L’abbé Bourgeois n’est probablement pas destiné au rôle de précurseur. […] Nos hardies tours de fer sont, en comparaison des pyramides, de chétifs treillis, et destinés à une durée brève. […] La destinée de Jean Monod était de faire des enfants, et rien de plus. […] Un repas n’est pas uniquement destiné à calmer notre faim, à réparer nos pertes en substances et en calories. […] Il y a un fond stable et ce qui évolue, ce sont les moyens destinés à assurer la stabilité originelle.
Sera-t-il, pour quelques grands écrivains destinés à devenir classiques, la préparation nécessaire, la matière première, ou l’excitant, ou le levain ? […] J’ai longtemps cru que Comte n’écrivait mal que quand il s’appliquait, dans ses écrits destinés à l’impression. […] Ce ne sont pas seulement les destinées de la France qui se sont jouées à Waterloo ; ce sont véritablement les destinées de l’Europe. […] dira-t-on. — Peut-être importe-t-il, parce que, en dénaturant un genre, on en compromet les destinées futures. […] Il destinait son fils au professoral sans aucune hésitation à cet égard et lui donna une première éducation littéraire très soignée.
Les thèmes des Lettres à l’Amazone furent fournis à Gourmont par celle à qui elles étaient destinées. […] L’étonnante destinée ! […] Le tableau ne m’était pas destiné, mais comme je commets toutes les fautes de circulation, m’écrivait Max Jacob, je préfère vous envoyer mes vers par un brave abbé. […] Il n’en est pas moins évident qu’il fut un des premiers à qui la guerre devait retirer, avec la jeunesse, toutes les possibilités de s’abandonner sans méfiance à la vie, de s’adapter d’une façon normale aux travaux à quoi il était destiné. […] Le décor de la salle de bains du roi, par exemple, est tout à fait comique, avec sa table, ses gravures, son tapis, avec sa baignoire, destinée sans doute à un Prince de Galles qui n’aurait jamais voulu grandir, qui n’aurait jamais voulu être roi.
Est-il pauvre : sa courageuse sagesse luttera contre l’indigence, en jetant les yeux sur la foule des citoyens plus infortunés que lui : exempt de jalouse haine pour les heureux, il ne verra dans leur situation et la sienne qu’un jeu de la destinée ; et, ne faisant pas de ses souffrances un prétexte à sa faiblesse, il ne mettra lâchement aux gages de la servitude ni sa plume, ni sa voix, qui ne pourraient démentir son cœur. […] La majesté des rôles resplendira de la majesté des choses, et la destinée de l’état romain sera le fond de cet auguste tableau, où se détacheront les portraits des héroïsmes opposés avec éclat sur le théâtre. […] Nous avons reconnu que la sympathie naturelle qui lie les hommes entre eux et les intéresse mutuellement à leurs destinées, distinguait la supériorité de leur espèce entre tous les animaux que sépare leur instinct particulier de tous les individus de la même race. […] Sophocle a soin d’abord de le montrer bon, juste, et recherchant les causes des calamités de son peuple, pour les faire cesser ; il ne conduit, pas à pas, cette victime des Dieux à la découverte de ses forfaits, qu’en signalant de plus en plus l’innocence de son cœur, et qu’en accroissant l’admiration pour ses qualités vertueuses : enfin, c’est lorsqu’il serait impossible d’attacher plus d’amour et de respect à son caractère, qu’il l’expose en proie aux fatalités de sa destinée, et que, certain de l’intérêt des spectateurs pour ce beau personnage, le poète exalte la pitié jusqu’à son comble, en le portant au plus haut degré d’un malheur non mérité.
L’origine de la poésie est toute populaire ; sa destinée a été d’épurer son origine, non de la désavouer. […] Je parlais, il y a quelque temps, de la liberté comme d’une Muse nouvelle dont on affecte de méconnaître l’influence sur les destinées de notre poésie. […] Question grave que je propose à ceux qui s’occupent sérieusement de la destinée des genres, et qui se chagrinent de les voir s’affranchir des lois qui les régissent, et changer d’allure. […] Combien est différente en effet la destinée des uns et des autres ! […] De cette différence dans les organisations, il en résulte une bien notable dans les destinées.
Elle comprit sa destinée tout d’un regard, et s’y résigna d’un haut dédain sous air de gaieté. […] Pourtant, lorsqu’il a entendu annoncer au concert Mlle Marianne de La Prise, cette belle demoiselle dont tout le monde dit du bien, et à qui la robe était destinée ; quand il voit monter à l’orchestre cette jeune personne, assez grande, fort mince, très-bien mise, quoique fort simplement ; quand il reconnaît cette même robe qu’il a un jour relevée du pavé le plus délicatement qu’il a pu ; quoiqu’il n’y ait rien à tout cela qui doive lui sembler bien imprévu, il se trouble. […] Adieu. » Cette amante si résolue, c’est la même qui écrit à son amie qu’on veut marier là-bas, cette autre page toute pleine de capricieux conseils, d’exquises et gracieuses finesses : Tous tes détails, à toi, sont charmants : tu n’aimeras, tu n’aimeras jamais l’homme qu’on te destine, c’est-à-dire tu ne l’aimeras jamais beaucoup. […] J’avais été mis depuis longtemps sur la trace de Mme de Charrière par la lecture des Lettres de Lausanne ; mieux informé de toutes choses par rapport à elle durant mon séjour dans le pays, j’aurais cru manquer à une sorte de justice que de ne pas venir, tôt ou tard, parler un peu en détail d’une des femmes les plus distinguées assurément du dix-huitième siècle, d’une personne si parfaitement originale de grâce, de pensée et de destinée aussi, qui, née en Hollande et vivant en Suisse, n’écrivait à la fin ses légers ouvrages que pour qu’on les traduisît en allemand, et qui pourtant, par l’esprit et par le ton, fut de la pure littérature française, et de la plus rare aujourd’hui, de celle de Gil Blas, d’Hamilton et de Zadig.
Ainsi surtout doit-on faire s’il s’agit d’un lieu de quelque renom, d’une fondation destinée précisément à perpétuer la mémoire des hommes et des choses. […] Il considéra dès lors sa fortune comme un peu manquée ; il reconnut qu’après avoir tant usé de lui, de sa science et de ses services, on ne lui avait ménagé aucun sort pour l’avenir ; il en devint disposé à se plaindre quelquefois de la destinée plus qu’il n’avait coutume de faire auparavant243. […] Ç’allait être un beau jour pour lui, le plus beau jour de sa vie, que celui où la publicité de cet établissement unique eût été complète245 ; déjà la porte particulière à l’usage des savants était pratiquée sur la rue ; déjà l’inscription latine destinée à figurer au-dessus, et qui devait dire à tous les passants (aux passants qui savaient le latin) d’entrer librement, se gravait sur le marbre noir en lettres d’or ; Naudé touchait à l’accomplissement du rêve et du labeur de toute sa vie. […] Il était dans les destinées que le vœu, le plan de Naudé se réalisât en ce même lieu et sur toute son échelle.
Tantôt il les avertit, avec compassion, de leur destinée, ou solennellement les rappelle au culte de la Divinité qu’ils offensent ; tantôt il célèbre, dans un chant magnifique, et leur propre courage et la vertu divine qui agit en eux. […] Ainsi, dans la tragédie d’Hamlet, les ambassadeurs d’Angleterre et le prince de Norwége Fortinbras ne permettent pas au spectateur d’oublier que les destinées du Danemark sont en jeu. […] La personne d’Hamlet est seule pathétique, sa noblesse, sa mélancolie, sa destinée, qui est de périr parce qu’il ne sait pas agir198. […] J’ai vu le triomphe réel de ces idées et de ces sentiments dans l’apparente ruine de leurs droits, quand, tout à l’heure, le chef-d’œuvre de Sophocle et de la tragédie me montrait le duel à mort de deux vérités morales, sacrées en elles-mêmes, mais partielles, exclusives et contradictoires, filles de l’Absolu, mais détachées et précipitées de son sein sur la scène du monde, et, depuis cette chute, fatalement destinées à lutter l’une contre l’autre et à périr toutes deux, afin que la mort venant anéantir le néant de leur existence finie, et les délivrer de la contradiction qui les mettait aux prises, leur permît de reprendre leur vol, libres et réconciliées, vers le royaume de leur Père.
On le destinait alors à ce qu’on appelle aujourd’hui les affaires, c’est-à-dire à la banque, aux fournitures d’armée et aux spéculations d’argent et de papier, qui avaient pris une grande place dans la vie des Parisiens de cette époque, comme sous la Régence et comme de nos jours. […] Je me suis mesuré, et je me suis bâti une destinée juste à la proportion de mon ombre au soleil. » XXXI Quant aux années qui suivirent le désastre de son père, la mort de son grand-père, la dispersion et l’indigence de cette famille, il ne m’en dit jamais rien. […] Voici comment, selon la biographie intime, ces deux enfants se connurent, s’aimèrent, et mêlèrent leurs destinées qui devaient se confondre jusqu’au tombeau. […] Chose singulière et cependant exacte, moi-même, quinze ans plus tard, je composais le plan et les premiers chants d’un poème épique de Clovis ; j’écrivais, sous le titre de Méditations poétiques, des vers qui ne trouvaient pas à exprimer leur nature sous un autre titre ; enfin j’ébauchais cinq ou six tragédies avortées pour une scène où ma destinée n’était pas de monter au rang des Sophocle, des Shakespeare, des Corneille, ou de leurs rivaux d’aujourd’hui !
Par la hardiesse de son esprit, qui n’a peur de rien, et par la nature de son sujet, qui renferme tout ce qui peut effrayer des esprits moins fermes, — car il ne s’agit de rien moins, ici, sous tous ces noms de Monarchie de Juillet, de République et d’Empire, que de s’interroger et de se répondre sur la destinée du pouvoir dans les sociétés de ce temps, et aussi de recueillir la haine, l’indomptable haine des partis qu’on démasque et qu’on déshonore, — Cassagnac était digne d’écrire cette terrible histoire, et elle, à son tour, était digne de lui. […] Si la Providence, moins clémente dans ses décrets, avait imposé à Barrot toute la destinée de Bailly, il l’aurait, nous en sommes convaincu, subie sans défaillance. […] … Par la nature comme par l’ensemble de ses facultés, Cassagnac est destiné à l’écrire. […] Ce n’est qu’une raison d’amoureux que s’applique sur la conscience Cassagnac, pour satisfaire sa bizarre passion de linguistique, quand il parle de l’influence de l’origine de la langue sur sa destinée et sur son avenir, et qu’il croit possible d’en diriger à volonté l’incoercible génie.
Quelque insupportable que puisse devenir, après cet aveu, ma position vis-à-vis de la Divinité officielle et de la nation dont elle oriente les destinées, j’avoue être de ceux-là. […] Le comédien du trône et le comédien de l’autel s’étaient compris. « Leurs destinées s’inclinent l’une vers l’autre et se joignent pour ne plus se séparer. […] Si la Prusse n’avait pas reçu cette impulsion soudaine, si elle n’avait pas absorbé toute cette force d’eugénisme, ses destinées n’auraient pas, malgré tout le génie d’une série de grands princes, balancé celle des autres états allemands. […] Ou vous cesserez de vous indigner contre un ennemi, qui ne fut qu’un instrument aux mains de la destinée normale et fatale qu’engendra votre héros, ou bien vous avouerez, comme nous, que ce héros ne fut en vérité qu’un traître.
Voilà ce qu’à Lausanne on sait si bien : voilà ce que j’enviais dans certaine visite à l’ombre de la cathédrale, quand je voyais toute une destinée d’étude, de sacrifice et d’humble et constante action. […] Le poète est en quête d’âmes et de destinées intéressantes à observer, curieuses à connaître. […] L’homme dans le monde, le monde dans l’homme, en d’autres termes la destinée de l’homme et sa pensée, qui est encore sa destinée, voilà le centre et l’unité de cette étrange composition. […] La foi, l’amour divin peuvent seuls, selon le poète, accomplir notre destinée. […] Et, au contraire, ce fut le moment où il fallut se relever et marcher au-devant de meilleures destinées.
Destiné par son père à être avocat, il résistait et se sentait contre cette profession si honorée une aversion profonde. […] Les insurrections vinrent bientôt l’occuper d’une manière passive et pénible, et qui pesa longtemps sur sa destinée.
J’ai cru toujours, depuis que je vous ai connu, que vous étiez destiné à vivre heureux par les plaisirs du cabinet et de la société ; que toute autre marche était un écart de la route du bonheur, et que ce n’étaient que les qualités réunies d’homme de lettres et d’homme aimable de société, qui pouvaient vous procurer gloire, honneur, plaisirs, et une suite continuelle de jouissances. […] « Gibbon n’écrivait à personne et ne sacrifiait ni à l’amitié ni aux convenances aucun des moments destinés à l’étude. » (Notice de la vie et des écrits de Le Sage, de Genève, p. 120.)
Rohan, dans ses mémoires destinés à être lus en manière d’apologie, témoigne être satisfait de cette paix provisoire : ses lettres et missives confidentielles, dont quelques-unes furent surprises et rapportées au cardinal, trahissaient moins de contentement, et ce traité si désavantageux pour le parti « mit les deux frères en tel désespoir, assure Richelieu, que Mme de Rohan la mère, ne sachant plus quel conseil donner à Soubise, le persuada, par une lettre interceptée, de se joindre aux corsaires moresques et de se retirer en Barbarie », plutôt que de se résigner à la loi du vainqueur. […] Richelieu tout le premier montra qu’au fond il jugeait mieux de Rohan lorsqu’il lui confia ensuite le corps d’armée destiné à entrer dans la Valteline, et que, dans une lettre de lui adressée à ce général victorieux, il lui dit « qu’il sera toujours très volontiers sa caution envers le roi que lui, Rohan, saura conserver les avantages acquis et ne perdra aucune occasion de les augmenter. » Mais, en ce moment de la guerre civile, ce sont deux génies, deux âmes rivales et antagonistes qui sont aux prises, et tous les défauts, toutes les complications et enchevêtrements de la conduite et du rôle de Rohan lui apparaissent : il les impute à son caractère, et il les exprime avec excès, avec injustice sans nul doute, mais avec discernement du point faible et en des termes qui ne s’oublient pas.
Cela n’empêche point qu’à quelques jours de là, et sur la demande de l’abbé Bossuet, il ne compose ce mémoire dont nous avons parlé, et qui était destiné dans le principe à servir de matériaux et de notes pour une oraison funèbre ; mais il y met avec raison son amour-propre, et, voyant que les premiers cahiers réussissent auprès de ceux à qui il les lit, il redouble de soin et fait un ouvrage utile et plus agréable qu’on n’était en droit de l’attendre de lui. […] Le grand cabinet d’audience, orné de tableaux superbes, tous de piété ou de la cour de Rome et de France, sur des tapisseries de damas violet sans or, est la dernière pièce de ce superbe appartement, destinée aux audiences publiques : des bureaux, des fauteuils, des paravents se voient à l’entour dans un grand ordre, et rien ne manque de ce qui est nécessaire à la propreté et à la magnificence ; et il y avait aussi fort bon feu.
Lainé et son égal à l’entrée de la carrière, signalé comme lui à l’attention publique et aux honneurs du nouveau régime par le même acte de résistance au régime précédent, il sent bien vite quelle destinée différente ont faite à son ami ses talents d’orateur, et quelle disproportion de classement il en résulte entre eux dans l’opinion ; il en souffre, il s’abandonne tout bas au découragement et prend une part de moins en moins active aux discussions de la Chambre : J’en suis puni (écrivait-il à la fin de l’année 1814) par la perte de cette considération personnelle dont je jouissais il y a un an. […] Je constate seulement ces filiations tardives et assez inattendues, ces vicissitudes et ces retours de fortune et de destinée, et j’y vois surtout, j’ose l’avouer, une image de la fluctuation et du caprice des pensées humaines.
S’il regrette que le public « ou ceux qui le gouvernent sous une autorité suprême », les grands critiques d’alors, ne traitent pas plus favorablement ce qu’il n’a cessé de leur offrir, il se dit qu’il y a des destinées contre lesquelles on ne se défend pas : « Tant il est aisé de voir, conclut-il avec un accent de componction, que, par une certaine fatalité inviolable, les uns sont choisis et les autres sont délaissés ! […] On y trouve l’explication en grande partie et la clef de la destinée de Marolles ; car l’autorité de Chapelain, avant l’avènement de Racine et de Boileau, faisait loi, et Marolles avait eu la maladresse d’offenser mortellement ce lourd régent du goût public, sans être en mesure de soutenir la lutte.
La pauvre enfant qui ne sait rien, qui ne voit que rarement cette mère capricieuse et inégale, pour laquelle, du plus loin qu’elle s’en souvienne, elle s’est pourtant autrefois prononcée dans le cabinet du magistrat, lorsqu’il lui fut demandé de choisir entre elle et son père, la pauvre Aurélie arrive à l’âge de dix-sept ans, sans s’être rendu compte des difficultés de sa destinée. […] Marbeau, un encouragement et un auxiliaire dans la destinée de M.
Mais on veut plus, on veut un détail exact, infini ; on s’attache à certaines figures plus qu’à la marche de l’action et à l’ensemble même des choses ; on s’intéresse individuellement à ceux qui seront bientôt des victimes, et dès l’abord on épouse leur destinée. […] Oui, l’exil ; destinée cruelle que celle des filles du trône, qui ne peuvent guère se marier qu’aux extrémités de la terre !
Mais l’originalité individuelle de La Mennais s’y marque de bonne heure tout entière, et quand on a vu s’accomplir toute la destinée de l’homme, ce tableau du commencement, publié le dernier, devient comme une justification frappante et un abrégé vivant qui contenait toute la suite. […] Peut-être se relèverait-elle un peu si j’étais plus éclairé sur ma destinée.
Il n’est donné qu’à la poésie, à celle qui est pure flamme, de triompher de tout, des malheurs, des exils, des erreurs même et des rebuts de la destinée. […] Il était fils d’un père comédien qui avait pris le nom de Valmore. — Il est fait mention dans la Correspondance de Napoléon Ier , au tome XXII, page 283, d’un général Lanchantin, que Napoléon met à la tête d’une 2me brigade destinée à la formation d’un corps d’observation de l’Italie méridionale, après la dissolution de l’armée de Naples (24 juin 1811).
Ce sont des livres qui ne ressemblent pas à des livres, et qui quelquefois même n’en sont pas ; ce sont de simples et discrètes destinées jetées par le hasard dans des sentiers de traverse, hors du grand chemin poudreux de la vie, et qui de là, lorsqu’en s’égarant soi-même on s’en approche, vous saisissent par des parfums suaves et des fleurs toutes naturelles, dont on croyait l’espèce disparue. […] Ce sont de vraies lettres écrites à une amie sous le sceau de la confidence, destinées à mourir en naissant, puis trouvées et publiées dans la suite par la petite-fille de cette amie.
Mais pourtant ici l’initiative humaine est en première ligne et moins sujette aux causes générales ; l’énergie individuelle modifie, et, pour ainsi dire, s’assimile les choses ; et d’ailleurs, ne suffit-il pas à l’artiste, pour accomplir sa destinée, de se créer un asile obscur dans ce grand mouvement d’alentour, de trouver quelque part un coin oublié, où il puisse en paix tisser sa toile ou faire son miel ? Il me semble donc que lorsqu’on parle d’un artiste et d’un poëte, surtout d’un poëte qui ne représente pas toute une époque, il est mieux de ne pas compliquer dès l’abord son histoire d’un trop vaste appareil philosophique, de s’en tenir, en commençant, au caractère privé, aux liaisons domestiques, et de suivre l’individu de près dans sa destinée intérieure, sauf ensuite, quand on le connaîtra bien, à le traduire au grand jour, et à le confronter avec son siècle.
Bourget finit par atteindre tout au fond des âmes qu’il étudie, c’est toujours (quelque forme qu’il revête et de quelques nuances qu’il s’enrichisse en affleurant à la surface) le sentiment de la nécessité des choses — ou de la disproportion entre l’idéal et la réalité, entre notre rêve et notre destinée. […] Tout homme qui réfléchit sur la destinée humaine et la trouve inintelligible et n’a, pour se réconforter, ni la foi chrétienne ni la naïve croyance au progrès, peut être dit pessimiste.
Le mari revient à cet appel qui ne lui était pas destiné. […] Notez que madame Aubray ne lui dit même pas le nom de la Madelonnette qu’elle lui destine in petto, et que Camille, ne se doutant point qu’il s’agit de Jeannine, le pousse, de son côté, à ce mariage expiatoire, en lui jurant qu’à sa place il épouserait, les yeux fermés, sur la parole de sa mère. « C’est raide !
Le général Dupont, l’un des plus brillants officiers de la grande armée, le même qui, dans la campagne de 1805, à Haslach, animé d’une inspiration digne d’un vrai capitaine, avait su défaire 25 000 Autrichiens avec 6 000 hommes, et que Napoléon destinait à devenir un de ses prochains maréchaux ; Dupont, lancé en flèche dans l’Andalousie révoltée, est bientôt obligé de se rabattre et de songer à une retraite. […] Le troisième exemplaire, destiné à la Haute Cour impériale (laquelle ne fut jamais organisée), était resté aux mains de M.
De l’éclat, du roman, une destinée d’émotion, de dévouement et de tendresse, un touchant malheur, voilà ce qui attache à ces poétiques figures, et ce qui, une fois transmises et consacrées, leur procure dans l’imagination des âges un continuel rajeunissement. […] Molière, pour son compte, n’y réussit qu’imparfaitement dans les rôles tragiques, auxquels la nature ne l’avait pas destiné.
Cette correspondance dans laquelle Rousseau n’entra qu’à son corps défendant, et où, du premier au dernier jour, chaque billet lui fut comme arraché, a pourtant cela de remarquable et d’intéressant, qu’elle est suivie, qu’elle forme un tout complet, qu’elle n’était pas destinée au public, qu’elle nous montre Jean-Jacques au naturel depuis le lendemain de La Nouvelle Héloïse jusqu’au moment où sa raison s’altéra irrémédiablement. […] Mais le trait principal qui la distingue, et qui marque sa destinée, c’est d’avoir voulu être une Julie réelle, et, malgré ses titres, de n’avoir pu être agréée.
On est en avril 1711, et la famille royale est encore au complet, lorsque tout à coup on apprend que le fils de Louis XIV, Monseigneur, gros homme d’une cinquantaine d’années, et à qui le trône semblait destiné prochainement selon l’ordre naturel, vient de tomber dangereusement malade à Meudon. […] Si Saint-Simon n’a pu faire rendre si tard à la noblesse française une influence politique et aristocratique qui n’était point sans doute dans les conditions de notre génie national et dans nos destinées, il a fait pour elle tout ce qu’il y a de mieux après l’action, il lui a donné, en sa propre personne, le plus grand écrivain qu’elle ait jamais porté, la plume la plus fière, la plus libre, la plus honnête, la plus vigoureusement trempée et la plus éblouissante, et ce duc et pair dont on souriait alors se trouve être aujourd’hui, entre Molière et Bossuet (un peu au-dessous, je le sais, mais entre les deux certainement), une des premières gloires de la France27.
Si, en imprimant, il n’a rien ajouté ni arrangé à sa Correspondance, il a vraiment du mérite d’avoir dit au Premier consul, en l’engageant à se conserver pour mener à bonne fin et accomplir toute sa destinée : « Que l’homme de nos jours ne ressemble pas aux hommes fameux de l’Antiquité, qui n’ont fait que donner au monde une grande secousse dont le monde s’est ensuite tiré comme il a pu. » Cette Correspondance, dans ces premières pages, résume ce qu’il y a eu d’honorable et de digne de souvenir dans la vie de M. […] Graner ou Grauer, de Berlin, un utopiste, avait conçu le projet d’une association destinée à assurer (ni plus ni moins) la prospérité et la sûreté de tous les États de l’Europe, et il était venu à Paris pour y organiser son idée.
À cette éducation de collège, toute morale, toute vertueuse, il oppose les enseignements muets de Chambord, les chiffres d’une Diane de Poitiers, d’une comtesse de Châteaubriant : Quelles instructions, s’écrie-t-il, pour un adolescent destiné à régner ! […] Le colonel Bugeaud, pendant ces années, pratiquait sincèrement l’agriculture ; vaillant soldat pour qui le nom d’Austerlitz n’était en rien une métaphore, il tenait la charrue tout de bon, et il en devait sortir ce qu’on l’a vu, rude, plus aguerri encore et endurci, mais avec ces qualités supérieures qui ont forcé la destinée, et qui ont valu la gloire à sa vigoureuse vieillesse.
Le peu de notes qu’on a publiées de lui, et où il fait son portrait, ont donné à sa physionomie une vie et un naturel qui est mieux que de la majesté : « Plutarque me charme toujours, disait-il ; il y a des circonstances attachées aux personnes qui font grand plaisir. » Né le 18 janvier 1689, au château de La Brède, près de Bordeaux, il sortait d’une famille de robe et d’épée, de bonne noblesse de Guyenne : « Quoique mon nom ne soit ni bon ni mauvais, disait-il, n’ayant guère que deux cent cinquante ans de noblesse prouvée, cependant j’y suis attaché. » Son père, qui avait servi, après s’être retiré de bonne heure, soigna fort son éducation ; le jeune Montesquieu fut destiné à la magistrature. […] Une impulsion puissante l’appelait désormais à remplir toute sa destinée d’écrivain.
Il y a autant d’esprit que de connaissances pratiques. » Ce dernier point est devenu douteux pour nous : « Il n’y a aucun livre, a dit au contraire un critique anglais moderne, qu’on puisse citer comme ayant autant fait pour la race humaine dans le temps où il parut, et duquel un lecteur de nos jours puisse tirer si peu d’idées positives applicables. » Mais c’est là la destinée de presque tout ouvrage qui a fait marcher l’esprit humain. […] Dupin dit, dans sa préface, que, dès que L’Esprit des lois parut, deux de ses amis et lui se mirent à le lire en l’examinant ; il ajoute que ce n’est pas pour le public qu’on a fait imprimer ces Observations, qu’on ne les destine qu’à un certain nombre d’amis, et que pour cette raison on n’a tiré l’édition qu’à un petit nombre d’exemplaires.
Il éluda cette défense en passant le journal sous le nom de son frère, le jeune Benjamin, auquel il remit à cet effet, et pour la forme, son brevet d’apprentissage avec libération ; il fut convenu toutefois, par un nouvel engagement destiné à rester secret, que Benjamin continuerait de le servir comme apprenti jusqu’au terme primitivement convenu. […] On a quelquefois cité cette brouette de Franklin par contraste avec sa destinée future ; mais, on le voit, elle était plutôt, de sa part, une petite adresse très légitime qu’une nécessité de sa position.
Le but dernier de l’art est toujours de provoquer la sympathie ; l’antipathie ne peut jamais être que transitoire, incomplète, destinée à ranimer l’intérêt par le contraste, à exciter les sentiments de pitié envers les personnages marquants par l’éveil des sentiments de crainte ou même d’horreur. […] Les uns, très complexes, comme tous ceux que nous venons de citer, sont intellectuels en même temps que moraux : ils résument et systématisent la situation philosophique de toute une époque en face de la vie et de la destinée.
Le peloton de gendarmes venu pour réprimer la grève des mineurs protège les croûtes de vol-au-vent destinées au dîner du directeur. […] C’est un truisme dont la nouveauté n’est d’ailleurs destinée à révolutionner que les romans absolument médiocres de toutes les époques.
Papon de l’Oratoire, n’a point été destiné aux Demoiselles. […] Quelque différens que soient l’objet du comédien & celui du Prédicateur, comme ils les remplissent par les mêmes moyens, peuvent servir au vice & à la vertu, je crois pouvoir consseiller à ceux qui se destinent à la chaire la lecture du Livre de M.
Toujours Ève sortant du flanc d’un homme, la femme, cette réceptivité, comme ils disent en allemand, la femme n’est jamais que la réverbération de quelque chose, l’écho et le reflet de quelqu’un, et l’auteur des Horizons prochains n’a pas échappé à cette destinée. […] car ce sujet n’est rien moins que la vie future et le secret de notre destinée éternelle.
Rien de plus triste en réalité que cette brillante destinée… Pour moi, du moins, qui ai la faiblesse d’aimer Rivarol lorsque je devrais le condamner, — et qui ramasserais comme un trésor les points et les virgules tombés de sa plume, persuadé que je serais qu’ils devraient pétiller de quelque chose encore, — je ne connais rien de plus lamentable que cette ruine anticipée d’une gloire qui ne se leva jamais, que cette déperdition d’un génie qui aurait pu être si beau ! […] et, tout en maudissant le choix qu’il avait fait dans ses facultés et dans sa destinée, il en devait porter éternellement l’esclavage.
Je rentrai dans le bercail de la foi et je reconnus volontiers la toute-puissance de l’Être suprême, qui règle seul les destinées du monde et à qui j’ai confié aussi l’administration de mes propres affaires, fort embrouillées alors que je les gérais moi-même. […] Ses ironies avaient été bien cruelles, mais la Destinée, qui est aussi une maîtresse en ironie, les lui payait toutes, en une fois.
Par suite de la même activité, qui se porte actuellement sur de l’inédit, Cousin a publié ses Fragments littéraires, anciens discours académiques, ou éloges mortuaires, auxquels il a ajouté pour assaisonnement les lettres inédites de madame de Longueville (chassant ainsi sur mes terres et me tuant sans façon mon gibier) ; il a ajouté un petit commentaire à ces lettres, dont il s’est, je crois, exagéré un peu l’importance littéraire ; comme étude d’âme et de confessionnal, c’est curieux, (et j’en avais tiré parti dans mon étude). « Au fond, il n’y a de véridique, dit-il, si quelque chose l’est entièrement, que les correspondances intimes et confidentielles, les mémoires eux-mêmes sont toujours destinés au public, et ce regard au public, même le plus lointain, gâte tout ; on s’y défend ou on attaque, on se compose un personnage, on pense à soi, on ment. » — Ceci est dit à merveille comme Cousin sait dire, dans sa langue excellente et digne du xviie siècle ; mais que serait-ce si on appliquait cette vérité à son éclectisme officiel, qu’il défendait et qu’il préconisait hier tout en attaquant Pascal ?
Guizot, plus ferme, plus positif, et qui va au fait, est le seul dont la renommée aura réellement gagné à aborder la politique : pour lui, elle est devenue une grande carrière et le complément de sa destinée d’historien.
Les individus illustres sont assurés de retrouver leur place dans cette prochaine association de l’art vers laquelle convergent rapidement toutes les destinées de notre avenir ; Victor Hugo y fournira une phase de plus, une période nouvelle de son génie ; Alfred de Vigny, merveilleux poète, y marchera d’un pied plus ferme sur cette terre dont il a été jusqu’ici trop dédaigneux.
»92 … « Rien ne se fane plus vite dans une langue que les mots sans racine vivante : ils sont des corps étrangers que l’organisme rejette, chaque fois qu’il en a le pouvoir, à moins qu’il ne parvienne à se les assimiler… Déjà les médecins qui ont de l’esprit n’osent plus guère appeler carpe le poignet, ni décrire une écorchure au pouce en termes destinés sans doute à rehausser l’état de duelliste, mais aussi à ridiculiser l’état de chirurgien. »93 ⁂ L’outrance de la terminologie technique est d’ailleurs aussi néfaste à la littérature médicale qu’opposée aux tendances d’impersonnalité chères aux naturalistes.
Donc la destinée n’est ni juste ni douce ; le monde n’est point bon, et il est incompréhensible.
Elle n’était amante, comme je l’ai dit ailleurs, que pour être mieux amie, et sa destinée était d’être l’amie d’un grand nombre.
Une tabarinade impudente et prometteuse, des images légendaires : le Pont de Troyes et le Vieux Mendiant, une Affiche pour music-hall de couleur violente, et ces mélancolies hautaines : les Papillons du Temps, Alla Tzigane, le Souci, la Rencontre, la Destinée, forment une liasse chatoyante et rose qui bruit suavement.
Nous sommes très religieux ; jamais nous n’admettrons qu’il n’y ait pas une loi de l’honnêteté, que la destinée de l’homme soit sans rapport avec l’idéal.
La diction de saint Chrysostome est pure, mais laborieuse ; il fatigue son style à la manière d’Isocrate : aussi Libanius lui destinait-il sa chaire de rhétorique avant que le jeune orateur fût devenu chrétien.
Une bonne copie en émail est presque regardée comme un original ; et cette sorte de peinture est particulièrement destinée à copier.
On a donc tort de mettre Euripide et Menandre à la tête des poëtes dédaignez par les spectateurs, afin de consoler par l’égalité des destinées ceux de nos auteurs dramatiques, sur les ouvrages desquels le public s’explique quelquefois hautement et désagréablement.
Les fables indigènes sont donc des récits exclusivement destinés à l’amusement des auditeurs et n’ont nullement pour but d’enseigner la morale, fût-elle uniquement pratique, ni de dénoncer les abus sociaux.
« Il s’agit tout le temps, dit-il, d’orages, de ruines qui croulent, de parvis, de feuilles sèches, que disperse le vent de la mort ; de la colombe qui construit son nid solitaire (pour dire le célibat) ; de volcans à peine fermés (pour dire les passions apaisées) ; du forum, pour dire, comme les avocats, la vie publique ; de l’ange de la destinée, de la lampe de la foi, de la coupe de miel offerte aux lèvres pures (pour dire une vie heureuse, bien qu’on ne mette guère maintenant du miel dans les coupes) ; des anneaux rattachés de la chaîne brisée ; du fait de la richesse, du règne de la vérité qui s’annonce à l’horizon ; du volcan, de l’éternel volcan qui vomit par ses mille cratères de la fange et de la lave, et enfin du bouclier, pour dire : le sentiment qui défend son cœur !
Transporté de honte pour le compte du genre humain, cet homme, qui était un écrivain du talent le plus élevé, résolut d’arracher, dans la mesure de ses forces, Christophe Colomb à la destinée de silence et d’ingratitude qui pesait depuis près de quatre siècles sur sa mémoire, et qui avait mis la grandeur de l’oubli en proportion avec la grandeur du service rendu par lui au monde tout entier.
Goethe avait été accusé de se désintéresser des destinées de la patrie.
On va vous conduire dans la chambre qui vous est destinée. […] XL Elle fit bien ; elle aima mieux aller habiter parmi les grandes ombres, les grandes ruines, les grands songes des déserts, que de languir dans la médiocrité de nos destinées d’alors. […] Quand on s’est lancé hardiment, avec une sainte pensée dans le cœur, au milieu d’un peuple en révolution, pour l’apaiser et le diriger vers des destinées plus hautes et plus surhumaines ; Quand on lui a dit : « Lève-toi et règne, mais montre-toi digne de régner par ta modération, par ta tolérance, par ton respect des libertés d’autrui ; tu n’auras d’autre maître que la raison, tu respecteras tout le monde, et toi-même » ; Quand ce peuple a été soulevé entre ciel et terre pendant quelques mois, et que toutes les nations étonnées se sont agenouillées pour le contempler dans sa liberté et dans sa sagesse ; ce peuple de France a été vraiment roi de lui-même, et digne de l’être.
Si cet exemplaire, qui vous était destiné, vous parvient enfin, je prendrai la liberté de vous le demander pour le faire passer à Naples à la place de celui-ci. […] Que de changements dans sa destinée ! […] Sa destinée parlait assez pour elle.
« Le cygne : Ma vie tranquille se passe dans les ondes, elle n’y trace que de légers sillons qui se perdent au loin, et les flots à peine agités répètent comme un miroir pur mon image sans l’altérer. » « L’aigle : Les rochers escarpés sont ma demeure, je plane dans les airs au milieu de l’orage ; à la chasse, dans les combats, dans les dangers, je me fie à mon vol audacieux. » « Le cygne : L’azur du ciel serein me réjouit, le parfum des plantes m’attire doucement vers le rivage, quand, au coucher du soleil, je balance mes ailes blanches sur les vagues pourprées. » « L’aigle : Je triomphe dans la tempête quand elle déracine les chênes des forêts, et je demande au tonnerre si c’est avec plaisir qu’il anéantit. » « Le cygne : Invité par le regard d’Apollon, j’ose me baigner dans les flots de l’harmonie ; et reposant à ses pieds, j’écoute les chants qui retentissent dans la vallée de Tempé. » « L’aigle : Je réside sur le trône même de Jupiter : il me fait signe et je vais lui chercher la foudre ; et pendant mon sommeil, mes ailes appesanties couvrent le sceptre du souverain de l’univers. » « Le cygne : Mes regards prophétiques contemplent souvent les étoiles et la voûte azurée qui se réfléchit dans les flots, et le regret le plus intime m’appelle vers ma patrie, dans le pays des cieux. » « L’aigle : Dès mes jeunes années, c’est avec délices que dans mon vol j’ai fixé le soleil immortel ; je ne puis m’abaisser à la poussière terrestre, je me sens l’allié des dieux. » « Le cygne : Une douce vie cède volontiers à la mort : quand elle viendra me dégager de mes liens et rendre à ma voix sa mélodie, mes chants jusqu’à mon dernier souffle célébreront l’instant solennel. » « L’aigle : L’âme, comme un phénix brillant, s’élève du bûcher, libre et dévoilée ; elle salue sa destinée future, le flambeau de la mort la rajeunit en la consumant. » XLVIII Mais rien ne surpasse son analyse et sa traduction du drame de Faust, par Gœthe, et cette scène à laquelle ni l’antiquité ni Shakespeare n’ont de scène tragique à opposer. […] « C’est manquer, dit-elle, tout à fait de respect à la Providence, que de nous supposer en proie à ces fantômes qu’on appelle les événements : leur réalité consiste dans ce qu’ils produisent sur l’âme, et il y a une égalité parfaite entre toutes les situations et toutes les destinées, non pas vues extérieurement, mais jugées d’après leur influence sur le perfectionnement religieux. […] Sa rare beauté, la mélancolie de ses traits, la sombre et courte perspective de sa destinée avaient attendri sur lui le cœur de madame de Staël.
Elle aura illuminé, ravagé ou charmé le monde, elle servira peut-être longtemps de guide, ou d’épouvantail, mais elle mourra en dehors de la voie qui mène à de meilleures destinées. […] Cependant il a souvent échoué, et nous ne pouvons prévoir sa destinée. […] Et je citerai d’autant plus volontiers Victor Cousin que le livre auquel je me réfère n’est pas une tentative originale et hardie, mais un exposé destiné à une sorte de vulgarisation philosophique.
Il essaya, quelque temps, la reproduction impressionniste de ses visions ; puis — et c’est une surprenante conscience théorique, — il comprit qu’une autre peinture lui était destinée. […] Cette marche en si majeur est relevée par une autre en sol majeur, destinée à l’entrée des poètes ; d’une mesure plus lente, elle a un caractère plus réfléchi, plus élégant et plus noble que la première ; c’est là un de ces détails finement, intentionnés, qui rendent les compositions de Wagner riches, substantielles, et d’une étude si attachante. […] Il tient sa harpe en main ainsi que les autres poètes ; cet instrument accompagne tous leurs chants et joue un grand rôle non-seulement dans cet acte, mais dans le cours de la partition entière, qui demande un habile artiste pour accomplir les passages compliqués qui lui sont destinés, et trop saillants pour être élagués.
C’est chez André Chénier que se manifeste avec le plus de force et d’éclat la conscience des destinées nouvelles qui s’ouvrent pour la poésie. […] Quelle suggestion d’idées nouvelles sur l’origine et la fin des êtres, sur le principe et la destinée de l’homme ! […] Il se préparait à de plus viriles destinées, et, sans dédaigner la popularité charmante qu’il avait obtenue dans un monde d’élite, il rêvait, il pensait et cherchait plus haut ; il avait l’ambition philosophique ; les grands espaces découverts par la science le tentaient irrésistiblement.
Heureusement nous ne sommes ni consulaire ni sénateur : les ombrages modestes qui nous abritent n’ont jamais entendu s’agiter les destinées d’un grand empire : nous ne pouvons craindre de déroger en parlant des choses de l’esprit. […] Et ne croyez pas que de telles considérations soient de vaines arguties d’école, indifférentes aux destinées réelles de l’art et de la poésie. […] Conclusion La critique tient dans sa main une grande part de la destinée littéraire de notre patrie.
Les prophètes de la société dite de chez nous — entendez des articles de Paris qui monopolisent l’esprit français — tremblèrent de n’avoir aucune certitude quant aux destinées de ce nouveau prétendant à l’avant-garde des idées modernes. […] L’homme était devenu, au contraire, l’œuvre divine destinée à un voyage délicieux sur la terre. […] Cette exhortation termine le discours prononcé le 2 septembre 1792 par Danton à l’Assemblée législative, destiné à soulever la nation contre les « ennemis de la République ».
Avoir tout et n’arriver à rien, telle fut leur destinée. « Ah ! […] C’est un esprit d’après la Révolution française, sans hostilité (du moins montrée) contre le Catholicisme, mais parfaitement indifférent à sa destinée et trouvant même bon, dans les intérêts de la civilisation comme il la comprend, qu’il ait perdu la partie au temps de Philippe II ; — car il faut bien le dire, nous, les vaincus ! […] L’homme politique que j’ai tant signalé dans Forneron, le modéré, le libéral, dont on aperçoit l’opinion à travers le goût et l’estime qu’il a pour Louis XVIII, l’auteur de la Charte future, laisse échapper que la modération, avec laquelle seule on puisse gouverner les peuples, a pour destinée d’être écrasée toujours… Pour ma part, je le crois aussi, mais c’est, précisément, parce que ce n’est pas avec elle seule qu’on peut gouverner les peuples… Véritablement, ils ne sont pas si faciles à mener que cela !
Mais l’âme de ces clowns, qui ont une âme, et qui, comme tous ceux qui en ont une, vont souffrir et mourir de leur âme, M. de Goncourt ne la montre point dans sa beauté, ne la creuse pas dans sa profondeur, ne la dramatise pas dans son action et dans sa destinée. […] C’est que Diderot, tout matérialiste qu’il fût, avait, après tout, une sensibilité d’artiste, et le pathétique de cette destinée d’un artiste écrasé dans son art, de cette âme de clown foudroyée qui tombe de son ciel comme Phaéton, l’aurait touché et tenté. […] Dans la destinée de la grande comédienne, les mille têtes d’un parterre qui l’applaudissent avec transport ne pèsent-elles pas plus que la tête unique de l’homme qui l’adore, et qui souffre de l’adorer de cela seul que l’amour qu’elle éprouve et qu’elle montre, elle peut le jouer !
L’investigation, tantôt simple, tantôt armée et perfectionnée, est donc destinée à nous faire découvrir et constater les phénomènes plus ou moins cachés qui nous entourent. […] Enfin ceux qui généralisent ne pourront faire des théories durables qu’autant qu’ils connaîtront par eux-mêmes tous les détails scientifiques que ces théories sont destinées à représenter. […] Mais il faut remarquer que ces déductions mécaniques n’ont rien qui soit absolument spécial aux fonctions d’un être vivant ; partout nous déduirons de même que des tuyaux sont destinés à conduire, que des réservoirs sont destinés à contenir, que des leviers sont destinés à mouvoir. […] Il faudrait toujours l’accompagner de recherches critiques faites sur la nature, destinées à contrôler les faits dont on parle et à juger les opinions qu’on discute. […] Il doit en conclure que les idées et les théories admises, dans l’état actuel de la science biologique, ne représentent que des vérités restreintes et précaires qui sont destinées à périr.
« Étrange destinée des chrétiens ! […] Sainte-Beuve s’était en effet d’abord destiné à cette carrière, et y avait renoncé pour entrer à la rédaction du Globe. […] Mais que sert de lutter contre sa destinée ? […] Lamartine resta étranger à ces grandes luttes de l’homme contre l’autorité et la destinée, familières aux poètes d’origine germanique. […] Carlos supplie le roi de lui confier la mission destinée au duc d’Albe, et dont il veut faire une mission pacifique et bienfaisante.
Pas plus par la philosophie que par la science, l’esprit humain n’atteindra jamais le mystère des choses : car les choses ne sont pas destinées à être comprises, mais à être senties et aimées. […] Il destina chaque rythme, chaque mouvement à une signification propre. […] Un symbole, c’est toujours, je pense, un signe, c’est-à-dire un objet destiné à représenter un autre objet. […] Et maintenant s’expliquent ces drames, corollaires, tantôt de cette théorie, tantôt destinés à critiquer les théories opposées. […] Même elle avait pressenti la valeur pédagogique des leçons de choses : car c’est en d’abondantes narrations qu’elle développait cette science, destinée à me former un esprit.
Il y eut de singulières destinées, parmi ces jeunes nobles, soudain dispersés par les ouragans de la politique. […] Elle se moquait de l’épouse au sort de laquelle il avait associé sa destinée. […] La division Friant, destinée à former l’avant-garde, s’était égarée pendant la nuit, en sorte qu’elle arriva sur le plateau après que l’armée fut rassemblée. […] À quoi tiennent les destinées du monde ! […] Elle pensait que les exceptions ne sont pas instructives et que seules les destinées moyennes peuvent nous renseigner sur le fonds permanent de l’humanité.
À quoi tiennent les destinées littéraires ! […] Il y faudrait des situations vraies et des caractères vrais, réels même, se groupant autour d’un type destiné à résumer le sentiment ou l’idée principale du livre. […] Que d’énergie montre ce paysan demi-lettré, Simon, dans le rude assaut de sa destinée ! […] Sans doute, il y a des riches qui échappent plus ou moins à cette destinée, mais par des moyens qui ne sont pas de ceux que la richesse procure. […] C’est Bénédict qui s’approche, c’est la rencontre, c’est l’amour ; la destinée fait son œuvre.
Les fils de son héros favori ne sont pas destinés à devenir meilleurs que leurs ancêtres et Han Ryner semble ainsi avoir pour un instant, devant l’horreur des ans de guerre, désespéré de l’animal humain. […] Il y a, dans cette destinée d’artiste dont l’âme sensible et toujours brûlante outrepasse le souci exclusif de la forme, mais qui est, pourtant, si bien douée et si fertile pour le jeu des apparences qu’elle ne peut se dérober à leur mobile inspiration, il y a dans cette destinée, une unité, une fermeté, un abandon aussi et une hospitalité tellement vastes et tellement solides que les circonstances et les vicissitudes ne l’ont jamais altérée. […] Que l’un de vous taille les feuilles de parchemin ; qu’un autre les polisse ; qu’un autre encore y trace au poinçon les lignes destinées à guider la plume de l’écrivain, etc. » Il faut concevoir l’activité soutenue que provoquait dans la paisible ambiance des cloîtres ce prodige de lenteur qu’était l’établissement d’un livre. […] Une lettre encyclique est une lettre circulaire destinée à circuler dans un milieu donné (vieilli).
La douleur naïve du survivant, la misère des orphelins, la destinée lugubre du cadavre errant sous les eaux, tout y est. […] On destinait cet écolier, très doux et brillamment doué, à la prêtrise : une influence inattendue détourna cette vocation. […] Et quelle joie c’est encore pour nous de penser que, grâce à ces deux protecteurs intelligents et généreux, toute la noblesse d’une destinée humaine s’est accomplie ! […] Bien des cœurs ont été touchés par l’accent pénétrant et vraiment suggestif de livres de morale et de méditation comme La Sagesse et la Destinée, ou comme La Vie des Abeilles. […] Dès 1873, après avoir achevé ses Romances sans paroles, et à la suite d’une conférence de Vermersch entendue à Londres, il relut Eloa et les Destinées.
Comme il lui arriva plus tard de vendre cette maison d’Athée qui était du côté de Beauvais-sur-Cher, il lui semble voir là-dedans un rapport avec sa destinée qui a été de rompre avec les athées : un pur jeu de mots ! […] Sa destinée divine, comme il l’appelle, lui semblait douce et belle si on l’eût laissé faire ; mais les obstacles ici-bas n’ont jamais manqué.
Il y avait des jours destinés aux conférences, et où les élèves prenaient la parole ou lisaient des objections. […] [NdA] Cependant il disait assez spirituellement des plus grands hommes d’alors, de ceux même en qui il voyait des agents et instruments providentiels destinés à mener à bon terme la Révolution : « Ils se tromperont s’ils se croient arrivés.
Il s’en console pour lui-même, en se disant comme Valincourt après un incendie : « Je n’aurais guère profité de mes livres, si je n’avais appris d’eux à m’en passer. » Il ne la regrette que pour son jeune ami à qui il la destinait, et il lui donne en même temps les raisons pour lesquelles cette perte doit lui être moins sensible dans les circonstances : « Le cours des idées, dit-il, augmente ou diminue le prix des choses et dirige vers d’autres objets l’intérêt et la curiosité. […] Il lui fait l’effet d’être plus jeune qu’il ne l’était, et M. de Meilhan passa longtemps dans le monde pour être plus jeune que son âge : elle le plaint et elle compatit à le voir ainsi désabusé comme un vieillard, et il semble qu’en mettant son propre désenchantement en commun avec le sien, elle ait quelque désir de le consoler : « Vous êtes destiné, monsieur, lui disait-elle au début, à passer une vie douloureuse : vous voyez le jeu des machines, et alors plus de bonheur.
» Villars rentré en France vit tous les grands commandements se distribuer pour l’année 1704 sans en obtenir : le roi le destinait à une mission assez singulière et de confiance. […] Les réflexions que Villars adressait au ministre à ce sujet sont d’un grand sens : On les destina à servir d’exemple : mais la manière dont Maillé reçut la mort était bien plus propre à établir leur esprit de religion dans ces têtes déjà gâtées qu’à le détruire.
Il a été tout récemment question, dans la presse quotidienne, de ce recueil qui n’était destiné d’abord qu’à un cercle d’amitié et de famille. […] Dans les lectures d’histoire qu’on lui fait faire, il lui semble qu’il n’y a pas de roi préférable à Louis XII ; l’écho des victoires l’atteint peu ; et cependant elle a aussi la marque de son temps, et lorsqu’il vient là pendant quelques jours un beau monsieur de Paris, très riche, très gai, très galant pour elle, et qui cause politique avec Mme de Coigny, qui apporte les dernières nouvelles et les commente avec cet esprit de dénigrement propre aux salons, elle n’est pas séduite, elle aperçoit d’abord ce qui manque à l’élégant monsieur, en fait de chevaleresque, et celle dont le cœur est destiné à des cœurs braves, finit par ce trait en le dépeignant : « Et puis il n’a été à aucune bataille, et c’est vraiment ridicule30. » Mme de Coigny aime les longues lectures régulières et qui se continuent, qui occupent et reposent : on lit donc Rulhière, Histoire de l’anarchie de Pologne, toutes les Révolutions de Vertot, La Guerre de Trente Ans de Schiller, Le Siècle de Louis XIV ; toutes ces lectures ne sont pas également intéressantes.
Vite, hâtons-nous et revenons à l’un de ces poètes qui n’ont pas besoin d’être réhabilités ni reconstruits à grand effort de système, et qui ont su traverser les âges par un hasard de destinée, heureux sans doute, mais aussi très justifié, et tout simplement parce qu’ils avaient en eux et qu’ils ont mis dans leurs œuvres une étincelle de cette flamme qui fait vivre : Vivunt commissi calores… II. […] Y aurait-il eu un jour, une heure où, regardant au fond de ce cœur trop confiant en sa flamme, elle l’eut trouvé changé, refroidi, presque méconnaissable, et aurait-elle jamais consenti, condescendu par degrés au sentiment doucement attristé qui inspira à de plus humbles et à de plus résignées des vers comme ceux-ci : Serait-ce un autre cœur que la Nature donne A ceux qu’elle préfère et destine à vieillir ?
Lui-même, Jean-Bon, est destiné avec quelques-uns de ses compagnons désignés au hasard pour être relégué au dernier et au plus éloigné de ces lieux de détention et d’exil, à Kérasonde, l’ancienne Cérasus, d’où Lucullus envoya en Europe l’arbre du cerisier, mais qui, malgré ce souvenir aimable, n’était plus qu’une résidence misérable, et pour tout dire, immonde. […] Le fanatisme le plus hostile et le plus stupide trouvait moyen de se diversifier encore à ses yeux et de lui permettre d’y mesurer des degrés : « Nous nous trouvions transplantés dans un pays barbare ; et par la bizarrerie de notre destinée, ce pays, habité par deux espèces d’hommes animés les uns contre les autres d’une haine mortelle, ne nous offrait dans tous que des ennemis également furieux contre nous.
Ramené de Hollande en Saxe à la fin de 1708, M. de Schulenburg, le général de l’armée saxonne, lui signifie le 5 janvier 1708, de la part du roi, qu’on le destine au militaire, qu’il n’a qu’à aller remercier Sa Majesté, que son équipage est tout prêt et que le départ est pour le lendemain : « J’étais enchanté de toutes ces choses, surtout de n’avoir plus de gouverneur. […] Lisez-les et mettez-en le contenu dans une instruction qui sera destinée à être envoyée à mes généraux en Espagne. » 11.
La cherté s’est mise sur les Ronsard et les Baïf, qui étaient à vil prix dans notre jeunesse ; et, pour se faire une juste idée des destinées et des vicissitudes bibliographiques de Ronsard, par exemple, il suffit de la remarque suivante, qui est de M. de Sacy. […] C’est alors que, sur le déclin du moyen âge, un poème qui ne semblait point destiné d’abord à la grande fortune qu’il eut depuis, le Roman de la Rose, causa, parmi les esprits cultivés, une vive distraction, et apporta dans le courant des idées poétiques une perturbation étrange ; ce qui n’était d’abord qu’un accident devint (comme cela s’est vu souvent en France) l’occasion d’un entraînement général, d’une véritable révolution dans le goût.
Heureuse et pieuse destinée ! […] Sa destinée avec son cœur acheva de s’y fixer, lorsqu’il eut épousé une personne douée selon l’âme et portant au front le grand type de beauté slave ; il avait trouvé le bonheur.
Une corbeille de fleurs renversée offre l’emblème de la destinée de Millevoye, tombé de la veille. […] Couturier, ses biographes148, nous en disent là-dessus moins encore qu’ils n’en savent ; l’aventure de Goldsmith, qui parcourut une fois la Touraine sans argent, en jouant de la flûte de village en village, n’est qu’un des accidents les plus ordinaires de la destinée de de Loy.
Mais est-il rigoureusement exact de dire que « les progrès ou les défaites de l’hérédité souveraine, essayée par les empereurs romains, étaient devenus la véritable mesure de la destinée des chrétiens ; que, sitôt que le sénat et l’empire non héréditaire emportaient la balance, le christianisme était persécuté ; que, sitôt que l’idée orientale ou royale recommençait à prévaloir, les persécutions s’arrêtaient ; que le caractère personnel des princes n’avait aucune part à ces oscillations ? […] Cette noble femme, une fois associée aux destinées des petits-fils de Clovis, aurait tenté, dans toute sa carrière, de restaurer la puissance déjà déclinante de la vieille race, de combattre à mort l’opposition conjurée des leudes et des évêques, et de déjouer, au nom d’une haute et souveraine idée, les essais de féodalité ou d’aristocratie naissante, ou même d’organisation synodale.
Élevé d’ailleurs au collège des jésuites, il y avait puisé une connaissance suffisante de l’antiquité ; mais les études du barreau, auquel on le destinait, et qui le menèrent jusqu’à sa vingt et unième année, en 1627, durent retarder le développement de ses goûts poétiques. […] La querelle du Cid, en l’arrêtant dès son premier pas, en le forçant de revenir sur lui-même et de confronter son œuvre avec les règles, lui dérangea pour l’avenir cette croissance prolongée et pleine de hasards, cette sorte de végétation sourde et puissante à laquelle la nature semblait l’avoir destiné.
« Retrouvant dans nos châteaux, avec nos paysans, nos gardes et nos baillis, quelques vestiges de notre ancien pouvoir féodal, jouissant à la cour et à la ville des distinctions de la naissance, élevés par notre nom seul aux grades supérieurs dans les camps, et libres désormais de nous mêler sans faste et sans entraves à tous nos concitoyens pour goûter les douceurs de l’égalité plébéienne, nous voyions s’écouler ces courtes années de notre printemps dans un cercle d’illusions et dans une sorte de bonheur qui, je crois, en aucun temps, n’avait été destiné qu’à nous. […] Le poste qu’on lui destinait au début était des plus importants : il s’agissait de représenter la France auprès de l’impératrice Catherine.
M. de Chateaubriand s’imagina qu’il était généreux à lui de venir au secours de Fontanes, lequel n’avait guère besoin d’aide, et aurait eu besoin plutôt de modérateur : dans une Lettre écrite à son ami, mais destinée au public, et qui fut en effet imprimée dans le Mercure, il prit à partie la doctrine de la perfectibilité en se déclarant hautement l’adversaire de la philosophie. […] XXII L’épilogue couronne dignement le poëme : c’est l’auteur lui-même, Chateaubriand, qui reprend la parole et qui raconte la suite de la destinée des personnages survivants (le père Aubry, Chactas), telle qu’il l’a apprise dans ses voyages aux terres lointaines.
Ce n’est donc pas une exagération de dire que la science renferme l’avenir de l’humanité, qu’elle seule peut lui dire le mot de sa destinée et lui enseigner la manière d’atteindre sa fin. […] Mais il est physiquement possible que l’humanité soit destinée à périr ou à s’épuiser et que l’espèce humaine elle-même s’atrophie, quand la source des forces vives et des races nouvelles sera tarie.
C’est là que des théories destinées à troubler et à renouveler la société essaient leurs ailes avant de prendre leur vol. […] Non seulement les salons sont le berceau de la comédie de société, de ces petites pièces légères et faites de rien, qui comptent en France plus d’un frêle chef-d’œuvre ; mais la vraie comédie, celle qui est destinée au grand public, trouve là le secret du dialogue vivant et aisé.
M. de Lamennaisi, dans l’écrit intitulé Affaires de Rome, racontant le voyage qu’il y fit en 1832, a dépeint en quelques traits satiriques, et plus fins qu’on ne l’attendrait d’une plume si énergique, le caractère du cardinal de Rohan, qui s’y trouvait alors : Extrêmement frêle de complexion et d’une délicatesse féminine, dit M. de Lamennais, jamais il n’atteignit l’âge viril : la nature l’avait destiné à vieillir dans une longue enfance ; il en avait la faiblesse, les goûts, les petites vanités, l’innocence ; aussi les Romains l’avaient-ils surnommé il Bambino. […] Ses in-quarto historiques sur saint Louis, Philippe de Valois, Charles V, etc., etc., réussissaient fort bien à leur moment ; on les voyait sur les toilettes des dames, auxquelles ils étaient plus particulièrement destinés : c’étaient de ces livres qui se laissent fort bien lire, comme disait Mme de Sévigné.
On remarquera que Volney ne peut s’empêcher de reconnaître dans le merveilleux rapport de cet animal avec le climat auquel il est destiné une sorte d’intention providentielle et divine ; ce sont de ces aveux qui lui échappent rarement, et que l’exactitude seule lui arrache ici. […] Enfin elle l’a destiné visiblement à l’esclavage, en lui refusant toutes défenses contre ses ennemis.
Les choses de l’inconnu, les problèmes métaphysiques reculant devant la sonde, les énigmes de l’âme et de la nature, qui est aussi une âme ; les intuitions lointaines de l’éventuel inclus dans la destinée, les amalgames de la pensée et de l’événement, peuvent se traduire en figurations délicates, et remplir la poésie de types mystérieux et exquis, d’autant plus ravissants qu’ils sont un peu douloureux, à demi adhérents à l’invisible, et en même temps très réels, préoccupés de l’ombre qui est derrière eux, et tâchant de vous plaire cependant. […] À quoi ressemble la destinée, si ce n’est à une fantaisie ?
Une sorte de parti pris gigantesque, la mesure habituelle dépassée, le grand partout, ce qui est l’effarement des intelligences médiocres, le vrai démontré au besoin par l’invraisemblable, le procès fait à la destinée, à la société, à la loi, à la religion, au nom de l’Inconnu, abîme du mystérieux équilibre ; l’événement traité comme un rôle joué et, dans l’occasion, reproché à la Fatalité ou à la Providence ; la passion, personnage terrible, allant et venant chez l’homme ; l’audace et quelquefois l’insolence de la raison, les formes fières d’un style à l’aise dans tous les extrêmes, et en même temps une sagesse profonde, une douceur de géant, une bonté de monstre attendri, une aube ineffable dont on ne peut se rendre compte et qui éclaire tout ; tels sont les signes de ces œuvres suprêmes. […] se sentir oublié dans le départ, avoir perdu sa raison d’être ici-bas, être désormais un homme qui va et vient devant un sépulcre, pas reçu, pas admis ; c’est une sombre destinée.
Le comte de La Villette. » En remplaçant « une épaulette » par « un empire », très léger changement, c’était, en quatre mots, toute la destinée de Bonaparte, et une sorte de Mané Thecel Phares écrit d’avance sur cette muraille. […] En avril 1764, il y avait deux cents ans que Shakespeare était né, l’Angleterre contemplait l’aurore de Georges III, roi destiné à l’imbécillité, lequel, à cette époque, dans des conciliabules et des aparté peu constitutionnels avec les chefs tories et les landgraves allemands, ébauchait cette politique de résistance au progrès qui devait lutter, d’abord contre la liberté en Amérique, puis contre la démocratie en France, et qui, rien que sous le seul ministère du premier Pitt, avait, dès 1778, endetté l’Angleterre de quatre-vingt millions sterling.
Le fragment qui suit est d’un genre différent, par la mélancolie dont il est empreint : on dirait que André Chénier, en le composant, avait un pressentiment de sa destinée. […] V, chap. 2] On sera bien aise de trouver ici le beau morceau de Bossuet sur saint Paul… « Afin que vous compreniez quel est donc ce prédicateur, destiné par la Providence pour confondre la sagesse humaine, écoutez la description que j’en ai tirée de lui-même dans la première épître aux Corinthiens.
Dans le principe trinitaire qui, à proportions inégales, dirige la destinée tragique du monde, ils ont fait leur part du Saint-Esprit. […] Nous sommes animés d’une puissance de volonté qui nous permet d’espérer les plus belles destinées pour notre entreprise.
Le génie est une révélation particulière de Dieu, pour exercer une influence plus immédiate sur les destinées humaines : malheur donc à celui qui abuse du génie ! […] L’homme de génie qui, voyant que tout est lié dans les destinées humaines, exprimerait d’avance les idées vulgaires d’un autre âge ; celui-là, comblant l’espace qui le tiendrait séparé des temps postérieurs, créerait dans l’avenir des événements et des chefs d’empire, et prédirait ainsi une épopée.
Singulière destinée, n’est-il pas vrai ? […] Nisard nous a fait plonger dans Byron et nous l’a éclairé dans tous les problèmes de son orageuse destinée.
Est-ce dans le mystère de la tombe, de l’oubli, de la destinée, ou dans la déposition de la tradition, éternellement retentissante ? […] Mais, après les avoir discutés, on les oubliera l’un et l’autre, car c’est la destinée de toutes les théories historiques d’être brisées au bout d’un certain temps.
C’est le même homme qui, silencieux depuis vingt-cinq ans, vit paisible et triste sous la domination étrangère, dans sa ville natale, l’illustre Manzoni ; homme d’imagination et de foi, généreux patriote et chrétien résigné, poëte artificiel peut-être dans l’irrégularité de son théâtre, mais vraiment lyrique dans ses odes religieuses et dans celle que lui inspira le plus grand nom et la plus tragique destinée de ce siècle ! […] La douce magie de ces vers s’accroît par le contraste avec la destinée même de l’auteur.
. — Un piquant parallèle, et tout à fait académique, entre M. de Tocqueville et son successeur, et l’accord, l’harmonie finale de leurs deux esprits, résultant du contraste même de leurs vocations et de leurs destinées, cette vue ingénieuse semblait terminer à souhait un discours constamment applaudi.
Louis Ratisbonne, exécuteur testamentaire et légataire de M. de Vigny pour les choses littéraires et poétiques, m’a fait savoir que mon article sur son ami lui avait déplu ; il me l’a témoigné autant qu’il a pu en faisant imprimer dans la Revue moderne du 1er avril 1866 une note de M. de Vigny à mon égard, trouvée dans ses papiers, non destinée assurément à la publicité, et de laquelle il résulte que le poète n’était pas absolument satisfait du premier Portrait de lui que j’avais tracé dans la Revue des Deux Mondes en 1835 : « S.
Son livre, en un mot, s’il l’avait exécuté comme il l’avait conçu, n’aurait pas été seulement destiné aux moralistes et aux penseurs ; il aurait eu pour objet d’acheminer et d’entraîner tout un peuple moins relevé de lecteurs par l’attrait, par le mouvement graduel et l’émotion presque dramatique d’une marche savamment concertée.
L’illustre auteur de Wilhem Meister lui rend justice quand il dit : « Tous les pressentiments sur l’homme et sur sa destinée qui me tourmentaient depuis mon enfance d’une vague inquiétude, je les retrouve dans Shakspeare expliqués et remplis ; il éclaircit pour nous tous les mystères, sans qu’on puisse indiquer où se trouve le mot de l’énigme. » S’il n’est pas exact d’avancer que Shakspeare éclaircit tous les mystères, du moins il les soulève, et, depuis lui, la grande poésie est partagée comme la religion.
Car ce petit livre est une œuvre à part ; une conviction profondément nationale et religieuse l’a dicté au poète fervent ; il est destiné, comme un viatique moral, au peuple errant ou captif chez qui l’ancienne foi catholique semble avoir fait alliance avec le sentiment plus moderne de la liberté.
Peut-être que les dangers qui menaçaient alors tous les hommes distingués étaient trop imminents pour leur laisser le loisir nécessaire à de tels travaux ; peut-être aussi les Romains avaient-ils conservé trop d’indignation républicaine pour pouvoir distraire entièrement leur attention de la destinée de leur pays.
Plusieurs des hommes qui ont pris un grand ascendant sur les destinées de la France, étaient dépourvus de toute apparence de grâce dans l’expression et de brillant dans l’esprit : peut-être même devaient-ils une partie de leur influence à ce qu’il y avait de sombre, de silencieux, de froidement féroce dans leurs manières comme dans leurs sentiments.
Il publia dans ce but « La Supplica, discours familier de Nicolo Barbieri dit Beltrame, adressée à ceux qui, en écrivant ou en parlant, s’occupent des acteurs pour obscurcir les mérites de leurs actions vertueuses ; lecture destinée à ces galants hommes qui ne sont pas critiqueurs de parti pris ni tout à fait sots (1634)27 ».
Quoique les productions sans nombre que nos théâtres voient éclore chaque année, n’offrent pas, en général, les conditions d’une longue durée, qui sait pourtant si les éléments comiques qu’elles renferment sont destinés à périr à jamais ?
« Monsieur, « Vous vous emparez d’une phrase dans une lettre qui était destinée à répondre à un ordre particulier d’arguments, mais vous ne me la renvoyez pas telle que je l’ai écrite : je n’ai pu dire en effet et je n’ai point dit : “Nul homme sérieux et sensé ne peut croire désormais, etc.”
Rousseau conta les amours de Julie, dans le but unique de tromper son cœur et d’utiliser les flammes de sa passion, la plupart des auteurs ne composent des odes et des tragédies que par une sorte de subterfuge à l’aide duquel ils oublient leur fortune, les voluptés que leur refusent d’exquises amantes et les guerrières expéditions à quoi semblaient les destiner leurs mérites et leurs sentiments.
Il laisse donc aller ce livre à sa destinée, quelle qu’elle soit, liber, ibis in urbem , et demain il se tournera d’un autre côté.
A-t-on crié dans les rues un édit qui promette un intérêt décuple à un capital ; l’enfant de la maison pâlit ; l’héritier frémit ou pleure ; ces masses d’or qui lui étaient destinées, vont se perdre dans le fisc public, et avec elles l’espérance d’une opulence à venir.
Je ne parle point des comedies heroïques de Moliere, parce qu’il songea moins en les écrivant à faire des comedies, qu’à composer des pieces dramatiques qui pussent servir de liaison aux divertissemens destinez à former ces spectacles magnifiques que Louis XIV encore jeune donnoit à sa cour, et dont la memoire s’est conservée dans les païs étrangers autant que celle de ses conquêtes.
Enfin quelques peintres des plus modernes se sont avisez de placer dans les compositions destinées à être vûës de loin, des parties de figures de ronde bosse qui entrent dans l’ordonnance et qui sont coloriées comme les autres figures peintes entre lesquelles ils les mettent.
Tel est le rôle des idées générales, et des relations générales, purs artifices destinés à soulager la mémoire.
Avant la publication de ses Mémoires, il y avait dans le duc de Raguse et sa destinée quelque chose de douteux, d’agité, de fatal, comme dit le scepticisme des hommes qui s’intéressent trop à cette ambiguïté !
Ou il fallait l’écrire en philosophe, ou il fallait l’écrire en poète : en philosophe, qui distingue sous les faits leur racine dans la constitution même de l’esprit humain et le mystère à moitié éclairé de sa destinée, ou en poète, qui ne voit que la toute-puissance des faits et la fascination qu’ils exercent.
Gramont est un homme de race militaire, et la virilité de sa pensée donne souvent à l’accent de sa poésie quelque chose de stoïquement inconsolable, d’un effet très pénétrant et très nouveau… Sorti d’un père vendéen, ami de Talmont et de Charette, ce fiancé de l’épée, à qui l’épée a manqué, victime fière et pure de la fidélité du souvenir, nous dit dans ses Chants du Passé tous les veuvages de sa jeunesse : Je comptais retrouver cette épouse de fer Que de ma destinée une erreur a disjointe.
Après le couronnement de la victoire, l’Empire eut le couronnement des catastrophes, pour que tout fût complet dans sa destinée ; car la grandeur humaine ne s’achève que par le malheur, et les larmes des choses (lacrymæ rerum) ne doivent pas plus manquer à l’Épopée que les larmes des hommes au Drame… deux espèces de larmes différentes, que l’Empire, tour à tour Épopée et Tragédie, a su faire également couler !
Rien de plus beau que son épitaphe de Léonidas99 : « Aux morts des Thermopyles une fortune glorieuse, une belle destinée, pour tombeau un autel, monument de leurs ancêtres, une calamité qui est une gloire.
Un tout jeune homme, qui de ferme propos se destine à être écrivain, peut être doué de grandes qualités littéraires qui se déclareront plus tard, mais, en attendant, ne donne pas une marque éclatante de jugement. […] Les sacrifices, les victimes sanglantes, ont toujours été considérés par les hommes comme des hommages à la loi mystérieuse qui préside aux destinées du monde. […] Toutes les fois qu’on le voit écrire que le secret de la destinée de l’homme est dans son cœur, que qui saurait définir l’homme aurait la clef de toutes les choses, que la notion du devoir humain est l’étude unique et que tout le reste n’est que ce monde d’images qui passent, on se surprend à crier : « Bravo ! […] Elle est souveraine ; elle peut toujours supprimer ses ministres et ses sujets ; mais il lui faut pour cela un immense effort ; il faut quelle arme un de ses organes au moins contre tout son organisme ; elle est avertie par cet effort même qu’elle ne suit pas sa vraie destinée en s’affranchissant. […] La rêverie personnelle aboutit à une méditation sur la destinée humaine, et cette méditation prolonge, soutient et enrichit la confession que le poète fait de son âme.
Mais fâcheuse est la destinée de celui qui a l’audace de signaler les modes esthétiques comme des formes de décomposition intellectuelle. […] La musique destinée à plaire doit ou feindre le recueillement religieux, ou décontenancer par sa forme. […] Les vers symboliques peignent le contraste entre la destinée brillante de l’élue et la triste destinée des dédaignées. […] La cause de ce changement de destinée, le poète la laisse à dessein dans l’obscurité. […] Ce qui l’attache aux hommes et à leurs destinées, c’est précisément leur connexion avec l’humanité tout entière et avec les lois générales de la vie humaine.
L’humanisme avait eu, lui, au point de vue de la direction des esprits, des destinées assez curieuses. […] Il n’y a point de destinée plus, misérable. […] Il doit surtout connaître cette terre où la destinée l’a placé, pour s’y accommoder le mieux possible. […] On le destinait à la théologie. […] S’il en est ainsi, quelle est la destinée de l’homme ?
La séparation, en liant davantage les destinées de l’Église à l’assentiment du peuple, y a été pour quelque chose. […] Or, plus encore qu’un nationalisme doctrinal destine à s’atténuer et à s’effriter par les infiltrations socialistes, ce sont les comités et les cadres qui font le radicalisme, qui soutiennent effectivement et même qui figurent formellement la doctrine radicale. […] Elle se réfère exactement à la tradition de la Révolution française, créatrice de ces Écoles du Gouvernement, dont le prestige sur la bourgeoisie a été au xixe siècle si puissant, et les destinées si brillantes. […] On dirait un produit de remplacement destiné à faire l’intérim entre les luttes religieuses qui étaient hier la raison d’être du parti, et celles que des imprudences de droite et sa bonne étoile lui ramèneront, espère-t-il, plus tard. […] La France multiforme ne nous paraît pas destinée à porter le Français unique.
Quant aux marques jaunes et noires que Pierre portait sur les deux yeux et aux régions zygomatiques, Jean en rendait responsable un des tas de cailloux destinés à l’entretien de la route, et disposés en monticules réguliers d’un mètre sur lequel Pierre ivre serait tombé (sans, ô miracle, se meurtrir en quoi que ce soit le bout du nez). […] La main droite brandissait, toute prête à agir, une fourche d’importance vers le procureur somnolent et sa main gauche tenait trois fourches de mêmes dimensions, vraisemblablement destinées aux bons robins assis au comptoir à condamnation. […] excellent, d’une utilité incontestable pour les élèves intelligents et pour les jeunes maîtres ; mais c’est aussi, et plus encore, un livre de philosophie historique, que ses qualités hautement littéraires, la netteté, la hardiesse, la clairvoyance de ses vues destinaient au grand public. […] juste pour pressentir toute la verve susceptible d’éclater en une œuvre à ce destinée par ce poète surtout du plaisir tour à tour délicat à l’infini et amusant, même gros quand l’heure en sonne. […] Après avoir ordonné le silence, ce qui fut obtenu, non sans peine, par un jeune homme d’environ seize ans, un élève destiné à devenir maître à son tour, Mr Andrews lut à haute voix les prières.
Soit que le ciel nous destine de nombreuses saisons, soit que cet hiver tempétueux, qui épuise en ce moment contre ses écueils la fureur des flots de la mer tyrrhénienne, doive être pour nous le dernier de nos hivers, sois en paix ; clarifie tes vins, et au court espace de temps qui nous est mesuré mesure tes courtes espérances. […] Rendue plus fière par la certitude d’une mort volontaire et délibérée, elle ravit à nos vaisseaux victorieux l’orgueil d’emmener une reine supérieure à sa destinée au char des triomphateurs à Rome ! […] Nul ne peut se dire heureux par tous les aspects de sa destinée.
Il explique avec une sagacité véritablement divine la pensée ou la passion des personnages, rois, consuls, magistrats ou peuple, qui amenèrent, dans tel ou tel but, telles ou telles vicissitudes dans les destinées du peuple romain ; il montre comment de l’événement accompli devait nécessairement découler tel autre événement par la seule fatalité des grands esprits, la fatalité des conséquences ; il refait l’histoire romaine tout entière avec une lucidité rétrospective qui éclaire mille fois mieux les faits que l’historien romain lui-même. […] C’est lui qui est le véritable traducteur des événements et qui les interprète en homme d’État ; il en extrait le suc pour en nourrir substantiellement ses amis des jardins Ruccellai, destinés à gouverner après lui la république ou la monarchie, l’aristocratie ou la démocratie de Florence. Nous sommes étonné qu’on ne mette pas le commentaire de Machiavel sur Tite-Live dans les mains de la jeunesse moderne qui se destine à la vie publique : ce serait un cours de sagacité.
Müller, qu’une sorte d’écriture destinée à raconter des faits et à exprimer des idées, sans aucune pensée esthétique. […] Le beau serait de réunir les deux destinées : nul homme ne l’a fait ; mais il n’y a cependant aucune incompatibilité entre l’action et la pensée dans une intelligence complète. […] LXVI Je ne sens point de tristesse ici ; l’âme est légère, quoique méditative ; ma pensée embrasse l’ordre des volontés divines, des destinées humaines ; elle admire qu’il ait été donné à l’homme de s’élever si haut dans les arts et dans une civilisation matérielle ; elle conçoit que Dieu ait brisé ensuite ce moule admirable d’une pensée incomplète ; que l’unité de Dieu, reconnue enfin par Socrate dans ces mêmes lieux, ait retiré le souffle de vie de toutes ces religions qu’avait enfantées l’imagination des premiers temps ; que ces temples se soient écroulés sur leurs dieux : la pensée du Dieu unique jetée dans l’esprit humain vaut mieux que ces demeuras de marbre où l’on n’adorait que son ombre.
Éponine reçoit un coup de feu qui était destiné à Marius. […] XXI Il y a une puissance divine contre laquelle l’humanité, dans la personne de ses plus grands hommes, s’est insurgée dans tous les siècles, pour franchir aussi les limites prescrites à sa destinée mortelle par son Créateur, et qui, comme l’Océan, l’a toujours fait retomber en poussières et en écumes retentissantes dans son lit. […] XXXI L’autre philosophie sociale est celle qui, reconnaissant aussi dans la création énigmatique telle quelle, un mystérieux fait accompli, s’y résigne comme à une justice inexpliquée, puisqu’elle est fatale, ce qui veut dire divine : semblable, j’en conviens, au prisonnier des ténèbres, qui, après avoir fait le tour de son étroit cachot, et convaincu qu’il n’y a aucune issue que par le suicide, évasion de la destinée humaine, s’y assoit à la place assignée par la Providence, y livre son corps à sa condition de souffrance et de corruption, sans murmure et sans regret, et y cherche la nourriture de son âme, qu’il sent immortelle, dans la conformité du dessein de Dieu son maître, dans le sacrifice de son bonheur à celui de ses semblables, dans la vertu, ce supplément de bonheur qui vaut mieux que lui, et dans la sainte certitude d’un destin supérieur quand cette voûte de son cachot s’écroulera sur son corps mortel pour lui laisser voir du fond du cercueil le vrai jour de Dieu !
Notre langue suit la destinée de la nation. […] Je ne regrette pas non plus de trouver Joinville touché, au départ, d’un autre sentiment que la joie simple et profonde du maréchal de Champagne, à la vue de cette belle flotte, qui semblait destinée à conquérir le monde. […] Il rappelle qu’étant à Bordeaux, le jour où ce roi était né, messire Richard de Ponchardon, maréchal d’Aquitaine, lui avait dit de la part du prince Noir : « Froissart, escrivez et mettez en mémoire que madame la princesse est accouchée d’un beau fils. » Ce souvenir lui fait faire un retour sur la fragilité des plus belles destinées.
Seulement, nous demandions encore deux épreuves, celle de ce soir-là, et celle du lundi suivant : nous espérions, pour cette représentation du lundi, l’effet de notre brochure qu’on allait mettre en vente à quatre heures et qui nous semblait destinée à faire revenir les gens de cœur sur le compte de notre dignité et de notre indépendance. « Lundi, c’est impossible ! […] Non, l’art dramatique ne deviendra pas tout à fait ce que j’ai prédit : « Quelquechose digne de prendre place entre des exercices de chiens savants et une exhibition de marionnettes à tirades », non, mais toutes les scènes de la capitale sont fatalement destinées à se transformer en des Édens, plus ou moins dissimulés. […] Avec l’évolution des genres qu’amènent les siècles, et dans laquelle est en train de passer au premier plan le roman, qu’il soit spiritualiste ou réaliste ; avec le manque prochain sur la scène française de l’irremplaçable Hugo, dont la hautaine imagination et la magnifique langue planent uniquement sur le terre-à-terre général ; avec le peu d’influence du théâtre actuel en Europe, si ce n’est dans les agences théâtrales ; avec l’endormement des auteurs en des machines usées au milieu du renouveau de toutes les branches de la littérature ; avec la diminution des facultés créatrices dans la seconde fournée de la génération dramatique contemporaine ; avec les empêchements apportés à la représentation de pièces de purs hommes de lettres ; avec de grosses subventions dont l’argent n’aide jamais un débutant ; avec l’amusante tendance du gouvernement à n’accepter de tentatives dans un ordre élevé que de gens sans talent ; avec, dans les collaborations, le doublement du poète par un auteur d’affaires ; avec le remplacement de l’ancien parterre lettré de la Comédie-Française par un public d’opéra ; avec… avec… avec des actrices qui ne sont plus guère pour la plupart que des porte-manteaux de Worth ; et encore avec des avec qui n’en finiraient pas, l’art théâtral, le grand art français du passé, l’art de Corneille, de Racine, de Molière et de Beaumarchais est destiné, dans une cinquantaine d’années tout au plus, à devenir une grossière distraction, n’ayant plus rien de commun avec l’écriture, le style, le bel esprit, quelque chose digne de prendre place entre des exercices de chiens savants et une exhibition de marionnettes à tirades.
René était un cadet de Bretagne, destiné à l’Église ; selon l’usage aristocratique on le sacrifiait, ainsi que ses quatre sœurs, au fils aîné. […] « Plus la révolution s’éloigne de nous, écrivait la Décade (20 floréal an V) et plus les destinées de la France nous paraissent s’éclairer », lisez : moins nous tremblons pour notre tête et notre bourse. […] La célèbre Mme Cottin, dans son premier roman publié en 1798, lu et admiré pendant un demi-siècle, en 1844 on le republiait encore, l’héroïne, « la plus sublime des femmes », Claire d’Albe écrit à son amant, le protégé de son mari, qui le traite comme un fils : « L’image de ce bonheur que vous me demandez égare mes sens et trouble ma raison ; pour le satisfaire, je compterais pour rien la vie, l’honneur et jusqu’à ma destinée future : vous rendre heureux et mourir après serait tout pour Claire : elle aurait assez vécu. » Elle se donne à son amant « abattue par les sensations… au bas de son jardin, sous l’ombre des peupliers, qui couronnent l’urne de son père et où sa piété consacra un autel à la divinité ».
Ses yeux couvaient un feu amorti par les disgrâces ; ses lèvres avaient le pli du dédain philosophique contre la destinée, qu’on subit, mais qu’on méprise. […] Il se consolait par la chasse, par la lecture et par la société de M. de Vaudran et de mon père, ses voisins, de la destinée contraire qui lui avait fermé le palais épiscopal et qui le condamnait à la vie obscure d’un vicaire de campagne. […] La petite fenêtre basse et le volet à coulisse percé de trous carrés qui éclairaient ce pavillon prouvaient assez qu’il avait été primitivement destiné aux colombes.
« …… J’ai goûté les félicités de la vie, j’ai accompli ma destinée, je t’ai donné une postérité. […] À quel mortel sur la terre est destinée cette beauté ravissante, semblable, dans sa fraîcheur, à une fleur dont on n’a point encore respiré le parfum ; à un tendre bourgeon qu’un ongle profane n’a point osé séparer de sa tige ; à une perle encore intacte dans la nacre où elle repose ; au miel nouveau dont aucune lèvre n’a encore approché ? […] Les compagnes de la jeune mère s’écrient : « Nous apercevons, flottant aux branches d’un grand arbre, un voile céleste, du lin le plus fin, imitant dans sa blancheur la lumière argentée de la lune, sûr présage du bonheur qui attend Sacountala. » Un autre arbuste distillait une laque admirable, destinée à teindre du plus beau rouge ses pieds délicats ; tandis que, de tous côtés, de petites mains charmantes, qui rivalisaient d’éclat avec les plus belles fleurs, se faisant jour à travers le feuillage, répandaient autour de nous ces joyaux de toute espèce, dignes de briller sur le front d’une reine.
Nous pouvons cesser enfin de nous étonner de voir chez l’embryon d’un mammifère ou d’un oiseau à respiration aérienne des fentes branchiales et des arcs aortiques, comme chez un poisson destiné à respirer l’air dissous dans l’eau à l’aide de branchies parfaites. […] Darwin a si habilement étudiés, c’est le parallélisme des destinées. […] Et le parallélisme des destinées, produisant chez toutes ces races une résultante d’innéités, non pas identique, mais fort analogue, c’est-à-dire des tendances héréditaires presque semblables, aurait maintenu entre elles des ressemblances profondes que les différences survenues subséquemment dans les conditions de vie ont pu altérer, mais non détruire.
Il y a des corps constitués destinés à garder, à conserver, à embaumer les momies rongées par les vers du passé. […] M. de Vigny est toujours aussi haut dans l’estime publique ; ses livres sont restés, restent et resteront ; son nom nous semble destiné à ne point périr. […] Il vous racontera les histoires imposantes des mondes planétaires, il vous décrira en phrases magnifiques le déchirement de la voie lactée ; il vous dira les aventures des étoiles disparues et les destinées des étoiles qui doivent apparaître, il vous montrera les splendeurs des végétations tropicales, il vous fera gravir les Cordillères les plus hautes, les Chimborazo les plus élevés, et vous décrira les flores singulières qui vont se dégradant et s’amoindrissant depuis le palmier jusqu’au lichen ; comme un Moïse nouveau, il ouvrira les océans devant vous et vous conduira jusque dans ces forêts de fucus crespelés où les polypiers industrieux travaillent incessamment à combler les détroits et à rapprocher les continents.
Je ne sais pas de destinée plus particulière, en un certain sens, que celle de l’estimable Gandar. […] Un portrait ou caractère de Gandar, résumé dans son esprit et dans son originalité, pourrait exactement s’intituler Gandar, ou la Parfaite École du professeur, de celui qui se destine à l’être. […] Les rois qui vivaient sur de plus beaux rivages, qui cultivaient des terres plus fécondes, qui dormaient dans de plus riches palais, ne comprenaient guère que le prudent Ulysse s’obstinât à chercher ainsi, malgré la destinée, son pauvre royaume. […] Rentré en France, il soutint ses thèses en 1854, fut nommé l’année suivante professeur suppléant de littérature ancienne à la Faculté de Grenoble, n’y resta qu’un semestre marqué par un fort bon discours d’ouverture sur Athènes, son génie et ses destinées ; nommé presque aussitôt à la Faculté de Caen professeur de littérature étrangère, il y fit quatre cours complets, de 1856 à 1860, et y traita successivement de Goethe, de Dante, de Pétrarque, de Shakespeare et de ses imitateurs, de Schiller, de Goethe encore, de Machiavel et des grands Italiens, écrivains ou artistes de la Renaissance.
Depuis la Restauration, M. de Rémusat père était préfet, le fils lui-même semblait destiné alors à une carrière au sein de l’ordre établi209. […] On le comprend toutefois, pour atteindre jusqu’ici à toute sa destinée, soit politique, soit littéraire, pour remplir, comme on dit, tout son mérite, qu’a-t-il manqué à une supériorité si constante ? […] On l’employa utilement à ces sortes d’écrits destinés à la circonstance, et qui ne lui survivent pas. […] De quoi serviraient à l’homme ces notions ineffaçables, qu’il trouve en lui-même, de son origine et de sa fin, si elles ne donnaient à sa destinée les caractères d’une mission ?
« Naturellement destiné à l’exploitation de la pension bourgeoise, le rez-de-chaussée se compose d’une première pièce éclairée par les deux croisées de la rue, et où l’on entre par une porte-fenêtre. […] Les deux autres chambres étaient destinées aux oiseaux de passage, à ces infortunés étudiants qui, comme le père Goriot et Mlle Michonneau, ne pouvaient mettre que quarante-cinq francs par mois à leur nourriture et à leur logement ; mais Mme Vauquer souhaitait peu leur présence et ne les prenait que quand elle ne trouvait pas mieux : ils mangeaient trop de pain. » III Tel est le préambule de cette admirable tragédie du Père Goriot ; puis vient, avant l’action, le catalogue raisonné ou peint des personnages que Balzac met en scène. […] J’ai souvent attribué ces sublimes visions à des anges chargés de façonner mon âme à de divines destinées ; elles ont doué mes yeux de la faculté de voir l’esprit intime des choses ; elles ont préparé mon cœur aux magies qui font le poète malheureux, quand il a le fatal pouvoir de comparer ce qu’il sent à ce qui est, les grandes choses voulues au peu qu’il obtient ; elles ont écrit dans ma tête un livre où j’ai pu lire ce que je devais exprimer, elles ont mis sur mes lèvres le charbon de l’improvisateur. […] Mais la constante émanation de son âme sur les siens, cette essence nourrissante épandue à flots comme le soleil émet sa lumière ; mais sa nature intime, son attitude aux heures sereines, sa résignation aux heures nuageuses ; tous ces tournoiements de la vie où le caractère se déploie, tiennent, comme les effets du ciel, à des circonstances inattendues et fugitives qui ne se ressemblent entre elles que par le fond d’où elles détachent, et dont la peinture sera nécessairement mêlée aux événements de cette histoire ; véritable épopée domestique, aussi grande aux yeux du sage que le sont les tragédies aux yeux de la foule, et dont le récit vous attachera autant pour la part que j’y ai prise, que par sa similitude avec un grand nombre de destinées féminines.
L’âme passionnée est moins exposée à cette sorte d’illusion : la passion est essentiellement intérieure, et le langage qui l’exprime n’est pas destiné aux oreilles d’autrui. […] On peut croire qu’une certaine analogie avec la destinée du Christ, qui lui aussi n’a triomphé qu’après sa mort, n’a pas été sans influence sur ces dernières prédictions, en apparence décourageantes. […] » Au son de sa propre voix prononçant bien, en effet, ces paroles sinistres, mais non pas dans le bureau de police, le malheureux se réveille ; il devine à l’effarement des voyageurs qu’il a du parler tout haut… « La race est plus nombreuse qu’on ne croit de ces dormeurs éveillés chez qui une destinée trop restreinte comprime des forces inemployées, des facultés héroïques. » Leur imagination se donne carrière dans le rêve. « De ces visions, les uns sortent radieux, les autres affaissés, décontenancés, se retrouvant au terre-à-terre de tous les jours. » On les rencontre « monologuant, gesticulant sur les trottoirs », poussant de temps à autre une exclamation : « Je l’avais bien dit ! […] Parfois l’imagination développe à sa manière le thème fourni par la passion, de façon à occuper presque seule toute la scène de l’âme et à rejeter dans l’ombre le sentiment même qu’elle exprime ; d’autres fois, l’image évoquée est simple : elle représente soit l’objet direct de l’émotion, soit, quand la passion est surtout intellectuelle, un interlocuteur destiné à nous entendre bien parler du sujet qui nous anime et à se laisser convaincre sans résistance.
Plus tard vint un ensemble d’exercices destinés à suspendre la sensation, à ralentir l’activité mentale, enfin à induire des états comparables à celui d’hypnose ; ils se systématisèrent dans le « yoga ». […] Des êtres ont été appelés à l’existence qui étaient destinés à aimer et à être aimés, l’énergie créatrice devant se définir par l’amour. […] Et comment les problèmes relatifs à une âme réelle, à son origine réelle, à sa destinée réelle, pourraient-ils être résolus selon la réalité, ou même posés en termes de réalité, alors qu’on a simplement spéculé sur une conception peut-être vide de l’esprit ou, en mettant les choses au mieux, précisé conventionnellement le sens du mot que la société a inscrit sur une découpure du réel pratiquée pour la commodité de la conversation ? […] Mais c’est quelque chose que d’avoir obtenu, sur des points essentiels, un résultat d’une probabilité capable de se transformer en certitude, et pour le reste, pour la connaissance de l’âme et de sa destinée, la possibilité d’un progrès sans fin.
Un bruit de paroles qui ne durera qu’un temps, destiné à périr avec la parole humaine. […] C’est ailleurs que doit s’accomplir notre destinée. […] Il va ainsi, suivant de fausses destinées, poursuivant de faux Liens, oublieux de soi. […] Nous prenons conscience de la destinée universelle. […] D’Annunzio y étudie un de ces caractères faibles destinés à subir toujours la domination d’autrui.