Sénèques et Lucains du temps, apprenez à écrire et à penser dans ce poëme merveilleux qui fait la gloire de notre nation et votre honte. » Mais il se refuse bientôt à suivre le poète dans cette universalité de talents et d’emplois qu’il affecte ; « Il veut être à la fois poète épique, tragique, comique, satirique et, par-dessus cela, historien, et c’est trop. » Marais a cette idée mesquine et fausse, que j’ai vue à bien des esprits, d’ailleurs sensés et fins, en présence des poètes : « Il va, dit-il, épuiser son génie, et bientôt il n’y aura plus rien dans son sac » ; comme si le génie ou le talent naissant était un sac, et comme s’il n’était pas bien plutôt une source féconde qui s’entretient et qui se renouvelle sans cesse en se versant. […] C’est eux tous qu’il a particulièrement en vue quand il parle des Sénèques et des Lucains modernes. […] Mais parlez-moi des nouvellistes et de ces hommes de détail pour n’avoir pas la vue longue.
Au moment où ils rencontraient l’Apennin, nous étions inondés d’un déluge de pluie, qui, remplissant d’abord les fossés d’irrigation et d’écoulement ainsi que les chemins, faisait des champs situés entre la montagne et la mer de vrais lacs ; puis les nombreux ruisseaux que la route traverse grossissaient à vue d’œil et à grand bruit. […] Mais il y a une autre manière de commentateurs, et ceux-ci fort utiles et particulièrement agréables ; ils ont l’abondance des vues ; un développement naturel, et judicieux ou fin, ne les effraye pas : j’y mettrais en tête le bon Eustathe, le commentateur d’Homère. […] Il semble, en effet, à première vue que Thyrsis, dans les répliques qu’il donne à son rival, s’efforce de renchérir et qu’il se traîne un peu à la remorque.
Ils ont tous (et ceux que je viens de nommer, et les autres qu’ils représentent, moins en vue et plus effacés aujourd’hui), ils ont tous ce point commun d’être gens du monde, de qualité, avant d’être écrivains. […] L’expérience de la guerre et même des intrigues civiles, le voisinage de guerriers éminents tels que M. le Prince et M. de Turenne, ouvraient des vues et donnaient des jours sur les hommes et les événements d’autrefois. […] Saint-Évremond, dans ses vues, est en avant de son siècle pour le drame comme pour l’histoire.
Dans les premiers moments de sa retraite à Veretz, vers 1658, il avait bien pu borner ses vues à mener une vie innocente, confinée en une solitude exacte et entretenue de pieuses lectures ; mais il n’avait pas tardé, disait-il, à comprendre qu’un état si doux et si paisible ne convenait pas à un homme dont la jeunesse s’était passée dans de tels égarements. […] On fit courir dans le temps divers bruits contradictoires, et quelques personnes prétendaient qu’il avait redoublé de frayeur aux approches suprêmes : « S’il a eu, comme on vous l’a dit (écrivait Bossuet à la sœur Cornuau), de grandes frayeurs des redoutables jugements de Dieu, et qu’elles l’aient suivi jusqu’à la mort, tenez, ma fille, pour certain que la constance a surnagé, ou plutôt qu’elle a fait le fond de cet état. » Peu de temps après cette mort, le même Bossuet, qu’on ne se lasse pas de citer et dont on n’a cesse de se couvrir en telle matière, posait ainsi les règles à suivre et traçait sa marche à l’historien d’alors, tel qu’il le concevait : « Je dirai mon sentiment sur la Trappe avec beaucoup de franchise, comme un homme qui n’ai d’autre vue que celle que Dieu soit glorifié dans la plus sainte maison qui soit dans l’Église, et dans la vie du plus parfait directeur des âmes dans la vie monastique qu’on ait connu depuis saint Bernard. Si l’histoire du saint personnage n’est écrite de main habile et par une tête qui soit au-dessus de toutes vues humaines, autant que le ciel est au-dessus de la terre, tout ira mal.
» car il l’avait vue jeter, suivant la coutume, force eau bénite au commencement de l’orage. […] vous n’en auriez pas eu le courage, si vous l’aviez vue alors. […] Mainte fois regardant passer dans la rue Desaugiers qu’il connaissait de vue sans être connu de lui, il avait murmuré tout bas : « Va, j’en ferais aussi bien que toi, des chansons, si je voulais, n’étaient mes poëmes. » Lorsqu’il eut fait pourtant les Gueux, les Infidélités de Lisette, ces petits chefs-d’œuvre de rhythme et de verve qui datent des dernières années de l’Empire, les poëmes durent perdre de leur sel pour lui et les refrains redoubler de piquant et d’attrait.
Que s’il nous trouve un peu osé de venir rattacher si familièrement ses vues à sa personne et à ses motifs, il se rappellera que nous sommes plutôt pour la littérature réelle et particulière que pour la littérature monumentale. […] Tandis que ces personnes de talent brillant et d’imagination vive nous développent des vues générales et des synthèses sur le passé, comment veulent-elles qu’on ne doute pas un peu de la réalité de l’idée, quand on les sait se tromper si à bout portant dans les coalitions qu’elles s’imaginent voir éclore sous leurs propres yeux ? […] Nisard nous semble l’avoir continuée à certains égards dans cet article sur Carrel où de fort bonnes pages et des vues justes sur l’homme sont compromises par une singulière préoccupation de le tirer à soi, et par une dilatation extrême des parties du biographe les moins correspondantes à son modèle.
Tandis que ce grand intérêt occupait toute la Cour, M. d’Aumont ne perdait pas de vue ses prétentions et le désir d’étendre et d’augmenter ses droits de gentilhomme de la chambre. […] Le roi se montra encore bien lui pendant et avant cette saignée ; sa peur, sa pusillanimité étaient inconcevables ; il fit venir du vinaigre qu’il fit mettre sous son nez, disant à la vue du chirurgien qu’il allait se trouver mal, se faisant soutenir par quatre personnes, et donnant son pouls à tâter à la Faculté, et faisant à chaque instant les mêmes questions aux médecins sur sa maladie, sur les remèdes, sur son état. […] Il était médecin de Mme Dubarry depuis sa naissance, et l’avait vue dans toutes les différentes époques de sa vie.
De là le moule classique : il est formé par l’habitude de parler, d’écrire et de penser en vue d’un auditoire de salon. […] Érudition, critique, bon sens, exposition presque exacte des dogmes et des institutions, vues philosophiques sur l’enchaînement des faits et sur le cours général des choses, il n’y manque rien, si ce n’est des âmes. […] Avec la sensation Condillac anime une statue, puis, par une suite de purs raisonnements, poursuivant tour à tour dans l’odorat, dans le goût, dans l’ouïe, dans la vue, dans le toucher, les effets de la sensation qu’il suppose, il construit de toutes pièces une âme humaine.
On peut juger, d’après le récit qu’il a fait de l’origine de sa passion, que Lucretia était la maîtresse du poëte, et non de l’homme : il cherchait un objet propre à fixer ses idées, à leur donner la force et l’effet nécessaires à la perfection de ses productions poétiques, et il trouva dans Lucretia un sujet convenable à ses vues, et digne de ses louanges ; mais il s’arrêta à ce degré de réalité, et laissa à son imagination le soin d’embellir et d’orner l’idole à son gré. […] Il était alors dans sa vingt et unième année, et son père pensa qu’il était temps de l’attacher au lien conjugal ; dans cette vue, il avait négocié un mariage entre Laurent et Clarice, fille de Giacopo Orsini, de la noble et puissante famille de ce nom, qui avait si longtemps disputé à Rome la prééminence à celle des Colonne. Soit que Laurent désespérât du succès de son amour, ou qu’il crût devoir faire céder ses sentiments à la voix de l’autorité paternelle, il est certain que, dès le mois de décembre de l’année 1468, il fut accordé avec une femme que probablement il n’avait jamais vue, et la cérémonie du mariage se fit dans le mois de juin de l’année suivante.
« Cette farcissure est un peu hors de mon thème, disait-il joliment un jour qu’il avait fait un écart un peu fort : je m’égare, mais plutôt par licence que par mégarde ; mes fantaisies se suivent, mais parfois c’est de loin, et se regardent, mais d’une vue oblique… J’aime l’allure poétique, à sauts et à gambades… Mon esprit et mon style vont vagabondant de même230… Je n’ai point d’autre sergent de bande à ranger mes pièces que la fortune : à mesure que mes rêveries se présentent, je les entasse ; tantôt elles se pressent en foule, tantôt elles se traînent à la file231. » Il se couvrait de Plutarque, coutumier aussi de ces « gaillardes escapades », et il avait fini par trouver que ce désordre, qui ne lui donnait pas de peine, était l’ordre même de son sujet. […] S’il veut nous retrancher toutes les passions qui troublent la vie, en éloignant de notre vue les objets de ces passions, c’est qu’il estime au moins la réalité de la vie. […] Il a borné sa vue à la vie présente, dont il a dressé la forme pour satisfaire à toutes les aspirations de sa nature physique, intellectuelle et morale, et de façon que la volupté, la justice, la bonté y fussent commodément logées.
Les vérités y sont données comme des vues. […] Tel est le faible des écrivains à vues : s’il leur vient une idée, fût-elle hors de leur sujet, il n’y a pas de risque qu’ils en fassent le sacrifice. […] La gloire des explications hardies, des vues fécondes mêlées d’erreurs réparables, est restée tout entière à Buffon.
Il ne faut qu’une passion, qu’une coupe de vin pour l’intercepter ; la vue d’un chat, d’un rat, l’écrasement d’un charbon suffit pour l’emporter hors des gonds, comme l’a dit Pascal. […] Ce n’est pas un sentiment passager qui produit la bienfaisance du Chrétien, ce n’est pas la vue seule de l’objet qui excite sa compassion ; c’est la prévoyance, c’est le désir du bonheur général, c’est un amour profond de l’Humanité entiere. […] Nous sommes plus éclairés, dit-on, depuis qu'on a tout soumis au creuset de la Philosophie ; mais ces prétendues lumieres dont on se glorifie, ne sont-elles pas comparables aux flammes d'un incendie, qui ne frappent la vue que pour mieux découvrir leurs ravages ?
Rapprochant les doctrines politiques et philosophiques longtemps professées par ce grand homme de bien, des réformes sociales qui se sont réalisées depuis, il en a tiré des vues justes et neuves. […] Un grand et vrai politique ne doit pas être bon comme un particulier ; il doit agir et gouverner en vue des bons et des honnêtes gens, voilà sa morale ; mais, pour cela, il doit croire au mal et aux méchants, y croire beaucoup et s’en défier sans relâche. […] Dupin, dans son excellent travail, s’est attaché à montrer que Malesherbes ne s’était pas trompé, je ne dis pas en conduite, mais dans les vues, et que sur tous les points capitaux de liberté religieuse, de liberté de la presse, de liberté individuelle, d’égalité en matière d’impôt, cet homme éclairé n’avait fait que devancer les idées que les diverses chartes et constitutions ont mises en vigueur depuis.
Il tira de sa poche une lettre de son père, qu’il composa sur-le-champ conformément à ses vues, la commenta, et conversa avec la même netteté que s’il eut fait une visite ordinaire. […] On annonça le marquis de Lancefoudras, et, sous ce nom formidable, parut hardiment Mirabeau, dont la vue causa une telle émotion à Sophie, que sa mère en devina tout de suite le sujet. […] « En un mot, le désœuvrement, l’agitation d’une santé superflue ; si vous me permettez de parler ainsi, m’ont conduit près de Belinde, que le hasard offrit la première à ma vue, que le voisinage recommandait à ma paresse et qui a le mérite de n’avoir que vingt ans.
André Chénier, dans sa vue plus limitée et tout appliquée aux choses présentes, va dénoncer quelques-uns des plus sérieux dangers, sans les prévoir peut-être aussi grands qu’ils le sont, et sans désespérer encore de l’ensemble. […] L’homme « juste et magnanime » se réveille, et la vue des innocents égorgés corrompt son bonheur. […] A repondue quil entendoit par attaque lorsque le mal est un (peu) plus violent et enpeche dagire A lui demandée a quelle époque il apris le médecin donc il vien de nous parllee et à quelle epoque il a quitté sommé de nous endonné des certificats A repondue que sa famille le certifira que cettoit de tout temps le medecin de la maison A lui demandé sy il montoit sa garde le dix aoust mil sept cents quatre vingt douze A repondue quil la montoit lorsque sa senté le permetoit A lui demandee sy lors du dix oust quatre vingt douze lorsquil à enttandue battre la générale sy il apris les armes pour vollaire au secours de ses concitoyent et pour sauvé la patrie A repondue que non quil étoit en core trop foible A lui demandée quelle est le motife qui lui en a empechée A répondue la faiblesse de sa santée dans ce moment A lui demandée de nous en donnée les preuves par les certificat signiée du cherugien et de la section vus qu’il n’est pas juste dans ses reponce A répondue quil na nent point A lui demandee que veux dire cemot a nous est comme17 quil nen a point A répondue quil na point de certificat cy dessus énoncés A lui représentés quil est un mauvais citoyent de navoir point concourue à la defense de sa patrie vue que les boiteux et infirme on prie les armes et se sont unie sur la place avec tout les bons citoyent pour y défendre contre les courtisans du cidevant Capet et royalliste A repondue quil navoit point assée de force de corp pour le pouvoir A lui demandee sy lord de ceste epoque ses frere et son pere sy etoit rendue avec les citoyent de leur section sur les places defansifs contre les tirand de la Republique sommé de nous dire la vérité A repondue que son pere etoit vieux et étoit employée a sa section et que son frere etoit vice-consulte en Espagne les auttres ne demeurant point a la maison il y gnoroit ou ils étoits A lui demandée ou etoit le domestique quil les servoit ou etoit il le dix oust A repondue quil lignoroit.
Je me souviens qu’un dimanche j’étais monté au sommet d’une colline, d’où la vue s’étendait, presque infinie, sur des terres toutes cultivées où les villages ne semblaient que des points blancs perdus dans la moisson. […] Ils venaient à l’appel de la corne de cuivre, les gars de ferme, un bâton à la main, des brins d’herbe et de la terre encore attachés à la semelle de leurs souliers du dimanche, ils tendaient le bras par-dessus les épines, ils sautaient les talus ; elles venaient aussi, les filles roses, gardeuses de vaches, hébétées de silence, et même les fermières, un peu honteuses d’être vues et pressées de rentrer à la maison. […] Quand un homme écrit en vue d’un public déterminé, il s’asservit inconsciemment à lui ; il en prend les préjugés, les goûts, le langage, les travers, il se condamne à évoluer dans un certain ordre de sentiments et d’idées qui sont ceux d’une coterie, d’une école et d’une mode.
Après l’avoir beaucoup connu, je m’étais éloigné et l’avais perdu de vue pendant près de dix ans. Le retrouvant au printemps de 1846, il avait oublié quelques critiques de moi un peu vives, et me les avait pardonnées ; il me parut aimable, gai, comme il l’était volontiers dans ses bonnes heures, fécond de vues et jeune d’esprit ; et entre autres choses, il me dit ces propres paroles qui étaient une manière d’apologie en réponse à des objections qu’il devinait au-dedans de moi et que je me gardais bien d’exprimer ; je ne donne d’ailleurs l’apologie que pour ce qu’elle vaut : « J’ai reçu de la Providence, me disait-il, une faculté heureuse dont je la remercie, la faculté de me passionner toujours pour ce que je crois la vérité, pour ce qui me paraît tel actuellement.
Renan avait reçu notamment une très vile impression des idées et des vues de Herder ; cette espèce de christianisme ou de fonds religieux supérieur, qui admet toutes les recherches, toutes les conséquences de la critique et de l’examen, et qui, avec cela, laisse subsister le respect, même l’enthousiasme ; qui le conserve et le sauve en le transférant en quelque sorte du dogme à l’histoire, à la production complexe et vivante, le rasséréna et le tranquillisa beaucoup ; il sentait que, s’il eût vécu en Allemagne, il eût pu trouver des stations propices à une étude indépendante et respectueuse, sans devoir rompre absolument avec des choses ou des noms vénérables, et à l’aide d’une sorte de confusion heureuse de la poésie avec la religion du passé. […] Il n’a aucun goût pour l’étude abstraite, pour l’idée en elle-même, séparée comme un fruit de sa tige et considérée isolément ; il n’a de confiance qu’en l’histoire, en l’histoire vue dans sa suite, dans son étendue, une véritable histoire humaine comparée.
Mais je me hâte d’ajouter, en ce qui est des Lettres présentes que, sauf cette veine d’enthousiasme, d’inspiration quand même, de chevalerie monastique à outrance, qu’il est impossible d’en retrancher ou d’en abstraire, et qui en fait la perpétuelle singularité, il y a quantité de vues morales, fines, délicates, exprimées à ravir, et bien des conseils appropriés, — les conditions toujours étant admises et le cadre accordé ; positis ponendis, comme on disait dans l’École. En un ou deux cas, les vues mêmes sont vraies indépendamment du cadre et du lieu.
Le Gouvernement ne doit jamais perdre de vue un citoyen de ce mérite. » Avec Frochot on peut s’en tenir aux apparences directes et aux témoignages publics : homme sincère, il n’y a pas de double fond en lui. […] Mais quelques pensées de lui que nous livre son biographe nous le montrent tel qu’il était alors, bien désabusé au fond de l’âme, vacillant et désorienté dans ses vues, ne croyant plus en la République, présageant avec effroi une prochaine servitude, espérant toutefois contre toute espérance, s’en remettant à l’imprévu et appelant presque un miracle.
Il est une molécule vivante, incessamment excitée et modifiée par l’organisme social dont elle fait partie intégrante ; arrêter la molécule, la monade, au point où on la trouve, la détacher du tout, la soumettre au microscope ou au creuset expérimental, la retourner, la décomposer, la dissoudre, et conclure de là à la nature et à la destinée du tout, c’est absurde ; conclure seulement à la nature et à la destinée de la molécule, c’est encore se méprendre étrangement ; c’est supprimer d’abord, dût-on y revenir plus tard et trop tard, c’est supprimer le mode l’influence que l’individu reçoit du tout, à peu près comme Condillac faisait pour les détails organiques de sa statue, qu’il recomposait ensuite pièce à pièce sans jamais parvenir à l’animer ; c’est, comme lui, par cette suppression arbitraire, rompre l’équilibre dans les facultés du moi et se donner à observer une nature humaine qui n’est plus la véritable et complète nature ; c’est décerner d’emblée à la partie rationnelle de nous-mêmes une supériorité sur les facultés sentimentale et active, une souveraineté de contrôle qu’une vue plus générale de l’humanité dans ses phases successives ne justifierait pas ; c’est immobiliser la monade humaine, lui couper la source intarissable de vie et de perfectibilité ; c’est raisonner comme si elle n’avait jamais été modifiée, transformée et perfectionnée par l’action du tout, ou du moins comme si elle ne pouvait plus l’être ; c’est supposer gratuitement, et le lendemain du jour où l’humanité a acquis la conscience réfléchie de sa perfectibilité, que l’individu de 1830, le chrétien indifférent et sans foi, ne croyant qu’à sa raison personnelle, porte en lui, indépendamment de ce qui pourrait lui venir du dehors, indépendamment de toute conception sociale et de toute interprétation nouvelle de la nature, un avenir facile et paisible qui va découler, pour chacun, des opinions et des habitudes mi-partie chrétiennes, mi-partie philosophiques, mélangées à toutes doses. […] Une pareille vue de la nature humaine est évidemment fausse et incomplète : car elle ne peut donner le passage du moi à la nature extérieure.
Cette idée de nécessité a aussi cela de bon qu’elle doit couper court à tous les regrets, à tous les gémissements rétrospectifs ; que, quelles qu’aient été à nous tous, amis de l’empire dès la première heure, nos vues d’avenir, nos ambitions pour ce régime d’une dictature éclairée et progressive, nos espérances plus ou moins réalisées, plus ou moins déçues, nous n’avons plus qu’une seule idée à suivre, un seul soin à prendre : — entrer sans arrière-pensée de retour dans la nouvelle voie commandée et imposée. […] Tout le monde a lu ce discours éloquent, rempli de grandes vues et animé d’un beau souffle.
Je vous en fais juge : sans parler d’autres merveilles sur lesquelles M. d’Hervart m’obligea de jeter la vue. » Ici perce la pointe de gaieté sensuelle ; mais il revient et ajoute avec une grâce charmante : « Si cette jeune divinité qui est venue troubler mon repos y trouve un sujet de se divertir, je ne lui en saurai point mauvais gré. […] Il y allait, la trouvait hors du logis, et reprenait le coche sans l’avoir vue, alléguant pour excuse qu’elle était à vêpres.
Si incomplète, si superficielle que soit une pensée, si elle est une conquête de notre intelligence, elle est précieuse : car elle crée une habitude, elle prépare la voie à d’autres découvertes, et insensiblement la vue s’exercera à embrasser de plus larges espaces comme à pénétrer au-delà des surfaces. […] Ce mélange continuel de vérité et d’erreur, cette délicatesse de vue brouillée à chaque instant par le parti pris, vous contraindront à une réflexion attentive : il faut prendre le morceau phrase par phrase pour démêler cet écheveau de vérités entrevues et d’erreurs systématiques ; il faut regarder de près les jointures des idées pour apercevoir par quelle fausse liaison l’injustice et l’inexactitude s’insinuent dans cet assemblage si logique et si serré.
« Les interruptions, les repos, les sections, dit excellemment Buffon, ne devraient être d’usage que quand on traite des sujets différents, ou lorsque, ayant à parler de choses grandes, épineuses et disparates, la marche du génie se trouve interrompue par la multiplicité des obstacles, et contrainte par la nécessité des circonstances : autrement, le grand nombre de divisions, loin de rendre un ouvrage plus solide, en détruit l’assemblage ; le livre paraît plus clair aux yeux, mais le dessein de l’auteur demeure obscur ; il ne peut faire impression sur l’esprit du lecteur, il ne peut même se faire sentir que par la continuité du fil, par la dépendance harmonique des idées, par un développement successif, une gradation soutenue, un mouvement uniforme, que toute interruption détruit et fait languir. » La constitution essentielle du sujet marque à l’écrivain les reposoirs naturels, où il peut reprendre haleine, et son lecteur avec lui ; elle délimite les portions où le regard peut successivement s’arrêter, quand le champ total est trop vaste et ne se laisse pas embrasser d’une seule vue. […] Un raisonnement reposera tout entier sur un fait reconnu ou sur une proposition admise, qu’il ne faut jamais laisser perdre de vue : là encore on ne craindra pas de se répéter.
Cette influence, il nous l’a montrée bienfaisante — et restrictive : comment les femmes, par les salons, ont imposé et appris aux écrivains la décence et l’agrément, comment aussi elles ont émoussé l’originalité de quelques-uns et les ont, par trop de souci de l’agrément, détourné de certains problèmes et d’une vue complète de la vie. […] Rien de plus faux ni de plus superficiel que cette vue.
Mais c’est là le contraire de l’entraînement d’un « tempérament », et la vanité, chose toute cérébrale, n’a rien à voir avec l’émotion primesautière de don Juan, quand son regard se croise avec celui d’une femme, qu’il voit désormais seule là où il s’est rencontré avec elle… Ne faisons pas à l’amoureux l’injure de mettre de la vanité dans ce besoin de plaire, de connaître et de posséder, que nous flairons en lui à première vue, odor d’amore. […] Sur le divorce et sur les questions qui s’y rattachent, il a des vues d’excellent moraliste et d’homme d’État.
Blandine et l’Incendie de Rome ne se distinguent guère, à première vue, des autres tragédies chrétiennes et romaines qu’on a écrites chez nous depuis Caligula. […] Comment traiter avec dédain ces femmes que l’on avait vues dans l’amphithéâtre plus sublimes encore que leurs maîtresses ?
Aussitôt il se sent un homme nouveau, sa vue plane, il ne se laisse pas surcharger de ces Loix inutiles que la sottise ajoute aux Loix nécessaires à la société ; il ne se prépare pas des remords en se créant des devoirs arbitraires(a). […] Mais au sein de la retraite, on l’appelle dans le tourbillon du monde ; ceux qui se livrent aux plaisirs tumultueux veulent avoir le suffrage de la présence ; jettez-vous dans le tourbillon, frivoles Ecrivains, qui pour écrire n’avez pas besoin de penser, vous y perfectionnerez cet esprit léger tout fier d’idées sémillantes, il vous faut des éclairs, il vous faut un langage brillant qui puisse servir de voile à vos connoissances superficielles ; promenez-vous avec la folie, vous n’avez rien à gâter ; mais toi homme de génie qui as sçu méditer, poser des principes, affermir ta marche, & comme d’un tronc fertile, en suivre toutes les conséquences, toi qui vois en grand, garde-toi d’asservir tes mâles talens au goût des Sociétés ; elles corromproient ton éloquence, tes vues hardies & sublimes, ton héroïsme vertueux.
L’unité qu’on s’imagine exister dans le pouvoir volontaire et qui est suggérée par l’apparence qu’elle présente à l’âge mûr, alors que nous semblons capables sur le plus petit souhait de produire un acte, est le résumé et le comble d’un vaste ensemble d’associations de détail, dent l’histoire a été perdue de vue ou oubliée183. » Examinons comment se bâtit pièce à pièce l’édifice de notre volonté, en passant en revue les sensations et sentiments de diverses sortes184. L’exercice de nos sens musculaire, organique du goût, de l’odorat, de l’ouïe, du toucher, de la vue ne peut devenir volontaire qu’après de nombreux efforts et des tâtonnements quelquefois infructueux.
Il faut reconnaître cependant qu’il a contribué à donner dans la science une place au principe des localisations, et que, sans avoir lui-même rien découvert, il a provoqué les recherches de ce côté ; il a attiré l’attention sur la complexité de l’organe cérébral, et l’exagération même de ses vues sur le rôle des circonvolutions a été pour quelque chose dans les études plus exactes et plus profondes qui ont été faites depuis. […] Claude Bernard confirment ces vues quant aux sens du goût, et la pluralité des sens du toucher n’est plus un doute pour personne. » Ce qui paraît du reste certain, c’est qu’il est impossible d’admettre autant d’espèces de nerfs qu’il y a d’espèces de sensations, car il en faudrait un nombre infini.
Pour bien faire comprendre cette philosophie, il faudrait pouvoir exposer avec détail et précision toutes ces belles théories, qui resteront dans la science : la théorie de l’effort volontaire, par laquelle Biran établit contre Kant et contre Hume la vraie origine de l’idée de cause ; la théorie de l’obstacle, par laquelle il démontre, d’accord avec Ampère, l’objectivité du monde extérieur ; la théorie de l’habitude, dont il a le premier démontré les lois ; ses vues, si neuves alors, sur le sommeil, le somnambulisme, l’aliénation mentale, et en général sur les rapports du physique et du moral ; la classification des opérations de l’âme en quatre systèmes : affectif, sensitif, perceptif et réflexif ; enfin sa théorie de l’origine du langage. […] Quoi qu’il en soit de ces vues théoriques, revendiquons pour Maine de Biran et pour le spiritualisme français de notre siècle l’honneur d’avoir apporté à la philosophie une idée vivante et nouvelle, l’idée de la personnalité humaine.
Chacun a son point de vue, son optique, son objet d’observation, sa façon de voir ; & cette diversité de vues, de goût, d’objets, &c. dans les voyageurs, varie toujours utilement ou agréablement leurs rélations. […] Quoique ce livre soit d’un très-petit format, il y a certainement plus de choses & de sens, de raison, de philosophie, de vues, que dans beaucoup de gros volumes, où la forme est absorbée par la matiere.
Cette queue impérieuse qui commande à la tête dans tous les partis et qu’il a méprisée l’a, dit-on, accusé d’avoir fait trop belles certaines individualités catholiques, comme si lui, le plus vrai d’impression de tous les historiens, même quand il ne l’est pas d’appréciation raisonnée, ne les avait pas vues telles qu’il les a peintes, absous par cette pureté de vision qui est, hélas ! […] Dargaud, il ne faut pas perdre de vue qu’elle est l’expression et le témoignage d’une philosophie qui trouve aujourd’hui le protestantisme du xvie siècle une superstition tout autant que le catholicisme romain.
Il l’avait vue et il l’avait faite, et cette saine odeur de la poudre qu’il avait respirée avait préservé la vigueur de son esprit, sinon de son âme, des dernières pourritures de la corruption. […] Nous y avons vainement cherché une vue, une opinion, une perspective, en dehors de la donnée correcte et maintenant acceptée de cet esprit, monté en bronze de sa propre main.
Il l’avait vue et il l’avait faite, et cette saine odeur de la poudre qu’il avait respirée avait préservé la vigueur de son esprit, sinon de son âme, des dernières pourritures de la corruption. […] Nous y avons vainement cherché une vue, une opinion, une perspective, en dehors de la donnée correcte, et maintenant acceptée, de cet esprit, moulé en bronze de sa propre main.
Mais nous parlons des voyages pittoresques, individuels, artistiques ou littéraires, de ces dilettanti quelconques qui ont, sur tout, une phrase qu’on a vue quelque part au service de leurs impressions ou de leurs souvenirs. […] IV Et si cela est pour un livre aussi véritablement distingué que celui d’Eugène Fromentin, que ne sera-ce pas pour tous ceux-là qui n’éveillent pas en nous le regret que donne aux esprits de noble origine la vue d’un talent fourvoyé !
Thiers était vue de dos.
C’est une musique de l’esprit qui en entretient la douceur et la délicatesse, et qu’on cultive en vue d’elle-même et de soi-même.
Mais, en venant ajouter à cet ensemble d’études et de vues ses indications nombreuses, à la fois agréables et précises, le livre de M.
Il a fallu la vue intérieure des caractères, la précision, l’énergie, la tristesse anglaise, la fougue, l’imagination, le paganisme de la Renaissance pour produire un Shakspeare.
Parallèlement on a reconnu que la réclame murale faite pour être vue, non lue, comporte les plus brèves et les plus voyantes mentions.
Le bassin du Rhône, par exemple, se découpe à première vue en trois parties qui ont chacune leur caractère particulier : la première, depuis le glacier d’où il sort torrent aux ondes grises et limoneuses jusqu’au point où il entre dans le lac Léman ; la seconde, depuis l’endroit où il y pénètre jusqu’à celui où il disparaît sous terre, étranglé dans une fente de rochers ; la dernière, depuis le moment où il revoit le soleil et peut porter de grands bateaux jusqu’à celui où il se mêle aux flots bleus de la Méditerranée.
A sa fatale vue, D’un plaisir séducteur tu sens ton ame émue : Cet Enfant est pour nous un plus grand ennemi Que ces Monstres hideux dont ton ame a frémi.
Comme on s’écarte d’un point de vue pour le contempler, le moi s’écarte de soi-même, et, s’avançant sur la ligne du temps, il ne saisit dans le passé qu’une image dont la conscience a conservé le reflet, une image qu’une mémoire plus ou moins fidèle présente à sa vue, plus ou moins déformée, privée de vie toujours.
Le ciel qui veut ma mort, et qui l’a suspendue, Mon père, en ce moment, m’amène à votre vue.
À mesure qu’il avance vers le jour, l’empyrée, avec ses tours d’opale et ses portes de vivants saphirs, se découvre à sa vue.
quelle force invincible et accablante de témoignages rendus successivement et pendant trois siècles entiers par des millions de personnes les plus sages, les plus modérées qui fussent alors sur la terre, et que le sentiment d’une même vérité soutient dans l’exil, dans les fers, contre la vue de la mort et du dernier supplice !
Cet abrégé se fait lire avec plaisir, quoiqu’il y ait peu d’ordre, & que l’auteur n’ait presque eu en vue que de compiler ce qui regardoit les Solitaires de Port-Royal & leurs amis.
S’il ne fallait, pour être artiste, que sentir vivement les beautés de la nature et de l’art, porter dans son sein un cœur tendre, avoir reçu une âme mobile au souffle le plus léger, être né celui que la vue ou la lecture d’une belle chose enivre, transporte, rend souverainement heureux, je m’écrierais en vous embrassant, en jetant mes bras autour du cou de Loutherbourg ou de Greuze : Mes amis, son pittor anch’io.
Et vous ne songez pas que ces arbres doivent être touchés fortement, qu’il y a une certaine poésie à les imaginer selon la nature du sujet, sveltes et élégans, ou brisés, rompus, gercés, caducs, hideux ; qu’ici pressés et touffus, il faut que la masse en soit grande et belle ; que là rares et séparés, il faut que l’air et la lumière circulent entre leurs branches et leurs troncs ; que cette terrasse veut être chaudement peinte ; que ces eaux imitant la limpidité des eaux naturelles, doivent me montrer comme dans une glace l’image affaiblie de la scène environnante ; que la lumière doit trembler à leur surface ; qu’elles doivent écumer et blanchir à la rencontre des obstacles ; qu’il faut savoir rendre cette écume ; donner aux montagnes un aspect imposant ; les entr’ouvrir, en suspendre la cime ruineuse au-dessus de ma tête, y creuser des cavernes, les dépouiller dans cet endroit, dans cet autre les revêtir de mousse, hérisser leur sommet d’arbustes, y pratiquer des inégalités poétiques ; me rappeller par elles les ravages du temps, l’instabilité des choses, et la vétusté du monde ; que l’effet de vos lumières doit être piquant ; que les campagnes non bornées doivent, en se dégradant, s’étendre jusqu’où l’horizon confine avec le ciel, et l’horizon s’enfoncer à une distance infinie ; que les campagnes bornées ont aussi leur magie ; que les ruines doivent être solennelles, les fabriques déceler une imagination pittoresque et féconde ; les figures intéresser, les animaux être vrais ; et que chacune de ces choses n’est rien, si l’ensemble n’est enchanteur ; si composé de plusieurs sites épars et charmans dans la nature, il ne m’offre une vue romanesque telle qu’il y en a peut-être une possible sur la terre.
Il ne faut pas croire, en effet, que le christianisme soit une vue nouvelle et particulière sur l’homme et sur le monde, inconnue avant l’avènement de la foi chrétienne. […] Il a des vues historiques très pénétrantes dont il ne fait rien. […] Mais cette vue générale des Allemands occupe beaucoup moins de place dans l’ouvrage même que dans les préoccupations du Français ou de l’Allemand qui le lisent. […] Une autre, et que Mme de Staël a très bien vue, presque trop bien, était que nous ne sommes point des solitaires. […] Ses révoltes contre ses sottises ne concluent pas à une résolution de dévoûment à une grande cause ; elles concluent à une meilleure conduite en vue du succès.
Elles varient avec les auteurs, avec les vues théoriques dont elles s’inspirent, et soulèvent des débats que l’état actuel de la science ne permet pas de trancher. […] Nous ne perdrons donc pas de vue, en les suivant les unes et les autres, qu’il s’agit surtout de déterminer le rapport de l’homme à l’ensemble du règne animal, et la place du règne animal lui-même dans l’ensemble du monde organisé. […] Toutes les pièces en seraient disposées en vue du meilleur fonctionnement possible de la machine. […] Cet espace est donc, avant tout, le schéma de notre action possible sur les choses, encore que les choses aient une tendance naturelle, comme nous l’expliquerons plus loin, à entrer dans un schéma de ce genre : c’est une vue de l’esprit. […] Elle tourne tout autour, prenant, du dehors, le plus grand nombre possible de vues sur cet objet qu’elle attire chez elle, au lieu d’entrer chez lui.
C’est la société vue à tous ses étages. […] Contre l’orchestre s’est formé un quadrille, que de suite a entouré tout le monde, attiré par la vue de la seule jolie femme du bal, une Juive, une jeune Hérodiade, une fleur de la perversion parisienne, un merveilleux type de ces fillettes éhontées qui vendent du papier à lettres dans les rues, à la brune. […] Puis on a lâché une nommée Agar dans ce genre de divertissement… Vous l’avez vue, mon oncle. […] Mais c’est dans la vue compréhensive des images qu’il est surtout extraordinaire. […] De toutes les femmes que j’ai vues, c’est celle que je serais le plus orgueilleux d’occuper, près de laquelle je serais le plus humilié de ne pas paraître un être distingué, enfin par laquelle il me serait le plus dur de n’être pas estimé à ma valeur littéraire.
Et pas une mousmé mignonne ou drôle pour reposer ma vue… Comme je regrette, mon Dieu, de m’être fourvoyé dans cette voiture du peuple ! […] La nature, la vue des choses ont seules donné l’impression à M. […] Le soleil bleu s’agrandissait à vue d’œil ; mais nouveauté aussi singulière que la première, la lumière dont il éclairait cette planète se compliquait d’un certain côté d’une coloration verte. […] C’est des sommets de l’Arc de Triomphe, de Notre-Dame, de l’Opéra, de la Tour Eiffel, qu’il nous indique les grandes divisions et fait prendre aux dessinateurs les vues d’ensemble qui doivent figurer dans son texte, à côté d’autres vues de détail dont le nombre ne monte pas à moins de cinq cents planches. […] C’était celle d’un jeune homme assez beau, mais l’expression de cette figure ne peut se deviner quand on ne l’a pas vue, ni s’oublier quand on l’a vue.
Il fut l’Eschyle des Funambules…… Époque prodigieuse qu’ont vue les titis anciens ! […] Changement à vue. […] La vue du prêtre lui causa donc un étrange saisissement. […] Où diable allez-vous chercher ces images qu’ils n’ont jamais vues ? […] Partout, absence complète de vues.
Ponsard vient de prononcer son discours de réception, a été une des mieux remplies et à la fois des plus complètement littéraires qu’on ait vues depuis longtemps.
Ce petit fait tout littéraire peut donner la mesure de la décision et de la hauteur de vue de nos hommes d’État dans les questions de conflit qui vont se présenter. — L'Académie française, par l’organe de M.
Après douze ou quinze ans d’excès et de catastrophes de tous genres, le public en est venu à ne plus aspirer qu’à quelque chose d’un peu noble, d’un peu raisonnable et de suffisamment poétique ; toutes les pensées suivies et les vues projetées, il y a vingt-cinq ans, ont été interrompues, et la tradition n’en a pas été recueillie par les générations mal guidées, survenues pêle-mêle, et sans aucun lien qui les rattachât à leurs aînées.
Des paysages francs, naturels, des scènes prises sur le fait, une grande vérité de traits et un grand art d’expression dédommagent de l’action un peu absente, et recommandent, à première vue, cette étude qui est, du moins, une haute et noble tentative.
Ces sciences conjecturales, ces sciences à demi occultes sont-elles donc devenues comme la seconde vue de l’histoire ?
Non, à coup sûr ; mais il n’a pas entièrement raison toutefois ; il l’a vue de trop loin, de même que ceux qui y vivent et meurent sans en sortir la voient de trop près.
Elle lit Clélie et mademoiselle Barbier2, joue la comédie et du clavecin, récite après dîner l’Office de la Vierge et son rôle du soir, court les champs vêtue en Amour couleur de rose, avec le cordon rouge de chanoinesse par-dessous le carquois ; attroupe sous sa fenêtre les petits garçons du village pour leur apprendre à lire, et par certaine brochure qu’elle a vue conçoit une antipathie ineffaçable contre Voltaire.
C’est ce dernier mode de perception, moins aisé apparemment à définir, et plus sujet à litige, que paraissent avoir eu en vue, dans leurs plaintes, les directeurs dont nous avons les pétitions sous les yeux.
N’est-il pas évident, à première vue, qu’un tel poème s’adresse à des esprits cultivés ?
m’est inspiré par la vue d’un volume de poésies signées Édouard Pailleron, de l’Académie française.
Vue générale des Poèmes où le merveilleux du Christianisme remplace la Mythologie.
Mais à présent, si vous êtes de bonne foi, vous devez convenir que les divinités du paganisme, lorsqu’elles agissent directement et pour elles-mêmes, sont plus poétiques et plus dramatiques que les divinités chrétiennes. » On pourrait en juger ainsi à la première vue.
Cette coutume de mettre notre existence dans un cercle borne nécessairement notre vue, et rétrécit nos idées.
Il est certain que l’Abbé du Bos est trop diffus ; mais ce défaut ne doit pas empêcher de reconnoître qu’il a eu des vues nouvelles sur bien des objets, & ses réfléxions sont encore très-utiles.
Cette vue n’échappe pas aux penseurs.
… Eh bien, qu’elle entre ; voilà plus de cinq mois que je ne l’ai vue. » Katel se retourna : « Sûzel, monsieur demande que tu entres. […] Cette vue le réjouit. […] s’écria-t-il ; je ne l’ai pas encore vue ce matin. […] Sûzel, à demi effacée derrière cette guirlande, inclinait la tête sous les grosses feuilles vertes, et regardait timidement, à la fois craintive et désireuse d’être vue. […] Fritz, à cette vue, voulut parler ; mais il ne put dire un mot, et c’est le père Christel qui commença : « Monsieur Kobus, s’écria-t-il d’un accent de stupéfaction profonde, ce que le rebbe David vient de nous dire est-il possible ?
Que vient donc faire le roman confectionné, bâclé en vue d’une lecture rapide et expédié en hâte ? […] D’autant que nous voyons tous les jours des erreurs fondamentales, des vues radicalement fausses se couvrir de l’étiquette vénérée de la science, et en imposer même à d’excellents esprits qui en deviennent les complices sincères. […] L’auteur, ayantperdu de vue cette circonstance, se trouve dans la suite en pleine contradiction avec lui-même. […] Une œuvre peut être vraie, peut être écrite avec talent, mais n’être pas morale à la façon dont l’entendent les bourgeois à courte vue. […] Toute œuvre d’art ou de littérature est conçue en vue d’une idée ou d’un objet principal.
Mais l’hypothèse que nous venons de rejeter contenait une vue qui mérite d’être recueillie : n’est-ce pas, aujourd’hui encore, une croyance de sens commun que nous pensons, sinon précisément dans la bouche, au moins dans la tête147 ? […] Mais ce travail, si complexe qu’il soit, se résume en une affirmation simple, toujours la même ; aussi peut-on l’envisager d’une vue synthétique et l’appeler d’un terme simple : le jugement de perception externe. […] Les choses se passent ainsi pour les sensations de la vue et du toucher, où l’étendue, immédiatement donnée avec la qualité et l’intensité, semble appeler la perception externe. […] Il y a de grandes analogies, toute métaphysique mise à part, entre la psychologie de Bain et celle de Maine de Biran ; grâce à cette double influence, le toucher et son complément, sens musculaire, ont pris dans les théories psychologiques modernes une place exagérée, au détriment de la vue et de l’ouïe [ch. […] Cardaillac paraît avoir en vue une sensation proprement dite, signe d’un véritable mouvement musculaire, et non une simple image ; mais je me crois en droit d’appliquer ses remarques à l’image : car, entre une sensation presque imperceptible et son image presque imperceptible, la différence ne peut guère être perceptible.
« Depuis que je t’ai vue pour la première fois, de quel souci constant n’as-tu pas été le suprême objet ? […] Je sortis de mon refuge et je vis Leggiero accompagné d’un individu que je reconnus tout de suite et dont la vue me réconforta. […] Dans les pays non civilisés, on le retrouve encore décidé à ne regarder que ce qui flatte sa vue, à glisser sur le reste. […] Ils ne correspondaient pas, ils s’étaient perdus de vue. […] Aussi m’as-tu souvent vue silencieuse et concentrée, renonçant à toute manifestation incomplète, et espérant en moi-même que la vérité aurait son jour.
Nous avons la date précise dans une page d’album écrite de sa main sous ce titre : Arrivée d’un jeune méridional à Paris ; c’est une description de ses premières et confuses impressions à une première vue, c’est sa satire à lui des Embarras de Paris : « Bientôt courant dans les rues, l’impatient étranger ne sait où passer. […] Voici le tableau : c’est la vallée d’Argelez, vue du prieuré de Saint-Savin. […] Boisserée, qui déduit l’architecture ogivale de l’espèce d’aspiration qu’exercèrent les hautes tours destinées aux cloches sur le reste de l’édifice, cette vue ingénieuse, mais qui n’est qu’un des éléments de la vérité, se trouve exposée plutôt que discutée par M. […] Lui-même, on se demande s’il les a vues, tant il est habile et prompt à les éluder, tant l’on va sur ses pas à la persuasion d’un train facile. […] Notez bien cette pensée : « Il n’y a que des moments dans la vie des peuples, comme dans celle des individus ; » cela ne rappelle-t-il pas la belle description de la vallée d’Argelez vue de Saint-Savin, par où M.
Je hâtai le pas et je gagnai du terrain sur cet objet, qui s’allongea un peu et grossit à ma vue. […] La nuit était la plus belle que j’aie vue de ma vie près du tropique. […] L’éducation leur laisse toujours quelque chose, à ce qu’il paraît, car je ne l’ai jamais vue oublier de se cacher comme une religieuse […] La vue des Gendarmes du roi et des Mousquetaires me fit oublier mon vieux compagnon de route. […] Ensuite, parce que j’étais tourmenté du souvenir de cette première vue, je suis revenu malgré moi à ce point visible, mais incertain.
Les arbres du parc, grands et serrés, arrêtent toute vue de ce côté. […] Je ne suis pas du tout opposé aux exercices gymnastiques en Allemagne, aussi j’ai eu d’autant plus de chagrin en voyant qu’on y a mêlé bien vite de la politique, de telle sorte que les autorités se sont vues forcées ou de les restreindre, ou de les défendre et de les suspendre. […] … De montagne en montagne Flotte l’esprit éternel Qui pressent l’éternelle vie…… Nous nous assîmes de façon à avoir devant nous, pendant notre déjeuner, la vue libre sur la moitié de la Thuringe. — Nous mangeâmes une couple de perdrix rôties, avec du pain blanc tendre, et nous bûmes une bouteille de très bon vin, en nous servant d’une coupe d’or, qui se replie sur elle-même et que Goethe emporte dans ces excursions, enfermée dans un étui de cuir jaune. […] Enfin elles sont parties ; j’ai malgré moi pris mon chapeau et mon mantelet, et je me suis vue poussée dehors, marchant dans la nuit sans savoir où j’allais. […] Je montai plus tard avec Schrœn dans la mansarde de Schiller ; on avait des fenêtres une vue splendide.
Ce n’est point que Richard Wagner ait eu, dès l’abord, la nette vue de ces trois questions ; mais il suffit de se rappeler le tempérament spécial du Maître, pour comprendre que toutes trois sont le développement logique de sa nature. […] « Le symphoniste se rattachait encore timidement à la forme dansante primitive, il ne se hasardait jamais à perdre de vue, fût-ce dans l’intérêt de l’expression, les routes qui le tenaient en relation avec cette forme ; et voici que maintenant le poète lui crie : « Lance-toi sans crainte dans les flots sans limites, dans la pleine mer de la musique ! […] Cependant deux ans plus tard, dans un rapport au roi Louis II de Bavière sur une ecole de musique allemande a Munich (Munich, 1863), Wagner aborde encore la question du théâtre idéal ; mais cette œuvre donne comme une vue d’ensemble sur tous ses travaux antérieurs, et les observations générales sur l’histoire et l’essence de l’art s’y trouvent, nombreuses. […] On leur demande simplement d’accepter la loi théâtrale dès là qu’ils travaillent en vue du théâtre, de renoncer aux coupes de morceaux artificielles et bonnes pour le concert, de suivre le drame pas à pas, sans faiblesse, et de se rapprocher de la vie autant qu’il sera en eux. […] La divine, miraculeuse épée, vue ou nommée, produit en l’âme de Wofan ou de Siegfried une impression spéciale, grande ; à cette impression, toute psychique, répond le motif musical.
Il avait en vue quelque chose de plus complet. […] Le second volume, qui se replie sur Vendémiaire pour s’arrêter au 18 Fructidor, le prodrome éclatant de Brumaire, contient l’échange de Madame Royale, la conspiration de Babeuf, la sordide trahison de Pichegru, et l’histoire, à travers tous les faits, de cette anarchie entre des pouvoirs rivaux que nous avons vue exister depuis dans des gouvernements détruits parce qu’ils étaient impossibles. […] Ceux qui l’ont pratiqué, ceux qui l’ont observé à l’œuvre (et il y était depuis vingt-cinq ans], savaient bien qu’il pourrait avoir plus ou moins de renseignements dans la main, plus ou moins de longueur dans la vue, mais qu’il dirait nettement ce qui lui viendrait, quoi qu’il lui vînt, en présence des faits. […] S’il ne promène pas sur les événements qu’il a devant lui, dans le brouillard ou dans la nuée, la lorgnette de Napoléon, c’est la vue la plus ferme à quinze pas que nous connaissions pour viser une situation donnée et dévisager un caractère. […] Ce lendemain échu et l’Empire sorti des causes qui l’ont si bien caché par leur profondeur même, Cassagnac éclaire rétrospectivement, mais vigoureusement, ces causes tardivement aperçues, et l’on sent, en lisant son livre, le bilan de ces Pouvoirs faillis, une — quasi-Royauté et une République également impossibles, — à quel point, heureusement pour l’avenir de la Monarchie dans le monde, le rétablissement de l’Empire fut à la fois naturel et logique, aussi avant dans la volonté humaine que dans les vues de la Providence.
Elle implique qu’à aucun moment on ne perdra de vue l’idée de réciprocité et que par conséquent on ira sans cesse de Pierre à Paul et de Paul à Pierre, les tenant pour interchangeables, les immobilisant tour à tour, ne les immobilisant d’ailleurs que pour un instant, grâce à une oscillation rapide de l’attention qui ne veut rien sacrifier de la thèse de la Relativité. […] Du moment qu’on a pris S pour système de référence, c’est de là, et de là seulement, qu’est désormais possible une vue scientifique du monde. […] Ne perdons pas de vue cette distinction. […] Il reste physicien, il ne perd pas de vue la nécessité d’obtenir une représentation mathématique cohérente de l’ensemble des choses. […] Mais notre observateur terrestre ne devra jamais perdre de vue que, dans toute cette affaire, lui seul est réel, et l’autre observateur fantasmatique.
La découverte en nous d’un principe trompeur, d’une activité menteresse, peut cependant fournir une vue absolument nouvelle de toute la vie consciente. […] Mais parce que je la savais impossible dans une lettre adressée à moi, cette vue, non accompagnée de croyance ne me causa pas de joie. […] C’étaient des vues prises obliquement à différentes périodes d’une existence. […] Dès qu’il me sentait résistant ou gendarmé, il cédait et passait à des considérations générales ; mais il ne tardait pas, par tout un système de tranchées défilées à mes vues, à rallier ses arguments et à reprendre son offensive. […] On voit ce qui se passe à la surface de sa conscience, tout ce qu’il appréhende immédiatement, et en même temps des vues nous sont ouvertes brusquement sur le courant secret qui la parcourt.
Tant qu’une faible partie de la terre fut ouverte aux peuples de l’Occident, des vues exclusives dominèrent parmi eux. […] C’est elle qui tend à faire tomber les barrières que des préjugés et des vues intéressées de toute sorte ont élevées entre les hommes, et à faire envisager l’humanité dans son ensemble, sans distinction de religion, de nation, de couleur, comme une grande famille de frères, comme un corps unique, marchant vers un seul et même but, le libre développement des forces morales. […] « Rien de plus agréable, écrit-il à Atticus, que cette solitude, rien de plus gracieux que cette villa, le rivage qui est auprès et la vue de la mer. » Il écrit encore de l’île d’Astura, à l’embouchure du fleuve du même nom, sur la côte de la mer Tyrrhénienne. […] Ce contraste, ces vues générales sur l’action réciproque des phénomènes, ce retour à la puissance invisible et présente qui peut rajeunir la terre ou la réduire en poudre, tout est empreint d’un caractère sublime plus propre, il faut le dire, à étonner qu’à émouvoir.
Elle était fille d’un épicier, et se nommait Mlle Lard, vrai modèle d’une statue grecque, et que je citerais pour la plus belle fille que j’aie jamais vue, s’il y avait quelque véritable beauté sans vie et sans âme. […] Je les suivis des yeux jusqu’au bout de la prairie, et j’allais les perdre de vue dans les arbres, lorsque des cris d’allégresse vinrent frapper mon oreille : c’étaient leurs familles réunies qui venaient à leur rencontre. […] Je vis un nuage se répandre sur ma vue, et pendant quelque temps je perdis à la fois le souvenir de mes maux et le sentiment de mon existence. […] Je la pris dans mes bras pour l’enlever. « Soutiens-moi seulement, me dit-elle ; j’aurai peut-être encore la force de marcher. » Je la conduisis lentement jusque dans les noisetiers ; je lui formai un coussin avec des feuilles sèches qu’elle y avait rassemblées elle-même, et, l’ayant couverte d’un voile, afin de la préserver de l’humidité de la nuit, je me plaçai auprès d’elle ; mais elle désira être seule dans sa dernière méditation : je m’éloignai sans la perdre de vue.
Il ne perdit pas un instant de vue qu’il ne formait ni un homme de lettres ni un savant, mais un roi : il apprit au Dauphin tout ce qu’un roi doit savoir, il lui présenta toutes les connaissances par le côté qui pouvait l’aider à faire son métier de roi. […] L’objet qu’on ne doit jamais perdre de vue, c’est d’interpréter la parole de Dieu pour l’utilité du prochain ; il ne s’agit pas d’ignorer la rhétorique, mais de la manier délicatement ; c’est tout un art que de « faire parler Dieu » avec efficacité. […] La Politique tirée de l’Écriture sainte est un livre solide, sensé, d’une réelle largeur de vues. […] Il y a d’excellentes choses, des vues originales, une exposition magistrale dans la Connaissance de Dieu et de soi-même, et dans la Logique, où il mêle avec indépendance saint Thomas et Descartes, suivant surtout son sens personnel de la vérité des choses.
Dans les éloges que nous donnons à Corneille nous avons en vue ses bonnes piéces ; car lorsque l’âge eut glacé son génie, il fut trop au-dessous de lui-même. […] Notre critique avoit en vue les Pastorales de Fontenelle, qui ne sont à la vérité ni dans le goût de Théocrite, ni dans celui de Virgile. […] Rousseau ne le perdit pas de vue. […] Nous n’avons eu en vue que de parler ici des Lyriques qui ont donné un recueil de leurs Odes ; ainsi nous passerons sous silence les Odes de Racine pere & fils, quoiqu’elles soient dignes d’être connues ; l’Ode sur la prise de Namur par Boileau, qui prouve qu’on peut très-bien sentir les beautés de Pindare sans savoir les imiter ; les Odes de M. de Voltaire qui ne sont pas ses meilleurs ouvrages, &c.
Nul ne se refuse cependant aujourd’hui à admettre toutes les conséquences qui résultent de cet élément inconnu, en dépit de Leibniz qui accusa Newton d’introduire « des propriétés occultes et des miracles dans la philosophie. » Je ne vois aucune raison pour que les vues exposées dans cet ouvrage blessent les sentiments religieux de qui que ce soit. […] — Lorsque les vues que j’expose en cet ouvrage et que M. Wallace a également soutenues dans le Linnean Journal, ou enfin lorsque des vues analogues seront généralement admises sur l’origine des espèces, on peut vaguement prévoir qu’il s’accomplira une révolution importante en histoire naturelle. […] Les règles de classement systématique deviendront sans nul doute plus simples, quand nous aurons un objet bien déterminé en vue.
Je lui dis qu’il n’avait été frappé que de l’horreur des supplices sans porter sa vue, en rétrogradant, sur l’énormité de certains crimes qu’on ne peut punir que de mort, et quelquefois d’une mort terrible, suivant les cas. […] En rapprochant ces diverses vues où le bon sens qui vise aux réformes tient compte des faits, on sent qu’il y avait dans Duclos l’étoffe d’un administrateur et jusqu’à un certain point d’un homme politique.
Pour lui, laissant là en arrière ses compagnons et son guide, et retrouvant son sentiment allègre des hautes Alpes, il se met à gravir seul et en droite ligne vers la cime : « Je l’atteignis en peu de temps, et, du bord d’un précipice effroyable, je vis un monde à mes pieds. » C’est ici qu’il entre dans une description parfaite et de ce que la vue embrasse du côté des plaines, et des rangées de monts qui s’étagent en amphithéâtre au midi, et des collines et pâturages plus rapprochés qui s’élèvent du fond du précipice vers la pente escarpée du Pic et forment un repos entre sa cime et sa base : Là, dit-il, j’apercevais la hutte du berger dans la douce verdure de sa prairie ; le serpentement des eaux me traçait le contour des éminences ; la rapidité de leur cours m’était rendue sensible par le scintillement de leurs flots. […] [NdA] Je ne vois pas que Ramond soit nommé dans les Mémoires et la Correspondance de Jefferson, ce qui n’est pas étonnant, Ramond n’étant point alors un personnage en vue.
Ne lui demandez pas les grandes vues militaires ni de stratégie, ni d’embrasser un échiquier bien étendu ; mais dans ce cadre indiqué, il semble un officier accompli, plein de ressources, ayant le coup d’œil et la main, électrisant son monde, combinant l’audace et l’art, et corrigeant la témérité par l’adresse. […] Il ne commanda point en chef avec étendue et dans de grandes proportions : mais, je le répète, il paraît avoir excellé dans certaines parties rares, difficiles et hardies de la guerre, et il en donne leçon, il en tient école autant que cela se peut, et une école brillante, dans ses Commentaires. — J’ai hâte d’en venir à sa conduite aux jours où il est plus en vue, avant et pendant la bataille de Cérisoles, et surtout dans sa mémorable défense de Sienne, qui fut pour lui ce que fut à Masséna sa défense de Gênes.
L’explication que lui donna Montluc, si elle se trouvait dans une histoire ancienne, serait célèbre, et nous la saurions dès l’enfance : Alors, je lui répondis (au roi) que c’était une chose que j’avais trouvée facile ; et comme je le vis affectionné à la vouloir entendre, connaissant qu’il prenait plaisir d’en ouïr conter, je lui dis que je m’en étais allé un samedi au marché, et qu’en présence de tout le monde j’avais acheté un sac et une petite corde pour lier la bouche d’icelui, ensemble un fagot, ayant pris et chargé tout cela sur le col à la vue d’un chacun ; et comme je fus à ma chambre, je demandai du feu pour allumer le fagot, et après je pris le sac, et là j’y mis dedans toute mon ambition, toute mon avarice, mes haines particulières, ma paillardise, ma gourmandise, ma paresse, ma partialité, mon envie et mes particularités, et toutes mes humeurs de Gascogne, bref tout ce que je pus penser qui me pourrait nuire, à considérer tout ce qu’il me fallait faire pour son service ; puis après je liai fort la bouche du sac avec la corde, afin que rien n’en sortît, et mis tout cela dans le feu ; et alors je me trouvai net de toutes choses qui me pouvaient empêcher en tout ce qu’il fallait que je fisse pour le service de Sa Majesté. […] Montluc termine ses mémoires par une grande pensée et comme une vue d’éternité.
Je sais des hommes d’étude et de lecture approfondie qui placent Fleury très haut, plus haut qu’on n’est accoutumé à le faire aujourd’hui, qui le mettent en tête du second 265 rang ; ils disent « que ce n’est sans doute qu’un écrivain estimable et du second ordre, mais que c’est un esprit de première qualité ; que ses Mœurs des israélites et des chrétiens sont un livre à peu près classique ; que son Traité du choix et de la méthode des études, dans un cadre resserré, est plein de vues originales, et très supérieur en cela à l’ouvrage plus volumineux de Rollin ; que son Histoire du droit français, son traité du Droit public de France, renferment tout ce qu’on sait de certain sur les origines féodales, et à peu près tout ce qu’il y a de vrai dans certains chapitres des plus célèbres historiens modernes, qui n’y ont mis en sus que leurs systèmes et se sont bien gardés de le citer ; que Fleury est un des écrivains français qui ont le mieux connu le Moyen Âge, bien que peut être, par amour de l’Antiquité, il l’ait un peu trop déprécié ; que cet ensemble d’écrits marqués au coin du bon sens et où tout est bien distribué, bien présenté, d’un style pur et irréprochable, sans une trace de mauvais goût, sans un seul paradoxe, atteste bien aussi la supériorité de celui qui les a conçus. » Pour moi, c’est plutôt la preuve d’un esprit très sain. […] Voilà l’effet que produisait à première vue Fénelon sur celui qui admirait le plus Bossuet, et qui sortait de passer vingt années auprès de lui.
C’est dans ces limites, chères aux esprits d’élite et aux âmes modérées, qu’il circonscrit ses vues, et qu’il aime à tracer le cercle où il voudrait retenir le plus habituellement, ou faire rentrer le plus tôt possible, l’homme de lettres même de l’avenir. […] Il y a, à cet endroit, de fort belles strophes, et qui expriment énergiquement la protestation de l’antique frugalité à la vue des poursuivants modernes de la richesse et des adorateurs du veau d’or ; j’en veux citer une seule, qui a bien du souffle et de la verdeur : Généreuse aristocratie Des grands cœurs sur terre envoyés, Ô Caton, ô La Boëtie, Fiers de vos indigents foyers !
Il continue et prolonge cette conversation par lettres avec Saint-Vincens, sur les sentiments de différente sorte et les troubles qui agitent une âme à la vue des derniers moments : On ne saurait tracer d’image plus sensible que celle que tu fais d’un homme agonisant, qui a vécu dans les plaisirs, persuadé de leur innocence par la liberté, la durée, ou la douceur de leur usage, et qui est rappelé tout d’un coup aux préjugés de son éducation, et ramené à la foi, par le sentiment de sa fin, par la terreur de l’avenir, par le danger de ne pas croire, par les pleurs qui coulent sur lui. […] Gilbert a rassemblé à ce propos différents passages de ses maximes et de ses caractères, qui se rapportent évidemment à cette situation personnelle ; on le soupçonnait auparavant, on en est sûr désormais : et par exemple dans ce portrait de Clazomène qui est tout lui : « Quand la fortune a paru se lasser de le poursuivre, quand l’espérance trop lente commençait à flatter sa peine, la mort s’est offerte à sa vue ; elle l’a surpris dans le plus grand désordre de sa fortune ; il a eu la douleur amère de ne pas laisser assez de bien pour payer ses dettes, et n’a pu sauver sa vertu de cette tache. » L’amitié si tendre, si familière, que nous voyons établie entre Vauvenargues et Saint-Vincens nous permet de nous figurer en la personne de ce dernier un de ces amis dont La Fontaine avait vu des exemples autre part encore qu’au Monomotapa : Qu’un ami véritable est une douce chose !
C’était donc un homme d’esprit, mais qui, à première vue, payait peu de sa personne : un peu bègue, très myope, toujours questionnant comme s’il n’était pas au fait, il lui fallait quelque temps avant d’être apprécié à sa valeur. […] Ambassadeur à Rome en 1828 et 1829, il écrit de là à Mme Récamier des lettres qui ont de beaux passages, et qui, à travers les infirmités de caractère désormais trop en vue, montrent le talent encore dans tout son plein et dans sa plus grande manière : Rome, mercredi 15 avril 1829.
J’ai souvent pensé que le mieux pour le critique qui voudrait se réserver le plus de largeur de vues, ce serait de n’avoir aucune faculté d’artiste, de peur de porter ensuite dans ses divers jugements la secrète prédilection d’un père et d’un auteur intéressé. […] Il a un goût marqué pour l’époque sacerdotale rétrospective de l’art et de la poésie, non pas la véritable époque primitive, que nul n’a vue ni ne connaît, mais cette époque rêvée après coup par les Alexandrins et les Néo-platoniciens.
Veuillot ne tarda pas à renoncer aux journaux du gouvernement à la tête desquels son talent, apprécié déjà, l’allait placer ; il entra dans les journaux religieux (1842) et bientôt devint à l’Univers le rédacteur principal et le seul en vue, le champion qui, pendant près de dix-huit ans, porta le poids des discussions, des attaques et des colères. […] — Cet autre homme, lui, est chrétien ; il admet la divinité, une émanation plus ou moins directe de la divinité, une inspiration d’en haut dans la vie, dans les actes et les paroles du Christ : mais il se permet de rechercher quels ont été au vrai ces actes et ces paroles ; il étudie les témoignages écrits, les textes ; il les compare, il les critique, et il arrive par là à une foi chrétienne, mais non catholique comme la vôtre : homme pur d’ailleurs, de mœurs sévères, de paroles exemplaires : et cet homme-là, parce qu’il ne peut en conscience arriver à penser comme vous sur un certain arrangement, une certaine ordonnance, magnifique d’ailleurs et grandiose, qui s’est dessinée surtout depuis le ve siècle, vous l’insulterez, vous l’appellerez à première vue blafard en redingote marron !
Mais nous ne prenons pas si méthodiquement les choses ; nous n’accordons pas tant à ces grands desseins qu’on développe sur le papier, à ces vues que les gens d’esprit ne sont pas embarrassés de trouver après coup. […] Veuillot quand il sort de chez lui, quand il perd de vue le clocher desa paroisse, et qu’il vit aux dépens de l’ennemi, fut-ce à nos propres dépens.
Je suppose donc quelqu’un qui ait ce genre de talent et de facilité pour entendre les groupes, les familles littéraires (puisqu’il s’agit dans ce moment de littérature) ; qui les distingue presque à première vue ; qui en saisisse l’esprit et la vie ; dont ce soit véritablement la vocation ; quelqu’un de propre à être un bon naturaliste dans ce champ si vaste des esprits. […] Une très-large part appartiendra toujours à la critique de première lecture et de première vue, à la critique mondaine, aux formes démonstratives, académiques.
Un jour donc, qu’il parlait de l’indécision des hommes, de leur lenteur et de leur résistance à faire ce qu’ils savent même le meilleur et le plus utile, — sur ce qu’il leur faudrait à chacun un démon toujours présent pour les guider, pour les exciter, pour les empêcher, après un éclair de vue supérieure et nette, de retomber dans le tâtonnement, dans le vague et l’obscurité : « Napoléon, s’écrie-t-il tout à coup, c’était là un homme ! […] Voilà pourquoi sa destinée a eu cette splendeur que le monde n’avait pas vue avant lui, et qu’il ne reverra peut-être pas après lui. — Oui, oui, mon bon, c’était là un gaillard que nous ne pouvons pas imiter en cela !
Mathos n’était pas avec cette armée ; on l’alla assiéger dans Tunis, et pour l’avertir du sort qui l’attendait, on mit en croix Spendius et les autres chefs captifs à la vue des assiégés. […] On entendait dans le bois de Tanit le tambourin des courtisanes sacrées ; et, à la pointe des Mappales, les fourneaux pour cuire les cercueils d’argile commençaient à fumer. » J’admire la conscience et le pinceau du paysagiste : mais de même que Salammbô m’a rappelé Velléda, je me rappelle inévitablement ici tant de belles descriptions de l’Itinéraire, et particulièrement Athènes contemplée du haut de la citadelle au lever du soleil : « J’ai vu du haut de l’Acropolis le soleil se lever entre les deux cimes du mont Hymette… » Le panorama de Carthage vue de la terrasse d’Hamilcar est un paysage historique de la même école, et qui accuse le même procédé ; ce qui ne veut pas dire qu’il ne soit pris également sur nature, du moins en ce qui est des lignes principales.
. — Mêlant des idées mystiques et des pensées de l’ordre providentiel à ses observations d’homme politique, il voyait, l’année suivante (1812) et lors de la gigantesque expédition entreprise pour refouler la Russie, il voyait, disait-il, dans « cette réunion monstrueuse » de toutes les puissances de l’Europe entraînées malgré elles dans une sphère d’attraction irrésistible et marchant en contradiction avec leurs propres intérêts à une guerre où elles n’avaient rien tant à redouter que le triomphe, « un caractère d’immoralité et de superbe, qui semblait appeler cette puissance vengeresse nommée par les Grecs du nom de Némésis » et dont le spectre apparaît, par intervalles, dans l’histoire comme le ministre des « jugements divins. » Il lisait après l’événement, dans l’excès même des instruments et des forces déployées, une cause finale providentielle en vue d’un résultat désiré et prévu : car telle grandeur d’élévation, telle profondeur de ruine. […] Singulier mélange, en effet, que cet abbé de Pradt, instruit de tant de choses et qui croyait s’entendre à toutes ; homme d’Église qui l’était si peu, qui savait à fond la théologie, et qui avait à apprendre son catéchisme ; publiciste fécond, fertile en idées, en vues politiques d’avenir, ayant par moments des airs de prophète ; écrivain né des circonstances, romantique et pittoresque s’il en fut ; le roi des brochuriers, toujours le nez au vent, à l’affût de l’à-propos dans les deux mondes, le premier à fulminer contre tout congrès de la vieille Europe ou à préconiser les jeunes républiques à la Bolivar ; alliant bien des feux follets à de vraies lumières ; d’un talent qui n’allait jamais jusqu’au livre, mais qui avait partout des pages ; habile à rendre le jeu des scènes dans les tragi-comédies historiques où il avait assisté, à reproduire l’accent et la physionomie des acteurs, les entretiens rapides, originaux, à saisir au vol les paroles animées sans les amortir, à en trouver lui-même, à créer des alliances de mots qui couraient désormais le monde et qui ne se perdaient plus ; et avec cela oublieux, inconséquent, disparate, et semblant par moments sans mémoire ; sans tact certainement et sans goût ; orateur de salon, jaseur infatigable, abusant de sa verve jusqu’à l’ennui ; s’emparant des gens et ne les lâchant plus, les endoctrinant sur ce qu’ils savaient le mieux ; homme à entreprendre Ouvrard sur les finances, Jomini sur la stratégie, tenant tout un soir, chez Mme de Staël, le duc de Wellington sur la tactique militaire et la lui enseignant ; dérogeant à tout instant à sa dignité, à son caractère ecclésiastique, avec lequel la plupart de ses défauts ou, si l’on aime mieux, de ses qualités se trouvaient dans un désaccord criant ; un vrai Mirabeau-Scapin, pour parler comme lui, un archevêque Turpin et Turlupin.
mais Eugénie surtout l’a séduit, l’a enlevé, pauvre savant solitaire, comme ces nobles figures idéales, ces apparitions de vierges et de saintes qui se révélaient dans une vision manifeste à leurs fervents serviteurs ; il l’a aimée, il l’a adorée, il a poursuivi avec une passion obstinée et persévérante les moindres vestiges, les moindres reliques qu’elle avait laissées d’elle : il les a arrachées aux jaloux, aux indifférents, aux timides ; il a copié et recopié de sa main religieusement, comme si c’étaient d’antiques manuscrits, ces pages rapides, décousues, envolées au hasard, parfois illisibles, et qui n’étaient pas faites pour l’impression, il les a rendues nettes et claires pour tous : le jour l’a souvent surpris près de sa lampe, appliqué qu’il était à cette tâche de dévouement et de tendresse pour une personne qu’il n’a jamais vue ; et si l’on oublie aujourd’hui son nom, si quand on couronne publiquement sa sainte44, il n’est pas même remercié ni mentionné, il ne s’en étonne pas, il ne s’en plaint pas, car il est de ceux qui croient à l’invisible, et il sait que les meilleurs de cet âge de foi dont il a pénétré les grandeurs mystiques et les ravissements n’ont pas légué leur nom et ont enterré leur peine : heureux d’espérer habiter un jour dans la gloire immense et d’être un des innombrables yeux de cet aigle mystique dont Dante a parlé ! […] Je choisis presque au hasard chez elle un premier exemple, un paysage d’hiver, une vue de commencement de janvier dans cette Suisse austère, en face des montagnes : « Ce matin-là rien ne sentait le printemps, rien n’affaiblissait l’âme.
Ceux même qui ne bornent pas leur vue aux horizons terrestres et qui voient par-delà un avenir immortel ne sont nullement insensibles, comme autrefois, aux beautés et aux jouissances naturelles et légitimes : ils ne ferment pas les yeux à ce qui enchante et à ce qui plaît sur cette terre d’exil ; ils ne parlent plus même d’exil, mais seulement de préparation ; ils ne prétendent pas que la pauvreté et la misère soient tellement préférables à leurs contraires qu’il faille hésiter dès ici-bas à les combattre et à les détruire. […] Duveyrier n’ait pas eu présentes, à ce moment, d’admirables pages de Napoléon qui sont, à mes yeux, la définition la plus vivante et la plus imagée que j’aie vue nulle part de la civilisation à l’œuvre et en marche.
On a besoin de l’éloignement et de ne considérer avec sir Henry Bulwer que les principaux actes de la ligne politique de M. de Talleyrand à cette époque, pour rendre la justice qui est due à sa netteté de vues et à sa clairvoyance. […] Talleyrand, rappelé à Paris avant le 10 août, en repartit encore pour Londres vers le milieu de septembre, avec un passe-port de Danton ; en quelle qualité et dans quelles vues ?
Parmi les poëtes les plus en vue d’alors, il est juste de noter ses affinités d’abord décelées pour l’élégante et chaste manière de la muse d’Éloa. […] Marie, je le dirai pour le petit nombre de ceux qui l’ignorent, est une jeune paysanne bretonne, que le poëte a aimée autrefois, dans son enfance, de cet amour de douze ans, le plus vrai, le seul vrai peut-être, puis qu’il a perdue de vue et qui s’est mariée dans le pays.
Les Roches, telles que je les ai vues, ce n’était pas la campagne du Journal des Débats ni d’aucun journal : on n’y parlait point de ces choses. […] Ackermann a publié en 1839 l’Illustration de du Bellay, avec une préface où il commençait l’exposé de ses vues littéraires ; il les a reprises et poussées depuis dans la préface d’un volume intitulé Chants d’Amour (Crozet, 1841).
Cette sincérité est d’un autre ordre ; elle consiste dans les sentiments qu’on exprime, dans l’ensemble des jugements et des vues ; ne pas se louer directement ni indirectement, ne pas se surfaire, ne pas s’embellir ; s’envisager soi et autrui à un point juste et l’oser montrer. […] Sa santé diminue, sa vue baisse, et pour peu qu’elle vive, elle est en train de devenir tout à fait aveugle comme son amie Mme du Deffand.
L’érudit patient est comme le bon artisan du moyen âge qui s’appliquait à bien tailler sa pierre pour la cathédrale future sans savoir où cette pierre serait posée ni si elle serait vue des fidèles, heureux pourtant de collaborer pour son humble part au monument élevé à la gloire de Dieu. Il faut aimer les érudits, leur pardonner leurs petits travers, leurs étroitesses de spécialistes et leur vue de myopes.
Draghicesco, qui exagère ici comme ailleurs les vues éthico-pédagogiques de M. […] Soit ; mais il ne faut pas perdre de vue que l’esprit critique se convertit vite en esprit dogmatique et même cette conversion est inévitable quand il s’agit d’un esprit critique enseigné.
Seuls, Pierre et Jean ne quittèrent pas de vue leur maître. […] Du reste, le troisième évangile renferme, pour l’histoire du crucifiement, une série d’additions que l’auteur paraît avoir puisées dans un document plus récent, et où l’arrangement en vue d’un but d’édification était sensible.
Nous qui l’avons vue dans ses dernières années, et qui avons saisi au passage quelques rayons de cette bonté divine, nous savons si elle avait de quoi y suffire, et si l’amitié ne retrouva pas en définitive chez elle de cette flamme que n’avait jamais eue l’amour. […] [NdA] J’ai eu depuis la satisfaction de retrouver cette vue dans le livre de M.
La conscience de soi enveloppe : 1° la conscience de la totalité de nos activités ; 2° la conscience de l’unité de cette totalité ; 3° la vue anticipée d’une continuation de ce tout-un pendant un avenir plus ou moins incertain. […] L’idée du moi un et simple, en effet, indépendamment de sa valeur objective, offre elle-même une unité subjective, une simplicité idéale : elle est l’équivalent d’un centre indivisible pour la vue.
Chaque peuple, comme nous le dirons bientôt, a une mission à remplir dans les vues de la Providence, et toujours elle lui est révélée, d’une manière intime, par des moyens inconnus. […] Il est facile de découvrir en cela une vue profonde de la Providence, qui a voulu sans doute mettre un obstacle de plus à notre mobilité.
Il n’est pas besoin de commentaire à ces quelques lignes, pour démontrer qu’il y a loin de l’un à l’autre point de vue. […] D’une part, la cathédrale est vue sous l’angle de la Divinité, d’autre part sous l’angle du soleil, car pour l’un, le soleil mystique c’est Dieu, pour l’autre, le dieu réel c’est le soleil, dispensateur de la vie.
Un blousier seul, au milieu d’un groupe, raconte des choses qu’il a vues, en affirmant chacun de ses dires, d’un mouvement qui lui fait passer, à tout moment, un gros doigt devant le nez. […] Là, la vue s’arrête devant un grand brouillard jaune, s’élevant de la Seine qu’on ne voit pas, et dont se détache une sentinelle, qui vous crie : « On ne passe pas ! […] Sur la route dévastée, sous ce ciel fantastique, dans ce paysage aux couleurs, qui ne sont pas les couleurs d’un jour réel, mais des couleurs, qui semblent des colorations d’opale, vues au crépuscule, la prostitution se promène beaucoup. […] Au milieu d’elles, une vieille édentée, dont le menton est plus saillant que le nez, et toute pareille à la sculpture en buis d’une marotte d’un Roi des Fous, que j’ai vue dans une vente, semble promener une folie agitée. […] Maintenant, ajoute-t-il, avec les perfectionnements, avec les lentilles d’un mètre, la vue doit s’approcher bien plus près de l’astre.
Mais il y a pis ; car, en paraissant dans un journal quotidien politique, ces œuvres des grands écrivains servent avant tout d’appât et d’amorce à des doctrines et à des entreprises dont le but principal peut être funeste ou du moins directement opposé aux vues mêmes de ces écrivains.
Grimblot, qui, dans ses missions et ses fonctions consulaires à l’étranger, ne perd jamais de vue la littérature, non content de rapporter du fond de l’Orient toute une bibliothèque sanskrite et sacrée dont il vient d’enrichir, d’armer la science et l’érudition françaises, veut bien lire nos simples essais d’un œil à la fois vigilant et amical, et il m’a souvent aidé par ses bons avis à les rendre moins imparfaits.
Le lendemain, quelqu’un qui les avait beaucoup écoutées écrivit : Il y avait une fois une belle exposition de fleurs à l’Orangerie du Luxembourg ; c’était la plus belle qu’on eût vue depuis bien des saisons.
La mère fut exacte à la chose entendue : Elle amenait l’enfant, et je payais à vue.
Dès le lendemain donc il se rend à Karency, et s’introduit dans le château pour y voir la princesse ; mais, avide qu’il est de sensations fortes, il n’est point assez ému en la voyant ; il semble pressentir que celle qu’il a vue n’est qu’une fausse Agnès.
Nul n’est averti ; hier encore nous l’avons vue… Elle a fui mystérieusement du soir au matin, elle est à Mantes.
Il acheva d’y perdre la vue.
Quand l’imagination est forte et capable de suivre dans leur développement parallèle une double série d’images successives, sans jamais en perdre de vue le rapport, la comparaison initiale aide puissamment à l’invention.
quelle étendue & quelle profondeur dans les vues !
Empiriquement à notre vue l’univers se meut.
Au reste, c’est dans l’Écriture qu’on trouve l’histoire de Caïn et d’Abel, cette grande et première tragédie qu’ait vue le monde ; nous parlerons ailleurs de Joseph et de ses frères.
Celui-ci se forme en cachant avec adresse la partie infirme des objets ; l’autre, en dérobant à la vue certains côtés faibles de l’âme : l’âme a ses besoins honteux et ses bassesses comme le corps.
Si ma poitrine hérissée blesse ta vue, j’ai du bois de chêne, et des restes de feux épandus sous la cendre ; brûle même (tout me sera doux de ta main), brûle, si tu le veux, mon œil unique, cet œil qui m’est plus cher que la vie.
Nous couronnerons ce que nous avons dit sur ce sujet par une vue générale de l’Écriture : c’est la source où Milton, le Dante, le Tasse et Racine ont puisé une partie de leurs merveilles, comme les poètes de l’antiquité ont emprunté leurs grands traits d’Homère.
C’est une seule figure debout ; vue de faces ; un enfant qui tient un arc tendu et armé de sa flèche toujours dirigée vers celui qui le regarde ; il n’y a aucun point où il soit en sûreté.
Voilà ce que nous demandons au lecteur de bien vouloir ne pas perdre de vue.
Aussi construisit-il dans son lougan même160 une case où il logea sa sœur pour la soustraire à la vue du kuohi161.
Je ne pense pas qu’il s’en dégage encore ni une doctrine littéraire, ni une philosophie, ni une vue d’ensemble sur la littérature contemporaine. […] Il nous offre parallèlement une vue optimiste et une vue pessimiste du monde, et conclut que toutes deux sont vraies. […] Son imagination est, d’ailleurs, des plus belles et, sous ses formes brèves, des plus puissantes qu’on ait vues. […] Je le surveillais, il poussait à vue d’œil, il me consternait par ses progrès rapides. […] Il joint à une vue du monde, à des sentiments, à des préférences que les classiques n’eussent point approuvées, toutes les qualités extérieures de l’art classique.
c’est un galant homme auquel je suis promise. » Le lien qui unissait alors Charlotte et Kestner était tout moral et tacite, et Charlotte n’en aurait point parlé ainsi à première vue. […] Cependant, il dit dans ses mémoires que « la mort de Jérusalem, occasionnée par sa malheureuse passion pour la femme d’un ami, l’éveilla comme d’un songe et lui fit faire avec horreur un retour sur sa propre situation. » Mais, dans ses mémoires, il entendait ceci d’un commencement de passion plus récente qu’il croyait éprouver pour la fille de Mme de La Roche, la même personne qu’il avait vue il y avait peu de temps à Coblentz, et qui venait de se marier à Francfort. […] La fin de Werther laissait en vue et livrait aux regards du public un faux Goethe au lieu du vrai, un fantôme creux et trompeur après lequel la foule allait courir, comme Turnus dans le combat s’acharne à poursuivre le fantôme d’Énée qui l’égare, tandis que le véritable héros est ailleurs et dans le lieu de l’action.
Il revient sans cesse à ses dénouements de pièces, en vue du puissant interprète qu’il a dans la main et qui peut pousser plus avant la bataille, la charge à fond de train sur le spectateur, et décider la victoire : « Je brûle de voir l’effet de ce nouveau cinquième acte. […] En restant constamment comme je suis et ce que je suis, je conserve tout ce qui m’est acquis par l’âge : en me mettant en vue, je me mettrais en prise. […] Il est évident, au simple coup d’œil, que les lettres de Ducis n’ont pas échappé au sort commun des publications épistolaires, d’être corrigées et un peu arrangées en vue du mieux.
Nous sommes troublés ou égayés ; nous allons nous lever de notre fauteuil ; puis, tout à coup, la vue de la rampe, les personnages des avant-scènes, tout autre incident, souvenir, sensation, nous arrête et nous maintient en place. […] En fait, l’une chevauche l’autre ; en apparence, elles sont posées bout à bout ; et cette merveilleuse illusion qui, de deux événements réellement simultanés, fait deux événements en apparence postérieurs ou antérieurs l’un à l’autre, est le mécanisme par lequel notre vue s’étend au-delà du présent, pour atteindre le passé et l’avenir. […] Nous pouvons maintenant saisir, par une vue d’ensemble, le procédé qu’emploie la nature pour faire jaillir en nous nos premières et principales sources de connaissances.
Mais à peine a-t-il retrouvé la raison, qu’il la perd de nouveau à la vue d’Hippolyte. […] Admirable vue dans un pays qui ne se prête pas aux fictions, et où cette forme de poésie n’a jamais réussi. […] Mais il importait, pour assurer cette direction de la poésie, de rendre ces grandes vues familières par une critique de détail qui exerçât le goût du public, et qui formât des lecteurs pour les chefs-d’œuvre que l’esprit français allait enfanter.
Le grand événement wagnérien est la reprise, au Concert du Châtelet, de la scène religieuse de Parsifal a (musique du changement à vue, chœurs, Consécration, finale). […] Cette influence fut profonde, mais aussi n’est-ce pas à la surface qu’on en trouvera les traces ; on peut la résumer en ceci, qu’elle élargit et précisa les vues de Wagner, et qu’elle lui infusa de nouvelles forces et une foi toute joyeuse et inébranlable en lui-même, en raffermissant sa foi dans la mission divine, toute puissante, de l’artiste. […] Servières ne m’en voudra point de cette remarque, car sa religion a certainement été surprise sur ce point : il y a là moins une critique qu’un désir formulé en vue des éditions prochaines de son livre, éditions que ce livre mérite et que tous nous lui souhaitons.
A qui pourra-t-on faire croire que, lorsque Wagner s’occupe de la perception de l’œil ou de l’oreille, il ne s’intéresse et ne veut parler que de l’ouïe et de la vue allemandes ? […] L’expérience constate facilement cette double oscillation : d’abord, l’obscurité nous gêne peu à peu, et ne pouvant supporter de « voir » là où tout se dérobe à notre vue, nous fermons les yeux instinctivement, c’est-à-dire que nous fuyons une cécité imposée, pour nous réfugier dans une cécité voulue, naturelle, connue. […] Nous dirons, pour résumer et pour préciser, que la vue est objectivée, et l’audition subjectivée.
Les images simultanées du toucher et de la vue se disposent dans des cercles concentriques dont l’ensemble indéfini forme le monde extérieur ; l’un de ces cercles n’embrasse que notre corps, les autres embrassent les objets voisins de notre corps, les autres des objets de plus en plus éloignés, jusqu’à la voûte du firmament. […] Quand le petit enfant fixe les yeux pour la première fois sur le visage humain, qui sait s’il n’éprouve pas le vague sentiment d’une chose qui n’est pas absolument nouvelle et qu’il a vue comme dans un songe ? […] — A cette question ultime, Wundt répond : C’est la sensation de mouvement ; cette sensation, en effet, est continue, tandis que toutes les autres, comme celles du goût, de l’odorat, de l’ouïe, de la vue, semblent successives et intermittentes ; c’est donc dans la sensation ininterrompue du mouvement que viennent se fondre nos sensations fugitives ; la conscience fondamentale du mouvement est une synthèse de toutes les sensations, et elle fait le fond de la conscience générale, par conséquent du souvenir et de la reconnaissance. — Le fond, est-ce bien sûr ?
Ne tenir compte que de l’étroit cercle lumineux dans lequel nous nous mouvons, vouloir y borner notre vue sans nous souvenir de l’immensité qui nous échappe, ce serait souffler nous-mêmes sur la flamme tremblante de la lampe du mineur. […] Un théorème, d’astronomie nous donne une satisfaction intellectuelle, mais la vue du ciel infini excite en nous une sorte d’inquiétude vague, un désir non rassasié de savoir, qui fait la poésie du ciel. […] … » L’aigle, vers le rayon s’élevant dans la nue, Vit la montagne fondre et baisser à sa vue ; Et quand il eut atteint son horizon nouveau, A son œil confondu tout parut de niveau.