Si d’autres, au même moment, soufflaient chaud à tort et à travers, on peut dire de lui qu’il a soufflé froid sur la jeunesse.
Il serait bien plutôt tenté de les considérer comme un poste de transition et de reconnaissance placé à la limite de deux âges, ou encore comme ces fanaux semés sur les hauts lieux, qui servent à lier, à travers les siècles, les divers temps de cette grande expérience incessamment accomplie par l’humanité.
A ne prendre que l’empire, qui semble avoir été si hostile à la liberté, ç’a été le temps où, à l’abri d’un pouvoir fort, l’égalité civile a le plus profondément pénétré dans nos mœurs, où la tolérance religieuse a jeté le plus de fondements dans la société, où, les habitudes et le génie militaire circulant dans tous les rangs de la nation, nous avons appris ce qui nous garantira d’ici à un long temps de la dictature prétorienne ; sans Austerlitz, Wagram et dix ans de conquêtes à travers l’Europe, qui sait si le peuple de Paris eût vaincu la garde royale en trois jours ?
Le sauvage de l’Amérique, dont les sens ont été exercés dès l’enfance, excelle à saisir à travers l’immensité des forêts mille traces invisibles pour nous, à distinguer dans l’espace des bruits qui n’arrivent pas à nos oreilles ; sa pénétration est presque de la magie ; on est tenté de croire à une divination d’inspiré.
Quelque opinion qu’on garde après la lecture du livre sur la réalité de ces divisions qu’une philosophie plus forte trouverait sans doute moyen de simplifier et de réduire, ce qu’il faut reconnaître, c’est l’agréable et instructif chemin par lequel le philosophe nous a menés ; c’est cette multitude de remarques fines, judicieuses et ingénieuses, tempérées, qu’il a semées sous nos pas ; c’est ce jour si indulgent et si doux qu’il sait jeter sur la nature humaine en y pénétrant ; c’est l’émotion honnête qu’il excite en nous, tout en nous apprenant à décomposer et à observer ; ce sont les heureuses applications morales et pratiques, le choix et l’atticisme des exemples, et les fleurs d’une littérature si délicatement cultivée à travers les recherches de la philosophie.
Toutes les fois qu’on peut les passer sous silence on le fait ; on les pille sans mot dire ; on ne met pas son amour-propre à les citer à tout propos, à les louer à tort et à travers, comme cela a lieu à l’égard de ceux qui ont passé le niveau.
Il considère son sujet en plein, sans tant de façon, rondement ; il voit ce qu’il en peut faire avec esprit, avec verve, avec bon sens à travers ; son parti pris, il va ; il s’agit, avant tout, que son feuilleton ait vie, qu’il se meuve, qu’il amuse ; son feuilleton, c’est sa pièce à lui, il faut qu’elle réussisse ; il ne l’écrit pas ce feuilleton, il le joue.
Le vieux cœur se remet à battre à travers les mailles du réseau moderne et ne cherche pas à le briser.
Il y a tant de maux sur la terre, cependant, qu’il semblerait que tout ce qui arrive dans le monde, doit être une jouissance pour l’envie ; mais elle est si difficile en malheurs, que s’il reste de la considération à côté des revers, un sentiment à travers mille infortunes, une qualité parmi des torts ; si le souvenir de la prospérité relève dans la misère, l’envieux souffre et déteste encore : il démêle, pour haïr, des avantages inconnus à celui qui les possède ; il faudrait, pour qu’il cessât de s’agiter, qu’il crut tout ce qui existe inférieur à sa fortune, à ses talents, à son bonheur même ; et il a la conscience, au contraire, que nul tourment ne peut égaler l’impression aride et desséchante, que sa passion dominatrice produit sur lui.
J’ai peu de mémoire, et je n’ai point relu depuis longtemps la plupart de ses romans ; et pourtant je revois, avec une grande netteté, tel verger dans le Mariage de Gérard, telle vieille maison bourgeoise dans Tante Aurélie, tel sentier à travers bois dans Péché mortel ; tel banc sous les grands arbres où un beau garçon et une jolie dame mangent des cerises, dans le Fils Maugars ; tel champ où l’on « fane », dans Madame Heurteloup ; et chaque fois je songe : « Que ne suis-je là !
Pour donner au monde un roman naturaliste de plus, et, notamment, pour décrire les sensations d’un infirme qui regarde passer les gens à travers une lucarne.
Tout ce monde-là se rappelle également ces troublants paysages, les Filaos, souvenir de l’Île natale, et ces Automnes où Le monotone ennui de vivre est en chemin, et ces pièces où le vers revient sans monotonie, forme toute nouvelle, car Baudelaire, qui lui-même a emprunté à Edgar Poe la réitération du vers, se borne, comme son modèle, à en faire un véritable refrain revenant toujours à la même place, tandis que Dierx promène, en écoliers buissonniers, plusieurs vers dans la même pièce, comme un improvisateur au piano qui laisse errer plusieurs notes, toujours les mêmes, à travers l’air qu’il a trouvé, ce qui produit un effet de vague d’autant plus délicieux, que le vers de notre poète est particulièrement fait et très précis, toute flottante que veuille être parfois sa pensée, mystique et sensuelle.
José-Maria de Heredia exprimait de préférence, c’était je ne sais quelle joie héroïque de vivre par l’imagination à travers la nature et l’histoire magnifiées et glorifiées.
Il a l’air toujours de regarder la vie à travers du souvenir.
Certains passages, comme le dialogue de Magnus et de la Dame à travers le huis du Manoir, les scènes de l’Université, du Carnaval, la Kermesse finale de la Mort, sont d’une haute inspiration, d’une sublime portée poétique.
La rapide prépondérance que prit l’empire franc refait un moment l’unité de l’Occident ; mais cet empire se brise irrémédiablement vers le milieu du IXe siècle ; le traité de Verdun trace des divisions immuables en principe, et dès lors la France, l’Allemagne, l’Angleterre, l’Italie, l’Espagne s’acheminent, par des voies souvent détournées et à travers mille aventures, à leur pleine existence nationale, telle que nous la voyons s’épanouir aujourd’hui.
On lui laissait parcourir les tranchées et courir aux escarmouches à travers les balles et les boulets.
Il édifie et renverse ; il donne les exemples et les préceptes les plus contraires ; il élève aux nues le siècle de Louis XIV, et attaque ensuite en détail la réputation des grands hommes de ce siècle : tour à tour il encense et dénigre l’antiquité ; il poursuit, à travers soixante-dix volumes, ce qu’il appelle l’infâme ; et les morceaux les plus beaux de ses écrits sont inspirés par la religion.
Albalat aurait dû s’appuyer sur une base absolument psychologique pour ensuite tenter de nous montrer comment les sensations arrivent à s’incarner, visuelles quand même, à travers les sons du Verbe humain, groupés en tous sens au hasard des mots et des comparaisons.
Catholique d’intelligence, de sentiment, et nous dirons même de préoccupation, voyant tout à travers le catholicisme parce que le catholicisme c’est tout, même pour ses ennemis, depuis qu’il est né dans le monde et dans l’histoire, écrivain de discussion et d’apologie, Nicolas a dévoué sa pensée à l’avancement incessant, mais combattu, de l’Éternelle Vérité.
Tout à l’heure, elle n’est qu’une bretonne qui jette son patois de Bretonne à travers notre littérature française.
Assurément, la pâle et délicate Mme de La Fayette, cette fille d’une société factice et qui n’a appris ce qu’elle sait de la nature humaine qu’en écoutant à travers les draperies des convenances à la porte de quelques cœurs, semble une bien grêle observatrice, quand on la compare à des esprits comme Defoë et Richardson, ces génies énergiques qui plongent, eux, dans l’humanité à une si grande profondeur, et qui la brassent comme on brasse un bain.
II Adoration… c’est bien fort ; mais ce ne l’est pas trop pour exprimer le sentiment qui circule à travers le nouvel ouvrage de Cladel.
Taine, au crayon, sur de petits carnets, prenait ces notes que les siens publient respectueusement et sans rien y retrancher, il était un grand travailleur arraché pour quelques semaines à son labeur, à son milieu, contraint à se déplacer à travers toutes les régions de la France.
., vinrent à la philosophie à travers les mathématiques ; l’un d’eux, Henri Poincaré, fut un mathématicien de génie.
Royer-Collard et de M. de Biran, celle qui veut bien nous reconnaître pour interprète et nous permettre de la guider à travers les écueils semés sur sa route, n’a rien à voir avec la philosophie d’au-delà du Rhin. […] Enchaîné dans les limites du monde, l’homme ne voit rien qu’à travers ce monde et sous les formes de ce monde ; mais à travers ces formes, et sous ces formes mêmes, il suppose invinciblement quelque chose qui est pour lui la substance, la cause et le modèle de toutes les forces et de toutes les perfections qu’il aperçoit et dans lui-même et dans le monde. […] La civilisation descend du centre de l’Asie à travers les plaines de l’Asie Mineure, dans cet admirable bassin de la Méditerranée, et sur les côtes de la Grèce. […] L’humanité embrasse tout, profite de tout, avance toujours et à travers tout. […] Une époque est complète lorsqu’elle a fait passer l’idée qu’il lui est donné de développer à travers toutes ces sphères.
Il serait donc parfaitement chimérique de tenter une opposition aux courants d’idées qui circulent à travers le monde. […] Depuis tout à l’heure un siècle, à travers différents régimes, cette engeance sévit. […] Ceux qui vont suivre les propagent à travers la vie multiforme. […] Non sans peine, du reste, et à travers beaucoup de souffrances, car il se rendait compte de la complexité de l’âme contemporaine en général et de la sienne en particulier. […] Et il en résulte le malaise universel dont nous n’avons cessé de souffrir à travers cent systèmes différents.
Ainsi Diane, venant baiser Endymion, coulait son corps souple et mol à travers le réseau des ramures. […] Sur une page, elle regarde malicieusement Musset à travers son éventail. […] Jules Lemaître, rejoignent, à travers les siècles, celles des poètes primitifs. […] Depuis deux ans, à travers ces charmilles, je suis la trace de vos pas. […] C’est d’un monde fabuleux ou vu à travers une goguette et dans une pointe de vin.
— au philosophe versatile, jouet de son imagination abstraite, que nous suivrons plus tard dans ses évolutions à travers un radicalisme nuageux. […] Nous exigeons davantage aujourd’hui ; notre curiosité s’attache à l’homme ; à travers l’homme elle poursuit le secret de la race. […] À travers le rire, qui ne s’était jamais échappé de moi avec plus de force, le spectateur sentait mon chagrin. […] Il fit le voyage de Jérusalem, il erra quelque temps à travers ces ruines grises, paysage tentant et dangereux pour les âmes en détresse. […] Les Récits d’un chasseur ont charmé bien des lecteurs français ; qu’ils sont décolorés cependant à travers le double voile de la traduction et de l’ignorance du pays !
Mais les minutes lui sont comptées, et c’est à travers les voiles que l’agonie a tendus sur ses yeux qu’il lui faut suivre sur l’horloge le pas trop lent des aiguilles. […] Nous autres nous voyons L’ange à travers le monstre, et je vois tes rayons ! […] Tout ce qu’on peut dire d’une créature méchante, abjecte et dangereuse, il l’a dit de cette femme à la grandeur cachée, qui s’en vient tranquillement vers la postérité, qui le croit, à travers tant de calomnies. […] Du coin de sa fenêtre, derrière son rideau, à travers ses larmes, la coupable regarde passer dans la rue le petit enterrement et voit derrière le cercueil deux hommes qui pleurent, deux pères ! […] Léon Daudet ayant pu rassembler une foule de faits, d’observations, de rêves recueillis dans la promenade de la vie à travers la science, les arts, la philosophie, une fois rentré chez lui, les ait jetés pêle-mêle dans son secrétaire comme matériaux très divers à employer plus tard.
Il avait d’ailleurs le pire des publics, débauché et frivole, dépourvu d’un goût personnel, égaré à travers les souvenirs confus de la littérature nationale et les imitations déformées des littératures étrangères ne demandant au théâtre que la volupté des sens ou l’amusement de la curiosité. […] Tout à l’heure la grossièreté licencieuse de la Restauration perçait à travers le masque des beaux sentiments dont elle se couvrait ; maintenant la rude imagination anglaise a crevé le moule oratoire où elle tâchait de s’enfermer. […] À travers l’enveloppe pompeuse de la rhétorique nouvelle, Thomas Otway a retrouvé parfois les passions de l’autre siècle. […] Il ne sait pas effacer en lui l’érudit, le logicien, le rhétoricien, pour ne montrer que « l’honnête homme. » Mais l’homme de cœur apparaît souvent ; à travers plusieurs chutes et beaucoup de glissades, on découvre un esprit qui se tient debout, plié plutôt par convenance que par nature, ayant de l’élan et du souffle, occupé de pensées graves, et livrant sa conduite à ses convictions. […] De toutes parts, à travers les rues jonchées de paperasses, les nations s’assemblent pour contempler le jeune héros, debout auprès du trône paternel, le front ceint de brouillards mornes, laissant errer sur son visage le fade sourire de l’imbécillité contente776.
Mais il se leva vivement, et le guerrier hardi saisit le javelot qu’elle lui avait lancé à travers son bouclier, et sa forte main le brandit à son tour. […] De cette façon, nous pourrons reconnaître, mes seigneurs et moi, qui de nous sera le plus adroit chasseur, dans cette expédition à travers la forêt. […] « On chargea sur des chariots les bêtes tuées par la main de Sîfrit, et on les transporta à travers le pays. […] « Au moment où le seigneur Sîfrit se penchait sur la fontaine pour y boire, il le frappa, à travers la petite croix marquée, si violemment, que le sang du cœur jaillit de la blessure jusque sur les habits de Hagene. […] Et si Hagene de Troneje refusait de les accompagner, qui donc leur montrerait le chemin à travers le pays ?
Durant quarante années, il a dispersé à travers toutes les librairies, à travers toutes les publications périodiques ce que Sainte-Beuve a appelé « la poussière d’or de son style embarquée sur des coquilles de noix27 ». […] Il ne fut pas, comme Victor Hugo, comme Alfred de Musset, comme Théophile Gautier une âme évoluant à travers une série de manières différentes, et modifiant à chaque période ses pensées et leur forme. […] Et nous aurons alors cette étrange déclaration du poète à sa maîtresse, un jour qu’il la promène à son bras, à travers la campagne, « un beau matin d’été si doux ». […] Ce qui est certain, c’est que, dans ce corps de femme aux lignes admirablement pures et aux contours harmonieux, dans ce visage d’une sérénité plus qu’humaine, il a laissé à travers les âges une des expressions les plus hautes de la Beauté idéale. […] où est seulement la possibilité d’un de ces drames aux proportions immenses, d’une de ces épopées si hautes, qu’à travers l’éloignement des siècles et les cataclysmes des civilisations, l’humanité ne les perd pas de vue ?
Ainsi, j’ai longtemps hésité ; longtemps j’ai éloigné de mon esprit cette recherche à travers l’inconnu. C’est si triste et si lamentable d’ailleurs, cette récolte au milieu des jardins fanés, cette glane à travers les moissons stériles, cette façon de revenir sur les pas de sa jeunesse, et de ramasser çà et là, dans une corbeille à peu près vide, les fleurs incolores des printemps envolés. […] En vain les espions de Néron, si Néron déclame et chante en personne, sur les planches de son théâtre, s’en vont à travers la foule sollicitant les applaudissements de ce peuple repu… c’est à peine si quelques sénateurs effrontés, et quelques soldats pris de vin osent prêter à cet histrion manqué, l’appui honteux de leur admiration famélique. — Au contraire, essayez de mettre au cachot la chanson de Béranger… soudain la chanson éclate et brille à travers les barreaux de fer ; elle perce en mille échos les voûtes abaissées de la Conciergerie ; elle va d’âme en âme, à travers la France consolée, appelant à son aide les trois passions de la France d’autrefois, de la France d’aujourd’hui, de la France éternelle : la gloire, la liberté et l’amour ! […] Shakespeare, qui est un peu l’enfant du hasard, génie inculte et puissant, quitte son village natal pour la grande cité qu’habite la reine-vierge, assise au trône d’Occident ; Molière, enfant des Muses, tout nourri des plus savantes leçons, entre Gassendi le philosophe, et Conti, le prince du sang royal, quitte la ville de Hardi et de Corneille, et s’en va, à travers champs, de ville en ville, en quête du rire, du bon sens et de l’amour. […] Molière devint alors l’exécuteur des petites œuvres du roi ; il frappa impunément, et au grand plaisir de Louis, sur les petits marquis, les petits barons, les chevaliers, les élus et les femmes d’élus, sur les baillis et les baillives ; il frappa à droite et à gauche, à tort et à travers ; même il en fouetta jusqu’au sang, Louis l’encourageant, Louis applaudissant et riant aux éclats de ces vengeances dans lesquelles il était de moitié.
à moitié, à travers mes sanglots, l’histoire de mes malheurs ! […] Mais un rêve chanté en vers immortels, mais un roman tissu et raconté avec une telle prodigalité d’imagination, de piété, d’héroïsme, de tendresse, que le lecteur, oubliant les temps, les lieux, les mœurs, en suit du cœur les touchantes aventures avec autant d’intérêt que si c’était une histoire ; mais des scènes qui rachètent par le pathétique des situations et des sentiments l’inconséquence et l’étrangeté de la conception ; mais un charme comparable à l’enchantement de son Armide, charme qui découle de chaque strophe, qui vous enivre de mélodie comme le pavot d’Orient de ses visions, et qui vous livre sans résistance aux ravissantes rêveries de cet opium poétique ; mais un style surtout coloré de telles images, et chantant avec de telles harmonies, qu’on s’éblouit de sa splendeur, et qu’on se laisse volontairement bercer de sa musique, comme au roulis d’une gondole vénitienne pendant une nuit d’illumination à travers les façades de palais de la ville des merveilles. […] « Le gazouillement des oiseaux qui saluent l’aurore, le fleuve qui murmure, le zéphyr qui se joue avec les ondes et soupire à travers les feuillages, la réveillent aux premiers rayons du jour : elle ouvre des yeux languissants et promène ses regards sur les asiles solitaires des bergers ; elle croit entendre une voix qui la rappelle à la douleur et aux larmes. […] « Si le vent murmure à travers les feuilles, si quelque oiseau, quelque bête sauvage agitent les rameaux, il croit entendre son amante : il la cherche, et soupire après l’avoir cherchée en vain.
Il a eu d’avance l’esprit si sociable et si humain, à travers toutes leurs faiblesses, des philosophes du dix-huitième siècle. (« Venez dans la solitude de mon cabinet… » etc.) […] Musset lui-même s’évanouit : son nom ne désigne plus que le passage accidentel, à travers un cerveau, de deux « genres littéraires » à une certaine minute du développement de ces deux plantes… La logique de M. […] Ses causeries du Journal nous le montrent baguenaudant à travers sa bonne ville, se mêlant volontiers au populaire, attendri et frondeur, excusant les misérables, sévère aux bourgeois et aux politiciens, paternel aux jeunes gens, évangélique jusqu’à la plus noble imprudence, et conciliant cet évangélisme avec le culte du grand Empereur, qui n’est, chez lui, que le culte de l’effort et de la volonté héroïque ; saluant un vague bon Dieu, célébrant le printemps et sa mie, se racontant lui-même avec une bonhomie charmante ; d’ailleurs artiste toujours soigneux, mais, autant qu’artiste, brave homme. […] Sa dernière Elvire, fleur pâlotte et douce, nimbée, à travers les losanges d’une maigre tonnelle, par les derniers rayons du soleil couchant sur la Marne, n’a point paru sans poésie.
» et, dans une apothéose, Brünnhilde, redevenue Walküre, conduit Siegfried, à travers les nuages, vers Walhall ; En somme : adaptation fort habile ; pas l’ombre d’un drame psychologique. […] Le récit amer et poignant qui tombe avec de douloureux sarcasmes de la lèvre plissée par le désespoir du malheureux excommunié, se poursuit à travers des émotions si navrantes, qu’il s’est rencontré des personnes hors d’état d’y assister jusqu’au bout. […] Naît un sens du possible et du réel, à travers lequel, désormais, doit être créée la vie. […] Le romancier dressera une seule âme, qu’il animera pleinement : par elles seront perçues les images, raisonnés les arguments, senties les émotions : le lecteur, comme l’auteur, verra tout, les choses et les âmes, à travers cette âme unique et précise, dont il vivra la vie27.
Le convoi s’avance à travers une haie de troupes et une muraille de peuple ; pas un pavé qui ne porte un homme attendri, pas une fenêtre qui ne regarde passer en pleurant le char, pas un toit qui ne vocifère son cri d’adieu ou son acclamation d’amour, pas un pan du ciel d’où ne tombe sur le suaire une pluie de couronnes d’immortelles, fleurs funèbres qui n’ont pour rosée que des larmes, et qui n’ont de parfum que dans le souvenir et dans l’éternité ! […] Un peuple, un gouvernement, une armée, ne se disputent pas la préséance dans leur cortège funèbre ; une veuve, un enfant, un vieux serviteur, un chien fidèle, quelquefois suivent seuls leur convoi, à travers les brouillards du matin, dans un faubourg inattentif qui ne sait pas leur nom. […] Il devinait tout parce qu’il sentait tout : une grandeur ou une douleur de la patrie, un tambour battant la charge à des grenadiers sur quelque champ de bataille de la République ou de l’Empire, un tocsin du 14 juillet appelant les citoyens à l’assaut de la Bastille, un coup de canon de Waterloo mutilant les débris des derniers bataillons décimés de Moscou ou de Leipsick, un adieu funèbre de César vaincu à ses légions anéanties dans une cour de Fontainebleau ; le déchirement d’un dernier drapeau tricolore qui déchirait, avec ce même lambeau, l’orgueil et le cœur d’un million de vétérans humiliés ; un soupir du Prométhée impérial enchaîné sur son rocher, apporté par le vent à travers l’Océan du rivage de Sainte-Hélène ; un bruit de pas des bataillons étrangers sur le sol de la patrie, un murmure encore sourd du peuple contre la moindre atteinte à sa révolution ; un gémissement de proscrit de 1815, le bruit d’un coup de feu d’un peloton de soldats dans l’allée de l’Observatoire, dans la plaine de Grenelle, à Toulouse, à Nîmes, à Lyon, balle sous laquelle tombait un maréchal, un colonel ou un sergent des vieilles bandes françaises ; une plainte de prisonnier dans le cachot, un cri de faim dans la chaumière, de souffrance dans la mansarde, une agonie du blessé dans un lit d’hôpital ; une mère pressant ses trois enfants contre sa mamelle épuisée près de son mari mort sur son grabat, sans suaire, dans un grenier ; un sanglot étouffé de veuve dont le fisc emporte la chèvre nourricière ; une voix d’enfant aux pieds nus sur la neige, collant ses mains roidies aux grilles du palais du riche pour y respirer de loin l’haleine du feu de ses festins : tout cela retentissait dans l’âme de Béranger, comme si un autre Asmodée avait découvert à ses yeux les toits des capitales ou le chaume des huttes. […] La sandale retentissante sur la dalle, chaussée au pied droit, le gant de combat à la main, le plastron sur le sein, l’épée mouchetée au poing, le masque de fil de fer sur le visage, treillis à travers lequel brillait l’ardeur des joues colorées par le jeu du combat, tout ce costume obligé d’un prévôt de salle d’armes devait faire, de la belle Judith, une Clorinde de quinze ans, plus facile à admirer qu’à combattre.
C’était le temps du tonitruant succès de ce grand roman d’aventures à travers un monde que jusque-là la littérature n’avait pas osé aborder. […] Paul Féval passe à travers Brucker et devient Brucker en y passant. […] Ses romans attestent qu’elle est en lui abondante, profonde, inépuisable ; mais nulle part elle n’a mieux jailli, elle n’a mieux coulé que dans cette histoire qu’il nous fait des Jésuites, et à travers laquelle il introduit, d’une façon si piquante, sa sensible personnalité. […] Si grandes qu’elles soient, ces merveilles, dans lesquelles la main de Dieu évidemment soutint la main des hommes pour les accomplir à travers tant de difficultés, tant d’obstacles, tant de malheurs, il en est, pour moi, de plus grandes, et ce sont les guerres séculaires qui vinrent, comme une succession de tempêtes, battre les murs de ce monastère consacré, et se heurter vainement contre l’autel élevé au porte-épée de Dieu, dressé du sein des flots comme un bloc aimanté pour attirer, des quatre points de l’horizon, les pèlerinages des rois et des peuples, — et pour attirer aussi les armées et les batailles auxquelles il a toujours résisté.
Celui-ci refusa ; mais, se revêtant de sa robe d’écolier et prenant un livre d’heures sous le bras, il se rendit à travers les périls au collège de Bourgogne dont le principal le recueillit et le tînt trois jours caché. […] En cette saison gracieuse, reposée et unique peut-être dans sa vie, Rosny, âgé de près de vingt-sept ans, dans sa maturité première et, si l’on ose dire, dans sa fleur d’austérité, n’avait pas encore cette mine rébarbative qu’il eut depuis, et que nous lui verrons prendre successivement à travers les fatigues, les périls, les contentions et les applications de toutes sortes, où sa capacité opiniâtre, son ambition légitime et jalouse, son amour du bien public et de l’honneur de son maître l’engagèrent de plus en plus.
À un moment ou à un autre, la joie qui n’est que l’épanouissement de l’âme reparaît, et elle ne cesse point de courir à travers les actions. […] Entourée à Versailles d’hommes qui ne l’aimaient pas ou de femmes qu’elle méprisait, lisant dans leur cœur à travers leurs hommages intéressés et leurs bassesses, excédée de fatigue et de contrainte auprès du roi et de la famille royale qui usaient et abusaient d’elle, elle arrivait à Saint-Cyr pour s’y détendre, pour s’y plaindre, pour y laisser tomber le masque qu’elle portait sans cesse.
À Fontainebleau, elle se promenait souvent à pied et faisait chaque fois une bonne lieue à travers la forêt. […] Elle avait gardé de lui et des autres réformateurs, jusqu’à travers sa conversion, une habitude d’invectives contre les ordres religieux de tout genre ; elle a, à ce propos, des sorties qui sont moins d’une femme que de quelque savant du xvie siècle en colère ou de quelque docteur émancipé de la rue Saint-Jacques.
Différent d’opinion avec elle sur un point délicat qui touche à la réputation de l’antique Lesbienne, il s’exprime avec une politesse et une galanterie inusitées chez les commentateurs : « Mlle Le Fèvre, dit-il, a eu sans doute ses raisons pour n’être pas de ce sentiment, et il faut avouer qu’elle a donné au sien toute la couleur qu’il était possible de lui donner. » Enfin, de même que deux jeunes cœurs se font des signes d’une fenêtre à l’autre ou à travers le feuillage des charmilles, Mlle Le Fèvre et M. Dacier s’envoyaient un sourire à travers leurs commentaires.
Il prétend, à travers tout, être resté un bon Français ; il a toujours l’air de ne prendre les armes que malgré lui, à son corps défendant, et parce qu’il ne peut en honneur s’en empêcher sans manquer à son devoir et au bien des Églises. […] Faisons ici la part de la passion, et dégageons la pensée à travers l’injure.
Son idéal en ce genre, autant qu’on l’entrevoit à travers ses regrets, serait une sorte de gouvernement paternel et de famille, avec des influences locales et territoriales et beaucoup de décentralisation. […] Ce point d’appui, ce motif dominant, Maine de Biran ne cessera plus de le chercher jusqu’à sa dernière heure, à travers toutes sortes d’anxiétés et d’incertitudes.
À travers ces perpétuels et insipides changements de résidence, il vivait d’ailleurs très retiré et sans prendre part à la vie commune de ses camarades ; en dehors des heures de service, il se renfermait chez lui, et ne voyait familièrement que quelques jeunes officiers, comme de Seytres, qui étaient plus sages que les autres et qu’il aimait assez à morigéner agréablement. […] Sachons-lui gré pourtant ; en le harcelant à tort et à travers, il va forcer Vauvenargues à se révéler par la portion la plus fière et la plus élevée de son être, et à développer son âme tout entière.
Sismondi est né à Genève, il est Italien de race et aussi un peu de tempérament, il ne vient à Paris que tard et en passant ; et pourtant, à travers bien des interpositions et des obstacles, il nous aime : non-seulement il écrit ses ouvrages en français, mais toute la seconde moitié de sa vie sera consacrée à écrire l’Histoire des Français dans la plus copieuse compilation qui ait été faite ; mais dans son premier ouvrage de jeunesse, publié en 1801, et tout entier relatif à l’Italie, il ne se sépare pas de notre nation, de celle à laquelle il avait alors l’honneur d’appartenir ; il dit nous. […] Il y a, en littérature, de ces ondulations et de ces flottants accords à travers l’air.
On y sent à travers les déclamations et on y retrouve des fonds de mémoires exacts et neufs pour le temps, fort instructifs et intéressants en substance, sur l’origine et les vicissitudes des établissements européens dans les deux Indes. […] On parle toujours de l’Angleterre à tort et à travers pour l’opposer à la France.
La plus grande ou plutôt la seule incommodité de La Chesnaie est l’éloignement de la paroisse. » Sous tous ces vœux de petitesse et d’humilité et à travers ces alternatives, il est clair qu’un combat se livre en lui ; est-il fait ou non pour le sacerdoce ? […] Son étude elle-même, dans sa direction habituelle, est presque toute tournée à la théologie, aux citations des Pères : à peine Virgile et Horace se laissent-ils quelquefois deviner à travers cette sombre culture ; M. de La Mennais lisait le latin, mais il était peu capable de l’écrire ; il l’avait appris solitairement et ne s’était formé à aucun des exercices qui, ne fussent-ils bons à autre chose, disposent du moins à apprécier, à goûter avec justesse la belle fleur de l’antiquité109.
de Sophie Arnould, un auteur manqué qui n’avait jamais eu que des moitiés ou des quarts de succès, un candidat-lauréat perpétuel à l’Académie, mais qui, à travers ses ridicules, n’était point dépourvu de connaissances, ni d’esprit, ni même d’un certain goût, s’était pris d’affection pour la jeune actrice, et il tenait à lui donner des conseils. […] N’écris pas ces doux mots que je n’ose plus lire : Il semble que ta voix les répand sur mon cœur ; Que je les vois brûler à travers ton sourire ; Il semble qu’un baiser les empreint sur mon cœur.
Allons, il ne me fâche pas trop de ne pas porter une couronne de reine, quoiqu’il me manque bien des moyens… Mais je babille à tort et à travers : je t’aime de même, comme Henri IV faisait Crillon. […] Son père se dérange et se ruine ; elle s’en aperçoit, elle veut tout savoir, et il lui faut sourire au monde, à son père, et dissimuler : « J’aimerais mieux le sifflement des javelots et les horreurs de la mêlée, s’écrie-t-elle par moments, que le bruit sourd des traits qui me déchirent ; mais c’est la guerre du sage luttant contre le sort. » Elle venait de lire Plutarque ou Sénèque, quand elle proférait ce mot stoïque ; mais elle avait lu aussi Homère, et elle se disait, dans une image moins tendue et avec sourire : « La gaieté perce quelquefois au milieu de mes chagrins, comme un rayon de soleil à travers les nuages.
Mais ici nous le prenons sur le fait ; ce n’est plus à l’huis d’un châtel que frappe mignardement le pèlerin, c’est tout bonnement à la porte d’une ferme, durant une course à travers ces grasses et saines campagnes : « Je n’ai point oublié, raconte-t-il, quel accueil je reçus dans une ferme à quelques lieues de Dijon, un, soir d’octobre que l’averse m’avait assailli cheminant au hasard vers la plaine, après avoir visité les plateaux boisés et les combes encore vertes de Chambœuf167. […] Quelque obstiné que soit votre silence, je l’attribue plutôt à votre souffrance morale qu’à l’oubli de ceux qui vous aiment… (Et après quelques conjectures sur la vie de Paris :) En revanche, mon cher Bertrand, nous avons des promenades à travers champs qui valent peut-être les soirées d’Emile Deschamps.
Mais à travers ses arguments et ses exposés de faits, toute son âme se fait jour, un peu tumultueusement : un vif besoin d’ordre, de paix et de justice, un ardent patriotisme, un christianisme sincère, une profonde pitié du peuple qui paie et qui peine, et le très robuste orgueil du commerçant et de l’industriel : on le sent bien nettement, par la bouche de cet économiste, la bourgeoisie fixe le prix dont elle entend que la royauté lui paie le pouvoir absolu. […] Toute la nature et tous les livres lui fournissent des comparaisons, des images, des agréments : il a une libre fantaisie qui se promène à travers le monde, ramassant toutes les curiosités et toutes les singularités, à la façon de Montaigne.
Et pourtant son Histoire se déroule suivant un plan inexorable et l’esprit français ressemble chez lui à une personne morale qui se développerait, puis déclinerait à travers les âges. […] Sainte-Beuve mêle avec beaucoup de grâce les deux méthodes, apprécie quelquefois, mais plus souvent décrit, juge encore les œuvres d’après la tradition, du goût classique, mais élargit cette tradition, s’applique plus volontiers, se promenant à travers toute la littérature, à faire des portraits et des biographies morales, et fournit je ne sais combien de pièces, éparses, mais exquises, à ce qu’il appelait si bien l’histoire naturelle des esprits.
Mais, à travers toutes ces métamorphoses, ils auront l’honneur d’avoir fourni des éléments essentiels à la vie de l’humanité. […] Le grand art des recensions n’est plus comme du temps de Fréron, de juger du tout par la préface ; c’est maintenant d’après le titre qu’on se met à disserter à tort et à travers sur le même sujet que l’auteur.
Dumas a mis un art infini à gazer cet étrange récit ; mais sa nudité paraît à travers, elle a ému justement la salle. […] Je cherche vainement le sens de cet énigmatique personnage : il garde, dans son agitation, la physionomie immobile d’un masque courant et intriguant, à travers une foule.
La jeune Émilie, nouvellement relevée de couches, triste des infidélités de son mari, le méprisant déjà et en ayant le droit, ayant vu l’aimable Francueil et s’y intéressant vaguement, n’ose encore pourtant se déclarer, et ne voit son propre désir qu’à travers un nuage. […] Car n’oublions pas qu’au beau milieu de ces Mémoires, et à travers toutes les diversités galantes et amoureuses qui les remplissent et dans lesquelles la personne principale s’est peinte à nous plus qu’en buste, la préoccupation, j’allais dire la chimère d’une éducation morale systématique, y tient une grande place, et, dans l’entre-deux de ses tendres faiblesses, Émilie ne cesse d’y faire concurrence à l’auteur d’Émile.
Pour prendre une comparaison qui n’est pas disproportionnée, et que ce terme de probité si souvent employé amène naturellement, on peut dire que Ninon, garda, à travers ses intrigues galantes, quelque chose de cette franchise et de cette droiture que la princesse Palatine sut observer dans la Fronde au milieu des factions politiques. […] Votre parole est la convention la plus sûre sur laquelle on puisse se reposer… La correspondance de Ninon avec Saint-Évremond, à travers les événements divers et les guerres, ne fut pas très exacte ni très soutenue, et les quelques lettres qui se sont conservées se rapportent aux dernières années de leur vie.
Ce n’est pas parce qu’il aime, mais parce qu’il aime à tort et à travers, et qu’il ne quitte l’une que pour passer à l’autre, c’est pour cela qu’il lasse et qu’il ennuie. […] C’est vous seule que je veux servir, vous êtes mon unique souveraine… » À travers mille échecs et mille traverses qu’il rencontrait à chaque pas, il continuait de jouir, selon son expression de fat, « de la plus ridicule faveur dont on puisse se former une idée ».
Bazin nous mène à ne voir en lui que le plus spirituel, le plus personnel et le plus fanfaron des intrigants, M. de Sainte-Aulaire cherche à la conduite de Retz, et à travers toutes les infractions de détail, une ligne qui ne soit pas celle uniquement d’une ambition frivole et factieuse : Bien qu’en écrivant son livre, dit M. de Sainte-Aulaire, il n’ait pas échappé aux influences que je viens de signaler (les influences régnantes et les changements introduits dans l’opinion depuis l’établissement de Louis XIV), on y trouve cependant la preuve qu’il avait tout vu, tout compris ; qu’il mesurait les dangers auxquels le despotisme allait exposer la monarchie, et qu’il cherchait à les prévenir. […] Il fait voir que tout dernièrement, du côté de la Cour, on avait, avec une insigne maladresse, mis le Parlement en demeure de définir ces cas où l’on pouvait désobéir et ceux où on ne le devait pas faire : « Ce fut un miracle que le Parlement ne levât pas dernièrement ce voile, et ne le levât pas en forme et par arrêt ; ce qui serait bien d’une conséquence plus dangereuse et plus funeste que la liberté que les peuples ont prise depuis quelque temps de voir à travers. » La conclusion de ce discours mémorable est de viser à réconcilier Condé avec le Parlement, sans le séparer absolument de la Cour, de lui proposer un rôle utile, innocent, nécessaire, qui le ferait le protecteur du public et des compagnies souveraines, et qui éliminerait infailliblement le Mazarin : c’était toujours compter sans le cœur de la reine.
Gourville aime à s’entremettre, c’est sa vocation ; il est de ceux à qui la Nature a dit, en les créant, de courir à travers le monde et d’y faire leur chemin, en étant les bienvenus de tous et en les servant, sans s’oublier eux-mêmes. […] Dans une des courses infatigables qu’il faisait à travers la France pour le service des princes, Gourville a un moment de réflexion bien naturel et qui rappelle la philosophie de Gil Blas.
Quand la réputation des auteurs est établie, il est aisé d’en parler convenablement, on n’a qu’à se régler sur l’opinion commune ; mais à leurs débuts, au moment où ils s’essayent et où ils s’ignorent en partie eux-mêmes, et à mesure qu’ils se développent, les juger avec tact, avec précision, ne pas s’exagérer leur portée, prédire leur essor ou deviner leurs limites, leur faire les objections sensées à travers la vogue, c’est là le propre du critique né pour l’être. […] Peut-être ce temps glorieux pour les muses de ma patrie n’est-il pas éloigné. » Trente ans plus tard, ayant reçu du grand Frédéric un écrit sur la littérature allemande, dans lequel ce monarque, un peu arriéré sur ce point, annonçait à la littérature nationale de prochains beaux jours, Grimm, en lui répondant (mars 1781), lui faisait respectueusement remarquer que cela était déjà fait et qu’il n’y avait plus lieu à prédire : « Les Allemands disent que les dons qu’il (Frédéric) leur annonce et promet leur sont déjà en grande partie arrivés. » Tout en étant devenu Français et en se déclarant depuis longtemps incompétent sur ces matières germaniques, Grimm avait évidemment suivi de l’œil la grande révolution littéraire qui s’était accomplie dans son pays à dater de 1770, et lui-même, nationalisé à Paris, à travers la différence du ton et des formes, il mérite d’être reconnu comme un des aînés et des collatéraux les plus remarquables des Lessing et des Herder.
À tout moment l’orateur académique se définit involontairement à travers son sujet et semble se désigner lui-même. […] Par exemple, le sot n’acquiert jamais d’expérience ; il vivrait deux cents ans, que la nature serait pour lui toujours jeune et pleine de fraîcheur ; il ne lie pas ses idées ; il va et court à travers tout, le dernier jour comme le premier ; il est jusqu’à la fin dans l’imprévu et dans le bonheur de l’enfance.
La masse des sensations humaines et des sentiments simples est sensiblement la même à travers la durée et l’espace. […] En lelisant, je ne puis m’empêcher de penser à Pierre Loti : à travers ces lignes le plus souvent sèches, on entrevoit les mêmes visions qui passent dans Pêcheur d’Islande ; on devine l’inguérissable nostalgie du marin qui s’attache à chaque coin de terre où il séjourne, s’en fait une patrie, et ensuite ne se trouve plus chez lui nulle part, même au pays natal, ayant éparpillé de son cœur sur toute la surface du globe. « Le départ du Pola, qui nous laisse ici, rompt l’unique lien qui nous rattachait encore à la patrie.
À travers le déroulement d’une composition lâche, interrompue à chaque instant par l’histoire antérieure des personnages, sous la banalité des incidents, le train des passions ordinaires et des humbles destinées, M. […] Alors Nejdanoff, à travers les branches tordues de l’arbre, regarda le ciel gris très bas, mouillé, indifférent, aveugle ; il bâilla, s’étira, se dit : “Après tout, il n’y a que cela à faire ; je ne puis retourner à Pétersbourg, à la prison.”
En voyant aujourd’hui à quel poids spécifique on a réduit l’édition ancienne, on se demande si c’est par respect ou par enthousiasme pour Rivarol, que les éditeurs du présent volume se sont donné les airs de faire un choix dans ses ouvrages, de prendre ceci ou de laisser cela, au nom de leur propre goût à eux, éditeurs, et de leurs préférences, ou si c’est plutôt par mépris bien entendu pour le public, qui n’aime et ne lit que les petits livres, quand il les lit toutefois… Ce qu’il y a de certain, c’est que nous n’avons pas là Rivarol ; c’est que nous n’avons en petit paquet que quelques paillettes de ce Pactole intellectuel, qui passa, en brillant, à travers le xviiie siècle. […] … Quoique j’aie cherché, sans le trouver, dans les deux trop petits volumes de M. de Lescure, l’écrivain oublié des Actes des Apôtres, de ces Apôtres moins heureux que ceux de Jésus-Christ, qui fondèrent le Christianisme, tandis qu’eux, ces nouveaux pauvres diables d’Apôtres, n’ont pu empêcher la royauté très chrétienne de s’en aller en quatre morceaux, j’y ai trouvé pourtant assez de journaliste et même, disons le mot, assez d’homme d’État dans Rivarol pour appuyer aujourd’hui sur ce qu’il fut comme journaliste, malgré le flot du temps qui remporta et qui, comme journaliste, devait l’emporter, et sur ce qu’il aurait pu être comme homme d’État, sans la faiblesse aveugle d’une Royauté vouée à toutes les fautes, et dont l’imbécillité fut le bourreau, avant le bourreau… VII Oui, le journaliste, — et, à travers le journaliste,, l’homme d’État que le journaliste, comme on sait, n’implique pas toujours, voilà ce qu’est et ce qu’apparaît presque exclusivement Rivarol dans cette publication nouvelle de M. de Lescure.
Une âme souffre à travers ses pages, une âme chrétienne, baptisée, pleine de Dieu, une vraie âme, tandis que dans les pages de La Rochefoucauld, de Vauvenargues et même de La Bruyère, il n’y a que des entéléchies d’Aristote, il y a des esprits et peu d’âme, — quoique, d’entre les trois, le plus jeune, qui sentait palpiter ses vingt ans à travers sa philosophie, ait dit que « les grandes pensées viennent du cœur », La Bruyère, le seul chrétien d’entre eux, ne l’était que correctement, comme tous les honnêtes gens de son époque, mais il devait entendre cette religion, dont il admirait l’ordonnance, à peu près comme Le Nôtre entendait ses jardins.
En vue de simplifier l’exposition, nous admettrons que la direction SA du rayon lumineux a été choisie de manière à être celle même du mouvement de la Terre à travers l’éther. […] Seuls, des signaux lancés à travers l’éther répondent à cette exigence : toute transmission par la matière pondérable dépend de l’état de cette matière et des mille circonstances qui le modifient à chaque instant.
L’antiquité ne nous en dit rien ; et nous voyons la prévention antibéotienne, à travers une autre langue, passer dans les vers d’Horace si charmé du génie de Pindare. […] Échappé aux mains des Ioniens, à peine le roi lui-même, comme nous l’avons appris, a-t-il fui a à travers les plaines de la Thrace et ses routes funestes ?
Nisard établit sinon une définition, du moins une nature et un devoir de l’esprit français, qui se cherche, se trouve, se réalise, se trompe ; s’égare, se repent, se connaît à travers la littérature. […] Quand Sainte-Beuve appelle, vulgairement, Chateaubriand un homme à bonnes fortunes, Sainte-Beuve le voit à travers son propre désir. […] La Sylphide n’est pas seulement la périphrase décente de son adolescence, mais la femme idéale, projection de son désir, qu’il a cherchée à travers toutes les femmes réelles. […] La fleur de la culture, à sa dernière période, tend vers un atticisme, ou plutôt elle retrouve, à travers un alexandrinisme inévitable, certains états plus ou moins purs d’atticisme. […] J’ai vu des choses dont les livres parlent à tort et à travers.
Elle est morale enfin, cette impression généreuse et mâle, cette veine d’honnête homme qui court à travers les brusqueries passionnées du Misanthrope, et qui, par lui, nous réconcilie plus qu’il ne pense avec la nature humaine.
L’orateur vous enlève avec lui, il vous transporte avec lui à travers les rochers, sur les cimes escarpées : on est comme au bord du précipice… va-t-on y tomber ?
Toujours fidèle à la destinée de la patrie, qui n’est que la destinée de la Révolution, il se range parmi ceux qui défendent et sauvent cette grande cause ; en sont-ils indignes en eux-mêmes, il les suit encore par devoir à travers les maux qu’ils infligent, et dont il gémit sans que sa constance s’ébranle : Mens immota manet, lacrymæ volvuntur inanes.
Ces graves et viriles préoccupations, s’appuyant sur une base d’études de plus en plus élargie, l’ont guidé jusque dans son passage à travers des systèmes prématurés, mais grandioses, et aujourd’hui elles font l’éloquence et l’âme de son enseignement.
Il est vrai aussi que, si l’idée de la beauté féminine est restée à peu près immuable à travers les âges, l’idée du joli, qui est en grande partie affaire de toilette et de colifichets, est soumise aux plus rapides et aux plus étranges vicissitudes.
Ce qui demeure, c’est, à travers tous les âges de la littérature, un courant réaliste : des artistes plus épris de la réalité vivante que du rêve imaginé.
Désintéressé des buts illusoires que s’obstine à convoiter une entité imaginaire, il est donc plus aisé de s’attacher, ainsi qu’on a résolu de le faire ici, aux phénomènes qui, parmi l’écoulement des individus, demeurent à travers la durée sur la scène du monde, à ces fins que réalise le désir humain détourné des objets chimériques pour lesquels il se consume : la vie de l’Espèce et la Connaissance.
* * * Mardi 23 décembre Assis sur une banquette de l’escalier du théâtre et palpitants et tressaillants au moindre bruit, nous entendons, à travers une porte qui se referme sur elle, Mme Allan jeter de sa vilaine voix de la ville : « Ce n’est pas gentil, ça !
* Du côté de l’aurore, L’esprit de l’Orestie, avec un fauve bruit, Passait ; en même temps, du côté de la nuit, Noir génie effaré fuyant dans une éclipse, Formidable, venait l’immense Apocalypse ; Et leur double tonnerre à travers la vapeur, À ma droite, à ma gauche, approchait, et j’eus peur Comme si j’étais pris entre deux chars de l’ombre.
La vérité s’est fait jour à travers tous les nuages dont la chicane la couvroit.
Le génie ne se rebute point, parce que ses premieres impulsions n’auroient pas eu d’effet : il presse avec perseverance, et il sçait enfin se faire jour à travers l’inapplication et la dissipation de la jeunesse.
Elles ne visent pas, à travers l’hyène, la brutalité et l’avidité des puissants et n’exaltent pas, dans le lièvre, la roublardise de la faiblesse opprimée.
Ou nous répond que de très grands écrivains ont lu à tort et à travers et n’ont même pas lu du tout, comme si nous n’avions pas répété cent fois qu’un Cours de littérature n’est pas fait pour des hommes de génie.
Comment négliger de marquer que le sol d’où sortit ce maître est le même qui produisit Turenne et que l’un et l’autre représentent la discipline la plus haute de cet esprit français que des plaisantins et des irrespectueux veulent trop souvent définir par la nomenclature de nos vaudevillistes plus ou moins amusants à travers les âges ?
Domitien, naturellement féroce, et d’autant plus implacable dans sa haine qu’elle était plus cachée, était cependant retenu par la prudence et la modération d’Agricola ; car il n’affectait point ce faste de vertu et ce vain fanatisme qui, en bravant tout, veut attirer sur soi l’œil de la renommée ; que ceux qui n’admirent que l’excès sachent que même sous de mauvais princes, il peut y avoir de grands hommes, et qu’une vertu calme et modeste, soutenue par la fermeté et les talents, peut parvenir à la gloire, comme ces hommes qui n’y marchent qu’à travers les précipices, et achèvent la célébrité par une mort éclatante, mais inutile à la patrie46. » Toutes les fois que Tacite parle des vertus d’Agricola, son âme fière et ardente paraît s’adoucir un peu ; mais il reprend la mâle sévérité de son pinceau pour peindre le tyran soupçonné d’avoir fait empoisonner ce grand homme, s’informant avec une curiosité inquiète des progrès de sa maladie, attendant sa mort de moment en moment, et osant feindre de la douleur, lorsqu’assuré qu’Agricola n’est plus, il est enfin tranquille sur l’objet de sa haine.
Les plus indépendants, Descartes en tête, « seraient bien marris » d’être confondus avec ces spéculatifs chimériques qui, au lieu de suivre la grande route frayée par l’usage, se lancent à l’aveugle, en ligne droite, « à travers les montagnes et les précipices ». […] Parce que nous les acceptons de confiance, elles n’en sont pas moins saintes, et elles n’en deviennent que plus saintes lorsque, soumises à l’examen et suivies à travers l’histoire, elles se révèlent à nous comme la force secrète qui, d’un troupeau de brutes, a fait une société d’hommes En général, plus un usage est universel et ancien, plus il est fondé sur des motifs profonds, motifs de physiologie, d’hygiène, de prévoyance sociale. […] » — On reconnaît, à travers la théorie, l’accent personnel, la rancune du plébéien pauvre, aigri, qui entrant dans le monde, a trouvé les places prises et n’a pas su se faire la sienne, qui marque dans ses confessions le jour à partir duquel il a cessé de sentir la faim, qui, faute de mieux, vit en concubinage avec une servante et met ses cinq enfants à l’hôpital, tour à tour valet, commis, bohême, précepteur, copiste, toujours aux aguets et aux expédients pour maintenir son indépendance, révolté par le contraste de la condition qu’il subit et de l’âme qu’il se sent, n’échappant à l’envie que par le dénigrement, et gardant au fond de son cœur une amertume ancienne « contre les riches et les heureux du monde, comme s’ils l’eussent été à ses dépens et que leur prétendu bonheur eût été usurpé sur le sien421 » Non seulement la propriété est injuste par son origine, mais encore, par une seconde injustice, elle attire à soi la puissance, et sa malfaisance grandit comme un chancre sous la partialité de la loi. « Tous les avantages de la société422 ne sont-ils pas pour les puissants et pour les riches ?
J’ai été comme ébloui ; j’ai cru sentir la voûte du ciel s’écrouler sur moi, le plancher manquer sous mes pieds, le soleil et la nuit se confondre et entrer pêle-mêle, comme sous un coup de marteau, dans ma tête ; je n’ai pas eu le temps de respirer, j’étais essoufflé, ou plutôt il m’a semblé que j’étais poussé par une main puissante à travers des espaces incommensurables, tantôt répugnants, tantôt délicieux, tantôt par force, tantôt par plaisir ; ici affreuse stérilité, là fécondité prodigieuse, hurlements affreux d’un côté, musique caressante de l’autre ; allant où je ne voulais pas aller, m’arrêtant où je ne voulais pas m’arrêter, mais allant toujours, comme si la poigne du Juif errant m’eût déraciné de terre pour me contraindre à le suivre jusqu’en enfer ; en un mot, Monsieur, ce livre m’a souvent révolté, toujours entraîné, et je suis arrivé au bout en maudissant la route ; mais, comme la roue précipitée sur une pente d’abîmes où il lui est impossible de s’arrêter, j’étais moulu quand j’ai été au fond. […] Je ne puis comprendre que Victor Hugo, qui prononce de si énergiques protestations contre cette machine à meurtre appelée guillotine, élevée sur nos places publiques contre une seule tête coupable dont la société veut se défaire pour prémunir ses membres innocents ; je ne puis comprendre, dis-je, qu’il innocente, qu’il excuse et qu’il exalte cette machine à dix mille coups, montée par la mort et pour la mort, pour faucher, comme une moissonneuse à la vapeur, des milliers d’innocents, de vieillards, de femmes, d’enfants de quinze ans, assez vaincus pour se laisser conduire, en charrettes pleines, à travers les places et les faubourgs de Paris, leur roi en tête, à guillotiner, désarmés et sans résistance ! […] « Il s’asseyait sur un banc de bois adossé à une treille décrépite ; il regardait les astres à travers les silhouettes chétives et rachitiques de ses arbres fruitiers.
Il y aurait surtout à y rechercher la répercussion du tourment social contemporain, répercussion plus ou moins étroitement associée au réveil des études historiques, ainsi qu’à l’examen des forces qui, à travers les temps, ont pesé sur les sociétés : la fortune du roman de mœurs sociales et collectives s’explique par-là merveilleusement. […] Tout comme le colossal auteur de la Comédie humaine, les plus puissamment musclés d’entre nos écrivains d’imagination ont voulu se mettre eux-mêmes tout entiers dans une œuvre de trame continue ; rassembler de nombreux personnages et poursuivre leurs destinées à travers des compositions successives, les montrer en action, et observer leurs mobiles ou le jeu de leur énergie au milieu des aventures les plus diverses. […] Elle devient infiniment douloureuse quand elle porte sur ces problèmes religieux qui ont fait de tout temps, et qui continuent de faire à travers les siècles, le fond dernier de la vie humaine.
Il l’est à travers sa province. […] Et l’ombre cependant s’étend sur le jardin Les dernières clartés se fondent, puis soudain, Comme pour mieux marquer la fin du crépuscule, Une brise s’éveille, et frissonne, et circule, Bruissante, à travers le parc silencieux. […] Lacuzon est, en tous cas, un artiste puissant, et, s’il n’avait autant l’air de s’en rendre compte à travers son œuvre, on admirerait celle-ci sans restrictions.
Il voit, à travers toutes les formes matérielles, la vie, la pensée qui s’y cache et s’y révèle à la fois. […] Je crois voir un de ces jardins royaux du xviie siècle, aux futaies élevées, aux larges avenues, où l’œil erre librement à travers les spacieux quinconces. L’autre, sans dogmatisme, sans parti pris, chemine avec précaution à travers les sentiers épineux où il semble égaré, arrachant ici un préjugé, plus loin une objection, réservant toute question douteuse, se gardant bien d’admettre ce qui n’est pas rigoureusement démontré.
La vision d’une mécanique qui fonctionnerait à l’intérieur de la personne est chose qui perce à travers une foule d’effets amusants ; mais c’est le plus souvent une vision fuyante, qui se perd tout de suite dans le rire qu’elle provoque. […] Elle serait la flamme même de la vie, allumée en nous par un principe supérieur, et aperçue à travers le corps par un effet de transparence. […] On rit du baron de Münchhausen devenu boulet de canon et cheminant à travers l’espace.
Cet objet, qui échappe toujours quand on croit le tenir, roule alors à travers la pièce en ramassant sur sa route des incidents de plus en plus graves, de plus en plus inattendus. […] À travers mille difficultés, et de mésaventure en mésaventure, ils courent côte à côte, le long de la pièce, à l’entrevue qui les remet purement et simplement en présence l’un de l’autre. […] Tantôt il conservera à travers la pièce un seul et même système de personnages, mais il fera que quelques-uns de ces personnages aient quelque chose à dissimuler, soient obligés de s’entendre entre eux, jouent enfin une petite comédie au milieu de la grande : à chaque instant l’une des deux comédies va déranger l’autre, puis les choses s’arrangent et la coïncidence des deux séries se rétablit.
En Angleterre, l’élément français pénètre plus lentement à travers la couche épaisse de l’orgueil britannique, mais les touristes qui reviennent du continent finiront par rompre la glace. […] Charles Nodier, mon prédécesseur et qui a tant parlé Werther et Allemagne, l’arrangeait encore plus à sa fantaisie et ne la voyait qu’à travers la brume ou l’arc-en-ciel : il ne savait pas l’allemand. […] Était-ce ce grand idéal humain qui plus tard inspira Byron et Goethe, cet idéal à travers lequel les grands génies de tous les âges ont plongé leurs regards jusque dans le cœur de l’homme, cet idéal qui n’a que deux pôles : l’âme humaine et Dieu ? […] Les Français et Corneille avec eux ne comprenaient les auteurs étrangers ou les anciens qu’à travers leur propre idéal. […] Il me suffira d’éclairer autant qu’il me sera possible la première moitié de la route, celle qui conduit d’Allemagne en France, et sur laquelle nos prédécesseurs ont construit le premier pont pacifique à travers le Rhin.
Ce rôle de météore à travers la foule obscure l’amusait, et parmi les auteurs d’opérettes, de vaudevilles et de mélodrames, il laissait la traînée lumineuse d’un dieu qui passe dans le soir. […] Et voilà pourquoi il était grand temps que Glatigny, le premier des Parnassiens, vînt à la conquête de Paris et, à travers le concert des sanglots enroués, fît sonner les belles rimes avec un bruit joyeux de sequins entrechoqués. […] Le pas grave, le front courbé, À travers la grande nature Allez, ô rois de l’aventure ! […] Écoute à travers l’ombre, entends avec langueur Ces cloches tristement qui sonnent dans la plaine. […] Dans l’ombre tu rentras, spectre mystérieux, Passant calme à travers les peuples furieux.
Le yacht Velléda appartenant au regretté duc Decazes, devait nous promener à travers la Méditerranée. […] Il me dit comment il les a poursuivies et recherchées, à travers la vie, en leurs similitudes vivantes, et, au fond des siècles, en leurs images mortes. […] De là, l’intense, la poignante émotion qui s’en dégage à travers leur beauté verbale et rythmique, de là leur portée psychologique et leur accent de passion désespérée. […] Elle l’a fait en créant des parcs, des promenades et des squares, et aussi en répandant à profusion des arbres à travers la ville et en en insérant jusque dans l’asphalte des trottoirs. […] Je me dirige à travers le dédale des calli.
On peut dire par métaphore que la sélection naturelle scrute journellement, à toute heure et à travers le monde entier, chaque variation, même la plus imperceptible, pour rejeter ce qui est mauvais, conserver et ajouter tout ce qui est bon ; et qu’elle travaille ainsi, insensiblement et en silence, partout et toujours, dès que l’opportunité s’en présente, au perfectionnement de chaque être organisé par rapport à ses conditions d’existence organiques et inorganiques. Nous ne voyons rien de ces lentes et progressives transformations, jusqu’à ce que la main du temps les marque de son empreinte en mesurant le cours des âges, et même, alors, nos aperçus à travers les incommensurables périodes géologiques sont si incomplets que nous voyons seulement une chose : c’est que les formes vivantes sont différentes aujourd’hui de ce qu’elles étaient autrefois. […] C’est un fait d’autant plus remarquable qu’en automne elle visite souvent les champs de Trèfle rouge, parce qu’en cette saison elle peut atteindre le nectar des fleurs à travers des trous perfores par les Bourdons à la base de la corolle67. […] Un fait vraiment merveilleux, mais que la grande habitude que nous avons de le voir nous fait souvent trop négliger, c’est que tous les animaux et toutes les plantes, à travers le temps comme à travers l’espace, soient en relation les unes avec les autres, de manière à former des groupes subordonnés à d’autres groupes.
On voit dans l’histoire les idées directrices de l’humanité se succéder l’une à l’autre, par action et par réaction ; chacune d’elles, d’abord vague et mélangée d’éléments hétérogènes, dégage peu à peu son principe essentiel, à travers mille difficultés et retards, atteint la plénitude de son action, puis, de vivante qu’elle était, elle se cristallise, et c’est la décadence que nul ne saurait empêcher, de même que nul n’aurait pu arrêter la marche ascendante. […] En littérature, Lesage est l’introduction toute naturelle à cette troisième période ; ses romans (Le Diable boiteux, 1707 ; Gil Blas, 1715-1735) sont de la comédie en puissance ; on a remarqué souvent que Gil Blas c’est déjà Figaro ; puis il y a Turcaret (1709) qui est « le chef-d’œuvre du réalisme dramatique…, avec une verve âpre et triste, en sorte que l’on a peine à rire » (Lanson), et le Théâtre de la Foire, peu connu, sans valeur littéraire, mais dont les historiens savent l’importance. — Et c’est à travers tout le xviiie siècle un succès grandissant du théâtre, une profusion d’auteurs, dont aucun n’atteint au chef-d’œuvre, mais qui tous valent plus que les contemporains de Molière et de Racine. […] Quelle que soit donc, en France, l’inconnue celtique, voici quelques éléments plus sûrs : une colonisation romaine intense, d’où une vie intellectuelle qui égalait celle de la métropole et qui dura d’une façon plus constante à travers tout le moyen âge ; une résistance matérielle moins prolongée à l’invasion des barbares, d’où une assimilation réciproque plus rapide et plus harmonieuse ; à la différence de l’Italie, aucun passé de gloire qui pesât sur l’avenir, attirât sans cesse de nouveaux conquérants et prolongeât l’anarchie ; un pays tout à l’ouest du continent, adossé à la mer en bonne partie, qui n’était point une route à passer, une plaine à traverser, mais qui, une fois conquis, put travailler à un nouvel équilibre ; un pays de grandeur moyenne, non point plat comme l’Allemagne ou démesurément allongé comme l’Italie, mais compact, admirablement varié par ses fleuves et ses montagnes, où les provinces semblaient se faire d’elles-mêmes, éléments futurs d’une plus grande unité ; non point isolé comme l’Espagne et l’Angleterre, mais de contact facile ; un sol fertile ; un climat tempéré, ni la grisaille des longs brouillards, ni la voluptueuse lassitude des cieux ardents. […] Cette clarté est déjà dans les idées et dans les actes des premiers rois de France. — Rome avait civilisé le monde ; le christianisme avait apporté la bonne nouvelle de la solidarité humaine devant un seul et même Dieu ; les Germains avaient donné la force de leur jeunesse ; une forme nouvelle de l’humanité devait en résulter à travers mille vicissitudes ; et c’est en France que naquit, nécessairement, la première nation européenne. […] On a dit, je le sais, que la France se ferme aux idées étrangères ; cela est exact, ou faux, selon les époques ; quand elle a tout donné, qu’elle paraît épuisée, elle s’ouvre à l’étranger ; puis elle semble s’isoler ; c’est que, mère toujours féconde, elle voue ses soins au fils qu’elle enverra, tel Yvain ou Lancelot, à travers la forêt magique des préjugés, à la recherche du vrai idéal. — L’exclusivisme est à de certains moments une nécessité de la concentration.
C’était un dilettante fécond, qui jouissait de toutes choses, et qui produisait toutes choses pour en jouir, se promenant à travers créations, comme les autres à travers les œuvres d’autrui. […] D’ici je vois la vie à travers un nuage, S’évanouir pour moi dans l’ombre du passé. […] Au milieu d’une strophe magnifique de la Maison du Berger, vous lisez : Et leur main, à travers les ronces qu’ils entr’ouvrent, Met aux coups mutuels le premier appareil. […] Elles ont comme suivi sa marche un peu hasardeuse à travers le siècle et les partis. […] Lueurs à travers ma paupière.
Il n’a pas été étonné de voir les Français dès le premier jour aller au-delà du but et, selon l’expression anglaise, passer à travers la liberté. […] » C’en est assez pour indiquer la veine d’esprit et de philosophie qui circule dans ce joli conte et qui en distingue les bonnes parties ; je ne lui vois d’autre défaut que de se trop prolonger à travers les aventures de l’Orient.
En parlant des premiers écrits de Rousseau, sa sympathie aussitôt se déclare ; il lui reconnaît, à travers ses exagérations, noblesse, élévation, éloquence, et, qui plus est, d’être un bon politique. […] Il lui oppose Saint-Évremond, La Rochefoucauld, « qui avaient pour eux une force de génie qui leur faisait dire de grandes choses à travers leurs antithèses, au lieu, dit-il, que les femmes chiffonnent, et leur légèreté dégénère toujours en frivolité, malgré le jugement, l’esprit et le bon goût qu’elles peuvent avoir ».
Il est vrai que l’auteur ne conduit pas son action avec finesse ; il l’interrompt même par des amours épisodiques d’assez mauvais goût ; mais, à travers ces défauts, je vois le grand poète, je vois un homme illustre, digne d’être envié à sa nation. […] Mme Dacier, tout confusément et à travers ses théories morales gratuites et surfaites, Mme Dacier, dans son emphase du moins sincère, sentait encore mieux cette élévation et cette noble chaleur, inhérentes au poème épique, que l’abbé de Pons avec ses explications nettes et fines.
Ses premières années d’émancipation se passèrent à vaguer dans les ateliers des artistes et à baguenauder à tort et à travers ; il voyait aussi quelques-uns des poètes dits du Cénacle, et il en tirait la plupart de ses jugements littéraires futurs. […] Les autres membres de la famille, comme je vous l’ai déjà dit, ne sont pas mal non plus ; en entendant le vieux Carle parler de son père Joseph, on éprouve du respect pour ces gens-là, et je prétends, moi, qu’ils sont nobles. » — Et c’est ainsi qu’une vive nature d’artiste sympathise avec ses semblables, les reconnaît à travers les diversités de genre et de langue, les salue, les aime, les fait revivre… et l’on est à cent lieues du cuistre, de l’être immonde, arrogant et dur.
Au Caire, il a le cœur tout gros de fâcheuses réflexions en visitant le marché à esclaves, cet odieux marché, dit-il, « où de petits négrillons mâles et femelles sont par paquets rassemblés sur un mauvais carré de toile comme des pommes à cinq pour un sou, sans compter les hommes et les femmes de toutes couleurs qu’on tient dans des trous tout autour de cet infâme lieu, où, comme des rois, d’infâmes voleurs trafiquent de la chair humaine. » Mais, au sortir de là, c’est bien pis quand il entre dans la mosquée des fous, dont il décrit le spectacle horrible : « Figure-toi une cour de quarante pieds carrés, environnée de murailles prodigieuses de hauteur, qui laissent à peine entrer le jour ; dans l’angle, une petite porte de trois pieds de haut, barricadée de chaînes à travers lesquelles on passe avec peine. […] Il songea tout d’un coup que peut-être, à travers la suite des âges et les vicissitudes des révolutions, les mêmes usages, les mêmes coutumes et costumes, transmis dans la race ou imposés par le climat, avaient pu se perpétuer presque invariables.
Ces Stances, du moins, par le nom de Chimène ramené à chaque finale, donnent l’ensemble et la note fondamentale du sentiment à travers les pointes : tout en souriant du jeu des antithèses, on ne peut s’empêcher, si l’on récite à haute voix, d’être attendri. […] » On arrive à la belle scène pathétique à travers les pointes et le mauvais goût indispensable.
Quelques femmes françaises nous regardaient à travers leurs croisées entr’ouvertes et pleuraient… » Arrivé à Constantinople, les illusions du prisonnier continuent : il persiste à se croire en pays civilisé ou du moins non entièrement barbare ; une captivité politique ne l’effrayait pas : « Quelque fâcheux qu’il fût pour moi de me voir prisonnier, je regardais d’abord comme très-consolant d’être réuni à d’autres Français dont la société pouvait me procurer quelques douceurs. […] J’ai essayé de les apprécier équitablement, d’y saisir et de faire toucher le lien qui les unit à distance, de dégager l’unité de l’homme à travers les disparates de la vie, et, bien que sans aucun goût (tant s’en faut !)
Je revois avec tristesse, mais sans remords, en allant de Monceau, terre et résidence de mon grand-père, à Saint-Point, un joli sentier à travers les prés, qui circule dans l’étroite vallée, au bord d’une petite rivière, près d’un moulin, et qui grimpe ensuite une colline rocailleuse, plantée de vignes, jusqu’à la cour et au jardin de la chère maison. […] Je me peignais les bois à travers lesquels cette onde avait passé, et mon âme était tout entière à la solitude. » Un matin, il revêt ses habits de sauvage et va se présenter à Lopez, l’arc et les flèches à la main, en déclarant qu’il veut reprendre sa vie de chasseur.
Et quels jolis voyages à travers le pays bleu ! […] Tous deux font, à travers la lande, par le brouillard, une promenade sentimentale d’où elle rapporte une pleurésie, et Raoul, subitement touché de la grâce, met sur le front de la mourante le baiser des fiançailles.
Mais ce voyage philosophique à travers les compartiments de la société humaine n’est possible, comme j’ai dit, que si l’on part du plus bas. […] Je recueille, à travers le long récit de M. le duc d’Aumale, les quelques phrases qui concernent Gassion : elles ne lui attribuent qu’un rôle effacé et tout subalterne.
Il ne faut pas oublier non plus que l’originalité individuelle, si faible et si rare qu’elle soit et même qu’elle devienne de plus en plus par suite de la complication croissante de la technique scientifique et industrielle, il ne faut pas oublier que cette originalité, même supposée infinitésimale, est la seule source du progrès et que le cerveau de l’inventeur est le point de départ d’une initiative que les travailleurs ne font que recueillir, imiter et propager à travers la société entière. […] À travers les vicissitudes de ce conflit, une donnée toutefois reste constante : un mètre d’évaluation impersonnel qui donne au luxe lui-même, dans notre civilisation, ton caractère de banalité et d’anonymat.
Ce fut dans son voile nombreux, nuancé et transparent qu’elle s’enveloppa, et c’est à travers cette transparence mobile qu’il fallut deviner les traits énigmatiques de sa mystérieuse beauté. […] Ce qui persévéra d’eux-mêmes, à travers une première poussée, fut la sève vivace qui les animait, le désir de créer du neuf, de trouver des moyens nouveaux d’expression et des nuances nouvelles de sentiment, non pas de créer une mode en poésie, mode curieuse et subtile, mais de la ramener à son devoir éternel ; c’est pourquoi l’École Décadente prit peu à peu une importance qu’on peut vraiment qualifier de considérable.
L’Empire romain ne doit pas tant être considéré comme un État qui a été renversé pour faire place à d’autres, que comme le premier essai de la civilisation universelle, se continuant à travers une extinction momentanée de la réflexion (qui est le Moyen Âge) dans la civilisation moderne. […] Le génie est patient et vivace, je dirai presque robuste et paysan. « La force de vivre fait essentiellement partie du génie. » C’est à travers les luttes d’une situation extérieure que les grands génies se sont développés, et, s’ils n’avaient pas eu d’autre profession que celle de penseurs, peut-être n’eussent-ils pas été si grands.
Le sérieux de l’auteur ne se dément pas et à travers tous les incidents scabreux il ne perd point de vue son but, qui est d’amener des fidèles à la benoîte Vierge Marie. […] Ce n’est pas sans motif qu’après avoir protégé les lettres dans les siècles où elles végétaient, dociles comme des enfants, dans la tranquillité close des, monastères, elle les a poursuivies de son hostilité, combattues, condamnées, une fois que, douées par l’imprimerie d’une force inouïe d’expansion, elles se sont lancées hardiment à travers le vaste monde et ont appelé aux joies et aux luttes de la pensée les élites d’abord et les foules ensuite.
Il semble même les préférer aux nouveaux parce qu’ils sont plus près des forces premières et que la majesté des choses éternelles transparaît mieux à travers leur obscurité. […] Il cherche le Dieu vrai dans la foule des divinités illusoires, une providence dans le désordre apparent des choses, la loi sous la fatalité, la justice à travers les talions barbares.
Qu’il y a loin de la grande fille déniaisée du château de Grandchamp aux deux sensitives frissonnantes du jardin de Laerte, et comme ces pudeurs positives et raisonneuses qui sentent le parloir et le pensionnat ressemblent peu aux rougeurs d’albâtre éclairée par dedans qui colorent ces strophes diaphanes, à travers lesquelles circule le sang ému et ivre de la seizième année ! […] Ses personnages, lorsqu’ils s’avisent de pindariser et d’admirer le ciel bleu, me rappellent tout à fait les Philistins de la chanson d’Henri Heine : « Des Philistins, dans leurs habits du dimanche, se promènent à travers bois et vallons ; ils poussent des cris de joie, ils frétillent comme des poissons, ils saluent la belle nature.
Pourtant à travers ces défauts, aujourd’hui très sensibles, il y a bien du bon sens, bien des idées, des horizons d’une grande étendue, et, à chaque instant, des perspectives. […] Ginguené, dans une bonne Notice sur Galiani, s’est attaché à montrer que le petit abbé était patriote au vrai sens du mot ; qu’il n’a cessé, à travers ses plaisanteries, de chercher à être utile, à améliorer la vie humaine autour de lui, et qu’il n’a pas démenti en effet cette maxime de son Chevalier dans ses Dialogues : « La corvée du sage est de faire du bien aux hommes. » Sur ce point, Ginguené me paraît avoir tout à fait raison ; mais il s’avance beaucoup quand il nous assure que, loin d’être incrédule, Galiani fut toujours religieux.
L’abbé Genest était, comme Socrate, le fils d’une sage-femme ; il avait commencé par être dans le commerce, faisant la pacotille, puis prisonnier à Londres, puis copiste, précepteur, maquignon, secrétaire du duc de Nevers, bel esprit à travers tout cela, et tournant des vers avec une facilité et une gaieté naturelle. […] Elle jouait à travers cela la comédie et la bergerie à chaque heure du jour et de la nuit, donnait des idées à tourner en madrigaux à ses deux faiseurs, l’éternel Malezieu et l’abbé Genest, invitait, conviait une foule d’élus autour d’elle, occupait chacun, mettait chacun sur les dents, ne souffrait nul retard au moindre de ses désirs, et s’agitait avec une démonerie infatigable, de peur d’avoir à réfléchir et à s’ennuyer un seul instant.
Vue de près et dans la réalité, sa vie répond bien à l’idée qu’on s’en fait de loin et à travers l’auréole ; la personne ressemble de tout point à la réputation charmante qu’elle a laissée. […] Quand on fut en vue du camp, malgré la défense expresse que la reine avait faite que personne ne la précédât, Mme de La Vallière n’y put tenir, et elle fit courir son carrosse à toute bride à travers champs, tout droit au lieu où elle croyait trouver le roi : « la reine le vit ; elle fut tentée de l’envoyer, arrêter et se mit dans une effroyable colère ».
Il avait faim, et il composait à travers cela des chants qui se ressentaient de ce cri intérieur, par leur âpreté et leur amertume. […] Un sentiment sincère et fondamental respire à travers les combinaisons mêmes et le petit jeu de scène qui sont le fait de chaque artiste.
Elle semblait ne voir certains objets qu’à travers un brouillard qui les grossissait à ses yeux ; et alors son expression s’enflait tellement, que l’emphase en eût été risible, si l’on n’avait pas su qu’elle était ingénue. […] C’était revenir à Philémon et Baucis, mais y revenir de la seule manière dont on le pouvait alors, à travers une certaine déclamation.
Son idéal se traça de bonne heure en lui, et, à travers tous ses mécomptes, il ne s’en détourna jamais. […] Hennin, qu’il désolait, lui écrivait ce mot, qui résume tout notre jugement : « Vous êtes bon, simple, modeste, et il y a des moments où vous semblez avoir pris pour modèle votre ami Jean-Jacques, le plus vain de tous les hommes. » Cependant, à travers ces boutades et ces quintes d’un cerveau tant soit peu malade, Bernardin ne cesse de solliciter auprès de tous les ministères, et, grâce à de bons amis, parmi lesquels M.
Dimanche 26 juin Quand on devient vieux, il se glisse dans vos yeux quelque chose, qui enlève de la vie vivante aux femmes et aux hommes, sur lesquels vont vos regards, et aujourd’hui il me semblait voir sur mon chemin, dans de la lumière ensoleillée, les gens non tels qu’ils étaient, mais ainsi qu’on verrait passer des hommes et des femmes à travers les rideaux de tulle d’une croisée. […] À travers la politesse de ses paroles, il perce une déception du succès qu’il avait espéré, presque une honte des audaces de mon livre.
Hugo, et le mot a toujours servi ; de là l’impossibilité d’exprimer l’émotion. » — « Eh bien non, répond Guyau, et c’est là ce qu’il y a de désolant pour le poète, l’émotion la plus personnelle n’est pas si neuve ; au moins a-t-elle un fond éternel ; notre cœur même a déjà servi à la nature, comme son soleil, ses arbres ses eaux et ses parfums ; les amours de nos vierges ont trois cent mille ans, et la plus grande jeunesse que nous puissions espérer pour nous ou pour nos fils est semblable à celle du matin, à celle de la joyeuse aurore, dont le sourire est encadré dans le cercle sombre de la nuit : nuit et mort, ce sont les deux ressources de la nature pour se rajeunir à jamais. » La masse des sensations humaines et des sentiments simples est sensiblement la même à travers la durée et l’espace, mais ce qui s’accroît constamment et se modifie pour la société humaine, c’est la masse des idées et des connaissances, qui elles-mêmes réagissent sur les sentiments. « L’intelligence peut seule exprimer dans une œuvre extérieure le suc de la vie, faire servir notre passage ici-bas à quelque chose, nous assigner une fonction, un rôle, une œuvre très minime dont le résultat a pourtant chance de survivre à l’instant qui passe. […] Il y a de la poésie dans la rue par laquelle je passe tous les jours et dont j’ai, pour ainsi dire, compté chaque pavé, mais il est beaucoup plus difficile de me la faire sentir que celle d’une petite rue italienne ou espagnole, de quelque coin de pays exotique. » Il s’agit de rendre de la fraîcheur à des sensations fanées, « de trouver du nouveau dans ce qui est vieux comme la vie de tous les jours, de faire sortir l’imprévu de l’habituel ; » et pour cela le seul vrai moyen est d’approfondir le réel, d’aller par-delà les surfaces auxquelles s’arrêtent d’habitude nos regards, d’apercevoir quelque chose de nouveau là où tous avaient regardé auparavant. « La vie réelle et commune, c’est le rocher d’Aaron, rocher aride, qui fatigue le regard ; il y a pourtant un point où l’on peut, en frappant, faire jaillir une source fraîche, douce à la vue et aux membres, espoir de tout un peuple : il faut frapper à ce point, et non à côté ; il faut sentir le frisson de l’eau vive à travers la pierre dure et ingrate. » Guyau passe en revue et analyse finement les divers moyens d’échapper air trivial, d’embellir pour nous la réalité sans la fausser ; et ces moyens constituent « une sorte d’idéalisme à la disposition du naturalisme même ».
Il n’était plus question pour le Critique ni de juger ni de classer, mais de raconter les aventures de sa sensibilité à travers les livres. […] L’art n’est plus, comme l’a promulgué le chef du naturalisme, la Nature vue à travers un tempérament, c’est la Nature elle-même qui se volatilise, se transverbe ou s’immobilise, selon que le musicien, le poète ou le peintre l’envisage.
Un des blessés sur le devant a une épée passée à travers les flancs et tente inutilement de l’arracher. […] En lui pardonnant sa manière de pyramider, sa disposition est bien entendue, les groupes s’y multiplient sans confusion ; sa couleur est forte, les effets d’ombres et de lumières sont grands ; ses figures noblement et naturellement dessinées, leurs attitudes variées ; ses combattans bien en action, ses morts, ses mourans, ses blessés bien jettés, bien entassés sous les pieds de ses chevaux ; ses animaux vrais et animés ; ce sont des bataillons rompus, des postes emportés, un feu perçant à travers les rougeâtres tourbillons de la poussière et de la fumée ; du sang, du carnage, un spectacle terrible. à l’une de ses tempêtes sa mer est trop agitée aux parties éloignées du tableau.
. — Racine n’eût jamais lâché — à travers un alexandrin — ce substantif mal né de « ville » ; et je me garderai bien de l’infliger à Toulouse. […] Les mensonges de l’été Depuis nombre d’années, il circule à travers les Courriers parisiens un paradoxe assez bien constitué.
Nisard sur Tocqueville, ce Montesquieu du Journal des Débats, où le blâme cependant se joint à l’éloge, on en entend la note quoique adoucie, et que la leçon finit par arriver, mais elle arrive à travers les spirales de la politesse. […] Il vous montre, en Byron, à travers la passion de ses poèmes, le poète de la fidélité éternelle.
Tout d’abord on ne voit pas très bien quel rapport il peut y avoir entre le grand astronome et Philarète Chasles, qui n’a guères étudié l’astronomie qu’à travers le tube d’un verre de champagne, à souper. […] Bavard et sautillant dans son livre, il lâche, à travers les faits, l’insupportable petit ruisseau bondissant d’une discussion, qui revient toujours, sur la société italienne, qu’il déshonore, comme dans son Galileo Galilei il l’a déshonorée, parce qu’il la croit faite ou qu’il veut qu’on la croie faite par la société ecclésiastique !
Pommier a détaillés avec une opulence et un fini qui semblent avoir épuisé les ressources et les combinaisons des démons eux-mêmes, ce qui frappe, ce n’est plus l’invention, ce n’est plus même ce dessin, si pur et si net sur son fond de flamme, des souffrances horribles des damnés, c’est le sentiment qui circule à travers ces formes étranges et ces épouvantements matériels ! […] Nous leur préférons le souffle de spiritualité, et de spiritualité terrassante, qui circule à travers les poëmes de M.
L’impitoyable vérité se fait jour peu à peu, à travers les ruines de sa foi : « Il avait voulu, il avait cru être un homme de raison surnaturelle. […] Or, l’homme parvient à la plénitude de son existence par l’épanouissement progressif, à travers la vie, de ses facultés naturelles.
Enfin, Balzac la créa parmi nous ; Balzac qui eut longtemps la plus grande réputation, et qu’on n’estime point assez aujourd’hui dont les lettres sans doute sont peu intéressantes et quelquefois ridicules, mais qui, dans ses ouvrages, et surtout dans son Aristippe et dans son Prince, à travers des fautes de goût, a semé une foule de vérités de tous les pays et de tous les temps, et où l’on retrouve l’âme d’un citoyen et la hauteur de la vertu, relevées quelquefois par l’expression de Tacite. […] On sait que les langues anciennes avaient une foule de mots qui exprimaient, non point des idées, mais le rapport des idées qui précédaient avec celles qui devaient suivre ; des mots qui serpentaient à travers la marche du discours pour en rapprocher toutes les parties et en faire la liaison et le ciment, rappelaient par un signe la phrase qui était écoulée, appelaient celle qui devait naître, remplissaient les intervalles, animaient, vivifiaient, enchaînaient tout, et donnaient à la fois, au corps du discours, de l’unité, du mouvement et de la souplesse.
Sa robe n’était pas cette doublure de chêne ou ce triple airain à travers lequel aucun dard ne peut pénétrer jusqu’au cœur.
Cette fois, ils pourraient rencontrer la gloire et mériter la reconnaissance du public : car, il ne faut pas s’y tromper, malgré ses goûts positifs et ses dédains apparents, le public a besoin et surtout avant peu de temps aura besoin de poésie ; rassasié de réalités historiques, il reviendra à l’idéal avec passion ; las de ses excursions éternelles à travers tous les siècles et tous les pays, il aimera à se reposer, quelques instants du moins, pour reprendre haleine, dans la région aujourd’hui délaissée des rêves, et à s’asseoir en voyageur aux fêtes où le conviera l’imagination.
Au bord de quelque golfe d’Italie, à l’entrée de quelque villa dont la blancheur contraste avec les bosquets de citronniers qui l’entourent, on entend le son d’une harpe, et une voix, voix si douce que l’amour s’y devine : Le portique au soleil est ouvert : une enfant Au front pur, aux yeux bleus, y guide en triomphant Un lévrier folâtre aussi blanc que la neige, Dont le regard aimant la flatte et la protège ; De la plage voisine ils prennent le sentier Qui serpente à travers le myrte et l’églantier ; Une barque non loin, vide et légère encore, Ouvre déjà sa voile aux brises de l’aurore, Et berçant sur leurs bancs les oisifs matelots, Semble attendre son maître, et bondit sur les flots..
L’éclosion, l’organisation de la littérature classique se firent sous son action prolongée à travers le siècle.
Et s’ils luttent, les uns, dans un four à coke ; s’ils élèvent, les autres, des abeilles ; s’ils cultivent des roses et des blés, ce n’est point par un stratagème, ni une simagrée des hasards… Ces pêcheurs, ces maçons, ces bouviers ont été, sans nul doute, élus à travers toute l’Éternité pour solenniser les guêpes et les marbres… Et ils apparaissent moins des hommes que de vivantes Enclumes, les uns ; et ceux-ci des Houlettes ; des Corbeilles et des Faux… » Au lieu d’inventer des aventures où paradent et dialoguent d’impossibles personnages, il convient de célébrer également la pacifique sublimité des fêtes familiales et civiques.
Son désespoir est tel, qu’il se sauve dans la sacristie ; là, il dépouille son rochet et sa soutanelle d’enfant de chœur ; il ouvre la porte qui donne sur le cimetière, escalade le mur, se jette au hasard à travers champs.
La comédie erre longtemps, cherche et s’égare et se compromet à travers mille tentatives et mille aventures, se mêlant sur les tréteaux aux bouffonneries les plus grossières, avant de rencontrer le souverain artiste qui sache la fixer et la maîtriser, qui la retire de la cohue où elle se cache, qui la place sur un trône et lui élève un palais digne d’elle.
Ce sont les expérimentateurs qui ont vu le radium dégager de l’énergie, mais ce sont les théoriciens qui ont mis en évidence toutes les difficultés soulevées par la propagation de la lumière à travers un milieu en mouvement ; sans eux il est probable qu’on ne s’en serait pas avisé.
On le voit à travers un nuage ; cela est si vrai, que La Fontaine est obligé d’expliquer son idée toute entière, et de dire enfin : Et quant au canal, c’est celui Que chacun sait, le livre des Maximes.
que les vers publiés par Fauriel — ces fleurs marines et sauvages que nous avions cru cueillies à travers le varech des écueils par les Palikares — sont les vers d’album des demoiselles de Smyrne.
À travers toutes ces poésies on est saisi par cette belle appropriation dont il poussa quelquefois la personnification allégorique jusqu’à la hardiesse et à l’humorisme… » Franchement, était-ce bien à Jean-Paul, le plus grand humouriste qui ait chevauché jamais l’hippogriffe aux ailes d’or et à la tête de griffon de la Fantaisie, à adresser un pareil reproche à Hebel ?
La féodalité elle-même n’avait été à son heure qu’un progrès relatif vers cette centralisation supérieure où le génie de la France tendait, à travers l’action de ses plus grands hommes.
n’a pas toujours été de près ce qu’il paraissait à distance, à travers ses livres faciles et légers.
Si Erckmann-Chatrian avait eu la moindre puissance fantastique, il l’aurait prouvé dans cette histoire si bien commencée, entre cet homme atteint d’une maladie sans nom, qui hurle comme un loup blessé au fond de son château féodal, et dont les crises deviennent de plus en plus épouvantables à mesure que s’avance dans la plaine, à travers les neiges, la vieille sorcière, ou plutôt la vieille inconnue, que la terreur de tout le pays a surnommée la Peste Noire.
Pour nous, ce mérite est presque étranger ; nous sommes des Scythes qui voyageons, un bandeau sur les yeux, à travers les ruines de la Grèce.