Mais, depuis le moment où le roi de Bavière lui a accordé cet appui qu’il attendait, Wagner, pouvant enfin s’occuper pratiquement au théâtre rêvé, voit, de plus en plus, un autre aspect de la question artistique : la destination morale de l’art. […] La politique et la religion deviennent, dès lors, les deux formes parallèles de la morale wagnérienne. […] Dans cet écrit déjà, Wagner formule la grande loi sacrée et morale qui sera l’objet de Parsifal : « Beethoven, dit-il, a vu la nouvelle religion, la religion de la Rédemption par l’Innocence. » En même temps, sous l’influence de ces doctrines morales. […] L’utilité morale de l’art, son utilité religieuse, son utilité politique, sont la pensée constante de Wagner.
Malgré moi, vous voyez, monsieur, que la morale me gagne : c’est la maladie des gens qui sont presque toujours dans la solitude. […] Ces dates sont à considérer dans l’appréciation morale de Bernis.
Il lisait tous les ouvrages de philosophie, de politique, de législation, de morale et d’histoire les plus autorisés de son temps, Locke, Adam Smith, Bonnet, Montesquieu et les économistes. […] Durant ces premières luttes avec son père sur la profession d’avocat qu’il n’embrassa jamais que provisoirement, il a décrit l’intérieur de son âme et de ses pensées, et a tracé comme sa biographie morale dans des lettres à un beau-frère, M.
Il n’a pas compris qu’il y eût en ce moment une vue morale, une vertu toute nouvelle qui naissait. […] Le christianisme, en effet (c’est là son innovation morale), a inculqué aux hommes un sentiment plus vif et plus absolu de la vérité.
La morale que Mme de Maintenon tira des représentations d’Esther et de l’invasion des profanes fut dorénavant de dire et de redire sans cesse à ses Dames : « Cachez vos filles et ne les montrez pas. » Du passage de Racine et de celui de Fénelon à Saint-Cyr, il résulta (toujours au point de vue de la fondation et du but) plusieurs inconvénients au milieu des grâces. […] En présence de ce monde qu’elle connaissait si bien, ne croyez pas que Mme de Maintenon voulût former des plantes trop tendres, des femmes frêles, ingénument ignorantes et d’une morale de novices, elle avait plus que personne un sentiment profond de la réalité.
Ainsi d’abord elle dédie cet Anacréon au sévère M. de Montausier, comme plus tard son mari dédiera son Épictète au Régent avec toutes sortes de belles paroles de l’Écriture dans la dédicace et en ajoutant, de peur d’y manquer : « En effet, Monseigneur, sans la morale, que serait-ce que la politique ? […] Accoutumée d’ailleurs à révérer l’Antiquité sous toutes ses formes, à reconnaître aux grands hommes, aux grands écrivains du paganisme des qualités et des vertus qui étaient un acheminement vers la morale chrétienne, elle trouvait mieux à concilier les objets de son admiration et de son culte dans la pleine et large doctrine de l’ordre catholique, dans cette voie latine qui ramène encore au Capitole, que dans ces autres voies plus strictes et particulières où la Réforme prise au sens de Calvin l’eût tenue confinée113.
II Lundi, 18 août 1856· Ce n’est pas nous qui nous plaindrons si les lettres de Frédéric et du prince Henri nous les montrent parfois qui se détournent de la politique et du positif des affaires pour discuter sur la morale, sur les divers aspects de la vie, sur la nature humaine, et sur le bien ou le mal qu’on peut en espérer ou en craindre. […] Tels sont encore la plupart des axiomes de morale, lesquels reçoivent une caution plus forte aux yeux de ceux qui croient à une religion.
Nous demandons la permission, ayant à parler de lui, d’en rester à nos propres impressions déjà anciennes, fort antérieures à des débats récents, et de redire, à propos des volumes aujourd’hui publiés, et sauf les applications nouvelles, le jugement assez complexe que nous avons tâché, durant plus de vingt ans, de nous former sur son compte, de mûrir en nous et de rectifier sans cesse, ne voulant rien ôter à un grand esprit si français par les qualités et les défauts, et voulant encore moins faire, de celui qui n’a rien ou presque rien respecté, un personnage d’autorité morale et philosophique, une religion à son tour ou une idole. […] Après que la Révolution eut fait son œuvre de ruine, bien des anciens adorateurs de Voltaire se détachèrent de son culte plus qu’à demi ; ils sentirent le prix des institutions qu’il avait imprudemment sapées ; ils se dirent qu’il les aurait, lui aussi, regrettées comme ils les regrettaient eux-mêmes ; on se rendit mieux compte de ses inconséquences, et, en gardant de l’admiration pour l’esprit inimitable et séduisant, on en vint à le juger avec une sévérité morale justifiée par l’expérience.
En histoire naturelle, en métaphysique, en morale, il se fatigue à découvrir quelque grand principe, et il n’y parvient pas. […] Mais je suis bien fol moi-même de faire un long sermon de morale à un homme à qui je devrais adresser un épithalame… Je mets en regard ce qu’est devenu ce passage sous la plume fertile de La Beaumelle : Malheureusement pour ces espèces d’animaux qui se disent raisonnables, il semble que l’erreur soit leur partage.
Mlle Roxandre, aux traits réguliers, à l’œil tendre, à la voix touchante et mélodieuse (il n’y avait un peu à redire chez elle qu’à la taille), était une Grecque attrayante et persuasive qui avait gardé du charme et des douceurs ioniennes du Bosphore ; elle méritait de s’entendre dire dans sa candeur : « Il n’est pas un de vos regards qui ne soit une pensée. » Mme Swetchine, plus hardie, plus sauvage et d’une séve qui lui arrivait peut-être de par-delà le Caucase, était autrement trempée, autrement avide et d’une ambition morale plus exigeante. […] Stendhal dirait dans une de ses explications à l’italienne : Ce que c’est pourtant qued’avoir de l’âme et des entrailles, et de n’avoir ni amant, ni enfant — Elle a tout analysé, tout scruté (au moins elle le croit) ; ignorante des lois naturelles positives et des méthodes d’observation autant qu’avide et curieuse de tous les mirages de la réflexion morale et des mille explications ingénieuses à la saint Bernard et à la saint Augustin, elle est devenue une femme docteur en matière de sentiment et de spiritualité, de même qu’elle sera bientôt un docteur aussi en matière de conciles œcuméniques : « … Quand vous me dites : Avez-vous éprouvé cela ?
Ce sont de charmants petits Essais de morale que ses lettres à cette date. […] comme cette morale n’a rien de farouche, et comme elle est pratique, pénétrante, persuasive !
pour quelle part entra-t-elle dans la morale des Essais ? […] Il nous débite d’un trait tout son système de morale pratique.
Ma morale, que je recommande en passant, c’est que lorsqu’on a l’avantage d’être contemporain d’un de ces hommes qui portent la joie et l’agrément avec eux, il faut s’empresser d’en jouir. […] Il est plus voisin, par sa date morale, de Mézeray que de Mirabeau.
Je ne crains pas de confier ma pensée à tous ceux qui ont réfléchi sur les principes de la vraie morale. […] On suit avec intérêt ces degrés et comme ces nœuds de formation chez une personne qui est arrivée à la perfection morale ; il y eut des crises à traverser.
Ce défaut, ma chère fille, dans une princesse, n’est pas léger ; il entraîne après soi, pour faire la cour, tous les courtisans, ordinairement gens désœuvrés et les moins estimables dans l’État, et éloigne les honnêtes gens, ne voulant se laisser mettre en ridicule, ou s’exposer à se devoir fâcher, et à la fin on ne reste qu’avec mauvaise compagnie, qui entraîne peu à peu dans tous les vices… Ne gâtez pas ce fonds de tendresse et de bonté que vous avez. (17 août 1774.) » Et encore, — car cette morale générale n’est nullement en l’air et ne vient qu’à propos de rapports très-particuliers : « Ne prenez pas pour humeur ou gronderie ce que je vous ai marqué ; prenez-le pour la plus grande preuve de ma tendresse et de l’intérêt que je prends à vous, de vous marquer tout ceci avec tant d’énergie ; mais je vous vois dans un grand assujettissement, et vous avez besoin qu’on vous en tire au plus vite et avec force, si l’on peut encore espérer de l’amendement. […] Ce critique, en se nommant, s’est fait connaître à moi comme un esprit sérieux et même sévère, qui n’entend pas badiner en matière morale ou historique.
… » C’est qu’en effet n’être rien n’est pas sa vocation ; ses facultés non occupées l’agitent, le dévorent, l’étouffent, lui causent un malaise indéfinissable ; le trop d’activité renfermée simule à ses yeux l’engourdissement et une sorte de paralysie morale ; « (1810)… Dis-moi sincèrement ce que tu penses de moi. […] Les événements du premier Empire ne se réfléchissent guère dans cette Correspondance que par le côté ecclésiastique, par la lutte contre l’Université au sujet du petit séminaire de Saint-Malo, et par la participation morale que prend La Mennais aux affaires générales de l’Église.
Il est fâcheux toutefois que la conception morale ne soit pas embrassée en entier ni poussée à bout ; que le chœur qui débute si magnifiquement se taise bientôt, et nous laisse retomber dans l’incertitude inex tricable des apparences. […] Il s’attachait aux faits, interrogeait les voyageurs, s’enquérait des coutumes sauvages comme des anecdotes les plus civilisées ; s’intéressait à la forme d’une dague ou d’une liane, à la couleur d’un fruit, aux ingrédients d’un breuvage ; il rétrogradait sans répugnance et avec une nerveuse souplesse d’imagination aux mœurs antérieures, se faisait à volonté Espagnol, Corse, Illyrien, Africain, et de nos jours choisissait de préférence les curiosités rares, les singularités de passions, les cas étranges, débris de ces mœurs premières et qui ressortent avec le plus de saillie du milieu de notre époque blasée et nivelée ; des adultères, des duels, des coups de poignard, de bons scandales à notre morale d’étiquette.
On était alors par toute l’Europe dans une effervescence sociale et morale qui n’a d’analogue qu’en certaines époques romaines : « Les femme s de haut lieu et de grand nom, disait Sénèque, comptent leurs années non par les consulats, mais par les mariages ; elles divorcent pour se marier, elles se marient pour divorcer88. » Benjamin, dans ses lettres à madame de Charrière, dans celles de la fin, sur lesquelles nous n’avons fait que courir, parle fréquemment de cette femme et de plusieurs autres encore ; suivant son incurable usage, il ne pouvait s’empêcher de persifler, de plaisanter de l’une ou des unes avec l’autre. […] Au reste, il ne s’agit point, dans tout ceci, de blâmer ou de louer ; je suis moins disposé et moins autorisé que personne à ce genre de morale qui condamne, je crois très-suffisant pour mon compte de me tenir à celle qui observe et qui montre.
Et pourtant elle était dès lors la même ; mais sa nature morale, si complète, savait si bien se régler qu’elle ne semblait pas se contraindre. […] C’est que La Blancherie, ce jeune sage, cet ami de Greuze, avec ses vers, ses projets, ses conseils de morale aux pères et mères de famille, représentait précisément dans sa fleur le lieu commun du romanesque philosophique et sentimental de ce temps-là ; or le romanesque, près d’un cœur de jeune fille, fût-elle destinée à devenir Mme Roland, a une première fois au moins, et sous une certaine forme, bien des chances de réussir.
Tous les dimanches, aux prônes, il se crie des lieutenances et des sous-lieutenances (de saints) : à tant la lieutenance de saint Pierre Si le paysan tarde à mettre le prix, vite un éloge de saint Pierre, et mes paysans de monter à l’envi736. » — À ces cerveaux tout primitifs, vides d’idées et peuplés d’images, il faut des idoles sur la terre comme dans le ciel. « Je ne doutais nullement, dit Rétif de la Bretonne737, que le roi ne pût légalement obliger tout homme à me donner sa femme ou sa fille, et tout mon village (Sacy en Bourgogne) pensait comme moi. » Il n’y a pas de place en de pareilles têtes pour les conceptions abstraites, pour la notion de l’ordre social ; ils le subissent, rien de plus. « La grosse masse du peuple, écrit Gouverneur Morris en 1789738, n’a pour religion que ses prêtres, pour loi que ses supérieurs, pour morale que son intérêt ; voilà les créatures qui, menées par des curés ivres, sont maintenant sur le grand chemin de la liberté ; et le premier usage qu’elles en font, c’est de s’insurger de toutes parts parce qu’il y a disette. » Comment pourrait-il en être autrement ? […] Contagion morale et contagion physique : l’ulcère grandit ainsi par le remède, et les centres de répression deviennent des foyers de corruption.
Il est bien vrai aussi que, dans la tourmente morale qui s’ensuit, plusieurs, renonçant aux doctrines modernes, retournent au giron théologique. […] Cette rencontre en une même compagnie de toutes les opinions et de tous les genres d’esprit vous plaira : ici le rire charmant de la comédie, le roman pur et tendre, la poésie au puissant coup d’aile ou au rythme harmonieux ; là, toute la finesse de l’observation morale, l’analyse la plus exquise des ouvrages de l’esprit, le sens profond de l’histoire.
On invoqua la morale et la pudeur ; on invoqua la renommée même de Mlle de Lespinasse. […] Mon ami, jamais on ne s’est fait voir avec cet abandon. » C’est cet abandon qui fait l’intérêt et l’excuse de cette situation morale, la plus vraie et la plus déplorable qui se soit jamais trahie au regard.
On trouverait de semblables conseils dans un bien vieux poème français, le Roman de la Rose ; c’est une vieille aussi, qui développe à l’un des personnages allégoriques du roman les préceptes de cette exécrable morale tout intéressée. […] Car n’oublions pas qu’au beau milieu de ces Mémoires, et à travers toutes les diversités galantes et amoureuses qui les remplissent et dans lesquelles la personne principale s’est peinte à nous plus qu’en buste, la préoccupation, j’allais dire la chimère d’une éducation morale systématique, y tient une grande place, et, dans l’entre-deux de ses tendres faiblesses, Émilie ne cesse d’y faire concurrence à l’auteur d’Émile.
Ce n’est pas le moment de venir faire de la morale à Voltaire pour un tort si universellement senti, et dont lui-même aujourd’hui aurait honte. […] Il y a dans un siècle de ces courants d’influence morale auxquels on n’échappe pas.
Avec les Mémoires du cardinal de Retz, il semblait que la perfection fût atteinte, en intérêt, en mouvement, en analyse morale, en vivacité de peinture, et qu’il n’y eût plus rien à espérer qui les dépassât. […] Je le crois bien : il y a un degré d’incisif dans l’observation, de révolte dans l’impression morale, et de fougue dans le talent, qui exclut l’adresse et le ménagement politique.
Patin, se mire dans ses peintures comme dans une glace. » Ce qu’on appelle machine, si petite qu’elle soit, n’est point de son fait ; il a l’idée morale et comique, il néglige le ressort. […] Théodore Leclercq a eu bonne part, à sa façon, dans cette guerre alerte, moqueuse, pénétrante, bien française et bien parisienne, qu’on a de tout temps déclarée chez nous aux hypocrites et aux faiseurs de grimaces, aux entrepreneurs de morale ; il a sa place à la suite dans cette liste brillante qui, depuis et avant la Satyre Ménippée, se continue jusqu’à Beaumarchais et au-delà.
Mallet n’était point ainsi : il appartenait à l’école historique et morale qui est exacte et sévère, et qui n’entre point dans ces compositions, dans ces mélanges où l’imagination et une fausse sensibilité, sous de beaux prétextes, se mettent au service des peurs, des lâchetés et des intérêts : Les contemporains et la postérité, disait-il en exposant ses principes et sa méthode de rédaction, doivent sans doute juger une Assemblée législative sur ses actes, et non sur ses discours : ils imitent en cela l’histoire et la loi, qui se borne à prononcer sur les actions des hommes. […] Dès l’abord, on voit que si Mallet est partisan des gouvernements mixtes et des monarchies tempérées ; que si, élevé et nourri dans sa petite république au sein des troubles populaires, il en a conclu que les gouvernements mixtes sont « les seuls compatibles avec la nature humaine, les seuls qui permettent la rectitude et la stabilité des lois, les seuls en particulier qui puissent s’allier avec la dégénération morale où les peuples modernes sont arrivés », on voit, dis-je, que si sa profession de foi est telle, ce n’est pas qu’il méconnaisse le principe puissant et la force transportante de la démocratie : bien au contraire, et c’est pour cela qu’il la redoute : il ne faut pas s’y méprendre écrit-il, de toutes les formes de gouvernement, la démocratie, chez un grand peuple, est celle qui électrise le plus fortement et généralise le plus vite les passions.
je ne sais pas un mot de ce que vous ferez demain, par exemple ; depuis que je vous connais, cela ne m’est point arrivé. » La morale avait fort à souffrir de ces relations qui s’établissaient si aisément et si publiquement dans le monde du xviiie siècle. […] Il faut les ressentir, et ne s’en point venger : voilà ma morale.
Je cours après le temps que j’ai perdu si inconsidérément dans ma jeunesse, et j’amasse, autant que je le puis, une provision de connaissances et de vérités. » Plus tard, bientôt, au lendemain de son avènement au trône, la passion le saisira ; l’amour de la gloire, l’idée de frapper un grand coup au début et de marquer sa place dans le monde le fera, coûte que coûte, guerrier et conquérant ; il semblera oublier ses vœux et ses serments philosophiques de la veille ; il oubliera qu’il vient justement de réfuter Machiavel, il distinguera entre la morale qui oblige les particuliers et celle qui doit diriger le souverain. Pourtant, quoi qu’il fasse, et malgré les transformations ou les échecs que subira sa nature morale première, malgré les démentis et les étonnements qu’elle pourra donner à ceux qui l’auraient jugée plus pacifique et plus pure, c’est sur ces premiers fondements que la force d’âme de Frédéric reposa toujours ; c’est en vertu de l’éducation énergique et de la discipline de ces huit années qu’il demeura constamment l’homme du travail, du devoir et de la patrie.
Au milieu d’une vie occupée de devoirs administratifs ou mêlée au monde, c’était sa forme favorite de poésie morale ou légère. […] En un mot, une remarque ou une pensée morale condensée dans une image.
En outre, l’idée de l’inconnaissable, combinée avec les idées du connaissable, a une influence morale que nous avons déjà signalée ailleurs143 et sur laquelle nous reviendrons un jour dans un travail consacré spécialement aux fondements de l’éthique. […] Voir l’idée moderne du droit et la Critique des systèmes de morale contemporains.
Il est très difficile de définir scientifiquement la vie, même en ses manifestations les plus infimes, à plus forte raison la vie mentale et morale que l’artiste s’efforce de nous rendre présente dans ses œuvres. […] Ce qui fait que la science de la vie morale et du caractère aura peine à sortir de l’état d’enfance dans lequel elle se trouve, c’est qu’elle est réduite, pour toute méthode, à l’observation au lieu de l’expérimentation.
L’art est la création en nos cœurs d’une puissante vie sans acte et sans douleur ; le beau est le caractère subjectif, déterminant choix, par lequel, pour une personne donnée, les représentations sont ainsi innocentes et exaltantes ; l’art et le beau deviendraient donc des mots vides de sens si l’homme était pleinement heureux et pouvait se passer de l’illusion du bonheur, comme on cesserait alors d’y tendre douloureusement, vainement, par la religion, la morale et la science. […] Outre Les Problèmes de l’esthétique contemporaine (1884), et L’Art du point de vue sociologique (1889), il est l’auteur en particulier de l’Esquisse d’une morale sans obligation ni sanction (1884) et de L’Irréligion de l’avenir (1887).
C’est un sceptique, qui sans la politique serait peut-être un athée, un utilitaire de religion, qui met la morale au-dessus de toute religion positive, la morale sans sanction, se payant de ses propres mains ses propres mérites, et se punissant de ces mêmes mains qui n’osent se frapper jamais.
Quel scandale pour la morale publique !
Il est de fait, en outre, que pour une certaine éducation morale, paternelle, un peu aristocratique, et qui continue doucement les traditions du foyer et de la famille, les pensionnats tenus par des Pères plus ou moins jésuites sont incomparablement plus sûrs que les colléges de l’Université : ceux-ci produisent des lycéens bien appris, éveillés, de bonnes manières, et qui deviennent très-aisément de gentils libertins.
Ce qu’il y a de plus sacré dans la morale, ce sont les liens des parents et des enfants : la nature et la société reposent également sur ce devoir, et le dernier degré de la dépravation est de braver l’instinct involontaire qui, dans ces relations, nous inspire tout ce que la vertu peut commander.
Les aspects, les incidents de la campagne sont tellement analogues à cette disposition morale, qu’on serait tenté de croire que la Providence a voulu qu’elle devint celle de tous les hommes, et que tout concourut à la leur inspirer, lorsqu’ils atteignent l’époque où l’âme se lasse de travailler à son propre sort, se fatigue même de l’espérance, et n’ambitionne plus que l’absence de la peine.
Elle disputera au latin les matières de science haute et ardue ; elle prétendra au privilège de traduire les plus graves et les plus nobles idées : histoire, morale, philosophie, théologie, science, tous les genres lui appartiendront un jour, et son extension coïncidera avec l’étendue de l’esprit français.
Indépendant, paisible, il s’est fait de l’exclusion des passions, de la vie intellectuelle et contemplative une philosophie, une morale, un bonheur : sa carrière nous offre l’unité d’une belle existence de savant, tout dévoué à la science et à son œuvre.
Très sommairement, son histoire est celle d’un primitif venu tard et modifié, peu à peu, par l’atmosphère morale de son temps, ressaisi par les inquiétudes spirituelles que nous ont léguées les siècles écoulés.
ses théories sur le théâtre suprême, sur l’union de l’art et de la morale, tout cela rayonne dans ses écrits d’une telle irradiation, que je ne saurais sans altération vous en parler.
La supériorité intellectuelle et morale se résumait à peu près en ceci : « Mépriser la politique et aimer le théâtre. — Connaître au moins de vue et de nom les personnages de “la fête” à Paris. — N’aller déjeuner et dîner que dans les restaurants connus. — Faire semblant d’avoir tout lu. — Savoir tous les potins. — Couper les livres des auteurs qui dînent chez vous. — Dîner beaucoup en ville et aller à la messe. — Retenir d’une exposition les tableaux des gens qu’on rencontre dans le monde. — Éviter le solennel et prendre la vie à la blague. » * * * Étrange société où connaître les gens qui font « la fête » suffit pour conférer un titre d’excellence.
Mais ce qu’il importe de maintenir, c’est que cette curiosité n’a aucune valeur morale immédiate et qu’elle ne peut constituer le savant.
Un homme sans valeur, sans morale, égoïste, paresseux, fera mieux sa fortune, en jouant à la Bourse, que celui qui s’occupe de choses sérieuses.
Histoire, Morale, Métaphysique, Eloquence, Poésie, Mathématiques, Histoire Naturelle, tout a été du ressort de son esprit pénétrant & actif, & dans les différentes matieres qu’il a traitées il ne s’est jamais montré au dessous de son sujet.
N’est-ce pas faire dépendre une vérité morale des conclusions données par la physiologie ?
La pensée est la même dans tous les siècles, mais elle est accompagnée plus particulièrement ou des arts ou des sciences : elle n’a toute sa grandeur poétique et toute sa beauté morale qu’avec les premiers.
Ses ouvrages auraient pris cette teinte morale, sans laquelle rien n’est parfait ; on y trouverait aussi ces souvenirs du vieux temps, dont l’absence y forme un si grand vide.
Les principes de morale où les grecs étoient alors élevez, ne leur permettoient pas d’avoir d’autres sentimens que des sentimens d’aversion pour un spectacle où, dans le dessein de divertir l’assemblée, on égorgeoit des hommes qui souvent n’avoient pas merité la mort.
Ce regard singulier, avec quelque chose de retourné en dedans, pas très net, un peu brouillé, vraiment d’un homme qui voit des abstractions, et qui doit se réveiller pour saisir la réalité, contribuait à lui donner, quand il causait idées, un air de surveiller sa pensée et non son interlocuteur, et ce défaut devenait une espèce de beauté morale.
Philippe II, Henri VIII et Louis XI, n’auraient jamais dû voir Tacite dans une bibliothèque sans une espèce d’effroi. » Si de la partie morale nous passions à celle du génie, quel homme a dessiné plus fortement les caractères ?
« La conversation, disait encore Mlle de Scudéry, est le lien de la société de tous les hommes, le plus grand plaisir des honnêtes gens, et le moyen le plus ordinaire d’introduire non seulement la politesse dans le monde, mais encore la morale la plus pure et l’amour de la gloire et de la vertu. » Saint-Evremond la préférait à la lecture, et Varillas, un historien de profession, disait à Ménage « que de dix choses qu’il savait, il en avait appris neuf par la conversation » ; — « je pourrais à peu près dire la même chose », ajoutait Ménage, un des cerveaux pourtant les plus bourrés du temps. […] Quelques brillants morceaux de description ou de morale, voire de théologie, n’empêchent pas que ce soient des œuvres absolument ennuyeuses et illisibles. […] C’est là ce qui vaut le mieux dans l’œuvre de Mlle de Scudéry : les portraits, trop vantés, sont trop embellis par un art doucereux pour avoir une grande valeur ou morale ou documentaire.
Parcourez la philosophie du temps : même rébellion commençante contre la morale courante. […] Les autres, les plus nombreux, sont obligés d’employer leur talent comme moyen d’existence et pour ceux-ci il faut toujours se demander quel est, en dernière analyse, le groupe qui les paie ; car de sa valeur intellectuelle et morale, de la part de revenus qu’il veut ou peut consacrer à la satisfaction de ses goûts esthétiques dépend en une mesure non négligeable l’orientation des œuvres littéraires. […] Il consiste à proclamer et à rendre les fonctions publiques aussi accessibles au fils d’un ouvrier ou d’un paysan qu’à celui d’un financier ou d’un marquis ; à égaliser le point de départ pour tous les enfants ; à exiger que la place de chaque citoyen dans la société soit en raison de sa valeur intellectuelle et morale.
Il mêle à ses expansions lyriques des didactismes agréables, des leçons de morale antique : Tire un plaisir secret de l’amour et des larmes, De ses molles beautés Découvre sous chacun quelques-uns de ces charmes Qui font la volupté… ……………………………………………………… Sache-le, tu bâtis, sainte et spirituelle, Ta maison dans le vent, Toute blanche, elle est faite avec un bloc puissant Non de plâtre et de chaux, mais de chair et de sang Et de vie éternelle ! […] Il possède des dons très réels d’évocateur, mais il y a encore beaucoup de morale et de philosophie dans ses vers, avec une mélancolie incurable. […] Jusqu’à présent les femmes avaient considéré la passion, la vie, la morale, au point de vue imposé par le mâle.
Le philosophe refuse de mettre « l’art au service de la religion et de la morale. […] Cousin se réduit en dernière analyse à la beauté morale. […] Même doctrine, sauf quelques détails, sur l’essence du beau, sur la nécessité de l’idéal, sur la réduction de toute espèce de beauté à la beauté intellectuelle et morale.
Il est arrivé enfui à comprendre que l’essence de la théologie chrétienne contenue dans le symbole apostolique est la meilleure source d’énergie et de morale. […] Le grand fait de la morale chrétienne ne fut point ce principe qui peut être énoncé par n’importe qui : « ne sois ni fier, ni humble », mais cet autre qui fut en même temps une émancipation : « ici, sois fier, là, sois humble ». […] La Morale des foyers… Il faut la chercher ailleurs Je l’ai trouvé… En allant voir jouer le roi nègre Malikokoab Qui des Blancs mange la chair et les os.
J’ai dit un jour que notre théâtre se mourait d’une indigestion de morale. […] On appelle cela la morale ; non, ce n’est pas la morale, c’est un affadissement de toutes nos virilités, c’est un temps précieux perdu à des jeux de marionnettes. La morale, je vais vous la dire. […] Vivre, la morale est là uniquement, dans sa nécessité, dans sa grandeur. […] Nous autres, gens de peu de morale comme on sait, nous n’en sommes pourtant pas encore à réclamer la chemise.
Il en est de même de l’étude de l’Histoire, bien plus importante que l’autre, puisque c’est l’école de l’humanité & un cours de morale en action. […] Il n’y a point d’histoire où il y ait autant de réfléxions que dans la sienne ; mais sa morale est un peu longue & quelquefois verbeuse. […] Rien ne rebute plus les jeunes gens que la morale présentée de front. […] Il y a des répétitions sans nombre ; une morale longue & souvent puérile, & un défaut de philosophie qui n’est pas excusable dans le siécle où nous vivons. […] Ses réfléxions politiques lui ont fait donner le nom de Tacite de la Flandre, & ses ennuyeuses leçons de morale, l’ont fait nommer par d’autres le Sénéque moderne.
L’Antique morale de la famille. […] Il reste à chercher quelle a été l’action de ces croyances sur la morale dans les sociétés primitives. […] Cette morale domestique prescrit encore d’autres devoirs. […] L’isolement de la famille a été, chez cette race, le commencementde la morale. […] Ajoutons que cette religion nouvelle avait aussi une autre morale.
Nous maintenons à la philosophie, à la morale et à l’histoire leur suprématie. […] L’art n’est immortel que s’il fait prévaloir la nature morale sur la nature matérielle. […] Il eût été aisé d’un peu l’ennoblir par le cœur, et de faire resplendir la beauté morale à travers son enveloppe grotesque. […] Madame Bovary a un pendant digne d’elle par le talent, et qui lui est de beaucoup supérieur par la valeur morale. […] Mais nous ne concevons pas qu’on ait mis ici la morale en cause.
Ce sera une beauté d’expression morale. […] Ce mot, tel qu’il est généralement employé, désigne suffisamment ce que nous voulons dire : on l’emploie en effet de préférence pour désigner la beauté d’expression morale ; il implique à la fois l’émotion, et un certain caractère de beauté dû à cette émotion même. […] Ou bien encore, on pense aux heures exceptionnelles, où par un concours de circonstances particulièrement favorable, bien-être physique, quiétude morale, impressions de nature, stimulation artistique, on s’est trouvé porté en pleine rêverie. […] Cette sorte d’excitation et d’impatience qui fait affluer les comparaisons est portée à son maximum quand il s’agit d’exprimer une souffrance physique intense ou une forte émotion morale, telle que l’admiration, le désespoir ou l’exaltation de l’amour. […] Ce serait là, pour l’art des vers, une tare morale que nulle qualité esthétique ne saurait compenser.
La Boétie mérite donc l’intérêt non seulement des érudits, mais de tous ceux qui s’occupent des lettres au point de vue de la morale et des sentiments les plus chers à l’homme. […] Dans cette amitié entre deux âmes déjà si faites et si égales, il y a ceci pourtant à remarquer que si quelque supériorité semble, d’un côté, c’est plutôt de celui de La Boétie, en ce sens que c’est lui qui exhorte son ami et qui, l’aîné des deux, paraît aussi le plus ferme dans la voie de la vertu et de la pure morale.
Dans un petit écrit intitulé Le Miroir et où il s’agit, en effet, d’une sorte de glace ou de miroir magique dans lequel se voit représenté tout un abrégé de l’âme et de la pensée en général, toutes les façons d’être et de sentir des hommes, tout ce qu’ils sont et ce qu’ils ont été ou ce qu’ils peuvent être, en un mot un raccourci de la nature morale, il a exposé ce que nous appellerions sa philosophie de l’histoire : elle est d’un homme très réfléchi, très éclairé, et dégagé de toute espèce de prévention. […] C’est ici que commence, à proprement parler, le roman : chaque événement va y être détaillé, analysé dans ses moindres circonstances, et la quintessence morale s’ensuivra : « Je ne sais point philosopher, dit Marianne, et je ne m’en soucie guère, car je crois que cela n’apprend rien qu’à discourir. » En attendant et en faisant l’ignorante et la simple, elle va discourir pertinemment sur toutes choses, se regarder de côté tout en agissant et en marchant, avoir des clins d’œil sur elle-même et comme un aparté continuel, dans lequel sa finesse et, si j’ose dire, sa pédanterie couleur de rose lorgnera et décrira avec complaisance son ingénuité.
Ils ont été fort loin en morale et en politique. […] Aladin a un vif désir de savoir et de connaître ; la morale a surtout un grand attrait pour son esprit vif et observateur ; il en voudrait posséder la clef : « Ne pourriez-vous pas, dit-il au Kalender, m’apprendre à connaître les hommes ?
L’impossible aussi pour ceux qui de nos jours posent en principe qu’on ne sait pas écrire en français, et surtout de ces choses de morale et de société, depuis Louis XIV, ce serait de leur faire reconnaître que Senac de Meilhan est un moraliste et un écrivain des plus distingués, qui a de très grandes qualités, de belles parties, et plus que de la finesse, je veux dire de la largeur, de l’élévation, de l’essor. […] La Révolution naissante l’a surpris dans cette disposition morale, et l’y a bientôt confirmé : Pénétré de ces idées, dit-il, je déplorai les fatales lumières du xviiie siècle ; et, prévoyant les malheurs qui devaient résulter de la fermentation de la lie de la nation, je me retirai dans ma terre.
L’Espagne était depuis un siècle dans un accroissement de puissance et d’ascendant qui troublait les conditions d’existence et les rapports naturels des pays voisins, et menaçait tout l’occident de l’Europe ; et en même temps elle apportait dans ses conquêtes politiques un système d’oppression absolue et de machiavélisme pratique qui tendait à pervertir la morale, à nouer tout développement de l’esprit et à déformer l’humanité. […] Henri IV, sauveur du pays et restaurateur de la race et de la morale française, qu’il remet dans son ordre et qu’il fait rentrer dans ses voies, voilà la conclusion et le résultat dans son expression la plus nette.
Quand je me rapprochais du petit nombre de terroristes déguisés qui avaient survécu, j’entendais dire qu’il fallait exterminer le nouveau gouvernement, les émigrés et les étrangers ; quand je me laissais séduire par les opinions modérées et doucereuses des écrivains qui prêchaient le retour à la morale et à la justice, on m’insinuait à la deuxième phrase que la France ne pouvait se passer d’un roi, chose qui me choquait singulièrement. […] Laboulaye et dont rien ne nous avertit, qui constitue, par son absence, une sorte d’infidélité, une inexactitude morale profonde.
Ce contraste du roi le plus sombre et le plus despotique, maître de tant de royaumes, et du cœur républicain le plus brûlant, le plus épanoui, le plus vaste, battant pour toute l’humanité et enveloppant dans son amour le monde entier, avec toutes les races futures, visant à réaliser au plus tôt le bonheur de l’espèce ou par le fils, le royal héritier de tant de sceptres, ou directement par le père même dès qu’il se flatte d’avoir action et prise sur lui, ce contraste une fois admis amenait des scènes d’un grand effet et d’une beauté morale saisissante, toujours à la condition de se laisser enfermer dans le cercle magique du poète. […] Philippe II, ayant besoin d’argent, avait décidé de convoquer les cortès de Castille, et en même temps il voulut que les représentants de la nation reconnussent pour son futur héritier le prince des Asturies, ce don Carlos déjà si compromis de santé morale et physique.
Je ne puis ni ne veux éluder le livre de prose de Théophile Gautier que je considère comme capital dans son œuvre, et qui recèle une physiologie morale toute singulière, Mademoiselle de Maupin, qu’il mit deux ans à composer et qu’il publia en 1836. […] D’où lui vient ce malheur, cette monstruosité morale ?
On était moins pittoresque parmi nous du temps de Corneille ; on mettait en première ligne l’analyse morale intérieure. […] Corneille ne pouvait et ne devait rien présenter d’une pareille épreuve, encore plus matérielle que morale, et à laquelle des imaginations non préparées par la légende se fussent révoltées.
Elle essaye de décrire « le charme d’une prison » où l’on est délivré de tout soin importun, de toute distraction fâcheuse, « où l’on ne doit compte qu’à son propre cœur de l’emploi de tous les moments. » Elle trouve, pour exprimer ce sentiment particulier de quiétude, des paroles qui eussent fait honneur aux anciens sages : « Rendu à soi-même, à la vérité, sans avoir d’obstacles à vaincre, de combats à soutenir, on peut, sans blesser les droits ou les affections de qui que ce soit, abandonner son âme à sa propre rectitude, retrouver son indépendance morale au sein d’une apparente captivité, et l’exercer avec une plénitude que les rapports sociaux altèrent presque toujours. » Elle se plaît à revenir sur cette idée, si chère à sa passion, qu’elle est présentement dispensée de toute lutte, à l’endroit qui lui est le plus sensible, et qu’elle peut s’abandonner sans scrupule et sans danger à une effusion innocente. Dans la sphère morale où elle habite en esprit, elle se dit et se répète avec une sorte de satisfaction délicieuse que si elle est privée de la vue de son ami, c’est par la force des choses et sans que ce soit elle qui le sacrifie : elle est à son égard dans une situation où elle n’a à se faire ni reproche, ni violence.
La température morale n’est plus la même ; le climat des esprits est en train de changer. […] Deschanel, en célébrant, selon le goût du siècle, qui en cela va un peu loin, l’amour et l’adoration des parents pour les enfants, insiste avec raison sur une idée des plus vraies : c’est une bonne habitude morale d’avoir près de soi quelqu’un qu’on aime mieux que soi.
Pour nous, il nous a semblé que dans ce grand dépouillement du passé, qui se fait de toutes parts et sur toutes les existences, c’était peut-être l’occasion de confier au public ce que depuis longtemps nous savions de la vie première, de l’enfance, des débuts et de l’éducation morale du poëte, notre ami, dont le nom se popularise de jour en jour. […] Dans cette crise délicate, il demeura opiniâtrément fidèle à la dignité morale, à la gloire, à la poésie, à l’avenir.
Voilà ce que me faisait inventer de chimérique, comme réforme et premier retour au bien, une morale riante et mondaine, rigide en honneur, en amitié, mais sur le reste accommodante et fragile. […] Arthur marié, puis veuf et libre avec une grande fortune, devient la proie d’une passion qu’il ne fait qu’indiquer en éclairs énergiques, sinistres, d’une de ces passions tardives dont Properce disait : Sæpe venit magno fœnore tardus Amor, et qui le laisse dans un état de consternation et de ruine morale, sujet de ce livre : nous assistons aux diverses phases de la réparation, de la guérison.
Toute la morale se réduit au principe de l’honneur : tous les devoirs se ramènent aux devoirs réciproques du suzerain et du vassal. […] Une littérature religieuse ainsi se forma, en partie traduite, en partie originale, correspondant à la littérature profane, moins riche, mais aussi variée, et couvrant en quelque sorte la même étendue, de l’épopée au fabliau, et du roman à la chronique : récits bibliques ou évangéliques, vies de saints et de saintes, miracles de la Vierge, légendes et traditions de toute sorte et de toute forme, toute une littérature enfin qui, se développant comme la poésie laïque, eut ainsi son âge romanesque, où s’épanouissent à profusion les plus fantastiques miracles, où le merveilleux continu se joue des lois de la nature et parfois des lois de la morale.
Ces Fables, conservées dans des recueils latins qu’on traduisit ensuite en français (comme fit Marie de France dans son Ysopet), furent très goûtées des clercs à qui elles inspirèrent toute une littérature, allégorique, satirique et morale. […] Mais ils ne s’en veulent pas : ils jouent un jeu, où l’un perd et l’autre gagne, et celui qui perd, honteux ou furieux, songe à prendre sa revanche plutôt qu’à venger la morale.
5° Enfin elle a eu assez nettement l’idée de ce que le xviie siècle appellera l’honnête homme : et l’Heptaméron est un livre de civilité et de morale. […] La bonne reine a pris le ton du jour, conté les récits qui plaisaient : de là non pas l’immoralité — c’est trop dire, — mais plutôt l’impudeur hardie de l’Heptaméron, et cette mixture qui nous surprend de dévotion, de gaillardise et de morale.
Elle règle l’ordre des récits, elle discute les points délicats, elle décide les difficultés d’amour et de morale ; sa gravité, sa réputation de vertu, donnent beaucoup de poids à ses avis. […] Quand notre aimable veuve ne prêche pas, ce qui lui arrive trop souvent, et qu’elle ne fait que tirer de ces récits des leçons de conduite mondaine, rien de plus neuf dans les lettres françaises que ces premières applications de la morale universelle au jugement des caractères et des actions.
» La prise et la mort d’Hofer, qu’on laisse fusiller, lui arrachent des paroles de douleur et de haute éloquence morale. […] Dans cette rencontre de deux génies égaux et frères à tant d’égards, et dont l’un juge l’autre, Beethoven conserve manifestement la supériorité morale.
En même temps qu’elle réussissait, sans trop de peine, à faire ainsi de son fils une petite-maîtresse, elle s’attachait à lui inculquer les principes et l’art du courtisan, et elle semble avoir réduit à ce point toute la morale : Écoutez, mon fils, lui disait cette petite-fille amollie du chancelier de L’Hôpital, ne soyez point glorieux, et songez que vous n’êtes qu’un bourgeois… Apprenez de moi qu’en France on ne reconnaît de noblesse que celle d’épée… Or, mon fils, pour n’être point glorieux, ne voyez jamais que des gens de qualité. […] Proposez-lui de traiter la morale en action ou la Légende dorée, et dites-lui d’en tirer de quoi faire concurrence aux contes des fées de Mme d’Aulnoy ou de Perrault ; il est homme à tenir la gageure.
Il montre les gens d’esprit, les gens riches trouvant la noblesse insupportable, et si insupportable que la plupart finissaient par l’acheter : « Mais alors commençait pour eux un nouveau genre de supplice, ils étaient des anoblis, des gens nobles, mais ils n’étaient pas gentilshommes… Les rois de France guérissent leurs sujets de la roture à peu près comme des écrouelles, à condition qu’il en restera des traces. » Cette cause morale, la vanité, qui fut si puissante alors dans la haine irréconciliable et l’insurrection de la bourgeoisie excitée par les demi-philosophes, est démêlée et exposée par Rivarol avec une vraie supériorité. […] Il les montre possédés d’une manie d’analyse qui ne s’arrête et ne recule devant rien, qui porte en toute matière sociale les dissolvants et la décomposition : Dans la physique, ils n’ont trouvé que des objections contre l’Auteur de la nature ; dans la métaphysique, que doute et subtilités ; la morale et la logique ne leur ont fourni que des déclamations contre l’ordre politique, contre les idées religieuses et contre les lois de la propriété ; ils n’ont pas aspiré à moins qu’à la reconstruction du tout, par la révolte contre tout ; et, sans songer qu’ils étaient eux-mêmes dans le monde, ils ont renversé les colonnes du monde… Que dire d’un architecte qui, chargé d’élever un édifice, briserait les pierres, pour y trouver des sels, de l’air et une base terreuse, et qui nous offrirait ainsi une analyse au lieu d’une maison ?
Pour le peindre comme il était et dans tout la contradiction de sa morale et de son humeur, il suffit, de dire que, pendant que se négociait cette paix d’Utrecht ou de Rastadt, il lui arriva de soutenir à milord Stafford que Louis XIV aspirait à la domination universelle et de se battre avec un Français qui l’avait trouvé mauvais. […] La morale à tirer d’une étude sur le caractère de Bonneval est bien celle-ci : Que de belles et brillantes facultés perdues, égarées, tournées à mal, par un défaut, par un travers, par un ressort trop brusque et cassant, dont la détente part à l’improviste, et ne se laisse pas diriger !
Ici commença, dans l’esprit du maréchal, une lutte morale sur laquelle il faudrait lui-même l’entendre : d’un côté, un ami, un bienfaiteur, le plus grand capitaine dont il avait été de bonne heure l’aide de camp et l’un des lieutenants préférés, mais ce grand capitaine, auteur lui-même de sa ruine, qui semblait déjà consommée ; de l’autre, un pays qui criait grâce, une situation politique désastreuse dont, plus éclairé que beaucoup d’autres, il avait le secret, et dont il envisageait toutes les extrémités. […] Deux considérations agissaient surtout sur l’esprit de Marmont : donner à ce gouvernement une force militaire et morale qui lui permît de compter près des Alliés, et obtenir pour Napoléon déchu des conditions meilleures.
Ce signalement que nous donne Choisy de l’abbé de Cosnac au physique, répond bien à ce qu’il se montre dans le courant de ses Mémoires : n’y cherchez pas d’élévation, aucune idée morale, distincte de l’intérêt et du désir d’arriver ; entré domestique, comme on disait alors (et sans idée de défaveur), auprès du prince de Conti, il ne songe qu’à plaire à son maître, à lui devenir agréable, utile, puis nécessaire, et à s’y procurer ses propres avantages. […] La littérature et la morale y trouveraient leur place.
Ces deux époques de sa vie sont séparées par une espèce de crise et de maladie morale qui est curieuse à observer et qui donne la clef de sa nature. […] Les éditeurs crurent pourtant devoir y faire quelques suppressions, et la veuve de Bernardin de Saint-Pierre, en particulier, demanda avec instances, avec larmes, au possesseur des lettres de lui permettre d’en détruire cinq ou six qui présentaient sous un jour trop triste la situation morale du grand écrivain.
S’il prit à Franklin sa morale toute fondée sur l’utilité, ce fut sans y mettre le sourire. […] Quelle différence d’impression morale, au milieu d’une précision scientifique semblable ou même supérieure !
Thomas Rhymer juge Othello : « La morale de cette fable est assurément fort instructive. […] Ce qui ne l’empêche pas de s’occuper de vous, spectateur ou lecteur, de vous faire de la morale, de vous donner des conseils, et d’être votre ami, comme le premier bonhomme La Fontaine venu, et de vous rendre de petits services.
Si l’on ôte de beaucoup d’ouvrages de Morale l’Avertissement au Lecteur, l’épître dédicatoire, la préface, la table, les approbations, il reste à peine assez de pages pour mériter le nom de livre. […] Rabelais surtout est incompréhensible : son livre est une énigme, quoi qu’on veuille dire, inexplicable ; c’est une chimère, c’est le visage d’une belle femme avec des pieds et une queue de serpent, ou de quelque autre bête plus difforme ; c’est un monstrueux assemblage d’une morale fine et ingénieuse, et d’une sale corruption : ou il est mauvais, il passe bien loin au-delà du pire, c’est le charme de la canaille : ou il est bon, il va jusques à l’exquis et à l’excellent, il peut être le mets des plus délicats.
L’emphase brusque et mélancolique de Bernard Lazare, les paradoxes de morale dionysienne de Hugues Rebell, l’érudition appliquée et impartiale de Robert de Souza, la virulence orfévrée de Laurent Tailhade, l’impertinence amusée et la finesse de Mme Rachilde, la subtilité de M. […] Brunetière, en prenant le contre-pied des idées du critique de la Revue des Deux Mondes ; il songe trop à l’utilité morale de l’art.
Le travail de haute observation statistique et morale que M. Thierry suppose ne se fît pas exactement comme il le dit, dans cette tête déformée de kalmouck, ivrogne et superstitieux, dont les hordes ne devaient colporter ni dieux, ni morale, ni gouvernements à l’ancien monde, mais il n’est pas douteux que la bête humaine qui pataugeait au fond d’Attila n’eût flairé la jouissance romaine, et que l’envie d’y toucher ne se fût éveillée !
Et sans doute, — encore que l’exiguïté des cités grecques ait laissé plus d’une empreinte sur la morale même de leurs philosophes, — l’effort d’une pensée personnelle, devançant les temps, est capable de franchir les bornes des milieux sociaux les plus étroits ; mais pour que l’idée conçue, de personnelle, devienne collective et descende dans les masses, n’importe-t-il pas que les transformations de ces mêmes milieux lui préparent les voies ? […] Ce n’est pas par hasard que, suivant Denis, la morale antique au temps d’Alexandre devient à la fois universelle et plus personnelle.
. — Grave symptôme de décadence morale 97 XXVI. — Études catholiques et universitaires. — Portrait de Villemain. — Parallèle avec Guizot et Cousin. — M. de Genoude 100 XXVII. — Accident au Tréport. — Voyage de la reine d’Angleterre. — Réponse d’Edgar Quinet à l’archevêque de Paris 109 XXVIII. — Madame Sand dans son Berry. — Départ de Balzac pour la Russie. — Mort de la fille et du gendre de Victor Hugo. — Affreuse catastrophe. — Vers de Victor Hugo. — Le discours du cardinal Pacca. — Sénilité fleurie. — Notes de mon voyage à Rome 113 XXIX. — Un Catéchisme, par M.
Sa morale est celle que nous savons ; il nous répète avec un charme nouveau ce qu’on nous a dit mille fois, nous fait repasser avec de douces larmes ce que nous avons senti, et l’on est tout surpris, en l’écoutant, de s’entendre soi-même chanter ou gémir par la voix sublime d’un poète.
Il corrige donc les caractères des dieux, des héros, leurs actions brutales, leurs injurieux discours, la prolixité des descriptions, la négligence des redites, tout ce qui choque la morale, la politesse, le goût d’un siècle éclairé.
Il les aime comme le peuple le plus sérieux d’allures, le plus préoccupé de morale et aussi comme celui qui a le plus complètement réalisé son rêve de la vie élégante et riche.
Je vous contesterais absolument Descartes ; je vous ferais remarquer que je ne trouve nulle part en ce temps-ci le mode d’argumentation de Pascal et surtout sa morale chez ceux qui se disent orthodoxes ; enfin vous auriez à m’expliquer pourquoi Bossuet considérait Malebranche comme le plus dangereux des novateurs et sa doctrine comme un scandale.
Mais, quand je réfléchis, je reconnais que le devoir est un absolu ; on ne saurait faire plus que son devoir et par conséquent, en bonne morale, nul ne doit être admiré.
Les jeunes revues provinciales ont eu une influence littéraire autant que morale.
On ne fera pas mal d’y joindre un livre où la morale & la métaphysique sont heureusement alliées.
Mais la morale publique, monsieur, la sixième chambre !
C’est ainsi qu’à relire, on se compare à soi-même, on note les hausses et les décadences — plus souvent celles-ci — de sa sensibilité ; les pertes et les gains — plus souvent ceux-ci — de notre intelligence générale et de notre intelligence critique, et l’on trace ainsi les courbes de sa vie intellectuelle et morale.
Il l’eût été facilement en sensibilité morale, car on croit fort bien du sentiment la sensualité qui a la séduction des larmes, et il l’aurait été tout aussi aisément en politique, car entre Tartuffe et celui qui a dit : Paris vaut bien une messe, ou : C’est mardi que je fais le saut périlleux, y a-t-il vraiment autre chose que l’épaisseur de quelques mots ?
Du reste, même à part cet esprit pénétrant et éloquent qui l’anime, il n’est pas uniquement un chef-d’œuvre de discussion, de renseignement, de vue morale.
De l’autre côté, il s’applique à la didactique morale et à l’allégorie, mais là aussi la personnification lui vient en aide, et, de même que tout à l’heure il trouvait un esprit pour ses corps, de même il trouve ici un corps pour ses esprits.
De la physique poétique Après avoir observé quelle fut la sagesse des premiers hommes dans la logique, la morale, l’économie et la politique, passons au second rameau de l’arbre métaphysique, c’est-à-dire à la physique, et de là à la cosmographie, par laquelle nous parvenons à l’astronomie, pour traiter ensuite de la chronologie et de la géographie, qui en dérivent.
Dans tout ce qui n’est pas la science nous en sommes, il faut avoir le courage de le dire, à l’anarchie : philosophie, morale, histoire, poésie, roman, théâtre, l’anarchie a tout envahi. […] D’autres jours, c’est la morale qui prend le dessus et déploie une rigueur inflexible. […] De nos jours, les foules, qu’elles soient noblesse, bourgeoisie ou peuple, ont la gloriole de ne plus se laisser prendre aux beaux yeux de la morale spéculative. […] Les Spartiates avaient un secret analogue pour éloigner leurs enfants du vice, et la Morale en action les en loue. […] Sa pièce ne se développe pas sur un modèle donné, d’après des règles générales d’ordonnance et de symétrie, elle se développe dans l’ordre naturel des faits avec la pensée qui en est le lien, le début et la conclusion morale.
Toute sa philosophie politique et morale est dans le regret et l’angoisse qu’il éprouve à les voir séparées. […] D’ailleurs, il n’est pas très facile de résumer la philosophie morale de Bjœrnson. […] La notion même du crime est étrangère aux simples données scientifiques ; elle est de nature morale et sociale. […] Pour cela, il était aussi l’indulgence même, pourvu qu’on eût choisi entre des solutions de qualité morale. […] Et elle enseigne une morale de sérénité, de calme, de lucide rêverie.
Plusieurs questions intéressantes et sur le goût et sur la morale sociale se rattachent, d’ailleurs, de très-près aux variations de sa renommée, et peuvent relever, agrandir même un sujet qui semblerait périlleux par trop de grâce. […] Pour ne pas avoir l’air d’éluder le jugement littéraire, même en telle matière où la question morale et sociale domine tout, nous dirons une bonne fois que n’avoir lu la Bible, comme le fit Parny, que pour en tirer des parodies plus ou moins indécentes, c’était se juger soi-même et (religion à part) donner, comme poëte, la mesure de son élévation, la limite de son essor. […] Quoique le goût et la morale ne soient pas exactement la même chose, il pouvait sembler piquant de trouver si rigoriste sur le chapitre des doctrines littéraires celui qui l’avait été si peu tout à côté.
VI C’est un grand malheur que les premiers éditeurs d’Horace, au commencement de l’imprimerie, aient divisé ses œuvres par genres, odes, épodes, satires, épîtres, au lieu de les diviser par dates, car il ne les écrivit pas par genres, mais par dates : aujourd’hui une ode, demain une épître, le jour suivant une épode, puis une satire, puis un billet en vers, selon qu’il était en veine d’amour, de morale, de malice, de philosophie ou d’amitié. […] Les discours en vers de Voltaire sont ce qui ressemble le plus, dans nos littératures modernes, aux épîtres du poète latin : une morale prodigue de préceptes merveilleusement alignés dans ces vers faciles, et des retours personnels sur sa propre vie privée qui font le charme des confidences poétiques. […] La salubrité morale doit-elle être plus tolérante que la salubrité municipale ?
Les règles de leur littérature théâtrale, règles puisées dans la religion plus que dans l’art, révèlent, dans ces temps reculés, de profondes notions sur la manière d’émouvoir, d’intéresser, de tendre et de détendre l’esprit des hommes rassemblés, et de les faire sortir de ces représentations dans un état d’édification morale où le plaisir même profite à la sainteté. […] Une réflexion puissante vient-elle à jaillir de la profondeur de la contemplation ou de la force de la situation ; le poète a-t-il à réduire en sentences énergiques une morale élevée ; se livre-t-il à une imagination aussi exubérante que le ciel, le sol et le climat de l’Inde ; s’élance-t-il jusqu’à la plus grande hauteur de l’expression poétique pour rendre la délicatesse de la passion, le charme de la sensibilité, le pathétique de la pensée, la fureur de la colère, l’extase de l’amour ; en un mot, tout ce que l’âme humaine a d’émotions terribles et profondes : alors la prose de l’écrivain devient de plus en plus cadencée, et, par des modulations qui suivent les ondulations et les transports de la passion, elle s’élève peu à peu jusqu’à une diversité infinie de rythmes, tantôt simples, tantôt compliqués, brefs ou majestueux, lents ou rapides, harmonieux ou véhéments ; et cette diversité même rend souvent le théâtre indien tout aussi difficile à étudier que celui d’Eschyle et de Sophocle, également riche, également fécond en jouissances et en difficultés que les langues modernes ne connaissent pas. […] Ainsi, par une analogie aussi morale que physique entre les impressions de l’œil et les impressions de l’esprit, analogie tout à fait conforme à l’harmonie que la nature a établie entre nos différents sens, et entre ces différents sens et notre âme, il y a dans cette littérature une gamme de style, comme une gamme de couleurs, et comme une gamme de sons ; en sorte que les genres de style adoptés par tel ou tel écrivain peuvent se caractériser d’un mot, en style bleu, style rouge, style rose, style jaune, style gris, comme nous caractérisons nous-mêmes, par une analogie d’une autre espèce, nos genres de style, en style élevé, style bas, style brûlant, style tempéré, tant l’esprit humain a besoin d’images pour se faire comprendre.
Nous constatons donc à la fois un accroissement d’énergie, d’instruction, de valeur morale chez l’individu et une perversion du goût chez la collectivité. […] Car notre jeune personne n’a pas l’intention d’abandonner le foyer paternel ; elle a de solides principes de morale, et, en se vouant à l’art dramatique, elle a la conviction qu’elle restera sage ou qu’elle se mariera un jour superbement, comme tant d’autres, et qu’elle demeurera une femme du monde, avec la gloire en plus. […] Je n’ai pas la prétention de vous dire en quel état nous vous les laisserons, mais cependant il y a un des aspects de notre situation morale qui, après vingt-cinq ans de luttes, d’angoisses, de troubles, de discussions ardentes, commence à se montrer assez clairement.
Évolution des Êtres, Évolution de la Philosophie, Évolution de la Morale, Évolution de la Famille, Évolution du Mariage, que sais-je encore ? […] Nous montrerions de la même manière que c’est aussi ce qui fait l’immoralité de sa morale. […] Les ouvrages anciens et modernes qui traitent des sujets de morale, de politique ou de science, prouvent évidemment les progrès successifs de la pensée, depuis que son histoire nous est connue. […] Il a continué l’œuvre de Villemain, sans y rien ajouter d’essentiel ; et plus préoccupé de morale que son maître, je craindrais, si j’avais à le juger, qu’il ne l’eût plutôt rétrécie qu’élargie. […] Ma curiosité, mon désir de tout voir, de tout regarder de près, mon extrême plaisir à trouver le vrai relatif de chaque chose et de chaque organisation, m’entraînaient à cette série d’expériences, qui n’ont été pour moi qu’un long cours de physiologie morale.
La bassesse gagne jusqu’aux philosophes : des hommes à longue barbe, d’une morale austère, d’un triste maintien, se montrent, sans pudeur, au milieu des fêtes licencieuses de la cour. […] « Tous ces beaux axiomes de morale que Sénèque a dictés, ajoutent quelques-uns de ses détracteurs, c’est une sottise de croire qu’il les ait pratiqués. […] Que nous importe la contradiction vraie ou fausse de la conduite de Sénèque avec sa morale ? […] L’un dira : « La morale de Sénèque est toujours présentée sous les fleurs d’une diction précieuse et recherchée. […] L’antiquité ne nous a point transmis de cours de morale aussi étendu que le sien243.
. — Il n’avait pas de plus haute ambition que d’illustrer le drame par excellence de la foi : la vie de Jésus ; et, comme la signification morale qu’il entendait donner à ses tableaux ne détruisait pas en lui le goût de la recherche exacte, il résolut de partir pour la Palestine. […] Elle n’est certainement pas la foi à telle ou telle révélation, à telle ou telle morale : elle est le sentiment profond des mystérieux rapports qui subsistent entre l’âme humaine et l’inconnu de tous les êtres, elle est l’effort d’une pensée inquiète et doutante pour s’élever à l’intelligence du suprême mystère et à l’universelle compassion : « Action inouïe ! […] Garibaldi a une grande puissance morale, et il exerce un immense prestige, non seulement en Italie, mais surtout en Europe. […] — Non, ce n’est pas l’infériorité qui me décourage, c’est une tache, une tache morale… « — Et que t’importe ? […] Après avoir fait cet aveu à son oncle de Sellon (8 août 1829), il ajoute : « Nous devons cependant conserver les apparences ; mais il est très pénible de feindre quand on est persuadé qu’on a raison. » Un peu plus tard, il confesse à une de ses tantes qu’en relisant la Bible il a été « frappé de la divinité de la morale de l’Évangile ».
Oui, Malherbe eût pu gâter La Fontaine dont le charmant mérite, au contraire, est d’avoir ce qui fait vivre la poésie, ce qui la rend toute moderne, toute française, toute familière et usuelle à chacun, pour la morale, pour les sentiments, pour les images puisées directement autour de lui, dans la campagne et dans la nature. […] On a voulu impliquer la reine Marie de Médicis dans l’attentat qui lui ravit, à la France et à elle, son héroïque époux : une réfutation morale qui suffirait (s’il en était besoin), c’est la manière dont Malherbe, cet homme de sens, ce clairvoyant et probe témoin, lui parle de Henri IV, le lendemain de cette lamentable mort. […] Pourtant, une certaine délicatesse morale qui nous est venue, et qui est un fruit de la civilisation, fait qu’on répugne au chant dans de telles luttes. […] Il accordait à Racan de traiter en vers un sujet fort laid, fort ignoble, une polissonnerie de page ; sa morale et son goût ne s’en effarouchaient pas.
Ce qu’il lui manque, nous le dirons avec la même franchise et du premier mot, c’est la philosophie, c’est la conscience, c’est la grande politique, c’est le génie de la morale publique dominant le génie de l’ambition, de la conquête et de la fortune. […] Il faut être philosophe, ou tout au moins honnête homme, car toute histoire digne de ce nom doit être un cours de morale en action. […] Le mot fameux de Mirabeau : La petite morale tue la grande, est le sophisme d’un ambitieux. […] Ce n’est plus là l’histoire morale dont nous parlions tout à l’heure, c’est l’histoire populaire, c’est l’histoire soldatesque, c’est l’histoire écrite sur l’affût d’un canon, au point de vue de la vanité nationale et non au point de vue de la justice universelle ; c’est, selon nous, un point de vue très incomplet.
Cette occupation sied parfaitement à mon âge ; elle est plus que toute autre chose en harmonie avec ce que je puis avoir fait de louable dans ma vie publique ; rien de plus utile pour l’instruction de mon pays. » Après cette introduction, les amis s’asseyent pour écouter Cicéron, qui commence ainsi : XVIII « Socrate me paraît être le premier, et tout le monde en tombe d’accord, qui rappela la philosophie des nuages et des mystères pour l’appliquer à la conduite morale des hommes et lui donner pour objet les vertus ou les vices ; il pensait qu’il n’appartient pas à l’homme d’expliquer les choses occultes et qu’alors même que nous pourrions nous élever jusqu’à cette connaissance, elle ne nous servirait de rien pour bien vivre. » Il définit ensuite la philosophie pratique de Socrate et la philosophie spéculative de Platon, et il parsème son analyse de ses propres axiomes philosophiques à lui-même. […] Ce n’est pas, comme dans Platon, l’imagination, c’est la raison divinement parlée, qui divinise par sa plume la morale. […] Avez-vous une plus haute philosophie morale, une plus saine raison, une plus solide vertu, un plus beau style ? […] Antiochus me le rappelle, et c’est la seule école que je fréquente. » Viennent ensuite des définitions admirables de l’âme, de ses facultés, de ses vertus, filles, dit-il, de notre liberté morale telles que la prudence, la tempérance, la force, la justice, la modération, l’abnégation, le sacrifice de soi-même aux autres, tout ce dont se compose aujourd’hui encore le code de l’homme parfait.
Buffon les a admirablement décrits dans l’espèce de guerre morale qu’ils se livrent l’un à l’autre. […] « Si vous avez un ami riche, heureux, entouré des biens les plus désirables de la terre, ne devenez ni trop pauvre, ni trop délaissé du monde, ni malade sur un lit de douleurs ; car cet ami, tout bon qu’il sera, vous ira visiter une fois ou deux, et la troisième il remarquera que le chemin est long, que votre escalier est haut et dur, que votre grabat est infect, que votre humeur a changé ; et il pensera, en s’en revenant, qu’il y a au fond de cette misère un peu de votre faute, et que vous auriez bien pu l’éviter ; et vous ne serez plus désormais pour lui, au sein de son bonheur, qu’un objet de compassion, de secours, et peut-être un sujet de morale. […] Viguier, l’un des maîtres les plus distingués et les plus délicats de l’ancienne École normale, à qui j’avais dédié l’une des pièces (la IIe) du Recueil, après m’avoir remercié cordialement, après m’avoir dit : “Ce n’est pas un livre, c’est encore cette fois une âme vivante que vous m’avez fait lire ; telle est votre manière : entre votre talent et votre manière morale il y a intimité” ; ajoutait ces paroles que j’aurais dû peser davantage et dont j’ai vérifié depuis la justesse : « Voilà donc une phase nouvelle, un autre degré de l’échelle poétique et morale.
C’est le calcul arithmétique de Bentham transporté de la morale dans l’esthétique. […] Alfred Fouillée, Critique des systèmes de morale contemporains : la morale esthétique, p. 326. […] Alfred Fouillée, Critique des systèmes de morale contemporains.
Almanach en morale que ces Proverbes, comme les poésies lyriques sont des Almanachs des Muses ou des Grâces en vers. […] Il n’avait pas plus le génie du cœur que l’autre génie… Il y a dans son Voyage à Rome une aventure d’amour — vertueux — avec une jeune et ravissante Milanaise, qui peint trop bien Gœthe pour que je ne la raconte pas en cette étude sur sa nature intellectuelle et morale, c’est-à-dire sur la valeur absolue de cet homme si étrangement et si prodigieusement surfait. […] Chapitre VIII : résumé Eh bien, c’est cet imperturbable sérieux, qui se retrouve partout dans la vie de Gœthe et que tout le monde a gardé avec Gœthe, même quand il hasarde des bouffonneries de cette force… d’étoiles, c’est ce sérieux qui a fait de Gœthe ce qu’il est, — c’est-à-dire une momie morale, qui n’a jamais vécu et dont on veut faire un grand homme ! […] La morale et protestante Allemagne eût accepté la situation, comme elle l’a acceptée de cet homme à qui tout fut permis, même d’être ridicule, sans perdre de son effet de dignité.
Tous deux, stoïciens et épicuriens, invitent à « suivre la nature » ; cependant leur morale théorique réciproque diffère toto cælo. […] Une manière de logique du cœur s’est substituée à cette logique formelle impuissante à contenir le bouillonnement profond de nos pensées intimes, et la certitude morale que dégage celle-là passe de beaucoup la certitude démonstrative de celle-ci. […] C’est une vie morale qui s’élabore, qui prend pleine conscience d’elle-même et se fixe dans des conceptions déterminées. […] Revue de métaphysique et de morale.
Et puis voilà des éclats de rire, la lassitude qui s’oublie, le sommeil qui s’en va et la nuit qui se passe à causer. » Il y a encore une autre conversation où il lui explique toute la valeur de ce mot je vous aime ; c’est un petit chef-d’œuvre d’analyse morale exquise, assaisonnée d’épigrammes et nuancée de volupté.
Tel fut Eugène ; il mérita d’être compté au nombre des premiers disciples du maître dont il embrassa la foi, et maintenant il reçoit au milieu de nous la récompense de ses mérites. » Eugène fut un théologien du premier ordre ; né dans la religion juive, il ne passa point ses premières années au milieu de cette indifférence convenue et de cette tiédeur morale qui est la plaie de tant de familles chrétiennes.
Mais on se les représente voyant passer la vie, comme ils regardent couler le ruisseau qui rafraîchit leur climat brûlant, et l’on finit presque par leur pardonner d’oublier la morale et la liberté, comme ils laissent échapper le temps et l’existence.
On voit avec peine ces marques de ressentiment à côté des plus belles leçons de morale & de philosophie.
Mais laissons-là la peinture, mon ami, et faisons un peu de morale.
Or, pouvons-nous dire que Labutte voit juste, dans l’acception la plus modeste de ce mot, quand, par exemple, il parle de l’enthousiasme des croisades, la grande-passion mystique du Moyen Âge, avec le dédain rabougri qui l’appelle insolemment une espèce de contagion morale , par peur du mot peste apparemment ?
Et son progrès, d’ailleurs, est aussi vague que son État lui-même, cet État qui n’est pas seulement une force, comme il le dit à la page xxii de la préface, mais une séduction, un prestige, une impulsion morale et variée.
L’homme qui la lui donna était Louis Wihl, l’auteur des Hirondelles 34 et du Pays bleu 35, le poète dont nous allons parler ; Louis Wihl, l’homme le mieux fait pour assister Heine à son heure dernière, car il était son parent par l’esprit, le talent, la faculté poétique, et il était son supérieur par la foi en Dieu, les grandes croyances gardées, la droiture morale de la vie, et, tronc solide, il était bien en droit d’offrir à la liane qui allait s’abattre un dernier appui.
Sur ce dernier point nous nous sommes appesanti plus particulièrement dans un article intitulé : Le paralogisme psychophysiologique (Revue de métaphysique et de morale, novembre 1904).
De tout cela ensemble, dut naître un mélange de beautés et de défauts, de négligence dans le style et de grandeur dans les idées, quelquefois toute la force et toute l’impétuosité du zèle religieux, quelquefois toute la faiblesse d’une morale froide et monotone, ce qui peut souvent frapper l’imagination, ce qui doit souvent révolter le goût.
» Il insistait sur l’importance des idées religieuses, sur leur influence morale, leurs jouissances touchantes, « indépendantes du pouvoir des hommes et des coups du sort », les consolations dont elles sont pour les âmes à travers les inégalités des conditions et les vicissitudes de la vie : « Leur besoin est senti surtout par les peuples en révolution : alors il faut aux malheureux l’espérance ; elles en font luire les rayons dans l’asile de la douleur, elles éclairent la nuit même du tombeau, elles ouvrent devant l’homme mortel et fini d’immenses et magnifiques perspectives. […] Vous ne devez pas seulement les souffrir, vous devez les protéger tous, parce que tous entretiennent la morale, parce que tous sont utiles aux hommes… » Aucun secours direct de l’autorité civile, à la bonne heure ! […] — Oui, il pouvait se trouver parmi nous quelques royalistes d’opinion, il pouvait s’y trouver quelques hommes qui, méditant dans le silence du cabinet sur notre Constitution nouvelle, croyaient y apercevoir quelques imperfections, qui soupçonnaient qu’un pouvoir exécutif, placé dans les mains d’un seul homme, pourrait acquérir plus d’activité, plus de dignité, plus de cette force morale qui économise la force politique, et qu’une telle réforme, loin de saper la liberté, la posait sur ses vrais fondements. […] J’aime mieux cette situation que ce qu’on m’offre pour en sortir. — Mais je vous le dirai de toute la hauteur de mon âme : je pense qu’en fait de dignité morale les circonstances me placent aussi haut qu’il est possible, et je m’étonne que vous, qui êtes si indulgent pour l’inconcevable conduite de Gérando, vous tourniez toutes vos foudres contre une malheureuse femme qui, résistant à tout ? […] il ne se blasa jamais comme tant d’autres avec les années ; l’expérience n’émoussa point sa vivacité et n’amortit point sa fraîcheur morale ; il garda jusqu’à la fin toute sa tendresse d’impressions, sa sincérité et sa candeur.
Le trésor des beaux écrits se rouvre à nos yeux : nous y puiserons désormais sans crainte les doubles préceptes du goût et de la morale. […] On conçoit comment il explique l’épopée purement morale ou pathétique, et pourquoi il en fait des espèces distinctes. […] Une fable aussi peut n’être que morale sans qu’il en résulte de pathétique, comme la punition des géants foudroyés, la boîte de Pandore, sujets des poèmes d’Hésiode, qu’on ne peut se dispenser de classer dans le genre épique. […] Néanmoins il ne devrait briller qu’en épisode, et non principalement ; car le fanatisme, né d’une abstraction morale, n’est qu’un agent des puissances infernales en lutte avec les puissances divines. […] Je pense que vous regardez comme superficiels tant de traités de littérature qui rebattent les errements de la rhétorique, et négligent la morale que ses leçons nous apprennent à revêtir de formes séduisantes qui lui prêtent des charmes.
Il célèbre dès le début l’éducation morale par opposition à l’éducation scientifique : — Laisser mûrir le caractère sous le toit paternel, — ne pas répandre l’enfance au dehors. […] Voici qui est mieux : « Mais c’est précisément parce que la Révolution française, dans ses bases, est le comble de l’absurdité et de la corruption morale, qu’elle est éminemment dangereuse pour les peuples. […] Necker y est attaqué, il n’est pas du comte de Maistre, car il n’a en tout que sa parole. » Belle certitude morale en amitié, de la part d’un de ces chers ennemis ! […] Telle est ma morale en ce genre de critique et de portraiture littéraire ; c’est ainsi que j’observe les mœurs de mon sujet. […] Bolingbroke parle d’un écrit de Pope et du bien qui peut en résulter pour le genre humain : « J’ai pensé quelquefois, dit-il, que si les prédicateurs, les bourreaux, et les auteurs qui écrivent sur la morale, arrêtent ou même retardent un peu les progrès du vice, ils font tout ce dont la nature humaine est capable ; une réformation réelle ne saurait être produite par des moyens ordinaires : elle en exige qui puissent servir à la fois de châtiments et de leçons ; c’est par des calamités nationales qu’une corruption nationale doit se guérir. » 198.
Nietzsche n’est pas sentimental, il ne pleure pas sur des Paradis perdus, mais il n’est pas pessimiste, non plus, il sait que l’homme est une lente conquête de l’homme et que la morale est, elle aussi, une acquisition, une attitude pour poursuivre et l’indice d’une volonté. Son immoralisme consiste à vouloir redresser cette morale faussée et restituer à la vie son importance en soi au lieu de la plier à une vérité abstraite, Dieu ou Raison. […] La beauté morale est une vertu tout artificielle et presque contre nature : on ne se doute pas de toutes les essences littéraires et philosophiques dont il fallut imbiber cette fragile églantine pour en créer cette rose pourpre et embaumée. […] Au nom des familles « indo-européennes », au nom de la « morale aryenne », il se dresse contre un envahissement d’idées qu’il croit germaniques, et qui sont toutes françaises. […] Deschamps ne se doute pas à quel point l’éthique internationale, ce volapük de la morale que nous subissons, est peu aryenne, mais toute allemande, et kantienne et dogmatiquement protestante ; Gillette a raison de secouer cette morale de ses petites épaules païennes.
Je ne les crois pas même nécessaires à la morale. […] Pour l’un, l’amour-propre est une tache originelle imprimée à toutes les actions humaines, un point de contact inévitable entre celles qui sont en apparence les plus opposées, et qui établit entre elles non-seulement une communauté d’origine, mais une sorte d’égalité morale. […] Ce n’est pas, comme vous le dites, une partialité peu philosophique qui me fait incliner pour la culture morale et intellectuelle de l’Allemagne protestante : c’est, j’ose le dire, un sentiment de préférence très-motivé, fondé sur dix ans d’études et d’observations. […] Fauriel a la satisfaction de laisser l’Aquitaine tout à fait émancipée et rentrée dans ses voies, ayant usé deux conquêtes, deux dynasties frankes, ayant sauvé jusque dans ses morcellements une certaine unité morale, et prête enfin à se rajeunir au sein d’un ordre nouveau. […] Je recommande cette considération à ceux qui ont sondé dans quelques-uns de ses recoins secrets cette nature morale des poëtes.
C’est peut-être la morale sociale qui a créé le crime et la morale sexuelle qui a créé le plaisir. […] Chacun de nous ne les entend guère qu’avec la signification que tous leur ont donnée et qui fait leur efficacité morale. […] Nous voici à la liberté de la conscience, à la morale personnelle ; il s’agit de rattacher ces principes au sentiment religieux, qui est le « sentiment d’une dépendance absolue ». […] Il accomplit, selon la vérité morale, l’apostolat qu’il n’a pu se résoudre à entreprendre selon la vérité religieuse. […] Une œuvre d’art, tableau, statue, poème, roman ou drame, ne doit jamais avoir une signification trop précise, ni vouloir démontrer quelque vérité morale ou psychologique, ni être un enseignement, ni contenir une théorie.
Le mot d’orgie, ὄργια, qu’employait le prêtre idolâtre aux fêtes de Bacchus, est celui même que l’évêque poëte applique aux béatitudes où il espère être admis par le Christ ; enfin sa morale, sans être accusable, est toute séculière, toute profane, et moins élevée, sur un point, que le stoïcisme. […] Reste pour nous le spectacle même de l’état des âmes décelé par cette poésie : la ferveur dans une foi confuse encore, le jeu de la fantaisie dans l’abstraction même ; quelque chose enfin de semblable aux rêves de Proclus, ramenant les vieilles fables du polythéisme vers une sorte d’allégorie morale, vers un mystique amour de la science et de la vertu. […] Comme Grégoire de Nazianze lui-même, aux distinctions subtiles sous lesquelles l’école d’Arius enveloppait la doctrine future des Sociniens et des Unitaires, le théisme philosophique, il oppose ce qui est l’âme du christianisme, ce qui en est la métaphysique et la morale, l’adoration du Dieu fait homme, le culte du Christ ; il est disciple fervent de la foi de Nicée, comme de l’Évangile ; il a l’enthousiasme du dogme, comme de la charité.
Il prétend leur opposer « la résistance forte et généreuse des gens de bien », absolument comme Pascal opposait les principes d’un christianisme sévère à la morale relâchée des casuistes et directeurs complaisants. […] Arnauld, et en général tous les écrivains de Port-Royal, non par communion de sentiments ou de doctrine, mais par une sorte de complicité d’esprit et de sympathie morale.
Villemain a fait ressortir la supériorité morale du sentiment moderne. […] Je ne sais si cette pensée d’un rapprochement funèbre est venue à l’esprit de Froissart ; elle semble comme négligemment touchée dans les paroles qui concluent le récit, et, qu’il l’ait eue ou non, il met le lecteur à même d’achever et de tirer toute la réflexion morale.
Dans l’intervalle, elle reprenait peu à peu confiance dans sa force morale, et croyance dans sa propre éternité. […] Bonstetten n’était cependant pas insensible et fermé à l’aspect pittoresque et aux beaux effets de tristesse morale : « Rome, disait-il alors, ne présente partout que l’image de la destruction et des vicissitudes humaines.