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712. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LXXXIV » pp. 337-339

Il faut toujours compter, quand on le juge, sa vertu, sa force morale, ce sentiment qui lui a fait jouer un grand rôle dans les crises politiques et dominer parfois les hommes les plus violents au seul nom de la patrie.

713. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — B — article » pp. 252-254

Dans cette Oraison funebre, l’Orateur a su concilier les devoirs du Panégyriste avec ceux du Ministre de l’Evangile : il célebre les vertus du Monarque, sans manquer à la vérité ; il déplore ses malheurs, sans manquer à sa mémoire.

714. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — C — article » pp. 418-420

Des sentimens nobles & fermes, l’amour de la Patrie, le triomphe des Arts, le danger du vice, le tableau des vertus, la terreur du crime, l’amour de l’humanité, &c. ne sont-ils pas des sujets capables d’occuper comme d’embellir la Scene ?

715. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — L — article » pp. 55-57

Viens donc en ces lieux peu battus, Où la Fortune & ses caresses, L’Amour & toutes ses tendresses Cedent aux solides Vertus, Qui sont nos biens & nos maistresses.

716. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article » pp. 167-169

Ils y puiseront des idées saines & lumineuses de la vertu & des devoirs qui les attachent nécessairement à l’Etat ».

717. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — N. — article » pp. 408-410

Ces Essais forment treize volumes, & il n’en est aucun qui n’offre d’excellentes leçons de sagesse & de vertus.

718. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — S. — article » pp. 180-182

C’est ce qui porta un de ses amis à lui faire cette Epitaphe : Sous ce tombeau gît le Sage abattu Par le ciseau de la Parque importune : S’il ne fut pas ami de la Fortune, Il fut toujours ami de la Vertu.

719. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — T. — article » pp. 353-355

du Tillet, également estimable par ses vertus sociales, par l'aménité de ses mœurs, la franchise de ses procédés, & par les services multipliés qu'il a rendus aux Gens de Lettres.

720. (1828) Introduction à l’histoire de la philosophie

La spontanéité est l’innocence, l’âge d’or de la pensée ; mais la vertu vaut mieux que l’innocence, et la vertu impose une lutte continuelle. […] Sans faire ici une classification des vertus, je me contente de vous rappeler que la prudence et le courage sont deux vertus qui dominent à peu près toutes les autres. La prudence est une vertu, et voilà pourquoi, entre autres raisons, elle est un principe de succès ; l’imprudence est un vice, et voilà pourquoi elle ne réussit guère ; le courage est une vertu qui a droit à la récompense de la victoire ; la lâcheté est un vice, aussi elle est toujours punie et battue. […] voyez-le agir ; de même toute la vertu d’un peuple comparaît sur les champs de bataille. […] Et ce n’est pas là seulement la vertu cachée de la religion chrétienne, c’est son enseignement positif.

721. (1856) Cours familier de littérature. II « Xe entretien » pp. 217-327

On avait respiré l’haleine de l’homme de bien, on avait été transfiguré par l’apparition de la vertu, on votait d’entraînement, on sortait en silence. […] Elle y ajoutait le prestige plus solide d’une des plus pieuses vertus qui aient jamais consacré une beauté de sainte. […] ma force est ma vertu !  […] La modestie est une vertu du Nord ou un fruit exquis de l’éducation. […] Le mépris du vulgaire élevé à cette hauteur fait presque l’illusion d’une vertu.

722. (1891) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Quatrième série

Mais ils admettaient moins aisément encore que l’on rendît la pratique de la vertu facile, et que l’on expulsât de son idée les deux notions qui la déterminent : celle de l’effort de l’homme, et celle de la nécessité du concours de la grâce d’en haut. […] et, comme autrefois, on craint que, dans les âmes faibles, en jetant des semences de découragement, ou de terreur de la justice divine, ils ne fassent désespérer de la vertu, du salut, et de la religion. […] Je veux dire qu’ils prêchaient des vertus dont le bourgeois de Paris, ami des plaisirs faciles, ne s’accommodait pas plus en ce temps-là que de nos jours. […] « Lorsque la vertu cesse dans le gouvernement populaire, l’ambition entre dans les cœurs qui peuvent la recevoir et l’avarice entre dans tous. […] S’il fait de la vertu le principe des gouvernements démocratiques, et de l’honneur celui des monarchiques, ce n’est pas qu’un démocrate ne puisse aimer l’honneur, ou que la vertu soit exilée nécessairement des monarchies, c’est tout simplement que l’honneur, c’est-à-dire le sentiment de la dignité personnelle, était, en son, temps, le principal ressort de la noblesse française, et la vertu, c’est-à-dire l’amour des institutions politiques de l’Angleterre, le principe effectif de la puissance britannique.

723. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — B — article » pp. 354-356

Par mes bienfaits, j’enchaînerai leurs cœurs ; par tes leçons sublimes, tu les épureras ; par mes soins, je contiendrai les vices ; par ta force divine, tu feras germer les vertus ; j’encouragerai les arts, tu formeras les mœurs ; je ferai respecter la justice, tu en inspireras l’amour ; tu parleras quand les Loix se tairont ; & si jamais l’oubli des saints devoirs, si l’ivresse de la puissance pouvoit jamais m’égarer moi-même, alors tonne du haut des Cieux, remplis mon ame d’un effroi salutaire, rappelle-moi à mes sermens ; & que, traîné devant ton Tribunal, je reconnoisse qu’en toi seule les Princes ont un Juge, & les Peuples un vengeur ».

724. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — N. — article » pp. 412-415

C’est donc un nouveau degré de gloire pour les Héros du Parnasse Latin & François, d’avoir exercé les talens d’un homme dont les Ecrits seuls immortaliseroient le nom, si ses lumieres supérieures, ses vertus sociales ne le destinoient déjà à l’immortalité.

725. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre quatrième. Du Merveilleux, ou de la Poésie dans ses rapports avec les êtres surnaturels. — Chapitre VIII. Des Anges. »

C’est l’Ange des saintes amours qui donne aux vierges un regard céleste, et c’est l’Ange des harmonies qui leur fait présent des grâces ; l’honnête homme doit son cœur à l’Ange de la vertu, et ses lèvres à celui de la persuasion.

726. (1782) Plan d’une université pour le gouvernement de Russie ou d’une éducation publique dans toutes les sciences « Plan d’une université, pour, le gouvernement de Russie, ou, d’une éducation publique dans toutes les sciences — Sur les exercices, des. Cadets russes. » pp. 549-546

Sans cesse mêlés, conduits, éduqués par des instituteurs de différentes nations, ils apprendront, sans s’en apercevoir, à distinguer les hommes, non par leur croyance, mais par leurs vertus ; et comme dans les courtes instructions que le pope grec et le pasteur luthérien leur donnent, il n’est question ni de diable ni d’enfer, vos enfants n’auront pas le torticolis des nôtres. » FIN DU TOME TROISIÈME.

727. (1858) Cours familier de littérature. VI « XXXIIe entretien. Vie et œuvres de Pétrarque (2e partie) » pp. 81-155

« Espérant trouver à la fin, par la vertu de ces plantes secourables et par l’influence de ces beaux regards dont je fus consumé, quelque repos après les lassitudes de la vie, « J’ai servi un maître cruel et avare (l’amour), et j’ai brûlé tant que le foyer de mon cœur a été visible sous mes yeux ; et maintenant je vais pleurant sa cendre éparse au vent de la mort !  […] « Rienzi, dit-il dans cette lettre, est arrivé récemment à Avignon ; ce tribun autrefois si puissant, si redouté, à présent le plus malheureux de tous les hommes, a été conduit ici comme un captif… Je lui ai donné des louanges, des conseils : cela est plus connu que je ne voudrais peut-être ; j’aimais sa vertu, j’approuvais son projet, j’admirais son courage, je félicitais l’Italie de ce que Rome allait reprendre l’empire qu’elle avait autrefois. […] La beauté, la vertu, la docilité de sa fille et le caractère accompli de son gendre adoucirent les regrets de la mort d’un fils peu digne d’un tel père. […] « Il y a longtemps, lui disait ce pape passionné pour les lettres, que je désire voir en vous un homme doué de toutes les vertus et orné de toutes les sciences ; vous ne pouvez l’ignorer, et cependant vous ne venez pas. […] Il respecte cette jeune épouse, il se respecte lui-même, il respecte sa profession demi-sacerdotale ; il respecte surtout cette chasteté d’honnête épouse qui, en disparaissant de ces yeux et de ce front candide, leur enlèverait l’accomplissement de toute beauté, la vertu.

728. (1859) Cours familier de littérature. VIII « XLIIIe entretien. Vie et œuvres du comte de Maistre (2e partie) » pp. 5-80

Il révoque avec raison en doute, comme Platon, comme Aristote, comme Cicéron, comme Voltaire, ce dogme, démenti par tous les monuments de l’histoire, d’on ne sait quel progrès indéfini, progrès qui depuis des siècles n’ajoute ni un cheveu à l’homme physique, ni une vertu à l’homme moral. […] Ce sophisme, par lequel le philosophe divinise la guerre, est cependant semé de considérations puissantes et vraies sur la vertu publique du dévouement militaire qui pousse jusqu’au sacrifice de sa vie pour la défense commune de la patrie. […] Pour se faire suivre par des millions d’hommes il n’appela point à son aide l’ivresse et la licence ; il ne s’entoura point de bacchantes impures : il ne montra qu’une croix ; il ne prêcha que la vertu, la pénitence, le martyre des sens. […] C’en est fait : toutes les vertus ont pris la place de tous les vices. […] XVI Mais, si l’écrivain a des faiblesses, l’homme en lui n’avait que des vertus.

729. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CIXe entretien. Mémoires du cardinal Consalvi, ministre du pape Pie VII, par M. Crétineau-Joly (1re partie) » pp. 5-79

Or, du moment où les papes ont un gouvernement, ils ont des ministres ; et si au nombre de ces ministres ils ont le bonheur de trouver un homme supérieur, modéré, dévoué jusqu’à l’exil et jusqu’à la mort, comme Sully était censé l’être à Henri IV ; si ce rare phénix, né dans la prospérité, éprouvé par les vicissitudes du pouvoir et du temps, continue pendant vingt-cinq ans, au milieu des fortunes les plus diverses, en butte aux persécutions les plus acerbes et les plus odieuses, à partager dans le ministre, sans cause, les adversités de son maître ; si le souverain sensible et reconnaissant a payé de son amitié constante l’affection, sublime de son ministre, et si ce gouvernement de l’amitié a donné au monde le touchant exemple du sentiment dans les affaires, et montré aux peuples que la vertu privée complète la vertu publique dans le maître comme dans le serviteur ; pourquoi des écrivains honnêtes ne rendraient-ils pas justice et hommage à ce phénomène si rare dans l’histoire des gouvernements, et ne proclameraient-ils pas dans Pie VII et dans Consalvi le gouvernement de l’amitié ? […] C’était un miroir de toutes les vertus, elle apparaissait aussi aimable que sage. […] L’archevêque de Bologne s’offre au choix, il le mérite par ses vertus ; mais il a déserté le parti Mattei dans le commencement, ce parti ne le lui pardonne pas et lui refuse son concours par vengeance ; de longs jours s’écoulent, on désespère de s’entendre. […] Ce dernier aura pu exercer les vertus et l’esprit religieux dont il était si bien doué, pour dominer son émotion et ne pas en être ébranlé.

730. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Charles Dickens »

Les romans modernes sont descriptifs, pittoresques, analytiques ; conçus généralement en une langue graphique et peinant à l’être, s’appliquant à dépeindre exactement et magnifiquement, en couleur et en relief, les lieux où se passe l’action, ils tendent surtout à présenter une image précise et impartiale de l’âme humaine conçue comme complexe, variable, aussi intéressante dans ses parties inférieures ou honteuses, dans ses laideurs, ses vices, ses passions, qu’en ses vertus et son énergie ; ils tendent encore à donner la connaissance minutieuse et renseignante du milieu social ou professionnel dans lequel se meut le protagoniste, du monde qui l’entoure, des intérêts qu’il prend du département de la vie commune auquel il participe ; et tous ces renseignements et ces analyses sont mis bout à bout au moyen d’une intrigue la plus simple, la plus ordinaire possible, réduite à n’être plus qu’une sorte de prétexte à lier entre eux les tableaux, les scènes, les traits de caractère, de façon que l’œuvre soit plutôt une étude de personnage et de mœurs, qu’un récit romanesque ou une effusion personnelle de l’auteur. […] Ils exaltent leurs tics, leurs qualités, leurs vertus, leurs ridicules et leur méchanceté ; ils se confessent avec une abondance d’indications, une franchise d’aveux, qui frappent et amusent les plus inattentifs lecteurs, qui compromettent parfois l’effet d’effroi que devraient produire les traîtres, féroces vraiment avec trop d’abandon, qui font verser la vertu des héros et des héroïnes tantôt dans une benoiterie stupide, tantôt dans trop d’humilité. […] Le seul principe qui puisse dériver de ce résumé essentiel de tout l’être, est le même que celui qui découle de la réalité brute qui meut toute matière, qui attise toute vie, et que commence à déduire de l’ensemble dont il est l’âme, la philosophie naturaliste en posant la vertu de toute expansion et la peine de toute contraction, l’identité fondamentale de la force et de la bonté. […] Les sentiments qui l’ont ému ne sont guère que des nuances de l’aversion et de l’approbation ; ils versent dans la terreur, cet étonnement devant la réalité qui est une des affections de l’inintelligence ; ils poussèrent l’écrivain à quantités d’indignations déraisonnables, le firent se moquer et s’apitoyer, s’indigner et s’effrayer d’une quantité de choses qui n’en valaient pas la peine, l’engagèrent enfin à donner de tout, de la société, des institutions, des caractères, des vertus nécessaires, des actes répréhensibles, un jugement, sans réflexion, tout de premier mouvement, tel qu’en pourrait porter un enfant ou une femme émue.

731. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « III. M. Michelet » pp. 47-96

Michelet, c’est la masse acéphale, c’est le peuple obscur qui l’emporte sur tous les états-majors de la Révolution, en instincts, en vertus, en dévouements, et, qu’on nous passe le mot, en spiritualité révolutionnaire ; c’est le peuple qui est le vrai chef dans cette terrible campagne contre les principes éternels des sociétés et contre Dieu ; c’est le peuple qui est le grand et, de fait, l’unique acteur de ce vaste drame, le bourreau masqué de sa masse même, comme le bourreau de Whitehall l’est de son voile noir ! […] Il ne donne pas les femmes de la Révolution, mais quelques héroïnes, quelques femmes plus ou moins célèbres… Il dit telles vertus éclatantes, et il tait un monde de sacrifices obscurs d’autant plus méritants que la gloire ne les soutint pas. » Mais pourquoi ce remords tardif ? […] Tout est en elle, bourgeois, ménage, vertu, talent, quand elle en a, déclamation, quand elle déclame. […] Michelet, l’erreur profonde dans laquelle il s’enfonce sur leur destinée et sur leurs vertus. […] Michelet, toutes ces femmes modernes qui ne sont pas de vraies chrétiennes, toutes ces femmes plus ou moins libres, avec les droits politiques qu’elles rêvent ou jalousent, avec leurs vaniteuses invasions dans les lettres et dans les arts, avec cet amour de la gloire, le deuil éclatant du bonheur , disait Mme de Staël, et qui est le deuil aussi de la vertu, toutes ces femmes, il ne faut pas s’y tromper, continuent les femmes de la Renaissance.

732. (1739) Vie de Molière

. ; et il s’écria : Où la vertu va-t-elle se nicher ! […] Il est inutile d’examiner ici en détail les beautés de ce chef-d’œuvre de l’esprit, et de montrer avec quel art Molière a peint un homme qui pousse la vertu jusqu’au ridicule, rempli de faiblesse pour une coquette, de remarquer la conversation et le contraste charmant d’une prude avec cette coquette outrée. […] On sait que les ennemis de Molière voulurent persuader au duc de Montausier, fameux par sa vertu sauvage, que c’était lui que Molière jouait dans Le Misanthrope. […] Pendant qu’on supprimait cet ouvrage, qui était l’éloge de la vertu et la satire de la seule hypocrisie, on permit qu’on jouât sur le théâtre italien Scaramouche ermite, pièce très froide si elle n’eût été licencieuse, dans laquelle un ermite vêtu en moine monte la nuit par une échelle à la fenêtre d’une femme mariée, et y reparaît de temps en temps, en disant : Questo è per mortificar la carne. […] On peut hardiment avancer, que les discours de Cléante, dans lesquels la vertu vraie et éclairée est opposée à la dévotion imbécile d’Orgon, sont, à quelques expressions près, le plus fort et le plus élégant sermon que nous ayons en notre langue ; et c’est peut-être ce qui révolta davantage ceux qui parlaient moins bien dans la chaire, que Molière au théâtre.

733. (1893) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Cinquième série

La sagesse antique, dont le principe était l’orgueil, ne se serait jamais abaissée jusqu’à l’humilité, qui est le principe de la vertu chrétienne. […] Ainsi jadis maître François, quand il célébrait interminablement les vertus « de l’herbe appelée pantagruélion ». […] Moins on verra clair, pour ainsi parler, dans l’idée de Dieu, plus on se sentira contraint de chercher ailleurs qu’en elle le fondement de la moralité, celui de l’obligation sociale, et celui de la vertu. […] La vertu et l’orthodoxie sont à peu près dans les mêmes termes. […] Mais le père, qui avait refusé son consentement, intervint, se plaignit, intenta une action en nullité de mariage, et finit par obtenir, le 16 juin 1689, un arrêt en vertu duquel Mme de Brion redevenait Mlle de la Force.

734. (1902) La formation du style par l’assimilation des auteurs

Il consiste à copier ce qu’ont dit les grands écrivains, latins ou français, sur un sujet donné, la gloire, la vertu, le courage. […] Quelle vertu ! […] La vertu du premier feroit son bonheur ; le second chercheroit son bonheur dans celui de tous. […] Il poursuivait par un esprit de faction ce qu’il avait commencé par un sentiment de vertu. […] Peuple vertueux et malheureux, oublie ta générosité naturelle et sers-toi de ta force pour protéger ta vertu et te sauver de ton malheur.

735. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Troisième partie. — L’école historique » pp. 253-354

Des critiques sont heureux de nous dire que le vice, la vertu, le génie, le talent sont de simples produits comme le vitriol et le sucre. […] Montausier avait, comme elle, quelques vertus réelles et solides, et, surtout, une grande apparence de vertu qui imposait aux contemporains. […] Comme Mégabate est fort juste, il est ennemi de la flatterie ; il ne peut louer ce qu’il ne croit point digne de louanges, et ne peut abaisser son âme à dire ce qu’il ne croit pas, aimant beaucoup mieux passer pour sévère auprès de ceux qui ne connaissent point la véritable vertu, que de s’exposer à passer pour flatteur. […] On se propose à tort cent préceptes divers Pour vouloir d’un œil sec voir mourir ce qu’on aime ; L’effort en est barbare aux yeux de l’univers, Et c’est brutalité plus que vertu suprême. […] Ses vertus de chacun le faisaient révérer ; Il avait le cœur grand, l’esprit beau, l’âme belle.

736. (1863) Causeries parisiennes. Première série pp. -419

Je ne parle pas de la loquacité, puisqu’elle doit lui être comptée comme une vertu. […] Les vertus ! […] Parfois même on se demande si, par le fait de cette reconnaissance trop publique, certaines vertus, qui ne restent vertus qu’à la condition de s’ignorer elles-mêmes, ne courent pas risque de succomber, étouffées comme Tarpéia, sous le poids des récompenses. […] Ajoutez cette seule vertu à toutes celles que possédait Louis XVI, et que de choses eussent pu être changées ! […] On va faire défiler devant vous ses vertus une à une.

737. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — Chapitre I. La Restauration. »

La vertu parut puritaine. […] Ces lourds habits d’honneur ou de honte ne peuvent être portés que par des gens sérieux, et Grammont ne prend rien au sérieux, ni les autres, ni lui-même, ni le vice, ni la vertu. […] Rochester et Charles II pouvaient sortir du théâtre édifiés sur eux-mêmes, convaincus comme ils l’étaient déjà que la vertu n’est qu’une grimace, la grimace des coquins adroits qui veulent se vendre cher. […] Un don surnage pourtant, la force, qui ne manque jamais dans ce pays, et y donne un tour propre aux vertus comme aux vices. […] Une conception de l’avarice, de l’hypocrisie, de l’éducation des femmes, de la disproportion en fait de mariage, arrange et lie par sa vertu propre les événements qui peuvent la manifester.

738. (1902) Le critique mort jeune

La vertu, quel beau mot latin : la force à l’état d’habitude, la force fixée, vis, virtus ! […] « Folie, sauvagerie, ignorance, singularité, solitude, orgueil et révolte, voilà ce que l’aventurier nourri de la moelle biblique érigea sur l’autel sous le nom de vertu. […] si, pour être honnête et sage, il faut être inaccessible à ses traits, dis, que reste-t-il pour la vertu sur la terre ? […] Pierre Louys, qui n’a pas non plus de tendresse pour la vertu prédicante. […] Pierre Louys nous expose que seule celle-ci assure, non pas la vertu, qui n’est guère aimable, étant exceptionnelle, mais l’honnêteté.

739. (1765) Articles de l’Encyclopédie pp. 5482-9849

La métaphore qui a transporté ce mot dans la Morale, en a fait une vertu cardinale. […] Elle suppose toûjours des choses éclatantes, en actions, en vertus, en talens, & toûjours de grandes difficultés surmontées. […] Il semble que cette dénomination suppose quelques grandes vertus. […] Les apothéoses des anciens sont faites par la flatterie ; les nôtres par le respect pour la vertu. […] Quelle vertu, quelle puissance leur attribuoit-on ?

740. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — G — article » pp. 445-448

Il étoit très permis à un Poëte, toujours attentif à respecter les mœurs & la Religion, de se repentir publiquement d’avoir exercé ses talens dans un genre que l’austere vertu est très-éloignée d’approuver.

741. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — V. — article » pp. 419-421

C'est pourquoi, sans négliger les événemens principaux, il s'est attaché, dans son Histoire de France, à suivre l'Esprit humain dans sa marche, à développer les progrès successifs des vices & des vertus, les changemens opérés dans le caractere & les usages de la Nation, les principes de nos libertés, les sources de la Jurisprudence, l'origine des grandes dignités, l'institution des divers Tribunaux, l'établissement des Ordres Religieux & Militaires, l'invention des Arts, & tout ce qui peut avoir rapport à ceux qui les ont cultivés & perfectionnés.

742. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Le cardinal de Bernis. (Fin.) » pp. 44-66

Il indique alors quelques ridicules du jour qui sont un sujet tout fait pour la moquerie : « Il est plaisant, dit-il, que l’orgueil s’élève à mesure que le siècle baisse : aujourd’hui presque tous les écrivains veulent être législateurs, fondateurs d’empires, et tous les gentilshommes veulent descendre des souverains. » Il finit surtout par un conseil que Voltaire a trop peu suivi, et qui, au lieu de cette ricanerie universelle à laquelle il s’abandonnait, aurait dû être le but idéal suprême du grand écrivain en ces années de sa vieillesse : Riez de tout cela et faites-nous rire, lui dit Bernis en lui développant son plan ; mais il est digne du plus beau génie de la France de terminer sa carrière littéraire par un ouvrage qui fasse aimer la vertu, l’ordre, la subordination, sans laquelle toute société est en trouble. Rassemblez ces traits de vertu, d’humanité, d’amour du bien général, épars dans vos ouvrages, et composez-en un tout qui fasse aimer votre âme autant qu’on admire votre esprit. […] Tout le cercle de sa vie est accompli, et il a montré en finissant que ses qualités aimables, prudentes et fines, jointes à la délicatesse du cœur, pouvaient devenir des vertus.

743. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Roederer. — III. (Fin.) » pp. 371-393

Il voyait dans l’amour qu’on avait pour elles une des passions dominantes, une des vertus sociales du Français. […] Ces deux sociétés, selon lui, n’avaient cessé de coexister durant tout le xvie  siècle : c’était une émulation de mérite et de vertu de la part des nobles héritières, trop éclipsées, d’Anne de Bretagne, c’était une émulation et une enchère de galanterie de la part des folles élèves de l’école de François Ier. […] Roederer, l’hôtel de Rambouillet, ce salon accompli, fondé vers le commencement du xviie  siècle, n’était que la reprise tardive des traditions d’Anne de Bretagne, la revanche du mérite, de la vertu et de la politesse sur la licence à laquelle tous les rois depuis François Ier, et Henri IV lui-même, avaient payé tribut.

744. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Saint-Martin, le Philosophe inconnu. — I. » pp. 235-256

Si cette tendre plante était mieux cultivée, la jeunesse ne serait-elle pas pour elle le plein exercice de cette vertu ? […] Mais, faute de ce secours, il est resté dans le royaume de ses vertus, qui est peut-être plus beau et plus admirable que celui de la science. » Ces guides qu’on ne nomme pas nous manquant comme à Lavater, nous sommes forcés de faire comme lui et, faute de plus de science, de rester, s’il se peut, dans le royaume des vertus.

745. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Le maréchal de Villars — III » pp. 81-102

Saint-Simon lui reproche d’y être rentré avec ses coffres pleins, et il fait en même temps un grand éloge de Marcin, « lequel fut, dit-il, parfaitement d’accord en tout avec l’électeur, et au gré des troupes et des officiers généraux, et très éloigné de brigandage. » Si Marcin eut des qualités ou même des vertus, on ne prétend pas les lui ôter ; mais de cet esprit complaisant, de ce si parfait accord avec l’électeur, ainsi que de la condescendance de M. de Tallard, il résulta en définitive le désastre du second Hochstett et la perte totale de l’armée française. […] Ce qu’il y a de bien certain, c’est que la vertu ferme, solide, constante, est bien rare. […] Qu’elle ne craigne jamais que mon intérêt particulier ait la moindre part à mes actions : j’ose dire que je suis né véritable et vertueux. » Villars ici se pavoise trop ; il donne évidemment à ce mot de vertu l’acception toute personnelle qui sied à Villars : mais il n’est que dans le vrai lorsqu’après la victoire d’Hochstett, réclamant son congé du roi et se plaignant de n’être plus écouté, souffrant de tant de fautes, et de celles qu’on fait sous ses yeux et de celles qu’on va faire, il lui échappe ce mot qui trouverait si souvent son emploi : « Heureux, Sire, heureux les indolents ! 

746. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Souvenirs militaires et intimes du général vicomte de Pelleport, publiés par son fils. » pp. 324-345

Je n’ai certes pas la prétention d’embrasser et de dénombrer les différentes formes sous lesquelles peut se présenter le génie guerrier, la vertu guerrière. […] Une autre race de guerriers, que personnifie le nom de Catinat, ou, si l’on veut, de Vauban, est celle des militaires qui joignent aux qualités de leur profession des mérites presque contradictoires de penseurs, de philosophes, de raisonneurs ; ils jugent, ils ont des idées politiques, des vertus civiles ; une capacité de plus les complète, mais parfois aussi les complique ; ils y perdent un peu en relief s’ils y gagnent en profondeur. […] Thiers nous a montré ce modèle accompli des modestes et fortes vertus guerrières, au tome xiv, p. 168 de son Histoire de l’Empire. — Voir aussi la Vie militaire du comte Friant, publiée par son fils (un vol, 1857), et un article au tome  xv de ces Causeries.

747. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Œuvres de Louise Labé, la Belle Cordière. »

Il n’y a donc aucun moyen de se le dissimuler, Louise Labé fit beaucoup parler d’elle ; mais, comme la renommée a deux voix, on reste dans un certain embarras pour accorder des médisances si explicites et si formelles avec les éloges de chasteté et de vertu que d’autres lui ont décernés. […] que Louise Labé ; il nous suffit de son talent, sa gloire est dans sa flamme ; et il n’y a pas lieu ici, comme avec d’autres beautés de nuance pudibonde, de venir briser chevaleresquement ou pédantesquement des lances pour une vertu qu’elle ne mettait pas si haut. […] quelqu’un de ses favoris à lui-même et des courtisans de Louise, quelque Olivier de Magny peut-être : « Celui qui ne tâche à complaire à personne, quelque perfection qu’il ait, n’en a non plus de plaisir que celui qui porte une fleur dedans sa manche ; mais celui qui désire plaire, incessamment pense à son fait, mire et remire la chose aimée, suit les vertus qu’il voit lui être agréables, et s’adonne aux complexions contraires à soi-même, comme celui qui porte le bouquet en main, donne certain jugement de quelle fleur vient l’odeur et senteur qui plus lui est agréable. » En un mot, qui aime, s’applique et s’évertue.

748. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Maurice comte de Saxe et Marie-Joséphine de Saxe dauphine de France. (Suite et fin.) »

Les historiens à l’imagination la plus inquiète et la plus contournée ont eu beau faire et beau s’ingénier, ils n’ont pu lui trouver que des vertus. […] Un des plus consciencieux écrivains du maréchal, dans son estimable travail, s’en est trop remis de confiance à l’auteur de cette Notice, Dumolard, écho de la famille, et qui a fait de Mme Favart un modèle de vertu des plus touchants, dont le maréchal n’aurait eu raison qu’après des années. […]  » — En est-ce assez pour édifier messieurs les puritains sur le chapitre de la vertu et de la sainteté de Mme Favart ?

749. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Mémoires de Malouet (suite et fin.) »

La vertu même et le noble caractère de Madame Elisabeth ne la défendaient pas de cet aveuglement. […] Malheureux prince, dont les vertus et les défauts n’avaient rien de complet ! […] Peut-être aussi, en rendant justice, comme l’a fait l’auteur, aux vertus, aux bonnes actions (qui sont, selon son heureuse expression, le complément des bons ouvrages), à l’obligeance de Raynal, à cet amour généreux de la gloire qui lui avait fait élever à ses frais un monument aux fondateurs de la liberté helvétique, et fonder pour des prix dans cinq diverses Académies des rentes perpétuelles de douze cents-livres ; peut-être aussi ne fallait-il pas dissimuler le tort qu’il s’ôtait donné en signant et laissant paraître avec son nom, sous l’Assemblée constituante, cette Lettre si déplacée, dont l’auteur est maintenant connu, et le fut même dès ce temps-là.

750. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre premier »

Elle règle l’ordre des récits, elle discute les points délicats, elle décide les difficultés d’amour et de morale ; sa gravité, sa réputation de vertu, donnent beaucoup de poids à ses avis. […] Rien de si délicat, de si nuancé n’avait été écrit sur la fragilité de notre vertu, sur les illusions de nos passions, sur l’ardeur inconsidérée de la jeunesse, sur l’imprudence des parents, sur les effets des bons et des mauvais sentiments. […] Que Marguerite ait souffert quelques vers de galanterie de Marot, on peut le croire sans faire injure à sa vertu.

751. (1913) Les antinomies entre l’individu et la société « Chapitre VIII. L’antinomie économique » pp. 159-192

La morale professionnelle résout le problème suivant posé par Nietzsche : « J’essaie une justification économique de la vertu. — Le problème, c’est de rendre l’homme aussi utilisable que possible et de le rapprocher, autant que faire se peut, de la machine infaillible : pour cela, il faut l’armer des vertus de la machine ; il faut qu’il apprenne à considérer les conditions où il travaille d’une façon machinale et utile comme les plus précieuses : pour cela il est nécessaire qu’on le dégoûte, autant que possible, des autres conditions, qu’elles lui soient présentées comme dangereuses et décriées. — Ici la pierre d’achoppement est l’ennui, l’uniformité qu’apporte avec elle toute activité mécanique. […] Là aussi il y aura des moralistes et des politiques pour utiliser la vertu moralisatrice du travail et de l’enseignement professionnel.

752. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Madame de La Vallière. » pp. 451-473

La tendresse, qui était l’âme de sa personne, s’y tempérait d’un fonds visible de vertu. […] Deux ou trois passages dénotent seulement une expression assez figurée et assez vive : Il est vrai, Seigneur, que si l’oraison d’une carmélite qui est retirée dans la solitude, et qui n’a plus qu’à se remplir de vous, est comme une douce cassolette qu’il ne faut qu’approcher du feu pour rendre une odeur très suave, celle d’une pauvre créature qui est encore attachée à la terre, et qui ne fait proprement que ramper dans le chemin de la vertu, est comme ces eaux bourbeuses qu’il faut distiller peu à peu pour en tirer une utile liqueur. […] Ceux qui ont écrit le récit de sa vie pénitente se sont plu à en citer des exemples singuliers, qui nous toucheraient trop peu aujourd’hui ; mais le principe qui les lui inspirait, et le but dont elle s’approchait par ces moyens, sont à jamais dignes de respect dans tous les temps, et de quelque point de vue qu’on les envisage : « J’espère, je crois et j’aime, disait-elle ; c’est à Dieu à perfectionner ses dons. » — « Espérer et croire, ce sont deux grandes vertus ; mais qui n’a point la charité n’a rien : il est comme une plante stérile que le soleil n’éclaire point. » Cette belle âme, réalisant désormais en elle les qualités de l’amour divin, se considéra jusqu’à la fin comme l’une des dernières devant Dieu : Je ne lui demande pas, disait-elle, de ces grands dons qui ne sont faits que pour les grandes âmes qu’il a mises dans le monde pour l’éclairer, je ne pourrais pas les contenir ; mais je lui demande qu’il incline mon cœur, selon sa parole, à rechercher sa loi, à la méditer nuit et jour.

753. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « L’abbé Maury. Essai sur l’éloquence de la chaire. (Collection Lefèvre.) » pp. 263-286

On y voit tout d’abord que la vie de l’archevêque de Cambrai réunit tout ce qui peut intéresser un « cœur sensible », des talents, des vertus et des « malheurs » ! […] Il eut la vertu de refuser. La vertu, entendez-vous bien ?

754. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Mémoires de Marmontel. » pp. 515-538

J’adorais la vertu ; je cédais à l’exemple et à l’attrait du vice. […] Dieu, la vertu, les saintes lois de la morale naturelle, n’y furent jamais mis en doute, du moins en ma présence. » Il en était des sons comme des couleurs : Marmontel adoucissait et amollissait aisément ce qu’il entendait comme ce qu’il voyait. […] L’air et le ton léger dont de vieux libertins savent tourner en badinage les scrupules de la vertu, et en ridicule les règles d’une honnêteté délicate, font que l’on s’accoutume à ne pas y attacher une sérieuse importance.

755. (1888) La critique scientifique « La critique et l’histoire »

Toute réussite pratique et toute œuvre admirée, toute gloire de tout ordre, littéraire, artistique, militaire, religieuse, politique, industrielle, comprend donc les mêmes éléments, le même accord entre esprits supérieurs et inférieurs : l’œuvre, l’entreprise, est d’abord une conception, résultant, de plus en plus profondément, de l’intelligence acquise et originelle de son auteur, de la constitution de son cerveau, de tout son corps, des influences obscures encore qui l’ont formé tel : elle est ensuite cette conception détachée pour ainsi dire de son auteur et y tenant, comme un germe issu d’un être, passée de ce cerveau à d’autres, où elle se répercute, se reproduit, renaît, redevient efficace et cause des actes ou des émotions analogues à ceux qui existent dans l’âme primitive : cette reproduction, son degré marquent la similitude entre l’âme réceptrice et l’âme émettrice, en vertu du fait que les phénomènes psychiques d’un individu forment une série cohérente, en vertu encore du fait qu’une conception suppose la coopération de toute une série de rouages mentaux et qu’ainsi le fait de partager pleinement une conception montre ta similitude de ces rouages. […] Le principe d’adhésion, de répétition fait que la particularité humaine ainsi apparue, suscite, s’associe, unit tous ceux dont l’âme est faiblement ou fortement configurée de la même manière que celle de l’artiste et du héros, en vertu et dans la mesure de cette ressemblance. […] Car s’il est vrai que les images, les sentiments, les sensations que ces œuvres suggèrent, sont faits pour surgir dans l’esprit d’hommes dont la vertu ou le crime importent à leurs semblables, s’il est vrai que ces images et ces sentiments influent sur la nature et la force de leur âme, il ne saurait être admis que, socialement, toute œuvre d’art paraisse innocente, soit pour la cité, soit plus profondément, pour le bien mémo de la race.

756. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Sainte-Beuve. Les Poésies de Joseph Delorme, Les Consolations, les Pensées d’août. »

Dans le Dévouement, qui n’est plus que la générosité de ce cœur exaspéré de solitude, — dans ce beau portrait d’une touche lumineuse et cependant si mélancolique, Toujours je la connus, pensive et sérieuse, où, sous la placidité familière des images, on sent l’agitation de l’âme qui voudrait se rasséréner dans ce calme de la raison et de la vertu ; dans L’Enfant rêveur, Le Creux de la vallée, En m’en revenant un soir d’été, après neuf heures et demie, La Gronderie, la Pensée d’automne ; dans la magnifique pièce, souvenir, allumé comme un candélabre, dans l’âme de tout ce qui eut vingt-ans : Les flambeaux pâlissaient, le bal allait finir, Et les mères disaient qu’il fallait s’en venir… où le néant de la vie se met à sonner tout à coup, dans ces deux poitrines rapprochées qui étouffent de la valse et du bonheur de se toucher, ce glas funèbre :                                      … Ah ! […] Produit d’une société qui a ses misères à côté de ses grandeurs et ses vices intellectuels à côté de ses vertus sensibles. […] Puis encore, genre de patois inimitable : Ô vous qui vous portez entre tous gens de cœur, Qui l’êtes, non pas seuls, et qui d’un air vainqueur Écraseriez Doudun et cette élite obscure, Leur demandant l’audace et les piquant d’injure, Ne les méprisez pas, ces frères de vertu Qui vous laissent l’arène et le lot combattu !

757. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « I — L’art et la sexualité »

Rien ne peut remplacer l’audace et la franchise de vivre : aucune vertu ni aucun vice, aucune patience ni aucune finesse, aucune intelligence ni aucune délicatesse ne peuvent valoir le clair et libre accomplissement d’un acte naturel et libre, pas même l’art prodigieusement esthétique et raffiné auquel peut parvenir l’égotisme dans tous les mondes, et spécialement — selon l’intention de cet article — dans une partie de la jeunesse littéraire moderne. […] Car, dans ce cas, la loi générale du sexe retombe de toute sa puissance sur l’individu qui y contrevient, et ce qui était accidentellement vertu se change en vice. […] L’équilibre demeure toujours la vertu suprême et la base infrangible de toute grandeur.

758. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XXIV. »

et même, après cet espoir trompé, quelle vertu guerrière, quelle effusion de sang généreux au profit d’un maître ! […] Elle vivra comme un témoignage des grandeurs de la religion et de la vertu devant l’iniquité de la force doublée de génie. […] Triomphante sur la scène, admirée dans les académies, entourée d’hommages dans les réunions qu’animait sa voix, exposée peut-être aux médisantes jalousies du monde et aux calomnies des partis, la belle Gomez de Avellaneda ne donnait place dans ses vers qu’aux sentiments de patrie, de vertu, de gloire.

759. (1900) Molière pp. -283

Rousseau : c’était un grand homme ; mais il y avait en lui des parties de cuistre, faisant des phrases pompeuses sur la vertu, et c’étaient ces parties-là que choquait Molière en lui. […] Je ne trouve pas une jeune personne qui parle ainsi douée de charme ; je lui reconnais autant de vertus solides qu’on voudra ; mais elle n’est pas façonnée, elle n’est pas polie. […] Le bourgeois, chez Molière, n’a qu’une seule vertu, et elle n’est pas héroïque : la prudence ; il n’a aucune espèce de point d’honneur. […] Il n’y a plus de honte maintenant à cela ; l’hypocrisie est un vice à la mode, et tous les vices à la mode passent pour vertus. […] C’était lui qui prêtait à tout cet air de bon goût dégagé, d’aisance, de sans-façon aimable, de liberté, qui donnait à la corruption même de l’ancienne société un charme que bientôt, peut-être, on cherchera vainement dans les vertus de la nouvelle.

760. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — G — Guérin, Maurice de (1810-1839) »

Jamais le sentiment mystérieux de l’âme des choses et de la vertu matinale de la nature, jamais la poétique et sauvage puissance qu’elle fait éprouver qui s’y replonge et s’y abandonne éperdument, n’a été exprimée chez nous avec une telle âpreté de saveur, avec un tel grandiose et une précision si parfaite d’images.

761. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Meurice, Paul (1818-1905) »

Une poésie doit être une vertu.

762. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — A — article » pp. 163-165

De tels Ecrivains doivent être regardés comme d’adroits Legislateurs, qui se servent des passions pour les combattre ou les diriger vers le bein public, qui, par le sentiment, menent à la vertu, & nous font aimer nos devoirs.

763. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — R. — article » pp. 90-93

Un Orateur, par exemple, aura dit qu'un Ministre plénipotentiaire doit avoir ces trois qualités, la probité, la capacité, & le courage ; pour déguiser cette division, le plagiaire n'aura qu'à changer d'abord l'ordre de ces trois mots, & dire : le courage, la capacité, la probité ; mais comme ce déguisement ne suffiroit pas, il doit changer aussi les expressions, & mettre la fermeté au lieu du courage, la vertu au lieu de la probité, & à la capacité substituer la science ; enfin, pour cacher encore mieux son vol, il faudra qu'il dise que l'Ambassadeur doit être ferme, vertueux, & habile.

764. (1913) Le bovarysme « Quatrième partie : Le Réel — I »

On aperçut qu’il n’y a pas lieu de tenir rigueur à un pouvoir qui nous fait concevoir les choses autres qu’elles ne sont si, à vrai dire, les choses ne comportent pas une réalité fixe, et, dans la troisième partie de cette étude on reprit avec complaisance l’examen des diverses conceptions au moyen desquelles l’esprit, par la vertu de ce pouvoir de déformation, nous ouvre sur les choses les perspectives où nous les saisissons.

765. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre premier. Beaux-arts. — Chapitre premier. Musique. — De l’influence du Christianisme dans la musique. »

De là toute institution qui sert à purifier l’âme, à en écarter le trouble et les dissonances, à y faire naître la vertu, est, par cette qualité même, propice à la plus belle musique, ou à l’imitation la plus parfaite du beau.

766. (1868) Cours familier de littérature. XXVI « CLVe entretien. Vie de Michel-Ange (Buonarroti) »

Son nom était Vittoria Colonna, nom devenu depuis immortel par l’amour, par la poésie et par la vertu. […] Vittoria Colonna, instruite de cette tentative, lui écrivit cette lettre où la vertu parle, dans ces temps corrompus, un langage digne de l’antiquité : « Souvenez-vous, lui écrivit-elle, de votre vertu, qui vous élève au-dessus de la fortune et de la gloire des rois. Ce n’est point par la grandeur des États ou des titres, mais par la vertu seule que s’acquiert cet honneur, qu’il est glorieux de laisser à ses descendants.

767. (1869) Cours familier de littérature. XXVII « CLXIIe entretien. Chateaubriand, (suite.) »

La décence est la vertu des changements de scènes politiques. […] « Plutarque, dans un de ses traités philosophiques, examine si la fortune ou la vertu firent l’élévation d’Alexandre ; et voici, à peu près, comme il raisonne et décide la question : « J’aperçois, dit-il, un jeune homme qui exécute les plus grandes choses par un instinct irrésistible, et toutefois avec une raison suivie. […] Vous qui avez épuisé tous les chagrins de la vie, que penserez-vous d’un jeune homme sans force et sans vertu, qui trouve en lui-même son tourment, et ne peut guère se plaindre que des maux qu’il se fait à lui-même ? […] Toute la pureté, toute la vertu, toute la religion, toutes les couronnes d’une sainte rendent à peine tolérable la seule idée de vos chagrins.

768. (1895) Histoire de la littérature française « Seconde partie. Du moyen âge à la Renaissance — Livre I. Décomposition du Moyen âge — Chapitre II. Le quinzième siècle (1420-1515) »

La mort, idée centrale du dogme chrétien, se détache de plus en plus de toutes les croyances qui lui donnent sa haute moralité et sa vertu consolante, pour devenir une horreur matérialiste de la fin fatalement assignée aux voluptés égoïstes : terreur des grands, des riches, de tous ceux qui ont et qui jouissent, revanche des petits, des meurt-de-faim, de ceux qui manquent et qui souffrent,, dont elle adoucit le désespoir par la satisfaction qu’elle donne à leur férocité égalitaire, la mort inexorable, universelle est un thème que tous les écrivains représentent à leur tour : lieu commun, sans doute, mais lieu commun non banal, où déborde la pensée intime, obsédante de chaque âme. […] Il l’admire profondément, il le vénère : il nous dit qu’il n’y eut jamais de meilleur prince, il le loue de ses vertus. […] Au moins, lui, il est ce qu’il est : l’esprit règne en lui, et si les autres entravent par faiblesse ou brutalité leurs calculs intéressés, ce n’est pas vertu plus grande, mais moindre mérite. […] Jean Le Maire, le Temple d’honneur et de vertu, Paris, 1503 ; la Plainte du Désiré, Paris, 1509 ; Trois Livres des Illustrations de la Gaule Belgique (prose), Nantes, 1509-1512 ; Œuvres, éd.

769. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Mme Desbordes-Valmore » pp. 01-46

malgré leurs vertus sublimes, car il y en a de sublimes dans ce peuple. » Et à Paris, en 1849 : « Tous les genres d’ouvriers sont bien à plaindre aussi ! […] Elle prête à tous ceux qui l’approchent la beauté de son âme, à travers laquelle elle les voit et les entend. — À cause de sa profession première et de celle de son mari, cette très honnête femme, d’une scrupuleuse vertu, a toujours eu une partie du moins de ses relations dans un monde forcément mêlé. […] Marceline les pare de toutes les vertus, les appelle ses anges, idéalise avec une imperturbable naïveté ce qu’elles lui laissent savoir des aventures de leurs sens. […] Alexandre Dumas (cette colère qui m’a fait entrevoir un moment le ciel d’une mère, le cœur de son enfant soulevé en sa faveur), c’est que ce n’est pas ici, dans ce monde comme il est fait, qu’il faut prétendre être jugé suivant ses vertus et ses fautes… » J’emprunte ici quelques détails à des fragments de Mémoires : Un projet de mariage de Sainte-Beuve, publiés par la Gazette anecdotique du 31 janvier 1889.

770. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Figurines (Deuxième Série) » pp. 103-153

cherchez l’argent d’abord ; la vertu, si vous avez le temps !  […] Vices et vertus, quand on dépense, c’est à pleines mains et par la fenêtre, à la gentilhomme. » Et en avant les zouaves de Charette et « les duchesses qui montent dans les mansardes ». […] Liberté fière, ignorance de toute intrigue, nulle vanité, simplicité de mœurs, humeur un peu farouche, bienveillance de pessimiste pour les personnes… je ne dis point que ces vertus ou ces dispositions sont impliquées par son scrupuleux objectivisme critique ; mais, quand on connaît qu’il les a en effet, le souvenir de ses livres fait qu’on n’en est point étonné, et que l’on s’y attendait. […] Pouvillon sait aussi que les miracles sont injustes, puisqu’ils ne guérissent pas tous les malades qui ne sont pas des méchants ; il sait qu’au surplus ni la phtisie ni le cancer n’ont jamais senti la vertu de l’eau miraculeuse ; et il sait encore d’autres choses.

771. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Balzac » pp. 17-61

Tels ils furent, au scandale de cette pharisaïque Angleterre, dont la vertu se laisse fort bien enlever et qu’ils séduisirent et révoltèrent tour à tour. […] Ils peuvent les inquiéter, puisqu’ils ont inquiété Balzac lui-même, et le meilleur moyen de les défendre contre une critique juste, mais élevée, n’était pas d’accuser du cant que lord Byron reprochait à l’Angleterre une société qui aurait mieux valu si elle eût été hypocrite… L’hommage à la vertu ne nous distinguait pas en 1834. […] Nous savons que tous ces capuchons étaient le génie, la vertu et la civilisation du monde ! […] C’est nous, les derniers venus d’ici-bas, qui avons blanchi sous le faix de la science et des sensations de la vie, c’est nous qui pouvons posséder dans toute sa force et sa plénitude cette vertu de bonhomie, inhérente à tous les talents, qui nous prend le plus à la poitrine et qui rend humain l’idéal !

772. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Lettres de la mère Agnès Arnauld, abbesse de Port-Royal, publiées sur les textes authentiques avec une introduction par M. P. Faugère » pp. 148-162

Toutes ses vertus et tous ses sérieux mérites, toutes ses mortifications n’ont pu émousser sa pointe d’esprit et même de légère gaieté. […] La modération même de son humeur et la continuité de ses vertus rendent cette branche de la correspondance assez terne et monotone.

773. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Appendice. »

Ainsi, dans la note qui est à la page 123 du tome VIII, et dans laquelle je remarquais que depuis quelque temps on en est venu en littérature à faire de l’exagération une vertu et à instituer une théorie en l’honneur des génies outrés, une des phrases doit être rectifiée comme il suit : « C’était aussi la théorie déclarée de Balzac, qui n’admettait pas que Pascal pût demander à l’âme des grands hommes l’équilibre et l’entre-deux entre deux vertus ou qualités extrêmes et contraires.

774. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Victor Hugo — Victor Hugo, Les Chants du crépuscule (1835) »

Un mortel peut toucher une lyre sublime Et n’avoir, qu’un cœur faible, étroit, pusillanime, Inhabile aux vertus qu’il sait si bien chanter, Ne les imiter point et les faire imiter. […] on lit : Quand le vent du malheur ébranlait leur vertu.

775. (1874) Premiers lundis. Tome II « Hippolyte Fortoul. Grandeur de la vie privée. »

On rencontre assurément, en France, de tels salons aujourd’hui, et plus qu’on ne voudrait ; mais c’est un singulier auditoire pour y venir plaider la vie privée et soutenir une thèse en faveur des humbles vertus. […] Quisapit, in tacito gaudeat ille sinu a dit le poète élégiaque ; ce qui n’est pas moins vrai des félicités et des vertus domestiques que des amours mystérieuses.

776. (1861) La Fontaine et ses fables « Première partie — Chapitre III. L’écrivain »

Au reste peu importe « qui vous mange, homme ou loup ; toute panse lui paraît une à cet égard. » Il est résigné, sait ce que vaut le roi lion, quelles sont les vertus des courtisans mangeurs de gens », mais croit que les choses iront toujours de même, et qu’il faut s’y accommoder. […] Il prêche le plaisir avec autant de zèle que d’autres la vertu.

777. (1892) Boileau « Chapitre III. La critique de Boileau. La polémique des « Satires » » pp. 73-88

Toutes ses vertus et ses complaisances étaient conditionnées : il leur fallait des louanges pour s’épanouir. […] Il est vrai qu’il ne définit pas le bon sens : et l’on entrevoit que pour lui, le bon sens, sans qu’on sache pourquoi, se réduit à la stricte observance des règles, comme si c’étaient des moyens nécessairement efficaces, qui produisent les chefs-d’œuvre par une vertu intrinsèque.

778. (1913) Les antinomies entre l’individu et la société « Chapitre IV. L’antinomie dans l’activité volontaire » pp. 89-108

Sorel salue l’héroïsme du prolétariat, il croit à la vertu de la grève comme inspiratrice de sentiments chevaleresques. « Les grèves, dit-il, ont engendré dans le prolétariat les sentiments les plus nobles, les plus profonds, et les plus moteurs qu’il possède. » Les vertus chevaleresques du prolétariat sont sans doute fort exagérées par M. 

779. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. James Mill — Chapitre III : Sentiments et Volonté »

« Les actions d’où nous tirons quelque avantage ont été classées sous ces titres : prudence, courage, justice, bienfaisance, lesquels constituent la vertu parfaite. » L’auteur s’efforce de montrer que si nous approuvons, soit en nous, soit dans les autres, ces diverses manières d’agir, cette approbation est fondée sur une association d’idées qui se termine à un plaisir. […] Se plaçant ensuite au point de vue des conséquences pratiques, il demande que l’éducation s’attache à produire des associations d’idées, telles qu’il en résulte une vertu parfaite, et que la sanction populaire attache toujours le blâme et la louange aux actes qui les méritent.

780. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. John Stuart Mill — Chapitre I : De la méthode en psychologie »

Il rejette totalement, comme un procédé sans vertu, l’observation psychologique proprement dite, la conscience interne. […] La psychologie à posteriori, au contraire, tout en reconnaissant l’existence d’un élément mental dans nos idées, tout en admettant que nos notions d’étendue, solidité, temps, espace, vertu, ne sont pas des copies exactes d’impressions faites sur nos sens, mais un produit du travail de l’esprit, ne considère pas cette production comme le résultat de lois particulières et impénétrables, dont on ne peut rendre aucun compte.

781. (1901) La poésie et l’empirisme (L’Ermitage) pp. 245-260

On discutera, on disputera de ses vertus philosophiques ou humaines, — mais il aura créé. […] Dans la précision des assemblages, la rareté des éléments le poli de la surface, l’harmonie de l’ensemble, n’y a-t-il pas une vertu intrinsèque, une espèce de force divine, etc., etc. ?

782. (1864) William Shakespeare « Première partie — Livre V. Les âmes »

S’il n’y va point, il reste dans la vie ordinaire, dans la conscience ordinaire, dans la vertu ordinaire, dans la foi ordinaire, ou dans le doute ordinaire ; et c’est bien. […] L’illimité entre dans sa vie, dans sa conscience, dans sa vertu, dans sa philosophie.

783. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 15, le pouvoir de l’air sur le corps humain prouvé par le caractere des nations » pp. 252-276

Il en est de même des vertus morales. La conformation des organes et le temperament donnent une pente vers certains vices ou bien vers certaines vertus qui entraîne le gros de chaque nation.

784. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XXII. La comtesse Guiccioli »

Elle a cru qu’elle allait changer le Byron de l’opinion faite et en nous l’affirmant sans preuves et sans notions nouvelles à l’appui de son affirmation, nous faire son Byron, — à elle, — son Byron purifié et rectifié ; car le sens du livre qu’elle publie, c’est, ne vous y trompez pas, je vous prie, une délicate purification de Byron…… J’ai parlé plus haut de petites chapelles, élevées discrètement et chastement, tout le long du livre, à la mémoire de Byron ; j’ai dit même que je comprenais très bien qu’elles y fussent élevées… Mais je les crois trop en albâtre… Il y en a à la religion, à l’humanité, à la bienveillance, à la modestie, à toutes les vertus de l’âme de Byron (textuellement), à son amour de la vérité, mais c’est aussi par trop de chapelles… Les vertus de Byron font un drôle d’effet… Sont-ce les cardinales ?

785. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Léon XIII et le Vatican »

Il y a toutes les vertus du prêtre, la sainteté, la doctrine, la science, la fermeté de l’esprit qui s’appuie sur la fermeté du caractère, base de tout, et qui, réunies, donnent la force absolue, dans son intégrale et irrésistible beauté. […] Il a donc soixante-et-dix ans, mais ce qui est la vieillesse pour le commun des hommes ne l’est point pour les Papes, qui pratiquent l’hygiène des vertus et sont trempés, comme des aciers, dans la chasteté de la vie.

786. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « VIII. M. de Chalambert. Histoire de la Ligue sous le règne de Henri III et de Henri IV, ou Quinze ans de l’histoire de France » pp. 195-211

Trop de races royales s’y sont succédées, et toujours en vertu de la loi unique et irréfragable qui fait tomber les unes par leurs fautes et s’élever les autres par leurs vertus ! […] Religieux comme M. de Chalambert, il aurait, sous le couvert de cette Providence qui ne donne aux races royales que la durée de leurs vertus, conclu hardiment le rejet par Dieu de cette maison de Bourbon qui n’eut qu’un seul grand homme (Louis XIV) parmi ses plus brillants coupables, et qui, de faute en faute, accula la France jusqu’à l’effroyable expiation de 1789.

787. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre VII. »

Qu’on s’efforce donc d’arriver à ce comble de la vertu, en ne laissant pas son cœur s’énerver pour la guerre ! » Sous la gravité douce du mètre élégiaque, cet amour de la gloire, et les vertus dont il se nourrit, le culte de la patrie, la pitié pour les faibles, le devoir de les défendre, enflamment Tyrtée d’un enthousiasme contenu qui n’a pas moins de puissance que l’accent plus lyrique.

788. (1892) Portraits d’écrivains. Première série pp. -328

Les sentiments qu’elles accusent, c’est une fureur d’honnêteté et une rage de vertu. […] Il laisse quelques vertus à ses coquins. […] Dans la plupart de ses Proverbes il se prononce en faveur de la morale commune, de l’honnêteté, des vertus domestiques. […] Il se mêle à la vertu : ceux-là ne sont pas rares qui, incapables des vertus coutumières et des menus sacrifices de chaque jour, se retrouvent, l’occasion venue, à la hauteur des situations les plus difficiles et prêts pour les dévouements héroïques. […] Étrange vertu qui est faite non de l’horreur du vice, mais de la crainte des situations faussés !

789. (1890) Impressions de théâtre. Quatrième série

Il lui reproche son oisive vertu ; il lui rappelle que Dieu demande des actes. […] C’est par amitié pour son ami Pierre qu’il entend veiller sur la vertu d’Hélène. […] Elle cache les vices du pauvre garçon et lui prête des vertus. […] Le beau en art, ce n’est pas la vertu, c’est la vie, et la vie n’est jamais pure. […] qu’est-ce donc que la vertu ?

790. (1927) Approximations. Deuxième série

Pareil à ces orateurs et à ces poètes auxquels tu pensais tout à l’heure, il connaissait, ô Socrate, la vertu mystérieuse des imperceptibles modulations. […] Shakespeare cependant sait qu’il n’existe qu’un « par-delà » authentique : celui qui inclut ce qu’il domine, — et dans certains de ses personnages de femmes la vertu surgit avec une telle droiture de tige que, sans que le personnage cesse un seul instant d’être vivant, par chacun de ses actes et de ses paroles il adhère à cette vertu et en dégage à tout moment l’arôme. […] Il faut citer une fois encore l’étonnant passage : Je n’admire pas l’excès d’une vertu, comme de la valeur, si je ne vois en même temps l’excès de la vertu opposée, comme en Épaminondas, qui avait l’extrême valeur et l’extrême bénignité. […] Mais aux yeux de Jacques Rivière, elle demeure toujours ce qu’elle est en effet : la plus difficile, parce que la plus fugitive, des vertus. […] Qu’il lui faut de vertu et d’obstination pour durerjv ! 

791. (1923) Au service de la déesse

— pour la vertu. Il a souhaité de joindre la nature et la vertu. […] Le disciple compte, lui, transformer en vertus sociales les torts naturels de l’humanité. […] Mais le comique est la seule consolation de la vertu. […] Elle a de la bonhomie : et c’est la meilleure vertu française.

792. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « a propos de casanova de seingalt  » pp. 510-511

La vertu en ce bas monde, à cause du rebours trop habituel, consiste presque entièrement à s’abstenir, à sacrifier ; à assister, sans y participer, aux choses, et à leur dire non en face bien souvent.

793. (1874) Premiers lundis. Tome II « Achille du Clésieux. L’âme et la solitude. »

Quelles que soient les formes sous lesquelles doive se reconstituer (nous l’espérons) l’esprit religieux et chrétien dans la société, cette vertu avancée de quelques jeunes cœurs, cette foi et cette modestie, tenues en réserve, aideront puissamment au jour de l’effusion.

794. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — H — Houssaye, Arsène (1815-1896) »

. — La Vertu de Rosine (1844)

795. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — V — Villeroy, Auguste »

Tandis que, des fils de l’empereur, l’un, Chéréas, toujours indécis, essaye d’oublier, en faisant des vers, la chute qui menace Chrysopolis, et l’autre Théodore, insouciant et léger, oublie les malheurs de la patrie en courant au cirque et en fréquentant chez les courtisanes, Hérakléa, fière et pure, prie les Dieux, honore les vertus anciennes et pousse à la lutte acharnée.

796. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — B — article » pp. 358-361

Est-ce par des antitheses pénibles, des phrases sententieuses, des détails apprêtés, des tableaux enluminés, des apostrophes de commande, qu’on fera rougir le vice, aimer la vertu, & respecter les vérités de la Religion ?

797. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — C — article » pp. 2-5

Après avoir fait voir les deux armées aux prises, & avoir peint d’une maniere énergique la défaite du Duc, il lui adresse ainsi la parole : Grand Héros, qu’un excès d’amour & de valeur Engage aveuglément dans le dernier malheur, Tous tes autres exploits ont mérité de vivre ; Ils vivront à jamais sur le marbre & le cuivre : Tes sublimes vertus, dignes d’un meilleur sort, Effacent, à nos yeux, la honte de ta mort ; Et les siecles futurs, francs de haine & d’envie, Ne doivent pas juger de l’état de ta vie, Par l’instant malheureux qui surprit tes beaux jours D’une éclipse fatale au milieu de leur cours.

798. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article » pp. 343-347

Les emplois qu’un Auteur a exercés, le nombre de ses domestiques, ses bonnes fortunes, ses* vertus, ses défauts, ses goûts, ses dégoûts, ses maladies, sont des objets qui flattent peu la curiosité & ne conduisent à rien.

799. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — P. — article » pp. 555-559

Tout Lecteur honnête & judicieux ne peut qu’être affligé de voir prodiguer tant de richesses, pour donner au vice des couleurs capables de l’excuser, & de forcer à le plaindre, malgré les réclamations de la vertu.

800. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — R. — article » pp. 45-49

Il étoit naturel, selon ses principes, qu’il cherchât à décrier un homme dont les sacrifices, les vertus & la réforme ont fait tant d’honneur à la Religion.

801. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre troisième. Suite de la Poésie dans ses rapports avec les hommes. Passions. — Chapitre IX. Du vague des passions. »

Mais, de nos jours, quand les monastères, ou la vertu qui y conduit, ont manqué à ces âmes ardentes, elles se sont trouvées étrangères au milieu des hommes.

802. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 16, de quelques tragedies dont le sujet est mal choisi » pp. 120-123

Alleguer qu’à la fin la vertu triomphe de la passion, ce n’est pas justifier le caractere de Titus.

803. (1913) Essai sur la littérature merveilleuse des noirs ; suivi de Contes indigènes de l’Ouest-Africain français « Contes — XVI. Le dévouement de yamadou havé »

— « Le marabout, reprit Yamadou, a dit que, par la vertu du talisman, je mourrai demain pour le salut de ma race.

804. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « M. Littré. »

quand les Stoïciens se mêlent d’être modestes, on ne peut savoir à quel point ils le sont, et quel degré de scrupule et de raffinement ils portent dans cette vertu d’humilité, et même à leur insu quelquefois. […] Quand on est initié comme je le suis, comme je viens de l’être par toutes sortes de témoignages, à cet intérieur d’honnêteté, de simplicité et de devoir, le cœur se révolte à penser que c’est cet homme-là, la droiture et la vertu même, une âme en qui jamais une idée mauvaise ou douteuse n’a pénétré, que c’est lui qu’on est allé choisir tout exprès pour le dénoncer à tous les pères de famille de France comme un type d’immoralité. — Et cela, parce qu’il pense autrement que vous, partisan littéral de la Genèse, sur l’origine des choses et l’éternité du monde ! […] Ces âmes vigoureuses, amies du vrai sans partage, trempées dans le Styx, non amollies par l’air du siècle, non brisées par le frottement, non usées par le monde, ont avec elles leur inconvénient ; il faut payer la rançon, même des vertus. […] Enfin, s’il est des disciples (et c’est le plus grand nombre) qui compromettent par leurs excès ou leurs faiblesses les maîtres qu’ils adoptent, il en est d’autres qui les garantissent au contraire par leur autorité et leur vertu, et qui répondent d’eux, en quelque sorte, auprès de ceux qui n’en sont pas les juges directs et immédiats. […] Littré le comprend, et quand même il inspirerait peu de goût, a été un rude et courageux effort ; que le nœud qu’y a contracté l’esprit humain n’a pas été une nouure ni une servitude irrémédiable ; que « dans l’histoire déjà si longue et toujours enchaînée que l’on parcourt depuis la civilisation grecque jusqu’à la nôtre, à toutes les époques favorables ou inclémentes (et celle du Moyen-Age a été assurément inclémente), la vertu qui tendait à réparer, à tirer de l’existence antérieure une existence plus développée, s’est exercée avec pleine vigueur » ; qu’en ce sens le Moyen-Age n’a été qu’un stage plus dur pour l’esprit humain ; qu’au sortir de là et à l’époque du quinzième siècle et de la Renaissance, le monde est entré, par le fait même de la réaction et de la lutte, dans un cercle plus large et plus étendu que s’il avait continué mollement de vieillir sans complication et sans accident sous une suite pieuse d’éternels Antonins.

805. (1860) Cours familier de littérature. IX « LIIIe entretien. Littérature politique. Machiavel (2e partie) » pp. 321-414

De là, sa vertu méconnue et ses malheurs. […] Il portait son bonheur en lui-même, dans son caractère et dans ses vertus. […] Je l’ai connu intimement, et je n’ai rien vu d’humain en lui que la forme mortelle : c’était un de ces caractères où la vertu est si naturelle et si modeste qu’elle n’a besoin d’aucun effort et d’aucune ostentation pour se tenir debout dans toutes les fortunes. […] Il n’y a de coalition digne et sûre que celle qui laisse leur nom, leur nationalité et leur nature aux coalisés : la république vénitienne, s’enrôlant sous la monarchie ambitieuse de Turin, se perd en s’abdiquant ; les abnégations, qui font la vertu des individus, font la dégradation des peuples. […] Son malheur patriotique lui fut imputé à vertu par le parti de l’ambition piémontaise et de l’unité monarchique en Italie.

806. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre troisième »

Au mauvais, il faut imputer la légèreté et la déclamation, l’ardeur indiscrète de toutes les réformes, sauf la réforme individuelle ; le préjugé qui charge les gouvernements de tous les devoirs et leur impose toutes les vertus dont l’individu s’exempte lui-même ; l’esprit de critique et l’esprit de chimère, les ruines et les rêves ; enfin, avec l’excuse des bonnes intentions chez beaucoup de coupables, les crimes de la fin du siècle, et le discrédit peut-être irréparable que ses erreurs meurtrières ont jeté sur ses immortelles conquêtes. […] — mobile, léger, jetant l’argent, mais, dans sa vie sans assiette, gardant les bons sentiments, et par la vertu purifiante des lettres, que ressentent même les gens qui en ont plutôt le goût que le génie, capable d’une certaine fierté d’esprit qui empêche son caractère de tomber aussi bas que sa condition. […] Excitez son émulation par la louange, et quoique l’ambition soit un vice, comme elle peut donner matière à certaines vertus, ne craignez pas de la lui apprendre. […] L’idéal du maître dans Rollin est un homme de bon sens et de bien, comme il s’en rencontre plus d’un, Dieu merci, qui, par des moyens appropriés et des vertus accessibles à tous ceux qui ont la bonne volonté, forme des élèves, non pour atteindre une vertu impossible, mais pour apprendre, par le bon emploi de leur jeunesse, à bien user du reste de leur vie.

807. (1904) Propos littéraires. Deuxième série

Il nous prescrit une vertu idéale. […] Dès lors, les vertus sont absentes de sa psychologie, d’accord ; mais les vices aussi en sont absents. […] Si les vertus sont des déguisements de l’égoïsme, elles sont éternelles. […] Toute sa vertu tenait à son prosélytisme antireligieux. L’une de ces choses lui faisait aimer l’autre, et, s’il était vertueux par athéisme, il se renforçait dans son athéisme par admiration de sa vertu, preuve si évidente que la vertu ne tient nullement à la religion.

808. (1949) La vie littéraire. Cinquième série

C’est là un degré de vertu auquel je désespère d’atteindre jamais. […] Il croyait à la vertu jusque dans ses ennemis. […] Comme nous avons toutes les vertus des bons moines, nous avons aussi quelques-uns de leurs défauts. […] Et vous voulez que je vous achète vos cailloux au prix de mes rêves de beauté et de vertu ? […] Sous des dehors aimables et gracieux, il renfermait les plus solides vertus.

809. (1920) Essais de psychologie contemporaine. Tome I

Qui nous rendra la divine vertu de la joie dans l’effort et de l’espérance dans la lutte ? […] Qui analyserait ces deux formules y trouverait enveloppées toutes les vertus, privées et civiques. […] C’est quand il est bon qu’il veut que la vertu corresponde à un ordre éternel. […] On faisait de la vertu avec ces erreurs. La vérité que vous apportez sera-t-elle assez efficace pour produire cette même vertu ?

810. (1891) La vie littéraire. Troisième série pp. -396

La beauté, la vertu, le génie garderont à jamais leur secret. […] Il croyait à la vertu des mots. […] Cette vertu est peut-être excessive. […] Sa bonté avait la grâce sans laquelle aucune vertu n’est aimable. […] Ses vertus sont sur nous.

811. (1884) Cours de philosophie fait au Lycée de Sens en 1883-1884

. — Inversement, bien des choses sont bonnes qui ne sont pas belles ; et si les grands actes de vertu ont une valeur esthétique, il n’en est pas de même de l’honnêteté ordinaire, de la vertu bourgeoise, qui ne laissent pas d’avoir un grand mérite au point de vue moral. — Enfin, il y a des choses indifférentes moralement, et qui sont belles ou laides. Un grand paysage, une nature morte, n’ont rien à démêler avec le vice ou la vertu, et donnent pourtant matière à une œuvre d’art.

812. (1882) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Deuxième série pp. 1-334

Il ne nous paraît pas prouvé, c’est ici le cas de le dire, que la première des vertus de l’écrivain ou de l’orateur soit de n’avoir point de défaut. […] Ainsi que la vertu, le vice a ses degrés. […] Ce qui caractérise en effet la prédication morale de Massillon, c’est bien une manière aimable et persuasive d’intéresser à la pratique des vertus chrétiennes notre naturel désir d’être heureux dès ce bas monde. […] « Rendre la vertu aimable, le vice odieux, le ridicule saillant », tel doit être le projet de tout honnête homme qui prend « la plume ou le pinceau ». Vous qui vous demandiez pourquoi ce philosophe avait écrit la Religieuse et Jacques le Fataliste, vous êtes fixé désormais : c’était pour rendre « la vertu aimable ».

813. (1863) Histoire de la vie et des ouvrages de Molière pp. -252

Mademoiselle de La Vallière, dont le nom rappelle d’aimables vertus et de tendres faiblesses, était attachée à la maison de Madame, belle-sœur du Roi. […] Non content de lui donner lui-même les leçons de cet art dans lequel Baron excella depuis, il chercha encore à former son jeune cœur à la vertu, par une sage direction et par de bons exemples. […] Je viens vous le rendre. — Tiens, mon ami, dit Molière, en voilà un autre. » Puis il s’écria : « Où la vertu va-t-elle se nicher !  […] Rousseau, qui ne voit dans la conception du rôle d’Alceste que l’intention de faire rire aux dépens de la vertu. […] Il y a bien près de l’hypocrite en religion à l’hypocrite en vertu.

814. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Malherbe »

Bon catholique, mais en vertu surtout du même principe et de la même disposition de respect, soumis aux pratiques extérieures de la communion où il vécut et mourut, il lui échappait néanmoins de dire « que la religion des honnêtes gens était celle de leur prince ». […] Rendre justice aux adversaires, se souvenir qu’ils sont des Français lorsqu’eux-mêmes l’oublient, les admirer pour leur vertu égarée, désespérée, parler de clémence au moment où il ne s’agit que de frapper, ce n’est le fait ni d’un soldat, ni d’un poëte, ni même, je le dirai, d’un contemporain. […] Ainsi Malherbe n’en est encore, dans son ode, qu’aux vertus du combat ; il n’a pas, il ne doit point avoir les vertus du lendemain. […] Pour moi, il y a longtemps que je sais que vous êtes l’un de ses adorateurs : le séjour qu’il a fait en Avignon vous donna l’honneur de le connaître ; sa vertu vous en imprima la révérence : je m’assure que ce qu’il a fait depuis ne vous aura point changé le goût. […] Avec quelle attention voulait-il qu’on l’écoutât, quand il dogmatisait de l’usage et de la vertu des particules ! 

815. (1882) Hommes et dieux. Études d’histoire et de littérature

que de vertu sous ses airs farouches ! […] On les voit croître d’âge en âge en beauté, en vertu, en grandeur morale. […] Vertu sans doute, mais vertu fatale lorsqu’elle s’exalte jusqu’au fanatisme. […] L’héroïsme, la gloire, la vertu, s’offrent d’elles-mêmes au couteau. […] Rome sentit que sa dernière vertu se retirait d’elle avec ce grand homme.

816. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — B — Bourget, Paul (1852-1935) »

Paul Bourget seraient assez inintelligibles, ou du moins n’auraient pas leur sens réel et profond, si l’on n’y retrouvait pas l’écho de cette religion de la Beauté qui a la vertu d’un opium délicieusement mystique, l’attrait d’une révolte, la douceur d’une rédemption.

817. (1887) Discours et conférences « Discours prononcé au nom de l’Académie des inscriptions et belles-lettres aux funérailles de M. .Villemain »

Expressions parfaites d’un idéal où la raison, la vertu et la beauté sont inséparables, les littératures antiques, soit sous leur forme profane, soit sous leur forme chrétienne, étaient pour lui une révélation lumineuse, où il trouvait à toute heure ce qui nourrit l’esprit et réchauffe le cœur.

818. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — H — article » pp. 497-500

C’est elle qui corrompt les mœurs & les maximes, Ravale des vertus, & couronne des crimes, Selon son intérêt regle les sentimens, Juge des actions par les événemens, Méprise un vertueux que le Ciel abandonne, Révere un scélérat que le bonheur couronne, Aux Peuples inquiets vante les nouveautés, Et leur fait un Héros d’un Chef de Révoltés, &c.

819. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — S. — article » pp. 236-239

Les Saints doivent écrire pour les Saints : imitant leurs vertus, on les loue mieux que par des paroles & de belles Hymnes.

820. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre quatrième. Du Merveilleux, ou de la Poésie dans ses rapports avec les êtres surnaturels. — Chapitre II. De l’Allégorie. »

Or, l’âme, dont la nature est la vie, a essentiellement la faculté de produire ; de sorte qu’un de ses vices, une de ses vertus, peuvent être considérés ou comme son fils, ou comme sa fille, puisqu’elle les a véritablement engendrés.

821. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre premier. Beaux-arts. — Chapitre IV. Des Sujets de Tableaux. »

Le christianisme nous montre partout la vertu et l’infortune, et le polythéisme est un culte de crimes et de prospérité.

822. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre V. Harmonies de la religion chrétienne avec les scènes de la nature et les passions du cœur humain. — Chapitre V. Ruines des monuments chrétiens. »

S’il est parmi les anges, comme parmi les hommes, des campagnes habitées et des lieux déserts, de même que vous ensevelîtes vos vertus dans les solitudes de la terre, vous aurez sans doute choisi les solitudes célestes pour y cacher votre bonheur !

823. (1908) Après le naturalisme

L’erreur, le mal, nous nous en éloignons naturellement car leur connaissance suppose une intelligence supérieure à eux et le vrai a cette vertu de nous obliger à nous y soumettre. […] Une non pire réponse : le suicide bref de tant de malheureux — a été habilement exploitée par ceux qui voulaient faire ressortir la vertu de leur doctrine de la résurrection. […] Bonté, justice, vertu sont affaire non de sentiment, mais de raison très étendue et ne seront assises en lui que le jour où vraiment l’individu aura compris qu’il doit les contenir pour son bien particulier. […] L’art ne fera que les hiérarchiser à notre égard selon leur vertu humaine. […] Au contact des autres hommes et des choses, nous verrons à quels actes, à quel rôle, l’obligeront sa vertu et son égoïsme.

824. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre IV. L’âge moderne. — Chapitre II. Lord Byron. » pp. 334-423

Il se trouva que sa femme était une vertu, « sorte de modèle » cité pour tel, « créature de la règle », correcte et sèche, incapable de faillir et de pardonner. « Cela est bien drôle, disait son domestique Fletcher, je n’ai jamais connu de dame qui ne sût mener mylord, excepté mylady. » Elle le crut fou et le fit examiner par les médecins. […] … » Du décorum et de la débauche ; des tartufes de mœurs, Qui mettent leurs vertus en mettant leurs gants blancs1299 ; une oligarchie qui, pour garder ses dignités et ses sinécures, déchire l’Europe, dévore l’Irlande et ameute le peuple avec les grands mots de vertu, de christianisme et de liberté : il y avait des vérités sous ces invectives1300. […] Elle a de la vertu, cela va sans dire ; bien mieux elle veut en avoir. […] La raison et la vertu humaines ont pour matériaux les instincts et les images animales, comme les formes vivantes ont pour instruments les lois physiques, comme les matières organiques ont pour éléments les substances minérales. Quoi d’étonnant si la vertu ou la raison humaine, comme la forme vivante ou comme la matière organique, parfois défaille ou se décompose, puisque comme elles, et comme tout être supérieur et complexe, elle a pour soutiens et pour maîtresses des forces inférieures et simples qui, suivant les circonstances, tantôt la maintiennent par leur harmonie, tantôt la défont par leur désaccord ?

825. (1865) La crise philosophique. MM. Taine, Renan, Littré, Vacherot

, c’est ressusciter les vertus dormitives et autres de la scolastique. […] Littré a pourtant combattu avec une éloquente vivacité la vertu médicatrice de l’école hippocratique. […] Cette doctrine admet un certain type, un certain modèle que la vertu a pour but de réaliser. […] Or je conçois très bien que l’on critique une telle doctrine, qu’on lui reproche d’avoir pour type de vertu une vaine abstraction, de se nourrir de chimères. […] C’est une idée absolue, dégagée de l’expérience par la vertu de la raison pure.

826. (1896) Le IIe livre des masques. Portraits symbolistes, gloses et documents sur les écrivains d’hier et d’aujourd’hui, les masques…

Peut-être qu’à vouloir se faire le champion d’une vertu, M. Barrès s’est trompé de vertu : la persévérance semble lui convenir mieux que l’énergie. […] Les mots de devoir, de vertu, d’honneur, de dignité, de liberté, de dévouement, exaltant la volonté jusqu’aux résolutions aveugles et jusqu’à l’héroïsme. […] Les commencements épouvantent certaines intelligences : mais ce sont celles-là qui ont le sens de la continuité, ce qui est une grande vertu, c’est-à-dire une grande force. […] Dirions-nous qu’il a le don du tragique et, en puissance, toutes les vertus d’un grand poète dramatique : peu de têtes se retourneraient et peu sans un mauvais sourire.

827. (1940) Quatre études pp. -154

L’histoire, à la bien comprendre, est le symbole de la lutte entre le vice et la vertu, la vertu finissant toujours par l’emporter. […] Par la vertu de l’art, le sauvage ne restera pas tout à fait sauvage, et l’anarchique sera quelque peu ordonné. […] Comme les sources, par la vertu de leurs eaux, font jaillir les arbres altérés : en lui aussi, les sources de vie jaillissent des profondeurs du monde ; et vers lui viennent les altérés. […] Je me suis crue aussi obligée d’ajouter quelques vers qui, en apprenant aux lecteurs les premières vertus de Lenore, motivent la grâce qui lui est faite au moment d’expirer. […] « Prédicateurs, qui voulez me ramener à la vertu, dites-moi qu’elle est indispensablement nécessaire, mais ne me déguisez pas qu’elle est sévère et pénible.

828. (1887) Discours et conférences « Discours à la conférence Scientia : Banquet en l’honneur de M. Berthelot »

La vertu et l’art n’excluent pas de fortes illusions.

829. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — G — article » pp. 424-428

La ville de Toulouse, pleine d’admiration pour ses talens, & d’estime pour ses vertus, lui fit une pension pendant les vingt dernieres années de sa vie, &, lorsqu’il fut mort, plaça son buste dans le Capitole, à côté de celui du Poëte Maynard, son Compatriote.

830. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre troisième. Histoire. — Chapitre premier. Du Christianisme dans la manière d’écrire l’histoire. »

Qu’on vante tant qu’on voudra celui qui, démêlant les secrets de nos cœurs, fait sortir les plus grands événements des sources les plus misérables : Dieu attentif aux royaumes des hommes ; l’impiété, c’est-à-dire l’absence des vertus morales, devenant la raison immédiate des malheurs des peuples : voilà, ce nous semble, une base historique bien plus noble, et aussi bien plus certaine que la première.

831. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 7, que la tragedie nous affecte plus que la comedie à cause de la nature des sujets que la tragedie traite » pp. 57-61

Elle est l’imitation des crimes et des malheurs des grands hommes ; comme des vertus les plus sublimes dont ils soïent capables.

832. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 38, que les remarques des critiques ne font point abandonner la lecture des poëmes, et qu’on ne la quitte que pour lire des poëmes meilleurs » pp. 554-557

Avec quelle élegance Virgile auroit-il dépeint les vertus en robes de fêtes qui, conduites par la clémence, seroient venues ouvrir à ce bon roi les portes de sa ville de Paris ?

833. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre troisième. Découverte du véritable Homère — Chapitre IV. Pourquoi le génie d’Homère dans la poésie héroïque ne peut jamais être égalé. Observations sur la comédie et la tragédie » pp. 264-267

Au caractère d’Achille, dont la peinture est le principal sujet de l’Iliade, ils rapportèrent toutes les qualités propres à la vertu héroïque, les sentiments, les mœurs qui résultent de ces qualités, l’irritabilité, la colère implacable, la violence qui s’arroge tout par les armes (Horace).

834. (1908) Jean Racine pp. 1-325

Il estime et respecte la vertu parce que la vertu est belle, parce que la vertu est utile. […] Vos vertus, je l’avoue, égalent votre gloire. […] L’amour n’y est maître que de vertus et professeur que d’héroïsme. […] L’amour est vraiment pour lui une religion, et une religion excitatrice de vertus. […] Mais déjà il ne parle qu’avec un dédain ironique de ses « trois ans de vertu ».

835. (1895) Nos maîtres : études et portraits littéraires pp. -360

Seriez-vous donc de charmes si divers, la Vertu et la Joie ? Vertu et joie, n’est-ce donc point même chose ? […] Or, un usage immodéré du métier d’écrire a privé la langue française de ces deux vertus. […] C’est la doctrine de la Vertu, qui est, pour M.  […] Toutes les vertus bourgeoises, et nulle trace d’autres vertus.

836. (1898) Impressions de théâtre. Dixième série

Ils ne savent guère résister au plaisir de rémunérer la vertu, et de la rémunérer en argent monnayé, de la faire millionnaire au dénouement, comme s’ils étaient incapables de l’aimer toute nue (le Duc Job est un témoignage presque ignominieux de cette faiblesse d’esprit) : en sorte que, voyant la vertu si infailliblement rentée tôt ou tard, nous ne savons plus bien si elle est la vertu. […] Il ne s’est pas souvenu de ce profond axiome de Corneille, lequel ne craignait point du tout les monstres : « … Une autre utilité du poème dramatique se rencontre en la-naïve peinture des vices et des vertus, qui ne manque jamais à faire son effet, quand elle est bien achevée, et que les traits en sont si reconnaissables qu’on ne les peut confondre l’un dans l’autre, ni prendre le vice pour la vertu. […] Même, dans la théorie platonicienne, affinée par l’idéalisme du moyen âge, puis par la délicatesse et la fierté des Précieuses, l’amour contribue au perfectionnement moral, est grand instituteur de vertu et d’héroïsme. […] Brutus n’est en effet qu’une « brute », et vertueuse, et conséquente avec elle-même, et qui ne marche point par le crime à son grand acte de vertu. […] Déroulède, un sentiment d’abnégation stoïque, qui a dû se rencontrer chez les hommes les meilleurs de cette époque, tout nourris de beaux exemples de vertu antique, d’immolation de l’individu à la cité.

837. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — C — article » pp. 34-39

Il faut insinuer dans l’Histoire un amour de vertu, & de quoi donner un honnête désir de gloire ; sur-tout faire connoître avec adresse, en quoi consiste la véritable gloire.

838. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article » pp. 260-264

Il n’est jamais permis d’outrer les peintures, d’affoiblir les vertus, en faisant trop sentir qu’on veut les apprécier, & de passer d’une censure trop sévere à une admiration froide qui manque toujours son effet.

839. (1913) Le bovarysme « Deuxième partie : Le Bovarysme de la vérité — II »

Condamné, c’est le terme dont useraient les philosophes pessimistes, mais on dira ici que, par la vertu de cette illusion métaphysique, l’élan humain est assuré d’une ardeur toujours renaissante.

840. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre second. Philosophie. — Chapitre III. Des Philosophes chrétiens. — Métaphysiciens. »

Les fins morales viennent par cet anneau se rattacher à cette métaphysique, qui n’est alors qu’un chemin plus sublime pour arriver à la vertu.

841. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME GUIZOT (NEE PAULINE DE MEULAN) » pp. 214-248

C’est aussi dans la même épreuve que cette âme sérieuse se trempait à la vertu. […] Dès les premiers feuilletons du Publiciste, à la date de floréal an X, sous le titre de Pensées détachées, s’en trouvent quelques-unes du cachet le plus net, du tour le mieux creusé, — très-fines à la fois et très-étendues, très-piquantes et très-générales ; par exemple : « Un mot spirituel n’a de mérite pour nous que lorsqu’il nous présente une idée que nous n’avions pas conçue ; et un mot de sensibilité, lorsqu’il nous retrace un sentiment que nous avons éprouvé : c’est la différence d’une nouvelle connaissance à un ancien ami. » Et cette autre : « La gloire est le superflu de l’honneur ; et, comme toute autre espèce de superflu, celui-là s’acquiert souvent aux dépens du nécessaire. — L’honneur est moins sévère que la vertu ; la gloire est plus facile à contenter que l’honneur : c’est que, plus un homme nous éblouit par sa libéralité, moins nous songeons à demander s’il a payé ses dettes. » Elle entre à tout moment dans le vrai par le paradoxal, dans le sensé par le piquant, par la pointe pour ainsi dire ; il y a du Sénèque dans cette première allure de son esprit, du Sénèque avec bien moins d’imagination et de couleur, mais avec bien plus de sûreté au fond et de justesse : une sorte d’humeur y donne l’accent. […] Avant d’être mère, elle travaillait, elle écrivait pour soutenir sa mère, mais c’était tout ; elle pouvait douter de l’action de la vérité et de la raison parmi le monde ; elle voyait le mal, le ridicule, la sottise, et n’espérait guére : une fois mère, elle conçut le besoin de croire à l’avenir meilleur, à l’homme perfectible, aux vertus des générations contemporaines de son enfant. […] Que dire encore, quand on n’a pas eu l’honneur de la connaître personnellement, de cette femme d’intelligence, de sagacité, de mérite profond et de vertu, qui, entre les femmes du temps, n’a eu que Mme de Staël supérieure à elle, supérieure, non par la pensée, mais seulement par quelques dons ?

842. (1868) Cours familier de littérature. XXVI « CLVIe Entretien. Marie Stuart (reine d’Écosse) »

La reine d’Écosse, par leur conseil, laissa sa fille enfant au château de Saint-Germain, sous leur protection, pour y grandir dans l’air de la France, sur laquelle elle était destinée à régner un jour. « Votre fille est crûe et croît tous les jours en bonté, beauté et vertus, écrit le cardinal de Lorraine, son oncle, à la reine d’Écosse, après son retour d’Édimbourg ; le roi passe bien son temps à deviser avec elle. […] Homme d’autant plus redoutable à la reine que sa vertu était, pour ainsi dire, la conscience du crime. […] — Madame, répondit le rude apôtre, la parole est plus stérile que le rocher quand c’est une parole mondaine ; mais, quand elle est inspirée par Dieu, les fleurs, les épis et les vertus en sortent ! […] Elle fait défendre, par ses proclamations, d’imputer à Darnley toute participation au meurtre de Rizzio, elle fait trancher la tête à tous les complices tombés sous sa main ; Ruthven, Douglas, Morton s’enfuient d’effroi hors des frontières ; elle rappelle à la tête de ses conseils l’habile et vertueux Murray, qui s’était assez compromis dans la conspiration pour sa popularité, assez réservé pour sa vertu.

843. (1869) Cours familier de littérature. XXVIII « CLXVIe entretien. Biographie de Voltaire »

Dans la plus anti-chrétienne de ses poésies philosophiques : l’Épître à Uranie, il semble caractériser lui-même les opinions religieuses que nous lui attribuons ici ; il va même au-delà, et il touche au christianisme par une admiration pieuse des vertus de son fondateur. […] Dans les pages du Dictionnaire philosophique, où il laisse courir sa pensée sur tous les objets avec la liberté d’une confidence à voix basse, il parvient par les seules forces de sa raison jusqu’à des extases d’adoration et de vertu qui égalent le plus sublime mysticisme de l’Inde ou du christianisme. […] Elle est donc confondue dans l’espèce, et ses vertus ou ses crimes individuels sont donc sans importance aux yeux de Dieu, sans criminalité ou sans mérite aux yeux du sage suprême. […] Depuis madame du Châtelet, madame du Deffand, le maréchal de Richelieu jusqu’à Frédéric II, à Catherine de Russie, à Saint-Lambert, à Thiriot, à Damilaville, au marquis de Villette, il choisissait ses amitiés plus à l’agrément qu’à la vertu.

844. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre premier »

Confondre l’art dans les lettres avec la méthode dans les sciences, attribuer à l’un et à l’autre la même vertu, c’est une illusion plus ancienne que Perrault et qui lui a survécu. […] Tout ce qu’il écrit, il le sent, sinon avec le cœur, du moins avec la raison doucement émue d’un sage qui voit, dans les vertus des hommes, d’aimables images de l’ordre universel. […] Contredire en tout le témoignage des hommes, jeter du ridicule sur toutes les passions dont il n’était pas capable, goguenarder la morale qui gênait son projet de vivre entre les vertus et les vices, ne rien admirer pour ne pas s’engager, se mettre au-dessus de tout le monde et de toutes choses par le doute qui n’est que de la vanité déguisée : tel est l’esprit du Fontenelle d’alors. […] Mais il fallait son âme pour ses vertus.

845. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Lettres de m. l’Abbé Sabatier de Castres ; relatives aux trois siecles de la littérature françoise.ABCD » pp. -641

La gloire de Marie-Thérese & celle d’Emmanuel III, ont droit de vous intéresser autant par les liaisons du sang, que par la conformité de vos vertus avec celles qui les distinguent. […] Je ne trouve point étrange que les Auteurs ; dont j'ai blâmé les défauts ou combattu les erreurs, déclament contre moi dans les Sociétés, & me poursuivent par des calomnies : ils ont leur amour-propre à venger ; mais ce qui m'étonne, sans cependant me décourager, c'est que des Hommes obligés, par état, à plus de décence & de vertu que les autres, se fassent, sans me connoître & sans avoir à se plaindre de moi, les Satellites & l'instrument docile de l'animosité de mes ennemis. […] Pour tout dire, en un mot, il loue & blâme, dans ses Ecrits, le même Homme, la même action, la même vertu, le même vice, le même sentiment, la même idée. […] Un ton imposant, un style dogmatique, un jargon maniéré, des phrases sentencieuses, des sentimens enthousiastes, des expressions systématiques, la répétition perpétuelle de ces mots parasites, humanité, vertu, raison, tolérance, bonheur, esprit philosophique, amour du genre humain, & mille autres termes qui sont devenus la sauvegarde des inepties qu’on a avancées, à la faveur de ces mots, ont pu éblouir quelque temps les esprits faciles.

846. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Le marquis de Lassay, ou Un figurant du Grand Siècle. — II. (Fin.) » pp. 180-203

Mme de Maintenon avait dû plus d’une fois songer, dans les degrés divers de son élévation, à cette histoire romanesque de Marianne, et elle savait gré sans doute à Lassay d’avoir osé mettre un jour la sagesse de conduite et la vertu au-dessus du rang. […] On a retenu, grâce à Mme de Caylus, un mot très spirituel et piquant de la marquise de Lassay à son mari, un jour qu’il soutenait devant tous la vertu sans tache, l’impeccabilité de Mme de Maintenon, et qu’il s’en montrait plus opiniâtrement convaincu qu’il n’était convenable à un homme du monde. […] J’indiquerai quelques-uns des passages principaux de ce portrait du beau-père par le gendre, en faisant remarquer qu’il est anonyme dans le Recueil de Lassay et qu’on n’y avait pas encore mis le vrai nom : M. le Prince n’a aucune vertu ; ses vices ne sont affaiblis que par ses défauts, et il serait le plus méchant homme du monde, s’il n’était pas le plus faible.

847. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Journal et Mémoires, de Mathieu Marais, publiés, par M. De Lescure  »

Mais, d’autre part, j’ai un jeune ami des plus distingués à qui, dans un mouvement d’explosion sincère, il est arrivé de dire devant moi, à propos de ce même historien : « Le jour où M*** disparaîtrait, je sentirais une fibre se briser dans mon cœur. » J’ai compris dès lors que, pour être ainsi aimé et chéri, pour exciter en des âmes d’élite de tels tressaillements, il fallait que cet homme aux brillants défauts, à la parole pénétrante, eût quelque chose d’à part et de profond qui m’échappait, je ne sais quel don d’attrait et d’émotion qui a ou qui a eu sa vertu, et depuis ce jour je me suis mis à le respecter et à respecter en lui ceux qui le sentent si tendrement et qui l’aiment. […] Vous vous occupez, je suppose, de Mme de Maintenon, vous cherchez les témoignages pour ou contre cette vertu tant controversée ; vous ouvrez le recueil des pensées et dires de Sorbière, le Sorberiana, à l’article Scarron ; vous y trouvez ce charmant éloge de Mme de Maintenon jeune et sous sa première forme d’épouse vierge et immaculée d’un mari impotent : « L’histoire du mariage de M.  […] L’indisposition de son mari, mais surtout la beauté, la jeunesse et l’esprit galant de cette dame n’ont fait aucun tort à sa vertu, et quoique les personnes qui soupiraient pour elle fussent des plus riches du royaume et de la plus haute qualité, elle a mérité l’estime générale de tout le monde par la sagesse de sa conduite ; et on lui doit même cette justice de dire qu’elle s’est piquée d’une belle amitié conjugale sans en pratiquer les principales actions. » Certes, c’est là un témoignage qui compte de la part d’un contemporain, d’un homme qui ne passe pas pour trop scrupuleux et qui s’exprime en général assez librement.

848. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamennais — L'abbé de Lamennais en 1832 »

On ne s’y livre pas d’abord de propos délibéré ; on se dit qu’il faut tout connaître et qu’il sera toujours temps de choisir : mais, l’âge venant, cette vertu du choix, cette énergie de volonté qui, se confondant intimement avec la sensibilité, compose l’amour, et avec l’intelligence n’est autre chose que la foi, dépérit, s’épuise, et un matin, après la trop longue suite d’essais et de libertinage de jeunesse, elle a disparu de l’esprit comme du cœur. […] Jamais la lecture de Diderot ne le mit en larmes et ne se lia dans sa jeune tête avec des rêves de vertu ; jamais les préceptes de d’Alembert sur la bienfaisance ne remplacèrent pour son cœur avide de charité l’Épître divine de saint Paul ; Brissot, Roland, les Girondins, ne lui parlèrent à aucune époque comme des frères aînés et des martyrs. […] Le style de l’Essai sur l’indifférence, qui s’est épuré, affermi encore, s’il se peut, dans les deux écrits subséquents de l’auteur (la Religion considérée dans ses rapports, etc., et les Progrès de la Révolution), possède au plus haut degré la beauté propre, je dirai presque la vertu inhérente au sujet ; grave et nerveux, régulier et véhément, sans fausse parure ni grâce mondaine, style sérieux, convaincu, pressant, s’oubliant lui-même, qui n’obéit qu’à la pensée, y mesure paroles et couleurs, ne retentit que de l’enchaînement de son objet, ne reluit que d’une chaleur intérieure et sans cesse active.

849. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « L’abbé Prévost »

L’admirable caractère de Tiberge, dans Manon Lescaut, en offre en action toutes les lumières et toutes les vertus réunies. […] Le premier, malgré ses emportements de passion et deux ou trois meurtres bien involontaires, prélude déjà à tous les honneurs de la vertu d’un Grandisson ; le chevalier, après quelques escroqueries et un assassinat de peu de conséquence, demeure sans contredit le plus prévenant par sa bonne mine et le plus honnête des infortunés. […] Il ne leur proposoit, pour motif et pour récompense de la vertu, que des plaisirs charnels et des félicités grossières.

850. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre II. L’époque romantique — Chapitre IV. Le théâtre romantique »

Tout le génie et toute la vertu dans la plus grande bassesse sociale : voilà Ruy Blas. […] Toute la beauté et tous les vices, tous les vices et une vertu, l’amour maternel : voilà la double antithèse qui constitue Lucrèce Borgia. […] Comme dans ses poèmes, il a su donner aux figures symboliques une précision intense, qui les l’ait vivre : Beckford, avec sa sottise bouffie, Bell, avec sa vulgarité dure, le quaker, qui enseigne la vertu sans niaiserie et sans bavardage, et surtout cette exquise Kitty Bell, si pieuse, si dévouée, si pure, si tendre, que la pitié mène à l’amour, et qui n’avoue son amour que par sa mort, tous ces caractères sont fortement conçus, vrais à la fois comme réalités et comme symboles.

851. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « Francisque Sarcey »

Sans doute la foule n’exige pas que la vertu soit toujours récompensée et le vice toujours puni ; mais elle pense comme Corneille : « Une des utilités du poème dramatique se rencontre en la naïve peinture des vices et des vertus, qui ne manque jamais son effet quand elle est bien achevée et que les traits en sont si reconnaissables qu’on ne peut les confondre l’un dans l’autre ni prendre le vice pour la vertu.

852. (1895) La musique et les lettres pp. 1-84

Comme si l’écrivain avait antérieurement à sa vertu, ou d’une généralité, dérivé un bien, notre coutume, singulière et belle, pourvu que complétée, en coupe à court délai la transmission : avec cette vue, que l’héritage, passé le temps, se reporte de la filiation naturelle à la lignée par l’esprit. […] Les monuments, la mer, la face humaine, dans leur plénitude, natifs, conservant une vertu autrement attrayante que ne les voilera une description, évocation dites, allusion je sais, suggestion : cette terminologie quelque peu de hasard atteste la tendance, une très décisive, peut-être, qu’ait subie l’art littéraire, elle le borne et l’exempte. […]   Tout à coup se clôt par la liberté, en dedans, de l’alexandrin, césure à volonté y compris l’hémistiche, la visée, où resta le Parnasse, si décrié : il instaura le vers énoncé seul sans participation d’un souffle préalable chez le lecteur ou mû par la vertu de la place et de la dimension des mots.

853. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre troisième »

Volontairement ou à son insu, Luther transigeait ; et, quelque effort qu’il fît pour s’arracher à la doctrine des œuvres et remplacer dans l’homme la vertu par la grâce, il n’osa pas pousser sa logique jusqu’à l’excès, laissant à de plus hardis à en tirer la conséquence extrême, c’est-à-dire l’abolition des oeuvres. […] Calvin n’imagina rien de mieux que d’imposer la vertu par la loi. […] Voilà ce qui fait vivre Calvin, comme écrivain français ; voilà les beaux côtés de cet esprit, auxquels répondent, dans le caractère, cette fermeté, ce courage, ces vertus privées, ce sacrifice de la chair à la vie de l’esprit, qui l’ont rendu digne de gouverner les hommes.

854. (1890) L’avenir de la science « XXII » pp. 441-461

Ô toi qui t’es joué de ma simplicité, je te remercie encore de m’avoir volé la vertu. […] En faisant au scepticisme moral la plus large part   en supposant que la vie et l’univers ne soient qu’une série de phénomènes de même ordre et dont on ne puisse dire autre chose, sinon qu’il en est ainsi   en accordant que pensée sentiment, passion, beauté, vertu ne soient que des faits, excitant en nous des sentiments divers, comme les fleurs diverses d’un jardin ou les arbres d’une forêt (d’où il résulterait comme Goethe et Byron le pensaient, que tout est poétique)   en admettant que, parvenu à l’atome final, on puisse, librement et à son choix, rire ou adorer, en sorte que l’option dépende du caractère individuel de chacun, même à ce point de vue, dis-je, où la morale n’a plus de sens, la science en aurait encore. […] Mais ce qu’il y a de sûr, c’est que la connaissance et la réalisation du beau auront eu leur prix et que la science, comme la vertu, pose dans le monde des faits d’une indiscutable valeur.

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