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1033. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Appendice » pp. 511-516

Léon Laya, renouvellent avec fraîcheur et dans un tour bien moderne ce thème, si cher à l’ancienne comédie depuis et même avant Les Adelphes de Térence, de deux pères ou oncles, l’un sévère, l’autre indulgent, et qui, par ce régime contraire auquel ils soumettent leurs fils ou leurs neveux, arrivent en leur personne à un résultat opposé qui juge la méthode et donne en définitive gain de cause à l’indulgence. […] À cela il a été répondu, moins comme contradiction directe à ce que ces éloges avaient, liitérairement, de mérité, que comme correctif et au point de vue où la commission avait à juger l’ouvrage, qu’il ne paraissait point du tout certain que la peinture fidèle de ce vilain monde fût d’un effet moral aussi assuré ; que le personnage même le plus odieux de la pièce avait encore bien du charme ; que le personnage même le plus honnête, et qui fait le rôle de réparateur, était bien mêlé aux autres et en tenait encore pour la conduite et pour le ton ; que le goût du spectateur n’est pas toujours sain, que la curiosité est parfois singulière dans ses caprices, qu’on aime quelquefois à vérifier le mal qu’on vient de voir si spirituellement retracé et si vivant ; que, dans les ouvrages déjà anciens, ces sortes de peintures refroidies n’ont sans doute aucun inconvénient, et que ce n’est plus qu’un tableau de mœurs, mais que l’image très vive et très à nu, et en même temps si amusante, des vices contemporains, court risque de toucher autrement qu’il ne faudrait, et qu’il en peut sortir une contagion subtile, si un large courant de verve purifiante et saine ne circule à côté.

1034. (1874) Premiers lundis. Tome II « Poésie — Poésie — I. Hymnes sacrées par Édouard Turquety. »

Un peu moins de prévention aurait permis au critique de se souvenir qu’autrefois les étrangers, gens d’esprit, savaient s’approprier l’ancien genre tout aussi aisément qu’ils peuvent faire aujourd’hui pour le nouveau. […] Engagé aujourd’hui dans les fonctions saintes du ministère, il a cru, à l’une de ses courtes heures de loisir, pouvoir reproduire, sous un pseudonyme, d’anciens vers de jeunesse, que, plus heureux que Bèze, il n’a pas eu à rougir de refeuilleter.

1035. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section III. Des ressources qu’on trouve en soi. — Chapitre III. De l’étude. »

Plusieurs traits de la vie des anciens philosophes, d’Archimède, de Socrate, de Platon, ont dû même faire croire que l’étude était une passion ; mais si l’on peut s’y tromper par la vivacité de ses plaisirs, la nature de ses peines ne permet pas de s’y méprendre. […] Quelques anciens, exaltés sur les jouissances de l’étude, se sont persuadés que le paradis consistait seulement dans le plaisir de connaître les merveilles du monde ; celui qui s’instruit chaque jour, qui s’empare du moins de ce que la Providence a abandonné à l’esprit humain, semble anticiper sur ces éternelles délices et déjà spiritualiser son être.

1036. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Grosclaude. »

Car voyez, goûtez, comparez : les anciens hommes n’ont rien eu qui ressemblât à l’esprit des Gaietés de l’année. […] Les raisons que j’ai essayé de démêler n’expliquent pas, en somme, la joie bizarre que me donne l’énorme et placide déraison de ces facéties ; et peut-être aurez-vous beaucoup de peine à comprendre mon admiration et à me la pardonner, et y soupçonnerez-vous quelque gageure… Mais non, il n’y en a point… Je relis l’interview que Grosclaude est allé prendre à la plus ancienne locomotive de France, à l’occasion du cinquantenaire des chemins, de fer, et je n’y résiste pas plus qu’à la première lecture.

1037. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article » pp. 239-252

L’étude des anciens modeles, sur-tout de Virgile, avait disposé sa Muse à cette vigueur d’imagination, à cette énergie de pinceau, qui font toujours les germes assurés du succès. […] Bossuet n’étoit jamais plus en état de donner un libre essor à son éloquence, qu’après s’être nourri de la substance des Livres saints, & s’être animé par la lecture des plus beaux morceaux des anciens Orateurs.

1038. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — R. — article » pp. 8-23

S’ensuit-il de ces éloges justement mérités, qu’il soit sans défauts, & qu’il n’ait pas payé le tribut à cette maxime dont la vérité est aussi ancienne que le monde & ne finira qu’avec lui, nemo ex omni parte beatus ? […] Celui de Racine étoit assez riche pour plaire, & intéresser, sans le secours de ce ressort, qui n’a point été employé dans Athalie, le chef-d’œuvre des Théatres anciens & modernes : rien en effet de plus simple, de plus sublime, de mieux conduit, que cette Piece, & cependant point de sujet plus difficile à traiter.

1039. (1894) Notules. Joies grises pp. 173-184

De l’assonance I Aux saisons d’amour, en d’anciens printemps, l’invite d’un rossignol à de joyeux déduyts, sous les feuillées claires de rosée, perpétuée, — telle dut naître l’assonance.  […] Ceux, tels Leconte de Lisle, Mendès aussi et Silvestre, qui toujours ont gardé intact le culte de la Vénus ancienne, adorèrent uniquement les formes pleines et sans ombres, les contours nets, accusés lie la sorte dure et rigide qui caractérise la statuaire grecque.

1040. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — M. de Voltaire, et l’abbé Desfontaines. » pp. 59-72

C’est dans ces écrits périodiques que Desfontaines a paru aux yeux de ses partisans l’Aristarque de nos jours : c’étoit à leur gré un critique judicieux, qui avoit le tact sûr, avec un talent singulier pour saisir les beautés & les endroits foibles d’un ouvrage ; pour les présenter au public dans leur vrai point de vue, pour les lui présenter d’une manière élégante & enjouée ; un observateur qui mettoit de l’intérêt dans les moindres choses, qui sçavoit l’art d’amuser & d’instruire, de fondre habilement, dans l’occasion, toute cette érudition qu’il avoit puisée dans les meilleurs écrivains anciens & modernes. […] Il fut assisté, à la mort, par un de ses anciens confrères, le célèbre P. 

1041. (1782) Plan d’une université pour le gouvernement de Russie ou d’une éducation publique dans toutes les sciences « Plan d’une université, pour, le gouvernement de Russie, ou, d’une éducation publique dans toutes les sciences — Seconde faculté d’une Université. Faculté de médecine. » pp. 497-505

Les auteurs de médecine anciens sont trop substantiels ou trop forts pour des étudiants ; chaque ligne est un résultat d’une longue pratique ; peu de spéculations, beaucoup de préceptes et de faits. […] N’étant point du métier, lorsque j’ai nommé Hippocrate et Galien parmi les anciens, Sydenham et Bœrhaave parmi les modernes, j’ai dit tout ce que je savais.

1042. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XVI. Mme de Saman »

Mais l’horrible clarté dont il brille va nous servir au moins à quelque chose, en nous montrant ce que les femmes de l’ancienne société française sont en train de devenir dans la transformation actuelle de nos mœurs, et, ma parole d’honneur, c’est à faire trembler ! […] Mais une femme de l’ancienne société française qui se vante après l’amour, comme les lâches après la guerre !

1043. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre II. Des éloges religieux, ou des hymnes. »

Le genre des éloges est très ancien. […] On nous a conservé beaucoup d’hymnes des anciens.

1044. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre XVII. »

Que le fond du poëme soit de date ancienne, comment pourrait-on en douter, après la magnifique invocation de Lucrèce à Vénus, mère des fils d’Énée, mère du peuple de Mars, et en songeant à ce temple qui lui était consacré dans Rome au-dessus de l’amphithéâtre, à cette statue de Vénus armée, à cet attribut si étranger au dogme mythologique des Grecs, et qui, pour ainsi dire, la personnifiait romaine ? […] Les amis du poëte Lucain, ceux qui dans l’étude des lettres cherchaient encore la liberté, le culte des vertus anciennes et l’espoir de l’avenir, sont réunis à Rome près de la veuve du poëte, restée fidèle à son nom et à son amour.

1045. (1841) Discours aux philosophes. De la situation actuelle de l’esprit humain pp. 6-57

Les anciens ont connu la liberté pour quelques-uns ; ils n’ont pas connu l’égalité. […] N’est-ce pas vous-mêmes, mes anciens maîtres, qui me l’avez appris ? […] Et quand il y aurait, sous ces noms de rois, de nobles et de prêtres, ou sous d’autres noms, des remplaçants de mes anciens maîtres, je ne leur devrais pas obéissance ; car entre mes anciens maîtres et moi, il y avait un contrat qui n’existe plus. […] que savez-vous si la vérité ancienne elle-même, nous apparaissant de nouveau, mais sans voile et sous une nouvelle face, n’opérera pas notre résurrection et notre salut ? […] Reprendra-t-elle ses anciennes erreurs ?

1046. (1928) Les droits de l’écrivain dans la société contemporaine

Et pourtant la précision quant à l’état normatif de la propriété littéraire, depuis l’Ancien Régime, ne manque pas d’impressionner. […] C’est ainsi que sont conservés dans toute la France les églises, les palais, telle vieille porte ou telle maison ancienne. […] Henri-Robert, de l’Académie Française,Ancien Bâtonnier. […] H. de Rauville dans l’Action Française du 5 août 1927, intitulé : La Propriété Littéraire sous l’Ancien Régime. […] On touche ici à la finesse biblique d’un Juif s’exerçant sur un texte de l’Ancien Testament : Genèse, 18, 24-33.

1047. (1868) Rapport sur le progrès des lettres pp. 1-184

Il est plus aisé de mépriser l’art d’écrire que de savoir en user ; mais, quoi qu’en ait dit un ancien dégénéré, l’histoire ne plaît pas de quelque manière qu’elle soit écrite. […] Déjà c’est un ancien. […] Il ne s’est pas écoulé un temps assez long pour que l’ancien idéal soit oublié et qu’on en ait trouvé un nouveau. […] Charrier est plus ancien ; mais si le public l’a oublié, on peut rafraîchir l’anecdote. […] De 1830 à 1868, il s’est montré çà et là quelques groupes qui ont pris rang parmi les anciens ; mais il n’y a pas eu à proprement parler de nouvelle génération.

1048. (1925) Comment on devient écrivain

Le bourgeois français, dit-il, l’ancien voltairien, a l’esprit plus positif que romanesque9 ». […] On reprochait aux classiques leur imitation des Anciens […] A chaque page du roman, à travers les regrets d’un ancien croyant, on sent une foi qui blasphème et une désillusion qui se venge. […] C’est en groupant ces louables travaux qu’on arrivera peut-être un jour à avoir un tableau complet de l’ancienne France. […] On n’a pas attendu un siècle pour refaire les anciens livres.

1049. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) «  Chapitre treizième.  »

Le moraliste ancien ne pouvait observer l’homme que dans ses actions, interprètes souvent infidèles des pensées, ou dans les discours, qui servent presque plus à nous cacher qu’à nous faire voir. […] Cette fréquentation assidue des auteurs anciens était nécessaire même à Bossuet, comme elle l’a été à tous les écrivains du dix-septième siècle. La perfection du génie français, je l’ai trop dit peut-être, est dans l’union de l’esprit ancien et de l’esprit national. […] Quoiqu’il ne se détournât pas un moment de sa première et déjà ancienne idée, de faire aboutir toute l’histoire du monde ancien à l’établissement du christianisme, quand il en vint à voit les événements dans leurs causes humaines et leurs effets, il se prit d’une naïve admiration pour ce grand spectacle. […] Il avait l’appui déclaré des ducs de Beauvilliers et de Chevieuse, dont il était l’âme, et le duc de Bourgogne n’avait pas abandonné son ancien précepteur.

1050. (1936) Histoire de la littérature française de 1789 à nos jours pp. -564

Ceux-ci arrivaient avec une formation déjà acquise, celle de l’ancien régime. […] Dans la poésie, au théâtre, la roue des genres anciens a continué à tourner mécaniquement. […] Il vit sur une instruction solide, sur d’abondantes lectures anciennes qu’il renouvelle peu. […] Les mœurs de la liberté littéraire étaient à moitié étrangères à l’ancienne monarchie, l’étaient tout à fait à la Révolution et à l’Empire. […] Évidemment l’idée de ce parallélisme était ancienne.

1051. (1903) Propos de théâtre. Première série

Il n’y avait là qu’un vaudeville, ou plutôt une « farce » de notre ancien théâtre, une petite comédie en un acte ou deux. […] Il y a Pauline, partagée entre son ancien amour pour Sévère et son affection d’abord, son admiration ensuite pour Polyeucte. […] Et il allait pousser plus loin encore, dans le même sens, toujours attiré vers le monde poétique de l’ancienne Grèce. […] Chez les anciens le lyrisme n’est nullement cela. […] À la vérité, ce lyrisme personnel, les anciens, même au théâtre, l’ont parfaitement connu.

1052. (1817) Cours analytique de littérature générale. Tome III pp. 5-336

Homme, je m’adresse à des hommes, témoins et victimes comme moi des orages où périssait notre littérature avec nos anciennes prospérités. […] On sait que Ptolémaïs était l’ancien nom de Saint-Jean-d’Acre. […] On dirait, tant il a façonné ses inventions et sa langue sur les formes et la mélodie des anciens, non qu’il imite leurs ouvrages, mais qu’il les continue. […] Sans doute un peu de prévention en faveur de son Homère national, qu’il voulait placer au-dessus de tous les anciens et de tous les modernes, l’a jeté un moment dans l’erreur. […] Il est injuste de les reprocher aux anciens poètes, qui d’ailleurs, comme le remarque Fénelon, n’ont pas fait leurs dieux, mais les ont pris tels qu’ils les ont trouvés.

1053. (1862) Notices des œuvres de Shakespeare

La date n’était, que d’un an antérieure à celle de l’édition d’abord considérée comme la plus ancienne. […] Seul il a su reproduire les héros de l’ancienne Rome avec la vérité de l’histoire, et égaler Plutarque dans l’art de les peindre dans toutes les situations de la vie. […] Il lie conversation avec la duègne, qui lui découvre tout, lui vante la constance de son ancienne maîtresse, et prépare la réconciliation qu’achève la vue de Nicuola elle-même. […] Il existe en français un ancien roman sur le même sujet, intitulé le roi Apollyn de Thyr, par Robert Copland. […] Allusion à un vers de l’ancienne pièce The first part of the contentions, etc.

1054. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre IV. L’âge moderne. — Chapitre I. Les idées et les œuvres. » pp. 234-333

Ils se font un lit nouveau entre les barrières anciennes et les élargissent sans les rompre, par une transformation pacifique et lente qui continue encore aujourd’hui. […] « Si Satan, comme aux anciens jours, se présentait ici parmi les fils de Dieu, cette vue suffirait pour le renvoyer chez lui plein d’effroi1157. » — « Comme sa voix ronfle, et comme il cogne ! […] Il ne s’agit plus, suivant l’ancienne mode oratoire, d’enfermer un sujet dans un plan régulier, de le diviser en portions symétriques, de ranger les idées en files, comme les pions sur un damier. […] Un autre, Coleridge, pauvre diable et ancien dragon, la tête farcie de lectures incohérentes et de songes humanitaires, avait songé à fonder en Amérique une république communiste purgée de rois et de prêtres ; puis devenu unitaire, s’était imbu à Goettingue de théories hérétiques et mystiques sur le Verbe et l’absolu. […] À la place de l’ancien moule, ils essayaient la stance, le sonnet, la ballade, le vers blanc, avec les rudesses et les cassures des poëtes primitifs.

1055. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Molière »

Plaute avait-il une arrière-pensée systématique quand il se jouait de l’usure, de la prostitution, de l’esclavage, ces vices et ces ressorts de l’ancienne société ? […] Auger, en agissant de la sorte avec son ancien camarade, il ne semblait guère que prolonger cette coutume de collège par laquelle les écoliers sont faisants et mettent leurs gains de jeu en commun. […] Étant en Languedoc à tenir les États, il manda son ancien condisciple, qui vint de Pézénas et de Narbonne à Béziers ou à Montpellier5, près du prince. […] Ajoutez, pour compliquer les ennuis de Molière, la présence de l’ancienne Béjart, femme impérieuse, peu débonnaire, à ce qui semble. […] Je ferai remarquer que, malgré la brouillerie ancienne de Molière et de Racine, c’était par l’éclatant exemple de Molière que Boileau songeait à consoler l’auteur de Phèdre des critiques injustes qu’il essuyait.

1056. (1895) Journal des Goncourt. Tome VIII (1889-1891) « Année 1891 » pp. 197-291

Or, le gouvernement républicain de l’heure actuelle en fait de liberté, a adopté les mesures liberticides des anciens gouvernements. […] Un rez-de-chaussée de la rue Franklin, percé de hautes fenêtres, aux petits carreaux du xviie  siècle, donnant à la maison un aspect ancien. […] Et à peine sorti de table, dans cette maison à l’atmosphère littéraire, on cause poésie ancienne et grâce à la mémoire admirable de Léon, ç’a été la curieuse pièce de Villon : Comme je suis povrette et ancienne, Ni rien ne sais… Puis la mélancolique pièce de Ronsard sur la vieille maîtresse : Quand vous serez bien vieille, au soir, à la chandelle… Assise au coin du feu, devisant et filant. […] C’est cette création qui fait l’immortalité du livre ancien ou moderne. […] Il existe, à ce qu’il paraît, des documents anciens qui établissent le mystère, dont entouraient les marchandises d’art, les marchands des premiers temps.

1057. (1896) Journal des Goncourt. Tome IX (1892-1895 et index général) « Année 1892 » pp. 3-94

Quant aux paysages anciens, ils sont abominables. […] Il dit que maintenant en France, une entame du patriotisme vient surtout du grand nombre de mariages contractés par des Français avec des étrangères — ce qui n’existait pas dans l’ancienne France — mariages qui donnent des enfants français, qui ne sont pas tout à fait français. […] Il parle, avec de l’amertume dans un coin de la bouche, de la longueur de sa vie, et des différents individus qui l’ont habité, disant qu’il est très sensible à la température, et qu’il ne retrouve de l’ancien Coppée, que les jours, où il fait la température de son ancien passé, et il s’écrie à propos des prétendus cent ans de son existence : « J’ai vu, j’ai éprouvé trop de choses, en un mot, j’ai eu trop de sensations !  […] Dans ce temps, ma tante possédait à Ménilmontant, une ancienne petite maison, donnée par le duc d’Orléans à Mlle Marquise ou à une autre illustre impure. […] Il trouve avec sa mauvaise foi habituelle, que mon théâtre — notez que je n’ai eu connaissance de Charles Demailly, qu’à la lecture faite aux acteurs, et que la critique que j’en ferais, c’est qu’elle est trop faite d’après les principes de Sarcey — il trouve donc que mon théâtre est le néant, et que ce n’est ni du théâtre ancien, ni du théâtre moderne.

1058. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Le maréchal de Saint-Arnaud. Ses lettres publiées par sa famille, et autres lettres inédites » pp. 412-452

C’est ce nerf héroïque, cette veine de sentiments énergiques déjà anciens, cette lutte prolongée du moral et du physique, qui mérite étude et qui offre à l’observation un intérêt puissant. […] Il y a une mosaïque (car on est, à Orléansville, sur une ancienne ville romaine), une mosaïque admirable, qui servait d’enseigne au tombeau de saint Reparatus : « Je veux, dit-il, dans un sentiment de Génie du christianisme que nous lui retrouverons plus tard, je veux faire bâtir l’église chrétienne au-dessus. […] Il n’est pas insensible à ces souvenirs des temps anciens. […] Quelques lettres encore, il remerciera son ancien et excellent collègue, le ministre de la marine, qui a fait de son côté tout ce qu’il a pu. […] [NdA] À l’un de ses anciens collègues dans le ministère (M. 

1059. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Charles Nodier »

Girod de Chantrans, ancien officier du génie, forcé de quitter Besançon par suite du décret qui interdisait aux ci-devant nobles le séjour dans les places de guerre, alla habiter Novilars, château à deux lieues de là ; il emmena le jeune Nodier avec lui. […] Après un premier séjour à Paris, il fut rappelé à Besançon ; c’était l’époque où les émigrés commençaient à rentrer ; il se lia avec ceux d’entre eux qui étaient encore jeunes, et tourna au royalisme en combinant ses nouvelles affections avec les anciennes. […] Quoi qu’il en soit, Fouché avait pour bibliothécaire le Père Oudet, ancien ami du père de Nodier dans l’Oratoire. […] On assure que quand Geoffroy sur les derniers temps fut malade, Nodier le suppléa dans les feuilletons en conservant l’ancienne signature et en imitant sa manière ; si bien que le recueil qu’on fit ensuite de Geoffroy contient plusieurs morceaux de lui. […] Deux ou trois tendres élégies, quelques chansonnettes nées d’une larme, surtout des contes délicieux datés d’époques déjà anciennes, firent comprendre avec regret que, si elle y avait plus tôt songé, il y aurait eu là en vers une nouvelle muse.

1060. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre premier. La structure de la société. — Chapitre III. Services locaux que doivent les privilégiés. »

Leur caractère n’a rien de féodal ; ce sont des gens « sensibles », doux, très polis, assez lettrés, amateurs de phrases générales, et qui s’émeuvent aisément, vivement, volontiers, comme cet aimable raisonneur le marquis de Ferrières, ancien chevau-léger, député de Saumur à l’Assemblée nationale, auteur d’un écrit sur le Théisme, d’un roman moral, de mémoires bienveillants et sans grande portée ; rien de plus éloigné de l’ancien tempérament âpre et despotique. […] Il est clair qu’avec de tels revenus et les droits féodaux de police, de justice, d’administration qui les accompagnent, un grand seigneur ecclésiastique ou laïque est, de fait, une sorte de prince dans son district, qu’il ressemble trop à l’ancien souverain pour avoir le droit de vivre en particulier ordinaire, que ses avantages privés lui imposent un caractère public, que son titre supérieur et ses profits énormes l’obligent à des services proportionnés, et que, même sous la domination de l’intendant, il doit à ses vassaux, à ses tenanciers, à ses censitaires, le secours de son intervention, de son patronage et de ses bienfaits. […] Beugnot, Mémoires, I, 292. — Tocqueville, l’ Ancien Régime et la Révolution , 34, 60. […] On trouvera dans ces passages des détails sur les types énergiques de l’ancienne noblesse. — Ils sont peints avec force et justesse dans deux romans de Balzac : Béatrix (le baron de Guénic) et le Cabinet des antiques (le marquis d’Esgrignon). […] Bouillé, Mémoires, 50. — Chérin, Abrégé chronologique des édits (1788). « De cette multitude innombrable qui compose l’ordre des privilégiés, à peine un vingtième peut-il prétendre véritablement à la noblesse immémoriale et d’ancienne date. » — 4 070 charges de finances, administration, judicature, conféraient la noblesse. — Turgot, Collection des Économistes, II, 276. « Au moyen de la facilité qu’on a d’acquérir la noblesse à prix d’argent, il n’est aucun homme riche qui, sur-le-champ, ne devienne noble. » — Marquis d’Argenson, Mémoires , III, 402.

1061. (1859) Cours familier de littérature. VIII « XLVe entretien. Examen critique de l’Histoire de l’Empire, par M. Thiers (2e partie) » pp. 177-248

Il avait existé sous l’ancienne monarchie un clergé puissant, en possession d’une grande partie du sol, ne supportant aucune des charges publiques, faisant seulement, quand il lui plaisait, des dons volontaires au trésor royal, constitué en pouvoir politique, et formant l’un des trois ordres qui, dans les états généraux, exprimaient les volontés nationales. […] Que, dans les temps anciens, des sages, des héros, s’attribuant des relations avec le ciel, aient pu soumettre l’esprit des peuples et lui imposer une croyance, cela s’est vu. […] Ce double motif de rétablir l’ordre dans l’État et la famille, et de satisfaire au besoin moral des âmes, lui avait inspiré la ferme résolution de remettre la religion catholique sur son ancien pied, sauf les attributions politiques, qu’il regardait comme incompatibles avec l’état présent de la société française. […] La dictature, sous la forme de consulat perpétuel, avec un pouvoir étendu comme son génie, durable comme sa vie, aurait dû suffire au général Bonaparte pour accomplir tout le bien qu’il méditait, pour reconstruire cette ancienne société détruite, pour la transmettre, après l’avoir réorganisée, ou à ses héritiers s’il devait en avoir, ou à ceux qui, plus heureux, étaient destinés à profiter un jour de ses œuvres. Il était, en effet, arrêté dans les desseins de la Providence que la Révolution, poursuivant son retour sur elle-même, irait plus loin que le rétablissement de la forme monarchique, et irait jusqu’au rétablissement de l’ancienne dynastie elle-même.

1062. (1861) Cours familier de littérature. XI « LXIVe entretien. Cicéron (3e partie) » pp. 257-336

Quant au nom, il est moderne ; mais, pour la chose elle-même, nous voyons qu’elle est très ancienne. […] « Quand ma patrie fut tombée dans ce dernier état, dépouillé de mes anciennes fonctions, je repris ces études, qui, tout en calmant mes douleurs, m’offraient de plus le seul moyen qui me restât d’être encore utile à mes concitoyens. […] Vois-tu cette ville qui, forcée par mes armes de se soumettre au peuple romain, renouvelle nos anciennes guerres et ne peut souffrir le repos ? […] C’est ici que nous sommes nés d’une très ancienne famille ; ici sont nos sacrifices, nos parents, de nombreux monuments de nos aïeux. […] Enfin sachez que c’est en ce même lieu, mais du vivant de mon aïeul, du temps que, selon les anciennes mœurs, la maison était petite comme celle de Curius dans le pays des Sabins ; oui, c’est en ce lieu que je suis né.

1063. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 juin 1885. »

L’Art moderne est né au jour où, la société moderne étant constituée, les artistes, libres de traditions anciennes, ont pu l’exprimer, intégralement : le seizième siècle fut l’époque des essais, le dix-septième siècle l’époque, glorieuse, de l’accomplissement. — Depuis, l’Art moderne, comme toutes choses vivantes, a passé par la triple évolution de la thèse, de l’antithèse et de la synthèse. […] Oui, j’en suis persuadé, une gloire aussi grande que légitime, une gloire d’une espèce nouvelle, est réservée en France au musicien de génie, — car, du génie, il en faut toujours un peu, — qui, le premier, s’étant profondément imprégné de la double atmosphère musicale et poétique éparse dans nos légendes et dans nos chansons, et, le premier aussi, ayant accepté de la théorie wagnérienne tout ce qu’elle a de compatible avec l’esprit de notre race, réussira enfin, seul ou aidé par un poète, à délivrer notre opéra des entraves anciennes, ridicules ou démodées. […] Bayreuth est une ancienne petite ville de Bavière, sur le plateau de la Haute-Franconie, à peu près au centre de l’Allemagne ; elle est arrosée par une rivière, le Rothe-Mayn, dans un pays accidenté et pittoresque. […] Dans l’homme Autrichien, toute trace du Protestantisme Allemand avait été effacée ; instruit à l’école des Jésuites Romains, il avait, même, perdu le juste accent de son langage national, qu’il prononçait, maintenant, comme les noms classiques du Monde Ancien, avec une Italianisation fort peu allemande. […] Le premier moment que les anciens grecs ont connu est celui du mythe et de l’union des arts.

1064. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « VI »

La musique-virtuosité avait acquis une richesse grande ; Jean-Sébastien Bach, épris du besoin des anciennes expressions, n’en était pas moins sollicité par le souci des technicités acquises ; et son œuvre est la conciliation de ce double effort : des musiques définitives de virtuosité, — où sont, très simples et très simples, des expressions psychologiques. […] C’est l’ancienne comparaison de l’homme à qui l’on aurait imposé des lunettes de couleur ; le littérateur est un esprit qui perçoit les choses au travers des verres colorés, et ce qu’il perçoit, il le perçoit sous la couleur de ses besicles, c’est-à-dire littérairement. […] Donc il va entasser tous ces procédés d’art, musique, poésie, décoration paysagique et mimique, à l’exemple des anciens, pour produire l’illusion de la vie ; alors s’imposait à lui la forme dramatique théâtrale, la plus capable traditionnellement d’atténuer le disparate de ces inconciliables réunis. […] Remémorons les premiers actes ; le premier acte en majeure partie musical (l’éclosion d’une adolescence, les rappels d’anciennes émotions), avec les addendas de faits positifs et de secrets de forge dévoilés ; le second acte très incertain, incessamment et au cours de chaque scène oscillant entre la symphonie et le spectacle, des efforts à tout rendre à l’orchestre et des chutes soudaines (par exemple, lorsque c’est par des mots qu’est dénouée une scène musicale), enfin la très noble magnificence de cette mort d’âme exprimée dans la mort du bon Fafner, une des stupéfiantes pages de l’œuvre de Wagner ; depuis longtemps je désirais interpréter cette scène ; qu’on me le permette. […] Ce dernier, ancien chevalier du Graal, ne pouvant supporter la chasteté demandée dans la communauté se châtre lui-même et crée un jardin enchanté, peuplé de créatures séductrices qui attirent à elles les chevaliers égarés.

1065. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1860 » pp. 303-358

Dans Madame Bovary, il nous affirme qu’il n’y a qu’un seul type, esquissé de très loin d’après nature, un certain ancien payeur des armées de l’Empire, bravache, débauché, sacripant, menaçant sa mère de son sabre pour avoir de l’argent, toujours en bottes, en pantalon de peau, en bonnet de police, pilier du cirque Lalanne, dont les écuyers venaient prendre chez lui du vin chaud fait dans des cuvettes, et dont les écuyères venaient aussi accoucher sous son toit. […] Tenez, la fable des anciens, la coupe du Léthé, voilà ce qui doit être. […] — Au Parvis Notre-Dame », lui cria, d’une voix où la brutalité s’attendrissait, le concierge, un gros bonhomme à moustaches d’ancien soldat. […] Là-dessus nous allons visiter l’ancienne salle de garde, décorée par les peintres, amis des internes, par Baron qui a représenté les Amours malades, reprenant et rebandant leurs arcs, à la sortie de l’hôpital ; par Doré, qui a composé une sorte de jugement dernier de tous les médecins passés et présents aux pieds d’Hippocrate ; par Français, etc., etc. Puis nous passons dans la vraie salle de garde, une petite pièce cintrée qui était l’ancienne chambre ardente des prêtres morts.

1066. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre XVII, l’Orestie. — les Euménides. »

. — « Mais celle-ci saisit de sa main puissante un rocher noir, âpre, immense, qui gisait dans la plaine et dont les anciens hommes avaient fait la borne d’un champ. […] Elle lui bâtit le seul temple parfait qu’ait éclairé le soleil ; elle lui voua les plus belles fêtes qui aient réjoui la terre et le ciel ; elle lui fit tailler par Phidias, dans l’or et l’ivoire, cette statue suprême dont un Ancien a dit « qu’elle ajoutait quelque chose au prestige de la religion ». […] L’idéal de la Justice résidait dans ce sénat vénérable, composé de l’élite des anciens Archontes. […] Nos anciens Mystères ont des tableaux analogues : mais nous rions d’y voir la Vierge, accoutrée du manteau d’hermine, siégeant entre un ange gardien et un diable qui se disputent l’âme d’un pécheur. […] Eschyle, au moyen âge, reste plus profondément enseveli dans l’oubli qu’aucun autre ancien.

1067. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1878 » pp. 4-51

Me voilà donc dans le salon du ministère, meublé d’épouvantables encoignures en bois de boule, de canapés et de fauteuils recouverts de moquette, imitant les tapisseries anciennes de Beauvais, de gravures de la calcographie dans des baguettes de bois doré, sur les boiseries blanches. Le choix des convives est tout à fait audacieux, et les mânes des anciens et raides universitaires, qui, le dos à la cheminée, se sont avancés jusqu’à ces derniers jours, vers leurs classiques invités, doivent tressaillir d’indignation dans leurs bières de chêne. […] On me disait que Georges, l’ancien garçon à la mémoire extraordinaire, était devenu le sacristain d’une chapelle protestante de la rue Royale. […] Lundi 12 août Visite de l’ancien château de Riceys, possédant la plus belle allée de platanes que j’aie jamais vue : une allée de ces arbres à peau de serpent, qui fait ici une ogive verte de 120 pieds au-dessus de votre tête, et cela dans la longueur de trois cathédrales. […] Il me répondait que non, ajoutant que c’était une pièce très rare, très ancienne, et d’un seul morceau, et qu’il me le laisserait cependant à 1 200 francs.

1068. (1864) William Shakespeare « Première partie — Livre IV. Shakespeare l’ancien »

Shakespeare l’ancien I Shakespeare l’Ancien, c’est Eschyle. […] La thymèle, l’ancien autel du sacrifice, est maintenant un siège pour le coryphée ! […] Jeunes, on lui préféra les anciens, Thespis et Phrynichus ; vieux, on lui préféra les nouveaux, Sophocle et Euripide. […] On croit sentir, en lisant Eschyle, qu’il a hanté les grands halliers primitifs, houillères aujourd’hui, et qu’il a fait des enjambées massives par-dessus les racines reptiles et à demi vivantes des anciens monstres végétaux. […] Cela était impie et sacrilège pour l’ancien naturalisme hellénique.

1069. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Le marquis de Lassay, ou Un figurant du Grand Siècle. — II. (Fin.) » pp. 180-203

Elle l’aida donc à effacer les impressions fâcheuses que sa démission ancienne avait pu laisser dans l’esprit de Louis XIV : Je ne demande au roi pour toute grâce, écrivait Lassay, que de me donner des occasions de le servir ; l’extrême envie que j’aurais de lui plaire me donnera de l’habileté ; quand on a une grande envie de bien faire, il est difficile qu’on fasse bien mal, et personne dans le monde n’a tant de bonne volonté que moi. […] Son point de départ est toujours son ancienne passion pour Marianne ; il ne craint point de l’évoquer et d’y revenir : Vous avez rappelé dans mon cœur, dit-il à son nouvel objet, des sentiments dont je ne le croyais plus capable : je retrouve en moi ce même trouble et ces mêmes agitations que j’avais connus autrefois. […] Il me déplaît de voir Lassay se servir de cette ancienne affection sacrée comme d’une amorce ou d’un aiguillon dans ses conquêtes nouvelles, et d’une manière d’ingrédient pour se faire aimer. […] Il a écrit sur les princes, sur ceux, en particulier, de ces petites cours oisives, et en vue de ces intérieurs des Condé, des Bourbon et des Du Maine, des pages telles que le courtisan le plus clairvoyant et le plus dégoûté en peut seul écrire55 ; il revenait à ses anciennes idées favorites d’indépendance, de loisir honnête et digne.

1070. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Nouvelle correspondance inédite de M. de Tocqueville »

Nous les déposerons demain dans les solitudes de l’Arkansas. » C’est là, convenons-en, une manière bien française, — française de l’ancienne école, — de voir les choses et de les montrer. […] Il apprend, pendant ce voyage d’Amérique, la mort de son ancien précepteur, âgé de quatre-vingts ans, l’abbé Lesueur, l’un de ces abbés d’autrefois, attachés pour toute la vie à la maison qu’ils avaient d’abord adoptée, devenus membres de la famille et considérant les fils comme les leurs : « un être dont toutes les pensées, toutes les affections se rapportaient à nous seuls et qui ne semblait vivre que pour nous. » C’est à son frère, également élève de l’abbé Lesueur, que Tocqueville adresse cette lettre, où il s’épanche en pleurs amers et en regrets pénétrants : « Oh ! […] Il s’en faut bien que, dans le cours de ma longue vie, j’aie épuisé les classiques anciens et modernes : plus avant on pénètre dans cette mine et plus on y découvre. […] Il avait de même rêvé de personnifier l’alliance de l’ancien régime avec la démocratie ; mais il n’y réussit pas davantage.

1071. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Nouvelle correspondance inédite de M. de Tocqueville (suite et fin.) »

« Quand je songe, écrivait-il à son ancien collègue, aux épreuves qu’une poignée d’aventuriers politiques ont fait subir à ce malheureux pays ; lorsque je pense qu’au sein de cette société riche et industrieuse on est parvenu à mettre, avec quelque apparence de probabilité, en doute l’existence même du droit de propriété ; quand je me rappelle ces choses, et que je me figure, comme cela est la vérité, l’espèce humaine composée en majorité d’âmes faibles, honnêtes et communes, je suis tenté d’excuser cette prodigieuse énervation morale dont nous sommes témoins, et de réserver toute mon irritation et tout mon mépris pour les intrigants et les fous qui ont jeté dans de telles extrémités notre pauvre pays. » C’était peut-être, il est vrai, pour consoler le chef de l’ancienne Opposition de gauche et le promoteur des fameux banquets qu’il écrivait de la sorte : quoi qu’il en soit, le philosophe est ici en défaut, et il paraît trop vite oublier ce qu’il a reconnu ailleurs, que ce ne sont pas les partis extrêmes qui ont renversé Louis-Philippe, mais que c’est la classe moyenne le jour où elle fit cause commune avec eux. […] La lettre écrite de Sorrente, dans laquelle il expose à son meilleur et son plus ancien ami, au confident de ses jeunes années, M.  […] Vieillard, l’ancien précepteur du fils aîné de la reine Hortense, l’ami particulier et le correspondant, en tout temps, du prince Louis-Napoléon, l’homme dévoué à l’Empereur bien avant l’Empire, le libre et original penseur dont la fin, tout sénateur qu’il était, ne démentit point les convictions.

1072. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Œuvres inédites de F. de la Mennais (suite et fin.)  »

Il semble approuver complètement une brochure de M. de Bonald, de la Royauté en France, laquelle ne concluait à rien moins qu’au rétablissement de l’ancien régime autant que faire se pouvait : « Point de Constitution écrite, point de Chambres, le rétablissement des Parlements tels qu’ils existaient autrefois, sans quoi la France tombera rapidement au dernier degré de la faiblesse et du malheur et sera, avant un siècle, le théâtre d’une nouvelle révolution, semblable à la révolution d’Angleterre de 1688. […] « Nous sommes dans un siècle qui lasse le mépris. » Après avoir dit et redit ce mot sur tous les tons pendant près de vingt ans à ses adversaires de gauche, il le répéta sur tous les tons pendant vingt autres années à ses anciens auditeurs de droite, devenus à leur tour ses adversaires. […] C’est l’ancien évêque de Quimper, M.  […] Je regarde que tous mes malheurs, de conséquence en conséquence, viennent de ce que mes parents, bien contre mon gré, m’ont forcé d’apprendre à écrire, et il n’y a pas de jour où je ne redise avec un sentiment profond ce mot d’un ancien : Utinam nescirem litteras !

1073. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Le général Jomini. [IV] »

Dans le temps, l’honneur de ce qu’il fit alors alla presque tout entier à M. de La Harpe ; mais M. de La Harpe, l’ancien gouverneur d’Alexandre et dont l’influence était en effet prépondérante auprès de son ancien élève, M. de La Harpe, qui mena à bonne fin et qui consomma si honorablement en 1815 l’œuvre de la Suisse reconstituée, était absent dans ces premiers mois, et il n’arriva qu’un peu après au quartier général. […] Cet homme d’étude, qui, dans sa jeunesse, avait été précepteur du comte Tanneguy Duchâtel (les Suisses sont volontiers précepteurs dans leur jeunesse), n’avait pas varié une minute au fond du cœur ni faibli dans sa première et vieille trempe helvétique ; et quand je pense à cet homme de bien, vétéran des universités, ancien membre de la Diète aux heures difficiles, si modeste de vie, mais intègre et grand par le caractère, je me le figure toujours sous les traits d’un soldat suisse dans les combats, inébranlable dans la mêlée comme à Sempach, la pique ou la hallebarde à la main. […] Mais l’empereur Alexandre tenait bon et ne se laissait pas entamer ; M. de La Harpe était désormais à son poste près de son ancien élève, et, comme le dit M. 

1074. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « L’abbé Prévost »

Si dans notre jeunesse nous nous sommes trouvés à portée de quelque ancienne bibliothèque de famille, nous avons pu lire Cléveland, le Doyen de Killerine, les Mémoires d’un Homme de qualité, que nous recommandaient nos oncles ou nos pères ; mais, à part une occasion de ce genre, on les estime sur parole, on ne les lit pas. […] Les ouvrages, alors récents, de Le Sage, de madame de Tencin, de Crébillon fils, de Marivaux, sont critiqués par leur rival, à mesure qu’ils paraissent, avec une sûreté de goût qui repose toujours sur un fonds de bienveillance ; on sent quelle préférence secrète il accordait aux anciens, à D’Urfé, même à mademoiselle de Scudéry, et quel regret il nourrissait de ces romans étendus, de ces composés enchanteurs ; mais il n’y a trace nulle part de susceptibilité littéraire ni de jalousie de métier. […] Lenglet l’avait brutalement accusé de s’être laissé enlever par une belle : Prévost répondit que de tels enlèvements n’allaient qu’aux Médor et aux Renaud, et il exposa en manière de réfutation le portrait suivant, tracé de lui par lui-même : « Ce Médor, si chéri des belles, est un homme de trente-sept à trente-huit ans, qui porte sur son visage et dans son humeur les traces de ses anciens chagrins ; qui passe quelquefois des semaines entières dans son cabinet, et qui emploie tous les jours sept ou huit heures à l’étude ; qui cherche rarement les occasions de se réjouir ; qui résiste même à celles qui lui sont offertes, et qui préfère une heure d’entretien avec un ami de bon sens à tout ce qu’on appelle plaisirs du monde et passe-temps agréables : civil d’ailleurs, par l’effet d’une excellente éducation, mais peu galant ; d’une humeur douce, mais mélancolique ; sobre enfin et réglé dans sa conduite. […] Cassiodore déjà vieux, comme on sait, et dégoûté de la cour par la disgrâce de Boëce, se retira au monastère de Viviers, qu’il avait bâti dans une de ses terres, et s’y livra avec ses religieux à l’étude des anciens manuscrits, surtout à celle des saintes Lettres, à la culture de la terre et à l’exercice de la piété.

1075. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Du génie critique et de Bayle »

Nous y rangerons aussi ceux des critiques littéraires, à proprement parler, qui, à tête reposée, s’exercent sur des sujets déjà fixés et établis, recherchent les caractères et les beautés particulières aux anciens auteurs, et construisent des Arts poétiques ou des Rhétoriques, à l’exemple d’Aristote et de Quintilien. […] Combien de fois Bayle n’a-t-il pas changé de rôle, se déguisant tantôt en nouveau converti, tantôt en vieux catholique romain, heureux de cacher son nom et de voir sa pensée faire route nouvelle en croisant l’ancienne ! […] Lorsqu’il entreprit de les imiter, il se plaça tout d’abord au premier rang par sa critique savante, nourrie, modérée, pénétrante, par ses analyses exactes, ingénieuses, et même par les petites notes qui, bien faites, ont du prix, et dont la tradition et la manière seraient perdues depuis longtemps, si on n’en retrouvait des traces encore à la fin du Journal actuel des Savants 132 ; petites notes où chaque mot est pesé dans la balance de l’ancienne et scrupuleuse critique, comme dans celle d’un honnête joaillier d’Amsterdam. […] D’elle à nous, c’est toute la différence de l’ancien au nouveau notaire, si bien marquée l’autre jour par M. de Balzac dans sa Fleur des Pois 133.

1076. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre cinquième. Le peuple. — Chapitre I »

En vain la charité ancienne et l’humanité nouvelle s’ingénient pour lui venir en aide : l’eau est trop haute. […] Condition du paysan pendant les trente dernières années de l’ancien régime […] Éclairé par son instinct féodal et rural, le vieux gentilhomme juge du même coup le gouvernement et les philosophes, l’Ancien Régime et la Révolution. […] — Aggravation de ses charges. — Dans l’ancien régime il est le « mulet ».

1077. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre III. Les tempéraments et les idées — Chapitre II. La jeunesse de Voltaire, (1694-1755) »

Le littérateur, le poète, s’effacent devant le philosophe, s’y subordonnent : il mène l’assaut général de l’Église et de l’ancien régime. […] Voltaire avant 1734 M. de Voltaire509 est de son nom François Arouet, fils de maître Arouet, ancien notaire au Châtelet et receveur des épices à la Chambre des comptes. Il fait ses études à Louis-le-Grand, chez les Jésuites, où il a pour préfet des études l’abbé d’Olivet : on pourra juger de quelle prise la Société saisit les esprits, si l’on songe que Voltaire même gardera toujours des sentiments de respect et d’amitié pour ses anciens maîtres ; et jamais il ne se défera des principes littéraires qu’ils lui ont donnés, de leur goût étroit et pur. […] Ces remaniements correspondent à une grave et déjà ancienne modification de la pensée philosophique de Voltaire.

1078. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « Ferdinand Fabre  »

Et il serait presque indispensable d’avoir continué ses études, dans un collège ecclésiastique et même d’avoir passé quelques mois au grand séminaire ou tout au moins d’y être allé voir pendant quelque temps ses anciens compagnons. […] Mais il a pour doyen son ancien condisciple, l’abbé Clochard, qui est devenu son ennemi depuis que l’abbé Célestin, dans un concours ouvert par la Société archéologique, a emporté le prix sur son envieux confrère. […] Vous reconnaissez là l’espèce ingénue des curés archéologues et écrivains qui, avec les anciens magistrats et les anciens notaires, assurent le recrutement des académies de province.

1079. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Études sur Saint-Just, par M. Édouard Fleury. (2 vol. — Didier, 1851.) » pp. 334-358

Antoine-Louis-Léon-Florelle de Saint-Just était fils d’un militaire, ancien maréchal des logis de gendarmerie et chevalier de Saint-Louis. […] Toutes les fois que Robespierre a besoin d’un rapporteur impassible, sophistique, aux lèvres d’airain et au front de marbre, pour épurer la Convention et envoyer à l’échafaud, sous couleur de bien public, d’anciens amis et complices, il met en avant Saint-Just, qui s’acquitte de cette tâche comme d’un sacerdoce. […] Il a pu aussi se dire ancien élève du collège Louis-le-Grand pour mieux gagner la confiance du jeune soldat, qui l’avait intéressé dès l’abord. […] Je n’ai jamais considéré, d’ailleurs, la Révolution française au point de vue de cet auteur, adversaire à outrance, qui a pu compulser et produire bien des documents et les interpréter dans le sens de ses systèmes, mais qui n’a pas la tradition des choses dont il parle : la tradition, cette voix divine, comme disaient les anciens, et qui maintient et remet le chanteur dans le ton juste.

1080. (1864) William Shakespeare « Conclusion — Livre III. L’histoire réelle — Chacun remis à sa place »

Leur série est aussi ancienne que l’autre ; plus ancienne peut-être, car l’idée a précédé l’acte, et le penseur est antérieur au batailleur ; mais leur place était prise, prise violemment. […] Cantemir, homme du Midi, ancien hospodar moldave, longtemps sujet turc, sent, quoique passé aux russes, qu’il ne déplaît point au czar Pierre en déifiant le despotisme, et il prosterne ses métaphores devant les sultans ; ce plat ventre est oriental, et quelque peu occidental aussi. […] Ce reflet nouveau du passé modifiera l’avenir. — L’ancien roi de Westphalie, qui était un homme d’esprit, regardait un jour sur la table de quelqu’un que nous connaissons une écritoire.

1081. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre I : La politique — Chapitre III : Examen de la doctrine de Tocqueville »

Un fait n’est pas légitime parce qu’il est ancien ; que sera-ce s’il est récent ? […] Il est très-vrai sans doute que la démocratie, en détruisant les pouvoirs moyens, les privilèges locaux, les corporations, les titres personnels, a laissé l’individu seul et désarmé en face de l’État ; mais en même temps qu’elle le prive des points d’appui, des forces artificielles de l’ancien régime, elle le protège à son tour par des libertés générales, qui, à la vérité, ne s’appliquent pas à tel individu en particulier, mais à tous. […] Il est donc incontestable que la société démocratique de 89 est bien plus favorable à la liberté de l’industrie que la société aristocratique de l’ancien régime. […] Homme des anciennes races, il se mêlait de trouver à redire à l’idole du siècle.

1082. (1881) La parole intérieure. Essai de psychologie descriptive « Chapitre V. La parole intérieure et la pensée. — Premier problème : leurs positions respectives dans la durée. »

Voilà une autre variété de l’inspiration ; mais, comme la première, — et nous le montrons ici même, — elle suppose dans le passé de longs efforts de réflexion, dont nous profitons aujourd’hui sans avoir besoin de les renouveler ; la qualité des concepts usuels que chacun de nos mots porte avec lui fait pour une grande part la qualité de nos jugements nouveaux ; et l’influence du passé ne se borne pas là : les jugements nouveaux supposent nécessairement des concepts préétablis dans l’esprit ; mais la réunion de ces concepts, pour être imprévue, n’est pas absolument nouvelle ; un jugement nouveau imite toujours des jugements anciens ; il suit des habitudes dont il s’écarte ; or ces habitudes n’existent pas dans la pensée sans correspondre à certaines habitudes du langage ; certains mots sont dans notre mémoire à l’état de camaraderie, pour ainsi dire [ch. IV, § 8] ; l’un appelle l’autre, et leur réunion a un sens ; si cette camaraderie est de bon aloi, le réveil d’une suite de mots destinée à exprimer le jugement nouveau apporte à celui-ci le concours de jugements anciens, médités, examinés, approuvés autrefois par la réflexion, et il s’éclaire de leur lumière. […] S’agit-il, au contraire, d’un texte de notre langue maternelle, d’un texte français, par exemple, et non d’un texte ancien, que nous serions tentés de traduire en langage d’aujourd’hui, mais d’un texte contemporain, — s’il est facile à entendre, le sens immédiatement conçu sera définitif ; — s’il est difficile, pour le bien comprendre nous ne chercherons pas à le traduire : nous nous contenterons de relire après avoir lu et de relire après avoir relu ; le sens se déterminera, se précisera, se corrigera et s’enrichira peu à peu sans que l’expression varie ou s’accroisse par des commentaires. […] La vraie formule d’une idée, celle qui lui permettra de se répandre et de durer, est celle qui associera la destinée du groupe mental nouveau aux destinées de groupes plus simples solidement enracinés dans l’esprit, celle qui rattachera l’idée nouvelle aux habitudes les plus anciennes de l’intelligence comme une conséquence rigoureuse à des principes indiscutés ; chacun des termes de la formule doit donc réveiller une idée élémentaire bien connue, et leur agencement forcer l’esprit à apercevoir entre ces éléments un rapport plus ou moins imprévu ; ce rapport est l’invention même à laquelle il s’agit d’ouvrir les esprits rebelles et d’assurer l’avenir.

1083. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre vi »

Et combien aussi les faits viennent justifier les critiques que les anciens de l’Internationale formulaient contre le Socialisme allemand ! […] Patrons et ouvriers, avant de se réconcilier, réprouvent donc les uns et les autres leur ancien individualisme, cause si agissante de leurs maux.‌ Les Français de l’an xiv et de l’an xv, catholiques, protestants ou juifs, ont tous décidé qu’ils combattaient pour la Justice : pour une ancienne Justice méconnue, pour une nouvelle Justice inconnue à fonder : pour les Droits de l’Homme et les Droits des Peuples.‌ […] » Cette lutte s’estompe dans un passé qui paraît lointain, et, maintenant que les rancunes sont tombées, avec l’ardeur de la bataille, que les dangers communs ont réuni, côte à côte, les ennemis d’hier, il est plus facile d’apprécier sainement l’intention dans le fait, jugé autrefois répréhensible, lorsqu’une occasion nous reporte à ces anciennes histoires.

1084. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Bossuet. Lettres sur Bossuet à un homme d’État, par M. Poujoulat, 1854. — Portrait de Bossuet, par M. de Lamartine, dans Le Civilisateur, 1854. — I. » pp. 180-197

Bossuet, né à Dijon le 27 septembre 1627, d’une bonne et ancienne famille bourgeoise de magistrats et de parlementaires, y fut élevé au milieu des livres et dans la bibliothèque domestique. […] Un des plus anciens sermons de Bossuet, de ceux qu’il prêcha à Metz dans sa jeunesse, a été signalé par l’abbé Vaillant : c’est le sermon pour le neuvième dimanche après la Pentecôte. […] La langue de ce sermon, comme de tous les discours de ces années, est un peu plus ancienne que celle de Bossuet devenu l’orateur de Louis XIV ; on y remarque des locutions d’un âge antérieur : « Or encore que nous fassions semblant d’être chrétiens, si est-ce néanmoins que nous n’épargnons rien, etc. » Il est dit que l’exemple de la ruine de Jérusalem et de cette vengeance divine, si publique, si indubitable, « doit servir de mémorial ès siècles des siècles ».

1085. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « La Divine Comédie de Dante. traduite par M. Mesnard, premier vice-président du Sénat et président à la Cour de cassation. » pp. 198-214

M. de Chateaubriand, dans le Génie du christianisme, rencontrait tout d’abord l’ouvrage de Dante au premier rang des poèmes chrétiens dont il devait désirer établir l’excellence, sinon la prééminence sur les poèmes anciens. […] Fauriel, l’ancien ami et l’admirateur de Cabanis, devint pourtant le maître et l’un des guides exacts d’Ozanam : c’est que l’amour de la science et d’une science vraie, cette autre religion sincère, les unissait et les rapprochait étroitement par l’inspiration comme dans les résultats. […] Il y a une part à faire, en toute production plus ou moins ancienne, à ce qui est des mœurs, des coutumes, des particularités religieuses ou même de certaines conventions poétiques, et le beau immortel ne se dégage pour nous qu’après quelque effort et quand on s’est remis au point de vue.

1086. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Divers écrits de M. H. Taine — II » pp. 268-284

S’il avait entrepris une si grande œuvre, c’était sans doute l’impression qu’il avait reçue de ces spectacles de son enfance et de ces récits émouvants des anciens, qui l’y avait le plus excité et déterminé. […] Si l’on ôte quelques passages où la simplicité est affectée et la sagacité raffinée, on croit entendre un des anciens jurisconsultes ; Montesquieu a leur calme solennel et leur brièveté grandiose ; et du même ton dont ils donnaient des lois aux peuples, il donne des lois aux événements… Suivant moi, pour que le livre sur Tite-Live fût entièrement vrai (car il l’est sur presque tous les points, et pleine justice est rendue d’ailleurs à l’historien), il eût suffi de laisser au sens du génie oratoire, du génie de l’éloquence déclaré dominant chez lui, la valeur d’un aperçu littéraire, sans lui attribuer la valeur d’une formule scientifique ; il eût suffi enfin de ne pas inscrire à la première ligne de cette étude, de n’y pas faire peser le nom et la méthode de Spinosa, de ne pas rapprocher des termes aussi étonnés d’être ensemble que Spinosa et Tite-Live. […] Il a été piquant sans remords, il a eu par instants une sorte de raillerie amère, celle des esprits vigoureux et sévères : vigueur et amertume, les anciens ont toujours aimé à rapprocher ces deux qualités parentes.

1087. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « L’abbé de Marolles ou le curieux — I » pp. 107-125

Il n’y a pas de traductions, trahisons et crimes envers les anciens qu’on ne passe de grand cœur au bon abbé, s’il n’y avait pas d’autre chemin pour en venir à ses mémoires. […] Élevé par une mère indulgente et tendre, il apprenait tant bien que mal le latin au logis sous un précepteur ; il aimait surtout à lire d’anciens romans français et les autres livres qui se rencontraient alors dans une bibliothèque de campagne assez bien garnie. […] Ce qui manqua, en effet, à Marolles doué d’une grande facilité et de dispositions vagues pour les lettres, ce fut précisément un maître digne de ce nom, qui lui transmît quelque chose des fortes habitudes et de la méthode du xvie  siècle, et lui apprît à étudier les anciens avec précision, ou qui du moins l’avertît des dangers du trop de sans-gêne avec eux.

1088. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Charles-Victor de Bonstetten. Étude biographique et littéraire, par M. Aimé Steinlen. — I » pp. 417-434

L’ancien Bonstetten, celui qui avait eu cinquante ans, ne lui paraissait plus en effet que de l’histoire ancienne. […] Charles-Victor de Bonstetten, né à Berne le 3 septembre 1745, descendait de l’une des familles les plus anciennes de l’Helvétie et qu’on voit poindre dès le xie  siècle.

1089. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « M. Octave Feuillet »

La signora Leonora, ni plus ni moins qu’une princesse, une ancienne maîtresse à lui et qui assiste à cette première représentation du chef-d’œuvre musical, est le démon qu’il évoque et qu’il a l’art d’opposer soudainement au triomphe du pur et vertueux amour. […] L’ancien Raoul, le mystérieux personnage d’il y a dix ans, le dessinateur de la Roche-Fée, que Sibylle n’avait jamais oublié, qu’elle retrouve après des voyages, noble, riche, maître de sa fortune, et qu’elle se met sérieusement à aimer, est fort lié avec un savant, Gandrax, au nom revêche, et dont M.  […] Je sais qu’il y a en tout ceci bien du jeu, que l’art est une chose fort différente de la nature, que ce qui s’appelle roman en particulier est fait pour plaire et amuser à tout prix, et le plus souvent moyennant illusion : je ne voudrais pourtant pas qu’on y mentît par trop, qu’on y donnât des idées par trop fausses et chimériques. et j’ai présent à l’esprit en ce moment la boutade d’un moraliste un peu misanthrope, qui écrivait pour lui seul après la lecture de quelqu’un de ces romans à la Sibylle ou à la Scudéry : « Quand je me reporte en idée aux débuts de l’espèce humaine sur cette terre, à cette longue vie sauvage dans les forêts, à ces siècles de misère et de dureté de l’âge de pierre qui précéda l’âge de bronze et l’âge même de fer ; quand je vois, avant l’arrivée même des Celtes, les habitants des Gaules, nos ancêtres les plus anciens, rabougris, affamés et anthropophages à leurs jours de fête le long des fleuves, dans le creux des rochers ou dans les rares clairières ; — puis, quand je me transporte à l’autre extrémité de la civilisation raffinée, dans le salon de l’hôtel de Rambouillet ou des précieuses spiritualistes de nos jours, chez Mme de Longneville ou chez Mme de…, où l’on parle comme si l’on était descendu de la race des anges, je me dis : L’humanité n’est qu’une parvenue qui rougit de ses origines et qui les renie.

1090. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Jean-Baptiste Rousseau »

Ce qu’il y avait de plus clair, c’est que l’ordre ancien dépérissait, que la religion était en péril, et qu’on se précipitait dans un avenir mauvais et fatal. […] Là-dessus Rousseau lui répondit : « Il est vrai, monsieur, et vous l’avez bien remarqué, que j’ai eu en vue le passage de Lucrèce, quò magis in dubiis, etc., dans la strophe que vous me citez de mon Ode à la Fortune ; et je vous avoue, puisque vous approuvez la manière dont je me suis approprié la pensée de cet ancien, que je m’en sais meilleur gré que si j’en étois l’auteur, par la raison que c’est l’expression seule qui fait le poëte, et non la pensée, qui appartient au philosophe et à l’orateur, comme à lui. » L’aveu est formel ; on conçoit maintenant que Saurin ait dit qu’il ne regardait Rousseau que comme le premier entre les plagiaires. […] Boileau en est la preuve : il imite, il traduit, il arrange à chaque instant les idées et les expressions des anciens ; mais tous ces larcins divers sont artistement reçus et disposés sur un fond commun qui lui est propre : son style a une couleur, une texture ; Boileau est bon écrivain en vers.

1091. (1869) Cours familier de littérature. XXVII « CLXe Entretien. Souvenirs de jeunesse. La marquise de Raigecourt »

Mais, si l’attachement à la Charte vous paraît dangereux pour mon avenir, condamnez-moi dès à présent, car j’ai cru cette conciliation nécessaire entre l’ancien régime et l’avenir de la France ; et si c’est vous offenser que de le dire tout haut dans une occasion solennelle, soyons ennemis dès aujourd’hui ; je ne vous en aimerai pas moins comme un de mes premiers amis. » Nous nous fîmes ces adieux. […] Son impopularité bruyante parmi les défenseurs de l’ancien régime condamna son nom aux invectives et aux sarcasmes de l’Europe entière. […] Étant en congé dans ce moment à Paris, j’essayai de lui en parler, mais il refusa de me répondre et je compris qu’il ne voulait pas qu’un seul mot de lui pût aggraver les torts de son ancien ami.

1092. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre IV. Les tempéraments et les idées (suite) — Chapitre I. La lutte philosophique »

Tous, directement ou indirectement, par de violentes attaques ou de sereines spéculations, concourent à jeter l’ancien édifice à bas. […] Pour Rollin, dans ces histoires anciennes qu’il conte à la jeunesse, il y a du moins une chose que ce vieux martyr du jansénisme, ce doux révolté qui se fit chasser de son collège, casser du rectorat, exclure des assemblées de l’Université plutôt que d’accepter l’abominable bulle, il y a une chose qu’il voit dans l’antiquité, et il la fait voir, sans se douter combien elle est subversive de l’ordre établi : c’est la raide énergie des âmes, le sacrifice volontaire et répété des intérêts, des affections, des existences à une idée de patrie, de liberté ou de vertu. […] Le marquis d’Argenson (1694-1757), esprit original et libéral, a écrit des Considérations sur le gouvernement ancien et présent de la France (Amsterdam, 1764).

1093. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Légendes françaises. Rabelais par M. Eugène Noël. (1850.) » pp. 1-18

On rappelle les passages des anciens qui en ont parlé ; au besoin on se fait apporter les livres ; sans s’en apercevoir, l’élève devient aussi savant qu’un Pline, « et n’étoit médecin alors qui en sût la moitié autant qu’il faisoit ». […] Une telle éducation à la Ponocrates concilie à la fois les anciens et les modernes. […] Son français sans doute, malgré les moqueries qu’il fait des latinisants et des grécisants d’alors, est encore bien rempli et comme farci des langues anciennes ; mais il l’est par une sorte de nourriture intérieure, sans que cela lui semble étranger, et tout, dans sa bouche, prend l’aisance du naturel, de la familiarité et du génie.

1094. (1886) Quelques écrivains français. Flaubert, Zola, Hugo, Goncourt, Huysmans, etc. « J. K. Huysmans » pp. 186-212

Toute leur activité vitale aboutit à emmagasiner des visions et à en dégorger d’anciennes, à noter des aspects, à percevoir des colorations et des scintillements, et à évoquer, dans les périodes languissantes, d’anciennes vibrations lumineuses, entassées, endormies dans l’arrière-fonds de la mémoire, mais vivaces et aptes à reparaître à la suite d’une association d’idées, comme les altérations d’un papier sensibilisé, sous l’action d’un réactif. […] Dans En Ménage, Cyprien émet sur une nouvelle conquête d’André, sur les motifs qui font revenir à ce dernier une ancienne et désirable maîtresse, des hypothèses sinistres, qu’il s’irrite de ne point voir se réaliser.

1095. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Histoire de la querelle des anciens et des modernes par M. Hippolyte Rigault — I » pp. 143-149

Ce qu’il dit contre les stupides admirateurs des anciens à propos de L’Iliade française me semble d’une grande justesse ; mais son La Motte n’est pas si grand poète qu’il dit, quoique homme de beaucoup d’esprit et de goût. […] Mais comme de belles paroles d’un ancien viennent éclairer à propos les bonnes raisons d’un moderne !

1096. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. LOUIS DE CARNÉ. Vues sur l’histoire contemporaine. » pp. 262-272

Cet homme s’appelle La Fayette, et il est le dernier des anciens hommes de l’Europe en qui vit encore l’esprit de sacrifice ; débris de l’esprit chrétien. » Dans le livre de M. de Carné, bien que le fond et le tissu en soient véritablement historiques et politiques, l’idée religieuse domine et rabat souvent les autres considérations à un ordre tout secondaire. « Plus les événements marcheront, dit-il, et mieux on comprendra que la question purement politique perd chaque jour de son importance, qu’elle s’amoindrit à vue d’œil, à mesure que se dessine et grandit la question de la régénération morale. » L’auteur s’est attaché surtout à démontrer que la réforme de 89 fut chrétienne dans son principe, bien qu’elle ne dût malheureusement s’accomplir qu’à travers une apostasie, au moins temporaire, du dogme religieux. […] La session de 1815 forme la partie historique la mieux traitée et la plus instructive du livre : les personnes honnêtement royalistes, qui se sont laissé prendre aux théories et à l’ancien droit français de la Gazette, ne pourront guère s’y maintenir après avoir lu le chapitre de M. de Carné.

1097. (1874) Premiers lundis. Tome I « M. A. Thiers : Histoire de la Révolution française — II. La Convention après le 1er prairal. — Le commencement du Directoire. »

Soit effroi réel, soit calcul d’ambition, l’ancien parti thermidorien, avec Tallien son chef, revint presque à la Montagne, proposa de suspendre la Constitution, et d’exclure le tiers, librement choisi, qui l’avait été dans le sens des réactionnaires. […] … Il faut, a dit un Ancien, que la patrie soit non-seulement heureuse, mais suffisamment glorieuse.

1098. (1875) Premiers lundis. Tome III « Profession de foi »

C’est ce qu’un trop petit nombre des anciens rédacteurs du Globe comprirent dans le premier moment. […] Au fond, et sous nos formes de polémique démocratique, nous étions évidemment préoccupés d’une économie politique plus réelle que l’ancienne, d’une constitution plus équitable de la propriété, d’un art nouveau, d’une religion inconnue.

1099. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Troisième partie. Disposition — Chapitre II. Utilité de l’ordre. — Rapport de l’ordre et de l’originalité »

Invention, création, originalité, nouveauté, tout cela, en dernière analyse, se réduira à la conception d’une forme, c’est-à-dire d’un enchaînement, d’une subordination, d’une proportion, qui mettent en lumière des rapports nouveaux entre des pensées anciennes, et leur attribuent des valeurs nouvelles. […] « J’aimerais autant qu’on me dît que je me suis servi de mots anciens ; et comme si les mêmes pensées ne formaient pas un autre corps de discours par une disposition différente, aussi bien que les mêmes mots forment d’autres pensées par leur différente disposition. » Ainsi pensait Pascal, et tout son siècle avec lui.

1100. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre I. La littérature pendant la Révolution et l’Empire — Chapitre I. Influence de la Révolution sur la littérature »

Même lorsque les salons se rouvrirent et que la vie de société reprit son cours, jamais l’ancienne tyrannie du goût des gens du monde ne fut rétablie : même sous la Restauration, et à plus forte raison depuis, les plus célèbres salons n’eurent jamais qu’une influence très limitée. […] Ce sont d’abord quelques survivants de l’ancienne société et de la philosophie encyclopédique, qui écrivent en général dans les feuilles contre-révolutionnaires : Suard, Rivarol, Mallet du Pan624  surtout, qui a plus de pensée sous sa forme nette et mordante.

1101. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre XI. Trois bons médanistes : Henry Céard, Joris-Karl Huysmans, Lucien Descaves » pp. 145-156

. — Joris-Karl Huysmans L’ancien médaniste J. […] D’anciens et justes termes sont par lui réinstaurés en leur dignité méritée.

1102. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Auguste Vitu » pp. 103-115

Car nous sommes sortis du moule des anciens et nous en portons la marque : or, les anciens, excepté au théâtre, ne savaient pas rire.

1103. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « V. Saint-René Taillandier »

Saint-René Taillandier est déjà un des anciens de la maison et de la casaque. […] Saint-René Taillandier, c’est tout le personnel, ancien et moderne, de la Revue des Deux-Mondes, pour laquelle son livre est une épouvantable réclame de quatre cents pages environ, et ses goûts, c’est MM. 

1104. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Le Conte de l’Isle. Poëmes antiques. »

Je sais ce que c’est que la poésie de Byron ou de Crabbe, par exemple, mais je ne sais pas, ou plutôt je sais trop ce que c’est que la poésie antique, — la poésie orientale, — la poésie indienne, obtenues à l’aide du procédé moderne par des hommes qui ne sont ni des Anciens, ni des Orientaux, ni des Indiens, et qui jouent littérairement d’une façon plus ou moins sérieuse, c’est-à-dire plus ou moins comique, la scène de M.  […] Théodore de Banville, un Ancien d’imitation aussi comme M. le Conte de L’Isle.

1105. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « M. Paul Bourget »

Que n’ai-je les vertus de l’ancienne magie Pour connaître où tu vis quand tu me fais mourir Mais, après tout, et malgré la mélancolie de la touche du poète, ces deux poèmes ne donnent pas la valeur réelle, et que la Critique doive mettre le plus en relief, du livre et du talent de M.  […] Sceptique comme lord Byron, — et c’est peut-être sa plus profonde ressemblance avec le grand poète qui accable toute comparaison, — sceptique comme Alfred de Musset et comme tous les enfants d’un siècle qui, du moins, avait sauvé du naufrage de son ancien spiritualisme l’honneur d’être sceptique encore, mais qui a fini par étouffer jusqu’au dernier éclair tremblant du scepticisme dans son âme, morte maintenant, morte toute entière sous l’athéisme contemporain, le douloureux inquiet de La Vie inquiète, qui, fût-il heureux, a de ces pressentiments et de ces incertitudes : Peut-être vous cachez sous votre pur sourire Des pleurs que j’essuirai des lèvres quelque jour… mêle à tous les sentiments qu’il exprime ce scepticisme qui ne va à Dieu, dont on doute, que pour retomber à la créature dont on va douter ; car le scepticisme est la plus cruelle des anxiétés de la vie, c’est la plus formidable inquiétude, pour une âme ardente, qui puisse dévorer l’esprit et le cœur !

1106. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre VIII. De Platon considéré comme panégyriste de Socrate. »

« Je ne ferai point un lutteur, dit-il ; la Grèce compte assez d’athlètes, et je préfère la vertu à la force ; je ne ferai point un guerrier ; ce mérite est commun : des milliers d’hommes tous les ans meurent pour leur patrie ; je ne ferai aucun de vos anciens tyrans, je briserais plutôt leurs images ; je pourrais représenter quelqu’un de vos dieux : mais vous en avez en foule dans vos temples ; et pour contempler la divinité, au défaut des statues, n’avez-vous pas les cieux ?  […] On ose dire que nul éloge, ni ancien ni moderne, n’offre un tableau si grand.

1107. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXII. Des panégyriques latins de Théodose ; d’Ausone, panégyriste de Gratien. »

On voit combien ce nom et le souvenir d’une ancienne grandeur en imposaient encore : « L’orateur, dit-il, craint de faire entendre devant les héritiers de l’éloquence romaine, ce langage inculte et sauvage d’au-delà des Alpes, et son œil effrayé croit voir dans le sénat les Cicéron, les Hortensius et les Caton assis auprès de leur postérité pour l’entendre. » Il y a trop d’occasions où il faut prendre la modestie au mot, et convenir de bonne foi avec elle qu’elle a raison ; mais ici il y aurait de l’injustice : l’orateur vaut mieux qu’il ne dit ; s’il n’a point cet agrément que donnent le goût et la pureté du style, il a souvent de l’imagination et de la force, espèce de mérite qui, ce semble, aurait dû être moins rare dans un temps où le choc des peuples, les intérêts de l’empire et le mouvement de l’univers, qui s’agitait pour prendre une face nouvelle, offraient un grand spectacle et paraissaient devoir donner du ressort à l’éloquence : la sienne, en général, ne manque ni de précision, ni de rapidité. […] Cette idée, comme on voit, tenait à l’ancien préjugé romain, qui mettait de la gloire dans le suicide ; erreur justement condamnée aujourd’hui par la religion et par les lois.

1108. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XIX. »

Il était au quatrième siècle ce qu’avait été Minutius Félix au second, un mondain néophyte servant de sa parole la foi de ses frères, et célébrant la Rome nouvelle avec la tradition littéraire d’un ancien Romain. […] » Consacré prêtre en Espagne, revenu en Italie pour se rapprocher de quelques amis, en commerce avec saint Jérôme et Augustin, Paulin passa seize années aux portes de la ville de Noie, dans une petite métairie, près du tombeau de l’ancien évêque saint Félix.

1109. (1891) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Quatrième série

Car la méthode est infaillible, et si l’ancienne ignorance ne provenait que de ne l’avoir pas connue, l’erreur ne procédera désormais que de l’avoir mal appliquée. […] Partisan des anciens, nul ne l’a été plus sincèrement que Boileau, plus aveuglément si l’on veut — comme dans les étranges raisons qu’il donne de son admiration pour Pindare, — mais Descartes, au contraire, est le premier des modernes. […] Ils recueillent les débris de la marine et de l’armée : Pontis, le corsaire dont ils ont écrit les Mémoires, et Tréville, l’ancien capitaine des mousquetaires du roi. […] Par-delà les temps du moyen âge, le sentiment est le même qui pousse Ronsard à chercher ses modèles dans les littératures anciennes, et Calvin à réintégrer dans un christianisme corrompu la pureté de son institution primitive. […] Parmi les anciens, ce n’est pas Salluste ni César, Tite-Live ni Tacite qu’il préfère, c’est Florus, et son Abrégé de l’histoire romaine, avec ses faux brillants.

1110. (1885) L’Art romantique

Tels, dans notre enfance, nous avions vu les ateliers des anciens rivaux de David, héros touchants depuis longtemps disparus. […] Le souvenir de Machiavel et de notre ancienne conversation rentra immédiatement dans mon esprit. […] Cadart possède encore quelques-unes des anciennes. […] Méryon rappelle ce qu’il y a de meilleur dans les anciens aquafortistes. […] Le phénakisticope, plus ancien, est moins connu.

1111. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « [Dédicace] »

[Dédicace] Ce livre devrait être dédié   AU CHANOINE CHARLES LEFOULON curé-doyen de montebourg ancien chapelain de l’abbaye de saint-sauveur-le-vicomte

1112. (1889) La littérature de Tout à l’heure pp. -383

Leur foi a le luisant fruste d’un objet ancien dont l’éclat se conservait sous la poussière : leur foi est retrouvée. […] Barbey d’Aurevilly, au contraire, est le bon chevalier des croyances anciennes. […] Daudet et Loti. — De cette conversion déplorable ne parlons pas davantage et souvenons-nous des anciens mérites. — La voix de M.  […] Le principe ancien d’un assemblage étranger à toute pré-entente de doctrines y présidait. […] Parallèlement à ces diverses tentatives de périodiques jeunes, il serait piquant d’examiner l’attitude des revues anciennes.

1113. (1908) Jean Racine pp. 1-325

Jean Racine naquit le 20 ou le 21 décembre 1639, de petite mais ancienne bourgeoisie. […] Les mœurs de l’ancien régime conciliaient bien des choses. […] Toutefois, Grimarest, né en 1659, avait pu connaître beaucoup d’anciens amis ou camarades de Molière. […] On y voit des montagnes et des côtes pelées, plus anciennes assurément que les plus anciens écrivains. […] comme les vagues personnages sidéraux d’un vieux mythe inventé par les anciens hommes.

1114. (1886) Le roman russe pp. -351

Si l’on veut bien connaître la Russie, il faut se remémorer tout ce que l’on a appris de l’Inde ancienne. […] Nicolas Vassiliévitch naquit en 1809, à Sorotchinzy, près de Poltava, au centre des terres noires et de l’ancien pays cosaque. […] Les voilà partis pour administrer une volée à l’ancien du village, caché dans un sac chez sa commère. […] Ces deux justes ont tout au plus la vie des mornes béatifiés qu’on voit sur les anciennes fresques des couvents de Moscou. […] Par instants, il retrouvait des éclairs de son ancienne gaieté, surtout près des enfants, qu’il aimait.

1115. (1904) Propos littéraires. Deuxième série

Voici le patron ancien style, M.  […] C’était l’ancienne armée qui s’incarnait en ce moment dans le vieux soldat. […] l’ancienne, qui dors là, je ne t’en veux pas. […] Elle traite toujours les anciens en purs artistes. […] Quand les corporations sont détruites, que devient l’ancien ouvrier ?

1116. (1949) La vie littéraire. Cinquième série

Il nous conduisit, dans sa forte maturité, chez les moralistes et les politiques, et parmi les anciens. […] C’est une parabole fort ancienne que M.  […] Taine reproche à l’Empire, c’est à peu près ce qu’il reprochait à l’ancien régime et à la Révolution. […] Je ne crois pas qu’il ait été juste ni envers l’ancien régime, ni envers la Révolution, ni envers Bonaparte. […] Je me retirai dans ce lieu, où l’ancien monde ne me trouble plus la vue.

1117. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — S. — article » p. 277

Selis, [N.ABCD] ancien Professeur d'Eloquence, de l'Académie des Sciences & Belles-Lettres d'Amiens, né en 17..

1118. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — Chapitre II. Dryden. »

. —  Son jugement sur l’ancien théâtre anglais. —  Son jugement sur le nouveau théâtre français. —  Son œuvre composite. —  Disparates de son théâtre. —  L’Amour tyrannique. […] Ainsi se bâtit le théâtre de Dryden ; le poëte, avide de gloire et pressé d’argent, y trouvait l’argent avec la gloire, et innovait à demi, à grand renfort de théories et de préfaces, s’écartant de l’ancien drame anglais, s’approchant de la nouvelle tragédie française, essayant un compromis entre l’éloquence classique et la vérité romantique, s’accommodant tant bien que mal au nouveau public qui le payait et l’acclamait. […] Et ce qu’il y a de plus frappant, c’est qu’il abandonne le vers dramatique et national, qui est sans rime, ainsi que le mélange de prose et de vers commun à tous les anciens poëtes, pour rimer toute sa tragédie à la française, croyant inventer ainsi un nouveau genre, qu’il nomme heroic play. […] Le comte de Dorset ayant écrit quelques petites chansons et satires, Dryden lui jure que dans son genre il égale Shakspeare et surpasse tous les anciens. […] Les noms de whigs et de tories venaient de naître, et les plus hauts débats de philosophie politique s’agitaient, nourris par le sentiment d’intérêts présents et pratiques, aigris par la rancune de passions anciennes et blessées.

1119. (1866) Cours familier de littérature. XXII « CXXXIIe entretien. Littérature russe. Ivan Tourgueneff (suite) » pp. 317-378

Et quand il y a une assemblée d’anciens, personne ne donne un meilleur conseil que lui. […] Une ancienne connaissance encore, Sem, entre en scène. […] La petite maison que Lavretzky allait habiter, et où, deux ans auparavant, était morte Glafyra Pétrowna, avait été construite, au dernier siècle, en bois de sapin ; elle paraissait ancienne, mais elle pouvait se conserver encore une cinquantaine d’années et plus. […] C’était la romance qu’il avait composée la veille sur d’anciennes paroles allemandes, où il était fait allusion aux étoiles. […] Antoine, en qualité d’ancien et habile pêcheur, lui offrit ses services.

1120. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — B — article »

Son Ouvrage qui a pour titre Mœurs & Coutumes des Romains, offre un tableau général des usages les plus curieux & les plus singuliers de l’ancienne Rome.

1121. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — P — Pesquidoux, Joseph de (1869-1946) »

Paul Pionis Je dois convenir, après avoir lu ce livre, que le proverbe si connu : « Bon sang ne peut mentir », ne saurait être mieux appliqué qu’à l’auteur de ces poésies fraîches comme les fleurs d’avril, mais à l’allure martiale et chevaleresque comme celle des anciens preux.

1122. (1767) Salon de 1767 « Dessin. Gravure — Alliamet et Strange »

Alliamet et Strange Lorsqu’un ancien port de Gênes , d’après Berghem ; un Abraham répudiant Agar , et une Esther devant Assuérus , d’après Le Guerchin ; une vierge avec son enfant, un amour endormi, d’après Le Guide, ne font pas sensation, ils doivent être bien médiocres.

1123. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — F — Sari-Flégier, Blanche (1852-1914) »

Charles Fuster Sous ce titre : Quelques maîtres, ce sont d’abord des sonnets sur les plus puissants musiciens, soit anciens, soit actuels.

1124. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — D. — article »

DUCOUDRAY, [Alexandre-Jacques-Louis] Chevalier & ancien Mousquetaire du Roi, né à Paris en 1744.

1125. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — L — article » p. 147

Ces deux Ouvrages, médiocres pour le style, peuvent fournir des lumieres à ceux qui veulent s’instruire dans la Politique, ou, pour mieux dire, la Politique changeant à peu près comme les modes, les Ouvrages anciens, en ce genre, ne peuvent être regardés que comme ces monnoies qui n’ont plus de cours, & qu’on garde par curiosité.

1126. (1882) Essais de critique et d’histoire (4e éd.)

Les plus beaux usages de l’ancien temps subsistaient. […] Et que les anciens dieux descendent de l’autel. […] Il faut en outre savoir l’histoire ancienne et moderne pour comprendre d’abord cette indication lyrique du fanatisme et de l’avidité des Espagnols, de l’avidité et de la tolérance des peuples anciens. […] Elle ressemble à ces anciens peintres qui faisaient toutes les nuances avec cinq ou six couleurs. […] Pour juger les anciens, il faut se mettre au point de vue antique.

1127. (1896) Les époques du théâtre français (1636-1850) (2e éd.)

Par exemple, vous ne voulez pas croire qu’un jour deux villes, Albe et Rome, aient remis le soin de vider en champ clos leur querelle à trois frères chacune, liés entre eux six d’une ancienne amitié ? […] Peut-être même, à ce propos, vous souvient-il que l’ancienne Église interdisait à ses fidèles de provoquer bruyamment la persécution ? […] Sans doute, au premier coup d’œil, il semble que ce soit toujours la tradition de Corneille et de Racine — toujours des vers ; toujours de l’histoire, de l’histoire ancienne ; toujours de l’amour ; et toujours les trois unités. […] TRIVELIN Les Anciens… attends ; il y en a un dont je sais le nom et qui est le capitaine de la bande : c’est comme qui dirait un Homère. […] Trivelin, là-dessus, n’omet pas d’ajouter que, si son maître aimait les Anciens, sa maîtresse, au contraire « estimait bien autrement les Modernes que les Anciens », — et c’est un second trait, si je puis ainsi dire, de la physionomie du xviiie  siècle à son début.

1128. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — A — article »

Ambroise, de Lombez, Capucin, ancien Professeur de Philosophie & de Théologie, né à Lombez en 1708.

1129. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — B — article » p. 412

Auteur de plusieurs Ouvrages de Biographie très-peu estimés, tels que ses Histoires de Jules-César, de Louis XIII & de quelques Philosophes anciens & modernes.

1130. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — D. — article » p. 109

Les Lettres, qu’il aimoit avec passion, lui sont redevables de plusieurs Méthodes, beaucoup plus nettes & plus faciles que les anciennes, pour apprendre l’Histoire, la Géographie, les Généalogies, le Blason, &c.

1131. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article » p. 298

Son Histoire de la Poésie Françoise, est ce qu’il a fait de plus supportable, si toutefois on peut appeler Histoire, un léger Essai historique, ou plutôt un coup-d’œil rapide, & souvent peu juste, sur les anciens Poëtes de notre Nation.

1132. (1896) Journal des Goncourt. Tome IX (1892-1895 et index général) « Année 1895 » pp. 297-383

Et il cause longuement de cette société, toute appuyée sur le passé, me citant, à propos du Tonkin, la demande par la France, de la cession d’un territoire, où toutes les paroles dites aux Chinois, pour prouver la convenance de cette cession, avaient été vaines, quand on rappela, que ce territoire avait été cédé autrefois par un ancien empereur. […] La comtesse Puliga me peint, en sa complète transformation, cet être domestique, ne voulant plus du mariage, ayant assez de l’ancienne servitude conjugale, se refusant à être plus longtemps la bonne d’un ivrogne, et fondant des clubs féminins, avec des tableaux qui représentent une femme dans les flammes et une femme dans le ciel : la première, la femme des siècles passés ; la seconde, la femme des siècles futurs, et avec cette épigraphe décochée aux hommes : « Ils disent, qu’ils disent !  […] Puis Finot saute à Tolstoï, et affirme qu’il est seulement le vulgarisateur et le développeur de beaucoup d’idées, appartenant à des sectes : ainsi l’idée de la résistance au militariat, prêchée par un ancien maçon, passé apôtre, et habillé de blanc, sur le besoin, que les théories ont de parler, pour ainsi dire, physiquement à l’imagination des peuples. […] Voici le libretto : l’Amour se trouve tout à fait dans la dèche ; des châtelaines du Midi, qui lui doivent beaucoup, s’adressent au Saint-Père, pour qu’il soit canonisé, et elles obtiennent sa canonisation, et une chapelle pour lui, dans l’église de Saint-Amour, où une ancienne statue d’un petit amour, enguirlandé de chapelets, serait la figuration du nouveau petit saint. […] » Il est question du vieux marquis d’Andlau, qui possédait dans le Perche, l’ancienne propriété d’Helvétius, grossie et agrandie par deux générations de propriétaires, et qui compte 42 fermes et 10 moulins.

1133. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — L — Loriot, Charles-Florentin (1849-1905) »

Florentin Loriot nous parle de l’Orient ; il décrit, dans une forme châtiée et presque impeccable, l’ancienne Égypte et la Judée.

1134. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article »

Parmi ses autres Ouvrages, qui sont moins connus, on doit distinguer celui qui a pour titre, Parallele de la Morale Chrétienne avec celle des anciens Philosophes.

1135. (1864) Études sur Shakespeare

Dans cette cour jeune encore et peu expérimentée, le langage de l’adulation dépassait de beaucoup la servilité des caractères ; et dans ce pays, où n’avaient point péri les anciennes institutions, le gouvernement était loin de pénétrer partout. […] Les anciens écrivains leur donnent aussi les noms de mimi, joculatores, histriones. […] Le chœur de Roméo et Juliette, conservé peut-être comme un reste de l’ancien usage, n’est qu’un ornement poétique étranger à l’action. […] Deux anciens drames imprimés en 1600 renferment le plan et même de nombreux détails de la seconde et de la troisième partie de Henri VI. […] Cependant elle demeurait stérile, et Shakespeare régnait, dit sir Walter Scott, « comme un prince grec sur des esclaves persans qui l’adorent, mais sans oser imiter son langage. » Un nouvel élan ne peut être uniquement dû à d’anciens souvenirs ; une ancienne époque, pour porter de nouveaux fruits, a besoin d’être de nouveau fécondée par un mouvement analogue à celui qui lui valut jadis sa fécondité.

1136. (1881) Études sur la littérature française moderne et contemporaine

Il a la santé des anciens temps. […] On méprisait les anciens poètes latins, on admirait dans la littérature grecque non les classiques, mais l’école d’Alexandrie ; on ne s’attachait qu’à la forme, on faisait de l’art pour l’art. […] Art nouveau qui rappelle ces figures égyptiennes à angles durs qu’on voit sur d’anciens monuments. […] Guizot de parfaitement sain et bien portant comme un classique et un ancien. […] Guizot aime à citer les sources, les anciennes chroniques ; c’est une des grâces principales de sa belle et charmante histoire.

1137. (1923) Nouvelles études et autres figures

Le plus ancien des grands poètes personnels nous atteste par son exemple que le génie poétique n’a rien à faire avec l’esprit bohème. […] Elle n’est ni mythologique, ni ancienne, ni moderne. […] Au fond de l’ancienne Cour de Langres, ses deux ailes dominaient le jardin des Pères. […] Cependant un ancien admirateur de Werther vit plus loin que Chateaubriand. […] L’ancien élève des Jésuites, qui avait souffert d’une spécialisation trop étroite, comprit qu’elle se mourait faute d’air.

1138. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Montlaur, Joseph-Eugène de Villardi (1815-1895 ; marquis de) »

Sainte-Beuve Comment ne pas donner un souvenir amical et reconnaissant à un ancien et fidèle amateur, contemporain de nos jeunes années, M. 

1139. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — C — article » p. 16

Il y joint encore celui d’avoir enrichi sa Traduction, non pas, comme certains Traducteurs, d’une Préface parasite & déclamatoire, mais d’un Discours plein de réflexions, de critique, de goût, & aussi propre à donner une juste idée des anciens Orateurs, qu’à former les Orateurs modernes.

1140. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — D. — article » p. 228

DURIVAL, [Claude] frere des deux précédens, ancien Secrétaire du Cabinet du feu Roi de Pologne, & Greffier en Chef de son Conseil, des Académies de Nancy & de Metz, né à S.

1141. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — F. — article » p. 325

On doit lui savoir gré de l’Histoire ; mais la Restauration de la Philosophie des anciens Académiciens sera toujours d’un très-petit mérite auprès des gens sensés.

1142. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Les poëtes français. Recueil des chefs-d’œuvre de la poésie française »

Les parties anciennes, qui ont pour sujet le moyen âge, font presque un cours de littérature qui ne se trouverait nulle part ailleurs. […] — Un dernier souvenir à l’un de nos anciens amis ou du moins à l’une de nos connaissances de jeunesse.

1143. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « George Sand — George Sand, Indiana (1832) »

Il est probable que, malgré la différence des âges, il aurait fini par épouser sa cousine : car elle était devenue une charmante jeune fille, et par la mort de ce frère aîné, qu’environnait une injuste préférence, sir Ralph était devenu un riche héritier ; mais, durant un voyage lointain qu’il fit à cette époque, la soumise Indiana fut mariée par son père à un ancien colonel français, le baron Delmare, alors négociant très-riche de Bourbon. […] La belle Noun a fait sensation dans le pays, dans les bals champêtres du village voisin ; un jeune monsieur des environs, M. de Ramière, l’a vue, s’est mis en avant, a fait arriver ses aveux brûlants à ce cœur inflammable et crédule ; depuis ce jour, Noun est sa conquête ; il lui a sacrifié un voyage à Paris qu’il devait faire ; il la vient visiter de nuit, par-dessus les murs du parc, au risque de se casser le cou : il va venir ce soir-là même ; mais le factotum, ancien sergent, a prévenu le colonel que des voleurs de charbon s’introduisent depuis plusieurs nuits, qu’on a saisi des traces, et qu’il est prudent de surveiller.

1144. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre XVI. De l’éloquence et de la philosophie des Anglais » pp. 324-337

L’éloquence populaire des anciens, celle des premiers orateurs français, produiraient dans la Chambre des communes plutôt l’étonnement que la conviction. […] Quoiqu’il existât des lois chez les anciens, l’autorité populaire avait souvent le droit et la volonté de tout détruire ou de tout recréer.

1145. (1890) L’avenir de la science « IX »

Nous aurons eu l’oeuvre humi-liante et laborieuse ; et pourtant, quand l’avenir nous aura dépassés en profitant de nos travaux, on reprochera peut-être aussi durement à la science du XVIIIe et du XIXe siècle d’avoir été minutieuse et pragmatique que nous reprochons aux anciens d’avoir été sommaires et hypothétiques. […] Cela doit même être admis dans les idées du théisme ancien, puisque, suivant cette manière de concevoir le système des choses, Dieu est regardé comme ne créant plus dans le temps, mais ayant tout créé à l’origine.

1146. (1824) Notes sur les fables de La Fontaine « Livre huitième. »

La plaisanterie n’est point du tout mauvaise, surtout dans la bouche d’un de ces hommes que les anciens appelaient parasites. […] Cette fable pouvait avoir plus d’intérêt et plus de vraisemblance chez les anciens, qui attribuaient à différens dieux différens départemens.

1147. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « M. Eugène Talbot » pp. 315-326

Le naïf, seul, n’aurait pas suffi… Rollin, qu’on appelle aussi le bon Rollin, et qui, dans son Histoire ancienne, a traduit bien des morceaux d’Hérodote, Rollin, l’âme simple, droite, ingénue, qui était un naïf par l’esprit, mais qui parlait la langue ordonnée et anti-naïve du dix-septième siècle, n’a jamais traduit que le sens général ou littéral d’Hérodote. […] Or, il est bien certain que cette chose est commune à Hérodote, ancien et véritable historien, aussi bien qu’à ces poètes, afin que je passe sous silence ce qu’il a de particulier en ce qui sent à plein son vrai chrétien. » L’expression va peut-être un peu loin, mais au fond Saliat a raison.

1148. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Laïs de Corinthe et Ninon de Lenclos » pp. 123-135

Pour obvier à cet inconvénient, qui frappe de stérilité la biographie que l’auteur du livre dont il est question voulait écrire, non pour Laïs elle-même, mais pour l’honneur de cette chose que Laïs représente dans le monde ancien et Ninon dans le monde moderne, et que nous ne savons comment nommer avec décence, Debay a découvert (nous ne dirons pas qu’il l’a inventé un manuscrit grec dont l’original, trouvé, dit-il, au couvent de Mégaspitron, et confié aux soins de Vietti le Polyglotte, a complètement disparu depuis la mort de ce savant. […] Il est vrai que l’esprit tel que nous le concevons, nous autres modernes, était inconnu aux anciens, comme il est inconnu à l’Orient… Les mots de Laïs rapportés par Debay sont des lapalissades.

1149. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « VI. Jules Simon »

… Est-ce le rachat d’un ancien silence, jugé impertinent par la Maison dans laquelle MM.  […] Jules Simon, dont il est plus particulièrement question ici, d’ancien anecdotier philosophique, s’est fait moraliste pour son propre compte et presque théologien !

1150. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Chastel, Doisy, Mézières »

Chastel condamne implicitement la grande ressource économique du catholicisme, cet ascétisme sublime qui fut une des causes du salut de l’ancien monde, et qui ne serait plus un moyen puissant contre le paupérisme de notre âge ! […] Ce secret, ce dernier mot des influences de la charité chrétienne sur le monde ancien et sur le monde moderne, des protestants ne pouvaient pas le dire, mais s’ils ne le disaient pas, ils mutilaient l’histoire et les faits criaient, malgré l’habileté des mutilateurs.

1151. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. de Vigny. Œuvres complètes. — Les Poèmes. »

Virgile est de ces esprits parmi les anciens, et parmi nous, modernes, M. de Vigny. […] Quand à cette époque le grand mouvement romantique se produisit, M. de Vigny fut au premier rang du bataillon sacré, mais il ressembla à ces généraux de l’ancien régime qui servaient comme simples soldats dans l’armée de Condé avec leurs épaulettes de généraux.

1152. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Charles Didier » pp. 215-226

Charles Didier, l’ancien écrivain de la Revue indépendante, comme ils auraient pu l’être par un feuilletoniste de l’école de M.  […] Elle brûle l’ancien phénix qui souvent, hélas !

1153. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Feuillet de Gonches »

Ce sont, la plupart, d’anciennes traditions populaires, mais qui ont été déjà travaillées avant le travail auquel il les a soumises de nouveau. […] Il a voulu aussi les instruire, et il a jeté dans leurs mémoires, aussi grand ouvertes que leurs yeux, des tournures de langue oubliées, de charmantes choses tombées en désuétude, des mots divins que La Fontaine, qui n’était pas fier, ramassait, et qu’il faut rapprendre à l’enfance, si on ne veut pas qu’elle périsse, l’ancienne langue française, exténuée dans les maigreurs du xviiie  siècle.

1154. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — G — article » p. 410

Nous ne parlons de cette Traduction, que pour faire remarquer qu’on y a puisé les premiers argumens, dont on a farci tant de déclamations contre Moïse & l’ancien Testament.

1155. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — D. — article » p. 107

Il a survécu à beaucoup de ses Ouvrages ; mais ses Mémoires sur le Costume des Anciens, méritent de lui survivre, & on peut prédire qu’ils lui survivront en effet.

1156. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — A — Alaux, Jules-Émile (1828-1908) »

Alaux, tous ses vers, les anciens, les nouveaux, et j’ai été très touché.

1157. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — B — Boyer, Georges (1850-1931) »

Auguste Vitu Vous écrivez en vers avec aisance et liberté, vous souciant assez peu de certaines exigences de facture ; remontant, sans l’ombre de la préméditation, vers l’ancienne tradition française, vous semblez ignorer le Parnassisme et la sévérité de ses lois draconiennes.

1158. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — B — article » p. 261

Rollin, où il prétend prouver que cet Ecrivain célebre n’entendoit pas assez bien les Auteurs Grecs, d’après lesquels il a composé une partie de son Histoire ancienne.

1159. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — D. — article » p. 201

Tel est l’Auteur de l’Histoire de la Maison de Bourbon, & de celle de Montmorency, plus ancienne, mais moins illustrée.

1160. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — L — article » p. 155

On a de lui une Description historique de la France ancienne & moderne, qu’il fit, dit-on, de mémoire ; ce qu’on croit sans peine, par l’inexactitude qui y regne.

1161. (1858) Cours familier de littérature. VI « XXXVe entretien » pp. 317-396

Le corps fut mis en terre avec tout l’appareil de l’ancien cérémonial, et, après la cérémonie, tous se prosternèrent et pleurèrent sincèrement sur son tombeau. […] « Voici ce que la sagesse des anciens a imaginé pour l’aider. […] Voilà donc quatre princes héréditaires que j’aurais fait installer solennellement si je m’étais conformé à l’ancienne coutume. […] Les huit livres suivants traitent de la musique, et par concomitance de tous les instruments anciens et modernes, de la danse et du théâtre. […] Comme cette Encyclopédie n’est qu’une pure compilation, dans les premiers chapitres on cite les textes originaux des auteurs selon leur rang d’autorité, c’est-à-dire qu’on cite d’abord les King, grands et petits ; puis les livres de l’ancienne école de Confucius et des écrivains d’avant l’incendie des livres.

1162. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « VIII »

Franz Millier, un très ancien ami (Franz Millier : Tristan und Isolde nach Sage und Dichtung, 1865, p. 103) ; et il y a d’autres témoignages. […] C’était un connaisseur hors ligne de la langue allemande et surtout de son ancienne poésie. […] Tout au plus citerons-nous comme commentaire les paroles de Wagner, un jour qu’il jouait à une amie le second acte : « Déjà les anciens avaient reconnu dans Eros le génie de la mort, et ils lui avaient mis dans la main la torche renversée »79. […] Le maître ne s’astreignait plus aux anciennes règles du moyen âge ; il créait une allitération adaptée aux besoins de son poème. […] Ernst Moritz Ludwig Ettmüller (1802-1877) a traduit les anciennes mythologies nordiques.

1163. (1887) Journal des Goncourt. Tome II (1862-1865) « Année 1864 » pp. 173-235

« L’épreuve, finit-il par dire, est votre pensée éclairée… » Et il se demande comment, sans cette inspiration matérielle, manuelle de l’écriture, les anciens pouvaient suivre une idée dans toutes ses rédactions, — lui, qui ne peut raisonner qu’avec la plume. […] Il reste jusqu’au dîner, feuilletant nos cartons, regardant nos dessins, et entremêlant son inspection de causeries sur Gavarni, dont il parle comme d’un ami qu’il n’aimerait pas, appuyant sur sa dureté avec ses anciennes maîtresses, et laissant percer le dépit jaloux, qu’il éprouve à les voir encore attachées au souvenir de cet homme. […] Puis, on cause de la santé des anciens, de l’équilibre du physique antique, de l’hygiène morale des temps modernes, des conditions physiologiques de l’existence dans une cinquantaine d’années. […] La pension, vendue à une ancienne religieuse et devenue un pensionnat de demoiselles, il était placé avec son jeune frère, rue Popincourt, chez Planche. […] 5 juillet Rue Saint-Guillaume, au fond de l’île Saint-Louis, ce quartier demeuré du vieux Paris, nous montons les trois étages d’une antique maison, à rampe de bois, quelque logis d’ancien parlementaire.

1164. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « M. Daru. Histoire de la république de Venise. — III. (Suite et fin.) » pp. 454-472

Elle est ancienne et nouvelle à la fois ; remontant aux premiers siècles du Moyen Âge, elle arrive jusqu’à nos jours ; nous en avons vu la fin. […] Cette république noble et marchande, dont l’origine se perd dans les plus anciens débris de l’Empire romain ; qui eut la première en Italie, en face et à côté de la nouvelle politique romaine, une politique à elle, profonde, suivie, consommée, indépendante ; qui eut ses épisodes de grandeur héroïque et de chevalerie maritime, bien qu’un intérêt de commerce fût toujours au fond ; qui, dans le cours de sa longue et séculaire décadence, sut trouver tant de degrés encore brillants et des temps d’arrêt si glorieux ; qui ne s’abaissa véritablement que depuis la fin du xviie  siècle ; ce gouvernement jaloux, mystérieux, si longtemps sage, de qui la continuelle terreur était tempérée par un carnaval non moins continuel, comme en France la monarchie absolue l’était par des chansons ; cette cité originale en tout, et qui le fut hier encore jusque dans l’insurrection dernière par laquelle, déjà si morte, elle essayait d’un réveil impossible ; cet ensemble d’institutions, d’intérêts, d’exploits et de prouesses, de conjurations, d’espionnages et de crimes ; tant de majesté, de splendeur et d’austère vigilance, se terminant en douceurs molles et en plaisirs, tout cela se suit et se comprend d’autant mieux dans le récit de M.  […] L’institution des prix de vertu qui, avant la Révolution, avaient décoré et attendri les dernières séances de l’ancienne Académie, fut rétablie en 1819 et inaugurée par un discours de M. 

1165. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Sylvain Bailly. — II. (Fin.) » pp. 361-379

Interrogé par Voltaire en 1776 sur la valeur de l’opinion énoncée au tome Ier de l’Histoire de l’astronomie, il répondait : « Le rêve de Bailly sur ce peuple ancien qui nous a tout appris, excepté son nom et son existence, me paraît un des plus creux qu’on ait jamais eus ; mais cela est bon à faire des phrases, comme d’autres idées creuses que nous connaissons et qui font dire qu’on est sublime. » D’Alembert aigre, exact et sec, détestait Buffon et n’épargnait point Bailly qu’il considérait alors comme un satellite du grand naturaliste pour les systèmes. […] cette alliance qu’avaient scellée l’Histoire de l’astronomie ancienne, l’adoption du feu central, la communauté d’hypothèse d’un peuple primitif antédiluvien et l’âge d’or des Atlantes, cette alliance solennelle contractée devant de si grands dieux et pour de si graves sujets, se rompit par le trop d’attache de Bailly pour Sedaine, et qu’on dise après cela qu’il n’était pas littérateur jusqu’au point de tenir envers et contre tous pour la littérature même légère ! […] Tel fut Bailly ; savant ingénieux, écrivain élégant et pur, l’un des plus louables produits et des meilleurs sujets que l’Ancien Régime ait légués au nouveau ; qui n’eut rien en lui du mouvement d’initiative ni du levain révolutionnaire des Mirabeau, des Condorcet, des Chamfort, de ces novateurs plus ou moins aigris, irrités ou inspirés ; qui n’accepta dans sa droiture que ce qui lui parut juste, qui s’y tint, et qui, malgré des faiblesses de vue et des illusions de bon naturel, laisse à jamais l’idée d’un homme aussi éclairé que modéré et vertueux.

1166. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Préface pour les Maximes de La Rochefoucauld, (Édition elzévirienne de P. Jannet) 1853. » pp. 404-421

Les grandes choses, et qui sont simples à la fois, ont été dites de bonne heure : les anciens moralistes et poètes ont dessiné et saisi la nature humaine dans ses principaux et larges traits ; il semble qu’ils n’aient laissé aux modernes que la découverte des détails et la grâce des raffinements. La Rochefoucauld échappe à cette loi presque inévitable, et, dans ces matières délicates et subtiles, lui qui n’avait pas lu les anciens et qui les ignorait, n’obéissant qu’aux lumières directes de son esprit et à l’excellence de son goût, il a, aux endroits où il est bon, retrouvé, soit dans l’expression, soit dans l’idée même, une sorte de grandeur. […] Cousin à travers sa verve et tout son talent, et qui me font douter qu’il ait réellement pénétré par l’esprit autant que par l’enthousiasme et par l’érudition dans cet ancien monde.

1167. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Madame Bovary par M. Gustave Flaubert. » pp. 346-363

On se donne souvent bien de la peine pour réveiller des choses passées, pour ressusciter d’anciens auteurs, des ouvrages que personne ne lit plus guère et auxquels on rend un éclair d’intérêt et un semblant de vie : mais quand des œuvres vraies et vives passent devant nous, à notre portée, à pleines voiles et pavillon flottant, d’un air de dire : Qu’en dites-vous ? […] Sans aller si loin que Bernardin de Saint-Pierre, Mme Sand, qui s’était peut-être ennuyée d’abord dans son Berry, ne s’est plu ensuite à nous le montrer que par des aspects assez attrayants ; elle ne nous a pas désenchantés, tant s’en faut, des bords de la Creuse ; en y introduisant même des personnages à théories ou à passions, elle a laissé circuler un large souffle pastoral, rural, poétique dans le sens des anciens. […] Fils d’un ancien aide-chirurgien-major assez mauvais sujet, il n’a rien de la crânerie ni des vices de son père ; les épargnes de sa mère l’ont mis à même de faire à Rouen de chétives études qui l’ont mené à se faire recevoir officier de santé.

1168. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Charles-Victor de Bonstetten. Étude biographique et littéraire, par M. Aimé Steinlen. — II » pp. 435-454

rappelle-toi nos anciens amis, les grands hommes que nous avons lus, que nous avons adorés ensemble, le siècle où nous vivons, tes premiers penchants, le caractère de ton esprit, et l’espèce de bonheur qui était l’objet de tes désirs. […] On croit entendre milord Édouard morigénant un peu fastueusement Saint-Preux ; Il ne laisse pas d’être singulier de voir un historien, et l’historien d’un pays libre, faire fi à ce point de la pratique politique, comme si les anciens qu’il invoque n’avaient pas dû à l’exercice des charges publiques et au maniement des affaires le sens et l’intelligence supérieure qu’ils portaient ensuite dans leurs livres ; comme si Thucydide, Salluste et Cicéron n’avaient fait dans toute leur vie qu’une seule chose, — écrire. […] La révolution, que l’aristocratique Berne ne put éviter et qui brisa l’ancienne Confédération, approchait avec les armées françaises : elle s’accomplit en 1798.

1169. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Le Poëme des champs par M. Calemard de Lafayette. »

M. de Lisle (j’abrège ainsi son nom, il n’a pas à craindre qu’on le confonde avec l’ancien Delille), est de nos jours un talent à part, une nature très-particulière de poëte. […] Le poëme est d’une date déjà fort ancienne, et il en porte les marques. […] Lacaussade donne à une amie des explications touchantes sur ce qu’elle avait pu penser un moment qu’il rejetait avec colère son ancien culte et les rêves de sa jeunesse : Mon idéal trompé fait ma misanthropie !

1170. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Journal de la santé du roi Louis XIV »

Plus de quarante ans après (1705), s’étant mis un jour à remuer et à feuilleter un grand nombre d’anciennes lettres d’amour et d’anciens papiers très-parfumés, il sentit redoubler ses vapeurs ; mais ce sont là des incidents et non des causes : elles nous échappent. […] Il s’ensuivit, depuis 1700, une guerre déclarée, une querelle par thèses et pamphlets virulents entre les défenseurs des deux sortes de vins : la querelle des Anciens et des Modernes n’était pas plus vive.

1171. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Entretiens de Gœthe et d’Eckermann (suite) »

Je me souviens d’avoir lu un discours prononcé ex cathedra à Cambridge (1844), dans lequel l’orateur, s’emparant contre lui de son étendue et de son impartialité même, l’appelait égoïste, faux, méchant, traître, un homme « qui se jouait avec sang-froid de la paix et de la vertu d’autrui, et qui jouissait du haut de sa sérénité de voir les ruines qu’il avait portées dans les cœurs assez simples pour se confier au sien. » Les Pharisiens de tout temps, les hommes de secte et de parti sont bien les mêmes, qu’ils soient de Cambridge, ou de l’ancienne Sorbonne, ou d’un salon à la mode voisin de la sacristie. […] Ce qu’il était permis de dire aux anciens Grecs ne nous semble plus, à nous, convenable, et ce qui plaisait aux énergiques contemporains de Shakspeare, l’Anglais de 1820 ne peut plus le tolérer, à tel point que dans ces derniers temps on a senti le besoin d’un « Shakspeare des familles. » Nous connaissons, sans sortir de chez nous, de ces pruderies et de ces arrangements-là, mais bien vite nous en rions ; — nous en souffrons aussi. […] L’exactitude m’oblige pourtant à remarquer que ce mot, tel que je le cite d’après un ancien traducteur, a été un peu arrangé en français.

1172. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Corneille. Le Cid. »

Desjardins que Corneille, en matière historique ancienne, tout instinctif qu’il était et à la merci de sa verve, méditait certainement et réfléchissait plus qu’on ne le suppose. […] Revenant aux jugements littéraires et aux études remarquables, de date plus ou moins ancienne, mais qui ont également paru dans ces derniers temps, je trouve dans le volume intitulé : Poètes du siècle de Louis XIV, par M.  […] Il eut peu de commerce avec les Anciens.

1173. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamennais — Lamennais, Affaires de Rome »

Ce rôle, ainsi transformé, devait rester quelque temps suspect aux anciens libéraux et démocrates qui disaient : « Est-il sincère ?  […] Du Fossé, voulant peindre dans le grand Arnauld cette colère de lion pour la vérité qui s’unissait en son cœur avec la douceur de l’agneau, nous dit naïvement : « L’exemple seul de Moïse, que Dieu appelle le plus doux de tous les hommes, quoiqu’il eût tué un Égyptien pour défendre un de ses frères, brisé par une juste colère les Tables de la Loi, et fait passer au fil de l’épée vingt-trois mille hommes pour punir l’idolâtrie de son peuple, fait bien voir qu’on peut allier ensemble la douceur d’une charité sincère envers le prochain avec un zèle plein d’ardeur pour les intérêts de Dieu. » En ne prenant les vingt-trois mille hommes et l’Égyptien tués qu’en manière de figure, comme il convient dans ce qui est de l’ancienne Loi, et en rapportant à l’abbé de La Mennais cette phrase de Du Fossé sur le grand Arnauld, je me rappelais bien que lui-même avait condamné ce dernier, et qu’il avait écrit de lui en le comparant à Tertullien : « Et Tertullien aussi avait des vertus ; il se perdit néanmoins parce qu’il manqua de la plus nécessaire de toutes, d’humilité. […] Or, je trouve que, dans ses griefs contre Rome, il n’y a rien dont l’abbé de La Mennais l’ancien, celui d’autrefois, celui même de l’Avenir, pour nous en tenir là, n’eût eu de quoi se jouer si on lui en avait fait matière à objection.

1174. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « DIX ANS APRÈS EN LITTÉRATURE. » pp. 472-494

Il y a des temps décisifs dans la vie des individus, où leur constitution physique ou morale subit de graves changements et se fonde comme derechef, où l’on refait bail, pour ainsi dire, sur un certain pied et à de certaines conditions avec ses idées, avec ses moyens ; il y a, enfin, des années critiques, climatériques, comme disaient les anciens médecins, palingénésiques, comme disent de modernes philosophes. […] Mais, ainsi que je l’ai posé en commençant, depuis trois ou quatre années, les choses politiques s’étant graduellement apaisées ou affaissées en ce qu’elles avaient d’habituellement imminent et absorbant, on a le loisir, on se regarde ; rien ne s’est recomposé littérairement et avec le feu des premières œuvres ; du moins les individus se retrouvent, s’essayent ; il y a une sorte de retour des uns à leurs anciens travaux, il y a persistance et perfectionnement chez d’autres, un peu de désabusement chez tous, mais en somme une disposition assez favorable et qui s’intéresse avec assez de sincérité. […] s’adresse encore plus particulièrement dans notre pensée à ces anciens amis qui, longtemps groupés au Globe, ne se sont plus retrouvés depuis en littérature, ou ne s’y sont rencontrés qu’un peu au hasard et pour se montrer la brèche déserte, pour regretter les lacunes des absents.

1175. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. PROSPER MÉRIMÉE (Essai sur la Guerre sociale. — Colomba.) » pp. 470-492

A mesure que l’esprit juge mieux de l’étendue des choses, de la richesse du passé, de l’incomparable beauté des anciens et premiers modèles, il entre dans une sorte de sérénité un peu calme et refroidie, qui tempère la veine féconde. […] Mais notre objet n’a pu être ici que de donner un extrait, humble expression très en usage dans l’ancienne critique, dans celle qui se borne à rendre compte et à exposer. […] Une réflexion consolante ressort toutefois : c’est donc ainsi que le talent vrai peut encore, par les retours imprévus, atteindre à quelques accents des Anciens.

1176. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre troisième. L’esprit et la doctrine. — Chapitre I. Composition de l’esprit révolutionnaire, premier élément, l’acquis scientifique. »

En attendant, il court en sceptique à travers les annales de tous les peuples, tranche et retranche légèrement, trop vite, avec excès, surtout lorsqu’il s’agit des anciens, parce que son expédition historique n’est qu’un voyage de reconnaissance, mais avec un coup d’œil si juste que, de sa carte sommaire, nous pouvons garder presque tous les contours. […] Il y a cinq ou six de ces grands centres de civilisation spontanée, la Chine, Babylone, l’ancienne Perse, l’Inde, l’Égypte, la Phénicie, les deux empires d’Amérique. Ramassons leurs débris, lisons ceux de leurs livres qui ont subsisté et que les voyageurs nous rapportent, les cinq Kings des Chinois, les Védas des Hindous, le Zend-Avesta des anciens Perses, et nous y trouverons des religions, des morales, des philosophies, des institutions aussi dignes d’attention que les nôtres.

1177. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre III. Le naturalisme, 1850-1890 — Chapitre VI. Science, histoire, mémoires »

De moralistes à l’ancienne mode, nous n’en avons plus : les Maximes sont devenues un jeu innocent, sans conséquence et sans portée. […] Perrot934, qui — je laisse toujours le mérite spécial — nous fait voir dans ses expressions artistiques le mouvement général des civilisations anciennes, et saisir la vie même des siècles lointains dans tous les débris qu’elle a laissés, depuis le temple ou la forteresse jusqu’aux bijoux et aux vases ; c’est aussi comme une ample leçon d’esthétique expérimentale. […] Fustel de Coulanges (1830-1889), professeur à la Faculté des Lettres de Paris : la Cité antique, in-18, 1861, Hachette ; Recherches sur quelques problèmes d’histoire, in-8, 1885 ; Nouvelles recherches sur quelques problèmes d’histoire, in-8 ; Histoire des institutions politiques de l’ancienne France, Hachette, 5 vol. in-8 ; le t. 1 est de 1875 ; a été refaite ensuite en 3 volumes, 1888 et suiv.), etc.

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