagé, mais en la brutalisant, si parfois ce poids lui échappe.

994. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre ix »

Dès la nuit tombante du 24, plus d’un aumônier commença le tour des tranchées, suivi d’un jeune soldat qui portait une hotte pleine.

995. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre troisième. Découverte du véritable Homère — Chapitre V. Observations philosophiques devant servir à la découverte du véritable Homère » pp. 268-273

La mémoire rappelle les objets, l’imagination en imite et en altère la forme réelle, le génie ou faculté d’inventer leur donne un tour nouveau, et en forme des assemblages, des compositions nouvelles.

996. (1864) Corneille, Shakespeare et Goethe : étude sur l’influence anglo-germanique en France au XIXe siècle pp. -311

Et c’est pour cela qu’ils ont mérité à leur tour d’être imités. […] Puis vint le tour de l’Espagne. […] Il sentait qu’en envahissant la France par l’esprit, l’Allemagne se vengeait à son tour et à sa manière de l’envahissement de son territoire par l’épée. […] Préoccupé avant tout du naturel de l’expression, il ne recula pas devant les tours familiers, les images risquées, les disharmonies de style. […] Tour à tour héroïque et spirituel, pathétique et bouffon, il devait trop souvent son inspiration au vin de Champagne, comme le fameux acteur allemand Louis Devrient.

997. (1900) Quarante ans de théâtre. [II]. Molière et la comédie classique pp. 3-392

La salle était suspendue à ses lèvres, avec cette sorte d’admiration et de battement de cœur qu’on ressent à voir un danseur de corde faire ses tours à trente pieds de hauteur. […] Il a lu tous les fabliaux de nos vieux conteurs ; il se plaît à conter les bons tours des femmes, et quand on lui en apprend un nouveau, il se frotte les mains et ne manque pas de l’inscrire sur ses tablettes. […] Nous le connaissons tout entier, après que la toile est tombée sur son châtiment : nous avons fait le tour de ses vices. […] Les tours qu’on joue à ce pauvre homme nous paraissent bien grossiers et quelque peu abominables. […] C’est Molière lui-même qui m’a lancé dans cette direction ; je la lui impose à mon tour, et, après lui, à ses interprètes.

998. (1888) Poètes et romanciers

Où donc le Saint-Graal, où la Tour d’Ivoire ? […] Il a bien mérité de toucher le but sacré de son voyage, la blanche Tour. […] Chaque poète recommence à son tour le poème profond et doux de l’âme humaine. […] C’est là toute sa vie, et l’on croirait que le tour de son âme est bientôt fait. […] Tour à tour teneur de livres à Paris, coureur d’aventures en Belgique, notaire à Durtal, M. de Béranger de Mersix passe en Bretagne, où il devient intendant de la comtesse de Bourmont.

999. (1881) Le roman expérimental

Taine vint à son tour et fit de la critique une science. […] » Et c’est là un grand éloge, malgré le tour plaisant de l’exclamation. […] Que le lecteur, à son tour, sente et réfléchisse. […] Le père, à son tour, s’en va. […] Gianni, depuis longtemps, cherche un tour qui doit rendre leur nom célèbre.

1000. (1730) Discours sur la tragédie pp. 1-458

Il y a dans une même langue deux ordres différents de tours et d’expressions qui caractérisent les grands et le peuple. […] La justice a dû l’emporter, quand ce fils étoit sans excuse : mais la tendresse au contraire, doit l’emporter à son tour, quand ce fils ne devient plus qu’un malheureux, que le devoir même a entraîné dans le crime. […] En prose il n’eût fallu que rayer un mot, et en substituer un autre : mais en vers la substitution de ce mot va coûter un tour heureux, un vers sublime, et peut-être, de proche en proche, une longue suite de discours. […] Qu’on les plaigne tant qu’on voudra de n’être pas assez sensibles à l’harmonie pour pardonner ces petits défauts ; ils plaignent les autres à leur tour d’être assez peu sensibles à la perfection du sens pour s’en passer à si bon marché. […] Vous pourriez m’interroger à votre tour et me demander d’où vient que vos soupçons sont précisément l’idée que bien des gens ont retenuë de mes réflexions sur les vers ?

1001. (1864) Cours familier de littérature. XVII « CIe entretien. Lettre à M. Sainte-Beuve (1re partie) » pp. 313-408

J’étais près d’elle dans l’alcôve ; J’étais près d’elle encor quand sur sa tête chauve                  Le linceul fit trois tours. […] Elle m’aimait pourtant… ; et ma mère aussi m’aime, Et ma mère à son tour mourra ; bientôt moi-même                  Dans le jaune linceul Je l’ensevelirai ; je clouerai sous la lame Ce corps flétri, mais cher, ce reste de mon âme ;                  Alors je serai seul ; Seul, sans mère, sans sœur, sans frère et sans épouse ; Car qui voudrait m’aimer, et quelle main jalouse                  S’unirait à ma main ? […] Qu’aussi Victor Hugo, sous un donjon qui croule, Et le Rhin à ses pieds, interroge et déroule Les souvenirs des lieux ; quelle puissante main Posa la tour carrée au plein cintre romain, Ou quel doigt amincit ces longs fuseaux de pierre, Comme fait son fuseau de lin la filandière ; Que du fleuve qui passe il écoute les voix, Et que le grand vieillard lui parle d’autrefois ! […] Aujourd’hui la voilà mère, épouse, à son tour ; Mais c’est chez elle encor raison plutôt qu’amour. […] « Si, malheureux vous-même, vous avez un ami plus malheureux que vous, consolez-le, mais n’attendez pas de lui consolation à votre tour ; car, lorsque vous lui raconterez votre chagrin, il aura beau animer ses regards et entrouvrir ses lèvres comme s’il écoutait, en vous répondant il ne répondra qu’à sa pensée, et sera intérieurement tout plein de lui-même.

1002. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Discours prononcé à la société des visiteurs des pauvres. » pp. 230-304

Henri Lavedan a fait un tour de force charmant. […] Joignez que Costard ne lui cède en rien quand, surpris à son tour en compagnie de Bobette, il offre le champagne au commissaire et déclare qu’il ne s’est jamais tant amusé. […] Le bel officier propose à Lia un tour de valse. […] Tous deux, à la fin, reconnaissent leurs faiblesses et, ayant pardonné à Lia, lui demandent de leur pardonner à son tour. […] … Son ventre faisait envie aux pauvres… Sa face réjouie, son triple menton, ses mains potelées étaient pour chacun un vivant enseignement social… » Et chaque conseiller exalte à son tour le défunt en strophes et antistrophes harmonieusement balancées.

1003. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre quatorzième. »

Je voudrais rechercher dans la conduite du duc de Bourgogne l’influence de ce tour d’esprit de Fénelon, et s’il n’y a pas la même justice à mettre au compte du précepteur certains travers de l’élève, qu’à lui faire honneur des victoires remportées par ce jeune prince sur son naturel. […] Heureusement, les écrits de Fénelon donnent un démenti à sa doctrine ; car, en même temps qu’il s’interdit tout ce qu’il conseille, aucun écrivain n’a mieux prouvé que, pour l’abondance des mots expressifs et la liberté du tour, nous n’avons rien à envier à aucune nation. […] L’esprit de discipline avait tout dit dans Bossuet ; il fallait que l’esprit de liberté parlât à son tour, et c’est par la plume de Fénelon qu’il a revendiqué ses droits, non moins légitimes que ceux de l’esprit de discipline. […] Il a toutes les qualités des plus illustres : le goût du vrai, qui perce jusque dans ses erreurs, lesquelles n’en sont le plus souvent que l’excès ; l’amour de la règle, qu’il porte jusque dans les insurrections du sens propre ; l’accord du caractère et des écrits, par où les grands esprits de ce siècle en sont aussi les plus honnêtes gens ; l’éducation par les deux antiquités chrétienne et païenne : par la première, pour la science de l’homme ; par la seconde, pour la méthode et l’art ; enfin, toutes les qualités du langage qui font durer les livres français : la clarté, la précision, la propriété, avec un tour vif et facile, qui paraît comme la physionomie de ce grand homme dans sa ressemblance avec ses illustres contemporains. […] Les vers d’Horace, aux endroits familiers, ressemblent à la prose de Fénelon, comme celle-ci, dans tout le cours de la lettre, a le tour vif, facile, aimable, des vers d’Horace.

1004. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre sixième. Le roman psychologique et sociologique. »

Mais le Meunier d’Augibault, le Compagnon du tour de France posent déjà des problèmes sociaux : « Ce que l’on ne peut pas nier, c’est qu’en devenant la substance même du roman, ces thèses y aient comme introduit nécessairement tout un monde de personnages qu’on n’y avait pas encore vus figurer60. […] Voici la familiarité et le langage imagé du peuple : Quand on n’a pas mangé, c’est très drôle. — Savez-vous, la nuit, quand je marche sur le boulevard, je vois des arbres comme des fourches, je vois des maisons toutes noires grosses comme les tours de Notre-Dame, je me figure que les murs blancs sont la rivière, je me dis : Tiens, il y a de l’eau là ! […] Même notre grande étude est là, dans le travail réciproque de la société sur l’individu et de l’individu sur la société. » Et c’est précisément, selon Zola, ce qui constitue le roman expérimental : posséder le mécanisme des phénomènes chez l’homme, montrer « les rouages des manifestations intellectuelles et sensuelles », telles que la physiologie nous les expliquera sous l’influence de l’hérédité et des circonstances ambiantes : enfin montrer l’homme vivant « dans le milieu social qu’il a produit lui-même, qu’il modifie tous les jours, et au sein duquel il éprouve à son tour une transformation continue ». […] A leur tour, nos réalistes disent : — Tout doit être laid dans l’homme, ou à peu près, car la bête en lui donc toutes les domine ; lignes de sa conduite doivent être tortueuses, sinistres, hideuses. — C’est de l’idéalisme retourné.Et où st la preuve du système ? […] D’un bout à l’autre, Yann nous demeure mystérieux, mystérieux comme la mer qui a emporté nombre des siens, qui le le prendra à son tour, qui l’empêche l’empêche, le jour de son mariage, de venir s’agenouiller petite chapelle chère aux pêcheurs.

1005. (1881) La parole intérieure. Essai de psychologie descriptive « Chapitre III. Variétés vives de la parole intérieure »

La Muse est un interlocuteur privilégié qu’on écoute sans l’interrompre ; quelquefois, comme dans les Nuits d’Alfred de Musset,25 le poète parle à son tour, et son dialogue avec la Muse est un drame complet. […] Un degré de plus dans l’intensité intérieure, et la langue s’agitera, frappant sans bruit le palais, les dents ; puis les lèvres s’entr’ouvrent et s’animent à leur tour et coordonnent leurs mouvements à ceux de la langue ; ce n’est encore qu’un murmure, car l’organe sonore par excellence, le larynx, ne prend pas part au jeu ; on parle tout bas, ce qui n’est pas parler. […] Je quitte cet ami ; si aucune cause de distraction ne survient, je me remémore quelque temps encore les parties les moins banales, les plus inattendues, de notre dialogue ; si la conversation a été brusquement interrompue avant que j’eusse épuisé tout ce que j’avais à lui dire, je la continue en moi-même ; je lui dis encore ceci, cela ; parfois, je mêle sa voix à la mienne ; et, si je suis à quelque degré un homme d’imagination, un véritable dialogue s’engage de nouveau entre nous ; mais le plus souvent, et bien naturellement, la conversation tourne au monologue, quand un des deux interlocuteurs est absent et ne peut réclamer son tour de parole. […] Delbœuf231, je cause avec un lecteur fictif ; je lui attribue les objections, lorsque je ne me crois pas clair, et les doutes, lorsque je doute moi-même. » Diderot, homme de passion exubérante et d’ardente imagination, a donné le tour du dialogue à des essais, à des contes, etc. ; c’était, suppose avec raison M.  […] Lélut et Moreau (de Tours) ; c’est là le seul intérêt du texte que nous mentionnons.

1006. (1904) Essai sur le symbolisme pp. -

On envahit les portiques où gisent pêle-mêle les accessoires traditionnels du culte, et l’on plante l’oriflamme sur les tours de la cathédrale gothique longtemps désaffectée. […] À leur tour les parnassiens, imbus des doctrines positivistes en faveur vers 1859, combattent les romantiques pour les mêmes principes. « Vos Orientales et vos Guzla, disent-ils, sont des créations instantanées de votre imagination folle. […] Sans doute, je communique par rayonnement psychique mes sentiments, qu’ainsi je retrouve sympathiquement répercuté ; mais à son tour, la forêt agit sur mon être, me baigne dans sa sérénité, se fait état d’âme, pour dire le mot. […] La suggestive attirance opère le miracle de rapprocher les esprits, et le meilleur moyen d’assurer son triomphe ne consiste-t-il pas à imiter Mozart bambin qui, lorsqu’on lui demandait d’exécuter sur son violon une sonate de sa composition, faisait d’abord le tour de l’assemblée et, s’inclinant devant chaque personne, lui demandait gentiment « m’aimez-vous ?  […] « En vérité, si l’on voulait bien y réfléchir, puisqu’on loue les parnassiens d’avoir créé pour eux un vers nouveau, qui n’est pas le vers romantique, et les romantiques, encore davantage, d’avoir émancipé le vers classique des entraves que lui avaient forgées les Malherbe et les Boileau, n’est-il pas plaisant qu’on dispute aux symbolistes le droit de chercher à leur tour un nouveau vers, dont la complexité, l’harmonie savante et la fluidité réponde à l’idée qu’ils se font de la poésie même. » Brunetière.

1007. (1895) Les mercredis d’un critique, 1894 pp. 3-382

On a bientôt fait le tour de ce qui est net et intelligible. […] « Je sens que mon tour approche. […] Passez à côté, on va vous donner votre ordonnance… À qui le tour ?” […] « Ça allait donc être mon tour de recevoir le pain de vie ! […] C’était mon tour d’occuper ce poste d’observation avec le général Heymès, aide de camp de service, à ma droite.

1008. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre V. Comment finissent les comédiennes » pp. 216-393

Ils étaient trois qui rimaient à tour de rôle et à gaîté que veux-tu ? […] Un jour, au cabaret, Boileau, qui venait de lire des vers, priait Molière d’en lire à son tour : « Ah ! […] — Mais, dit le père, tu battras tes enfants à ton tour. — Eh ! […] Est-il donc, lui aussi, comme l’autre, un comédien ambulant, a-t-il fait son tour de France, de tréteaux en tréteaux ? […] Beauté facile et complaisante, et qui ne regarde pas, quand elle rit, si son tour de gorge est dérangé quelque peu.

1009. (1878) Nos gens de lettres : leur caractère et leurs œuvres pp. -316

Chez lui, rien de l’alliage contemporain ; chaque mot, chaque tour a été sévèrement contrôlé avant qu’on l’ait admis. […] Sa phrase est savante, mais il a le tour pédant. […] B. d’Aurevilly, l’homme et l’écrivain ne font qu’un. — La tour du silence. — Conclusion. […] Puis, c’est au tour de M.  […] Vous avez de l’aperçu, de la finesse, du tour, de la verve ; seulement… votre, style manque de gravité.

1010. (1890) Les romanciers d’aujourd’hui pp. -357

Mais de son dernier livre8, Pascal Géfosse, il n’y a qu’à louer la simple ordonnance et le tour délicat. […] Malot plus franche, plus ferme, moins mêlée que chez Balzac, pour le tour de l’intrigue, la bonne charpente du drame, la force et la variété des situations, j’y consens encore. […] Tour à tour humble et belliqueux, il pleurait comme un petit enfant, puis, fantasque en ses allures, il embouchait sa longue trompette et vous sonnait des fanfares, des chevauchées qui s’en allaient au galop le long des murailles. […] Alors commença son véritable travail, germa en lui la consolation réelle avec l’ambition de devenir un maître à son tour. […] Le Tour du monde d’un gamin de Paris (série), Les Mystères de la Guyane, etc.

1011. (1866) Dante et Goethe. Dialogues

Mais, à son tour, le peuple, quand il crut que le monde allait finir, s’inquiéta fort de ce qui l’attendait par-delà. […] Il explique à Dante qui, à son tour, l’interroge, comment il se fait que les damnés qu’il a rencontrés lui ont prophétisé les temps futurs, mais paraissent, comme Cavalcanti, ignorer le temps présent. […] Diotime tendit la main à Élie en s’excusant à son tour de sa vivacité. […] Et voici que, enchanté à son tour par l’art italien, l’enchanteur Fausto captive en ses rimes sonores l’oreille italienne. […] Elle s’accoutuma peu à peu à un parler bâtard, où se mêlaient des constructions, des tours, des images empruntés à trois idiomes, et qui méritait trop bien les railleries du grand Frédéric, par qui fut achevé le discrédit des lettres allemandes.

1012. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « [Appendice] » pp. 417-422

En vain je soupire et je gronde, Mes destins le veulent ainsi ; Et les prudes de l’autre monde Sont les folles de celui-ci. » Là cette ombre amoureuse et folle Poussa mille soupirs ardents, Se plaignit, pleura quelque temps, Puis en m’adressant la parole : « Pauvre âme, dit-elle, à ton tour.

1013. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Les brimades. » pp. 208-214

»), — si ce n’est point par terreur qu’ils montrent une si belle patience, c’est donc dans la pensée qu’ils pourront, dans un an, être cruels à leur tour.

1014. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre V. Un livre de Renan et un livre sur Renan » pp. 53-59

Le ton et le tour ont le charme d’une éloquence, familière d’abord, et qui s’enflamme aux objections qu’elle-même se pose.

1015. (1887) Discours et conférences « Discours prononcé à Tréguier »

Mais, nous autres, Bretons, nous sommes tenaces, et, hier, en faisant le tour du cloître et de la cathédrale, en visitant ma vieille maison, je me disais que rien absolument, n’était changé ni en moi, ni en ce qui m’entourait.

1016. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Deuxième partie. Ce qui peut être objet d’étude scientifique dans une œuvre littéraire — Chapitre VI. Recherche des effets produits par une œuvre littéraire » pp. 76-80

Si la société agit sur elle, elle réagit à son tour sur la société.

1017. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — Q. — article » pp. 572-580

Le naturel, il est vrai, s’énonce sans effort, quand l’esprit & le cœur, qui le produisent par leur accord, sont profondément pénétrés ; mais il n’exclut ni la noblesse, ni l’élévation, ni le choix des expressions, ni la finesse, ni l’élégance des tours.

1018. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Girac, et Costar. » pp. 208-216

L’envie de s’acquérir à son tour de la célébrité, de mettre dans ses intérêts les femmes & ce qu’on appelle la bonne compagnie, alluma son imagination.

1019. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre quatrième. Du Merveilleux, ou de la Poésie dans ses rapports avec les êtres surnaturels. — Chapitre premier. Que la Mythologie rapetissait la nature ; que les Anciens n’avaient point de Poésie proprement dite descriptive. »

L’Olympe, auquel on ne croyait plus, se réfugia chez les poètes, qui protégèrent à leur tour les dieux qui les avaient protégés.

1020. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre quatrième. Du Merveilleux, ou de la Poésie dans ses rapports avec les êtres surnaturels. — Chapitre XIV. Parallèle de l’Enfer et du Tartare. — Entrée de l’Averne. Porte de l’Enfer du Dante. Didon. Françoise de Rimini. Tourments des coupables. »

Si toutefois nous osions proposer nos doutes, peut-être que ce tour élégant, nous laissâmes échapper le livre par qui nous fut révélé le mystère de l’amour, ne rend pas tout à fait la naïveté de ce vers : Quel giorno più non vi leggemmo avante.

1021. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 44, que les poëmes dramatiques purgent les passions » pp. 435-443

L’auteur dont je parle, expose ce mistere d’iniquité sur la scene comique, sans le rendre plus odieux que Terence cherche à rendre odieux les tours de jeunesse des eschines et des pamphiles, que le boüillant de l’âge précipite malgré leurs remords dans des foiblesses que le monde excuse, et dont les peres eux-mêmes ne sont pas toûjours aussi desesperez qu’ils le disent.

1022. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre second. De la sagesse poétique — Argument » pp. 93-99

Corollaires relatifs à l’origine de l’élocution poétique, des épisodes, du tour, du nombre, du chant et du vers.

1023. (1898) Politiques et moralistes du dix-neuvième siècle. Troisième série

Il me semble que nous avons fait le tour de la piste et que nous revenons au point de départ d’il y a cent vingt ans. […] Je suis bien obligé d’ajouter qu’elle est incomplète par la faute de ce même caractère de Stendhal qui a joué de très méchants tours à son génie. […] Tocqueville ne croit nullement à cette anankè, et analyse très finement le tour d’esprit qui conduit à l’admettre. […] Quel que soit le tour qu’elle prenne, dans tous les cas c’est la liberté qu’elle n’assure pas, et que, presque, elle n’admet point. […] Conclusion un peu suffocante, tour de logique un peu ébouriffant au premier choc.

1024. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « M. Charles Magnin ou un érudit écrivain. »

Voyons un peu : Le goût et la connaissance du Théâtre-Français d’abord ; — il l’aimait, le suivait, il était même sur le point de s’essayer à l’Odéon par une bluette dans le genre d’Andrieux, une petite comédie anecdotique (Racine ou la troisième représentation des Plaideurs, 1826) ; La connaissance exacte et précise de la littérature classique moderne qu’il allait combattre dans ses derniers sectateurs, et dont il eût pu continuer presque indifféremment d’accepter les traditions, sauf de légères variantes, sous un régime plus régulier et mieux établi ; Un tour d’esprit et de style judicieux et ferme, une disposition à s’assimiler toutes les idées nouvelles en matière littéraire, et une habileté à les rendre avec autant de vivacité que si de tout temps elles avaient été siennes. […] Il n’était guère sorti de son cabinet, il n’avait pas voyagé, il n’avait pas même visité ce qui était à sa portée, il avait peu vu de ses yeux : sa myopie était extrême ; mais il avait lu, il avait écouté de sa fine oreille, il avait compris, il savait rendre ; il y a de ces tours d’adresse de l’écrivain et du lettré habile. […] Sa vie à lui-même était tout ordonnée et ménagée par rapport à ses fonctions de bibliothécaire et d’écrivain ; désirant couper sa journée de la manière la plus favorable à ce double emploi, il s’était arrangé pour dîner vers trois heures et demie, à l’heure où il se trouvait libre et débarrassé du public ; son dîner fait, le plus souvent chez lui, dîner frugal et fin, qu’il faisait suivre d’un petit tour de promenade solitaire au Palais-Royal, il rentrait, se remettait à l’étude : il recommençait sa journée, et là c’était un travail incessant, minutieux, méthodique, sans fureur et sans verve, mais non sans un charme infini : une citation dix fois reprise et vérifiée, une diligente comparaison de textes, un rapprochement piquant, une date ressaisie, une œuvre d’hier rattachée à une pièce ancienne oubliée, à une chronique vieillie, une page de son texte à lui, recopiée, remise au net pour la troisième ou quatrième fois, et celle-ci la bonne et la définitive.

1025. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre premier. La structure de la société. — Chapitre IV. Services généraux que doivent les privilégiés. »

C’est ainsi que graduellement s’est faite, au dix-septième siècle, la révocation de l’édit de Nantes, article par article, comme un tour d’estrapade après un autre tour d’estrapade, chaque persécution nouvelle achetée par une largesse nouvelle, en sorte que, si le clergé aide l’État, c’est à condition que l’État se fera bourreau. […] De même les trois lieutenants généraux : chacun d’eux « reçoit, à tour de rôle et tous les trois ans, une gratification de 30 000 livres, pour services rendus à cette même province, lesquels sont vains et chimériques, et qu’on ne spécifie pas » ; car aucun deux ne réside, et, si on les paye, c’est pour avoir leur appui en cour. « Ainsi, M. le comte de Caraman, qui a plus de 600 000 livres de rente comme propriétaire du canal du Languedoc, reçoit 30 000 livres tous les trois ans sans cause légitime, et indépendamment des dons fréquents et abondants que la province lui fait pour les réparations de son canal. » — La province donne aussi au commandant comte de Périgord une gratification de 12 000 livres en sus de ses appointements, et à sa femme une autre gratification de 12 000 livres, lorsque pour la première fois elle honore les États de sa présence.

1026. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre cinquième. Le peuple. — Chapitre II. Principale cause de la misère : l’impôt. »

C’est pourquoi le payeur exact devient négligent à son tour, et laisse instrumenter même lorsqu’il a son argent dans son coffre682 ». […] Mais les commis sont alertes, soupçonneux, avertis, et fondent à l’improviste sur toute maison suspecte ; leurs instructions portent qu’ils doivent multiplier leurs visites et avoir des registres assez exacts « pour voir d’un coup d’œil l’état de la cave de chaque habitant691 ». — À présent que le vigneron a payé, c’est le tour du négociant. […] (Lettre de l’intendant de Tours du 15 juin 1765.)

1027. (1861) Cours familier de littérature. XII « LXXIIe entretien. Critique de l’Histoire des Girondins (3e partie) » pp. 369-430

Ses cheveux blond-cendré étaient longs et soyeux ; son front haut et un peu bombé venait se joindre aux tempes par ces courbes qui donnent tant de délicatesse et tant de sensibilité à ce siège de la pensée ou de l’âme chez les femmes ; les yeux de ce bleu clair qui rappelle le ciel du Nord ou l’eau du Danube ; le nez aquilin, les narines bien ouvertes et légèrement renflées, où les émotions palpitaient, signe du courage ; une bouche grande, des dents éclatantes, des lèvres autrichiennes, c’est-à-dire saillantes et découpées ; le tour du visage ovale, la physionomie mobile, expressive, passionnée ; sur l’ensemble de ces traits, cet éclat qui ne se peut décrire, qui jaillit du regard, de l’ombre, des reflets du visage, qui l’enveloppe d’un rayonnement semblable à la vapeur chaude et colorée où nagent les objets frappés du soleil : dernière expression de la beauté qui lui donne l’idéal, qui la rend vivante et qui la change en attrait. […] Je ne les accuse pas à mon tour d’avoir pris un lapsus de plume pour une profanation sacrilège. […] Elle ne se souvenait pas du jeune royaliste inconnu de 1815 qui gardait la porte de son palais ou qui escortait à cheval la fuite nocturne de son oncle sur la route de la Belgique ; mais elle lisait dans les Girondins le 10 août, la tour du Temple, le 21 janvier, le cachot de la Conciergerie, le martyre royal de sa mère disculpée et sanctifiée par les larmes de l’Europe, et le peintre qui avait déversé tant d’horreur sur ces supplices, tant de pitié sur ces victimes, ne lui apparaissait pas comme un sacrilége, mais comme un vengeur.

1028. (1863) Cours familier de littérature. XV « LXXXIXe entretien. De la littérature de l’âme. Journal intime d’une jeune personne. Mlle de Guérin (2e partie) » pp. 321-384

Petites et grandes affections, tout nous quitte et meurt à son tour. […] Je lui prêtais du moins cette mauvaise intention qui me mettait en colère à chaque réveil, et que je punis enfin par un acte de rigueur dont je fus punie à mon tour. […] Me voilà sur l’éléphant, me voilà dans la pirogue, faisant le tour des mers du Nord et de l’île des Cygnes, voyant ces lieux du temps de ces choses : la Laponie chaude, verdoyante et peuplée, non de nains, mais d’hommes beaux et grands, de femmes s’en allant en promenade sur un éléphant, dans ces forêts, sous ces monts pétrifiés aujourd’hui ; et l’île des Cygnes, blanche de fleurs, et de leur duvet, oh !

1029. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série «  M. Taine.  »

Cela tient du tour de force ? […] La terre mêle à son écorce Ce Protée en le transformant Tour à tour, de chaleur en force, En lumière, en foudre, en aimant.

1030. (1914) Enquête : Les prix littéraires (Les Marges)

Or, ni l’un ni l’autre n’ont obtenu le prix, mais, par on ne sait quelle manœuvre électorale, un troisième larron, auquel les Dix n’avaient pas songé le moins du monde pendant les dix premiers tours de scrutin. […] Pour donner un prix en toute conscience, il n’y aurait qu’à s’enfermer à double tour (dans une tour !)

1031. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — CHAPITRE VI »

Il fait reluire aux yeux de la veuve les clefs du château de Valtaneuse, et le tour est fait. […] Quand le vieillard n’est plus là, il s’indigne et il l’accuse à son tour. […] La réflexion lui fera saisir le lien qui rattache la hausse de la Bourse à l’accès de passion du fourbe ; le mépris tuera son amour ; de toutes façons, le tour est manqué.

1032. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre troisième. Le souvenir. Son rapport à l’appétit et au mouvement. — Chapitre premier. La sélection et la conservation des idées dans leur relation à l’appétit et au mouvement. »

Ce n’est pas tout : les diverses parties du temps, à leur tour, ne peuvent être à la fois actuelles ; en conséquence, s’il ne restait rien du passé dans le présent, notre existence serait toujours mourante. […] La mémoire à son tour suppose, de l’aveu de tous, trois fonctions dont il faut rendre compte. […] L’idée nous semble précisément le compte rendu qu’on se fait de tel état mental en rapport avec tel objet : pour être une idée réelle et non pas seulement possible, elle implique une aperception à quelque degré, et cette aperception, à son tour, implique toujours un processus appétitif dont elle est la conscience finale.

1033. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1883 » pp. 236-282

* * * — Expression d’un marchand d’eau-de-vie artiste : « Oui, c’est de l’eau-de-vie… mais pas de l’eau-de-vie qui donne chaud sous les ongles. » Vendredi 9 février Zola disait hier chez Daudet « que nous avions un malheur… que nous avions trop besoin de nous faire plaisir… qu’il fallait, que la page que nous écrivions, nous donnât aussitôt, après sa fabrication, le petit bonheur d’une harmonie, d’un tour, d’un orné, auquel nous sommes habitués dès l’enfance. » * * * — M…, un modiste de filles, déclarait qu’il n’habillait pas les femmes du monde, parce qu’elles manquaient de conversation. […] Mardi 12 juin Aujourd’hui, je vais chez le docteur Molloy, pour prendre des notes sur un portrait de Sophie Arnould, par La Tour. Le portrait n’est pas de La Tour, mais au milieu d’un fouillis de choses, je découvre chez le docteur, un petit chef-d’œuvre d’un des grands sculpteurs du xviiie  siècle, dont le nom retrouvé par moi dans un catalogue, m’est sorti de la mémoire.

1034. (1899) Esthétique de la langue française « Esthétique de la langue française — La déformation  »

L’homme du peuple ne diffère pas de l’enfant, mais plus hardi il se réfugie dans l’argot et c’est là qu’il donne cours à son besoin de mots nouveaux, de tours pittoresques, d’innovations syntaxiques . […] Tour est un substantif et entour un de ses dérivés, comme atour et pourtour. Au lieu de définir et de classifier, les dictionnaires devraient se borner à décomposer de tels mots : au tour, à l’entour ; cela serait plus clair et moins compromettant.

1035. (1886) Quelques écrivains français. Flaubert, Zola, Hugo, Goncourt, Huysmans, etc. « Victor Hugo » pp. 106-155

Il arrive que sous l’impérieux flux de paroles l’on découvre le cours mince et lent de la pensée, le pauvre motif de certains passages de bravoure, la psychologie rudimentaire des personnages, l’impuissance des descriptions à montrer les choses ; l’humanité et le monde réels presque exclus de cent mille vers et de cent mille lignes, tout ce dénûment du fond sous la luxuriance de la forme font de l’œuvre du poète un ensemble hérissé et creux, analogue au faisceau massif de tours qu’une cathédrale érige sur une nef vide. […] D’autres ainsi : Jules votre château, tour vieille et maison neuve. […] Sachant en gros les catastrophes et les conflits qu’elle peut présenter, ne tâchant pas de pénétrer dans le jeu de petits faits, d’incidents sans portée, de bévues et de hasards dont se composent les grands drames humains, les voyant de haut et de loin, comme un homme qui dans une montagne ne distinguerait pas les assises et dans une tour les moellons, M. 

1036. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Notes et éclaircissements. [Œuvres complètes, tome XIII] »

Y a-t-il dans tout ce discours aucune pensée recherchée, aucun tour extraordinaire ou affecté ? […] Tour à tour apostat de l’une et l’autre loi, Admirant l’Évangile, et réprouvant la foi, Chrétien, déiste, armé contre Genève et Rome, Il épuise à lui seul l’inconstance de l’homme, Demande une statue, implore une prison ; Et l’amour-propre enfin, égarant sa raison, Frappe ses derniers ans du plus triste délire : Il fuit le monde entier qui contre lui conspire, Il se confesse au monde, et, toujours plein de soi, Dit hautement à Dieu : Nul n’est meilleur que moi.

1037. (1913) La Fontaine « V. Le conteur — le touriste. »

Le mail et les autres arbres qu’on a plantés dans beaucoup d’endroits, le long du rempart, font qu’elle paraît à demi fermée de murailles vertes, et, à mon avis, cela lui sied bien. » La Loire, non plus à Orléans, mais plus bas, vue de la levée (dont il parle du reste), de la levée continue qui va d’Orléans à Tours. […] Il n’y a pas d’autre passage pittoresque dans le Voyage en Limousin que ces cinq-là : le jardin de Mme C…, les jardins de Richelieu, la Loire à Amboise, la Loire à Orléans, et la Loire le long de la levée qui va d’Orléans à Tours. […] Donc, le goût pittoresque de Stendhal est très douteux ; mais Stendhal est incomparable lorsqu’il se met à causer avec son voisin de diligence, avec son voisin de bateau, avec l’homme qu’il rencontre en un café de Tours ou qu’il rencontre sur la place publique d’Orléans.

1038. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « M. FAURIEL. —  première partie  » pp. 126-268

A côté et en face du groupe où se détachaient les noms de Chateaubriand, de Bonald, il s’en formait un au sein même du parti philosophique, un autre groupe bien remarquable et bien fécond d’idées, qui, pour mieux continuer ce parti déjà vieux, méditait à son tour de faire divorce avec lui. […] Pour ceux qui seraient tentés de s’étonner de la forme du conseil, moins héroïque que le résultat, nous ferons remarquer que Tyrtée en personne n’usait guère d’une autre méthode que La Tour-d’Auvergne, lorsqu’il disait aux jeunes guerriers : « Tour à tour poursuivants ou poursuivis, ô jeunes gens, vous savez de reste ce qui en est : ceux qui tiennent ferme, s’appuyant les uns les autres, et qui marchent droit à l’ennemi, ceux-là meurent en moins grand nombre et ils sauvent les autres qui sont derrière ; mais ceux qui fuient en tremblant ont toutes les chances contre eux. » A l’un de ses retours de l’armée, Fauriel eut occasion, pour je ne sais quelle affaire, de visiter Robespierre, rue Saint-Honoré, en sa petite maison proche de l’Assomption ; un jour qu’il passait par là, il en fit la remarque à un ami. […] Cette richesse de tours et cette habitude de les employer lui donnent encore le moyen d’en inventer à son usage avec une certaine assurance, car l’analogie est un champ vaste et fertile en proportion du positif de la langue : ainsi il peut rendre ce qu’il y a d’original et de nouveau dans ses idées par des formules encore très-rapprochées de l’usage commun, et il peut marquer presque avec précision la limite entre la hardiesse et l’extravagance. […] Dès qu’il en trouvait prétexte dans ses cours, il se permettait des excursions vers ces époques préférées, et si, sur son chemin des Provençaux, il pouvait faire à l’occasion le grand tour par les Nibelungen jusqu’à l’Edda, il se gardait bien d’y manquer. […] Quelques extraits des lettres de Schlegel donneront idée du tour de plaisanterie qu’affectionnait l’illustre savant quand il avait bu les eaux du Gange, et du genre de services dont il se reconnaissait redevable à Fauriel, aussi bien que du cas infini qu’il faisait de lui ; M. de Schlegel, on le sait, ne prodiguait pas de tels témoignages.

1039. (1896) Le IIe livre des masques. Portraits symbolistes, gloses et documents sur les écrivains d’hier et d’aujourd’hui, les masques…

Ils ont chanté gaîment, gaîment : « Chacun son tour. […] Le second livre des visions de Max Elskamp, en une légende « un peu plus dorée » salue la Vierge, mais la Vierge de Flandre, et il monte à la tour, à la « tour de sa race », qui est aussi la tour d’ivoire, si haut qu’il peut monter. […] La mer, de sa tour, il la salue aussi, la mer et tous ses bateaux. […] Il rôde autour du mystère comme le loup autour du troupeau, et il croit avoir compté les brebis parce qu’il a fait le tour du troupeau pendant une nuit sans lune. […] Dupont (de Tours).

1040. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre premier. Ce que devient l’esprit mal dépensé » pp. 1-92

Ainsi donc, l’esprit d’examen introduit par Pascal dans les matières religieuses, Molière le mit habilement à profit pour l’introduire à son tour dans la comédie. […] Le jeune Adraste en fait plus, en un tour de main, que Figaro avec ses sternutatoires, ses coups de lancette et ses cataplasmes sur l’œil de la mule aveugle. […] Chemin faisant, vous assistez à toutes sortes de tours de force. […] C’est même un des plus grands tours de force de l’inimitable comédienne, non pas d’être descendue, mais de s’être élevée, comme elle l’a fait, de Molière à Marivaux. […] Il s’en tira comme un sot, par la fuite ; il ne vit dans cette perfection qu’un tour de gibecière, et il eut peur d’être une dupe.

1041. (1892) Impressions de théâtre. Sixième série

Elles nous en traduisent tout l’essentiel ; elles en rendent, avec une légère transposition de mœurs, le mouvement, le tour et la couleur générale. […] Ces vérités, il faut leur donner un tour qui ne soit pas choquant ni brutal. […] Il ne veut pas admettre ce tour et cette attitude d’esprit qui font qu’on raille parfois ce qu’on respecte, et qu’on prétend le respecter tout de même. […] Aubertin, dont les affaires ont pu s’arranger, lui offre à son tour cinquante mille francs et lui apporte un acte d’association. […] Germaine, d’abord anéantie d’étonnement et de désespoir, éclate à son tour.

1042. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre IV. L’âge moderne. — Chapitre I. Les idées et les œuvres. » pp. 234-333

Ils s’ennoblissent par leurs grandes œuvres, ils deviennent les rivaux, les égaux, les vainqueurs de leurs maîtres ; ils n’ont plus besoin de les imiter, ils ont des héros à leur tour, ils peuvent montrer comme eux leurs croisades, ils ont gagné comme eux le droit d’avoir une poésie, et vont avoir une poésie comme eux. […] Tour à tour ils prêchent et tonnent, surtout le révérend Moodie, qui se démène et qui écume pour éclaircir les points de la foi : figure terrible ! […] C’est à présent le tour de la commère : « J’étais fille autrefois, quoique je ne puisse dire quand. —  Encore maintenant mon plaisir est dans les beaux jeunes hommes1165. » Son père fut un dragon, elle ne sait pas trop lequel : c’est pourquoi tous ses galants ont porté l’uniforme, d’abord le tambour, puis le chapelain. « Bien vite je me dégoûtai de mon révérend imbécile. —  Pour mari, je pris le régiment en gros. —  De l’esponton doré au fifre j’étais toujours prête. —  Je ne demandais qu’un bon soldat gaillard. » Depuis, la paix l’a mise à l’aumône ; mais à la foire de Cunningham elle a retrouvé son brave drôle ; l’uniforme en lambeaux pendillait si splendidement autour de ses côtes ! […] Avec nos tours et nos bourdes prêtes, —  nous rôdons çà et là tout le jour, —  et la nuit dans la grange ou l’étable — nous embrassons nos luronnes sur le foin. […] Voici par exemple « le vieux cornu, le vieux pied de bouc, qui nous a joué tant de mauvais tours, le chien sournois, surtout le jour où il s’est faufilé incognito dans le paradis » et a mis nos grands parents à mal.

1043. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « M. Littré. »

Littré l’a retrouvée, et il la rend à son tour, en y joignant la connaissance plus précise qui caractérise les modernes : « On prétend, dit-il, que Virgile, interrogé sur les choses qui ne causent jamais ni dégoût ni satiété, répondit qu’on se lassait de tout, excepté de comprendre (præter intelligere). […] Le vieux et respectable Burnouf père fut mis alors en mouvement et vint le presser à son tour. […] Il a de ces tours de force de travail. […] Littré, de son point de vue de savant ému, interroge, à son tour, les rayons lumineux qui nous arrivent de si loin et qui ont vu tant de choses au passage ; voici les dernières strophes : Rayons que nous envoie une nuit étoilée, Venus de cieux en cieux jusqu’en notre vallée, Que nous apportez-vous ?

1044. (1875) Premiers lundis. Tome III « Du point de départ et des origines de la langue et de la littérature française »

L’École des Chartes, de laquelle sont sortis plus d’un de ceux que je viens de nommer, produisait de savants élèves qui, devenus maîtres à leur tour, ont porté dans ces questions de linguistique nationale un genre de critique bien essentielle pour contrebalancer les théories absolues des Allemands. […] Je ne fais que vous poser toutes ces questions, non pour vous les résoudre, non pour les discuter même en grand détail devant vous, mais pour vous avertir qu’elles sont posées, et pour que quelqu’un de vous, un jour peut-être, s’y applique et se fasse honneur à son tour dans ces études ingénieuses et sévères qui exigent, vous le voyez, la connaissance approfondie de la latinité, — de toutes les latinités. […] Au ix e siècle, les conciles de Tours (813), de Reims (813), et celui de Mayence (847), prescrivant aux évêques et prédicateurs de prêcher aux populations, de leur traduire les homélies dans la langue du pays, pour que tous pussent comprendre : Ut Episcopi sermones et homelius sanctorum Patrum, prout omnes intelligere possint, secundum preprietatel linguoe predicare studeant : quo facilius cuncti poscrint intelligere quoe dicuntur. […] Luzarche à Tours. — M. 

1045. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre deuxième. Les mœurs et les caractères. — Chapitre II. La vie de salon. »

Louis XIV avait eu toutes les qualités d’un maître de maison, le goût de la représentation et de l’hospitalité, la condescendance et la dignité, l’art de ménager l’amour-propre des autres et l’art de garder sa place, la galanterie noble, le tact et jusqu’à l’agrément de l’esprit et du langage. « Il parlait parfaitement bien222 ; s’il fallait badiner, s’il faisait des plaisanteries, s’il daignait faire un conte, c’était avec des grâces infinies, un tour noble et fin que je n’ai vu qu’à lui. » — « Jamais homme si naturellement poli223, ni d’une politesse si mesurée, si fort par degrés, ni qui distinguât mieux l’âge, le mérite, le rang, et dans ses réponses et dans ses manières… Ses révérences, plus ou moins marquées, mais toujours légères, avaient une grâce et une majesté incomparables… Il était admirable à recevoir différemment les saluts à la tête des lignes de l’armée et aux revues. […] La pincée de poudre coûtait quatre ou cinq mille livres, mais on devine le tour et le ton du billet. […] Avec de l’usage et le tour convenable, même en face du roi, on concilie la résistance et le respect. […] Le temps nous emporte si vite, que je crois toujours être arrivé depuis hier au soir. » Parfois on arrange une petite chasse et les dames veulent bien y assister ; « car elles sont toutes fort lestes et en état de faire tous les jours à pied cinq ou six fois le tour du salon ».

1046. (1859) Cours familier de littérature. VII « XXXVIIIe entretien. Littérature dramatique de l’Allemagne. Le drame de Faust par Goethe » pp. 81-160

V Avant de dire quelques mots à notre tour de la vie de Goethe, voyons d’abord en lui l’homme extérieur. […] XXIV Faust paraît à son tour ; il se promène avec son disciple Wagner ; son cœur se dilate à l’aspect de cet essaim d’heureux peuple au premier sourire du printemps. […] Faust et la jeune fille passent à leur tour devant le spectateur en se promenant dans le jardin. […] Les filles trouvent toutes leur compte à ce qu’on soit pieux et simple, à la vieille mode. « S’il cède sur ce point, pensent-elles, nous en aurons bon marché à notre tour. » Faust.

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