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603. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Santeul ou de la poésie latine sous Louis XIV, par M. Montalant-Bougleux, 1 vol. in-12. Paris, 1855. — I » pp. 20-38

Enfin le poète victorin avait enseigne au soleil pour tout ce qui concernait sa profession, et de plus il avait le don de faire chaque chose avec verve, — une verve de tête et passagère comme les sujets. […] « — Et ne croyez pas, jeune homme, que dans ce premier vers la césure qui manque soit un défaut ; c’est la fatigue de monter, c’est la respiration inégale des Nymphes qu’il s’agissait de rendre. » — Santeul a dû bien des fois faire remarquer cette beauté d’harmonie à quelque écolier qui passait devant la fontaine ; et si l’écolier avait été un peu émancipé déjà et un peu précurseur de l’âge futur, ou seulement s’il avait eu pour mère une d’Hervart ou une La Sablière, il aurait pu lui répliquer aussi tôt, en le narguant ; Dans un chemin montant, sablonneux, malaisé, Et de tous les côtés au soleil exposé.

604. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Madame Bovary par M. Gustave Flaubert. » pp. 346-363

L’ombrelle de soie gorge de pigeon, que traversait le soleil, éclairait de reflets mobiles la peau blanche de sa figure : elle souriait là-dessous à la chaleur tiède, et on entendait les gouttes d’eau, une à une, tomber sur la moire tendue. […] Le soleil se couchait ; le ciel était rouge entre les branches, et les troncs pareils des arbres plantés en ligne droite semblaient une colonnade brune se détachant sur un fond d’or : une peur la prenait, elle appelait Djali, s’en retournait vite à Tostes par la grande route, s’affaissait dans un fauteuil, et de toute la soirée ne parlait pas.

605. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Études de politique et de philosophie religieuse, par M. Adolphe Guéroult. »

Je ne sais si elle tourne autour d’un soleil, ou si seulement elle roule sur elle-même, mais assurément elle tourne ; les vingt ou trente tourbillons, grands ou petits, qui la composent, n’ont jamais été plus actifs et plus agités. […] Si je suis homme d’industrie ou de commerce, que j’habite une rue du centre, que j’aie une famille, des enfants qui aient besoin d’air et de soleil, je puis, sous le plus beau gouvernement de discussion et de discours pour ou contre, n’avoir pas la liberté de leur procurer un jardin, une promenade salubre à portée de chez moi ; j’ai au contraire cette liberté, si j’habite en 1863 près de la Tour-Saint-Jacques où l’on a créé pour les habitants du quartier un commode et riant jardin déjà plein d’ombrage.

606. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamartine — Lamartine, Recueillements poétiques (1839) »

Ce que nous appelions progrès, il y a peu d’années encore, nous paraîtrait plutôt une déviation aujourd’hui, non pas peut-être qu’au dehors l’état de choses du talent ait beaucoup changé, mais parce que surtout nous le revoyons nous-mêmes avec moins de soleil[…] Il avait de tout temps ses défauts, ses inadvertances ; il faisait rimer ciel et soleil, il disait l’une après l’une ; on ne lui demandait qu’à peine de s’en corriger ; la grammaire souffrait plus que l’esprit ; il y avait encore une certaine mesure et comme une harmonie dans ses négligences.

607. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Jean Richepin »

Je les aime, non à cause de cela, mais parce que j’ai arrêté mes regards sur leur misère, fourré mes doigts dans leurs plaies, essuyé leurs pleurs sur leurs barbes sales, mangé de leur pain amer, bu de leur vin qui soûle, et que j’ai, sinon excusé, du moins expliqué leur manière étrange de résoudre le problème du combat de la vie, leur existence de raccroc sur les marges de la société et aussi leur besoin d’oubli, d’ivresse, de joie, et ces oublis de tout, ces ivresses épouvantables, cette joie que nous trouvons grossière, crapuleuse, et qui est la joie pourtant, la belle joie au rire épanoui, aux yeux trempés, au cœur ouvert, la joie jeune et humaine, comme le soleil est toujours le soleil, même sur les flaques de boue, même sur les caillots de sang.

608. (1890) L’avenir de la science « V »

La terre semblable à un disque, à une colonne, à un cône, le soleil gros comme le Péloponnèse, ou conçu comme un simple météore s’allumant tous les jours, les étoiles roulant à quelques lieues sur une voûte solide, des sphères concentriques, un univers fermé, étouffant, des murailles, un cintre étroit contre lequel va se briser l’instinct de l’infini 55, voilà les plus brillantes hypothèses auxquelles était arrivé l’esprit humain. […] Anaxagore croit que la voûte du ciel est de pierre et conçoit le soleil et les astres comme des pierres enflammées.

609. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXXVI » pp. 413-441

Que, l’astrolabe en main, un autre aille chercher Si le soleil est fixe, ou tourne sur son axe ; Si Saturne, à nos yeux, peut faire un parallaxe… Pour moi, etc. […] Une nymphe disait au roi qui représentait le soleil : Je doute qu’on le prenne avec vous sur le ton          De Daphné ni de Phaëton, Lui trop ambitieux, elle trop inhumaine…          Le moyen de s’imaginer Qu’une femme vous fuie et qu’un homme vous mène.

610. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Armand Carrel. — III. (Suite et fin.) » pp. 128-145

En un mot, dans cette rude guerre qu’il soutint durant près de six années, les soldats de Carrel sont vigoureux, fermes, adroits, infatigables, ils ne sont pas brillants ; ils n’ont pas de casque au soleil. […] Il y a dans ce portrait ce qui se rencontre rarement chez Carrel, un éclair lumineux qui tranche sur un fond de misanthropie, et le rayon de soleil.

611. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « La reine Marguerite. Ses mémoires et ses lettres. » pp. 182-200

Tous les détails de magnificence galante et de cérémonial, si chers aux dames, ne sont pas oubliés : J’allais, dit Marguerite, en une litière faite à piliers doublés de velours incarnadin d’Espagne, en broderie d’or et de soie nuée, à devise ; celle litière toute vitrée, et les vitres toutes faites à devises, y ayant, ou à la doublure ou aux vitres, quarante devises toutes différentes, avec les mots en espagnol et italien, sur le soleil et ses effets. […] « Adieu, mon beau soleil !

612. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « La Fontaine. » pp. 518-536

A-t-il à parler du soleil, il dira en un langage que Copernic et Galilée ne désavoueraient pas : J’aperçois le soleil : quelle en est la figure ?

613. (1856) À travers la critique. Figaro pp. 4-2

Un rayon de soleil vole sur le bord du verre, très fier de ne pas se noyer. […] » Autre peinture : celle-ci représente le lever et le coucher du soleil : « Tous les matins d’été, le tablier d’or aux reins, le soleil sert à la nature le divin cordial (le vin)… Sitôt que ce premier rayon alerte a sonné la diane du jour (un rayon qui sonne !) […] voilà un soleil qui est autrement occupé que celui de notre pâle été de l’an de grâce 1854 ! […] La critique est comme ces sphinx accroupis sur le péristyle d’une villa, étalant de larges griffes au soleil couchant. […] Bien que le soleil de M. 

614. (1903) Légendes du Moyen Âge pp. -291

Il y a de vastes prairies où, grâce à l’humidité de l’atmosphère, croît une herbe luxuriante ; des ruisseaux y serpentent et semblent au soleil des lames d’argent. […] Le rédacteur du faux Turpin, qui avait, lui, du pays une connaissance personnelle, a corrigé la faute, assez peu heureusement, en racontant que Dieu arrêta le soleil pendant trois jours ! […] L’antique « Hespérie », la terre que le soleil visite au-delà des mers du couchant, est devenue le pays féerique, peuplé de femmes d’une incomparable et éternelle beauté, où règne la félicité sans mélange. […] Ailleurs, c’est dans une de ces montagnes qui semblent former la barrière de l’empire nocturne du soleil, qu’on a placé le palais de l’éternelle jeunesse. […] » — La variante bas-allemande est d’une beauté antique : « Quand il arriva devant la montagne, — il regarda de tous côtés autour de lui : — « Adieu, soleil, — adieu, lune, — et aussi tous mes chers amis ! 

615. (1888) Portraits de maîtres

Ainsi la troisième méditation à Elvire et l’Hymne au Soleil rappellent la manière et le mouvement de Parny ; l’Adieu nous semble affecter la molle nonchalance d’une poésie légère de La Fare et de Chaulieu. […] Les paraboles de la caravane, du fleuve, des deux frères, de l’aigle et du soleil, les épisodes des laboureurs, du tisserand, l’image grandiose du chêne blessé, sont les vrais modèles de la haute poésie, et dans l’ensemble ce poème reste une des œuvres dont le génie de l’homme peut s’enorgueillir. […] Auprès de l’évocation de tous les héroïsmes et de tous les idéals, des chœurs de jeunes filles gazouillent les louanges de l’enfant et la chanson des berceaux ; le coq entonne sa fanfare, le vendangeur glorifie le vin comme « le soleil des âmes ». […] Dans un des intermèdes de son Ahasvérus il regarde vers la maison natale « sous les cerisiers fleuris », vers la triste et pensive campagne « à l’heure où le soleil emporte dans les bois des Dombes sur son épaule sa gerbe d’épis blonds ». […] Pourvu que la terre vînt à sourire au lever du soleil, qu’avait-il besoin d’en demander davantage ?

616. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Première série

Ô Soleil des soleils, que de siècles, de lieues, Débordant la mémoire et les régions bleues. […] Le soleil fut ma première passion, mon premier culte. […] L’amour se déroule librement sous le soleil, qui l’encourage. […] A ce moment, le soleil se couchait ; les derniers rayons, d’un pourpre sombre, ensanglantaient la plaine. […] Le meeting des mineurs se meut dans de blêmes effets de lune, et la promenade des trois mille désespérés dans la lueur sanglante du soleil couchant.

617. (1891) Enquête sur l’évolution littéraire

Et puis, le soleil qui a l’air de se coucher, ne se lèvera-t-il pas demain ? […] La pluie avait cessé, et la ville, toute mouillée encore, resplendissait sous le soleil ; toujours le même silence, la même solitude des rues ; mais, grâce au soleil, la ville avait pris une calme gaieté de convalescence. […] Cette hypothèse nous instruit du moins par ses aveux, comme le rayon nous raconte tout le lointain Soleil. […] Voulez-vous que nous nous allongions là, au milieu, dans ce rayon de soleil ? […] Le soleil va se coucher.

618. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LVIII » pp. 220-226

Si le soleil les a fanées, Elles refleuriront ailleurs !

619. (1875) Premiers lundis. Tome III « Eugène-Scribe. La Tutrice »

Un industriel, un de ces spéculateurs de notre temps qui mettraient le soleil en actions s’ils croyaient trouver des actionnaires, est descendu dans cet hôtel avec sa jeune fille, qui a nom Florette.

620. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Les legs de l’exposition philosophie de la danse »

Certes elle n’est pas chaste, et toute la fureur d’un sang chauffé par le soleil y éclate brutalement.

621. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Moréas, Jean (1856-1910) »

Tandis que la plupart ont l’air de chercher des trésors dans une chambre obscure, Jean Moréas s’en va au soleil cueillir les fleurs des champs.

622. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — V — Villiers de L'Isle-Adam, Auguste de (1838-1889) »

Paul Verlaine Tu nous fuis comme fuit le soleil sous la mer Derrière un rideau lourd de pourpres léthargiques, Las d’avoir splendi seul sur les ombres tragiques De la terre sans verbe et de l’aveugle éther.

623. (1920) La mêlée symboliste. I. 1870-1890 « Lutèce » pp. 28-35

J’y débutai moi-même avec ce sonnet : À TRIANON Je trouve un charme étrange à tes longues allées Qui s’ouvrent en ogive à l’horizon vermeil, À tes bassins de pierre usée où le soleil N’éclaire plus qu’un tas d’herbes échevelées.

624. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre V. La philosophie. Stuart Mill. »

Les enfants, les ignorants, les animaux savent que le soleil se lèvera, que l’eau les noiera, que le feu les brûlera, sans employer l’intermédiaire de cette proposition. […] Nous apprenons par la simple pratique que le soleil éclaire, que les corps tombent, que l’eau apaise la soif, et nous n’avons d’autre ressource pour étendre ou contrôler ces inductions que d’autres inductions semblables. […] Le soleil, la terre, les planètes, l’impulsion initiale des corps célestes, les propriétés primitives des substances chimiques, sont de ces données1512. […] Les vieux murs, les pierres rongées par la pluie souriaient au soleil levant. […] Les architectures de tous les âges mêlaient leurs ogives et leurs trèfles, leurs statues et leurs colonnes ; le temps avait fondu leurs teintes ; le soleil les unissait dans sa lumière, et la vieille cité semblait un écrin où tous les siècles et tous les génies avaient pris soin tour à tour d’apporter et de ciseler leur joyau.

625. (1841) Discours aux philosophes. De la situation actuelle de l’esprit humain pp. 6-57

Fictions, pures fictions, contre lesquelles tant d’hommes généreux ont au contraire protesté de toute manière, et qu’un geste du peuple a fait évanouir au soleil de juillet ! […] un seul soleil éclaire tous les hommes, et, leur donnant une même lumière, harmonise leurs mouvements ; mais où est aujourd’hui, je vous le demande, le soleil moral qui luit pour toutes nos consciences ? […] Ainsi, quand on s’élève au sommet d’une haute montagne, il semble que l’œil, plus près des étoiles, va jouir d’une éclatante lumière et de ravissants spectacles ; mais, arrivé au sommet, on est tout étonné de se trouver dans les ténèbres, et le soleil qui brille dans cette obscurité nous envoie une lumière qui nous blesse. […] Il semble que la nature avait donné à chaque homme sa destination ; chacun avait un but à atteindre ; ils devaient y marcher tous ensemble, se secourant, s’animant, se guidant les uns les autres : mais, faute d’un soleil qui les éclaire, ils prennent chacun une route différente de celle que la nature leur avait donnée ; ils se heurtent, se combattent, s’égorgent ; et les plus heureux, marchant sur le corps de leurs frères, arrivent à la fin de leur vie sans avoir vu autre chose qu’une horrible et ridicule mêlée dans d’épaisses ténèbres. […] Dieu, le beau éternel, le soleil de vie, éclaire instantanément l’âme qui se repent.

626. (1904) Zangwill pp. 7-90

Point trop de plaines ni de montagnes ; point trop de soleil ni d’humidité. […] On aime pourtant le joli soleil qui luit doucement entre les ormes, le thym qui parfume les côtes sèches, les abeilles qui bourdonnent au-dessus du sarrasin en fleur : beautés légères qu’une race sobre et fine peut seule goûter. […] Il n’a ni excès ni contrastes ; le soleil n’est pas terrible comme au midi, ni la neige durable comme au nord. […] Peu de matière est maintenant organisée, et ce qui est organisé est faiblement organisé ; mais on peut admettre un âge où toute la matière soit organisée, où des milliers de soleils agglutinés ensemble serviraient à former un seul être, sentant, jouissant, absorbant par son gosier brûlant un fleuve de volupté qui s’épancherait hors de lui en un torrent de vie. […] Les transporter dans l’infini, c’est comme si l’on prétendait mesurer la chaleur du soleil ou du centre de la terre avec un thermomètre ordinaire.

627. (1864) Le positivisme anglais. Étude sur Stuart Mill

Les enfants, les ignorants, les animaux savent que le soleil se lèvera, que l’eau les noiera, que le feules brûlera, sans employer l’intermédiaire de cette proposition. […] Nous apprenons par la simple pratique que le soleil éclaire, que les corps tombent, que l’eau apaise la soif, et nous n’avons d’autre ressource pour étendre ou contrôler ces inductions que d’autres inductions semblables. […] Le soleil, la terre, les planètes, l’impulsion initiale des corps célestes, les propriétés primitives des substances chimiques, sont de ces données. […] Les vieux murs, les pierres rongées par la pluie souriaient au soleil levant. […] Les architectures de tous les âges mêlaient leurs ogives et leurs trèfles, leurs statues et leurs colonnes ; le temps avait fondu leurs teintes ; le soleil les unissait dans sa lumière, et la vieille cité semblait un écrin où tous les siècles et tous les génies avaient pris soin tour à tour d’apporter et de ciseler leur joyau.

628. (1911) Études pp. 9-261

Elle s’étend en flaques claires mais comme voilées par l’absence du soleil. […] Comme l’Arbre, l’homme est soumis à une double attraction : celle du sol où l’attachent ses racines, celle du soleil qui fait épanouir ses feuilles et l’attire vers en haut. […] Devant la mer et devant le soleil couchant. […] Miséricordieuses terrasses des Bactrianes au soleil levant ; jardins suspendus, jardins d’où l’on voit la mer ! […] Le Soleil, p. 251.

629. (1894) Dégénérescence. Fin de siècle, le mysticisme. L’égotisme, le réalisme, le vingtième siècle

De nos jours s’éveille dans les esprits d’élite la sombre inquiétude d’un Crépuscule des Peuples dans lequel tous les soleils et toutes les étoiles s’éteignent peu à peu, et où, au milieu de la nature mourante, les hommes périssent avec toutes leurs institutions et leurs créations. […] La compréhension par Lavretzky que, au milieu de cette nature éternellement jeune, éternellement florissante, lui seul n’a plus de lendemain ; le cri d’agonie d’Alving : « Le soleil ! le soleil !  […] Quelques jeunes, en petit nombre, sentent dans toutes leurs veines et tous leurs nerfs leur force vitale, et se réjouissent à l’avance du lever du Soleil. […] « Que m’importe », disait-il un jour, « que la terre tourne autour du soleil, ou le soleil autour de la terre ?

630. (1882) Hommes et dieux. Études d’histoire et de littérature

Hécate et le Soleil sont seuls témoins du rapt infernal. […] Enfin, le Soleil, infaillible témoin à qui rien n’échappe, révèle le nom du roi des Enfers. […] Emprisonné par Paul III, au château Saint-Ange, une vision lui apparaît où il voit le soleil comme un disque énorme, représentant tour à tour le Christ et la Vierge. « Le soleil, sans rayons, ressemblait à un bain d’or fondu. […] Le regret ingénu de ne plus voir le soleil est la seule plainte qu’ils profèrent. […] Le soleil les brûle, la pluie les rouille, le vent les tanne, l’âge les déforme et les casse en deux.

631. (1856) Le réalisme : discussions esthétiques pp. 3-105

Le soleil donne en plein midi sur des rochers, l’herbe est joyeuse et sourit aux rayons, l’air est frais, l’espace est grand, vous retrouvez la nature des montagnes, vous en aspirez les senteurs ; un plaisant arrive, qui, pour avoir puisé son instruction et son esprit dans le Journal pour rire, bafouera les Demoiselles de village. […] Il est tout ahuri de voir sur une toile ces arbres après lesquels il grimpe, cette verdure sur laquelle il se roule, ces rochers sur lesquels il passe son temps au soleil, à courir les nids. […] On ne saurait pas plus la lui dénier que la chaleur au soleil. […] Le soleil du bon Dieu luit pour tout le monde. […] Donc, l’idéalisme, si j’y comprends quelque chose, ce serait peut-être, pour me servir d’une expression d’autrefois, ce je ne sais quoi, que vous voulez voir trembloter au-dessus de la réalité crue qui vous fait si peur, à l’instar de ces effluves qui tremblotent sur les campagnes crayeuses, quand le soleil d’été leur tape dessus de toutes ses forces.

632. (1890) Le massacre des amazones pp. 2-265

Elle élide toujours la syllabe muette qui suit une voyelle sans exiger ici l’hiatus qu’on défend ailleurs : Et l’or en effigie remplace le soleil. […] Non sans quelque honte, j’aime presque ceci : Et le soleil fait ruisseler des pièces d’or vers la bourse tendue du vieux saule penché. […] Son admiration devant les plus sublimes spectacles n’est qu’un étonnement amusé : elle parle de la mer moins respectueusement que d’une cabotine et traite le soleil avec la même familiarité qu’un conseiller municipal. […] Quelquefois pourtant elle veut paraître émue profondément, se croit la plus nette et la plus puissante conscience de la vie universelle. « Un malaise inexprimable m’étreint quand le soleil s’évanouit à l’horizon ; je me détache de la vie, à l’automne, comme les feuilles des arbres, et le sang bouillonne dans mes veines, comme la sève des plantes, quand le premier soleil de mars troue le plafond de nuages gris ». […] l’honneur de la reconnaître, ayant fait à Séverine l’honneur de la recevoir, Séverine eut aussi une attaque d’« esprit nouveau », et elle parla de Léon XIII le roublard bien moins familièrement que du soleil ou de Jésus.

633. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Académie française — Réception de M. de Falloux » pp. 311-316

Dupin en le recevant à l’Académie, vous avez commencé. » Ce qu’on aurait pu dire aussi, c’était l’impression vive et incomparable qu’après des années de labeur, de dégoût et de souffrance, il avait tout d’un coup ressentie à la vue des premiers actes et des premiers soleils du Consulat.

634. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Quatrième partie. Élocution — Chapitre VII. De la propriété des termes. — Répétition des mots. — Synonymes. — Du langage noble »

Quand l’équivalent noble n’existait pas, le nom du genre ou de la matière y suppléait, ou bien une périphrase : de là ces termes généraux que recommande Buffon, et ces circonlocutions que Delille fabrique ingénieusement : un mouchoir est un tissu ; le soleil est l’astre du jour ; un glacier, le temple des frimas.

635. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Quatrième partie. Élocution — Chapitre IX. Précision, brièveté, netteté »

C’est une peinture qui n’a pas de dessous, ni de profondeur : c’est une route droite, dans un pays plat, sans soleil.

636. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Des avantages attachés à la profession de révolutionnaire. » pp. 200-207

Je me souviens de l’avoir sentie très nettement, à Paris, pendant le premier mois de la Commune, à lire les affiches et les journaux enfiévrés, à voir flamber dans les rues le drapeau rouge, à me mêler, sous le grand soleil, aux cohues démentes de la place de l’Hôtel-de-Ville ; et pourtant j’étais un enfant très raisonnable. — Bref, je conçois, sans nul effort que cet homme, l’autre jour, soit monté sur cette table et qu’il y ait chanté cette chanson assassine contre une classe pleine de vices et d’égoïsme assurément (comme toutes les classes sociales sans exception), mais où il y a aussi de braves gens, et dont il se pourrait que la très modeste moyenne de vertu et de bonté ne fût pas trop inégale à la bonté et à la vertu de ceux qui réclament du plomb contre elle.

637. (1920) La mêlée symboliste. I. 1870-1890 « Les Zutistes » pp. 19-27

C’étaient des impressions de flâneur mélancolique à travers les rues, le soleil, les sourires, le bariolage des affiches et les toilettes.

638. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « Éphémérides poétiques, 1891-1900 » pp. 179-187

Hugues Rebell : Chants de la pluie et du soleil.

639. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre XVI, les Érynnies. »

» — Et Prométhée leur répond : — « Les trois Parques et les Érynnies à la mémoire fidèle. » — Héraclite, cité par Plutarque, disait que « si le Soleil s’avisait de franchir les bornes qui lui sont proscrites, les Érynnies, agents de la Justice, sauraient bien lui faire rebrousser chemin. » — Dans l’Iliade, Xanthos, un des chevaux divins d’Achille, prend une voix humaine pour prédire sa mort au héros rentrant dans la guerre de Troie : mais les Érynnies, indignées de cette violation des lois naturelles, accourent aussitôt, et font taire impérieusement l’animal qui ose usurper la parole réservée aux hommes.

640. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre second. Poésie dans ses rapports avec les hommes. Caractères. — Chapitre X. Suite du Prêtre. — La Sibylle. — Joad. — Parallèle de Virgile et de Racine. »

Ils ne s’assurent point en leurs propres mérites, Mais en ton nom, sur eux invoqué tant de fois, En tes serments jurés au plus saint de leurs rois, En ce temple où tu fais ta demeure sacrée, Et qui doit du soleil égaler la durée.

641. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre V. Harmonies de la religion chrétienne avec les scènes de la nature et les passions du cœur humain. — Chapitre VI. Harmonies morales. — Dévotions populaires. »

Enfin, les vents, les pluies, les soleils, les saisons, les cultures, les arts, la naissance, l’enfance, l’hymen, la vieillesse, la mort, tout avait ses saints et ses images, et jamais peuple ne fut plus environné de divinités amies, que ne l’était le peuple chrétien.

642. (1826) Mélanges littéraires pp. 1-457

En été, quand le soleil se couche, à Londres, par-delà les bois de Kensington, on jouit quelquefois d’un spectacle fort pittoresque. […] Qu’est-ce qu’une nuit qui est un soleil auprès de la couleur d’un sort ? […] le soleil a-t-il trouvé une couche éternelle dans la vague de l’occident ! […] Dans l’orient obscur, déployant un arc immense, l’iris brille au soleil couchant. […] La nature, aux approches du soleil, entrouvre par degrés son voile de neige.

643. (1885) L’Art romantique

Il contemple les paysages de la grande ville, paysages de pierre caressés par la brume ou frappés par les soufflets du soleil. […] Le dandysme est un soleil couchant ; comme l’astre qui décline, il est superbe, sans chaleur et plein de mélancolie. […] Qui pourrait concevoir une biographie du soleil ? […] Ô splendeurs éclipsées, Ô soleil descendu derrière l’horizon ! […] Je ne sais quelle lourde nuée, venue de Genève, de Boston ou de l’enfer, a intercepté les beaux rayons du soleil de l’esthétique.

644. (1863) Cours familier de littérature. XVI « XCIVe entretien. Alfred de Vigny (1re partie) » pp. 225-319

Il n’y avait, grâce à ce regard en complète sécurité, ni matin, ni soir, ni nuit, sur cette physionomie ; tout y était plein soleil de l’âme. […] Le soleil prolongeait sur la cime des tentes Ces obliques rayons, ces flammes éclatantes, Ces larges traces d’or qu’il laisse dans les airs, Lorsqu’en un lit de sable il se couche aux déserts. […] Et, lorsque du grand mont il atteignit le faîte, Lorsque son front perça le nuage de Dieu Qui couronnait d’éclairs la cime du haut lieu, L’encens brûla partout sur les autels de pierre, Et six cent mille Hébreux, courbés dans la poussière, À l’ombre du parfum par le soleil doré, Chantèrent d’une voix le cantique sacré ; Et les fils de Lévi, s’élevant sur la foule, Tels qu’un bois de cyprès sur le sable qui roule, Du peuple avec la harpe accompagnant les voix, Dirigeaient vers le ciel l’hymne du Roi des Rois. […] Lorsque mon peuple souffre, ou qu’il lui faut des lois, J’élève mes regards, votre esprit me visite ; La terre alors chancelle et le soleil hésite, Vos anges sont jaloux et m’admirent entre eux, Et cependant, Seigneur, je ne suis pas heureux ; Vous m’avez fait vieillir puissant et solitaire, Laissez-moi m’endormir du sommeil de la terre. […] Ses regards, éblouis par des Soleils sans nombre, N’apercevaient d’abord qu’un abîme et que l’ombre, Mais elle y vit bientôt des feux errants et bleus Tels que des froids marais les éclairs onduleux ; Ils fuyaient, revenaient, puis s’échappaient encore ; Chaque étoile semblait poursuivre un météore ; Et l’Ange, en souriant au spectacle étranger, Suivait des yeux leur vol circulaire et léger.

645. (1856) Cours familier de littérature. II « Xe entretien » pp. 217-327

Tu n’as donc pas quitté ce port de ton bonheur ; Ce soleil du matin qui réjouit ton cœur, Comme un arbre au rocher fixé par sa racine, Te retrouve toujours sur la même colline ; Nul adieu n’attrista le seuil de ta maison, Jamais, jamais tes yeux n’ont changé d’horizon, L’arbre de ton aïeul, l’arbre qui t’a vu naître N’a jamais reverdi sans ombrager son maître ; Jamais le voyageur en voyant du chemin Ta demeure fermée aux rayons du matin, Trouvant l’herbe grandie, ou le sentier plus rude, N’a demandé, surpris de cette solitude, Sur quels bords étrangers, dans quels lointains séjours Le vent de l’inconstance avait poussé tes jours. […] Ainsi tu vieilliras sans que tes jours pareils Soient comptés autrement que par leurs doux soleils, Sans que les souvenirs de ton heureuse histoire Laissent d’autres sillons gravés dans ta mémoire Que le cercle inégal des diverses saisons, Des printemps plus tardifs, de plus riches moissons, Tes pampres moins chargés, tes ruches plus fécondes Ou la source sevrant ton jardin de ses ondes, Sans avoir dissipé des jours trop tôt comptés, Dans la poudre, ou le bruit, ou l’ombre des cités, Et sans avoir semé, de distance en distance, À tous les vents du ciel ta stérile espérance ! […] Il n’en sortait ni serviteur, ni bruit, ni fumée, ni même l’aboiement d’un chien fidèle, ou ce gloussement de poules au soleil, signes ordinaires d’une maison habitée. […] Enfin, au soleil couchant, la porte de la maisonnette tourna lentement et sans bruit sur ses gonds, un petit homme en habit noir, à fortes épaules, à jambes grêles, à noble tête, sortit suivi d’un chat auquel il jetait des pelotes de pain pour le faire gambader sur l’herbe ; l’homme et le chat s’enfoncèrent bientôt dans l’ombre d’une allée. […] Je suis las des soleils, laisse mon urne à l’ombre : Le bonheur de la mort, c’est d’être enseveli.

646. (1888) Épidémie naturaliste ; suivi de : Émile Zola et la science : discours prononcé au profit d’une société pour l’enseignement en 1880 pp. 4-93

Ce qu’on s’était appliqué à soigneusement cacher par civilité, il l’étala avec ostentation, au grand soleil. […] Tout se trouvait jeté dans le baquet aux injures son étude nouvelle de l’homme physiologique, le rôle tout puissant rendu aux milieux, la vaste nature éternellement en création, la vie enfin, la vie totale, universelle qui va d’un bout de l’animalité à l’outre sans haut ni bas, sans beauté ni laideur et les audaces de langage, la conviction que tout doit se dire qu’il y a des mots abominables nécessaires comme des fers rouges qu’une langue sort enrichie de « ces bains de force et surtout l’acte sexuel, l’origine et l’achèvement continu du monde tiré, de la honte où on le cache, remis dans sa gloire sous le soleil. […] C’est surtout « l’acte sexuel qu’il faut tirer de la honte où on le cache », pour le remettre dans sa gloire sous le soleil. […] Notre monde inorganique a toujours son même ciel, son même soleil. […] Zola en profite pour esquisser la silhouette du scieur de long qui se découpe en vigueur sur la terre aride par un plein soleil.

647. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « MÉLEAGRE. » pp. 407-444

Au chant xiii de l’Odyssée, Ulysse, trop longtemps retenu à son gré chez les Phéaciens, a obtenu un vaisseau ; il doit partir le soir même, il assiste au dernier festin que lui donnent ses hôtes ; mais, impatient qu’il est de s’embarquer pour son Ithaque, il n’entend qu’avec distraction, cette fois, le chantre divin Demodocus, et il tourne souvent la tête vers le soleil comme pour le presser de se coucher : « Comme lorsque le besoin du repas se fait sentir à l’homme qui, tout le jour, a conduit à travers son champ les bœufs noirs tirant l’épaisse charrue : il voit joyeusement se coucher la lumière du soleil pressé qu’il est d’aller prendre son souper, et les genoux lui font mal en marchant ; c’est avec une pareille joie qu’Ulysse vit se coucher la lumière du soleil. » La passion de l’exilé sur le point de revoir sa patrie, comparée à celle du pauvre journalier pour son souper et son gîte à la dernière heure d’une journée laborieuse, ne se trouve point rabaissée en cela ; elle n’en paraît que plongeant plus à fond, enracinée plus avant dans la nature humaine ; mais rien n’est compris si cette circonstance naïve des genoux qui font mal en marchant est atténuée ou dissimulée ; car c’est justement cette peine qui est expressive, et qui aide à mesurer l’impatience même, la joie de ce simple cœur.

648. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « M. DE LA ROCHEFOUCAULD » pp. 288-321

Ce seraient Mme de Chevreuse, Mme de Longueville, Mme de Sablé, Mme de La Fayette ; les deux premières, héroïnes d’intrigue et de roman ; la troisième, amie moraliste et causeuse ; la dernière, revenant, sans y viser, à l’héroïne par une tendresse tempérée de raison, repassant, mêlant les nuances, et les enchantant comme dans un dernier soleil. […] Il y en a qui, pour avoir trop fait, chaque matin et chaque soir, le tour extérieur du Palais-Royal dans les infections et les boues, ne savent plus jouir d’une heure de soleil dans la belle allée. […] Même comme écrivain, quand il dit : « Le soleil ni la mort ne se peuvent regarder fixement. » 135.

649. (1866) Cours familier de littérature. XXII « CXXVIIIe entretien. Fior d’Aliza (suite) » pp. 65-128

CXCV Aussi, pour bien le confirmer dans l’idée qu’il allait me voir apparaître, quand je fus à la dernière arcade au tournant du cloître avant son grillage, je m’assis sur le socle de l’arcade et je jouai doucement, lentement, amoureusement, l’air de la nuit dans la tour, afin qu’il comprît bien que j’étais là, à dix pas de lui, et qu’il entendît pour ainsi dire battre mon cœur dans la zampogne ; et je finis l’air, non pas comme d’habitude, par ces volées de notes qui semblaient s’élancer vers le ciel, comme des alouettes joyeuses montant au soleil, mais je le finis par deux longs, lugubres et tendres soupirs de l’instrument qui semblait bien plutôt pleurer que chanter, hélas ! […] — Émiette, lui dis-je, tous les matins, un peu de la mie de ton pain de prison, et répands ces miettes, toutes fraîches, sur le bord intérieur du mur à hauteur d’appui où tu t’accoudes quelquefois pour regarder couler l’heure au soleil ; petit à petit, la plus hardie viendra becqueter entre les barreaux, puis jusque dans ta main ; tu lui caresseras les plumes sans la retenir, et tu la laisseras librement s’envoler, revenir et s’envoler encore ; bientôt elle aura pour toi l’amitié que toutes les bêtes ont naturellement pour l’homme qui ne leur fait point de mal, tu la prendras dans ton sein, elle becquettera jusqu’à tes lèvres, elle se laissera faire tout ce que tu voudras d’elle ; moi, de mon côté, je vais en prendre une sur la margelle du puits et l’emporter sous ma chemise, dans mon sein, là-haut, dans ma chambre ; je l’empêcherai seulement une heure ou deux de s’envoler, je lui donnerai des graines douces et du maïs sucré sur le bord de ma fenêtre, et je la lâcherai ensuite pour qu’elle rejoigne ses compagnes dans la cour ; tu la reconnaîtras au bout de fil bleu que j’aurai noué à ses jambes roses, et c’est celle-là que tu apprivoiseras de préférence en faisant peur aux autres ; au bout de deux ou trois jours, tu verras qu’elle viendra à tout moment te visiter, et qu’à tout moment aussi elle remontera de la lucarne à ma tour, pour redescendre encore de ma tour à ton cachot. […] Il ajouta que, même après le jugement, on avait encore le recours en grâce auprès de monseigneur le duc et que, dans tous les cas, le condamné avait encore un sursis de quatre semaines et de quatre jours entre l’arrêt suprême et l’exécution ; enfin que, pendant ces quatre semaines et ces quatre soleils de sursis, le condamné, soulagé de toutes ses chaînes derrière sa grille, ne subissait plus le secret, mais qu’il était libre de recevoir dans sa prison ses parents, les prêtres, les moines charitables et tous les chefs des confréries pieuses de la ville et des montagnes, tels que frères de la Miséricorde, frères de la Sainte-Mort, pénitents noirs et pénitents blancs, dont l’œuvre est de secourir les prisonniers, de sanctifier leur peines et même leur supplice.

650. (1866) Cours familier de littérature. XXII « CXXIXe entretien. Fior d’Aliza (suite) » pp. 129-192

que j’oubliais la prison, l’échafaud, le supplice et tout au monde, et que je bénissais à part moi ce malheur qui lui arrachait cette confession forcée de son cœur qu’il n’aurait peut-être jamais ouvert en liberté et au soleil. […] CCXXVII Le lendemain, avant le soleil levé, on frappa à la porte de la prison, c’était le frère Hilario ; le bargello l’introduisit dans la cour et dans le cachot d’Hyeronimo, et les laissa seuls ensemble dans la chapelle. […] L’oiseau apportait à sa patte un long brin de paille reluisant comme l’or d’une feuille de maïs au soleil !

651. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre cinquième »

Ses devanciers travaillaient à la lumière du soleil, cette joie des yeux, comme l’appelle Bossuet ; lui, il ferme ses fenêtres en plein jour et travaille aux bougies ; puis, sortant de cette retraite, dans son jardin, l’habit bas, il marche à pas inégaux, déclamant ses vers à voix haute, au grand effroi de son jardinier. […] ce jour que j’abhorre, Ce soleil luit pour moi ! […] Il aime les palmiers, les oasis, le soleil du désert ; même il n’a pas de répugnance pour le poignard du mélodrame.

652. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « Gustave Flaubert »

Venu après son ami Théophile Gautier, le lapidaire des Émaux et Camées, qui, lui aussi, grave sur pierre et peint sur caillou, Flaubert a été un Théophile Gautier prosaïque, descriptif jusqu’à la minutie, découpant tout et empâtant la couleur sur tout, pour que tout se voie, bombant l’atome et pointillant l’éléphant, et finissant par donner aux yeux de l’esprit la sensation, insupportable pour ceux du corps, que donne une tôle brillant au soleil ; car ses paysages si vantés, ces paysages sans nuances flottantes, sans tons fondus et sans transparence, ont la solidité et l’éclat brusque d’un métal. […] Après la fameuse toilette de Salammbô, qui devint un soir la toilette des princesses de ce temps de débordements de toilettes, il était tout simple que nous eussions la toilette de la reine de Saba, et nous l’avons eue « avec sa robe de brocart d’or à falbalas de perles, son corset zodiacal, ses patins dont l’un noir avec lune d’argent, l’autre blanc avec soleil d’or, ses ongles en aiguilles, sa poudre bleue, son scorpion allongeant la langue entre ses deux seins, etc., etc. ». […] Après le vigoureux hoquet panthéiste à travers lequel saint Antoine s’écrie qu’il « voudrait se mêler à tout, voler, nager, aboyer, beugler, hurler, souffler de la fumée, avoir une carapace, porter une trompe, s’émanier avec les odeurs, couler comme l’eau, se développer comme la plante, briller comme la lumière, pénétrer les atomes, Être la matière » , tout à coup, on ne sait pourquoi, le ciel se découvre dans les nuages d’or, « et on voit dans le disque même du soleil la figure rayonnante de Jésus-Christ ».

653. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Joinville. — I. » pp. 495-512

Cette scène d’arrivée et de débarquement en vue de l’ennemi est vive chez Joinville, et pleine de couleur : Le jeudi après Pentecôte arriva le roi devant Damiette, et trouvâmes là toute l’armée du Soudan sur la rive de la mer, de très belles gens à regarder ; car le Soudan porte les armes (armoiries) d’or, sur lesquelles le soleil frappait, qui faisait les armes resplendir. […] Froissart, l’historien littéraire de la chevalerie, s’amusera un jour à décrire ce choc des combats, ce luxe des couleurs, cet éclat éblouissant des casques et des hauberts au front des batailles : chez Joinville, ce n’est pas encore un jeu ni un art, ce n’est que l’éclair naturel et rapide du souvenir, le reflet retrouvé de cette heure d’allégresse et de soleil où l’on était jeune, brillant et victorieux.

654. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Une Réception Académique en 1694, d’après Dangeau (tome V) » pp. 333-350

Telles sont les grâces de Louis le Grand, grâces semblables aux influences du plus beau des astres, et qui me donnent droit de dire avec plus de justice, à l’honneur du roi, que Tertullien n’écrit pour flatter les princes de l’Afrique : l’État et le ciel ont le même sort, et doivent leur bonheur à deux soleils… À ces mots, le voisin de Racine dut se pencher vers lui et lui rappeler à l’oreille la harangue de maître Petit-Jean : Quand je vois le soleil, et quand je vois la lune… Et le voisin de La Bruyère reçu l’année d’auparavant et avec un si éloquent discours, put lui dire : « Ah !

655. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « II » pp. 21-38

C’est la fable de Borée et du soleil : le soleil n’a eu qu’à montrer son rayon, et le voyageur a quitté son manteau.

656. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Œuvres de Maurice de Guérin, publiées par M. Trébutien — II » pp. 18-34

Tous ces menus détails de la vie intime, dont l’enchaînement constitue la journée, sont pour moi autant de nuances d’un charme continu qui va se développant d’un bout de journée à l’autre : — le salut du matin qui renouvelle en quelque sorte le plaisir de la première arrivée, car la formule avec laquelle on s’aborde est à peu près la même, et d’ailleurs la séparation de la nuit imite assez bien les séparations plus longues, comme elles étant pleine de dangers et d’incertitude ; — le déjeuner, repas dans lequel on fête immédiatement le bonheur de s’être retrouvés ; — la promenade qui suit, sorte de salut et d’adoration que nous allons rendre à la nature, car à mon avis, après avoir adoré Dieu directement dans la prière du matin, il est bon d’aller plier un genou devant cette puissance mystérieuse qu’il a livrée aux adorations secrètes de quelques hommes ; — notre rentrée et notre clôture dans une chambre toute lambrissée à l’antique, donnant sur la mer, inaccessible au bruit du ménage ; en un mot, vrai sanctuaire de travail ; — le dîner qui s’annonce non par le son de la cloche qui sent trop le collège ou la grande maison, mais par une voix douce qui nous appelle d’en bas ; la gaieté, les vives plaisanteries, les conversations brisées en mille pièces qui flottent sans cesse sur la table durant ce repas : le feu pétillant de branches sèches autour duquel nous pressons nos chaises après ce signe de croix qui porte au ciel nos actions de grâces ; les douces choses qui se disent à la chaleur, du feu qui bruit tandis que nous causons ; — et, s’il fait soleil, la promenade au bord de la mer qui voit venir à elle une mère portant son enfant dans ses bras, le père de cet enfant et un étranger, ces deux-ci un bâton à la main ; les petites lèvres de la petite fille qui parle en même temps que les flots, quelquefois les larmes qu’elle verse, et les cris de la douleur enfantine sur le rivage de la mer ; nos pensées à nous, en voyant la mère et l’enfant qui se sourient ou l’enfant qui pleure et la mère qui lâche de l’apaiser avec la douceur de ses caresses et de sa voix, et l’océan qui va toujours roulant son train de vagues et de bruits ; les branches mortes que nous coupons dans le taillis pour nous allumer au retour un feu vif et prompt ; ce petit travail de bûcheron qui nous rapproche de la nature par un contact immédiat et me rappelle l’ardeur de M.  […] Le soleil qui s’est retiré, il y a peu d’instants, a laissé derrière lui assez de lumière pour tempérer quelque temps les noires ombres et adoucir en quelque sorte la chute de la nuit.

657. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Maurice et Eugénie de Guérin. Frère et sœur »

Que de fois, trempé jusqu’aux os, j’ai séché mes habits sur mon corps, à la bise ou au soleil ! […] Elle a, au réveil, des esquisses de matin d’une fraîcheur délicieuse : « J’admirais tout à l’heure un petit paysage de ma chambrette qu’enluminait le soleil levant.

658. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Gavarni (suite et fin.) »

Le paysan de La Bruyère, « cet animal farouche, noir, livide et tout brûlé du soleil, qui fouille et remue la terre », est un Apollon au prix de cet animal à face et à membres de squelette, qui convoite des haillons un peu moins haillons que les siens. […] Il a mis sous le nom et le masque de cette espèce de monstre, de ce personnage « à demi Quasimodo, à demi Diogène » (comme le définit M. de Saint-Victor), toute sa misanthropie et son amertume, son noir, ce qui reste de l’ancien Michel quand toutes les aurores sont éteintes, quand tous les soleils sont couchés.

659. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Don Quichotte (suite et fin.) »

En 1606, la Cour étant revenue résider à Madrid, Cervantes, qui suivait en fidèle satellite ses divers mouvements et révolutions, quitta Valladolid et alla s’établir là où était le soleil, un pâle soleil qui ne le réchauffait guère et dont pourtant il ne se plaignait pas trop.

660. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Histoire de la littérature anglaise, par M. Taine, (suite et fin.) »

Taine, qui plongerait comme lui ses racines jusqu’aux sources, en poussant d’autre part ses verts rameaux sous le soleil, et en même temps qui ne supprimerait point, — que dis-je ? […] Taine nous entretenait l’autre jour27, — occupés, dis-je, à rechercher uniquement et scrupuleusement la vérité dans de vieux livres, dans des textes ingrats ou par des expériences difficiles ; des hommes qui voués à la culture de leur entendement, se sevrant de toute autre passion, attentifs aux lois générales du monde et de l’univers, et puisque dans cet univers la nature est vivante aussi bien que l’histoire, attentifs nécessairement dès lors à écouter et à étudier dans les parties par où elle se manifeste à eux la pensée et l’âme du monde ; des hommes qui sont stoïciens par le cœur, qui cherchent à pratiquer le bien, à faire et à penser le mieux et le plus exactement qu’ils peuvent, même sans l’attrait futur d’une récompense individuelle, mais qui se trouvent satisfaits et contents de se sentir en règle avec eux-mêmes, en accord et en harmonie avec l’ordre général, comme l’a si bien exprimé le divin Marc-Aurèle en son temps et comme le sentait Spinosa aussi ; — ces hommes-là, je vous le demande (et en dehors de tout symbole particulier, de toute profession de foi philosophique), convient-il donc de les flétrir au préalable d’une appellation odieuse, de les écarter à ce titre, ou du moins de ne les tolérer que comme on tolère et l’on amnistie par grâce des errants et des coupables reconnus ; n’ont-ils pas enfin gagné chez nous leur place et leur coin au soleil ; n’ont-ils pas droit, ô généreux Éclectiques que je me plais à comparer avec eux, vous dont tout le monde sait le parfait désintéressement moral habituel et la perpétuelle grandeur d’âme sous l’œil de Dieu, d’être traités au moins sur le même pied que vous et honorés à l’égal des vôtres pour la pureté de leur doctrine, pour la droiture de leurs intentions et l’innocence de leur vie ?

661. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « JASMIN. » pp. 64-86

» Et elle se met en marche vers l’église, appuyée sur l’enfant ; pas de soleil encore, il bruine ; l’odeur du laurier qui jonche le chemin lui arrive parfois et la fait frissonner. […] Enfin on est à l’église ; le temps s’est levé, il fait soleil, et pourtant il pleut ; la noce arrive : Angèle, toujours étourdie et ne pensant qu’à sa croix d’or ; Baptiste, muet, triste comme la veille.

662. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « THÉOPHILE GAUTIER (Les Grotesques.) » pp. 119-143

La rose en rendant son odeur, Le soleil donnant son ardeur, Diane et le char qui la traîne, Une Naïade dedans l’eau, Et les Grâces dans un tableau, Font plus de bruit que ton haleine. […] La Remontrance du poëte captif au conseiller du parlement M. de Vertamont, qui était son juge, appelle l’intérêt par la situation et par quelques tons de fraîcheur ; il décrit à ce magistrat le retour du printemps deviné à travers ses barreaux, et il demande la clef des champs, que la nature en cette saison accorde à toute créature ; aujourd’hui, dit-il : Que l’oiseau, de qui les glaçons Avoient enfermé les chansons Dans la poitrine refroidie, Trouve la clef de son gosier Et promène sa mélodie Sur le myrte et sur le rosier… Cela fait ressouvenir de ces autres vers d’un poëte prisonnier : Soleil si doux au déclin de l’automne, Arbres jaunis, je viens vous voir encor !

663. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « CHRISTEL » pp. 515-533

Sa fille, née en Suisse, dans le frais Appenzel, avait plus tard doré son enfance au soleil d’Espagne. […] Hervé se disait qu’il fallait croire, ses discours aussi le disaient, et depuis deux heures, aux rayons du soleil baissant, on parlait de l’avenir.

664. (1829) De la poésie de style pp. 324-338

* * * Nous devrions nommer l’éclipse de soleil une éclipse de terre. […] Mais nous ressemblons au peuple qui regarde une éclipse de lune dans l’eau : si l’eau est agitée, il s’écrie : Voyez comme le soleil se bat avec la lune !

665. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Pensées, essais, maximes, et correspondance de M. Joubert. (2 vol.) » pp. 159-178

Le coup de soleil qui suivit le 18 Brumaire s’était fait sentir mieux qu’ailleurs dans ce coin du monde : on aimait, on adoptait avec bonheur tout génie, tout talent nouveau ; on en jouissait comme d’un enchanteur ; l’imagination avait refleuri, et on aurait pu inscrire sur la porte du lieu le mot de M.  […] Bernardin écrit au clair de lune, Chateaubriand au soleil.

666. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Campagnes d’Égypte et de Syrie, mémoires dictés par Napoléon. (2 vol. in-8º avec Atlas. — 1847.) » pp. 179-198

En janvier (1794), il passa une nuit sur le col de Tende, d’où, au soleil levant, il découvrit ces belles plaines qui déjà étaient l’objet de ses méditations. […] Tous les jours, au soleil levant, eux et les ulémas de Gama el-Azhar prirent l’habitude de se rendre au palais avant l’heure de la prière.

667. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Le père Lacordaire orateur. » pp. 221-240

L’antique serpent de l’erreur, dit-il encore, change de couleurs au soleil de chaque siècle. […] Il reprenait aussi le sien ; mais la lampe infidèle, éteinte avant le jour, ne tardait pas à lui manquer de nouveau ; alors il s’approchait du four ouvert et enflammé, et continuait, à ce rude soleil, la lecture de Tite-Live ou de César.

668. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Les Confessions de J.-J. Rousseau. (Bibliothèque Charpentier.) » pp. 78-97

N’avez-vous pas senti à ce brillant et à cet éclat du teint comme un rayon du soleil d’Italie ? […] De telles pages étaient en littérature française la découverte d’un monde nouveau, d’un monde de soleil et de fraîcheur qu’on avait près de soi sans l’avoir aperçu encore ; elles offraient un mélange de sensibilité et de naturel, et où la pointe de sensualité ne paraissait qu’autant qu’il était permis et nécessaire pour nous affranchir enfin de la fausse métaphysique du cœur et du spiritualisme convenu.

669. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Florian. (Fables illustrées.) » pp. 229-248

Enfin, cette fête de nuit en l’honneur de Mlle Clairon se termine, dans le récit de Florian, par une très belle description de l’aurore, par un lever de soleil sur les cimes des Alpes, qui a frappé son imagination d’enfant : c’est le signal d’un sentiment tout nouveau, plein de fraîcheur, l’amour de la nature, qui va être la passion et presque l’engouement des générations naissantes. […] Aimables bergères au teint si blanc, malgré le soleil ; à la robe si propre, malgré l’étable ; au langage si élégant, sans écoles, sans Lancastres !

670. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Nouveaux documents sur Montaigne, recueillis et publiés par M. le docteur Payen. (1850.) » pp. 76-96

Tout y fermente, il y a chaos ; chaque coup de soleil y fait orage. […] Sachons les traverser, mais ne nous écrions pas tous les jours, comme nous sommes disposés à le faire, qu’il ne s’est jamais trouvé sous le soleil d’orages pareils à ceux que nous traversons.

671. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Ernest Renan »

Ce n’est qu’un analyseur de patience de termite ;  un rouge-maille qui mesure son coup de dent pour qu’à chaque fois qu’il le donne il soit léger et ne réveille pas le chat qui dort… J’ai appelé Renan le Grippe-Soleil du docteur Strauss ; mais il ne lui a pris que les petits côtés de sa méthode, et même comme science, ce qu’il grippe du soleil allemand de cet homme n’est pas de quoi allumer un réverbère ou une lanterne dans ce pays de France où nous voulons de la bravoure, même d’idées, du bon sens et de la clarté ! […] Chef-d’œuvre du Charpentier divin et de ses coopérateurs, Édifice ultra-mondain, Royaume sur lequel il est plus vrai de dire que le soleil ne se couche pas que sur l’empire de Charles-Quint, l’Église inspirerait au Génie et à l’Amour de magnifiques et inépuisables litanies !

672. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Charles Baudelaire  »

D’un autre côté, L’Enfer du Dante, pour être plus beau, est aussi un poème, dans toute la splendeur de cette difficulté immense et vaincue, écrit en tercets qui ressemblent à des rayons tordus de foudre, de soleil et de lune, tandis que Les Paradis artificiels de Baudelaire sont un livre de prose, de description et d’analyse psycho-physiologique qu’il a faits sur souvenir, absolument comme un naturaliste étudie à la loupe les fibrilles d’une feuille de mûrier. […] — que le haschisch invoque toujours des magnificences de lumière, des splendeurs glorieuses, des cascades d’or liquide ; toute lumière lui est bonne, celle qui ruisselle en nappes et celle qui s’accroche comme du paillon aux pointes et aux aspérités, les candélabres des salons, les cierges du mois de Marie, les avalanches de rose dans les couchers de soleil (image neuve !). 

673. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre X : M. Jouffroy psychologue »

Cette pierre est pesante, la matière est étendue, cette plante végète, le soleil est brillant : dans toutes ces phrases, l’attribut est un membre séparé du sujet. L’étendue est une portion du tout qu’on appelle matière ; la pesanteur est une portion du tout qu’on appelle pierre ; la végétation est une portion du tout qu’on appelle plante ; l’éclat est une portion du tout qu’on appelle soleil.

674. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « I » pp. 1-8

Enfin dans ce petit homme qui jette dans le goufre de Décius sa personne autant qu’il peut, du moins sa vie, son passé, sa considération, ses amitiés, tout ce qui lie et enchaîne les hommes, — qui retrousse ses manches et descend bras nus pour faire l’athlète comme au premier soleil du combat, — on peut voir un insulteur, mais un insulteur héroïque, un Spartacus qui a un peu trop la fièvre, mais à qui ses airs de moine et sa vieille soutane n’ont pas ôté toute verdeur, je n’ose dire grandeur. » Voilà ce que dirait un bon Génie, un Amschaspand.

675. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Une âme en péril »

Ni la prière, ni la lecture des Livres saints, ni la joie austère d’instruire les enfants et d’évangéliser les humbles, ni les rencontres et les agapes cordiales avec les confrères, ni la nature qui est belle partout, même en pays plat, ni les plaisirs du jardinage, ni les promenades dans les champs, le bréviaire à la main, ni la fraîcheur des matins, ni la douceur des soleils couchants sur la lande, ne suffisaient à remplir cette âme inquiète.

676. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — S — Saint-Pol-Roux (1861-1940) »

Camille Mauclair Un berger ivre de soleil et de thym, mais dont les moutons auraient égaré leurs bêlements sur le chemin de la lumineuse Damas, c’est peut-être tout Saint-Pol-Roux, poète simple à la ferveur gaie, en qui se recèle un adorateur farouche de la Pourpre… Voici un homme au cœur vrai, pour qui le monde visible existe, tumultueux traineur d’images de pierreries dans la sèche politesse de nos logiques latines, j’ai dit ailleurs : le Monticelli des lettres.

677. (1882) Qu’est-ce qu’une nation ? « I »

C’étaient des troupeaux menés par un fils du Soleil, ou un fils du Ciel.

678. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre VI, première guerre médique »

Il ne fallut rien moins que le soleil des Thermopyles pour éclaircir l’éclipse lunaire de la sombre Sparte.

679. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Ronsard, et Saint-Gelais. » pp. 120-129

Mellin, appréhendant de ne pouvoir, au bout de sa carrière, se soutenir avec honneur, abandonna la poësie Françoise à son jeune rival, & se remit aux vers Latins ; ce qui fit dire que le soleil levant l’ayant effacé ou fait fuir d’un horison, il s’en étoit allé sous l’autre .

680. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Les dîners littéraires »

Pour lui, c’était un coup d’État… ou d’éclat, de ranger autour de sa personne toute la littérature, — foule de satellites dont il serait le soleil ! 

681. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Léon Cladel »

C’est le sol et le soleil de son sol qui l’ont fait, comme le vin.

682. (1900) Taine et Renan. Pages perdues recueillies et commentées par Victor Giraud « Taine — IV »

Taine ressent ces impressions de deux ordres si tranchés : le plus grand plaisir devant les choses naturelles, devant les champs, les montagnes, la mer, les heures diverses du soleil, et un dégoût passionné des individus qu’il rencontre ou, plus exactement, des conditions de vie où ils se meuvent.‌

683. (1888) Impressions de théâtre. Première série

qu’ils voudraient bien aujourd’hui, là-haut, sous le soleil, endurer la pauvreté et toutes les pires souffrances ! […] et je soutiens la vue De ce sacré soleil dont je suis descendue ! […] Le soleil de Dieu, qui luit égal sur tous les champs, n’enseigne-t-il pas la fraternité ? […] Sauf erreur, Orphée doit être le Soleil, Eurydice l’Aurore et Pluton la Nuit. […] Les douze travaux du Soleil sont les douze travaux d’Hercule, et pourraient être les douze vengeances de Monte-Cristo.

684. (1916) Les idées et les hommes. Troisième série pp. 1-315

séchaient leur linge au soleil. […] Les eaux s’épuisèrent et le soleil darda quelques rayons. […] Sous le beau soleil, une désolation mortelle. […] Ce fut l’automne, le soleil dans les arbres et aux vitres. […] Le soleil éternel embellit ainsi tous les êtres.

685. (1902) Symbolistes et décadents pp. 7-402

Zola, qui fut le théoricien, à tout instant et à son grand regret, des échappées de lyrisme s’évadent, et que ce livre imprégné de soleil, la Fortune des Rougon, n’est pas d’un pur naturaliste. […] et le poète se met à rêver à Lise, telle qu’il l’aima (car lui, est venu honorer son souvenir), à ses cheveux que le soleil venait dorer. […] D’abord, fugitive, indiquée par un petit poème intitulé Roman, assez mauvais, et par Soleil et Chair, où déjà se trouvent de belles strophes chantantes et de vraiment beaux vers, l’influence de Musset. […] Sans doute, il admettrait la définition de Michelet : « la Grèce est une étoile, elle en a la forme et le rayonnement » ; mais c’est vers le soleil qu’il va, vers le soleil des vieilles races orientales, vers la vie de tribu, et, à défaut d’un impossible vieil Orient, il voudra l’Orient des explorateurs, ou la prairie des Comanches, comme il sied à quelqu’un qui devine Nietzsche et se souvient encore de Mayne-Reid : puissance des images d’enfance chez un génie de vingt ans, d’images, dès lors, reflétées épiques, au point de coexister avec la découverte de nouveaux terrains littéraires. […] Je suis assis, lépreux, sur les pots cassés et les orties, au pied du mur rongé par le soleil ; plus tard, reître, j’aurais bivouaqué sous les nuits d’Allemagne.

686. (1911) L’attitude du lyrisme contemporain pp. 5-466

La terre et le soleil ont la même cadence, rythmée à l’unisson des battements de ma vie. […] La terre et le soleil en moi sont en cadence, et toute la nature est entrée dans mon cœur. […] Je maniais l’abîme, la lune, les bois, Les soleils grelottaient de fièvre entre mes doigts. […] Notre intelligence perd là son bel équilibre, c’est à quoi nous reconnaissons que finit l’Occident et que s’ouvrent les portes du Soleil. […] Grâce à la pureté de ses horizons, à ses couchers de soleil sans poussière, elle a fait rendre à la couleur sa plus folle intensité.

687. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Quelques « billets du matin. » »

Voilà pourquoi, par moments, je ne peux m’empêcher de voir, entre les rayons de ce beau soleil couchant, un nuage sombre frangé d’or d’où pourrait bien sortir un rokh qui emporterait tout. […] Quand je suis parti, grand soleil, toilettes claires, voitures découvertes ; partout une joie, un étincellement. […] Puis, le soleil revient, et crac ! […] Le soleil plonge au ciel radieux. […] MONSIEUR, Le dieu Osiris, votre homonyme, n’était autre que le soleil ; et comme lui, en effet, vous « éclairez », dirait quelque vaudevilliste.

688. (1908) Promenades philosophiques. Deuxième série

Ils le recherchent comme, à l’occasion, le soleil ; ils s’en approchent, de même qu’ils se garent du vent derrière un abri. […] Ce système a probablement lui aussi, comme le soleil, sa constellation d’Hercule. […] Il pouvait dire : Je crois que le soleil est immobile. […] Cela court, cela chante, cela rit, cela brille au soleil et cela devient tout noir sous les arbres. […] Il n’y a pas de moissons, il n’y a pas de fleurs, il n’y a pas de vin, il n’y a pas de bœufs et l’homme s’enfuit desséché par le soleil.

689. (1901) L’imagination de l’artiste pp. 1-286

Le soleil incessamment se déplace, changeant d’un instant à l’autre l’apparence des objets, versant sur l’un puis sur l’autre la couleur et la lumière. […] Un paysagiste admirera un effet de soleil couchant. […] Cela rappellerait ce peintre réaliste qui copiait un champ au grand soleil. […] Il osera sortir de chez lui, s’en aller au grand air, au grand soleil, par les libres souffles, et planter hardiment son chevalet devant les réalités mouvantes. […] Quelquefois les deux termes de la comparaison sont de même ordre, comme lorsque l’on représente le soleil par une roue.

690. (1922) Le stupide XIXe siècle, exposé des insanités meurtrières qui se sont abattues sur la France depuis 130 ans, 1789-1919

Le soleil, mêlé au vent, est chez Barbey d’Aurevilly ; le soleil scintillant est chez Daudet. […] Gœthe, étincelant et froid soleil, est, en effet, un de ceux qui ont le plus honoré l’humanité et la culture générale. […] De même, Manet et Monet ont peint des ombres colorées, comme elles le sont en effet par les journées de soleil, où tout se combine de violet et d’or. […] De 1830 à 1880, il fut entendu, convenu, réglé que l’ombre était grise et que le soleil consistait dans une bande jaune. […] Ceux qui ne voient pas le soleil ne voient pas davantage le mouvement.

691. (1924) Critiques et romanciers

Si je regarde en l’air, le soleil brûle mes yeux. […] Et c’est à savoir si le soleil de juillet vaudra le soleil d’Austerlitz ! […] Et Omer Héricourt n’est pas un logicien : la France, depuis le soleil d’Austerlitz et jusqu’au soleil de juillet, n’a pas été logicienne. […] Il y a le soleil, l’air, la lumière, la musique, l’amitié et la toilette !  […] et voilà tout et ils allaient vers le soleil ! 

692. (1890) La vie littéraire. Deuxième série pp. -366

Il faut nous contenter de savoir que le soleil lointain dont ils sont nés est composé de gaz qui nous sont connus. […] La mort d’un soleil n’est peut-être que la naissance d’une planète. […] Ces substances se retrouvent toutes sur la terre qui est la fille du soleil, la chair de sa chair. […] Au soleil de Florence il chanta. […] Il ne mangeait qu’une fois le jour après le soleil couché et restait quelquefois deux ou trois journées sans prendre aucun aliment.

693. (1887) Études littéraires : dix-neuvième siècle

Le Lac. — Impression d’octobre, soleil pâle, sourire d’adieu, langueur de déclin, nature qui s’endort, âme défaillante. […] Le poète, en novembre, au soleil déclinant, est couché devant la maison paternelle, déserte. […] Ce coucher d’un soleil est d’un autre l’aurore. […] Adieu, soleil flottant dans l’azur de l’espace ! […] L’histoire, lutte éternelle des peuples vertueux contre les rois scélérats ; — le monde, terre plus grande que l’homme, soleil plus grand que la terre, étoiles plus grandes que le soleil, infini plus grand que tout, Dieu plus grand que l’infini.

694. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « M. THIERS. » pp. 62-124

La terrasse sur laquelle nous nous trouvions était justement à mi-côte, c’est-à-dire dans la véritable perspective du tableau, en outre sous son vrai jour, car le soleil se levant à peine donnait un relief extraordinaire à tous les objets. […] Bientôt le soleil, la pénétrant, l’agita profondément et y produisit une espèce de tourmente. Soudain elle s’éleva dans l’air comme une pluie d’or ; tout disparut à travers cette vapeur de feu, et le disque même du soleil fut entièrement caché. […] Il s’est nommé le prieur de Saint-Savin ; les habitants lui en ont donné le titre, et il a obligé l’évêque même à le lui conserver Je me rendis de nouveau sur la terrasse pour jouir d’un spectacle tout différent, celui de la vallée délivrée des brouillards, fraîche de la rosée et brillante du soleil.

695. (1813) Réflexions sur le suicide

Il mourut, parce qu’il le voulait, immolant à sa conscience le bonheur avec la vie ; sacrifiant toutes les jouissances à ce sentiment du devoir, la plus grande merveille de la nature morale, celle qui féconde le cœur comme dans l’ordre physique le soleil éclaire le monde. […] Il ne s’attendait pas, je pense, que le genre humain se réunît un jour pour abdiquer le don de la vie à la clarté du soleil : et cependant quelle autre conséquence faudrait-il tirer du Suicide de ces deux personnes auxquelles on ne connaissait d’autre malheur que celui d’exister ? […] Cependant la nature physique n’invente rien de mieux que le soleil, la mer, les forêts et les fleuves ; pourquoi les affections du cœur ne seraient-elles pas aussi toujours les mêmes dans leur principe, quoique variées dans leurs effets ? […] Nous descendîmes ensemble et il me laissa jouir pendant quelque temps de cette nature dont j’étais privée depuis plusieurs mois ; c’était un de ces jours de la fin de l’hiver qui annoncent le printemps, je ne sais si la belle saison elle-même aurait autant frappé mon imagination que ce pressentiment de son retour ; les arbres tournaient leurs branches encore dépouillées vers le soleil ; le gazon était déjà vert, quelques fleurs prématurées semblaient préluder par leurs parfums à la mélodie de la nature quand elle reparaît dans toute sa magnificence !

696. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — chapitre VII. Les poëtes. » pp. 172-231

Chaque aspect de la nature est noté : un lever de soleil, un paysage renversé dans l’eau1120, un coup de vent sur les feuilles, et le reste ; demandez à Pope de peindre en vers une anguille, une perche ou une truite ; il a sous la main la phrase parfaite ; vous extrairiez chez lui de quoi remplir un Gradus. […] Il marque tout dans le vol du faisan, le frou-frou de son essor, « ses teintes lustrées, changeantes, —  sa crête de pourpre, ses yeux cerclés d’écarlate, —  le vert si vif que déploie son plumage luisant, —  ses ailes peintes, sa poitrine où l’or flamboie1121. » Il a la plus riche provision de mots brillants pour peindre les sylphes qui voltigent autour de son héroïne, « lumineux escadrons dont les chuchotements aériens semblent le bruissement des zéphyrs, —  et qui, ouvrant au soleil leurs ailes d’insectes, —  voguent sur la brise ou s’enfoncent dans des nuages d’or ; —  formes transparentes dont la finesse échappe à la vue des mortels, —  corps fluides à demi dissous dans la lumière, —  vêtements éthérés qui flottent abandonnés au vent, —  légers tissus, voiles étincelants, formés des fils de la rosée, —  trempés dans les plus riches teintes du ciel, —  où la lumière se joue en nuances qui se mêlent, —  où chaque rayon jette des couleurs passagères, —  couleurs nouvelles qui changent à chaque mouvement de leurs ailes1122. » Sans doute ce ne sont point là les sylphes de Shakspeare ; mais à côté d’une rose naturelle et vivante, on peut encore voir avec plaisir une fleur en diamants, comme il en sort des mains d’un joaillier, chef-d’œuvre d’art et de patience, dont les facettes font chatoyer la lumière et jettent une pluie d’étincelles sur le feuillage de filigrane qui les soutient. […] Un homme passionné, triste, naturellement replié sur lui-même, fait la conversation avec les objets ; un grand ciel grisâtre où dorment des vapeurs d’automne, un jet soudain de soleil qui vient illuminer une prairie humide l’abattent ou le raniment ; les choses inanimées lui semblent vivantes ; et la clarté faible, qui le matin vient rougir le bord du ciel, le remue autant que le sourire d’une jeune fille à son premier bal. […] Tout le long du jour les nuages gonflés versent leurs ondées bienfaisantes, et la terre arrosée se gorge profondément de vie végétale, jusqu’à ce que, dans le ciel occidental, le soleil penché sorte resplendissant du milieu de la pourpre des nuages qu’il a rompus.

697. (1866) Cours familier de littérature. XXI « CXXIe entretien. Conversations de Goethe, par Eckermann (3e partie) » pp. 5-96

Et, en effet, à cette hauteur, on a des fenêtres le délicieux coup d’œil de la vallée, animée de tableaux variés ; la Saale serpente à travers les prairies ; en face, du côté de l’est, s’élèvent des collines boisées ; le regard se perd au-delà dans un vague lointain ; il est évident que de cette position on peut très facilement observer, pendant le jour, les nuages chargés de pluie qui passent et vont se perdre à l’horizon, et, pendant la nuit, l’armée des étoiles et le lever du soleil. […] Il était très bien portant et tout bruni par le soleil. […] À force d’être porté et d’aller au soleil, cet uniforme s’était entièrement fané, il fallait le remplacer. […] Cela aurait été une pauvre distraction pour lui de combiner quelques éléments pour fabriquer notre monde informe, et de le faire rouler tous les ans sous les rayons du soleil, s’il n’avait pas eu le plan de faire de cet amas de matière la pépinière d’un monde d’esprits.

698. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « M. de Stendhal. Ses Œuvres complètes. — I. » pp. 301-321

« Les Français ont donné leur démission en 1814 », disait-il souvent avec le regret et le découragement d’un homme qui avait vu un plus beau soleil et des jours plus glorieux. […] Un jour à Rome, assis sur les degrés de l’église de San Pietro in Montorio, contemplant un magnifique coucher de soleil, il vint à songer qu’il allait avoir cinquante ans dans trois mois, et il s’en affligea comme d’un soudain malheur.

699. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « William Cowper, ou de la poésie domestique (I, II et III) — I » pp. 139-158

L’idée religieuse s’éveilla alors dans son âme ; il recourut à Dieu par la prière ; se trouvant à Southampton, où les médecins l’avaient envoyé pour changer d’air et se distraire, il y eut une heure, un moment, où dans une promenade qu’il faisait aux environs avec quelques amis, par une brillante matinée, s’étant assis sur une hauteur d’où la vue embrassait la mer et les coteaux boisés du rivage, il sentit tout d’un coup comme si un nouveau soleil s’était levé dans le ciel et lui éclaircissait l’horizon : « Je me sentis soulagé de tout le poids de ma misère ; mon cœur devint léger et joyeux en un instant ; j’aurais pleuré avec transport si j’avais été seul. » On a souvent noté, dans les conversions qui tardèrent longtemps à s’accomplir, ces signes avant-coureurs et comme ces premières atteintes, ces premiers coups de soleil de la grâce.

700. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Sismondi. Fragments de son journal et correspondance »

Il est narrateur, il n’est pas peintre ; il ne l’a été que cette fois, dans ce premier ouvrage, sous le double rayon du soleil d’Italie et de la jeunesse. […] La verdure des oliviers, quoiqu’elle ne soit pas la seule qui se conserve, n’est pas exposée à autant de comparaisons désavantageuses qu’au printemps ; quand la campagne est animée par un soleil brillant et souvent très-chaud, on peut se plaire a se trouver sous leur ombre.

701. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « M. de Sénancour — M. de Sénancour, en 1832 »

Aux heures propices de liberté, il s’essayait dès lors à ce roman de son cœur. « Plusieurs fois j’étais dans les bois avant que le soleil parût ; je gravissais les sommets encore dans l’ombre, je me mouillais dans la bruyère pleine de rosée ; et, quand le soleil paraissait, je regrettais la clarté incertaine qui précède l’aurore ; j’aimais les fondrières, les vallons obscurs, les bois épais ; j’aimais les collines couvertes de bruyère ; j’aimais beaucoup les grès renversés, les rocs ruineux ; j’aimais bien plus ces sables vastes et mobiles dont nul pas d’homme ne marquait l’aride surface sillonnée çà et là par la trace inquiète de la biche ou du lièvre en fuite. » Si l’on a le droit de conclure d’Oberman à M. de Sénancour, genre de conjecture que je crois fort légitime pour les livres de cette sorte, en ne s’attachant qu’au fond du personnage et à certains détails caractéristiques, il paraît que, dans une de ses courses à travers la forêt, le jeune rêveur fut conduit, à la suite d’un chien, vers une carrière abandonnée, où un ouvrier, qui avait pendant plus de trente ans taillé des pavés près de là, n’ayant ni bien ni famille, s’était retiré, pour y vivre d’eau, de pain et de liberté, loin de l’aumône et des hôpitaux.

702. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « MME DESBORDES-VALMORE. (Les Pleurs, poésies nouvelles. — Une Raillerie de l’Amour, roman.) » pp. 91-114

Ainsi, dans l’Attente, cette ouverture glorieuse et triomphale comme un lever de soleil : Il m’aima. […] Il y a une ou plusieurs épigraphes à chaque pièce : en lisant les poëtes dont les écrits ont eu la vogue dans ces dernières années, Mme Valmore s’en est affectée et teinte peut-être à son insu ; la blonde et grise fauvette a été prise au miroir, et les fleurs du nid, comme elle le dit quelque part, ont lustré son plumage ardé par le soleil.

703. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Jules de Glouvet »

Jules de Glouvet cite volontiers Théocrite et Virgile et il a des descriptions qui, je ne sais comment, semblent « élégamment » traduites d’une pièce de vers latins : Le soleil dardait ses rayons brûlants sur la plaine desséchée. […] Nous connaissons maintenant que le soleil est à tant de mille lieues, qu’il y a des étoiles à des millions de lieues de la terre, etc. ; mais le voyons-nous ?

704. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre XI, les Suppliantes. »

Vous les verriez fondre comme la glace touchée du soleil ; le marbre s’écoulerait en ruisseaux. […] Le tonneau sans fond qu’elles ne peuvent remplir est l’image de la plaine d’Argos qui, sous l’ardeur du soleil, absorbe incessamment l’eau que les pluies versent à son sol aride.

705. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Lettres de lord Chesterfield à son fils. Édition revue par M. Amédée Renée. (1842.) » pp. 226-246

Mais cet homme habile, en voulant se tourner du côté du soleil levant, ne sut pas s’orienter avec une parfaite justesse : il avait fait de longue main sa cour à la maîtresse du prince, la croyant destinée à l’influence, et il avait négligé la femme légitime, la future reine, qui pourtant eut seule le crédit réel. […] Je me borne à croire que, si vous avez du soleil dans la belle maison que vous avez bâtie, vous aurez des moments tolérables ; c’est tout ce qu’on peut espérer à l’âge où nous sommes.

706. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Diderot. (Étude sur Diderot, par M. Bersot, 1851. — Œuvres choisies de Diderot, avec Notice, par M. Génin, 1847.) » pp. 293-313

Il semble souvent, en effet, qu’il ne manque chez lui qu’un rayon pour tout éclairer, et l’on dirait volontiers de l’athéisme de Diderot comme il disait de ces deux vues de Vernet, où le moment choisi de la chute du jour avait rembruni et obscurci tous les objets : « À demain, lorsque le soleil sera levé. » Avec tout cela, cependant, on ne fera jamais de Diderot un croyant sans le savoir, ni une manière de déiste selon le sens et l’esprit du mot ; une telle discussion serait ici, d’ailleurs, trop délicate et trop épineuse pour que je l’aborde de près ou de loin. […] Mais Diderot y tient et ne manque pas d’y revenir : « Habite les champs avec elle, continue-t-il ; va voir le soleil se lever et se coucher… Quitte ton lit de grand malin, malgré la femme jeune et charmante près de laquelle tu reposes… » La suite de la description du paysage a beau être ravissante de pureté, et comme tout humectée de rosée et de lumière, on sent combien ce coin entrouvert de l’alcôve maritale, qui revient à deux ou trois reprises, est déplacé et presque indécent.

707. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Fontenelle, par M. Flourens. (1 vol. in-18. — 1847.) » pp. 314-335

Tout cela est vrai, et pourtant il est un point par lequel Fontenelle va reprendre aussitôt sa revanche sur Pascal lui-même ; car, dans cette vue admirablement sentie et embrassée tant au physique qu’au moral, Pascal, à un endroit, a corrigé lui-même sa phrase, l’a rétractée et altérée pour faire tourner le soleil autour de la terre et non la terre autour du soleil.

708. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Le maréchal Marmont, duc de Raguse. — I. » pp. 1-22

Un Français, un Allemand et un Anglais seront toujours très inférieurs sous ce rapport, toutes choses égales d’ailleurs en facultés, à un Corse, un Albanais ou un Grec ; et il est bien permis de faire entrer encore en ligne de compte l’imagination, l’esprit vif et la finesse innée qui appartiennent comme de droit aux méridionaux, que j’appellerai les enfants du soleil. […] Dans cette ruine finale, où, malgré les éclairs d’héroïsme, on voit qu’il n’espérait plus, il eut de belles journées, des heures où il retrouvait le soleil de sa jeunesse.

709. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Franklin. — I. » pp. 127-148

. — Mécontent de ce refus de mon Eurydice, j’ai pris tout de suite la résolution de quitter ces ombres ingrates, et de revenir en ce bon monde revoir le soleil et vous. […] Une chaleur intérieure de sentiment anime sa prudence ; un rayon de soleil éclaire et égaie sa probité.

710. (1864) William Shakespeare « Première partie — Livre I. Shakespeare — Sa vie »

Le vent d’ouest, soufflant là en pleine liberté, faisait plus épaisses encore sur cette demeure toutes ces enveloppes de brouillard que novembre met entre la vie terrestre et le soleil. […] Un théâtre riche, qui fit faire son inventaire en 1598, possédait « des membres de maures, un dragon, un grand cheval avec ses jambes, une cage, un rocher, quatre têtes de turcs et celle du vieux Méhémet, une roue pour le siège de Londres et une bouche d’enfer. » Un autre avait « un soleil, une cible, les trois plumes du prince de Galles avec la devise : ICH DIEN, plus six diables, et le pape sur sa mule. » Un acteur barbouillé de plâtre et immobile signifiait une muraille ; s’il écartait les doigts, c’est que la muraille avait des lézardes.

711. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Henri Heine »

Comme ce doux Hylas, aimé d’Hercule, dont il avait alors spirituellement la beauté vierge, s’il eût été entraîné au sein du torrent amer, il fût tombé au moins dans une onde que le soleil aurait tiédie, et la Nature, glorifiée par Schelling, l’aurait reçu dans ses bras de déesse, comme les nymphes y reçurent Hylas. […] Par un contraste inexplicable, il a choisi Hegel, le triste Hegel et son monstrueux prosaïsme, — Hegel l’antipoète, l’antechrist de toute poésie, qui a osé écrire que « la nature n’est rien en soi, qu’il n’y a rien de réel en elle que le mouvement de l’idée », et qui, répliquant à Kant préoccupé d’un soleil central pour les étoiles que l’astronomie devait un jour découvrir, ne craignit pas de répondre : « Il n’y a point de raison dans les rapports des étoiles entre elles ; elles appartiennent à la répulsion formelle.

712. (1868) Curiosités esthétiques « VI. De l’essence du rire » pp. 359-387

Virginie arrive à Paris encore toute trempée des brumes de la mer et dorée par le soleil des tropiques, les yeux pleins des grandes images primitives des vagues, des montagnes et des forêts. […] Encore un exemple : celui-là est tiré d’un auteur singulier, esprit très-général, quoi qu’on en dise, et qui unit à la raillerie significative française la gaieté folle, mousseuse et légère des pays du soleil, en même temps que le profond comique germanique.

713. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre X. »

C’étaient peut-être les vers mêmes, que nous retrouvons, au début de la Théogonie108 : « Ayons les Muses en tête de nos chants, les Muses qui habitent le grand et fertile sommet d’Hélicon, et dansent de leurs pieds légers autour de la fontaine bleuâtre et de l’autel du puissant fils de Saturne ; les Muses qui, lavant aux sources du Permesse leur beauté délicate, auprès de l’Hippocrène, ou sur le divin sommet d’Holmios au plus haut de l’Hélicon, forment des chœurs gracieux, sous leurs pas tressaillants ; puis, élancées de là, sous le voile d’un épais nuage, ont marché dans la nuit, jetant d’harmonieuses clameurs, en hymnes à Jupiter porte-égide, à la sainte Junon, reine d’Argos aux brodequins dorés, à la fille du dieu porte-égide, Minerve aux yeux pers, à Phébus Apollon, à Diane chasseresse, à Neptune qui enceint la terre et l’ébranlé, à la vénérable Thémis, à Vénus aux roulantes prunelles, à Hébé parée d’une couronne d’or, à la belle Dioné, à l’Aurore, au Soleil immense, à la Lune brillante, à Latone, à Japet, au ténébreux Saturne, à la Terre, au vaste Océan, à la Nuit sombre et à la race sacrée des autres dieux : célébrons ces Muses, qui enseignaient une si belle chanson à Hésiode, occupé de paître ses agneaux, aux bords de l’Hélicon divin. » Cette poésie brillante et gracieuse, non moins ancienne que les chants homériques, mais indigène en Béotie, offerte aux yeux et gravée dans les temples de cette religieuse contrée, suffisait à dénouer la langue du jeune homme, né pour les vers, qui vivait dans ces lieux. […] » Entendez-vous l’écho prodigieux de ces paroles sur les parois de marbre et les vases retentissants de l’amphithéâtre, que couronnait le soleil de Marathon et de Salamine ?

714. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XX. Le Dante, poëte lyrique. »

par toutes les créatures et particulièrement par le soleil, votre ouvrage, Seigneur, lui qui fait resplendir le jour, dont nous sommes éclairés. […] Écoutez le poëte : « Le soleil déjà touchait l’horizon qui, vers midi, environne d’un cercle lumineux tout Jérusalem ; et la Nuit, a toujours opposée à cet astre, s’élevait en dehors du Gange, avec le signe de la Balance qui lui tombe de la main quand c’est elle qui règne.

715. (1874) Premiers lundis. Tome I « Vie, poésies et pensées de Joseph Delorme. Deuxième édition. »

Il tient un brin de paille jaune et luisante à la main, et il crie qu’il a saisi un rayon du soleil ! 

716. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre premier. Les signes — Chapitre premier. Des signes en général et de la substitution » pp. 25-32

. — On lève la nuit les yeux vers le ciel étoilé, et l’on se dit que chacune de ces pointes brillantes est une masse monstrueuse semblable à notre soleil. — On marche dans les champs vers le soir en automne, on remarque des fumées bleues qui montent tranquillement dans les lointains, et à l’instant on imagine sous chacune d’elles le feu lent que les paysans ont allumé pour brûler les herbes sèches. — On ouvre un cahier de musique, et, pendant que le regard suit les ronds blancs ou noirs dont la portée est semée, l’ouïe écoute intérieurement le chant dont ils sont la marque. — Un cri aigu d’un certain timbre part d’une chambre voisine, et l’on se figure un visage d’enfant qui pleure parce que sans doute il s’est fait mal. — La plupart de nos jugements ordinaires se composent de liaisons semblables.

717. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Pronostics pour l’année 1887. »

Et le roman commencera ainsi : « Le soleil tombait d’aplomb sur les labours… L’odeur forte de la terre fraîchement écorchée se mêlait aux exhalaisons des corps en sueur… La grande fille, chatouillée par la bonne chaleur, riait vaguement, s’attardait, ses seins crevant son corsage..  

718. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article » pp. 312-324

Ils ont beau faire, ces Pygmées, qui ne paroissent des Géans qu’au microscope de l’ignorance ; elle est, pour les Esprits, ce que le Soleil est pour le Monde, destiné à l’éclairer, à l’embellir, à le féconder, tant qu’il existera.

719. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre second. Philosophie. — Chapitre VI. Suite des Moralistes. »

Une des choses les plus fortes que Rousseau ait hasardées en politique, se lit dans le Discours sur l’inégalité des conditions : « Le premier, dit-il, qui, ayant clos un terrain, s’avisa de dire : Ceci est à moi, fut le vrai fondateur de la société civile. » Or, c’est presque mot pour mot l’effrayante idée que le solitaire de Port-Royal exprime avec une tout autre énergie : « Ce chien est à moi, disaient ces pauvres enfants ; c’est ma place au soleil : voilà le commencement et l’image de l’usurpation de toute la terre. » Et voilà une de ces pensées qui font trembler pour Pascal.

720. (1761) Salon de 1761 « Récapitulation » pp. 165-170

Comptez mon ami ; le portrait du roi par Vanlo ; la Magdelaine dans le désert ; la Lecture ; le grand paysage de Boucher ; le St Germain qui donne une médaille à Ste Genevieve ; le St Andre de Deshays, son St Victor ; son St Benoit près de mourir ; le Socrate condamné ; le Bénédicité de Chardin ; le Soleil couchant de Lebel ; les deux Vues de Bayonne ; le Jeune élève de Drouais ; le Diomede de Doyen ; la Blanchisseuse ; le Paralytique, le Fermier brûlé, le portrait de Babuti par Greuse ; le crucifix de bronze de Roland de la Porte ; et d’autres qui ont pu m’échapper.

721. (1907) L’évolution créatrice « Introduction »

Elle avait commencé par nous montrer dans l’intelligence un effet local de l’évolution, une lueur, peut-être accidentelle, qui éclaire le va-et-vient des êtres vivants dans l’étroit passage ouvert à leur action : et voici que tout à coup, oubliant ce qu’elle vient de nous dire, elle fait de cette lanterne manœuvrée au fond d’un souterrain un Soleil qui illuminerait le monde.

722. (1861) Cours familier de littérature. XI « LXVIe entretien. J.-J. Rousseau. Son faux Contrat social et le vrai contrat social (2e partie) » pp. 417-487

Il s’approprie une partie de l’espace, dans une part à lui destinée par la mesure de ses membres qui le remplissent, et qui lui appartient, en s’agrandissant, à la mesure de ses bras, de ses pas, de ses mouvements dans le nid ; et, s’il en est dépossédé, il périt étouffé, faute de place au soleil. […] Il s’approprie la chaleur du sein maternel ou du soleil qui vivifie tout ce qu’il éclaire, ou du feu qui sort de l’arbre pour suppléer le soleil absent, et il meurt s’il est dépossédé de tout calorique, partie obligée de son existence.

723. (1862) Cours familier de littérature. XIII « LXXVIIIe entretien. Revue littéraire de l’année 1861 en France. M. de Marcellus (1re partie) » pp. 333-411

XXXIII « Sur le devant d’une grande maison bâtie en terre, comme la plupart de celles du pays, était un petit perron que défendait des rayons du soleil un toit de chaume supporté par quelques piliers. […] Le soleil se couchait dans la mer de Chypre, mes regards planaient sur la verte plage de Saïde ; la chaîne du Liban chargé de lourds nuages noirs se prolongeait vers le nord ; ma pensée errait dans cette immensité, et les accents prophétiques que je venais d’entendre, échappés à une femme revêtue du caractère et presque du costume des anciennes sibylles, ces paroles solennelles disaient à mes impressions quelque chose de sauvage et d’imposant. […] J’entrevis l’espérance de les avoir en ma possession ; je fis entendre au pacha qu’Ali-Bey s’occupait uniquement d’astronomie ; qu’il allait à la Mecque par ordre de son roi, pour y mesurer le soleil, qu’il savait bien y être plus grand qu’ailleurs (c’est une croyance de l’islamisme) ; que ce qu’il laissait après lui formait l’héritage de son fils Osman-Bey, qui habitait le royaume de Fez ; et qu’enfin, pour profiter des écrits de ce savant, il fallait traduire ses observations en arabe : j’offris de me charger de ce travail ; mes motifs allaient être goûtés, je m’en flattais du moins, quand le pacha fut destitué.

724. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 mai 1886. »

Cependant un soleil alangui, et tamisé par des frondaisons, éclaire mollement leurs formes ; il donne à leurs chevelures des reflets fugaces, à l’une, surtout, dont les cheveux rouges scintillent. Et, au loin, dans le plein soleil, d’autres filles courent, traînant les pieds. […] Mais cette strophe est immédiatement suivie d’une anti-strophe, qui par des modulations douloureuses et quelque peu effarées, s’échappe de la poitrine comme un cri aigu : le cri de l’aigle prisonnier qui veut retourner aux régions de tempêtes et du soleil : le cri de l’âme qui veut remonter aux Cieux.

725. (1939) Réflexions sur la critique (2e éd.) pp. 7-263

À ce lever de soleil comparez celui d’une phrase des Martyrs : « Bientôt sortant des montagnes de la Laconie, sans nuages et dans une simplicité magnifique, le soleil, agile et rayonnant, monta dans les cieux. » Le soleil de Lacédémone, sans ornements empruntés, se lève ici fort et nu, avec une brièveté et une vigueur laconiennes, comme un guerrier Spartiate. […] (Il s’agit du lever de soleil sur l’Acropole.) […] Il y a un soleil du Midi, un langage du Midi, une poésie du Midi, une politique du Midi. […] Il ne traite du pilier de Grenier qu’était Zola que comme il ferait d’un wagon de poissons garé pendant quinze jours au gros soleil. […] Né dans l’ombre des statues, il en est évidemment sorti, mais les gouttes de cette ombre se mêlent encore à son soleil.

726. (1912) Chateaubriand pp. 1-344

Par intervalles, les caisses d’airain que recouvre la peau de l’onagre se taisent au signe du géant qui les guide ; alors mille instruments, fils d’Éole, animent les forêts, tandis que les cymbales du nègre se choquent dans l’air et tournent comme deux soleils. […] Enterrons donc la hache… et puisse notre union durer autant que la terre et le soleil ! […] Dans les ennuyeux Incas de Marmontel, aux chapitres XXVII et XXVIII, l’Espagnol Alonzo s’éprend de Cora, l’une des vierges sacrées qui vivent dans le temple du soleil. […] Est-ce parce que je l’ai relu un jour de soleil et en sortant de l’ennuyeux Itinéraire ? […] Ses ennemis fascinés le cherchent et ne le voient pas ; il se cache dans sa gloire comme le lion du Sahara se cache dans les rayons du soleil pour se dérober aux regards des chasseurs éblouis.

727. (1864) Corneille, Shakespeare et Goethe : étude sur l’influence anglo-germanique en France au XIXe siècle pp. -311

fut le seul rayon de soleil, la seule échappée sur la campagne qui vînt réjouir les portiques froids et solennels de la tragédie classique. […] Je vis le soleil se lever dans l’immensité de l’horizon, au-dessous de moi, la Sicile resserrée comme un point à mes pieds, et la mer déroulée au loin dans les espaces. […] Le premier est gai, léger, imprégné de soleil et d’harmonie, quelque fois terrible, mais par surprise et comme en passant. […] « Tout le monde, disait-il, tous les soleils, toute la création pour une pensée, et toutes les pensées de l’homme avec tout le reste pour un sentiment ! […] La Révolution, absorbée par les intérêts politiques, n’eut pas le loisir d’étendre son œuvre jusqu’au champ de la littérature, et au lieu de nous donner une forme littéraire nouvelle, elle fit avorter* le Romantisme naissant qui ne demandait qu’à se développer et à prendre sa place au soleil de la liberté.

728. (1923) Nouvelles études et autres figures

Les paysans sont brûlés du soleil ; mais le plaisir rit dans le regard des femmes. […] Et il ajoute, car il faut nous expliquer pourquoi l’affreux polype, la bête sans os, se ronge les membres : « C’est que le soleil ne lui montre aucune proie à saisir. […] Et leur pensée se soulève, d’une aile lente et paresseuse, vers ces lointaines contrées barbares où le soleil s’attarde et qu’ils n’imaginent pas. […] Dante a mis dans la sphère du soleil, près de saint Thomas et de Denis l’Aréopagite, Siger de Brabant, condamné comme hérétique averroïste en 1277, et mort en Italie sept ans plus tard. […] Asin le croit encore plus près de son cher Abenarabi qu’il regrette, je le crois, de ne pas voir au Paradis, dans la sphère du Soleil.

729. (1857) Réalisme, numéros 3-6 pp. 33-88

Voir autrement me paraît irréligieux, athée ; les arbres, les montagnes, les prés, la mer, le soleil, les villes, les vaisseaux, Dieu et l’homme ! […] La ligne de son front était aussi élevée, aussi droite, aussi pure d’inflexions ou de dépressions ignobles que les lignes du front de Platon dans ses bustes reluisant au soleil de l’Attique. […] Son nez, droit et légèrement bouché au milieu par le réseau des veines entrevues sous une peau fine, se rattachait aux lèvres par la cloison des narines, transparentes au soleil qui brillait derrière lui. […] Je ne me suis jamais chauffé au soleil de l’Attique, je ne puis donc pas connaître ces belles lignes. […] Shakespearef est comme une flamme, il est chaud comme le soleil ; Byron est âpre et violent.

730. (1891) Esquisses contemporaines

C’est la symphonie des montagnes, une cantate des Alpes au soleil… Passé deux heures dans un ravissement continu… Submergé de sensations. […] … Est-ce la majesté de ce paysage immense, la splendeur de ce soleil penchant qui me dispose à pleurer ? […] L’humanité tout entière n’est qu’un éclair dans la durée de la planète, et la planète peut retourner à l’état gazeux sans que le soleil s’en ressente seulement une seconde. […] La conscience brille comme une flamme sainte dans les ténèbres du doute, et le jour froid du devoir qu’elle impose devient peu à peu la lumière éclatante d’un soleil vivifiant. […] Le centre du soleil n’est pas de la lumière, Le fond de nos vertus n’est pas de la vertu !

731. (1854) Causeries littéraires pp. 1-353

Plante frêle et vivace, sa fleur ne s’épanouit que sous de trop rares soleils ; mais sa racine est partout, et, pour que la fleur pût disparaître, il faudrait que la racine disparût ! […] L’action courageuse de Georges, au contraire, est de celles qui réussissent toujours, que l’on admire au grand soleil, au milieu des applaudissements de la foule, et que se hâtent d’exalter ceux-là mêmes qui n’en seraient pas capables. […] Reynaud, — et de vous asseoir sur un tas de gerbes, l’œil fixé sur un ciel d’azur qu’envahissaient successivement les reflets d’or du soleil couchant, les tons grisâtres du crépuscule et l’ombre constellée de la nuit ? […] On ne savait pas, on ne prévoyait pas alors jusqu’où pouvaient conduire ces emportements de la pensée humaine, de la liberté moderne, débarrassées de tout frein ; on s’amusait de ces folies criminelles comme de ces courtes bourrasques qui éclatent tout à coup entre deux rayons de soleil. […] tu as leur prestige et leur grâce, leurs fines chatteries, leurs prodigieux caprices, leurs amours féroces, leurs suprêmes élégances, leurs délicieux mensonges, leurs froids dédains pour tout ce qui ne rayonne pas comme le diamant sur leurs épaules et le soleil dans la boue !

732. (1949) La vie littéraire. Cinquième série

Faute d’avoir à moissonner un champ au soleil, il vécut sur un autre fonds. […] … Un soleil !… J’ai gardé le souvenir de ce soleil-là, le premier qui ait lui sur ma route. […] Un beau soleil brille sur cette fête, à laquelle il semble sourire avec majesté. […] On voit le soleil sur les médailles de plomb frappées en commémoration du 20 prairial et sur ces grossières images coloriées que Chéreau vendait rue Saint-Jacques, alors rue Jacques.

733. (1730) Des Tropes ou des Diférens sens dans lesquels on peut prendre un même mot dans une même langue. Traité des tropes pp. 1-286

Chaque mois de l’année est désigné par un signe vis-à-vis duquel le soleil se trouve depuis le 21 d’un mois ou environ, jusqu’au 21 du mois suivant. […] absolu vient (…), qui veut dire achevé, acompli, qui ne demande rien davantage ; par exemple, quand je dis que le soleil est lumineux, cette expression est dans un sens absolu ; celui à qui je parle n’atend rien de plus, par raport au sens de cette phrase. Mais si je disois que le soleil est plus grand que la terre, alors je considérerois le soleil par raport à la terre, ce seroit un sens rélatif ou respectif. […] Que les homes pensent au soleil, ou qu’ils n’y pensent point, le soleil existe, ainsi le mot de soleil n’est point un terme abstrait. […] Observez encore qu’il n’est pas nécessaire que j’aie vu tous les objets blans pour me former l’idée abstraite de blancheur ; un seul objet blanc pouroit me faire naitre cette idée, et dans la suite je n’apèlerois blanc que ce qui y seroit conforme, come le peuple n’atribue les propriétés du soleil qu’à l’astre qui fait le jour.

734. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre II. Le théâtre. » pp. 2-96

De pareils instincts, une semblable constitution, une telle histoire dressent devant eux l’idée de la vie avec une sévérité tragique ; la mort est à côté, et aussi les blessures, les billots, les supplices ; le beau manteau de pourpre que les Renaissances du Midi étalent joyeusement au soleil pour s’en parer comme d’une robe de fête, est ici taché de sang et bordé de noir. […] Beaucoup de gens n’osent sortir de leur village après le soleil couché. […] Voilà leur idée de l’homme et de la vie, idée nationale qui remplit le théâtre de calamités et de désespoirs, qui étale les supplices et les massacres, qui prodigue la folie et le crime, qui met partout la mort comme issue ; une brume menaçante et sombre couvre leur esprit comme leur ciel, et la joie comme le soleil ne perce chez eux que violemment et par intervalles. […] C’est dans le pays imaginaire que vit Amoret, la bergère fidèle, pays plein de dieux antiques, et pourtant anglais, pareil à ces paysages humides et verdoyants, où Rubens fait danser des nymphes104. « Les plaines penchées descendent, étendant leurs bras jusqu’à la mer, et les bois épais cachent des creux que n’a jamais baisés le soleil… Là est une source sacrée, où les fées agiles forment leurs rondes, à la pâle clarté de la lune ; elles y trempent les petits enfants dérobés, pour les affranchir des lois de notre chair fragile, et de notre grossière mortalité… Là est un air aussi frais et aussi suave que lorsque le zéphyr en se jouant vient caresser la face des eaux frémissantes. Là sont des fleurs choisies, toutes celles que donne le jeune printemps, des chèvrefeuilles, des narcisses, des chrysanthèmes. » — Le soir venu, « la brume monte, les gouttes de rosée viennent baiser chaque petite fleur et se suspendre à leur tête de velours, comme une corde de grains de corail. » Ce sont là les plantes et les aspects de la campagne anglaise toujours fraîche, tantôt enveloppée d’une pâle brume diaphane, tantôt luisante sous le soleil qui l’essuie, toute regorgeante d’herbes, d’herbes si emplies de séve si délicates qu’au milieu de leur plus éclatant lustre et de leur plus florissante vie, on sent que le lendemain va les faner.

735. (1899) La parade littéraire (articles de La Plume, 1898-1899) pp. 300-117

Au soleil les montagnes semblaient d’étain Et l’on chantait : Sauvez ! […] Il y avait un monde fou, exalté, Plein de poussière et du soleil d’été. […] Le soleil était blanc sur les escaliers Dans l’air bleu, sur les clochers déchiquetés. […] Il a dit le rêve de pain, de vin, de soleil, de ceux qui ont faim et de ceux qui ont froid. […] Existe-t-il un poète, vraiment digne de ce nom, qui ne soit ému devant la majesté du soleil couchant sur la mer ?

736. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Histoire de la querelle des anciens et des modernes par M. Hippolyte Rigault — II » pp. 150-171

Ces riches rameaux des langues, venus et mûris sous tant de soleils, ont eu naturellement des fruits différents, et quelques-uns ont porté des fruits d’or. […] Qu’on relise seulement à haute voix ce passage connu des Martyrs, dans la visite que Cymodocée et son père sont allés faire à la famille d’Eudore en Arcadie : Comme Lasthénès achevait de prononcer ces paroles, le soleil descendit sur les sommets du Pholoë, vers l’horizon éclatant d’Olympie ; l’astre agrandi parut un moment immobile, suspendu au-dessus de la montagne comme un large bouclier d’or… Les bois de l’Alphée et du Ladon, les neiges lointaines du Telphusse et du Lycée se couvrirent de roses ; les vents tombèrent, et les vallées de l’Arcadie demeurèrent dans un repos universel… D’où vient que l’enchantement produit par des sons amène une larme ?

737. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Entretiens de Gœthe, et d’Eckermann »

Il était dans son heureux déclin, dans le plein et doux éclat du soleil couchant. […] Il conserve sa manière de voir pure et droite, et il augmente tous les jours ses connaissances ; sa pénétration, l’étendue de sa vue s’agrandissent ; l’excitation qu’il me donne par la part qu’il prend à mes travaux me le rend inappréciable 49. » Et c’est ainsi que se complète autour du grand esprit de Weimar ce ministère général de l’intelligence dont il est le régulateur et le président ; ou, si l’on aime mieux, on y peut voir un petit système planétaire très bien monté, très bien entendu, dont il est le soleil.

738. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Théophile Gautier. »

C’est un ogre lascif qui dans ses bras infâmes A son repaire affreux porte sept jeunes femmes ; Renaud de Montauban, illustre paladin, Le suit l’épée au poing : lui, d’un air de dédain, Le regarde d’en haut ; son œil sanglant et louche, Son crâne chauve et plat, son nez rouge, sa bouche Qui ricane et s’entr’ouvre ainsi qu’un gouffre noir, Le rendent de tout point très singulier à voir : Surprises dans le bain, les sept femmes sont nues ; Leurs contours veloutés, leurs formes ingénues Et leur coloris frais comme un rêve au printemps, Leurs cheveux en désordre et sur leur cou flottans, La terreur qui se peint dans leurs yeux pleins de larmes Me paraissent vraiment admirables ; les armes Du paladin Renaud faites d’acier bruni, Étoilé de clous d’or, sont du plus beau fini : Un panache s’agite au cimier de son casque, D’un dessin à la fois élégant et fantasque ; Sa visière est levée, et sur son corselet Un rayon de soleil jette un brillant reflet. […] Printemps au dehors, jeunesse au dedans, soleil sur le gazon, sourire sur les lèvres, neige de fleurs à tous les buissons, blanches illusions épanouies dans nos âmes, pudique rougeur sur nos joues et sur l’églantine, poésie chantant dans notre cœur, oiseaux cachés gazouillant dans les arbres, lumière, roucoulements, parfums, mille rumeurs confuses, le cœur qui bat, l’eau qui remue un caillou, un brin d’herbe ou une pensée qui pousse, une goutte d’eau qui roule au long d’un calice, une larme qui déborde au long d’une paupière, un soupir d’amour, un bruissement de feuille… — quelles soirées nous avons passées là à nous promener à pas lents, si près du bord que souvent nous marchions un pied dans l’eau et l’autre sur terre !

739. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Essai de critique naturelle, par M. Émile Deschanel. »

Toutes les tristesses de votre cœur se dissipent à ses regards, comme les neiges au soleil. […] Lorsque l’enfant s’est endormi au sein et se réveille ivre de lait, lorsqu’il ouvre les yeux en souriant, tiède et moite dans le coin du bras qui lui sert de nid, rose de la chaleur maternelle, et rose surtout d’une joue, de la joue qui touchait le sein, comme la pêche du côté du soleil, ah !

740. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Le Général Franceschi-Delonne : Souvenirs militaires, par le général baron de Saint-Joseph. »

Ses talents, son intelligence, sa spécialité de courage et d’habileté, on venait de les voir à l’œuvre par un de ces soleils qui ne laissent rien dans l’ombre, et la suite des épreuves, même en des circonstances moins heureuses, ne fera que les confirmer. […] Quelques arbres peu chargés de verdure y donnaient un faible ombrage contre les rayons ardents du soleil ; ce fut là notre Élysée.

741. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « LOYSON. — POLONIUS. — DE LOY. » pp. 276-306

Je porte dans mon sein le poison qui me tue ; Changerais-je de sort en changeant de soleils ? […] La langue poétique intermédiaire dans laquelle Jean Polonius se produisit a cela d’avantageux qu’elle est noble, saine, pure, dégagée des pompons de la vieille mythologie, et encore exempte de l’attirail d’images qui a succédé : ses inconvénients, quand le génie de l’inventeur ne la relève pas fréquemment, sont une certaine monotonie et langueur, une lumière peu variée, quelque chose d’assez pareil à ces blancs soleils du Nord, sitôt que l’été rapide a disparu.

742. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « LES JOURNAUX CHEZ LES ROMAINS PAR M. JOSEPH-VICTOR LE CLERC. » pp. 442-469

1839 L’érudition a bien peu de juges au soleil. […] Cette toile de Pénélope, dans la science et la philosophie, amuse les amants de l’humanité, qui s’imaginent toujours que le soleil ne s’est jamais levé si beau que ce matin-là, et que ce sera pour ce soir à coup sûr le triomphe de leur rêve.

743. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre quatrième »

Pour ses Jardins, ce sont des salons de verdure, où la lumière vient des bougies plutôt que du soleil. […] Amené en France à l’âge de deux ans, le beau soleil du Languedoc conserva et fixa dans sa tête enfantine les images flottantes du pays natal.

744. (1900) Poètes d’aujourd’hui et poésie de demain (Mercure de France) pp. 321-350

La Muse, qui s’était endormie, le cothurne au talon et la perruque au front, le corps serré des bandelettes d’un classicisme étroit, se réveilla, au beau soleil de 1830, en pleine nature, les pieds nus, la chair rafraîchie, le teint vif, turbulente, rêveuse et passionnée. […] « Le style de décadence, dit Théophile Gautier, n’est autre chose que l’art arrivé à ce point de maturité extrême que déterminent, à leurs soleils obliques, les civilisations qui vieillissent.

745. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Mme de Caylus et de ce qu’on appelle Urbanité. » pp. 56-77

Elle est ainsi inépuisable de tours et de retours, d’instances charmantes sur ce thème perpétuel ; elle tâche, en un mot, d’envoyer à cette vieillesse qui se mortifie un de ses rayons : « Je sais bien mauvais gré au soleil de luire avec tant d’éclat dans mon cabinet quand vous n’y êtes pas. » Vers la fin elle est si bien entrée dans l’esprit de sa tante, qu’elle en est venue à ne faire qu’un et à conspirer avec elle pour distraire le roi : « Il est certain que nous rendrions un grand service à l’État de faire vivre le roi en l’amusant. » Mme de Maintenon, malgré ses airs de résistance, n’était pas insensible à tant de bonne grâce9. […] Mme de Caylus, y faisant allusion, dira ailleurs, dans une image pleine de pensée : Je suis fort bien ici, je ne perds pas un rayon du soleil, ni un mot des vêpres d’un séminaire (Saint-Sulpice) où les femmes n’entrent point ; c’est ainsi que toute la vie est mêlée : d’un côté, ce palais (le Luxembourg), et de l’autre, les louanges de Dieu !

746. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Biographie de Camille Desmoulins, par M. Éd. Fleury. (1850.) » pp. 98-122

Ceux qui étaient dans les prisons en décembre 93 et en janvier 94 ont dit et redit souvent, après leur délivrance, quelle impression ils reçurent de l’apparition de ces premiers numéros du Vieux Cordelier : ce fut, six mois avant Thermidor, comme le premier rayon de soleil qui pénétrait à travers les barreaux. […] Quant aux phrases que je cite des anciens écrivains, persuadé du grand sens de cette devise de la Communauté des savetiers : Nihil sub sole novum, Rien de nouveau sous le soleil, plagiat pour plagiat, j’ai cru qu’autant valait être l’écho d’Homère, de Cicéron et de Plutarque, que de l’être des clubs et des cafés, que d’ailleurs j’estime beaucoup.

747. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Madame de La Vallière. » pp. 451-473

à sortir de mon dangereux assoupissement, que tout le soleil de votre justice soit levé. […] Ceux qui ont écrit le récit de sa vie pénitente se sont plu à en citer des exemples singuliers, qui nous toucheraient trop peu aujourd’hui ; mais le principe qui les lui inspirait, et le but dont elle s’approchait par ces moyens, sont à jamais dignes de respect dans tous les temps, et de quelque point de vue qu’on les envisage : « J’espère, je crois et j’aime, disait-elle ; c’est à Dieu à perfectionner ses dons. » — « Espérer et croire, ce sont deux grandes vertus ; mais qui n’a point la charité n’a rien : il est comme une plante stérile que le soleil n’éclaire point. » Cette belle âme, réalisant désormais en elle les qualités de l’amour divin, se considéra jusqu’à la fin comme l’une des dernières devant Dieu : Je ne lui demande pas, disait-elle, de ces grands dons qui ne sont faits que pour les grandes âmes qu’il a mises dans le monde pour l’éclairer, je ne pourrais pas les contenir ; mais je lui demande qu’il incline mon cœur, selon sa parole, à rechercher sa loi, à la méditer nuit et jour.

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