Marguerite jeune, ouverte à tous les bons et beaux sentiments, à la vertu sous toutes les formes, s’éprit de cette cause ; et, quand son frère fut arrivé au trône, elle se dit que c’était à elle d’en être auprès de lui le bon génie et l’interprète, de se montrer la patronne et la protectrice de tous ces hommes qui excitaient contre eux, par leurs doctes innovations, bien des rancunes pédantesques et des colères. C’est même ainsi qu’elle se laissa prendre et gagner insensiblement aux doctrines des réformés qui se présentèrent d’abord à elle sous la forme savante et littéraire : traducteurs des Écritures, ils ne voulaient, ce semble, qu’en propager l’esprit et en faire mieux entendre le sens aux âmes pieuses ; elle les goûtait et les favorisait à titre de savants, les accueillait comme hommes aimant à la fois « les bonnes lettres et le Christ », ne voulait croire chez eux à aucune arrière-pensée factieuse ; et, lors même qu’elle parut détrompée sur l’ensemble, elle continua jusqu’à la fin de plaider pour les individus avec zèle et humanité auprès du roi son frère. […] Elle imite et reproduit les diverses formes de poèmes en usage à sa date. […] Telle que je viens de la montrer dans l’ensemble, en fâchant de ne pas forcer les traits et en évitant toute exagération, elle a mérité ce nom de gentil esprit, qui lui a été si universellement accordé ; elle a été la digne sœur de François Ier, la digne patronne de la Renaissance, la digne aïeule de Henri IV par la clémence comme par l’enjouement, et, dans l’auréole qui l’entoure, on aime à lui adresser ce couplet que son souvenir appelle et qui se marie bien avec sa pensée : Esprits charmants et légers qui fûtes de tout temps la grâce et l’honneur de la terre de France ; qui avez commencé de naître et de vous jouer dès les âges de fer, au sortir des horreurs sauvages ; qui passiez à côté des cloîtres et qu’on y accueillait quelquefois ; qui étiez l’âme joyeuse de la veillée bourgeoise, et la fête délicate des châteaux ; qui fleurissiez souvent tout auprès du trône ; qui dissipiez l’ennui dans les pompes, donniez de la politesse à la victoire, et qui rappreniez vite à sourire au lendemain des revers ; qui avez pris bien des formes badines, railleuses, élégantes ou tendres, faciles toujours, et qui n’avez jamais manqué de renaître au moment où l’on vous disait disparus !
Espèce de Christine de Suède à sa manière, qui n’a pas abdiqué le trône, mais la royauté de la femme, le trône de sa grâce et de sa faiblesse ; elle a pris l’habit équivoque dont nous parle la Palatine et elle a mis sur sa pensée, qu’elle a cru viriliser, une forme qui n’a pas gagné en énergie ce qu’elle a perdu en abondance. […] La maigreur de sa pensée l’a préservée de ce malheur de la forme ! […] … C’est que, systématique ou naturelle, cette absence de couleur et de vie est pour elle quelque chose de bien plus mâle que l’éclat de la forme ou l’enthousiasme de la pensée et qu’être mâle, c’est pour elle ce qu’était être vif pour cet Allemand, qui, voulant prouver qu’il l’était, sautait par la fenêtre avec la légèreté d’un bœuf ! […] Le livre de Mme Stern est, par la forme, le pensum de la gravité affectée, comme il est, par le fond, le doctrinarisme de la Libre-Pensée et l’expression de ces misérables généralités philosophiques qui sont les vulgarités intellectuelles de ce temps.
Édelestand du Méril, l’auteur très connu en Allemagne, à peu près inconnu en France, de la Poésie scandinave, des Essais philosophiques sur les formes et sur le principe de la versification en Europe et sur la formation de la langue française, et d’une foule d’ouvrages philologiques d’une érudition très vaste et très sûre, est un des plus acharnés travailleurs de ce siècle, qui se vante de ses travailleurs ! […] La question de la forme et de la composition tombe naturellement sous des juridictions possibles. […] ils en ont dit ce qu’ils ont pu… Mais du Méril, qui est un saint Siméon stylite de la science, sur sa colonne depuis trente ans, et qui n’en descend pas pour aller quémander des articles à ceux qui tiennent de cette denrée, du Méril, l’auteur de la Philosophie du budget, de l’Histoire de la Poésie scandinave, de l’Essai philosophique sur les principes et les formes de la Versification, etc., etc., et qui s’est dévoué, pour couronner tous ses travaux, à nous écrire une Histoire de la Comédie, a-t-il rencontré un seul homme, d’autorité incontestable, qui lui ait fait faire place dans la grande publicité de ce temps ? […] Ceux qui le lurent furent surtout saisis, comme d’une charmante nouveauté, de la manière dont du Méril avait envisagé, pénétré et même peint la société chinoise, et ceux-là qui aiment toutes les formes de l’histoire convinrent qu’il avait mis la main sur la plus difficile et la plus piquante.
Déjà nous ne prétendons pas que l’ensemble des différentes formes sociales que nous discernons constitue la cause unique du phénomène que nous voulons expliquer : a fortiori ne le dirons-nous pas d’une de ces formes prise à part. […] * ** Par quels intermédiaires l’unification des sociétés peut les pousser à l’égalitarisme, nous le savons dès à présent, si nous nous rappelons seulement la corrélation de cette forme sociale avec celles que nous avons déjà examinées. […] Mais il est certains effets, favorables à l’égalitarisme, qui tiennent aux qualités propres de la dernière forme sociale examinée.
Le poëte est là tout entier dans ses rêves de liberté sans limites, sa haine de la tyrannie sous toutes les formes, les démentis de son espérance, sa tristesse aussi profonde que sa confiance avait été aveugle et trompée : « Ô vous, nuages, qui, au loin sur ma tête, flottez et vous arrêtez, vous dont nul mortel ne peut régler la marche dans l’espace sans route ; vous, ondes de l’Océan, qui, vers quelque plage que vous rouliez, n’obéissez qu’aux lois éternelles ; vous, forêts, qui écoutez le chant de l’oiseau de nuit penché sur l’écorce d’une branche inclinée, hormis quand vous-mêmes, secouant vos rameaux, vous formez ce majestueux concert des vents devant lequel, comme un inspiré de Dieu, à travers des détours que nul homme des bois n’a jamais foulés, j’ai tant de fois égaré, parmi les herbes sauvages en fleurs, ma course éclairée de la lune, sous l’aspect ou l’écho de chaque image informe qui m’apparaissait, de chaque bruit insaisissable retentissant au désert ! […] Sectaire tolérant, il embrasse dans sa pieuse fraternité toutes les formes de christianisme, tous les genres d’apostolat. […] Cette poésie eut deux formes : tantôt l’hymne religieux, tantôt l’ode descriptive et passionnée. […] L’état du monde, la science de l’apôtre, le lieu de sa mission, la forme de son sacrifice, tout est bien changé, bien divers : ce sont les horizons de feu, les diamants de Golconde, le luxe de Calcutta, les palais des princes déchus, au lieu des huttes éparses sur les bords du Rhin et dans les forêts de la Thuringe ; mais l’âme du charitable apôtre est la même.
Ce besoin d’un Narcisse71, que Louis XVIII rapportait de l’exil, et qui s’afficha jusque dans les plus belles heures de son règne, n’est pas plus séparable de l’idée qu’on se peut faire de la politique de ce roi, que l’habitude d’un ministère occulte, confidentiel, en opposition avec celui qu’il acceptait extérieurement pour la forme, n’est séparable de l’idée qu’on se doit faire de la politique de Monsieur, comte d’Artois. […] Retranché pour tous derrière l’étiquette, ne vivant familièrement qu’avec son favori (alors M. de Blacas), Louis XVIII forme un ministère où des hommes d’esprit, et quelques-uns des plus habiles, se trouvent joints à d’autres des plus incapables et des plus malencontreux ; le tout sans lien, le suranné côte à côte avec le neuf ; de plus, sans aucune impulsion d’en haut, sans aucune direction d’ensemble. […] On se demande encore ce que c’est que cette singulière forme de sagesse et d’expérience qui n’est pas mûre à cinquante-neuf ans, après vingt-cinq années d’épreuves, et qui a besoin d’un nouveau malheur, d’une nouvelle crise stimulante, pour être mûre à soixante et un ans.
La forme était grave, sentencieuse, le détail ingénieux et sévère. […] Montesquieu, en effet, auquel l’ouvrage de M. de Tocqueville faisait naturellement songer, et dont il affectait de reproduire quelques-unes des formes, telles que la fréquence, la coupe des chapitres, leur intitulé, etc., Montesquieu est un philosophe politique supérieur, en ce qu’il est souverainement indifférent et calme, se plaçant dès l’origine au vrai point de vue de la nécessité et de la réalité des choses, s’y conformant selon les lieux, les climats, les races, sans y apporter en travers un idéal préconçu qui pourrait bien être une idole. […] Ces formes de la langue indiquent bien et accusent l’état et, pour ainsi dire, la posture habituelle de l’âme : la sienne était toute bandée, comme dirait Montaigne, vers un but relevé et hautain.
L’imitation souvent, chez lui, n’est que de forme et superficielle. […] Goujon, par une de ses dédicaces, m’avertit qu’il y a eu dans ces dix dernières années tout un groupe de poëtes provinciaux rallié à l’appel de Thalès Bernard, et qui formait, — qui forme peut-être encore « l’Union des poëtes44. » Parmi ceux que la Bourgogne revendique, M. […] A sa forme, on sentait la femme gracieuse ; On la saluait reine à son air froid et doux ; Et quand elle marchait, ombre silencieuse, Devinant la déesse, on tombait à genoux.
C’est en cette vieille maison de Sorbonne qu’il habitait depuis plus de trente ans, c’est là, dans ces vastes chambres à l’aspect sévère, toutes remplies d’admirables livres, qu’il était intéressant de l’aller voir, de l’écouter le matin, se promenant de long en large et parlant avec abondance et vivacité sur tout sujet, y mêlant une mimique et des formes dramatiques naturelles qui n’étaient qu’à lui. […] Sous ces dernières formes il était bien assez fécond et inépuisable. […] Ce dernier n’était peut-être pas la plume la plus désignée pour un portrait d’elle : elle le goûtait médiocrement, elle l’aimait peu, tant pour certains de ses procédés politiques que pour les formes personnelles de son moi ; et le grand ami de Mme de Boigne, M.
Mais ce sont là des formes de passions et comme de maladies, que les jeunes talents doivent presque nécessairement traverser ; ils deviennent d’autant plus mûrs qu’ils s’en dégagent plus complètement. […] Il avait vu beaucoup, et peu lu ; il avait eu déjà de grandes sensations, mais il était complètement étranger à l’art de les exprimer, il avait erré comme un pauvre enfant aux pieds de ces Alpes où il avait reçu le jour ; et l’abondance de sentiments qu’il avait éprouvés au milieu des misères d’une vie incertaine n’avait trouvé d’autre forme pour se répandre que la musique, cette langue de l’air, du vent et de l’orage, que le génie a ravie à Dieu, et que ce jeune homme avait apprise tout seul en écoutant les échos de ses montagnes. […] De vouloir moins prouver, d’être plus court, plus sobre et plus réduit de forme, surtout d’être parfait de style.
Lorsque les sorcières annoncent à Macbeth qu’il sera roi, lorsqu’elles reviennent lui répéter cette prédiction au moment où il hésite à suivre les sanglants conseils de sa femme, qui ne voit que c’est la lutte intérieure de l’ambition et de la vertu, que l’auteur a voulu représenter sous ces formes effrayantes ? […] comme Shakespeare a bien saisi ce qui forme le lien des deux sexes, le courage et la faiblesse ! […] Le caractère de Caliban, dans La Tempête, est singulièrement original ; mais la forme presque animale que son costume doit lui donner, détourne l’attention de ce qu’il y a de philosophique dans la conception de ce rôle.
Les éloges éclairant les attaques, le public sentit que cette fois les personnalités n’étaient pas la fin et le terme de la satire, que ce n’était pas tel ou tel auteur, mais toute une littérature, toute une doctrine et toute une forme du goût qui étaient en jeu, et qu’enfin ce satirique était un critique, tandis que les critiques jusque-là n’étaient que des satiriques. […] Et ce n’est guère que le fretin qu’il dépêche ainsi sans autre forme de procès ; quand il rencontre un auteur de marque, un chef de file, type d’un genre, ou représentant d’une classe, ne dit-il pas bien nettement ce qu’il y blâme ? […] Il y avait plus d’un siècle que se préparait la forme littéraire dont il devait fixer le caractère, et sa doctrine était le terme où l’on devait nécessairement aboutir, lorsque les belles œuvres de l’antiquité païenne eurent éveillé le goût français, et lorsqu’en même temps leur sagesse toute naturelle et toute humaine eut inspiré à la raison moderne la hardiesse de marcher en liberté selon ses lois intimes.
Non pas qu’en prenant ce petit livre pour prétexte de quelques considérations générales, je veuille dire qu’il n’a que la valeur d’un prétexte : jamais le talent de l’auteur des Cariatides et des Stalactites n’a été ni plus complet, ni plus puissant ; jamais ce but qu’il a constamment poursuivi, de la correction dans la forme, et surtout de la correction dans l’imprévu, n’a été mieux atteint. […] La fable et la fantaisie ; toute l’irréalité magnifique, la Muse et la Bacchante, les mains unies ; une fête prolongée, travestie et nuptiale, sans l’amertume des lendemains, ni la lie des regrets, ni la cruauté des revers, — ainsi la vie ; l’Olympe et la Comédie italienne fraternisant parmi des plasticités somptueuses et les Dieux souriants, doux au bonheur des hommes, — ainsi la destinée… Ainsi se manifestait à ses yeux la splendeur des formes, une enfance du monde…. […] Bien souvent, il substitua la restauration de vieilles formes émotionnelles à la simple ivresse de créer.
La pensée se présente à moi d’une manière complexe ; la forme claire ne me vient qu’après un travail analogue à celui du jardinier qui taille son arbre, l’émonde, le dresse en espalier. […] Une condition m’était imposée, pour qu’une telle publication ne fût pas dénuée de tout intérêt, c’était de reproduire mon essai de jeunesse dans sa forme naïve, touffue, souvent abrupte. […] Trop peu naturaliste pour suivre les voies de la vie dans le labyrinthe que nous voyons sans le voir, j’étais évolutionniste décidé en tout ce qui concerne les produits de l’humanité, langues, écritures, littératures, législations, formes sociales.
Le siècle présent n’apparaît jamais qu’à travers un nuage de poussière soulevé par le tumulte de la vie réelle ; on a peine à distinguer dans ce tourbillon les formes belles et pures de l’idéal. […] L’erreur de l’école néo-féodale est de ne pas s’apercevoir que les défauts de la société moderne sont nécessaires à titre de transition, que ces défauts viennent d’une tendance parfaitement légitime, s’exerçant sous une forme partielle et exclusive. Et cette forme partielle est elle-même nécessaire ; car c’est une loi de l’humanité qu’elle parcoure ses phases les unes après les autres et en abstrayant provisoirement tout le reste ; d’où l’apparence incomplète de tous ses développements successifs.
Également distingué comme professeur et comme journaliste, homme d’esprit sous toutes les formes, M. […] C’est ainsi que, prenant un à un les différents sentiments, les différentes passions qui peuvent servir de ressorts au drame, il nous en fait l’histoire chez les Grecs, chez les Latins, chez les modernes, avant et après le christianisme : « Chaque sentiment, dit-il, a son histoire, et cette histoire est curieuse, parce qu’elle est, pour ainsi dire, un abrégé de l’histoire de l’humanité. » M. de Chateaubriand avait, le premier chez nous, donné l’exemple de cette forme de critique ; dans son Génie du Christianisme, qui est si loin d’être un bon ouvrage, mais qui a ouvert tant de vues, il choisit les sentiments principaux du cœur humain, les caractères de père, de mère, d’époux et d’épouse, et il en suit l’expression chez les anciens et chez les modernes, en s’attachant à démontrer la qualité morale supérieure que le christianisme y a introduite, et qui doit profiter, selon lui, à la poésie. […] Saint-Marc Girardin l’a définie mainte fois et combattue sous toutes les formes ; il l’a rencontrée et décrite particulièrement avec une expression frappante dans un jeune homme à qui saint Jean Chrysostome en son temps adressait des conseils et qui passait pour possédé du démon, dans le jeune Stagyre, premier type reconnaissable de cette famille des René et des Werther.
Ce que j’ai jamais entendu dire de plus amer sur les vices de l’ancien régime, sur les folies et les ridicules des émigrés et des ultras, c’est lui qui l’a dit. » Mais si les doctrinaires acceptaient la démocratie dans l’ordre civil et lui faisaient une part dans l’ordre politique, ils n’en étaient pas moins très-effrayés de ses progrès ; ils le détestaient sous sa forme violente, l’esprit révolutionnaire : ils le redoutaient même régulier et modéré dans le gouvernement de l’État. […] Enfin, le trait principal de l’école économiste est de proposer partout la substitution du régime, répressif au régime préventif, et de combattre sous toutes ses formes le principe de l’autorisation préalable. […] Daunou. qui était de la même école, se montre dans son livre des Garanties individuelles (livre curieux, trop peu connu) assez indifférent sur les formes de gouvernement, et semble même assez peu favorable à l’esprit d’empiétement des assemblées.
Cet Art a choisi, comme principale expression, l’expression théâtrale et dans cette expression plus spécialement, la forme tragique56. […] Lugné-Poë a offert à Paris trois œuvres de manières différentes, de nature éminemment originales, mais toutes trois exubérantes de la jeune et régénératrice sève : la foi en l’idéalité des formes parallèles à l’idéalisme des pensées. […] Il forme centre du quinconce.
Toute action qui forme le nœud ou l’intérêt d’un Apologue, est supposée se passer dans les temps fabuleux, au temps (comme dit le peuple) où les bêtes parlaient. […] Celle-ci n’en approche, ni pour le fond, ni pour la forme. […] Seulement elle y prend des formes différentes de celles qu’elle peut avoir en Europe.
Chez lui la raison éclaire le sentiment ; le sentiment échauffe la raison, et de cet heureux accord se forme le goût que Voltaire définit justement « la suite d’un sens droit et le sentiment prompt d’un esprit bien fait ». […] C’est une vérité d’expérience que le goût ne se forme pas tout seul. […] Elle ne forme ni ne guide l’esprit public, elle le suit, et c’est pourquoi chaque siècle a sa critique.
Notre contradicteur le sait bien ; la forme modifie le fond et le fond modifie la forme ; il faut des mots pour corriger les idées, et il faut des idées pour corriger les mots. […] Je ne sépare pas le fond de la forme.
C’est un autre monde relativement à nous ; hâtons-nous donc de rentrer dans celui que nous habitons : tout ce que nous pouvons y apercevoir, quant à présent, c’est qu’il se forme quelque chose de nouveau, pour succéder à ce qui est menacé d’une mort si prochaine. […] Mais la sagesse et la raison eurent jadis d’autres formes. […] Ne faudrait-il pas même connaître la forme matérielle des théâtres anciens, les fonctions du chœur, enfin tout cet ensemble qui fut imaginé pour produire l’effet qu’il devait produire ?
Dans le premier cas, l’invention du langage serait un résultat nécessaire de la forme même, si l’on peut parler ainsi, de notre intelligence : les langues seraient alors comme un ensemble de signes convenus, devenu graduellement plus ou moins complet, graduellement perfectionné, à mesure que de nouveaux besoins se seraient fait sentir. […] À la première classe dont nous venons de parler appartiennent les hommes qui font dériver les lois sociales de l’existence même de la société, posée comme fait primitif, antérieur à toute convention ; ceux qui croient, par l’association naturelle de leurs idées, et par la forme intime de leur intelligence, que les lois ne peuvent être faites par l’homme, qu’elles sont données par Dieu même au moyen d’une révélation positive et primordiale, ou qu’elles viennent de Dieu encore, mais de Dieu se manifestant par des interprétations, des envoyés, ou seulement par le temps, les mœurs, les traditions. […] Je dirais donc volontiers aux néophiles : « Ceux contre lesquels vous vous élevez avec tant de violence n’ont d’autre tort que celui d’être restés fidèles au code des idées anciennes, et ils n’y sont restés fidèles que parce que c’était dans la forme même de leur intelligence, dans la manière dont s’opère en eux le phénomène de la pensée. » Je dirais aux archéophiles : « Vous craignez de retomber dans le chaos, parce qu’il vous semble que le principe générateur des sociétés humaines cesse d’agir.
Et si, dans ses autres poésies, — Les Recueillements, Jocelyn, La Chute d’un ange, où le poète fut l’ange même dans sa chute, le Dernier chant de Child-Harold, dans lequel il lutta avec ce Byron qui avait affecté de ne pas l’entendre, quand il avait parlé de lui en termes dont une fierté si royale et si satanique même qu’elle fût, aurait dû être reconnaissante, La Mort de Socrate, où la beauté du texte de Platon est vaincue et divinisée par une forme inconnue aux Grecs, — si enfin partout, dans tous ses poèmes, Lamartine se sentit au niveau du poète des premières Méditations, jamais il ne monta plus haut que dans les Harmonies. […] Puisqu’il parlait de Lamartine, il ne pouvait pas taire absolument le poète, mais le républicain l’emporte, pour lui, sur le poète, comme la forme l’emporte sur le fond. […] Les reproches que l’Histoire fera à Lamartine seront, pour la postérité, — oublieuse des fautes politiques parce que la politique est chose de passage, — noyés dans le sentiment de ses œuvres, qui donneront toujours à ceux qui les liront un bonheur qu’aucune forme de gouvernement ne peut donner, et elles ne feront pas plus de bruit, à quelques siècles de distance, que les gouttelettes d’eau des avirons soulevés quand la barque touche au rivage !
si libre que soit un auteur dans l’application de sa méthode et dans l’exposition de ses théories attardées, il est des formes littéraires qui sont comme les devoirs de politesse de la pensée. […] M. l’abbé Mitraud, avec ses tendances générales et son manque provisoire de théorie carrée et résolue, nous fait l’effet d’une espèce d’abbé de Saint-Pierre, mais renouvelé, rajeuni, rajusté par les formes et le langage de la discussion au dix-neuvième siècle. […] Mitraud, qu’il ne faudrait pas cependant dilater au point de le perdre, ce christianisme de l’Utopie, que la Philosophie aime à embusquer partout dans l’intérêt de son service et qui, sur les débris des institutions monarchiques, ferait volontiers descendre, — et toujours sous la forme d’une colombe, — un Saint-Esprit par trop désarmé !
Le clergé continue de se donner tous les torts par la forme. […] Il est vrai que ces résultats si évidents sont amenés par les déductions les plus ingénieuses et les plus imprévues du monde : c’est une des formes de l’esprit de l’écrivain.
Je voudrais qu’un jour on tirât de ce volume, qu’on dégageât cette suite d’élégies-romances dont la forme est si assortie à la manière de Mme Valmore, et dans lesquelles son sentiment soutenu se produit quelquefois jusqu’au bout avec un parfait bonheur, sans les tourments plus ordinaires à l’alexandrin : Croyance, la Femme aimée, Aveu d’une Femme, Ne fuis pas encore, la Double Image, Fleur d’Enfance. […] » Voilà bien la forme charmante, mélange de la chanson et de l’élégie, pétrie de Béranger et de Boïeldieu, la poétique romance, le cri à la fois harmonieux et impétueux : Lampe orageuse, allume-toi !
En un mot, si André Chénier eût vécu, je me figure qu’il aurait pu être le grand poëte régnant depuis 95 jusqu’en 1803 ; réaliser admirablement ce que son frère, et Le Brun, et David dans son genre, tentèrent avec des natures d’artiste moins complètes et avec une sorte de sécheresse et de roideur ; exprimer poétiquement, et sous des formes vives de beauté, ce sentiment républicain à la fois antique et jeune, qui respire dans quelques écrits de Mme de Staël à cette époque, et surtout dans sa Littérature considérée par rapport à la Société. […] Elle fut nulle sur M. de Lamartine, chantre tout d’abord de sensibilité et d’âme, qui méconnut longtemps le naturel d’André sous la science des formes, mais qui lui rend justice aujourd’hui, de même qu’il apprécie la tournure exquise de Pétrarque, après l’avoir, dans le principe, peu goûté.
On se passe ainsi de main en main des lieux communs, qu’on ne modifie ni dans leur forme, ni dans leur contenu, comme la monnaie qu’on reçoit et qu’on donne sans en altérer le titre ni l’empreinte. […] Si grande est notre paresse, inaccoutumés que nous sommes à chercher des idées ou des mots, que souvent nous aurions quelque inclination à penser d’une manière : nous parlons d’une autre, non par modestie, non par timidité, mais parce qu’il est plus commode de répéter une phrase apprise que de créer pour une pensée personnelle une forme originale.
Je ne parle pas de ces néologismes nécessaires, qui manifestent la vie même de la langue et lui font suivre par son incessante transformation l’évolution de la pensée : si le progrès des sciences et de l’industrie, les révolutions politiques, sociales, religieuses, économiques, ont fait éclore des idées nouvelles dans le cerveau de l’homme, ont revêtu les idées anciennes d’une forme nouvelle, il est inévitable que bien des choses ne puissent être désignées par les mots anciens, et il serait absurde de s’opposer à l’admission dans le langage de ce qu’on admet dans la pensée. […] Et d’abord, pour ce qui est de la forme des phrases et des lois qui président au groupement des mots, on ne saurait trop respecter la grammaire.
C’est que les personnes très riches sont privilégiées de plus de façons encore qu’il ne paraît à première vue ; c’est que, en même temps que la charité sous sa forme la plus élémentaire, qui est l’aumône en argent, semble devoir être plus facile aux gens qui en ont beaucoup, ceux-ci, à mérite égal — et en vertu de leur richesse même, qui les signale à l’attention et leur permet des largesses d’un chiffre imposant — sont singulièrement plus assurés de la reconnaissance publique que les gens de condition médiocre ou petite, et, ainsi, ne manquent guère de recevoir, dès ici-bas, la récompense de leur bonne volonté. […] Et, soit dit en passant, il est remarquable que de telles révélations, et sur des choses d’un ordre si privé, puissent être faites par les journaux, et que celle-là en particulier, si propre à étonner les pauvres et à les induire en de mauvais sentiments, nous ait été apportée par une gazette dont l’emploi ordinaire est de défendre ce qui nous reste du vieil ordre social et, spécialement, l’aristocratie du nom et celle de l’argent et leurs conjonctions si intéressantes… Une fortune de cent quatre-vingts millions, si elle n’a pas été mal acquise, n’a pu être acquise pourtant que par la spéculation, qui est une forme du jeu et qui, étant la recherche du gain sans travail, est, aux yeux d’un chrétien, sur la limite extrême des choses permises.
Tout le monde qui lit a dans la mémoire le magnifique Lazare et La grande forme aux bras levés vers l’Éternel. Tout ce monde-là se rappelle également ces troublants paysages, les Filaos, souvenir de l’Île natale, et ces Automnes où Le monotone ennui de vivre est en chemin, et ces pièces où le vers revient sans monotonie, forme toute nouvelle, car Baudelaire, qui lui-même a emprunté à Edgar Poe la réitération du vers, se borne, comme son modèle, à en faire un véritable refrain revenant toujours à la même place, tandis que Dierx promène, en écoliers buissonniers, plusieurs vers dans la même pièce, comme un improvisateur au piano qui laisse errer plusieurs notes, toujours les mêmes, à travers l’air qu’il a trouvé, ce qui produit un effet de vague d’autant plus délicieux, que le vers de notre poète est particulièrement fait et très précis, toute flottante que veuille être parfois sa pensée, mystique et sensuelle.
Son mysticisme traduit par un sens extérieur presque insignifiant, mais symbolique à plusieurs puissances, affecte une forme artistique d’une remarquable pureté, et dont la traduction, par Baudelaire, des Histoires extraordinaires est l’évident prototype. […] Le rythme fait le décor ; l’intensité des formes populaires suffit à toute caractérisation sans que la profondeur du sentiment y perde de son étendue.
Les buccins et les nautiles de mer, les holoturies nacrées, s’étoilent de phosphorescences pour le tenter, et les spongites d’ambre et d’écailles, comme des bras, des lèvres ou des sexes, s’extravasent sous ses regards avides de profondeurs, de villes sous-marines et de solitudes impolluées où des formes glissent. […] Fixé à Guermantes (Seine-et-Marne) en 1894 — après une condamnation pour outrage à l’autorité, — nous l’avons vu, élargissant le domaine de son esthétique, accueillir des idées nouvelles, s’éprendre des formes de la Nature au point de dédaigner ce qu’il avait naguère et avec passion défendu.
Or, comment se forme l’abstrait ? Il se forme du concret et note précisément ce qui est noté par le concret, mais en rejetant la connotation.
Lorsque la qualité du sang est jointe avec l’heureuse disposition des organes, ce concours favorable forme, à ce que je m’imagine, le génie poëtique ou pittoresque ; car je me défie des explications physiques, attendu l’imperfection de cette science dans laquelle il faut presque toûjours déviner. […] Les hommes nez avec le génie qui forme les grands generaux, ou ces magistrats dignes de faire des loix, meurent souvent avant que leurs talens se soient fait connoître.
Mais en réalité, si les faits fondamentaux des autres règnes se retrouvent dans le règne social, c’est sous des formes spéciales qui en font mieux comprendre la nature parce qu’elles en sont l’expression la plus haute. […] Sans doute, ce principe se retrouve, sous une forme un peu différente, à la base des doctrines de Comte et de M.
C’est en 1762 que, sous le titre de Balance Egale et sous une forme humoristique, il a donné cette manière de consultation. […] Le collectivisme c’est le despotisme ; et le fond de Montesquieu, c’est l’horreur du despotisme sous quelque forme qu’il se présente. […] Mais, du reste, le socialisme sentimental, qui n’est qu’une forme de la charité chrétienne ou tout simplement de l’humanité, ne lui est pas inconnu. […] Mon charlatan forme des élèves qui ont tous le même intérêt que lui. […] En conséquence, la loi « réglera la matière, l’ordre et la forme des études ».
La coquille doit et donne protection au mollusque, fait subsister dans nos pyramides et nos palais la forme de son effort créateur. […] Quant à Cherbuliez, la forme française de son talent lui dictait sa vocation et sa place. […] Tout cela forme une nature, un pays, où la critique circule, a ses repères. […] Il souhaitait reposer dans des lieux où il eût vécu avec douceur, plénitude, silence, employé son passage terrestre au dessin et à la stabilité d’une forme éternelle. […] Mais depuis plusieurs pages déjà, notre biographie empiète sur ce dialogue, notre Rhône chemine dans ce lac où il débouche et qu’il forme et qu’il traverse.
comme si la poésie sous toutes ses formes et l’éloquence elle-même n’étaient pas la volupté de l’oreille en même temps que de l’esprit et du cœur ! […] Elle est de pure forme. […] Forme et fond, il n’y a rien de si différent du théâtre de Corneille que le théâtre de Racine, pas même peut-être celui de Shakespeare. […] Car, sous tant de formes changeantes et sous tant d’aspects contradictoires, il n’est enfin et toujours qu’un seul Voltaire en scène. […] Ce n’était qu’une question de forme.
Il vous les eût mis dans le même sac que le protestantisme, qu’il considère comme une pure hypocrisie, comme une forme hybride et honteuse du rationalisme. […] Veuillot n’a guère moins lutté contre le socialisme, sous toutes ses formes, que contre ce qui s’est appelé le libéralisme bourgeois et qu’on nomme aujourd’hui le radicalisme. […] Il a penché pour la monarchie, traditionnelle ou non, dans le temps et dans la mesure où cette forme de gouvernement lui a paru plus favorable aux intérêts de la religion. […] Rien d’extraordinaire, sinon la rencontre de la sévérité du fond et de la grâce infinie de la forme. […] On sait et on convient qu’il fut un remarquable écrivain : est-on persuadé qu’il est de tout premier rang, et par l’importance des idées qu’il a traduites, et par la perfection de la forme ?
Vos rêves s’en vont vers cette forme exquise que vous parez vous-même. […] *** Il avance toujours, et enfin il finit par apercevoir, étendues par terre, immobiles, des formes bizarres, gluantes, qui rappellent vaguement la forme humaine. […] Daudet, moins carrée de forme et plus restreinte de proportion, l’intérieur est plus soigné, plus habitable, plus intime. […] L’étonnant est qu’après en avoir tant vendu, ils en aient encore à vendre, sous quelque forme que ce soit. […] Elles ont été le résumé des curiosités, la forme d’esprit d’une époque : c’est déjà beaucoup.
Ce qu’il affirmait, c’était l’idéalisme, et non l’une de ses formes au détriment des autres. […] Il semble qu’il ait parfois senti la gêne d’une forme si impérieuse. […] La forme en est luxueuse et fine. […] Le vêtement qu’il peint est chaste, mais docile au corps, à sa forme, à ses mouvements. […] Pour les formes diverses que prend la sincérité des hommes et des femmes, il a ou de la tendresse ou de l’indulgence.
Mais aussi toutes les idées s’offrent à lui sous une forme brève, condensée, pour ainsi dire plastique. […] C’est « une forme adoucie de la vengeance ». […] Et ni sur les idées ni sur la forme, il n’a eu le loisir de réfléchir à son aise. […] Balfour, le déisme, sous la forme particulière de la doctrine chrétienne. […] Et sous cette forme toute classique, on sent battre un cœur de femme frémissant de passion.
Si on lit le Parménide de la collection Budé avant la notice qui le précède, on est stupéfait de découvrir qu’εϊδος, εἴδη sont traduits par forme, les formes, et jamais par Idées, malgré l’usage universellement accepté. […] Mais personne n’a jamais entendu parler de la théorie des formes de Platon. […] Abel Hermant s’est résolument interdit la métaphysique, et il n’a pas eu à prendre parti pour l’Idée contre la forme, ou pour la forme contre l’Idée (mais cette dernière supposition n’est qu’une politesse pour M. […] La poésie a ou peut avoir sa forme, sa couleur, sa musique propre. […] La pensée humaine est une et les formes artistiques ne sont que ses divers langages.
C’est déjà beaucoup à cet âge que de trouver une forme correcte et aimable ; que serait-ce s’il fallait, en outre, chercher ce fond solide que demande la prose ? […] « J’ai dit que ce roman était déshonnête dans la forme, et je ne me rétracte pas. […] Même lorsque la forme en est attrayante, on n’y sent qu’un hommage rendu par le talent à la vertu, un stérile honneur qui n’étend point son domaine. […] Jamais il ne fut plus question d’argent sous toutes ses formes, jamais tant de chiffres ne s’alignèrent sur le papier. […] Plus loin, il ajoutera avec non moins de netteté quant au fond, et avec plus d’élégance quant à la forme.
Nous avons déjà suggéré que Crevel empruntait à l’auteur du Neveu de Rameau et de Jacques le Fataliste la liberté de la forme et la fantaisie des images. […] Subjective impuissance dont le subjectivisme, à forme classique ou romantique, trouve encore moyen de se réjouir. […] Il n’y a point de squelette à ressusciter, point de forme à redonner à cette abstraction, ni de vie à cette ombre détachée de son corps originel. […] L’humanisme, sous toutes ses formes culturelles et dérivés philanthropiques a cru pouvoir concilier la plus nébuleuse indifférence et la détaillomanie analytique. […] Si la nuit l’abolissait, formes et couleurs, toutes les forces de l’obscurité ne pouvaient rien contre ses yeux qui brillaient, non en veilleuses, mais en menaceuses.
Ils se sont plaints, ils ont réclamé, on a leurs lettres ; l’auteur seul n’aurait pas tout dit : Préparé à tout ce que l’on pourrait alléguer contre Werther, a dit Goethe en ses mémoires, je ne me fâchai pas de toutes les contradictions ; mais je n’avais pas pensé qu’une souffrance insupportable me serait réservée par des âmes bienveillantes et sympathiques : car au lieu de me dire d’abord sur mon petit livre quelque chose de non désobligeant, on voulait savoir avant tout ce qu’il y avait de réel dans les faits ; ce que je ne me souciais pas du tout de dire, et je m’en expliquai hautement d’une manière très peu aimable : car pour répondre à cette question, il m’aurait fallu remettre en pièces l’opuscule auquel j’avais si longtemps pensé pour donner à ses nombreux éléments une unité poétique, et j’aurais dû en détruire la forme de telle sorte que les véritables éléments constitutifs eux-mêmes, là où ils n’auraient pas été complètement anéantis, eussent été au moins défaits et dissous. […] Ce n’était qu’une forme de la vie, la forme la plus exaltée et la plus fougueusement expansive qu’il avait à traverser avant d’arriver à l’équilibre définitif et à cette activité sereine qui comprendra tout. […] Quand les vapeurs de la vallée s’élèvent devant moi, qu’au-dessus de ma tête le soleil lance d’aplomb ses feux sur l’impénétrable voûte de l’obscure forêt, et que seulement quelques rayons épars se glissent au fond du sanctuaire ; que couché sur la terre dans les hautes herbes, près d’un ruisseau, je découvre dans l’épaisseur du gazon mille petites plantes inconnues ; que mon cœur sent de plus près l’existence de ce petit monde qui fourmille parmi les herbes, de cette multitude innombrable de vermisseaux et d’insectes de toutes les formes, que je sens la présence du Tout-Puissant qui nous a créés à son image, et le souffle du Tout-Aimant qui nous porte et nous soutient flottants sur une mer d’éternelles délices ; mon ami, quand le monde infini commence ainsi à poindre devant mes yeux et que je réfléchis le ciel dans mon cœur comme l’image d’une bien-aimée, alors je soupire et m’écrie en moi-même : « Ah ! […] Comprenons l’amour vrai sous toutes les formes et dans tous les costumes avec ce qu’il a de désintéressé.
Il y avait doute encore et débat sur la manière de dire Hirondelle, Arondelle, Hérondelle ; Vaugelas inclinait pour cette dernière forme et l’estimait, la meilleure, comme elle était aussi la plus usitée des trois. […] J’y vois, sous forme légère, l’emblème et l’image de nos propres générations, de nos vies inégales et inconstantes. […] Malherbe, qui a si bien montré dans ses vers « le pouvoir d’un mot mis en sa place », n’a pas le même soin dans sa prose, et il n’a jamais connu la netteté du style, soit pour la situation des mots, soit pour la forme et la mesure des périodes. […] Il était systématiquement sceptique, sauf dans les matières de foi qu’il réservait par prudence et pour la forme, refusant la certitude à l’esprit humain par toute autre voie. […] Ce n’était pas un adversaire de Vaugelas, c’était un approbateur sous forme badine et qui se masquait en diseur de contre-vérités, que l’évêque Godeau qui, après la lecture des Remarques, écrivait à l’auteur une lettre assez singulière qui débute de la sorte : « Monsieur, il y a longtemps que votre libéralité m’a fait un grand présent en m’envoyant le livre de vos Remarques sur notre langue ; mais il y a fort peu de jours que je l’ai reçu après une longue attente.
Il avait reçu de la nature, sous des formes agréables et jolies, une certaine énergie ardente qui constitue à un haut degré le tempérament littéraire et qui pousse au talent : Cette énergie, a-t-il remarqué, condamne d’ordinaire ceux qui la possèdent au malheur non pas d’être sans morale et de n’avoir pas de très beaux mouvements, mais de se livrer fréquemment à des écarts qui supposeraient l’absence de toute morale. […] Le mariage et la royauté étaient les deux choses qui l’égayaient le plus : « Ce sont, avouait-il en s’en vantant, les deux sources intarissables de mes plaisanteries. » Il n’avait vu le mariage que dans le grand monde d’alors où il était si décrié, et il n’avait voulu voir la monarchie que sous la forme également décriée de Louis XV. […] Sous cette forme purement mondaine, il faisait une impression brillante, mais aride et desséchante. […] Stahl-Hetzel a vu dans mon article sur Chamfort une déclaration et un réquisitoire contre le sonneur de tocsin de la Révolution et de la République ; car il me fait l’honneur de me considérer comme un ennemi de cette forme de gouvernement, et il me donne là-dessus toutes sortes d’avis et de conseils, sans se demander s’il a bien caractère et qualité pour cela. […] Stahl-Hetzel me connaissait mieux, il saurait que je n’ai de haine ni d’hier ni d’avant-hier contre aucune forme de gouvernement ; j’ai profité de l’expérience, et en politique je suis l’homme des faits.
Le principe de contradiction ne s’y applique point : toutes les formes du beau sont légitimés. […] C’est une autre forme de l’enthousiasme. […] Lorsque l’empereur revient sur la terre, son sceptre a pris la forme de la croix. […] Et sa recherche des sensations rares le conduit vers certaines formes de l’art catholique. […] Par la forme, par le style.
C’est là le meilleur du livre, le chapitre qu’emplit un sentiment — profond sous sa forme discrète — de sympathie pour les déshérités. […] Ce besoin d’indépendance reparaît sous une autre forme, celle de la passion débridée, lâchée, emportée, dans les Caresses. […] Ce n’est pas mon rôle d’analyser la pièce ici, et je me borne à noter les mérites de forme. […] La forme est d’une nouveauté singulière, dans sa simplicité charmante et sans effort. […] Nous sommes entourés de lacs dont la forme est charmante.
Comme ces hommes de révolution, ces généraux et ces gouvernants improvisés, dont il a si bien senti et rendu la nature, il se forme en avançant, selon les nécessités du sujet, il supplée aux routines par une rapide expérience. […] Thiers ne nous paraîtrait pas devoir soulever toutes ces questions qui, ainsi posées, jurent plutôt avec la forme de cet entraînant récit. […] Il y a bien dés manières sans doute d’écrire dignement l’histoire ; mais, dans les manières plus curieuses de forme, il court risque de se glisser quelque imitation, quelque pastiche de l’antiquité. […] Thiers qui, pour mieux l’être, fait le spéculatif par moments ; on croirait, à de certains jours, avoir affaire à un pur métaphysicien constitutionnel ; il se retranche dans les questions de forme et de théorie du gouvernement représentatif, sachant bien que c’est là, dans le cas présent, l’arme immédiate. […] Il serait difficile d’ailleurs, dans une œuvre qui ne vise pas aux tableaux et qui forme un tout vivant, de trouver de ces morceaux à citer si fréquents en d’autres histoires.
Chimène, se voyant refuser la justice qu’elle poursuit sous la forme du châtiment, en prend assez son parti et se rabat à demander le duel, le jugement de Dieu par les armes : « A tous vos cavaliers je demande sa tête ; Oui, qu’un d’eux me l’apporte et je suis sa conquête… J’épouse le vainqueur……… » Ce sont là des semblants ; elle sait bien en son cœur qu’elle n’épousera personne autre et que Rodrigue, à ce jeu de l’épée, sera le plus fort. […] Elle espère bien qu’il sera vainqueur, elle veut qu’il l’espère aussi ; elle va lui faire voir qu’elle le désire, mais par degrés et comme sous le coup d’une contrainte morale : et lui qui a le soupçon, et plus que le soupçon, de ce désir qu’elle forme, il vient, je le répète, moins pour s’en assurer (car au fond il en est sûr) que pour s’en donner l’émotion, la joie et l’orgueil, et il est résolu à le lui faire dire nettement. […] Certes, et quelque objection d’ailleurs qu’on y puisse faire, la forme de tragédie qui a amené Corneille à trouver une telle scène, de tels jets héroïques, est une bien belle et bien noble forme de l’esprit.
Si l’on cherche la raison de cet oubli bizarre, de cette inadvertance ironique de la renommée, on la trouvera en partie dans le caractère des débuts de M. de Sénancour, dans cette pensée trop continue à celle du xviiie siècle, quand tout poussait à une brusque réaction, dans ce style trop franc, trop réel, d’un pittoresque simple et prématuré, à une époque encore académique de descriptions et de périphrases ; de sorte que, pour le fond comme pour la forme, la mode et lui ne se rencontrèrent jamais ; — on la trouvera dans la censure impériale qui étouffa dès lors sa parole indépendante et suspecte d’idéologie, dans l’absence d’un public jeune, viril, enthousiaste ; ce public était occupé sur les champs de bataille, et, en fait de jeunesse, il n’y avait que les valétudinaires réformés, ou les fils de famille à quatre remplaçants, qui vécussent de régime littéraire. […] Ainsi livrés à tout ce qui s’agite et se succède autour de nous, affectés par l’oiseau qui passe, la pierre qui tombe, le vent qui mugit, le nuage qui s’avance, modifiés accidentellement dans cette sphère toujours mobile, nous sommes ce que nous font le calme, l’ombre, le bruit d’un insecte, l’odeur émanée d’une herbe, tout cet univers animé qui végète ou se minéralise sous nos pieds ; nous changeons selon ses formes instantanées, nous sommes mus de son mouvement, nous vivons de sa vie. » Cette abdication de la volonté au sein de la nature, cette lenteur habituelle d’une sensation primordiale et continue, il la trouve si nécessaire au calme du sage en ces temps de vertige, qu’il va jusqu’à dire quelque part que, plutôt que de s’en passer, on la devrait demander aux spiritueux, si la philosophie ne la donnait pas. […] Son idée se traduit constamment sous la forme morale ; c’est tout au plus si de loin en loin il la couronne de quelque grande image naturelle. […] La forme littéraire et toute classique du développement, la lenteur égale de chaque paragraphe, se rapprochent beaucoup de la manière du moraliste Du Guet dans le traité si bien écrit et si peu lu de la Prière.
La forme dramatique et les petites compositions à la Mérimée le tentèrent vite. […] Ce tableau d’alcôve au retour du bal, la blancheur de l’aube qui fait pâlir le croissant et l’ombre, tandis qu’une femme lasse, couchée et à demi sommeillante, livre aux yeux un bras nu qui pend ; le parfum qu’elle exhale, comme une fleur sous la brise des nuits, ce chant incertain accompagné de guitare au pied du balcon, toute cette scène mystérieuse qui aboutit au soupçon dans le cœur de l’époux, forme une ouverture d’un calme inquiétant, assez approchante, pour l’effet, du début de Parisina. […] Il a voulu rompre avec l’école dite de la forme, et, en rimant mal exprès, il a cru donner une ruade au Cénacle. […] Il s’attachait aux faits, interrogeait les voyageurs, s’enquérait des coutumes sauvages comme des anecdotes les plus civilisées ; s’intéressait à la forme d’une dague ou d’une liane, à la couleur d’un fruit, aux ingrédients d’un breuvage ; il rétrogradait sans répugnance et avec une nerveuse souplesse d’imagination aux mœurs antérieures, se faisait à volonté Espagnol, Corse, Illyrien, Africain, et de nos jours choisissait de préférence les curiosités rares, les singularités de passions, les cas étranges, débris de ces mœurs premières et qui ressortent avec le plus de saillie du milieu de notre époque blasée et nivelée ; des adultères, des duels, des coups de poignard, de bons scandales à notre morale d’étiquette.
Son originalité consiste précisément à avoir voulu relever et enfermer sous forme d’art sévère et de fantaisie exquise ces filets de vin clairet, qui avaient toujours jusque-là coulé au hasard et comme par les fentes du tonneau. […] Je retrouve là le premier jet et la première forme de tout ce qu’il n’a fait qu’augmenter, retoucher et repolir depuis. […] En répondant à la précédente ballade du Pélerin et en parlant aussi des autres morceaux insérés dans le Provincial, Victor Hugo lui avait écrit qu’il possédait au plus haut point les secrets de la forme et de la facture, et que notre Emile Deschamps lui-même, le maître d’alors en ces gentillesses, s’avouerait égalé. […] On verrait en quoi cette dernière, indépendamment de la forme poétique, reste encore très-supérieure.
L’art seul, où la forme est inséparable du fond, passe tout entier à la postérité. Or, il faut le reconnaître, ce n’est point par la forme que nous valons. […] Les auteurs de monographies ne peuvent raisonnablement espérer de voir leurs travaux vivre dans leur propre forme ; les résultats qu’ils ont mis en circulation subiront de nombreuses transformations, une digestion, si j’ose le dire, et une assimilation intimes. […] Les sciences diverses d’ailleurs, ont des problèmes communs ou analogues quant à la forme, lesquels sont souvent beaucoup plus faciles à résoudre dans une science que dans une autre.
Des sillons ondoyants d’épis, des navires glissant sur les flots, un tourbillon de guerres déchaînées, des trophées de lances et d’épées, de faux et de mors, des armures et des statues vaguement modelées, des vases de toute forme et de toute matière. — Il aurait pu y voir encore des familles entrelacées autour du foyer, des cités sortant de terre, avec leurs remparts et leurs tours, des cortèges de prêtres enveloppés du nuage d’encens des sanctuaires. — Et tout en haut, des groupes de dieux, de plus en plus vrais, de plus en plus justes, montant et se succédant dans l’éther. […] II. — L’Agni du Rig-Véda. — Prométhée se forme dans le disque à feu des bergers aryens. […] C’est « le Dieu à la barbe d’or », « le Pontife aux sept rayons », le Héros rouge qui « poursuit de ses flèches la troupe des ténèbres », l’Exterminateur des démons cachés sous la forme des animaux nocturnes, le Médiateur qui porte au ciel les prières et les vœux des hommes. […] Il n’y paraît point comme un créateur surnaturel et instantané, mais comme un statuaire savant dans son art, attentif aux dimensions et aux proportions du simulacre qu’il forme, ajustant pièce par pièce sa charpente osseuse, avant de la revêtir de chair et de muscles.
Elle forme l’enfant à son image, qui est celle du plus saint amour ; elle lui apprend le dévouement, la foi, l’enthousiasme, la fierté du cœur, toutes les puretés et toutes les beautés. […] J’ai dit l’originalité singulière de madame Huguet : c’est l’amour maternel sous une vilaine forme ; mais le portrait est franc, sincère et d’une vérité qui fait violence à l’antipathie. […] Il s’agissait d’arracher de l’alcôve et de traîner à demi-nu, sur la scène, un des plus vils scandales du monde contemporain ; il fallait aborder de front une forme de l’adultère qui aurait épouvanté Juvénal. […] Rien de saisissant comme ce soupçon jeté au hasard, qui d’abord surgit, vague comme un fantôme, devant l’épouse offensée, puis lui laisse entre les mains une robe, une mantille, enfin, tout d’un coup, prend souffle et vie, forme et figure, et revêt ce costume aussi criant qu’un flagrant délit.
Cette correspondance dans laquelle Rousseau n’entra qu’à son corps défendant, et où, du premier au dernier jour, chaque billet lui fut comme arraché, a pourtant cela de remarquable et d’intéressant, qu’elle est suivie, qu’elle forme un tout complet, qu’elle n’était pas destinée au public, qu’elle nous montre Jean-Jacques au naturel depuis le lendemain de La Nouvelle Héloïse jusqu’au moment où sa raison s’altéra irrémédiablement. […] Dis-moi qui t’admire, et je te dirai qui tu es, du moins qui tu es par la forme du talent, par le goût. […] Le poète, le romancier, ne voulait que réaliser le fantôme de ses rêves, et voilà qu’il a trouvé la forme qu’attendaient, que chérissaient vaguement d’avance les imaginations du moment, et qu’elles ne pouvaient définir et démêler sans lui. […] J’ai les cheveux fort bruns et très avantageusement placés ; le front un peu élevé, et d’une forme régulière ; les sourcils noirs et bien arqués ; les yeux à fleur de tête, grands, d’un bleu foncé, la prunelle petite, et les paupières noires ; mon nez, ni gros, ni fin, ni court, ni long, n’est point aquilin, et cependant contribue à me donner la physionomie d’un aigle.
En effet, disent ces derniers, le propre des Français est de tout juger par l’esprit, même les formes et les couleurs. Il est vrai que, comme il n’y a pas de langue qui puisse exprimer les finesses de la forme ou la variété des effets de la couleur, du moment qu’on veut en discourir, on est réduit, faute de pouvoir exprimer ce qu’on sent, à décrire d’autres sensations qui peuvent être comprises par tout le monde. […] Pourtant de tels discoureurs, quand ils sont comme lui imbus de leur sujet, pénétrés d’un vif sentiment de l’art et des choses dont ils parlent, sont utiles en même temps qu’intéressants : ils vous conduisent, ils vous font faire attention, et tandis qu’on les suit, qu’on les écoute, qu’on en prend avec eux et qu’on en laisse, le sens de la forme et de la couleur, si l’on en est doué, s’éveille en nous, se fait et s’aiguise : on devient insensiblement bon juge à son tour et connaisseur, par des raisons secrètes qu’on ne saurait dire et que la parole n’atteint pas. […] Et, en général, toutes les facultés d’improvisation, d’imagination pittoresque et prompte, dont il était doué ; tous ses trésors d’idées profondes, ingénieuses et hardies ; l’amour de la nature, du paysage et de la famille ; même sa sensualité, son goût décidé de toucher et de décrire les formes, le sentiment de la couleur, le sentiment de la chair, de la vie et du sang, « qui fait le désespoir des coloristes », et que, lui, il rencontrait au courant de la plume, toutes ces qualités précieuses de Diderot trouvent leur emploi dans ces feuilles volantes qui sont encore son titre le plus sûr auprès de la postérité.
Cet homme, qui avait tant embrassé d’espaces et d’époques, et tant décrit de formes vivantes, pouvait dire : « J’ai passé cinquante ans à mon bureau. » Buffon avait la vue basse : c’était sa seule infirmité. […] Car c’est ainsi que Buffon se corrigeait : dans son ampleur de forme, il était l’ennemi des remaniements ; comme un grand artiste, il trouvait plus simple, l’ouvrage une fois produit, de se corriger dans un ouvrage nouveau, dans un tableau nouveau, et en recommençant derechef comme fait aussi la nature. […] Une comparaison de Buffon avec Montesquieu serait féconde, et achèverait de préciser et de définir les traits caractéristiques de sa forme de nature et de son procédé de talent. […] Habituellement il est dans le point de vue purement naturel, dans celui de Lucrèce, mais la prudence le lui fait masquer par endroits, et il parle du Créateur pour la forme.
Michaud, que cette espèce d’enchantement politique, ce mobile des grandes actions, est une des merveilles de l’ordre social ; et plus nous sommes éloignés aujourd’hui de ces idées, plus nous devons en sentir le prix. » Passant à la morale, il y suivait les mêmes formes, les mêmes jeux de l’amour-propre, et reconnaissait qu’elle a, comme la politique, « ses rubans et sa broderie : ce sont les illusions, et je n’entends par illusion que la manière d’envisager les choses sous leurs formes les plus attachantes ». […] Michaud, sous sa dernière forme, n’a pas moins de six volumes, auxquels il faut joindre les quatre volumes de la Bibliothèque des croisades, contenant toutes les pièces justificatives et les extraits des chroniqueurs et historiens, y compris les historiens arabes, dont les extraits et les traductions sont dus à la collaboration de M. […] Michaud avait dans la politique de ces formes de La Fontaine.
On vit qu’après la gloire de faire de grandes choses, il avait de plus conçu l’ambition de les écrire avec détail et avec étendue, et de composer moins encore des mémoires proprement dits qu’un corps d’histoire et d’annales : J’avoue, disait-il en parlant de ce travail de rédaction et de dictée qui, au milieu de tant d’autres soins si impérieux, avait partagé ses veilles, j’avoue qu’encore qu’il y ait plus de contentement à fournir la matière de l’histoire qu’à lui donner la forme, ce ne m’était pas peu de plaisir de représenter ce qui ne s’était fait qu’avec peine. Pendant qu’il goûtait la douceur de ce travail, ses maladies et la faiblesse de sa complexion encore plus que les affaires l’avaient forcé de s’interrompre, et il y avait suppléé alors par la Succincte narration qui forme le premier chapitre ou plutôt l’introduction du Testament politique ; cette narration est un tableau raccourci, comme il l’appelle, un beau et noble discours abrégé, dans lequel il raconte au roi toutes les grandes actions de ce même roi depuis sa seconde entrée au ministère en 1624 jusqu’en 1641. […] « Il fallait, en cette occasion, s’écrie Richelieu, mépriser sa vie pour le salut de l’État ; mais Dieu ne fait pas cette grâce à tout le monde. » Il revient souvent sur cette idée, que le courage qui fait entreprendre les choses sensées et justes dans l’ordre public est une grâce spéciale de Dieu ; et ce n’est point chez lui une forme de langage : évidemment il le croit. […] Elles sont pourtant la seule moralité supérieure qui serve de garantie dans les personnes publiques, qui les sauve du pur machiavélisme ; et on aime à retrouver le signe de cet esprit religieux sous une forme ou sous une autre, ce sentiment sacré d’une divinité singulière invoquée et reconnue de tous les grands chefs et fondateurs d’États et des conducteurs de peuples.
Necker n’a pas laissé moins de quinze volumes d’Œuvres ; je ne conseille pas à tous d’en aborder la lecture ; c’est au critique de prendre ce soin, et, en lisant bien, de choisir ce qui peut définir l’homme, soit au moral, soit dans sa forme et son esprit littéraire ; car M. […] « Ses traits ne ressemblent à ceux de personne ; la forme de son visage est extraordinaire. » C’est sa femme qui disait cela, et d’autres qu’elle l’ont également remarqué. […] De même, Mazarin, à l’heure de sa mort, désigne-t-il Colbert à Louis XIV par ce mot si connu : « Sire, je vous dois tout, et je crois m’acquitter en partie en vous donnant Colbert » ; l’écrivain, gâtant la belle simplicité du mot, et dénaturant l’inspiration toute politique de Mazarin, dira : « Dans ce moment terrible où l’Éternité qui s’ouvre à nos yeux étouffe nos passions, et nous presse de dévouer un dernier instant à la justice et à la vérité, Mazarin adressa ces paroles à Louis XIV… » Les médisants prétendaient avoir trouvé de la ressemblance entre la manière du nouvel écrivain et celle de Thomas, avec qui on le savait très lié ; si toutes les phrases avaient été dans cette forme, la médisance aurait pu prendre crédit ; mais la plupart des défauts de M. […] Necker se formera au style en avançant ; il écrira mieux ; il trouvera sa forme, et ses derniers ouvrages seront véritablement très distingués.
Zola, avec tous les réalistes, forme ses tableaux de l’énumération d’une infinité de détails résumés parfois en un aspect d’ensemble. Chaque spectacle est dépeint en ses parties constituantes, marquées chacune par l’adjectif coloré qui correspond à sa perception ; puis, en une phrase générale, le tout est repris avec des termes où domine celui des caractères de forme ou de nuance, qui existe en le plus de parties. […] Dès le début, le vague remuement des Halles à l’aube est montré par une série de faits confus, de formes rôdantes et accroupies autour d’entassements mous en un indécis brouhaha. […] De l’étal d’une poissonnerie il relient le cinabre, le bronze, le carmin et l’argent plutôt que le fuselé des formes.
La mère a saisi une des mains de son enfant, ainsi la composition présente en cet endroit, au centre, sur le massif, à quelque hauteur au-dessus de la terrasse qui forme la partie antérieure et la plus basse du tableau, un groupe de six figures ; la mère éplorée soutenue par deux de ses femmes, son enfant qu’elle tient par la main, son époux entre les bras duquel l’enfant est tourmenté, et une troisième suivante agenouillée aux pieds de sa maîtresse et de son maître. […] Cette guirlande de têtes de chérubins qu’elle a derrière elle et sous ses pieds forme un papillotage de ronds lumineux qui me blessent ; et puis ces anges sont des espèces de cupidons soufflés et transparens ; tant qu’il sera de convention que ces natures idéales sont de chair et d’os, il faudra les faire de chair et d’os. […] La draperie de satin dont elle est vêtue forme une grande tache lumineuse, vous avez eu beau l’éteindre après coup, elle n’en est pas restée moins discordante, son éclat n’en éteint pas moins les chairs. […] Pourvu que les chairs ne se dissolvent point, que les parties putréfiées ne se séparent point, qu’il ne fourmille point de vers et qu’il garde ses formes, le bon goût dans l’un et l’autre art ne rejettera point cette image.
Nous pourrions citer bien d’autres contradictions qui font du livre de Heine un modèle d’inconsistance dans le fond des choses, et qui altèrent jusqu’à sa forme de grand artiste. Si supérieure qu’elle puisse être, en réalité, cette forme non plus n’a pas échappé à la double influence qui lutte dans le poète, — la spontanéité et le parti pris. […] Henri Heine, avant et même après les Reisebilder, fit longtemps dans les journaux allemands ce qu’on appelle « de la correspondance », et quelquefois il y aborda la critique littéraire sous une forme moins subjective, mais plus générale et plus profonde. […] Il est de la race du grand poète, impie au stoïcisme, qui disait : « Je les attends, les plus enragés stoïques, à leur première chute de cheval. » Ce n’est qu’un épicurien, sentant trop la douleur pour la nier, — mais un épicurien de la Pensée, un voluptueux de l’Idéal et de la Forme, ayant la sensibilité nerveuse de la femme et l’imagination des poètes qui s’ajoute à cette sensibilité terrible… Et, dans les livres où il parle de ses souffrances avec une expression tout à la fois délicieuse et cruelle, il ne songe pas une minute à se poser comme un résistant de force morale et de volonté héroïque… En ces livres, parfumés de douleur, il n’est que ce qu’il a été toute sa vie, dans ses livres de bonheur et de jeunesse, — c’est-à-dire bien moins une créature morale qu’une charmante créature intellectuelle, intellectuelle jusqu’au dernier soupir.
C’était excellent de fond et même de forme et de diction, mais pénible. […] Mal en prend à ceux qui vont chasser sur ses terres sans avoir un permis en bonne forme. […] On a comme une échelle des hauteurs, des formes et des degrés de culture. […] Le mariage, sous cette forme, lui devenait un monstre. […] Voilà la vérité. » Ampère, comme tous les caractères excessifs et les cœurs errants, eut ensuite des regrets, des remords sous forme nerveuse.
La forme de l’Iphigénie devait-elle être, pour la satisfaction des hellénisants comme mon ancien ami Vadius, plus grecque que Racine ne l’a faite ? […] Mais dans les statues de la Renaissance, je voyais déjà la passion soulever, pour ainsi dire, et faire éclater la forme. […] Enfin, la séparation entre l’idée et la forme, entre l’esprit et le corps, devenait à mes yeux de plus en plus sensible dans la sculpture sentimentale de notre époque. […] Quand le Chevalier eut parlé, je ne pus m’empêcher de sourire, et comme il vit qu’il ne m’avait pas déconcerté, et que je me préparais sans doute à lui faire une réponse en forme, il s’assit sur une chaise au pied du Vercingétorix, et m’invita à m’asseoir à côté de lui. […] À l’époque de la guerre de Troie, les formes de la pensée et toute la manière de vivre étaient bien différentes de celles que nous retrouvons dans l’Iliade.
Il n’a reconnu dans toutes les formes et à tous les degrés de la connaissance que la connaissance des faits et de leurs rapports. […] Ma conclusion ne m’apprend rien ; elle n’ajoute rien à ma connaissance positive ; elle ne fait que mettre sous une autre forme une connaissance que j’avais déjà. […] En définitive, on n’induit qu’en formant des couples ; on ne les forme qu’en les isolant ; on ne les isole que par des comparaisons. […] Si la fourmi était portée dans une autre contrée, elle ne verrait ni les mêmes arbres, ni les mêmes insectes, ni la même disposition du sol, ni les mêmes révolutions de l’air, ni peut-être aucune de ces formes de l’être. […] Ils ont voulu déduire de leurs théorèmes élémentaires la forme du système planétaire, les diverses lois de la physique et de la chimie, les principaux types de la vie, la succession des civilisations et des pensées humaines.
Dès lors, qu’on ne s’en étonne pas, les forces humaines, égarées de leur sphère, se manifestent sous des formes inaccoutumées, et semblent emprunter aux forces physiques quelques-uns de leurs caractères : comme elles, sourdes, aveugles, inflexibles, accomplissant jusqu’au bout leur loi sans la comprendre. […] Ses taches nombreuses disparaissent sans doute et pour ainsi dire s’effacent parmi tant de mouvement et d’éclat ; mais qu’il eût été moins incorrect et négligé, loin de distraire du récit, il l’eût mieux fait ressortir encore : la pensée de l’écrivain, qui quelquefois s’affaiblit dans ses formes indécises, eût été plus sûre, gravée de la sorte, d’arriver pleinement intelligible et franche à cet avenir auquel elle a droit de s’adresser.
Brissaud90, sont coupables de conserver et surtout d’inventer des formes bâtardes, métissées de grec et de latin, dans les cas où le fond de notre langue suffirait amplement. » Et il cite le mot excellent de cailloute, nom d’une phtisie particulière aux casseurs de cailloux ou provoquée par des poussières minérales ; les nosographes, le trouvant trop clair et trop français l’ont biffé pour écrire pneumochalicose. […] On ne peut — toute question de censure mise à part — dire et faire dire tout ce que l’on écrit : le même mot qui, aperçu avec sa forme propre et son aspect typographique se pardonne ou s’admire, devient vite, entendu et défiguré par l’acoustique artificielle de la rampe, insupportable d’invraisemblance ou de pédantisme. — Et cela même lorsqu’il sort d’une bouche autorisée — Les rôles de médecins sont particulièrement délicats à traiter, car ils oscillent forcément entre la terminologie vague des mentalités moyennes, ou le répertoire magistral de l’enseignement technique.
Lorsque j’entends prononcer ce mot : lord Palmerston, ou que je lis les quatorze lettres qui le composent, il se forme en moi une image, celle du grand corps sec et solide, vêtu de noir, au sourire flegmatique, que j’ai vu au Parlement. De même, lorsque je lis ou j’entends ce mot Tuileries, j’imagine plus ou moins vaguement, en formes plus ou moins tronquées, un terrain plat, des parterres encadrés de grilles, des statues blanches, des têtes rondes de marronniers, la courbe et le panache d’un jet d’eau, et le reste.
J’abandonne ses descriptions : elles sont décidément pompeuses ou coquettes, frelatées surtout, et enveloppant la vérité scientifique de lieux communs littéraires, de formes nobles ou d’idées morales ; les animaux reçoivent des sentiments généreux ou vicieux, tout comme dans les Fables de La Fontaine. […] D’autres ont pu peindre quelques apparences de la nature ; ils ont offert à nos sensations quelques formes particulières, éparses dans l’immensité de l’espace et de la durée, et qui s’assortissaient à la qualité de leur âme.
messieurs, je vous en prie, affranchissez-vous du passé non point de ce qu’il y a, dans le passé, de beau, de glorieux, de pur et d’exemplaire pour tous — mais des formes surannées qu’y ont prises les querelles de nos pères et de nos aïeux. […] La forme du gouvernement n’est plus guère contestée ; un pape intelligent a interdit qu’elle le fût des catholiques eux-mêmes.
Évidemment, il assigne à la poésie le rôle d’une musique spéciale, et la veut consacrée à l’expression d’états de l’âme spéciaux : de ces larges et troubles coulées d’images, par instants envahissant l’esprit, incapables d’être notées dans une prose, et constituant, pour la psychologie, l’essence même des émotions… La forme musicale de M. […] Cette petite école cherche donc la forme la plus capable de rendre les tâtonnements, les changements de résolutions, les subites décisions qui sont l’« entrclac » tracé actuellement par la plupart des cerveaux.
Pour moi, je le dis du fond de ma conscience, si je voyais une forme de vie plus belle que la science, j’y courrais. […] Il y a, je le sais, dans la curiosité des degrés divers ; il y a loin de cet instinct mesquin de collection, qui diffère à peine de l’attachement de l’enfant pour ses jouets, à cette forme plus élevée, où elle devient amour de savoir, c’est-à-dire instinct légitime de la nature humaine et peut constituer une très noble existence.
Pour ce qui est des questions de style et de forme, il n’en parlera point. […] Sans méconnaître la grande poésie du Nord représentée en France même par d’admirables poètes, il a toujours eu un goût vif pour la forme méridionale et précise.
C’était de la chair vive avec du granit brut, Une immobilité faite d’inquiétude, Un édifice ayant un bruit de multitude, Des trous noirs étoilés par de farouches yeux, Des évolutions de groupes monstrueux, De vastes bas-reliefs, des fresques colossales ; Parfois le mur s’ouvrait et laissait voir des salles, Des antres où siégeaient des heureux, des puissants, Des vainqueurs abrutis de crime, ivres d’encens, Des intérieurs d’or, de jaspe et de porphyre ; Et ce mur frissonnait comme un arbre au zéphire ; Tous les siècles, le front ceint de tours ou d’épis, Étaient là, mornes sphinx sur l’énigme accroupis ; Chaque assise avait l’air vaguement animée ; Cela montait dans l’ombre ; on eût dit une armée Pétrifiée avec le chef qui la conduit Au moment qu’elle osait escalader la Nuit ; Ce bloc flottait ainsi qu’un nuage qui roule ; C’était une muraille et c’était une foule ; Le marbre avait le sceptre et le glaive au poignet, La poussière pleurait et l’argile saignait, Les pierres qui tombaient avaient la forme humaine. […] * Il n’est pas de brouillards, comme il n’est point d’algèbres, Qui résistent, au fond des nombres ou des cieux, À la fixité calme et profonde des yeux ; Je regardais ce mur d’abord confus et vague, Où la forme semblait flotter comme une vague, Où tout semblait vapeur, vertige, illusion ; Et, sous mon œil pensif, l’étrange vision Devenait moins brumeuse et plus claire, à mesure Que ma prunelle était moins troublée et plus sûre.
Dire que cette circonstance est le poids ou le volume du cerveau, le nombre ou la profondeur de ses plis, telle forme, telle structure, telle composition chimique, etc. n’est-ce pas dire clairement qu’on ne sait pas au juste quelle est la circonstance capitale dont il s’agit ? […] En un mot, s’il n’y avait pas d’autres faits que ceux que nous venons de signaler, on pourrait conclure d’une manière à peu près sûre de l’instrument au musicien, comme du cerveau à la pensée, mesurer le génie musical par la valeur de l’instrument, comme les matérialistes mesurent le génie intellectuel par le poids, la forme, la qualité des fibres du cerveau.
Si l’on personnifie, en Voltaire, la Raison critique, indépendante, saine, la logique et l’ironie, l’esprit de réforme contenu dans le culte du goût, de tradition légitime et de nécessité, le respect de la langue, il deviendra facile d’identifier Rousseau à cet esprit de révolte, d’instinct brutal, de mépris pour la forme, de lyrisme hors de propos, d’orgueil maladroit qui semble nous dominer aujourd’hui. […] Les tendances générales nous semblent être : Le retour à la simplicité, à la tradition française qui compte autant avec l’avenir qu’avec le passé, au respect des formes syntaxiques ; l’abandon presque complet du vers-libre qui a pourtant donné de beaux poèmes ; le dédain des émotions factices ; le souci du fait social sans toutefois lui laisser la prédominance ; la Renaissance de la critique.
Ses ouvrages auraient pris cette teinte morale, sans laquelle rien n’est parfait ; on y trouverait aussi ces souvenirs du vieux temps, dont l’absence y forme un si grand vide. […] Rousseau, s’attachant au fond, et rejetant les formes du culte, montre dans ses écrits la tendresse de la religion avec le mauvais ton du sophiste ; Buffon, par la raison contraire, a la sécheresse de la philosophie, avec les bienséances de la religion.
Eh bien, tout juste de la même forme et de la même force, le tableau précédent et les deux suivants ; c’est la chapelle des gueux de Ste Reine, et ce l’est si bien qu’il n’y manque que les charnières que j’y aurais peintes furtivement, si j’avais été un des polissons de l’école. […] Il faut partager une nation en trois classes : le gros de la nation qui forme les mœurs et le goût national ; ceux qui s’élèvent au-dessus sont appellés des fous, des hommes bizarres, des originaux ; ceux qui descendent au-dessous sont des plats, des espèces.
Albalat veut qu’on corrige beaucoup et répète cent fois, sous diverses formes toujours heureuses, que l’on n’a jamais assez corrigé. […] Albalat veut qu’on corrige beaucoup et répété cent fois, sous diverses formes toujours heureuses, que l’on n’a jamais assez corrigé.
Les Latins & les autres Peuples de l’Europe ont imité les Grecs dans la forme qu’ils ont donnée à cette lettre. […] Cet angle se forme d’un mouvement mixte des doigts & du poignet. […] La voix ou forme du verbe : elle est de trois sortes, la voix ou forme active, la voix passive & la forme neutre. […] Dieu conserve ses créatures ; conserve est un verbe de la forme active. […] Forme ovale.
Plus tard à la vieillesse des peuples, triste, sombre, gémissante et découragée comme eux, et respirant à la fois dans ses strophes, les pressentiments lugubres, les rêves fantastiques des dernières catastrophes du monde, et les fermes et divines espérances d’une résurrection de l’humanité sous une autre forme : voilà la poésie. […] Ces trois femmes, toutes les trois jeunes et belles aussi, aux formes sveltes et au profil aquilin des nègres de l’Abyssinie, étaient groupées dans des attitudes diverses comme trois statues tirées d’un seul bloc. […] La poésie s’est dépouillée de plus en plus de sa forme artificielle, elle n’a presque plus de forme qu’elle-même. — À mesure que tout s’est spiritualisé dans le monde, elle aussi se spiritualise. […] La poésie de nos jours a déjà tenté cette forme, et des talents d’un ordre élevé se sont abaissés pour tendre la main au peuple ; la poésie s’est faite chanson, pour courir sur l’aile du refrain dans les camps ou dans les chaumières ; elle y a porté quelques nobles souvenirs, quelques généreuses inspirations, quelques sentiments de morale sociale ; mais cependant il faut le déplorer, elle n’a guère popularisé que des passions, des haines ou des envies. […] Ne laisserai-je ma pensée poétique que par fragments et par ébauches, ou lui donnerai-je enfin la forme, la masse et la vie dans un tout qui la coordonne et la résume, dans une œuvre qui se tienne debout et qui vive quelques années après moi ?
L’aspect extérieur de ces productions n’a rien qui puisse faire s’insurger qui que ce soit, correction, bonne coupe, jolies nuances, etc… Les formes employées pour les tableaux ne sont pas révoltantes non plus, les grafitti du dessin sont décents. […] Le premier Chant de Maldoror, sous sa première forme (1868) est un poème dans lequel l’esprit du mal (Maldoror), après avoir refusé d’être sauvé par Dazet, l’esprit du bien, est maudit par lui. […] La forme en est savante et travaillée, L’esprit en est délicat, inquiet et ardent. […] À partir de 1925, il revient à une forme classique. […] Tanka : forme poétique japonaise, proche du haïku, composé de cinq vers pentasyllabiques ou heptasyllabiques.
Ils jettent au hasard les formes et les couleurs, uniquement et sûrement guidés par une très fine sensualité des yeux. […] Et cet entraînement de l’imagination, cette exaltation du devoir, n’est-ce pas une forme de l’amour ? […] C’est la moins satisfaisante des formes littéraires pour des esprits un peu méditatifs et sérieux. […] Puis, le mépris est un plaisir en soi, étant une des formes de l’orgueil. […] Une œuvre de forme savante et serrée leur demanderait un trop grand effort d’attention.
Je retourne aux mauvaises manières, je n’en suis pas fâché pour mon petit doigt qui se tend, reprend sa forme accoutumée. […] Cette répugnante aventure est contée sous forme d’idylle, non sans talent, mais avec tous les détails les plus nauséabonds qu’on puisse imaginer. […] Les choses qu’on nommait vertus perdent leurs formes. […] » Tout le reste du volume est aussi intéressant, et par le fond et par la forme. […] Maintenant que le voilà roi, il se forme une cour, un Thiase ; il monte sur un char et prend son élan.
» Je ne crois pas qu’on puisse mieux indiquer, sous une forme fantaisiste, le but moral visé par M. […] Dans cet ouvrage d’une forme très personnelle et très originale, je rencontrai des observations qui me parurent commander l’attention et qui, sous une forme fantaisiste, renfermait des opinions fort justes sur la politique, la philosophie, l’art, etc. […] Maurice Montégut est un des romanciers trop rares qui ont, avec la netteté de la forme, le don de l’intérêt et de l’émotion. […] Il y a bien encore un peu de tout cela dans la chanson moderne, mais le naturalisme lui a donné une bien autre forme ! […] On distingue des formes avachies contre les tables, des dos affalés.
Keunan nous dit leurs noms, leurs origines, leurs travaux, leurs espérances, la forme de leur esprit ; il nous les fait connaître et aimer. […] La forme du supplice diffère selon les pays, mais la douleur humaine n’en perd pas, croyez-moi, un seul cri, ni une seule goutte de sang. […] Mais qu’est-ce qu’un paradoxe, sinon, le plus souvent, la forme saisissante et supérieure, l’exaltation de l’idée ? […] C’est dans l’infection du pus et le venin du sang corrompu, qu’éclosent les formes, par qui notre rêve chante et s’enchante. […] … peut-être venimeux, de vouloir exposer, sous la forme vivante et parlante de gendelettres, devinez quoi ?
Ménard, nous livre le secret de leurs cœurs, la nature et la forme de leurs espérances. […] Comte et Dunoyer à la fin de l’Empire, avec cette différence qu’il ne réussit jamais à prendre sur aucune classe du public ; cela tenait à sa forme et à son mode d’exposition ; mais, comme eux, il ne voyait exclusivement qu’un côté de la question : en revanche, il le voyait à perte de vue et dans toute sa longueur. […] Entre ces esprits de nouvelle portée et que la nature, comme en réaction elle-même contre les formes précédentes, tentait de façonner sur un autre moule, l’abbé de Saint-Pierre n’est pas le moins remarquable ni le moins curieux à observer, par l’insistance et l’opiniâtreté de sa vocation dans sa ligne unique, par ses absences et ses lacunes sur tout le reste.
Avec l’instrument de précision dont il dispose (j’appelle ainsi la forme analytique expresse qui est la sienne), M. […] Le Play de son livre, à rendre ici quelque chose de l’impression plus vive qui m’est restée et à le faire sous une forme moins froide que celle que la statistique exige. […] Dans tout état de société, — qu’il s’agisse de la Russie méridionale et des paysans agriculteurs, chez qui la religion n’empêche sans doute ni l’intempérance, ni la ruse, ni la fraude, ni bien des vices, mais à qui elle inspire un pieux et absolu respect dans les rapports des fils aux parents, « une résignation stoïque dans les souffrances physiques et morales, et, en présence de la mort, une assurance, une sérénité qui a parfois un véritable caractère de grandeur » ; — qu’il s’agisse, tout au contraire, des peuples et des régimes les plus avancés, tels que l’Angleterre, chez qui les hautes classes et les lords peuvent être dissolus à leur aise, mais que gouverne réellement et que maintient avec fermeté, en présence des masses chartistes, l’immense classe bourgeoise ou rurale moyenne, tout imprégnée de la Bible et de la forte moralité qui en découle ; — partout l’élément religieux, sous une forme ou sous une autre, lui a paru essentiel à la durée et à la stabilité des sociétés.
Un savant anglais a même essayé de retrouver par conjecture la vieille orthographe, les vieilles formes de l’Homère d’avant Aristarque, de l’Homère contemporain de Pisistrate100. […] C’est un aspect essentiel que la critique, en parlant d’eux, doit s’attacher à éclairer ; et je rappellerai, puisque je les rencontre, ces paroles magnanimes en même temps que naïves de Sarpédon à Glaucus, au moment de l’assaut du camp : « O ami, si nous devions, échappés une fois aux périls de cette guerre, vivre à toujours exempts de vieillesse et immortels, ni moi-même sans doute tu ne me verrais combattre au premier rang, ni je ne t’appellerais à prendre ta part en cette lutte pleine d’honneur ; mais maintenant, puisqu’il est mille formes imminentes de trépas, qu’il n’appartient aux mortels ni de fuir ni d’éluder, allons, et risquons ou de perdre le triomphe, ou de l’obtenir ! […] En un endroit, lorsqu’elle apprend brusquement à Mars la mort de son fils chéri Ascalaphus, le dieu terrible dans l’accès de sa douleur se met à frapper violemment ses deux florissantes cuisses de la paume de ses mains : le traducteur met simplement qu’il se frappe le corps de ses mains divines ; il oublie que cette forme expressive de désespoir s’est conservée fidèlement jusque chez les Grecs modernes.
Combien de fois n’ai-je point essayé, et sous toutes les formes, d’éveiller, de provoquer à cet égard la sollicitude ! […] vous n’avez pas tout le monde pour vous ; bien des fractions de l’opinion vous échappent ; la jeunesse des Écoles, par exemple, est demeurée récalcitrante et rebelle ; à trois cents pas du Louvre, vous ne régnez pas ; les hautes Écoles ne sont pas du tout pour vous : et c’est dans ces générations de 20 à 25 ans que se forme en grande partie l’avenir d’un pays, on répondait (combien de fois ne l’ai-je pas entendu :) : « Ah : les Écoles ont toujours été ainsi : ces mêmes jeunes gens dans quelques années penseront autrement ; et puis, ce n’est qu’une infiniment petite partie de la nation : nous avons pour nous la masse, les ouvriers des villes et des campagnes. — Les Écoles, le quartier Latin, qu’est-ce que cela nous fait ? […] A le prendre ainsi, et vu l’urgence, vu la prorogation du Corps législatif, qui a pu être nécessaire, mais qui est survenue irrégulièrement et qui a choqué et interloqué ce Corps, vu bien d’autres circonstances que chacun sent assez sans qu’on les dise, il me semblait que le Sénat aurait pu procéder plus vite, motiver son empressement même par la condition fâcheuse qui était faite au Corps législatif, resté en l’air et en suspens, se mettre dès le premier jour avec ce Corps dans des relations d’égards et de bons procédés et, en vérité, quand je vois les modifications apportées au sénatus-consulte après une discussion si laborieuse, je trouve qu’il eût été mieux de l’accepter et de l’acclamer sous sa première forme.
Cette excentrique et puissante figure s’enlève avec un relief, une netteté incroyables : profil, accent, gestes, grimaces, changements instantanés de ton, de posture, l’identité foncière et toutes les formes mobiles qui la déguisent, tout est noté dans l’étourdissant dialogue de Diderot. […] Les formés de la vie, et l’activité de la vie, c’est cela que l’artiste doit s’attacher à rendre : plus ces formes auront de particularité, plus cette activité sera intense, et plus il y aura de beauté dans l’être. […] Il a, de plus, celui de sentir, de signaler le caractère, la justesse expressive des physionomies, des gestes, des attitudes ; ses critiques et ses remarques sont d’un goût original ; on reconnaît l’homme qui voyait naturellement dans leur particularité et dans leurs rapports respectifs les formes extérieures de la vie.
L’originalité de la forme ou de la pensée a presque toujours besoin, pour s’achever, du recueillement d’un travail volontaire… Elle s’atténue et s’efface en se dispersant. […] Un artiste ne jouit que des formes et ne considère les hommes et les choses que sous un angle particulier ; le curieux les saisit tour à tour sous tous leurs aspects. […] Il se délecte au spectacle des sentiments les plus violents auxquels une créature humaine puisse être en proie, se traduisant par les lignes, les formes, les mouvements, les signes extérieurs les plus gracieux et les plus séduisants.
Sous cette forme primitive il est vieux comme le monde ; c’est le crime de Satan : Non serviam. […] Mais notre siècle a inventé une forme nouvelle du péché de malice, quelque chose de bâtard et de contradictoire : le péché de malice sans la foi, le plaisir de la révolte par ressouvenir et par imagination. […] Quelle force d’âme, quand on y songe, dans cet acharnement à garder jusqu’au bout, en présence des autres hommes, l’apparence et la forme extérieure du personnage spécial qu’on a rêvé d’être et qu’on a été !
Et en même temps sa forme, la moins circonscrite, la moins matérielle, la plus diffusible des formes dont jamais langage humain ait revêtu une pensée de poète, est d’un symbole constant, partout lucide et immédiatement perceptible. […] Philarète Chasles C’était la plus étonnante créature de Dieu, la plus instinctive, la moins apte à conduire les affaires ou à juger les hommes, la mieux douée pour s’élever, planer, ne pas même savoir qu’il planait, tomber dans un abîme et un gouffre de fautes, sans avoir conscience d’être tombé ; sans vanité, car il se croyait et se voyait au-dessus de tout ; sans orgueil, car il ne doutait nullement de sa divinité et y nageait librement, naturellement ; sans principes, car, étant Dieu, il renfermait tous les principes en lui-même ; sans le moindre sentiment ridicule, car il pardonnait à tout le monde et sc pardonnait à lui-même ; un vrai miracle, une essence plutôt qu’un homme ; une étoile plutôt qu’un drapeau ; un arome plutôt qu’un poète, né pour faire couler en beaux discours, en beaux vers, même en actes charitables, en hardis essors, en spontanées tentatives, les trésors les plus faciles, les plus abondants d’éloquence, d’intelligence, de lyrisme, de formes heureuses, quoique trop fluides ; de grâces inépuisables, non pas efféminées, mais manquant de concentration, de sol et de virilité réfléchie.
L’égoïsme revêt des formes plus subtiles, plus compliquées, plus délicates et plus profondes. […] La vie collective n’est pas un simple prolongement de la vie individuelle ; elle est quelque chose de nouveau ; une puissance sui generis qui se forme en dehors et au-dessus des individus ou plutôt qui coexiste avec eux ; car jamais on n’a connu d’individus vivant dans l’isolement. […] Ce rationalisme sociologique et moral est plutôt une forme de l’humanisme ou du socialisme (au sens large du mot) qu’un véritable individualisme.
Essai sur Adolphe Si Benjamin Constant n’avait pas marqué sa place au premier rang parmi les orateurs et les publicistes de la France, si ses travaux ingénieux sur le développement des religions ne le classaient pas glorieusement parmi les écrivains les plus diserts et les plus purs de notre langue ; s’il n’avait pas su donner à l’érudition allemande une forme élégante et populaire, s’il n’avait pas mis au service de la philosophie son élocution limpide et colorée, son nom serait encore sûr de ne pas périr : car il a écrit Adolphe. […] Comme elles aperçoivent en dedans un monde supérieur plus grand, plus beau, plus varié ; comme elles ont peuplé leur conscience des souvenirs d’une vie imaginaire ; comme elles comparent incessamment le spectacle de leurs journées au spectacle de leurs rêveries, le dédain et l’impertinence ne sont chez elles qu’une forme particulière de la douleur. […] Comme si elle se repentait d’avoir obéi, la femme donne à toutes ses prières la forme d’un commandement.
Hébron, la ville patriarcale par excellence, située à deux pas du désert de Judée et à quelques heures du grand désert d’Arabie, était dès cette époque ce qu’elle est encore aujourd’hui, un des boulevards de l’esprit sémitique dans sa forme la plus austère. […] Jamais pourtant, avant notre baptiste, on n’avait donné à l’immersion cette importance ni cette forme. […] Cette forme se trouve dans le Talmud de Jérusalem (Schebiit, IX, 2) et dans les Targums de Jonathan et de Jérusalem (Nombres, XXII, 35).
Forme définitive des idées de Jésus sur le Royaume de Dieu. […] Les idées apocalyptiques de Jésus, dans leur forme la plus complète, peuvent se résumer ainsi : L’ordre actuel de l’humanité touche à son terme. […] Ceux qui ne se plient pas à concevoir l’homme comme un composé de deux substances, et qui trouvent le dogme déiste de l’immortalité de l’âme en contradiction avec la physiologie, aiment à se reposer dans l’espérance d’une réparation finale, qui sous une forme inconnue satisfera aux besoins du cœur de l’homme.
Dumas, c’est la forme incomplète et presque frivole qu’il a donnée à une question scabreuse et dramatique entre toutes, encore pleine de catastrophes et de larmes : celle du fils naturel, et de sa position, offensive et défensive à la fois, vis-à-vis de la loi qui le déshérite et du père qui l’a délaissé. […] Un Père prodigue Sous une tout autre forme et dans un milieu différent, le sujet du Père prodigue est le même que celui du Fils naturel : la paternité y est encore jugée et censurée par l’enfant. […] Cet indigne soupçon entre dans la maison sous la forme rampante de M. de Tournas.
Sans doute une pluralité de parties peut former une unité au point de vue de celui qui la considère extérieurement : la Grande-Ourse forme une constellation dont l’unité est constituée par l’esprit qui la contemple ; mais cette constellation n’est pas une unité pour elle-même. […] Il ne voit pas que cette liberté de penser n’est qu’une des formes de la responsabilité personnelle, l’une des preuves les plus évidentes de notre libre individualité. […] Toutefois il est certain qu’avant le xviiie siècle ni les jurisconsultes ni les théologiens n’avaient vu clairement tout ce que contenait ce principe de la personnalité : droits de la conscience, droits de la pensée, droits du travail, droits de la propriété, toutes ces formes légitimes de la personne humaine étaient méconnues, altérées ou opprimées.
Chompré, qui forme un vol. […] Quoique ce livre soit d’un très-petit format, il y a certainement plus de choses & de sens, de raison, de philosophie, de vues, que dans beaucoup de gros volumes, où la forme est absorbée par la matiere. […] A l’égard de la forme, je vous dirai qu’en approuvant le genre épistolaire dont le reviseur ou le compilateur s’est servi, j’aurois voulu qu’il en eût proscrit l’enflure, l’affectation, la déclamation, le ton de collège, la superfluité des mots & les répétitions importunes ; ce qui n’empêche pas que le style en général ne soit assez bon.
Mais, même en se continuant dans ce cercle pacifique, sa vie en devenait déjà l’un des plus incontestés ornements, et elle allait prolonger, sous une forme moins régulière et plus grandiose, cette galerie des salons illustres de l’ancienne société française. […] Dans les autres écrits qu’elle publia jusqu’en 1803, Mme de Staël, nous le verrons, se rattacha de plus en plus près à cette forme de gouvernement et aux conditions essentielles qui la pouvaient maintenir. […] Il a quelques-uns des défauts de la Nouvelle Héloïse, et cette forme par lettres y introduit trop de convenu et d’arrangement littéraire. […] Mais ce défaut de forme une fois admis pour Delphine, que de finesse et de passion tout ensemble ! […] Janus ici lui-même apparaît mutilé ; Son front vers l’avenir n’a forme ni lumière, L’autre front seul regarde un passé désolé.
Le même génie laisse deux fois la même empreinte, dans la pensée, puis dans la forme. […] Il prenait leur mythologie, leurs allégories, parfois leurs concetti487, et retrouvait leur riche coloris, leur magnifique sentiment de la nature vivante, leur inépuisable admiration des formes et des couleurs. […] Plût à Dieu qu’il eût pu l’écrire, comme il l’essaya, en façon de drame, ou mieux, comme le Prométhée d’Eschyle, en forme d’opéra lyrique ! […] Parmi celles-ci, l’Imagination tient le principal office ; avec toutes les choses extérieures que les sens représentent, elle crée des formes aériennes que la Raison assemble ou sépare, et dont elle compose tout ce que nous affirmons ou nions. […] L’autre forme, — si l’on peut appeler forme ce qui n’avait point de forme distincte — dans les membres, dans les articulations, dans la stature, — ou substance, ce qui paraissait une ombre… Elle était debout, noire comme la nuit, — farouche comme dix furies, terrible comme l’enfer, — et secouait un dard formidable.
La sensibilité n’évolue pas, mais seulement les formes qu’elle suscite. […] Il arrive cependant qu’une sensation, longtemps gardée en leur cœur, y prenne la forme même de leur être secret, et se cristallise en un beau vers, immuable. […] Éternité mensongère de l’art, aussi éphémère presque que les formes fugitives qu’il tente de sauver de l’oubli. […] Rousseau, et depuis, sous une forme nouvelle, Francis Jammes. […] C’est puéril de leur emprunter la forme de leur langage.
Toutes les formes et toutes les idées qui venaient de plaire se retrouvaient chez lui, mais épurées, modérées, encadrées dans un style d’or. […] De la gaieté, puis des extases, puis des miévreries, puis de la satire, puis des effusions, tous les prompts mouvements, toutes les variations brusques, comme d’un feu qui pétille et flamboie, et renouvelle à chaque instant sa forme et sa teinte ; que l’âme est riche, et comme elle sait vivre cent ans en un jour ! […] Mais la passion personnelle et les préoccupations absorbantes qui ordinairement maîtrisent la main de ses pareils lui ont manqué ; il n’a point trouvé en lui-même le plan d’un édifice nouveau ; il a bâti d’après tous les autres ; il a simplement choisi parmi les formes les plus élégantes, les mieux ornées, les plus exquises. […] Les arbres de l’Australie et de la Chine sont venus orner les massifs par l’élégance ou la singularité de leurs formes étrangères ; le copper beech étend sur la délicate verdure des prairies l’ombre de ses feuilles noirâtres à reflets de cuivre. […] Si dans ce tumulte de formes mouvantes on cherche quelque œuvre solide qui prépare une assiette aux opinions futures, on ne trouve que les lentes bâtisses des sciences, qui çà et là, obscurément, comme des polypes sous-marins, construisent en coraux imperceptibles la base où s’appuieront les croyances du genre humain.
Il y a loin de là, sans doute, aux futiles questions d’art, de langue, de prose ou de vers ; mais l’art, la langue, la prose ou les vers ne sont que les formes des idées ; c’est le fond qu’il faut d’abord considérer, si nous voulons que ce cours de littérature universelle soit en même temps un cours de pensée et de raison publique. […] Si l’homme n’avait que des instincts comme les animaux, il n’aurait qu’une forme de société immuable ; c’est parce que l’homme est doué de la raison et de la liberté qu’il éprouve, transforme et améliore sans cesse ses gouvernements. […] Il est vêtu d’un manteau d’étoffe à plis lourds qui enveloppe ses épaules et ses bras, et qui est ramené sur ses genoux ; ses deux mains, petites et maigres, sont jointes sur sa poitrine ; elles s’appuient sur une espèce de houlette à deux pieds, qui, à son extrémité inférieure, a un peu la forme allongée d’une lyre grecque. […] Une longue barbe d’une finesse ondoyante et d’une forme qui trahit le peigne et le parfum glisse en frisure jusque sur sa poitrine. […] Ainsi la loi politique et la loi civile ne sont qu’une seule et même loi sous deux formes, l’autorité de l’amour en haut, l’obéissance par l’amour en bas.
Alors le haut royaume de l’esprit, les grandes profondeurs de la méditation, les pêches miraculeuses, les élévations dans les nues où se forme la foudre ? […] Peut-être pourrait-on dire qu’à considérer la perfection des œuvres, la passion de la recherche soit pour changer le fonds d’inspiration, soit pour innover dans le domaine de la forme, l’a emporté au xixe siècle sur la volonté d’obtenir des réalisations harmonieuses. […] Il y aura toujours des évolutions littéraires, parce que la souffrance, la haine, la guerre, la mort dureront toujours sous mille formes et qu’il y a mille formes de protestation contre elles. […] L’histoire de notre civilisation n’est pas celle de l’établissement d’un dogme, mais une longue et anxieuse recherche du mieux, sous de multiples formes. […] Ce fut l’âge des théories audacieuses, des curiosités impatientes, des recherches passionnées… Or, voilà qui est admirable et prodigieux, à tant d’ébauches, la France donne une forme et une voix.
On peut étendre à l’infini le degré, la forme des sensations qu’il est possible d’éprouver à l’audition de Tristan. […] On fera même bien de remarquer à cette occasion, combien pernicieuse est l’habitude d’employer si souvent en parlant de Wagner les expressions telles que : idées théoriques, système, école, forme définitive de l’art. […] il n’a eu de système, ni de théorie ; jamais il n’a prétendu imposer une forme définitive à l’art. […] D’autres encore voient dans le Ring le système poussé à ses dernières limites, et saluent avec joie, comme une concession au goût du public, la forme mélodique souvent plus arrondie dans Tristan, la réintroduction de la rime, etc. […] Poétesse, Wagner mit en musique cinq de ses poèmes qui forme le cycle des Wesendonck Lieder.
La même situation s’y présente sans cesse sous de nouvelles formes. […] La scène qui forme le second acte de Don Juan est une des plus célèbres et des plus parfaites. […] c’est une belle et bonne déclaration, une déclaration en due forme. […] Une idée n’y existe qu’à la condition d’être revêtue d’une forme dramatique. […] Voilà ce que c’est qu’une forme dramatique.
Il devait, d’abord, s’éloigner autant que possible de toute forme classique : point de règles ! […] Je veux te suivre : ma forme blanche, comme un esprit, regardera vers toi du haut de ces murailles. […] Une forme sombre et noire de moine s’avance. […] Je le vois distinctement, je vois sa forme, ses mouvements. […] Et est-ce que je ne m’instruis pas, en observant les formes d’un beau sein, en promenant ma main sur les hanches ?
Au dedans, il fait sombre ; on voit les lits en forme d’armoire alignés avec les bahuts le long du granit brut des murs. […] Les désillusions de la jeune fille commencent, et c’est leur défilé qui forme l’ensemble du roman. […] Le sentiment qui l’a dicté se retrouve sous toutes les formes à l’insu de l’écrivain. […] La forme est belle et puissante, et c’est d’elle, que les Blasphèmes tiennent leur véritable valeur. […] Aussi, n’est-ce point à la forme qu’il faut s’en prendre, mais parfois au fond même de l’idée.
Voltaire avait connu Bernis poète et galant ; il l’avait beaucoup vu en société et sous sa première forme dissipée et légère. […] C’est une dissertation continuelle et ennuyeuse : rien n’est plus plat qu’une politique superficielle. » Il redira cette même pensée avec une grâce et une vigueur nouvelles, et en résumant sous forme piquante les diverses variations de modes et d’engouements auxquelles il avait assisté dès sa jeunesse : À l’égard de Paris (juillet 1762), je ne désire d’y habiter que lorsque la conversation y sera meilleure, moins passionnée, moins politique. […] Il comprit la question posée par la Constituante dans toute son étendue, et, devançant dès novembre 1790 l’heure du Concordat, il disait : Si l’on aimait le bien, la paix et l’ordre ; si l’on était de bonne foi ; si l’on était attaché à la religion qui seule est l’appui de toute autorité et de toute forme de gouvernement, jamais pape n’a été plus porté à la conciliation que celui-ci… Mais, si l’on veut tout détruire et faire une religion nouvelle, on y rencontrera des difficultés plus grandes qu’on ne croit. […] Heureux pourtant et favorisé jusqu’à la fin, puisqu’il lui fut donné, par ses derniers sacrifices, de pouvoir racheter et expier en quelque sorte les mollesses de ses débuts, de confesser une religion de pauvreté par un coin d’adversité salutaire, et de prouver qu’il y avait en lui, sous ces formes tour à tour aimables et dignes, un fonds sincère de générosité humaine et chrétienne !
Ne demandez point à cette histoire les formes, les allures nouvelles, ces surprises de vues et de couleurs, ce paradoxe des conclusions, ni tout cet imprévu auquel maintenant l’on est fait et auquel on s’attend. […] Oh voit ici bien naturellement cette première forme du roi capitaine et guerrier dans Henri IV, tout prêt néanmoins à entendre toutes choses et à devenir un grand roi politique et civil dès qu’il en aura le besoin et l’instant. […] Si la France s’était assise et établie sous Henri IV et sur les bases de la société d’alors, si elle y avait acquis son ciment qui l’eût fixée sous la forme qu’elle semblait affectionner de 1600 à 1610, l’élément prédominant, je l’ai dit, eût été le gentilhomme rural, disséminé dans le pays, le cultivant, mais aussi le possédant ; prenant volontiers la charrue après l’épée, mais ayant aussi seul le droit de porter l’épée, ayant le droit de justice sur le paysan, etc. […] Noblesse généreuse et brave, bien française, et qui a su accepter depuis et pratiquer l’égalité sur tous les champs de bataille ; mais si quelques descendants de cet ordre, qui était le préféré du prince dans l’État, pouvaient, dans des considérations rétrospectives, regretter la forme intérieure de monarchie qui parut possible un moment sous Henri IV, ils ne feraient qu’obéir à des instincts ou à des intérêts particuliers de race : les fils du peuple, les enfants du tiers état, arrivés à la vraie égalité, et qui n’ont pas perdu pour attendre, n’ont rien à y voir ; ce sont vœux et utopies en arrière38.
En un mot, sans faire injure à aucune entre les différentes formes d’institutions existantes, je crois à des hommes et à des génies gouvernants, et j’estime que, dans toutes les variétés de vocations et de capacités humaines, c’est celle-ci qui tient le premier rang. […] Benjamin Constant s’en empara, pour y répondre en orateur, habile et faire une profession de foi libérale, et d’un libéralisme qui ne s’enchaînait pas à telle ou telle forme de gouvernement. […] Les républicains n’ont pas pris le change : si quelques droits précieux ont été passagèrement suspendus, si quelques formes ont été violées, si quelques parties de la liberté ont été froissées, nous en accusons le royalisme ; c’est lui qui nous a poussés dans ces défilés où le danger semblait motiver l’oubli momentané de la loi. […] Tous deux sont blasés, et expriment ce fond d’ennui dont ils sont pleins, sous la forme d’un petit livre qui reste leur chef-d’œuvre : mais l’un, grand artiste, ajoute à son ennui la flamme, et l’on a René ; l’autre y met de son ennui et de sa tristesse partout, et l’on a Adolphe, qui, pour les connaisseurs psychologues, ne le cède pourtant point à l’autre, mais qui n’a ni l’action sur le public ni le prestige.
Toute œuvre étrangère, en passant par la France, par la forme et par l’expression française, se clarifie à la fois et se solidifie, de même qu’en philosophie une pensée n’est sûre d’avoir atteint toute sa netteté et sa lumière, que lorsqu’elle a été exprimée en français. […] ayons toutes les qualités, s’il se peut, et le moins possible les défauts de nos divers âges ; mais gardons-nous, tout en faisant pour la forme nos légers mea culpa, de prétendre retoucher à notre jeunesse, — aux œuvres et aux actes de notre jeunesse ; — et surtout si ç’a été celle du grand Corneille. […] Cette scène offre le parfait exemple de ces vers à double compartiment qui sont de l’essence de la tragédie, mais qui appartiennent plus particulièrement à la forme de Corneille : « Es-tu si las de vivre ? […] Chimène plaide bien, mais pour la forme : on sent un peu qu’elle déclame, et il n’y a pas de mal qu’on le sente.
Edélestand du Méril a assigné avec une entière précision leur vraie place aux essais des Jodelle, des Grévin, et à la forme plus complète de Garnier ; M. […] Lenient, De la Satire en France ou de la Littérature militante au xvie siècle (1866) ; mais surtout la forme nouvelle de la satire philosophique, politique, morale, y est suivie de près dans les œuvres de Du Bellay, Ronsard, Grévin, Jean de La Taille, Rapin, Passerai, d’Aubigné, jusqu’à Vauquelin de La Fresnaye et Mathurin Régnier. […] Pendant ces siècles intermédiaires, xive et xve , on alla en effet s’embarrassant de plus en plus et comme de gaieté de cœur, jusqu’à épuisement, dans une forme artificielle, dans un labyrinthe de subtilités dont on eut toutes les peines du monde à se dégager ensuite et dont on ne se serait pas tiré sans un heurt violent et un vigoureux coup de coude donné d’ailleurs. […] L’on comprend d’ailleurs ce succès ; les habitudes scolastiques données aux esprits par les théologiens et par les légistes, qui étaient les deux classes de la société spécialement littéraires, rendaient facile à comprendre et intéressante à suivre une forme de pensée et de style qui nous paraît aujourd’hui pénible autant que fastidieuse et monotone, parce que nous ne sommes plus dans un milieu imprégné de ce genre d’études et de ces distinctions quintessenciées qui étaient comme dans l’air.
Cependant la foule des survenants conquiert, possède de plus en plus le matériel et les formes de l’art. […] Il possède le secret ou l’instinct de cette puissante sympathie, qui est le lien incompréhensible du commerce des âmes. » Parmi les reproches qu’il se permet de lui adresser, il lui trouve un peu trop de ce vague qui plaît dans la poésie, qui en forme un des caractères essentiels, mais qui doit en être l’âme, et non le corps : est-il possible de mieux dire143 ? […] Soit dans le fond, soit pour la forme, en quoi peut-il nous flatter, nous séduire, nous irriter si l’on veut, nous toucher enfin pour le moment, sauf à réunir ensuite les conditions immortelles ? […] Je laisse subsister la forme première des articles jusque dans ces points de rappel qui sont comme la liaison de la causerie.
Jeune, on rêve la gloire littéraire sous une forme plus brillante, plus idéale, plus poétique ; on tente l’arène lyrique ou la scène, on se propose tout bas ce qui donne le triomphe au Capitole et le vrai laurier. […] L’ancienne critique, à voir paraître cet adversaire inattendu, ne pouvait méconnaître ni son propre costume, ni ses formes mêmes, en ce qu’elles avaient de net, de judicieux et d’excellent ; elle s’étonnait d’autant plus des conséquences : Miraturque novas frondes et non sua poma. […] Sur une foule de points et de sujets, lui, sorti primitivement du giron classique et fidèle à bien des préceptes d’autrefois, il s’est trouvé l’un des plus avancés et des plus osés, l’un des moins prévenus contre l’idée ou la forme survenante, un des plus accueillants et des plus patients des chercheurs. […] Sans doute le beau reste toujours beau, et il ne varie pas d’hier à demain ; mais il y a aussi dans les œuvres la forme, le cadre, l’art, l’artificiel même, si vous voulez.
On peut dire que, pour bien des esprits distingués, c’était un compte rendu de leurs impressions et de leurs jugements sous une forme nette qu’ils durent vite adopter et reproduire9. […] Un historien très-estimable et très-méritant, M. de Sismondi, plus soucieux des sources et plus porté aux recherches originales qu’on ne l’avait été avant lui, gardait avec cela les formes de l’école philosophique ; il imposait ou du moins il accolait son opinion du jour au fait d’autrefois. […] Enfin la campagne qui se termina à la bataille de Nancy, et qui forme la troisième période de la guerre de Bourgogne, cette expédition dans laquelle le duc de Lorraine recruta dans les cantons, moyennant solde fixe, les hommes d’armes de bonne volonté, ne fut à aucun titre une guerre nationale, pas plus que toutes celles du même genre où les troupes suisses capitulées ont figuré depuis. […] Sa critique diffère essentiellement de celle de Chénier, dans la même forme concise du tableau, en ce que Chénier résume d’un trait le caractère littéraire d’un talent, et que M. de Barante résume d’un mot l’idée de ce talent.
Chrétien d’inspiration, il est païen de forme. […] Le poëte suppose que le jeune Télémaque, fils d’Ulysse et de Pénélope, conduit par la Sagesse sous la forme d’un vieillard nommé Mentor, navigue sur toutes les mers de l’Orient à la recherche d’Ulysse, son père, que la colère des dieux repousse pendant dix ans de la petite île d’Ithaque, son royaume. […] Seize ans après que Télémaque, imprimé sous toutes les formes et traduit en toutes les langues, inondait l’Europe, les orateurs à l’Académie française, en parlant des œuvres littéraires du temps, se taisaient sur le livre en possession du siècle et de la postérité. […] Pendant l’hiver et pendant la disette de 1709, cette charité s’exerça avec un zèle plus actif et sous les formes les plus diverses, pour répondre à la triple épreuve de la guerre, du froid et de la famine.
Ces tours si vifs et si heureux cette élégance peu ornée, parce que l’ornement gâterait le sens, ces proverbes populaires semés dans l’entretien à l’appui des réflexions, ce sont les vraies traditions de la comédie, et de tous ces ouvrages de formes diverses, dont la vie sociale est la matière. […] Les lettres de Marguerite, presque toutes écrites à son frère, quoique d’un tour moins vif que ses contes, à cause des formes de respect qu’elle observe à l’égard du roi jusque dans les expressions du plus tendre attachement pour le frère, sont pleines de cette douceur de cette adresse, de cette insinuation qu’on admire dans les discours de dame Oysille. […] Les rapports qu’il saisit et qu’il exprime, à la différence de ceux que perçoit le génie et dont l’homme en général est l’objet, ne sont-ils pas plus propres à un pays particulier, à une certaine forme de société, à des mœurs locales ? […] Les épîtres de Marot à François Ier sont des modèles de cette flatterie, la forme la plus noble et la plus agréable que puissent prendre dans notre pays la dépendance et l’inégalité, éternelles comme les sociétés humaines.
On ne peut croire que cela eût été à la rigueur impossible, quand on voit l’empressement avec lequel les barbares, dès leur entrée dans l’Empire, embrassent les formes romaines et se parent des oripeaux romains, des titres de consuls, de patrices, des costumes et des insignes romains. […] L’art, la littérature, l’éloquence ne sont vrais qu’en tant qu’ils ne sont pas des formes vides, mais qu’ils servent et expriment une cause humaine. […] Avec l’idée que le paradis est par-delà, on marche toujours et on trouve mieux que le paradis. « Le cœur, dit Herder 185, ne bat que pour ce qui est loin. » Les espérances, d’ailleurs, chimériques peut-être dans leur forme, ne le sont pas, envisagées comme symbole de l’avenir de l’humanité. […] L’étude est comme une corne d’abondance versant d’en haut sur cet arbre des choses de mille couleurs et de mille formes.
Les uns gardent fidèlement les traditions et les habitudes de l’époque précédente ; les autres préparent les idées et les formes de l’époque suivante ; et comme l’art d’une nation oscille toujours entre deux pôles, idéalisme et réalisme, analyse et synthèse, pessimisme et optimisme, etc., comme sa pensée se développe par actions et réactions, il arrive souvent que les attardés sont en même temps des précurseurs partiels, qu’en demeurant attachés aux conceptions d’hier ou d’avant-hier ils annoncent déjà celles de demain ou d’après-demain. […] Les hommes de ce temps-là essaient de donner aux formes du moment une éternelle fixité. […] La prose deviendra peu à peu tendue et subtile, et, dès le début de l’époque suivante, La Bruyère pourra écrire : « On a mis dans le discours tout l’ordre et toute la netteté dont il est capable ; cela conduit insensiblement à y mettre de l’esprit. » Cette même tendance de la littérature à devenir de plus en plus raisonnable et raisonneuse se montre sous une autre forme au théâtre. […] Les écrivains dramatiques du temps semblent convaincus que l’homme est le même dans tous les siècles et sous toutes les latitudes ; frappés par cette moitié de vérité, que le fond des sentiments ne change guère au cours des siècles, ils négligent de parti pris l’autre moitié, à savoir, que la forme, la combinaison et l’intensité de ces mêmes sentiments sont dans une mue incessante.
Galiani avait pris à dessein cette forme du dialogue, comme plus française : « Cela est naturel, disait-il ; le langage du peuple le plus social de l’univers, le langage d’une nation qui parle plus qu’elle ne pense, d’une nation qui a besoin de parler pour penser, et qui ne pense que pour parler, doit être le langage le plus dialoguant. » Quant au fond, en combattant les idées absolues et les raisonnements des économistes, Galiani visait à faire entrevoir les idées politiques qui doivent régir et dominer même ces matières. […] Il prétendait, selon sa façon demi-sérieuse, demi-bouffonne, et où la pensée se doublait du calembour, qu’il y avait trois sortes de raisonnements ou résonnements : 1º raisonnements de cruches ; c’était, à ce qu’il croyait, les plus ordinaires, ceux du commun des hommes ; 2º raisonnements ou résonnements de cloches ; c’étaient ceux de bien des poètes et orateurs, de gens de haut talent, mais qui s’en tenaient trop, selon lui, aux apparences, aux formes majestueuses et retentissantes de l’illusion humaine. […] Ce qu’on peut dire, c’est que Galiani mourut selon les formes et les convenances de son habit et de son pays, non sans avoir trouvé jusqu’à la dernière heure quelque plaisanterie à la Rabelais. […] répondrai-je dans la même forme et avec le même appareil, si vous ouvrez les Mémoires de l’abbé Morellet (Paris, 1821, 2 vol. in-8º), à la page 131 et suiv. du tome I, vous lisez précisément tout au long et en très gros caractères le conte même que j’ai cité.
Les années donnèrent à ses traits et à ses formes plus de raideur, sans lui ôter de cette promptitude et de cette pétulance qui ne lui permirent jamais la gravité. […] Nous la retrouvons au printemps de 1660, faisant partie de la Cour pendant les conférences de la paix des Pyrénées, et se livrant à son imagination encore, non plus sous la forme héroïque, mais sous la forme pastorale. […] Dans la lettre au roi où elle demande d’épouser Lauzun, Mademoiselle a soin de faire sonner bien haut cette chaîne de précieuse servitude et de domesticité, qui, selon elle, honore plus que tout, et dont elle réclame sa part : « Je dis tout ceci à Votre Majesté pour lui marquer que plus on a de grandeurs, plus on est digne d’être vos domestiques. » Il y avait quelque chose à quoi Lauzun tenait plus encore qu’à être le mari de Mademoiselle, le duc de Montpensier et le plus grand seigneur du royaume, c’était d’être du dernier bien avec son maître. — Je note expressément la forme régnante de platitude de ce temps-là : n’allons pas nous flatter de n’avoir point la nôtre.
Tant que Rollin n’écrivait qu’en latin, il imitait, il copiait les anciens, en répétait les centons, et presque dans les mêmes formes ; rien ne ressortait aux yeux. […] Tout cela ne se fait pas par forme d’étude ; c’est en jouant, en conversant, en se promenant. […] Depuis lui, on a eu des maîtres d’une autre nature, ambitieux eux-mêmes et disant à leurs élèves hautement : « Ayons de l’ambition, messieurs, il en faut… » ; des maîtres éloquents, hardis, quelquefois présomptueux, bons à leurs disciples, mais au besoin jaloux aussi et rivaux si ces derniers grandissent trop et s’émancipent ; des maîtres enfin désirant rester tels toujours et sous toutes les formes, aimant la domination, et sachant sans trop de difficulté passer de l’exercice de renseignement à la prise de possession du pouvoir politique. […] La jeunesse a été en proie à des tristesses extraordinaires, aux fausses douceurs d’une imagination bizarre et emportée, au mépris superbe de la vie, à l’indifférence qui naît du désespoir : une grande maladie s’est manifestée sous mille formes diverses.
Bernardin, qui a sollicité à satiété, s’irrite de la forme, et du fonds sur lequel la somme est assignée ; c’est comme officier du roi, comme capitaine-ingénieur qu’il veut être indemnisé, ou comme ayant servi la politique française en Pologne ; il écrit au ministre « qu’il lui est impossible d’accepter une aumône de son département ». […] n’étaient que pour la forme et ne tinrent pas. […] C’est une forme que quelques raisons empêchent de changer. » La seconde lettre inédite que je donnerai se rapporte à la gratification sur le Mercure : « Versailles, le 13 août 1785. […] Dites-moi, je vous prie, pourquoi vous voulez, dans une chose établie, intervertir l’ordre reçu, pourquoi vous ne regardez pas une note de gratification arrêtée par le roi dans la forme ministérielle comme un titre suffisant, pourquoi vous voulez surcharger le ministre de Paris de lettres de notifications pour des objets minimes, enfin pourquoi vous vous choquez de ce qui oblige les autres ?
Elle ne lui a donné la plénitude des formes ni du bœuf, ni du cheval, ni de l’éléphant ; mais, le bornant au plus étroit nécessaire, elle lui a placé une petite tête sans oreilles au bout d’un long cou sans chair. […] Son lait nourrit la famille arabe, sous les diverses formes de caillé, de fromage et de beurre ; souvent même on mange sa chair. […] Quoique par la forme ce livre n’eût rien de séduisant, et qu’il rompît par le ton avec la mollesse des écrits en vogue sous Louis XVI, quoiqu’il ne fût pas possible, pour tout dire, de moins ressembler à Bernardin de Saint-Pierre que Volney, celui-ci trouvait, à certains égards, un public préparé : c’était l’heure où Laplace physicien, Lavoisier chimiste, Monge géomètre, et d’autres encore dans cet ordre supérieur, donnaient des témoignages de leur génie. […] Je ne crois nullement, comme l’a dit un esprit d’ailleurs judicieux, que Les Ruines constituent un type dans notre littérature : mais c’est en effet un livre qui, par le ton, est bien le contemporain de certaines formes de David en peinture, de Marie-Joseph Chénier et de Le Brun en poésie.
Que cette analogie soit simplement celle qui existe entre tous les êtres animés comme pour certaines notions expérimentales rudimentaires, qu’elle soit celle de tous les êtres humains, comme pour certaines lois très simples de morale, qu’elle unisse la race, la cité, la nation, ou qu’infiniment plus marquée, elle associe un groupe d’individus pris au hasard, dans une admiration ou dans une tâche commune, c’est elle qui établit entre fauteur et les exécuteurs d’un dessein, entre fauteur et les partisans d’une œuvre, le lien qui fait participer à la réussite de l’un comme de l’autre, celui qui le conçut, mais fut impuissant à l’exécuter, et ceux qui exécutèrent, mais ne l’auraient imaginé, — celui qui la forma mais n’aurait pu faire revivre cette forme muette dans de chaudes âmes humaines, et ceux qui la prirent, l’adoptèrent, la couvèrent, la reproduisirent dans leur esprit, mais n’eussent pu la concevoir et l’exprimer. […] Une direction, un type, un entreprenant, un but, peuvent apparaître seuls et sans suite : une force, une variété animale, une masse d’hommes actifs, une volonté ne peuvent être conçus indéterminés ; le rapport qui unit ces deux facteurs est le même que celui qui relie la forme et la substance d’Aristote ; c’est un rapport de plasticité, de formation, d’assimilation, d’imitation enfin ; des facteurs que cette relation unit en un ensemble, c’est le premier en fonction de temps qui est le générateur et qui participe le plus largement à l’existence ; comme un nombre produit ceux qui le suivent et se multiplie en eux, un grand homme s’agrège la foule et grandit par sa masse. […] Nous avons montré que dans l’état actuel de nos connaissances, et dans la forme absolue de ces théories, l’hérédité individuelle et l’ascendant du milieu ne s’exercent pas avec une telle régularité que l’on puisse ni en constater invariablement ni en prévoir les effets. […] Ce rapport dépend, selon nous, du principe de l’imitation entre organismes psychiques semblables, qui est une variété particulière du fait de la répétition, et qui semble être la forme de ce fait, propre à la société humaine, beaucoup plus que l’hérédité.
Ne dites pas qu’il en est de même des fonctions physiologiques, dont le comment échappe à nos sens : je répondrais que le comment de la pensée nous échappe également, mais que le phénomène de la pensée nous est parfaitement connu et qu’il ne nous est connu qu’intérieurement ; bien plus, qu’il ne peut être en aucune façon représenté sous une forme objective. […] Se représenter cette cause intérieure sous la forme des phénomènes externes, n’est-ce pas comme si on voulait changer un cercle en carré ? […] C’est ce que disait Leibniz : « L’opinion des formes substantielles (ou forces ) a quelque chose de solide ; mais ces formes ne changent rien dans ces phénomènes, et ne doivent pas être employées pour expliquer les effets particuliers. » (Correspondance de Leibniz et d’Arnaud, lett.
Bien peu ont résisté à cet entraînement, au risque de s’entendre reprocher leur épaisseur d’esprit… » La négation des vérités platoniciennes ne laissa subsister que le culte de la forme. […] Ce n’est plus l’Art-Miroir qu’il faudrait dire, mais le Poète-Protée, qui revêt, tour à tour, et selon ce qu’il veut chanter, une forme nouvelle et une apparence imprévue. […] « Le rôle de la poésie est d’agrandir la conscience humaine au-delà même des vérités contrôlées : la poésie réalisée est la forme transcendante du savoir. […] Car il y a deux sens au mot classique, ainsi que l’a marqué Sainte-Beuve : « Le mot classicus se trouve employé dans Aulu-Gelle et appliqué aux écrivains ; un écrivain de valeur et de marque, classicus assiduusque scriptor, un écrivain qui compte, qui a du bien au soleil… Un vrai classique, comme j’aimerais à l’entendre définir, c’est un auteur qui a enrichi l’esprit humain, qui en a réellement augmenté le trésor, qui lui a fait faire un pas de plus, qui a découvert quelque vérité morale non équivoque ou ressaisi quelque passion éternelle… qui a rendu sa pensée, ou son observation, sous une forme n’importe laquelle, mais large et grande, fine et sensée, saine et belle en soi, qui a parlé à tous dans un style à lui, et qui se trouve celui de tout le monde, dans un style nouveau sans néologisme, nouveau et antique, aisément contemporain de tous les âges.
Les autres acolytes se soutiennent très bien à côté de lui et pour la forme et pour la couleur. […] Dans les scènes les plus effrayantes, si les spectateurs sont des personnages vénérables ; si je vois sur leurs fronts ridés et sur leurs têtes chauves, l’annonce de l’âge et de l’expérience ; si les femmes sont composées, grandes de forme, et de caractère de visage ; si ce sont des natures patagonnes, je serois fort étonné d’y voir beaucoup de mouvement. […] Celle surtout qui est casquée, d’un esprit infini pour la forme et la touche, ce pié d’estal, de bonne forme ?
L’autre imitation, qui est celle que nous faisons des anciens, devrait consister non point à les copier, non point à imiter leur manière la forme de leur style, la tournure de leurs phrases, leur système de composition, mais à imiter la nature, comme ils l’ont imitée, c’est-à-dire à peindre les objets par l’impression reçue. […] La poésie transporte dans un monde idéal, c’est-à-dire dans un monde où les limites de la liberté de l’homme, de ses facultés, de ses prérogatives, de son intelligence, sont moins restreintes par l’état de déchéance ; dans un ordre de choses où la pureté des formes et de l’expression a moins été altérée par les passions et les sentiments mauvais. […] À côté de la poésie d’inspiration, dont le berceau se confond avec le berceau des peuples, il y a toujours une imitation de cette poésie, laquelle entre dans la forme et non point dans l’essence. […] Alors on a confondu la forme et l’essence de la poésie ; et il en est résulté une poésie de convention.
Ainsi, dans son morceau sur l’Histoire de la Convention par M. de Barante, par exemple, c’est le sentiment de l’historien qu’il examinera, parce qu’il le partage, ce ne sera pas l’œuvre et la forme de son histoire. […] Dans ses écrits les plus littéraires, ce n’est pas la grammaire, ce n’est pas même les formes de la composition qui tiennent le plus de place, c’est le cœur, le vieux cœur humain inépuisable ! […] Une voix s’est élevée en France pour protester contre l’injure jetée à la forme exquise et disparue du plus beau des poètes, et cette voix a été celle de la délicatesse dans le courage, mais elle n’avait pas besoin de s’élever… Rien ne peut désormais contre l’impression que Byron a laissée de lui-même dans le monde. […] IX Et l’injure à l’âme de Byron ne montera pas plus haut non plus que celle qu’on a décochée à sa forme.
Il y a plus : l’enfer, qu’il emplit de sa personnalité tourmentée et de ses implacables ressentiments, n’est qu’une forme sublime, découverte par le génie de la vengeance. […] L’enfer de feu, dans son intensité dévorante et les cent mille formes de son dévorement, aurait gagné en sublimité de désolation, si, par exemple, l’absence de lumière et l’invisibilité des uns pour les autres avaient été dans la sensation des damnés. […] Pommier a détaillés avec une opulence et un fini qui semblent avoir épuisé les ressources et les combinaisons des démons eux-mêmes, ce qui frappe, ce n’est plus l’invention, ce n’est plus même ce dessin, si pur et si net sur son fond de flamme, des souffrances horribles des damnés, c’est le sentiment qui circule à travers ces formes étranges et ces épouvantements matériels ! […] Amédée Pommier se permette de n’être plus le poète de la forme autrefois si ferme, si droite et si sévère, le Boileau ardent qui s’était chauffé à ce Malherbe de flamme qu’on appelle Victor Hugo ?
La forme du livre, c’est, si vous voulez, celle des parties un peu ennuyeuses de Daphnis et Chloé. […] Et cela forme un très beau tableau. […] Mais surtout, la forme des Plaideurs est unique. […] Les formes de la sensibilité y sont bien nettement celles de la cour de Versailles. […] la forme elle-même s’attendrit en plus d’un endroit de cette lente mais souvent charmante tragédie.
À travers les siècles, ses actes de macération et d’humilité nous arrivent encore sous une forme riante. […] C’est un livre de lecture très douce où, sous une forme poétique recouvrant une âme ardente, sont traitées les plus grandes questions de l’humanité. […] Fuster n’est pas un révolté de la forme du vers français et c’est plaisir de le lire dans ses inspirations et sa clarté. […] Poictevin répondra qu’il s’efforce de sortir des formes « ou du moins de les faire rentrer en leur sens invisible, latent, éternel. […] Bien que la beauté relève de la géométrie, c’est par le sentiment seul qu’il est possible d’en saisir les formes délicates.
L’ancien art catholique, et l’art plus varié des écoles qui se succèdent ; la religion, aujourd’hui sans vie, réduite à des formes encore augustes dans leur inanité ; l’arène de l’antique politique foulée çà et là par quelque vieux prélat, quelque moine sale, par des pâtres velus ou des mendiants en guenilles ; la liberté qui peut toutefois sortir jusque des filets du pêcheur napolitain ; ce que retrouverait alors d’enchantement et de génie cette belle captive ressuscitée : voilà donc les idées vraiment grandes qui ont tour à tour passé de l’âme du poëte dans ses chants. […] André Chénier, pour les Iambes, lui avait fourni à la fois le rhythme et le style, la forme et le tou : ce qui ne veut pas dire que Barbier n’y eût pas apporté une grande verve et une ardeur sincère : il avait reçu en plein le coup de soleil de Juillet.