Quand au plaisir succède la douleur, l’image du plaisir, sa résonance affaiblie, qui en est l’image mnémonique, ne subsiste-t-elle pas jusque dans l’état de souffrance ? […] Par exemple, tant qu’un objet nous fait jouir, agit sur nous, la sensation subsiste avec une vivacité continue ; à chaque moment, l’image du plaisir déjà éprouvé et le plaisir nouveau coïncident ; quand, au contraire, l’objet cesse d’agir, il ne reste plus qu’une représentation et appétition de plaisir qui, par l’intensité, demeure au-dessous de notre attente ; le senti ne coïncide plus avec l’imaginé ni avec le désiré. […] C’est ce qui fait qu’en général le souvenir des semblables est une harmonie et un plaisir : ma pensée trouve dans la réalité une aide. […] Cette pédale est l’appétit, c’est-à-dire la vie tendant à persévérer dans le plaisir de vivre. […] La loi d’économie ou de moindre dépense n’est que la loi de moindre peine et de plus grand plaisir.
Le plus grand plaisir de Saint-Évremond, celui qu’il goûtait le plus délicieusement dès sa jeunesse, dans l’âge des passions, et qui lui devint plus cher chaque jour en vieillissant, était celui de la conversation : « Quelque plaisir que je prenne à la lecture, disait-il, celui de la conversation me sera toujours le plus sensible. […] Vous avez été aimée des plus honnêtes gens du monde, et avez aimé autant de temps qu’il fallait pour ne rien laisser à goûter dans les plaisirs, et aussi juste qu’il était besoin pour prévenir les dégoûts d’une passion lassante. […] De tous les tourments, vous n’avez senti que ceux de l’amour, et vous savez mieux que personne qu’en amour Tous les autres plaisirs ne valent pas ses peines. […] Quand on les retrouve s’écrivant de nouveau, ils sont décidément vieux, très vieux l’un et l’autre, et leur plus grand plaisir est de parler du passé avec regret ou de badiner de la vieillesse avec agrément. […] Et c’est ainsi qu’ils se donnaient, par l’esprit du moins et par une louange délicate, leurs derniers plaisirs.
C’est pourtant un plaisir qui dépend aussi des organes, et même qui en dépend uniquement. […] Si la philosophie inspire le goût des lectures utiles, le plus grand mérite auprès d’elle est de joindre l’agrément à l’utilité ; par là on rend nos plaisirs plus réels et plus durables. […] En un mot, quand on prend la peine de lire des vers, on cherche et on espère un plaisir de plus que si on lisait de la prose ; et des vers durs ou faibles font au contraire éprouver un sentiment pénible, et par conséquent un plaisir de moins. […] En un mot, aucune des pièces n’a paru propre à faire sur le public assemblé cette impression de plaisir, qu’il est en droit d’attendre d’un ouvrage couronné par le jugement d’une société de gens de lettres. […] Nous avons senti que la poésie étant un art d’agrément, c’était en diminuer le plaisir que d’y multiplier les licences, comme ont fait dans la leur la plupart des étrangers.
Car ils s’amusent, ils cherchent leur plaisir, comme l’industriel cherche son profit. […] Il est même bien rare qu’à l’exercice le plus élevé de la raison ne se mêle un peu de ce plaisir, qui, pour n’avoir aucune valeur idéale, n’en est pas moins utile. […] Ce serait une barbarie de refuser à ces humbles travailleurs ce petit plaisir mesquin, peu élevé, mais fort doux, que M. […] Il y a des industriels qui exploitent la science pour leur profit ; ceux-ci l’exploitent pour leur plaisir. […] Le plaisir, étant essentiellement personnel et intéressé, n’a rien de sacré, rien de moral.
Or, dans toute passion, il y a d’abord un élément intellectuel, — perception ou idée, — puis un élément sensible, — plaisir et douleur, — enfin un élément volitif, — désir et aversion. […] Ajoutez enfin l’idée de l’objet qui cause la peine ou le plaisir, vous aurez la répulsion consciente et le désir. […] Si la volonté peut consentir au plaisir, elle ne peut consentir à la peine : elle se défend, elle lutte. […] C’est qu’il existe une antithèse fondamentale entre le plaisir et la douleur, entre l’acceptation par la volonté et la répulsion par la volonté. […] Mantegazza, sous le nom de synonymies mimiques, rapproche les douleurs de l’odorat et la mimique du dédain, les plaisirs de l’odorat et la volupté amoureuse, les douleurs de l’amertume et celles du chagrin ou de l’amour-propre contrarié, les plaisirs ou douleurs de l’ouïe et les affections tendres, les plaisirs ou douleurs de la vue et les affections intellectuelles, etc.
Quelle pitoyable méprise de faire valoir contre l’intérêt du plaisir, des regles qui n’ont été inventées que pour le plaisir même ! […] Pour quoi va-t’il chercher un obstacle au plaisir que nous travaillons à lui faire ? […] Et de savoir justifier leur degoût, ou leur plaisir ? […] Si elles plaisoient au contraire ; n’aurions-nous pas multiplié nos plaisirs ? […] Si ce n’étoit du plaisir que nous font les vers par eux-mêmes.
Mon plaisir a été grand d’y retrouver un Senac de Meilhan complet, avec toutes ses opinions et ses jugements sur les choses sérieuses. […] M. de Meilhan semble s’être divisé à plaisir entre ces deux personnages qui souvent se combattirent en lui, l’homme d’État et l’épicurien. […] Le goût des lettres et l’amour d’une vie voluptueuse amortirent en peu de temps mon ambition, et, jusques à l’assemblée des notables, je ne fus occupé que des lettres, de mes plaisirs, et du bien que je pouvais faire aux hommes. […] Il est bon d’exercer son esprit pour se procurer des plaisirs à tous les âges ; il est bon de se former des plaisirs intellectuels qui servent d’entractes aux plaisirs des sens, qui sont les seuls réels… Il faut croire assez à l’amitié pour avoir de douces illusions, mais jamais ne s’abandonner assez fortement pour être surpris de n’avoir embrassé qu’un nuage. […] Le plus grand plaisir en amitié est de parler de soi, et cet épanchement provient d’une faiblesse mêlée d’amour-propre.
Royer-Collard disait : « A mon âge, on ne lit plus ; on relit. » C’est, en effet, plaisir de vieillard. Il faudrait se persuader que c’est plaisir et profit de tous les âges, et ne pas le réserver exclusivement pour celui où je reconnais qu’il est plus à sa place qu’à tout autre. […] A la fois l’on se sait gré de cette découverte, et c’est un plaisir ; et l’on peste un peu de ne l’avoir pas faite plus tôt et c’est un exercice d’humilité qui est très sain. […] Le plaisir de mieux comprendre met, du reste, dans l’esprit un certain feu, une certaine chaleur qui excite l’imagination elle-même. […] Si nous voulons travailler nous-mêmes, rien, évidemment, n’est plus utile ; mais, même si nous n’avons pas cette intention, surprendre quelques secrets de l’art est s’affiner singulièrement l’esprit, ce qui est déjà un plaisir, et le rendre capable de mieux, de plus sûrement, de plus finement juger l’auteur que demain nous lirons pour la première fois.
O fraîcheur du plaisir ! […] Ce que la Muse a chanté par ma voix de plus pur, de plus chaste et religieux, c’est au retour de tes violents embrassements, ô Plaisir ! […] toi, tu ne mentais pas, ô Plaisir. […] Je te suis cher encore, ô Plaisir ; tes bras volontiers m’enchaînent ; mais, en vieillissant, ne serais-tu donc plus comme un Dieu ? […] Si vous désirez quelques changements, je me ferai un devoir et un plaisir de me conformer à vos intentions.
Où l’auteur des Lettres persanes ne trouve que son plaisir, La Bruyère avait trouvé son plaisir et son chagrin ; il y a de la tristesse dans son rire, et il ôte aux plus honnêtes d’entre ses lecteurs l’envie d’être vains des ridicules dont ils sont exempts. […] Charles vainqueur semblait n’avoir cherché dans la guerre qu’un plaisir barbare ; vaincu, sa grandeur d’âme est d’un exemple utile à tous. […] Ce n’est pas à dire qu’on n’aurait ni plaisir ni profit à lire une seconde fois Charles XII. […] Dès 172634, Montesquieu avait écrit que « le goût n’est que l’avantage de découvrir avec finesse et avec promptitude la mesure du plaisir qu’une chose doit donner aux hommes. » Définition qui en demanderait plus d’une autre, et que Montesquieu n’éclaircit guère par sa division des plaisirs en plaisirs de l’âme, plaisirs qui résultent de son union avec le corps, plaisirs fondés sur les préjugés ou la malignité. […] Mais le plaisir au dix-huitième siècle, c’est l’ingénieux qui amuse.
Les plaisirs, la société, les tentatives d’ambition et de fortune y furent pour beaucoup. […] Je deviens de jour en jour philosophe, et, pourvu que j’aie le plaisir de vous retrouver et de vous décharger mon cœur, je ne compte pour rien tout le reste. […] Les ambitions trompées, ou celles qui attendaient, se dédommagèrent dans la liberté d’esprit et dans les plaisirs ; et ces plaisirs étaient ce qu’ils sont bien vite toujours, ce qu’ils devaient être surtout à une époque d’immense inégalité, et où le contrôle de la publicité était nul : c’étaient de véritables bacchanales. […] Ce n’est pas que nous valions mieux au fond : pris en masse, les hommes en tout temps se valent, et ils se donnent en général le plaisir de faire à peu près tout le mal qu’ils peuvent. […] Au sein de la joie et des plaisirs, il avait rimé et chansonné mille folies aimables, chères à ses sociétés, mais aussi légères que l’occasion qui les faisait naître, et dont toute la grâce est dès longtemps évaporée.
Il y a un établissement de plaisir, et des plus à la mode, où, sous un léger tricot de coton rose, ces ventres travaillent à deux doigts du nez des spectateurs, dont ils frôlent les binocles. […] La femme danse seule et ne danse pas pour son plaisir. […] Dans une baraque où tout le monde entre pour vingt sous, elle devient tout bonnement un plaisir de collégiens vicieux, une excitation éhontée à la débauche. […] Cette danse exprime donc un état de civilisation où la femme est moins avilie, où elle est autre chose que la servante des plaisirs de l’autre sexe. […] Elle laisse au spectateur les yeux et l’esprit assez libres pour goûter un plaisir d’art.
Voilà d’où procede le plaisir que la poësie et la peinture font à tous les hommes. Voilà pourquoi nous regardons avec contentement les peintures dont le merite consiste à mettre sous nos yeux des avantures si funestes, qu’elles nous auroient fait horreur si nous les avions vûës veritablement, car comme le dit Aristote dans sa poëtique : des monstres et des hommes morts ou mourants que nous n’oserions regarder ou que nous ne verrions qu’avec horreur, nous les voïons avec plaisir imitez dans les ouvrages des peintres. […] Le plaisir qu’on sent à voir les imitations que les peintres et les poëtes sçavent faire des objets qui auroient excité en nous des passions dont la réalité nous auroit été à charge, est un plaisir pur. […] Nous écoutons donc avec plaisir les hommes les plus malheureux quand ils nous entretiennent de leurs infortunes par le moïen du pinceau d’un peintre, ou dans les vers d’un poëte ; mais, comme le remarque Diogene Laerce, nous ne les écouterions qu’avec repugnance s’ils déploroient eux-mêmes leurs malheurs devant nous.
L’amitié n’est point une passion, car elle ne vous ôte pas l’empire de vous-même ; elle n’est pas une ressource qu’on trouve en soi, puisqu’elle soumet au hasard de la destinée et du caractère des objets de son choix : enfin, elle inspire le besoin du retour et sous ce rapport d’exigence, elle fait ressentir beaucoup des peines de l’amour, sans promettre des plaisirs aussi vifs. […] Je considérerai d’abord dans l’amitié, (non ces liaisons fondées sur divers genres de convenance qu’il faut attribuer à l’ambition et à la vanité,) mais ces attachements purs et vrais, nés du simple choix du cœur dont l’unique cause est le besoin de communiquer ses sentiments et ses pensées, l’espoir d’intéresser, la douce assurance que ses plaisirs et ses peines répondent à un autre cœur. […] Deux hommes, distingués par leurs talents, et appelés à une carrière illustre, veulent se communiquer leurs desseins, ils souhaitent de s’éclairer ensemble ; s’ils trouvent du charme dans ces conversations où l’esprit goûte aussi les plaisirs de l’intimité, où la pensée se montre à l’instant même de sa naissance, quel abandon d’amour-propre il faut supposer pour croire qu’en se confiant, on ne se mesure jamais ! […] Que devient cependant le plaisir de se confier, si l’on aperçoit de l’indifférence, si l’on surprend un effort ? […] Sans doute, l’homme qui s’est vu l’objet de la passion la plus profonde, qui recevait à chaque instant une nouvelle preuve de la tendresse qu’il inspirait, éprouvait des émotions plus enivrantes ; ces plaisirs, non créés par soi, ressemblent aux dons du ciel, ils exaltent la destinée ; mais ce bonheur d’un jour gâte toute la vie, le seul trésor intarissable, c’est son propre cœur.
Ces passions ne doivent point être rangées dans la classe des ressources qu’on trouve en soi ; car rien n’est plus opposé aux plaisirs qui naissent de l’empire sur soi-même, que l’asservissement à ses désirs personnels. […] Le premier produit l’amour du jeu, et le second l’avarice ; quoiqu’on puisse supposer qu’il faut aimer l’argent pour aimer le jeu, ce n’est point là, la source de ce penchant effréné : la cause élémentaire, la jouissance unique, peut-être, de toutes les passions, c’est le besoin et le plaisir de l’émotion. […] Dans un moment d’émotion, il n’y a plus de jugement, il n’y a que de l’espérance et de la crainte ; on éprouve quelque chose du plaisir des rêves, les limites s’effacent, l’extraordinaire paraît possible, et les bornes ou les chaînes de ce qui est, et de ce qui sera, s’éloignent ou se soulèvent à vos yeux. Dans le tumulte et la succession rapide des sensations qui s’emparent d’une âme violemment émue, le danger, même sans but, est un plaisir pendant la durée de l’action. […] Aimer l’argent, pour arriver à tel ou tel but, c’est le regarder comme un moyen, et non comme l’objet ; mais il est une espèce d’hommes qui, considérant en général la fortune comme une manière d’acquérir des jouissances, ne veulent cependant en goûter aucune ; les plaisirs, quels qu’ils soient, vous associent aux autres, tandis que la possibilité de les obtenir est en soi seul, et l’on dissipe quelque chose de son égoïsme, en le satisfaisant au-dehors.
Elle fut, en naissant, destinée à ses plaisirs ; il prit même d’abord une part active à la fête ; aux premiers chants de Thespis s’unissait le chœur des assistants. […] Les âmes plus ardentes allaient au loin chercher les aventures qui, avec l’espoir de la fortune, leur offraient le plaisir plus vif des hasards. […] Par des causes qui se lient à toute l’histoire de notre civilisation, le peuple français a toujours pris à la moquerie un extrême plaisir. […] De nouveaux plaisirs ne devaient pas manquer à Shakespeare dans sa retraite. […] Plusieurs poëtes de l’école de Shakespeare s’appliquaient aussi à satisfaire le goût du public pour le genre de plaisir auquel il l’avait accoutumé.
Il n’est rien Qui ne me soit souverain bien, Jusqu’au sombre plaisir d’un cœur mélancolique. […] On ne les viendrait point interrompre, ils écouteraient cette lecture avec moins de bruit et plus de plaisir. […] Et puis, mon Dieu, après tout, disons-le, c’était du travail littéraire, et le travail littéraire n’est pas un travail, c’est un plaisir. […] Seulement dans la société, et surtout quand vous êtes ce que vous êtes, on jouit du plaisir de plaire à tout le monde ; et dans la solitude, on jouit du plaisir de vivre avec soi-même, et cela est une affaire d’âge et de condition. […] Triste plaisir, je vous le confesse, mais enfin je le demandai.
Rien autre chose, sinon que la passion de l’étude, ainsi que toutes les autres, a ses instants d’humeur et de dégoût, comme ses moments de plaisir et d’enivrement ; que dans ce combat du plaisir et du dégoût, le plaisir est apparemment le plus fort, puisqu’en décriant les lettres on continue à ‘s’y livrer ; et que les Muses sont pour ceux qu’elles favorisent une maîtresse aimable et capricieuse, dont on se plaint quelquefois, et à laquelle on revient toujours. […] Le premier ne connaît d’autres besoins que les besoins physiques, d’autres plaisirs que celui de les contenter, et de végéter ensuite sans trouble, sans passions et sans ennui. […] Déterminé à sortir pour jamais de ce cabinet, où je n’aurais jamais dû entrer, la société, à laquelle j’avais renoncé presque dès mon enfance, semblait devoir m’offrir des ressources, des plaisirs et des amis. […] Vous l’eussiez encore été davantage, si vous aviez su entremêler à propos la solitude et la société, l’étude et les plaisirs honnêtes : par là vous eussiez senti et goûté toute votre existence, dont vous n’avez joui qu’à moitié. Une partie de votre âme se rassasiait jusqu’au dégoût, tandis que l’autre périssait d’inanition ; vous auriez dû pressentir qu’un plaisir unique, auquel on se livre sans réserve, est trop sujet à s’user, et que le bonheur est comme l’aisance, qui se conserve par l’économie.
Il lui fallait du plaisir et de l’amusement ; ainsi le voulaient l’ardeur de ses sens et le peu de développement de son esprit. […] D’un autre côté, madame de Maintenon ne promettait pas au roi le genre de plaisirs dont il avait le goût si vif et l’habitude si forte. […] Mais en attendant que l’avenir qui s’offrait au roi se réalisât, il lui fallait du plaisir, toujours du plaisir. Le plaisir n’est pas le bonheur sans cloute, mais il aide à l’attendre. […] Elle ne veut point être maîtresse, mais amie d’un prince à qui il faut faire perdre l’habitude des plaisirs désordonnés et apprendre ceux de l’amitié.
Les épisodes, les accessoires, les détails sur l’économie domestique, sur les plaisirs de la campagne, sur l’éducation, etc., que l’auteur a semés dans son ouvrage, me plaisent beaucoup en eux-mêmes, mais me paraissent refroidir un peu l’intérêt, parce que l’unité est pour moi la première qualité des romans : aussi quelque excellents que soient les romans anglais, je les lis avec presque autant de fatigue que de plaisir. […] Rousseau, que peut-être l’aurait-il été jusqu’à me faire plus de mal que de plaisir, s’il était soutenu et sans interruption ; et je le remercierais volontiers d’avoir ménagé de temps en temps quelque repos à mon âme, que les impressions vives affectent trop profondément et trop tristement. […] Mais en vérité c’est la réflexion qui m’a fait trouver quelque chose à désirer à la manière dont j’ai été affecté ; car j’étais tellement occupé que je ne m’apercevais pas qu’il manquait un point de gradation et de variété à mon plaisir pour être parfait. […] Les notes, ce me semble, sont encore pires ; il n’y en a qu’une seule, la dernière, qui m’a paru bonne ; et je ne l’ai trouvée telle, que parce qu’elle m’a rendu clairement raison du plaisir que m’avait fait le roman. […] Mais les hommes s’intéressent encore moins au plaisir de découvrir la vérité au dedans d’eux-mêmes, qu’à celui de prouver à un autre qu’il ne l’a pas trouvée.
Je t’ai dit cependant que tes lettres m’avaient fait plaisir. […] J’appelle plaisir la lecture, qui n’est nullement essentielle pour moi. […] et quels plaisirs elle nous donne quand elle s’élève en haut ! […] Ce sifflement marque un sans-souci, un bien-être, un je suis content qui fait plaisir. […] je ne sais, mais ces chants me faisaient plaisir à entendre ; voilà un plaisir de moins.
Ce trait de gaieté parut faire grand plaisir à Goethe. […] J’étais le premier arrivé, et je regardai avec plaisir les pièces pleines de lumières qui se succédaient l’une à l’autre. […] Je lui avais dit peu de temps avant que le théâtre me donnait le plus grand plaisir, et que ce plaisir, je le devais à ce que je me laissais aller tout simplement à l’impression faite sur moi par la pièce, sans réfléchir à ce que j’éprouvais. […] Je lui dis tout le plaisir qu’il me donnait, et enfin j’ajoutai : — Oui, cela va si loin, que malgré tout le plaisir que j’attends à votre soirée, j’ai été aujourd’hui tout tourmenté. […] Et où sont les auditeurs auxquels on aurait du plaisir à faire un pareil récit ?
La plupart des hommes, absorbés par les affaires, ne cherchent, en Angleterre, le plaisir que comme un délassement ; et de même que la fatigue, en excitant la faim, rend facile sur tous les mets, le travail continuel et réfléchi prépare à se contenter de toute espèce de distraction. […] Il y a de la morosité, je dirais presque de la tristesse, dans cette gaieté ; celui qui vous fait rire n’éprouve pas le plaisir qu’il cause. […] Ce que les Anglais ont de gaieté, conduit presque toujours à un résultat philosophique ou moral ; la gaieté des Français n’a souvent pour but que le plaisir même. […] Une remarque singulière, c’est que les peuples oisifs sont beaucoup plus difficiles sur l’emploi du temps qu’ils donnent à leurs plaisirs, que les hommes occupés. Les hommes livrés aux affaires sont habitués aux longs développements ; les hommes livrés au plaisir se fatiguent bien plus promptement » et le goût très exercé éprouve la satiété très vite.
Ce que c’est que le Romanticisme Le romanticisme est l’art de présenter aux peuples les œuvres littéraires qui, dans l’état actuel de leurs habitudes et de leurs croyances, sont susceptibles de leur donner le plus de plaisir possible. Le classicisme, au contraire, leur présente la littérature qui donnait le plus grand plaisir possible à leurs arrière-grands-pères. Sophocle et Euripide furent éminemment romantiques ; ils donnèrent, aux Grecs rassemblés au théâtre d’Athènes, les tragédies qui, d’après les habitudes morales de ce peuple » sa religion, ses préjugés sur ce qui fait la dignité de l’homme, devaient lui procurer le plus grand plaisir possible. […] De mémoire d’historien, jamais peuple n’a éprouvé, dans ses mœurs et dans ses plaisirs, de changement plus rapide et plus total que celui de 1780 à 1823 ; et l’on veut nous donner toujours la même littérature ! […] Ici, je ne puis découvrir que l’intérêt du plaisir.
D’où venoit le plaisir extrême que les romains trouvoient aux spectacles de l’amphithéatre. […] Nos philosophes regarderent avec plaisir ces combats mitigez, mais bientôt ils ne détournerent plus les yeux des combats à toute outrance, et ils s’accoutumerent à voir tuer des hommes uniquement pour les divertir. […] Le peuple dont je parle contemple encore avec tant de plaisir des hommes, païez pour cela, se battre jusqu’à se faire des blessures dangereuses, qu’on peut croire qu’il auroit de veritables gladiateurs à la romaine, si la bible défendoit un peu moins positivement de verser le sang des hommes hors les cas d’une absoluë necessité. […] Ils tiennent donc l’ame dans une espece d’extase, et ils l’y tiennent encore sans qu’il soit besoin qu’elle contribuë à son plaisir par une attention serieuse dont notre paresse naturelle cherche toujours à se dispenser. […] trabit sua quemque voluptas. en cela les hommes ont le même but ; mais comme ils ne sont pas organisez de même, ils ne cherchent pas tous les mêmes plaisirs.
Il fut le contemporain des règnes de Jean le Bon et de Charles V, et d’une grande partie de celui de Charles VI, époque agitée, souvent malheureuse, et dans laquelle il trouva moyen de ne prendre que son plaisir. […] Le premier soin de Froissart et son plus grand plaisir au milieu de cette cour, dans la fréquentation de ces nobles et grands seigneurs et de leurs écuyers, fut de s’enquérir avec détail de tous les événements mémorables et de toutes les particularités qui pouvaient lui servir à dresser son histoire. […] C’est plaisir de les écouter tous les deux, chacun faisant son échange et payant les récits de l’autre par quelque beau récit en retour. Froissart contant les guerres de Loire qu’il sait si bien, mais écoutant surtout celles de Gascogne qu’il ne sait pas et que le bon chevalier lui raconte à plaisir. […] — « J’ai envie, dit Claverhouse, de vous procurer six mois de prison pour vous faire jouir de ce plaisir.
Il a vécu pour son plaisir, il a écrit pour son plaisir ; lisons-le pour notre plaisir ; c’est l’homme de l’agrément. […] Cette résidence à Athènes, ville de luxe, de plaisir, de folie, était très onéreuse aux parents. […] Il lui suffisait du plaisir de les écrire et d’en amuser un souper de Mécène ou d’Auguste quand il retrouvait ses puissants amis à Rome. […] Il ne s’occupait que de son plaisir et de sa santé. […] D’ailleurs on éprouve en secret un certain plaisir à leur pardonner ce qu’on ne peut approuver en eux ; l’indulgence n’est pas seulement une vertu, c’est un plaisir ; c’est ce plaisir qu’on éprouve à lire et à aimer Horace comme à lire et à aimer ce grand enfant très vicieux qu’on appelle chez nous La Fontaine.
Leur nom général est « plaisirs », qu’il ne faut pas confondre avec « plaisir ». […] Le plaisir est en effet peu estimé des moralistes. […] Une philosophie du plaisir ! […] Les plaisirs de l’oreille ne sont guère que d’entendre des paroles, mais c’est plutôt un plaisir de sentiment ou d’intelligence. […] L’homme cherche instinctivement le plaisir.
Les architectures même, par ce qu’elles ont de criard, de canaille et d’éphémère, conseillent le plaisir brutal, rapide et sans lendemain. […] La foule exige de plus en plus le chatouillement direct, devient incapable de tout plaisir qui n’est pas celui-là, et celui-là tout cru… Les divertissements qui veulent un effort de réflexion sont trop relevés et trop laborieux pour elle. […] Qui sait si 1900 ne nous les ramènera point, et si nous ne serons pas mûrs alors pour cet ignoble plaisir ? […] Je néglige tout ce qu’une Exposition universelle peut permettre et recouvrir de spéculations louches — avant, pendant et après — et tout ce déchaînement de réclame, de puffisme, c’est-à-dire de mensonge et de vol, et toute cette fureur d’entreprises de plaisirs publics.
Vous ne l’ôterez point sans m’ôter du plaisir ; Nous y perdons tous deux : quand je vous le conseille. […] La louange est beaucoup, l’amour est plus encor : Quels plaisirs de compter les cœurs dont on dispose ! […] Il ne faut pas épuiser le plaisir et en chercher les sources et les racines, parce qu’on atteint l’ennui, ou plutôt parce qu’on le fait naître. […] — Vous ne me persuaderez point, repartit Psyché, qu’une grandeur légitime et des plaisirs innocents ne soient préférables au train de vie que vous menez. — La véritable grandeur, à l’égard des philosophes, lui répliqua le vieillard, est de régner sur soi-même ; et le véritable plaisir, de jouir de soi.
Ces prétendus pasteurs ne sont point copiez, ni même imitez d’après nature, mais ils sont des êtres chimeriques inventez à plaisir par des poëtes qui ne consulterent jamais que leur imagination pour les forger. […] Ainsi les bergers langoureux de nos églogues ne sont point d’après nature ; leur genre de vie dans lequel ils font entrer les plaisirs les plus delicats entremêlez des soins de la vie champêtre, et sur tout de l’attention à bien faire paître leur cher troupeau, n’est pas le genre de vie d’aucun de nos concitoïens. […] L’air vif et presque toujours serain de ces regions subtilisoit leur sang, et les disposoit à la musique, à la poësie et aux plaisirs les moins grossiers. […] Aujourd’hui même, quoique l’état politique de ces contrées n’y laisse point les habitans de la campagne dans la même aisance où ils étoient autrefois ; quoiqu’ils n’y reçoivent plus la même éducation, on les voit encore néanmoins sensibles à des plaisirs fort au-dessus de la portée de nos païsans.
Mais rien n’empêche de le dégager, et de rechercher séparément en quoi consiste l’intensité d’une sensation affective, plaisir on douleur. […] Nous n’avons guère d’autre moyen pour comparer entre eux plusieurs plaisirs. Qu’est-ce qu’un plus grand plaisir, sinon un plaisir préféré ? […] En présence de plusieurs plaisirs conçus par l’intelligence, notre corps s’oriente vers l’un d’eux spontanément, comme par une action réflexe. Il dépend de nous de l’arrêter, mais l’attrait du plaisir n’est point autre chose que ce mouvement commencé, et l’acuité même du plaisir, pendant qu’on le goûte, n’est que l’inertie de l’organisme qui s’y noie, refusant toute autre sensation.
Le monde étant, ainsi qu’on a vu, une association élégante et riche pour le plaisir, M. […] Etudiez l’espèce de plaisir que vous avez pu prendre quelquefois à ces réunions ; rappelez-vous les bras, les épaules nues, les jeux de l’éventail, les corsages plaqués, la toilette qui exagère toutes les parties expressives du corps féminin : vous reconnaîtrez que ce n’est guère par les grâces de la conversation, volontiers insignifiante, que vous avez été séduit, mais que l’attrait du sexe était pour beaucoup dans votre plaisir. […] Ce qu’ils cherchent tous, hommes et femmes, c’est le plaisir ; et, si ce n’est pas toujours expressément ce que M. […] Le duc de Trièves, qui n’est pas auteur, a plus de plaisir et déploie autant de ressources d’esprit avec Mlle de Saint-Alais que Maxime avec Germaine. […] Il la désire assurément ; mais son plus grand plaisir est de sentir qu’il la déprave : plaisir tout intellectuel.
En d’autres temps, Mme de Grammont (Mlle Hamilton) eût été, on l’entrevoit, une de ces femmes qui auraient pris plaisir à mener le chœur et le cortège des admiratrices de Racine. […] La façon dont je vis avec M. de… (Margency) m’avait fait voir avec plaisir que la société de M. de Foncemagne, devenu très-pieux depuis la mort de sa femme, avait réveillé chez lui des idées de religion et de piété. […] J’ai dit que je voulais le laisser dans votre bourse jusqu’à mon premier besoin, et qu’il ne viendrait jamais assez tôt pour le plaisir que j’aurais à recevoir de vous de quoi y pourvoir. […] Que j’ai de plaisir à vous l’écrire ! […] Plaisir désintéressé de la curiosité critique !
Et le plaisir n’est jamais précis. […] Il n’y a de qualité d’un plaisir que par rapport à d’autres plaisirs avec lesquels on le compare. […] Si nous faisons de la critique, nous tâchons, en écrivant, d’accroître nos plaisirs — plaisir de sentir, plaisir de comprendre — et de les faire éprouver par nos lecteurs. […] Alors, comme le bouquet et le corps, se marient dans le goût le plaisir et la conscience clairvoyante du plaisir. […] Le goût n’est plus alors qu’un des prénoms du plaisir.
Le portrait qu’il retrace d’elle ne pâlit point, même à côté des plus grands et des plus touchants que nous connaissons : il se lit avec plaisir après l’Oraison funèbre de Bossuet ; il ajoute heureusement à ce qu’ont dit Mme de La Fayette, Choisy et La Fare. […] » que c’était s’opposer à ses plaisirs que de lui représenter de telles vérités ; et ses plaisirs l’emportaient toujours dans son esprit sur les plus importantes affaires. […] Au voyage de Fontainebleau qui se fit à peu de temps de là, Madame porta la joie et les plaisirs. […] Morte à vingt-six ans, et ayant été pendant neuf ans le centre de l’agrément et des plaisirs, Madame marque le plus beau ou du moins le plus gracieux moment de la cour de Louis XIV. […] La duchesse de Bourgogne, élève chérie de Mme de Maintenon, et qui la désolait quelquefois par ses désobéissances, appartenait déjà à cette génération de jeunes femmes qui aimaient démesurément le plaisir, le jeu, par moments la table ; enfin elle était bien faite pour être la mère de Louis XV.
La philosophie sortit-elle jamais plus inattendue et plus funèbre du plaisir, comme le serpent de Cléopâtre de son panier de fleurs ? […] « Pendant que tu le peux, et que la Fortune conserve un visage souriant, reviens à Rome… Quelle que soit la divinité qui tire pour toi de l’urne une heure acceptable, prends-la d’une main reconnaissante ; ne remets pas les plaisirs présents à une autre année ! […] On y sent le repos savouré de l’homme dégoûté par l’âge des plaisirs corrupteurs de la ville. […] Elles m’ont, dis-je, ravi les joies, les amours, les festins, les plaisirs du jeu, et maintenant elles se préparent à m’enlever même la poésie. […] Cette société, réunie pour un voyage de plaisir, se composait d’Horace, de Mécène, d’Héliodore, littérateur grec de la plus haute renommée à Rome, et de quelques hommes de goût de la maison de Mécène.
Aussi les poètes se lassèrent-ils à la fin de ces éloges bachiques, qui apparemment devenaient froids, comme les louanges réitérées sur le même sujet, et qui d’ailleurs tournaient plus au profit des prêtres de Bacchus, qu’au plaisir des spectateurs. […] Mais si toutes les passions bien représentées produisent ce plaisir délicat, il n’en est aucune qui le cause avec plus de vivacité que la terreur et la compassion. […] Il s’imagine donc qu’on veut les flatter ; et il se trouve insensiblement guéri par le plaisir même qu’il a pris à se séduire. […] On le peut faire, en le réjouissant par le spectacle même de ses maux, en y attachant ses regards malgré lui par un attrait de plaisir dont il ne puisse se défendre, et en insinuant dans son cœur ce que cette crainte et cette pitié ont d’agréable et de doux, non seulement pour le genre humain, mais encore pour lui apprendre à modérer ses passions, quand des maux réels viendront les exciter. […] L’intrigue, en un mot, est un dédale, un labyrinthe qui va et revient toujours sur lui-même, où l’on aime à se perdre, d’où l’on cherche pourtant à sortir, mais où l’on rentre avec plaisir quand une fausse issue nous y rejette.
Ils ne seront pas entraînés, mais ils s’arrêteront partout avec plaisir. […] Alors ils goûteront le plaisir d’entendre ce que l’orateur ne dit pas, et de lui surprendre, pour ainsi dire son secret. On sent que c’est là en même temps, et un plaisir de l’esprit, parce qu’il s’exerce sans se fatiguer ; et un plaisir d’amour-propre, parce qu’on travaille avec l’orateur, et qu’on se rend compte de ses forces, en faisant avec lui une partie de son ouvrage. […] Il nous montre ces figures autrefois menaçantes, dévorées par les flammes, et l’objet de l’effroi public changeant de forme, pour servir désormais à l’usage et aux plaisirs des citoyens28.
Quand, au milieu d’une société riante et légère, le chevalier de Parny laissa échapper ses élégies immortelles, naïves inspirations du loisir et de la volupté, ce fut dans le monde un murmure flatteur de louanges, ou plutôt un frémissement de plaisir. […] Sérieux, et, si l’on veut, un peu tristes, inquiets et sur nous et sur d’autres que nous aussi, citoyens avant tout, nous voulons que, même dans nos chants de plaisir, une part soit faite à ces nobles soucis ; nous voulons qu’en nous parlant d’amour, on nous parle de tout ce que nous aimons ; telles nos affections se tiennent et se confondent en nous, telles nous en demandons au poète la pleine et vive image. […] Appelé en Espagne, où sa réputation l’avait devancé, secrétaire du cardinal Tavère, et bientôt attaché à Charles-Quint lui-même, il fit l’expédition de Tunis à côté de ce prince ; et au retour, il mourut, âgé de vingt-quatre ans, victime du climat, de l’étude, et peut-être aussi des plaisirs. Il aimait en effet les plaisirs, et c’est parce qu’il les a chantés, que son nom vivra.
Ce rosier te faisait plaisir ; tu te plaisais à le voir, à penser d’où il venait. […] Je ne sais, mais, n’ayant plus le plaisir de lui faire plaisir, ce que je vois n’offre pas l’intérêt que j’y trouvais jadis. […] Dans ma profonde ignorance, j’écouterais avec autant de plaisir un grillon qu’un violon. […] Ces paisibles et riantes scènes font plaisir et plus de bien à l’âme que tous les livres de M. […] Il en sort du plaisir, mais aucune vertu.
Une terrasse de la maison de son grand-père d’où l’on avait une vue magnifique sur la montagne de Sassenage, et qui était le lieu de réunion les soirs d’été, fut, dit-il, le théâtre de ses principaux plaisirs durant dix ans (de 1789 à 1799). […] Beyle est volontiers le contrepied de cet homme-là : il est contrariant à plaisir. […] Il en veut à mort aux La Harpe, à tous les professeurs de littérature et de goût, qui précisément corrompent le goût, dit-il, et qui, en fait de plaisirs dramatiques, vont jusque dans l’âme du spectateur « fausser la sensation ». […] Sur la comédie surtout, il est en défaut ; il nomme trop peu Molière, si vivant toujours et si présent ; Molière, ce classique qui a si peu vieilli, et qui fait autant de plaisir en 1850 qu’en 1670. […] Il eût craint, en combattant les La Harpe, de leur ressembler, et il se faisait léger, vif, persifleur, un pur amateur au passage, un gentilhomme incognito qui écrit et noircit du papier pour son plaisir.
Quand ces morceaux de style ont quelques mois de date, ou quelques jours, l’insignifiance en est telle qu’ils sont absolument illisibles — à moins qu’on ne prenne un méchant et triste plaisir à constater cette insignifiance même. […] Et alors ils ont beau écrire trop vite et trop souvent ; ils ont beau écrire par métier, sans goût, sans plaisir, sans conviction : la qualité, le tour de leur esprit se révèle toujours par quelque endroit. […] Il a fait de Paris sa chose ; il célèbre, il démontre, il encourage Paris ; il est le gardien de ce lieu de plaisir. […] Je ne cède point ici au médiocre plaisir de faire le régent et le professeur de grammaire. […] Il est partout « le monsieur de l’orchestre », l’homme qui regarde pour son plaisir et ne veut pas en penser plus long.
Il faut traduire son observation, conformer son imitation, de façon que non seulement on en reconnaisse l’éternel modèle, mais qu’encore cette reconnaissance soit un plaisir. Ce plaisir varie de qualité selon les genres : dans la comédie, c’est le rire. […] Enfin tout ce qu’on a dit de la vraisemblance assure le plaisir du spectateur, en même temps qu’il le dispose à sentir la vérité du drame. […] Variée : parce que ma lecture doit être un plaisir, et que la monotonie fatigue. […] L’art s’employait à donner un plaisir, non seulement par le choix de ses objets, mais surtout par l’aspect qu’il en montrait et l’expression dont il les revêtait.
Je ne pouvais m’arracher à ce spectacle mêlé de plaisir et d’effroi. […] Un plaisir qui n’est que pour moi me touche faiblement et dure peu. […] -mais puisque j’ai du plaisir, qu’ai-je à pleurer ? Et si je pleure, comment se fait-il que j’aie du plaisir ? […] Nous aimons le plaisir en personne, et la douleur en peinture.
Et que sont ces pauvres petits plaisirs intellectuels auprès des grandes joies animales de la vie physique ! […] Ce corps, il le pare richement et le déguise en cent façons : il trouve à cela un plaisir d’enfant ou de sauvage. Il noue des amitiés étroites avec des êtres primitifs et beaux, Samuel, Achmet, Yves, créatures plus nobles et plus élégantes que les civilisés médiocres, et avec qui son esprit n’a point à s’efforcer ni à se contraindre et goûte d’ailleurs le plaisir de la domination absolue. […] Au reste, s’ils les voyaient bien, ils y prendraient tant de plaisir qu’ils n’auraient plus de courage pour l’action ; puis ils comprendraient l’abîme qui sépare les races et renonceraient à leur tâche impossible et sublime. […] Il me fait trop de plaisir, et un plaisir trop aigu et qui s’enfonce trop dans ma chair, pour que je sois en état de le juger.
Tous les organes des sens sont des moyens de faire accomplir les mouvements de fuite ou de poursuite, qui eux-mêmes ont pour but dernier la fuite de la douleur et la poursuite du plaisir, c’est-à-dire l’appétition. […] La fusion en un tout d’une multitude de plaisirs ou de peines à l’état naissant a fini par paraître étrangère au plaisir et à la peine, mais ne vous laissez pas prendre à cette apparence : toute sensation de chaleur ou de fraîcheur est du plaisir ou de la peine qui commence, c’est de l’émotion qui s’apprête et sollicite la volonté, c’est un ébranlement qui se prépare à passer de l’état moléculaire à l’état massif. […] On a parfois essayé de réduire tous les états qualitatifs de la conscience au plaisir et à la peine, plus ou moins mêlés en proportions diverses jusqu’à produire parfois une apparente indifférence. […] Entre la sensation du bleu et la sensation d’une piqûre d’épingle il est difficile de n’admettre qu’une différence de plaisir et de douleur ; le bleu, comme tel, a sa qualité propre, qui, quoique inséparable peut-être de certains plaisirs, quoique contenant encore comme éléments essentiels des jouissances subtilement combinées, renferme aussi cependant un quale, une caractéristique. […] Tout ce que nous pouvons faire, c’est de tracer artificiellement des divisions idéales dans la série complexe et continue de nos sensations, de nos perceptions, de nos plaisirs et douleurs, de nos appétitions.
serais-je assez heureux pour sentir encore une fois en ma vie le plaisir charmant d’aimer et d’être aimé49, et serait-ce à vous que je le devrais ? […] On lui reprochait dès longtemps de se mêler trop aux plaisirs de M. le Duc (son demi-beau-frère) et d’avoir été pour ce jeune prince le contraire d’un mentor. […] De plus, il est paresseux ; il craint les affaires, et il aime le plaisir ; peut-être que de grands objets pourraient l’obliger à se vaincre là-dessus, mais on ne se donne ni la fermeté ni le discernement ; et, quand ces deux choses manquent, quelques perfections qu’on ait d’ailleurs, on n’est pas un homme du premier ordre. […] Le fondateur et législateur de ce nouveau royaume de Salente n’est autre que l’antique et doux Lélius, l’ami de Scipion, ou plutôt Lassay, qui avait toujours son arrière-pensée d’être roi, s’est fait là un royaume comme pour lui, et s’est donné le plaisir de régner tout à son aise sans trop gouverner. […] Lassay, tout en s’en faisant honneur, reconnaissait que ce portrait était flatté, et il répondait au peintre par un mot du maréchal d’Ancre : « Tu me flattes, mais ça me fait plaisir (Tu m’aduli, ma mi piace). » La vieillesse fut son bel âge.
Quand il parle du plaisir qu’il éprouve chaque matin, en s’éveillant, à voir la lumière, il pense à ce livre qu’il va retrouver, livre heureux d’un homme heureux. […] Le plaisir qu’il éprouve est extrême. […] Montesquieu connaissait son lecteur ; il lui avait appris tout le premier à chercher dans les livres le plaisir sans la peine. […] Il est de ceux qui songent à se payer de deux façons de l’emploi qu’ils font de leur esprit, par le plaisir qu’ils y prennent et par la gloire. Du même pays que Montaigne, presque du même tour d’esprit, il ne s’excepte pas de sa doctrine de l’art pour le plaisir, et il jouit de lui-même.
Ce fut le désagrément de ce passe-droit qui le découragea, s’il faut en croire Laujon, et qui le rejeta dans les plaisirs. […] Va donc désormais pour les plaisirs ! […] » Il est difficile d’intéresser la postérité à des plaisirs passés, qui ont pu paraître charmants à leur minute ; mais elle-même aurait tort aussi de trop chicaner des gens qui ont pris où ils l’ont voulu un divertissement à leur usage. […] Guerre ou plaisirs, Lœwendal, Laujon ou tout autre, il eut toujours quelqu’un qui le soufflait. […] Le comte de Clermont, directeur, se fit un plaisir d’aller présenter au roi le vœu de la Compagnie, et la démarche eut son effet39.
Il fut foncièrement égoïste ; il ne sut résister jamais ni à son désir ni à son plaisir, et s’abandonna à toutes les impulsions de sa nature. […] Parce que cela lui fait plaisir, il aime ses amis ; il leur est dévoué, tendrement, délicatement, à Fouquet, à Mme de la Sablière, à M. d’Hervart. […] C’est un artiste en plaisirs, qui excelle à s’en fabriquer de toutes sortes et de toutes qualités, avec tous ses sens et tout son esprit. J’aime le jeu, l’amour, les livres, la musique, La ville et la campagne, enfin tout : il n’est rien Qui ne me soit souverain bien, Jusqu’aux sombres plaisirs d’un cœur mélancolique. […] Et, par la poursuite du plaisir sans relâche et sans règle, par la lassitude finale qui envahit les existences trop uniquement voluptueuses, un peu de sentiment, de la sincérité, de la mélancolie, enfin de la poésie, rentrent dans ces pièces légères.
La devise des saint-simoniens : « Sanctifiez-vous par le plaisir » est abominable ; c’est le pur gnosticisme. Celle du christianisme : « Sanctifiez-vous en vous abstenant du plaisir » est encore imparfaite. Nous disons, nous autres spiritualistes : « Sanctifiez-vous, et le plaisir deviendra pour vous insignifiant, et vous ne songerez pas au plaisir. » La sainteté, c’est de vivre de l’esprit, non du corps. […] Certes, s’il y a quelque chose d’horrible, c’est de chercher du plaisir dans l’ivresse. […] Ne vaudrait-il pas mieux songer à son bien-être et à son plaisir dans la vie présente que de se sacrifier pour le vide ?
Le plaisir si noble de dire des injures à des ennemis sans défense jette bientôt les Académiciens dans un transport poétique. […] Or, si cette pièce manque de feu et de génie, elle sera bien plus ennuyeuse qu’une comédie classique qui, à défaut de plaisir dramatique, donne le plaisir d’ouïr de beaux vers. […] Le public trouvera dans Henri III beaucoup moins, infiniment moins de talent, et beaucoup plus, infiniment plus d’intérêt et de plaisir dramatique. […] J’ai rejeté, pour être clair, bien des aperçus nouveaux qui auraient fait grand plaisir à ma vanité. […] Je vois avec plaisir que vous ne croyez pas qu’un système dramatique quelconque soit capable de créer des têtes comme celles de Molière ou de Racine.
La gradation des souffrances en raison des fautes passées, ces âmes, plus ou moins heureuses, plus ou moins brillantes, selon qu’elles approchent plus ou moins de la double éternité des plaisirs ou des peines, pourraient fournir des sujets touchants au pinceau. […] Homère et Ossian ont chanté les plaisirs de la douleur : κρυεροῦ τεταρπώμεσθα γοίο, the joy of grief . […] Poètes chrétiens, les prières de vos Nisus atteindront un Euryale au-delà du tombeau ; vos riches pourront partager leur superflu avec le pauvre ; et pour le plaisir qu’ils auront eu à faire cette simple, cette agréable action, Dieu les en récompensera encore, en retirant leur père et leur mère d’un lieu de peines !
Platon a merveilleusement défini la nature de la musique : « On ne doit pas, dit-il, juger de la musique par le plaisir, ni rechercher celle qui n’aurait d’autre objet que le plaisir, mais celle qui contient en soi la ressemblance du beau. » En effet, la musique, considérée comme art, est une imitation de la nature ; sa perfection est donc de représenter la plus belle nature possible. Or le plaisir est une chose d’opinion, qui varie selon les temps, les mœurs et les peuples, et qui ne peut être le beau, puisque le beau est un, et existe absolument.
— À la bonne heure, ça me fait plaisir. […] Vous nous faites un grand plaisir en ce jour ; nous n’espérions pas vous voir sitôt. […] Il voit bien que je suis là et que nous avons tous du plaisir à le recevoir chez nous. […] — Avec plaisir, monsieur Kobus. […] J’ai du plaisir à vous voir, Christel.
— Mme du Deffand, dans une lettre, lui avait parlé de gens de Versailles qu’elle voyait à Paris ; elle lui promettait de la faire souper avec eux à son prochain voyage ; voici la réponse : Faites-moi grâce, ma chère enfant, des gens de Versailles ; il y a, comme vous dites fort bien, cinq mois que j’y suis ; j’y croirais être encore… Plus vous aurez de monde, plus je serai distraite du plaisir de vous voir ; on me distrait à présent du plaisir de vous écrire, et l’on me désespère. […] Elle veut que je continue : « Je n’en ferai rien, madame ; je ne serai pas assez mon ennemie pour me priver du plaisir de vous voir et de vous entendre… » Enfin elle est partie ; reprenons ma lettre ; mais on vient me dire que le courrier de Paris va partir : « Il demande si madame n’a rien à lui ordonner. » — « Et si fait, vraiment ! […] Non pas qu’on ne puisse trouver aujourd’hui ses descriptions bien souvent longues et tirées, ses grandes chroniques de Chanteloup fades et traînantes, ses plaisanteries froides et compassées : il faudrait une magie de plume qu’il n’a pas pour nous faire repasser avec plaisir sur la monotonie de ces journées heureuses. […] On l’invite à venir à Chanteloup ; on l’assure du plaisir qu’elle y fera, du bonheur qu’on aura à la posséder : elle n’ose y croire, elle manque de foi dans l’amitié comme dans le reste. […] Ce n’est pas nous qui prendrons plaisir à ajouter notre commentaire au sien et à l’écraser du voisinage de Mme de Sévigné : oui, Mme de Sévigné avait proprement reçu d’une fée en naissant l’imagination, ce don magique, cette corne d’or et d’abondance ; mais, de plus, elle avait su ménager sa vie et sa sensibilité.
« Ce serait plaisir d’avoir un voisin comme lui », disait Mme de La Fayette. […] A Mulhouse, alors ville suisse dépendant du canton de Bâle, il prend un plaisir infini à voir « la liberté et bonne police de cette nation. » Il en goûte l’esprit d’égalité. […] Il disait aussi qu’il lui semblait être comme ceux qui lisent quelque fort plaisant conte, d’où il leur prend crainte qu’il vienne bientôt à finir, ou un beau livre : lui de même prenait si grand plaisir à voyager qu’il haïssait le voisinage du lieu où il se dût reposer… ». […] Loin d’être esclave d’un itinéraire tracé à l’avance et qu’on abrège même si l’on peut, il était toujours prêt à modifier le sien et à l’allonger selon son caprice et son plaisir. […] Dans cette succession rapide de vues et de mœurs si diverses et si contraires, un préjugé réfute et chasse l’autre, et ne lui laisse pas le temps de faire le fier ; et le philosophe libre, sans aucun effort de lutte ni de contradiction, y trouve son compte, en même temps que le curieux son plaisir.
J’ignore si la pièce qui m’a fait plaisir est susceptible d’être représentée à la scène ; je suis très-peu juge de la différence qui existe entre un drame fait pour rester écrit et un drame jouable ; un spectacle dans un fauteuil me suffît très-bien, à défaut d’autre : je m’attacherai donc ici simplement à un ouvrage d’esprit qui porte avec lui son caractère de distinction aisée et qui a un cachet moderne. […] A quoi bon descendre à plaisir des hauteurs où vous a placé l’amour pur de la jeune fille pour se révéler à elle le héros d’aventures vulgaires, ou le convalescent échappé de quelque grande passion, avec l’imagination éteinte et le cœur plein de cendres ? […] M. d’Alton-Shée, par la bouche de sa Pompéa, nous a laissé à sa manière son tableau de Couture, L’autre jour, à propos de la Vérité dans le vin, cette jolie comédie de Collé, je parlais de ces œuvres d’esprit qui sont des témoins d’un temps et qui marquent une date dans l’histoire des mœurs et des plaisirs. […] C’est ainsi que je la conçois en idée, cette histoire française du plaisir. […] Chateaubriand et Byron étaient venus ; il fallait, quand on s’amusait, s’enfoncer plus fort le plaisir pour s’arracher à un ennui plus intime et plus poignant.
Les poésies populaires l’occupaient aussi et le passionnaient à la rencontre ; il les recueillait chemin faisant à plaisir, air et paroles : ses amis se surprirent plus d’une fois à sourire, en lui entendant réciter, vouloir chanter et mettre en action les plus humbles ballades et mélodies. […] Il était lui-même le premier à sentir qu’il se livrait trop au plaisir de voir et d’apprendre indéfiniment, qu’il embrassait trop à la fois dans ses courses buissonnières à travers le monde, et il s’en confessait de bonne grâce, sauf à récidiver le lendemain. […] Viguier, quand il lisait et expliquait à sa conférence de l’Aristophane, — de ce Voltaire-Rabelais, et qui était encore quelque chose de plus, — était lui-même tout à fait à peindre, ne se tenant pas d’aise et de surprise à chaque instant, trépignant de plaisir, riant et pleurant tout ensemble, rougissant lorsqu’une énormité succédait dans le texte à des détails exquis ; et il s’écriait avec une douceur charmante : « Ah ! […] Vous concevez combien je dois trouver la journée courte, surtout en cette saison, surtout en me donnant le plaisir d’entendre trois ou quatre cours de suite dans la matinée, et deux ou trois dans l’après-midi jusqu’à sept heures. […] La fatigue est plus que compensée par le plaisir d’accoutumer mon oreille à la parole la plus rapide, outre l’intérêt même des cours qui sont si bien faits et si bien écoulés.
VII Comme Salomon et comme Épicure, j’ai pénétré dans la philosophie par le plaisir. […] XI La pensée est la superfluité de la vie : dans la jeunesse, on peut la mener de front avec les autres dépenses du dedans ; mais plus tard elle devient incompatible avec l’excès ou même avec l’usage des plaisirs. […] Ma curiosité, mon désir de tout voir, de tout regarder de près, mon extrême plaisir à trouver le vrai relatif de chaque chose et de chaque organisation m’entraînaient à cette série d’expériences, qui n’ont été pour moi qu’un long Cours de physiologie morale. XVI En philosophie comme en amour, il est de ces esprits grossiers qui vont droit au fait, ils pensent aussitôt à réaliser ; c’est supprimer le plus délicat des plaisirs, qui est de connaître le vrai, de le goûter, et de savoir qu’il s’altère aussitôt qu’on le veut mettre en action parmi les hommes. […] XX Je n’ai plus qu’un plaisir, j’analyse, j’herborise, je suis un naturaliste des esprits
Tous veulent un plaisir ; mais ceux-ci, le plaisir des yeux ; celles-là, le plaisir du cœur ; les derniers, le plaisir de l’esprit. […] En effet, au-delà de cette barrière de feu qu’on appelle la rampe du théâtre, et qui sépare le monde réel du monde idéal, créer et faire vivre, dans les conditions combinées de l’art et de la nature, des caractères, c’est-à-dire, et nous le répétons, des hommes ; dans ces hommes, dans ces caractères, jeter des passions qui développent ceux-ci et modifient ceux-là ; et enfin, du choc de ces caractères et de ces passions avec les grandes lois providentielles, faire sortir la vie humaine, c’est-à-dire des événements grands, petits, douloureux, comiques, terribles, qui contiennent pour le cœur ce plaisir qu’on appelle l’intérêt, et pour l’esprit cette leçon qu’on appelle la morale : tel est le but du drame.
Ceux qui se servent de ces avantages pour enseigner la vertu, lui gagnent plus sûrement les coeurs, à la faveur du plaisir ; comme ceux qui s’en servent pour le vice, en augmentent encore la contagion par l’agrément du discours. […] Qui peut nier, par exemple, que la musique ne soit un art ; et qui cependant, s’il ne veut subtiliser, pourroit y trouver d’autre utilité que le plaisir ? […] Il aimoit passionnément le plaisir ; et comme il n’imaginoit rien pour l’homme au-delà de la vie présente, il en mettoit le bon usage à en consacrer tous les instans à la volupté. […] Le plaisir étoit son occupation : la lyre n’étoit que son délassement. […] C’est un risque que je cours avec plaisir ; et la reconnoissance d’un auteur ne sçauroit gueres aller plus loin.
Ainsi il parla ; et moi, l’entendant parler, j’écrivais sous sa dictée ; et plus d’une fois, je me disais tout bas qu’il avait peut-être raison, mais que notre plaisir à tous, lui donnait le démenti le plus formel. […] Mais quand vous arrivez à Molière contrefaisant Beauchâteau, Hauteroches, Villiers, tous les comédiens de l’Hôtel de Bourgogne, j’avoue que mon plaisir en est gâté. — Je ne veux pas que Molière, même devant Louis XIV, à plus forte raison devant moi, fasse le métier d’Alcide Tousez. […] Il semble à vous ouïr parler que les règles de l’art soient les plus grands mystères du monde, et cependant ce ne sont que quelques observations aisées que le bon sens a faites sur ce qui peut ôter le plaisir que l’on prend à ces sortes de poèmes. […] Veut-on que tout un public s’abuse sur ces sortes de choses, et que chacun ne soit pas juge du plaisir qu’il y prend ? […] Jamais comédiens plus heureux et plus illustres n’occupèrent un théâtre. — Eux-mêmes ils étaient, dans ce monde à part, une passion nouvelle, quelque chose d’inconnu dont on s’approchait avec un plaisir mêlé d’un certain effroi.
Lamotte, qui a fait un examen détaillé de cette fable, dit qu’on ne sait quelle est l’idée qui domine dans cet Apologue, ou des dangers du voyage, ou de l’inquiétude de l’amitié, ou du plaisir du retour après l’absence. Si au contraire, dit-il, le pigeon voyageur n’eût pas essuyé de dangers, mais qu’il eût trouvé les plaisirs insipides loin de son ami, et qu’il eût été rappelé près de lui par le seul besoin de le revoir, tout m’aurait ramené à cette seule idée, que la présence d’un ami est le plus doux des plaisirs. […] Il pouvait le louer d’avoir banni ces fous de cour si multipliés en Europe, d’avoir substitué à cet amusement misérable, les plaisirs nobles de l’esprit et de la société. […] si l’amour n’assaisonne Les plaisirs que l’amour nous donne, Je ne vois pas qu’on en soit mieux.
Pour moi, j’éprouve le plus vif plaisir à avouer ici la double dette de reconnaissance que j’ai contractée. […] Pour ces hommes, le plaisir de l’esprit n’est jamais pur ; il s’y mêle toujours un plaisir des sens. […] Mais, dans la généralité des cas, le plaisir que l’on cherche à procurer au spectateur est un plaisir général et total qui se compose de la somme de toutes ses sensations et de toutes ses émotions, de quelque nature qu’elles soient. […] L’attention est détournée de son objet principal, et, dans ce cas, le plaisir que nous goûtons, véritable plaisir des sens, est inférieur à celui que nous aurions dû ressentir. […] N’est-il pas à espérer que parmi ce peuple, ceux qui auront une fois goûté et apprécié un plaisir si délicat se sentiront moins entraînés vers des plaisirs grossiers ?
On peut même soupçonner qu’il prend grand plaisir à l’enfler, et regarde au nombre plus qu’au choix : témoin ces amours d’un éléphant et d’une bouquetière en la ville d’Alexandrie, dont il nous fait part gravement, et je ne sais combien d’autres sottises, auxquelles il se donne l’air de croire. […] Il y a deux choses certaines, et que tout l’effort du pyrrhonisme ne saurait obscurcir : c’est le plaisir et la douleur. — Mais le plaisir et la douleur varient d’homme à homme, selon les tempéraments, de minute à minute, selon les revirements de l’humeur. — Pas tant que cela, si l’on commence par écarter tous les plaisirs et toutes les douleurs d’opinion, qui sont des inventions humaines, et que notre prétendue civilisation attache à des biens imaginaires. […] « Notre grande et puissante mère nature » nous enseigne à fuir la douleur et à chercher le plaisir : elle nous fournit les outils à cette besogne, nos instincts, nos organes, nos facultés ; elle nous prescrit le choix et la mesure. […] C’est alors qu’il faut user d’industrie, ne lâcher à La douleur que les parties de notre être et de notre vie que la nature lui attribue, et faire étude de conserver leur place et leurs moments à tous les plaisirs. […] Je ne sais si on l’a assez remarqué, les plus fragiles ou fausses morales ont toujours été proposées par de très honnêtes gens qui ont pris dans l’instinct et dans le plaisir la règle fondamentale de la vie, parce que leur instinct et leur plaisir ne les écartaient pas sensiblement des actions sans lesquelles il n’y a plus de morale, partant plus de société : ainsi Helvétius, ainsi Montaigne.
Sarcey fait un singulier plaisir. […] Il n’est content que si sa curiosité est piquée, que s’il éprouve le plaisir de l’attente, de la prévision et de la surprise. […] C’est de la meilleure foi du monde qu’ils ne prennent point de plaisir au théâtre de Scribe. […] Sur le reste ils ne sont pas difficiles, quoique l’habileté de l’arrangement dramatique leur soit certainement un surcroît de plaisir. […] Tous, je crois, prenaient la même sorte de plaisir à une comédie d’Aristophane ou à une tragédie de Sophocle.
C’est l’aveu naïf d’un plaisir. […] La sensibilité ne se soucie que du plaisir ; qu’à ce plaisir se joigne un élément intellectuel, et voilà l’esthétique. […] Ça lui donne du plaisir, ou le laisse froid, et voilà tout. […] Les plaisirs permis sont les plus fades. […] Le reste est plaisir morose et passe-temps de malade.
Ce naturel est gaulois, trop gaulois, dira-t-on, c’est-à-dire peu moral, médiocrement digne, exempt de grandes passions et enclin au plaisir. […] Il ne prenait que l’agrément chez les unes et chez les autres ; il était « chose légère », aimante, aimable, trop délicate et trop vive pour se salir dans le plaisir brutal ou pour se briser dans les émotions extrêmes. […] En effet, toutes les occupations chez lui se tournent en plaisirs, et on le retrouve dans ses vers tel qu’on vient de le voir dans sa vie. […] Ajoutez encore un point, la bonté ; celui-ci a beau être épicurien, impropre aux devoirs de la société et de la famille, prompt au plaisir, inattentif aux conséquences ; il n’est jamais égoïste ni dur. […] Il passait par Amboise où Fouquet avait été enfermé d’abord : « Je demandai à voir cette chambre, triste plaisir, je vous le confesse, mais enfin je le demandai.
Que ces esprits indifférens sur le désordre qui ne les touche pas, que ceux dont la foible prudence méconnoit cette vertu supérieure à toute crainte, l’appellent un insensé, ou le regardent comme un misantrope qui se livre au triste plaisir d’exercer une censure amere ; ce n’est pas à eux de sentir qu’il est impossible à l’homme vertueux de garder le silence, tandis que les cris plaintifs des victimes de l’oppression retentissent à son oreille & frappent son cœur sensible, tandis que les droits éternels de la Justice sont violés pour satisfaire quelques monstres avides, tandis qu’un peuple entier vit dans les larmes, ayant tout perdu jusqu’au droit lamentable d’élever ses soupirs ; ah ! […] Les plaisirs vous invitent, la volupté devient plus séduisante lorsque vous vous refusez à ses attraits, il faut, nouveaux Ulisses fermer l’oreille au chant des trompeuses Sirennes, vous couvrir de votre solitude comme d’un Egide impénétrable, fuir le monde pour lui devenir utile, embrasser la retraite autant par goût que par raison ; c’est là que votre ame ne se renferme pas dans le cercle étroit du présent qui s’échappe, mais s’élance dans ces espaces immenses qui la rapprochent des Ecrivains de tous les tems. […] que l’homme s’abuse sur les objets de la volupté, qu’il se trompe dans le choix de ses plaisirs, qu’il s’égare dans le tortueux dédale des desirs de son cœur. […] Pourquoi enfin, leur interdisant toute noble carrière, leur envions nous encore les jeux & les plaisirs de l’esprit ? […] Mais ce seroit peu d’avoir exposé la liberté dont jouit l’homme de Lettres, si je ne dévoilois les plaisirs délicats qui l’accompagnent à chaque instant qu’il les appelle.
La tâche bibliographique — depuis cinq ou six ans que je la remplis toujours avec plaisir, malgré les heures de nonchalance — m’a valu quelques amitiés devenues estimes, que je n’avais point cherchées ; mais aussi m’a-t-elle coûté des sympathies qui ne m’étaient pas sans prix. […] L’écriture me donne un plaisir clair, un plaisir que je ne puis analyser, et qui se décuple à cette analyse. […] Où lisais-je donc que, faute de base scientifique pour ériger un système de critique absolue, il fallait s’en remettre à la divination des écrivains de valeur, qui se prouvaient tels par les vers ou la prose, et sur ce garant accepter avec plaisir, avec recueillement un peu, les opinions qu’ils émettent et comme une sténographie de leurs conversations ? […] Le plaisir et la rapidité de lecture, qui sont tout pour le lecteur, pour le critique ne sont qu’un signe. […] J’ai bataillé souvent moi-même sur ce sujet avec un ami chroniqueur d’art : il est circonspect avec son plaisir comme ces enfants peureux de casser leurs joujoux en en cherchant les rouages : mais il suffit de notions de mécanique pour les démonter sans danger.
Sainte-Beuve, nous dit-il, fut surtout biographe ; il s’efforça d’arriver à la connaissance de l’individu, mais il ne vit point que la connaissance d’un auteur « n’affecte en rien le plaisir esthétique que peuvent donner ses livres » (p. 41). […] Lui pourtant, qui accepte avec Spencer, contre Guyau, la théorie de l’art fin en soi, désintéressé, il sent bien que l’art doit avoir sa marque propre, que l’émotion esthétique se distingue en quelque chose des émotions ordinaires, et il recourt, pour se tirer d’embarras, à une hypothèse ingénieuse : « Nous croyons, écrit-il (p. 36), qu’il faudra à l’avenir distinguer dans l’émotion ordinaire (non plus esthétique) : d’une part, l’excitation, l’exaltation neutre qui la constitue, qui est son caractère propre et constant ; de l’autre, un phénomène cérébral additionnel, qui est l’éveil d’un certain nombre d’images de plaisir ou de douleur, venant s’associer au fond originel, le colorer ou le timbrer, pour ainsi dire, et produire la peine ou la joie proprement dites, quand elles comprennent le moi comme sujet souffrant et joyeux. » L’émotion esthétique aurait alors ceci de particulier, que, « tout en conservant intact l’élément excitation », elle « laisse à son minimum d’intensité l’élément éveil des images, etc. ». […] Il fallait, pour toucher le fond du plaisir du beau, remonter aux perceptions mêmes, aux états perceptifs de la vue ou de l’ouïe, lesquels sont agréables ou désagréables selon la nature et le degré de l’excitation. […] Dans les produits simples de l’art plastique, dans la poésie de mots, le plaisir paraît dépendre immédiatement de l’excitation ; seules les œuvres dramatiques, parce que leur matériel est l’action humaine, appellent nécessairement un cortège d’émotions ordinaires, pénibles ou joyeuses, qui n’y prennent cependant, pour parler la langue de M. […] Saisie dans le jour blanc d’un musée ou fixée aux panneaux futilement ornés d’un salon, la toile dont les pigments réfléchissent les diaprures incluses du rayonnement solaire, refleurira par les mots, dans l’accord heurté ou doux à l’œil de ses nuances stridentes ou tragiquement mortes, etc. » J’aurais honte de citer ce morceau pour le vain plaisir de le déclarer mauvais ; mais il est bon d’aviser les jeunes écrivains et de s’avertir soi-même du danger où l’on est d’écrire en style décadent, lorsque, fût-on un maître, on cède à l’illusion d’enrichir le sens par la bigarrure des mots.
C’est par cette ouverture pénétrante que Massillon s’attaquait au vif à l’incrédulité de son temps, à celle qui était le propre des hommes de plaisir, qui était encore de bel air et de prétention bien plus que de doctrine, et qui pouvait s’appeler du libertinage en réalité. […] Les Sermons de Massillon ne sont pas de ces ouvrages qui s’analysent : on ne les réduit pas à plaisir, on ne coupe point à volonté dans ces beaux ensembles de mœurs traités si largement, dans ces vastes descriptions intérieures où rien de successif n’est oublié : on pourrait tout au plus en présenter des morceaux étendus et des lambeaux. […] À tout cela ajoutez ces moments cruels où la passion moins vive nous laisse le loisir de retomber sur nous-même et de sentir toute l’indignité de notre état ; ces moments où le cœur, né pour des plaisirs plus solides, se lasse de ses propres idoles et trouve son supplice dans ses dégoûts et dans sa propre inconstance. […] Ne pouvant plus varier les plaisirs déjà tous épuisés, vous ne sauriez plus trouver de variété que dans les inégalités éternelles de votre humeur, et vous vous en prenez sans cesse à vous du vide que tout ce qui vous environne laisse au-dedans de vous-même. […] Approchez des grands ; jetez les yeux vous-même sur une de ces personnes qui ont vieilli dans les passions, et que le long usage des plaisirs a rendues également inhabiles et au vice et à la vertu.
Daru ait trouvé le temps et se soit donné le plaisir d’écrire cette réponse si régulière, si bien discutée, et qui n’était pas du tout indispensable. […] Il n’y avait, entre le vice-roi et le gouvernement vénitien, qu’une brouillerie simulée, une guerre simulée, une conjuration faite à la main et filée à plaisir, le tout afin de masquer le jeu et de mieux se donner la main au moment décisif. […] — Telle qu’elle est, cette Histoire de Bretagne, aux heures sérieuses, se lit avec instruction et non sans plaisir. […] Je l’ai dit, il remplissait avec bonheur ces fonctions qui souvent sont des charges pour d’autres : il était rapporteur avec talent comme avec plaisir. […] Je les faisais avec facilité, et j’y trouvais plaisir.
Ils m’ont fait tant de plaisir entre quinze et dix-huit ans que je leur en garde une reconnaissance éternelle et qu’il m’est encore difficile de les juger aujourd’hui en toute liberté. […] Et, si ce sont là actions pures, au moins nous avons vécu pendant une heure au milieu d’une humanité plus belle et plus noble, ce qui est un grand plaisir pour ceux qui n’aiment pas la réalité ou qui ne savent pas la voir. […] On les voit, on les aime, on voudrait les étreindre, et on éprouve, à les découvrir là, un peu du plaisir qu’on sentirait à rencontrer des créatures de chair, élastiques et désirables, dans les clairières bleues du pays des ombres. […] Cette créature pourra fort bien n’être que modérément malfaisante ; car la bonne Nature a voulu qu’il y eût sur la terre, en dehors de toute morale, d’autres plaisirs que ceux des animaux de proie. […] Et bien qu’une autre littérature m’ait fait connaître des plaisirs plus aigus, j’admire franchement de quelle grâce l’auteur du Roman d’un jeune homme pauvre a su manier le romanesque, quand je vois ce qu’est devenu ce vieil oiseau bleu entre certaines pattes.
11 Mais j’ai relu avec un plaisir profond les notes sur l’île de Wight, sur l’Irlande et l’Écosse, sur les lacs anglais, sur Oxford et sur Londres. […] … De passants en passants tu erres, quasi candide, point effrontée, point brutale, et à celui qui te renvoie moins durement que les autres, tu demandes de quoi boire une goutte d’eau-de-vie ; et tout à l’heure, je pourrai te voir debout auprès du comptoir d’un bar, au milieu d’autres filles, jeunes et douces comme toi, parmi des hommes en haillons, et ton visage d’ange exprimera un plaisir naïf tandis que tu videras un large verre de brandy. […] je me suis, sans doute, figuré depuis que j’avais fait le plus adorable voyage, et je le raconte quelquefois en coupant mon récit de cris d’admiration ou de plaisir : mais, quand je rentre en moi-même et que je tâche d’être sincère, je sens très bien que, ce coin du Sahara, c’est à travers le livre de Fromentin que je le revois, non à travers mes propres souvenirs ; je sens que ce voyage n’a rien ajouté à la vision que j’apportais avec moi, et que mes yeux ont, sans le savoir, conformé la réalité à cette vision. […] A quoi bon aller chercher, bien loin, d’autres paysages, puisque ces paysages, même imaginés d’après les livres, c’est-à-dire plus beaux qu’ils ne sont, me font moins de plaisir que celui-là ?
Là où l’intérêt n’est que le plaisir de la surprise, l’effet doit être le gros rire. […] L’intérêt, c’est encore le plaisir de la surprise ; mais il s’y joint celui de la voir expliquée. […] Oui, vraiment, il y croit par vanité, et il y croit encore par le plaisir de trouver en faute la pupille d’Ariste. […] Le public y prendrait-il le même plaisir qu’aux ouvrages légers ? […] Mais elle est coquette ; et quelle est la coquette qui n’a pas à payer par quelque embarras le plaisir quelle prend aux hommages ?
Jamais, dit-on, l’humanité n’a été plus assoiffée de plaisir, de luxe et de richesse. […] Si l’on doutait de la communauté d’essence entre les deux états d’âme auxquels ces principes correspondent, il suffirait de remarquer que dans l’école épicurienne elle-même, à côté de l’épicurisme populaire qui était la recherche souvent effrénée du plaisir, il y eut l’épicurisme d’Épicure, d’après lequel le plaisir suprême était de n’avoir pas besoin des plaisirs. […] Ici encore la science a son mot à dire, et elle le dira un jour si nettement qu’il faudra bien l’écouter : il n’y aura plus de plaisir à tant aimer le plaisir. […] Les plaisirs subsisteraient, mais ternes et décolorés, parce que leur intensité n’était que l’attention que nous fixions sur eux. […] Le plaisir serait éclipsé par la joie.
Et ne croyons pas que l’étude des œuvres du génie ne soit pour nous qu’un délassement et un plaisir. […] L’enfant encore inculte, le paysan grossier, éprouvent une sensation de plaisir à la vue d’un beau spectacle, au récit d’une aventure intéressante. […] Cet examen répété sur plusieurs poèmes nous permettra, en les comparant les uns aux autres, de bien comprendre le plaisir qu’ils nous font éprouver. […] De cinq actes en vers les tragiques attraits Des plaisirs du salon devaient faire les frais. […] On prétend « Que c’est avec plaisir qu’à la chambre on l’entend.
C’est dire que la littérature n’est pas objet de savoir : elle est exercice, goût, plaisir. […] La littérature est destinée à nous fournir un plaisir, mais un plaisir intellectuel, attaché au jeu de nos facultés intellectuelles, et dont ces facultés sortent fortifiées, assouplies, enrichies. […] Elle a cette excellence supérieure, qu’elle habitue à prendre plaisir aux idées. […] Je ne comprends donc pas qu’on étudie la littérature autrement que pour se cultiver, et pour une autre raison que parce qu’on y prend plaisir.
La critique ainsi entendue n’est plus que l’agrandissement égoïste de la personne, qui veut dominer une autre personne. « N’y a-t-il pas du plaisir, demande Candide, à tout critiquer, à sentir des défauts où les autres hommes croient voir des beautés ? » Et Voltaire répond : « Sans doute ; c’est-à-dire qu’il y a du plaisir à n’avoir point du plaisir. » Nous connaissons tous, critiques à nos heures, ce plaisir subtil qui consiste à dire hautement qu’on n’en a pas eu, qu’on n’a pas été « pris », qu’on a gardé intacte sa personnalité. […] » Le malheur est que celui qui veut rencontrer le laid le rencontrera presque toujours, et il perdra pour le plaisir de la critique celui d’être « touché », qui, selon La Bruyère, vaut mieux encore.
Je luy ay rendu dans mes odes un hommage public que je confirme encore avec plaisir. […] Il n’y a que quelques sçavans qui se plaisent à l’admirer dans le grec, parce qu’ils prennent le plaisir historique et celui d’entendre une langue sçavante, pour un plaisir purement poëtique. […] On peut avoir deux sortes de plaisir à la répresentation d’une tragédie. […] Et quoiqu’on les sçache déja quand on relit l’ouvrage, on goûte encore le plaisir de ce même arrangement que l’art demandoit. […] Jusqu’à quand, malheureux, dans tes tristes fureurs feras-tu tes plaisirs, d’annoncer nos malheurs ?
Cependant il ne prend pas avec toutes indistinctement le même plaisir. […] Le plus humain des peuples était un peu las des plaisirs et des pouvoirs de l’humanité. […] C’est notre plaisir et le leur qu’ils se proposent pour premier objet. […] Henri de Régnier, qu’il écrirait un jour la « Double maîtresse » et le « Bon plaisir » ? […] On dira d’elle ce qu’un autre conteur disait de son ouvrage : qu’il était plus fait « pour apprendre la morale du plaisir que pour procurer le plaisir de faire de la morale ».
La réponse qui s’offre tout d’abord, c’est que peut-être il joue la comédie, par intérêt et par plaisir. […] Nous croyons toujours un peu ce que nous aurions intérêt ou plaisir à croire. […] Il reprend sa plume, il insulte par habitude, il calomnie sans y trouver le moindre plaisir parce qu’il faut vivre. […] Et ces plaisirs doivent être d’une espèce assez rare et délicate pour qu’il soit fort éloigné d’y renoncer jamais. […] Puis il songe que, si dans un ou plusieurs siècles, la forme actuelle de la société se trouve radicalement changée, à cette distance tous les révoltés d’aujourd’hui, pêle-mêle, passeront pour des précurseurs et sembleront avoir travaillé pour l’avènement de la justice… Décidément le rôle de révolutionnaire artiste comporte des plaisirs si distingués qu’on est presque excusable d’y sacrifier un peu de sa conscience.
Notre principale faculté active est traduite par la volition dont la nature est de nous pousser à fuir la douleur et rechercher le plaisir. […] L’étendue est le fait objectif par excellence ; le plaisir et la douleur sont les phases les mieux marquées de la pure subjectivité. Entre la conscience de l’étendue et la conscience d’un plaisir, il y a la ligne de démarcation la plus large que l’expérience humaine puisse tirer dans la totalité de l’univers existant. […] Il s’agit, pour l’artiste, de faire plaisir à la nature humaine, « d’accroître la somme de son bonheur. » Le premier but de l’artiste doit être de satisfaire le goût. […] Le critère de l’artiste est le sentiment, son but un plaisir délicat.
Pendant ce temps-là, madame de Montespan partageait son temps entre l’embellissement de Clagny et des empressements pleins de respect pour la reine, qui prenait plaisir favoriser son beau repentir, et sa résignation à une vie plus régulière. […] « On devait partir aujourd’hui pour Fontainebleau, où les plaisirs devaient devenir des peines par leur multiplicité : tout était prêt. […] Cela est difficile à accommoder, et je passe ma vie dans des horribles qui m’ôtent tous les plaisirs du monde et la paix qu’il faudrait pour servir Dieu. […] Elle était l’objet des secrètes et tendres sollicitations du roi et ne voulait pas y répondre ; et madame de Montespan était de nouveau rendue aux habitudes de ce prince, pour qui le plaisir était un besoin. […] J’ai composé un long chapitre pour dire ce que je viens de résumer en dix lignes ; mais ce chapitre est un assemblage de fragments tirés des écrits de mesdames de Sévigné et de Maintenon, et je n’ai pu résister au plaisir de les transcrire.
Mais ces saules, cette chaumière, ces animaux qui paissent aux environs, tout ce spectacle d’utilité n’ajoute-t-il rien à mon plaisir ? […] C’est lui qui réfléchit et qui voit dans l’arbre de la forêt, le mât qui doit un jour opposer sa tête altière à la tempête et aux vents ; dans les entrailles de la montagne, le métal brut qui bouillonnera un jour au fond des fourneaux ardents, et prendra la forme et des machines qui fécondent la terre et de celles qui en détruisent les habitants ; dans le rocher, les masses de pierre dont on élèvera des palais aux rois et des temples aux dieux ; dans les eaux du torrent, tantôt la fertilité, tantôt le ravage de la campagne ; la formation des rivières, des fleuves ; le commerce, les habitants de l’univers liés, leurs trésors portés de rivage en rivage et de là dispersés dans toute la profondeur des continents ; et son âme mobile passera subitement de la douce et voluptueuse émotion du plaisir au sentiment de la terreur, si son imagination vient à soulever les flots de l’océan. C’est ainsi que le plaisir s’accroîtra à proportion de l’imagination, de la sensibilité et des connaissances.
Je le répète encore, je n’écris que pour m’amuser, et je me fais un plaisir de ne rien cacher de tout ce qui m’est arrivé, pas même de mes plus secrètes pensées. […] Rien ne me fait plus de plaisir qu’un bel opéra, mes oreilles communiquent les doux accents de la voix jusqu’au fond de mon cœur ; un beau jardin, de magnifiques bâtiments charment mes yeux ; mais si de pareils plaisirs pouvaient faire tort à mon honneur, je m’en priverais. […] Ainsi, en quittant l’Ermitage, où il est retourné la voir en 1743 : Ce ne sont point, ma sœur, tous vos brillants plaisirs, C’est vous seule que je regrette. […] Les opéras, les chanteurs et cantatrices, qui sont un de ses plaisirs, ne lui suffisent pas : elle a besoin de conversation ; il y a des vides et des silences autour d’elle : « Nos entretiens me semblent comme la musique chinoise, ou il y a de longues pauses qui finissent par des tons discordants. » Cette conversation qui lui manque de près, elle la cherche au loin, et elle trouve heureusement dans son frère un correspondant qui a du temps pour tout. […] Ce n’est point seulement par complaisance et pour condescendre à autrui qu’il entre dans cette variété de matières, c’est bien par goût, avec abandon et plaisir.
Parcourez ces titres : du Merveilleux — Plaisir du mystère, — du Sentiment de la mélancolie — Plaisir de la ruine — Plaisir des tombeaux — Plaisir de la solitude ; vous vous demanderez ce que Chateaubriand a trouvé599.
« Mandez-moi tout ce qu’on dit, tout ce que vous pensez… Quel plaisir d’être enfermée89, pour les raisons que vous dites ! […] Je ne veux pourtant pas en sortir encore ; trop de charmes m’y attachent, et à ma faiblesse, je sens que je ferais des efforts inutiles, on vous a dit vrai, si l’on vous a peint mon directeur comme un homme rigide ; mais vous ne devriez pas vous le figurer ridicule, Il ne défend point les plaisirs innocents ; mais il ne permet pas de traiter d’innocents ceux qui sont criminels. […] Sur quoi le roi dit, en parlant de madame Scarron : Elle sait bien aimer ; il y aurait du plaisir à être aimé d’elle 92. » L’aversion des érudits pour les conjectures, et celle des esprits sages pour le romanesque, ne peuvent aller jusqu’à méconnaître que cette parole du roi fait époque dans l’histoire de ses relations avec madame de Maintenon. […] Il doit y avoir du plaisir à servir un héros et un bienfaiteur.
Or, nous vivons en France dans une suite continuelle de plaisirs ou d’occupations tumultueuses qui ne laissent presque point de vuide dans les journées et qui nous tiennent toujours ou dissipez ou fatiguez. […] Les plaisirs qui sont encore plus vifs et plus fréquens ici que par tout ailleurs, se saisissent du tems que nous laissent les occupations que la fortune nous a données, ou que notre inquiétude nous a fait rechercher. […] Il ne sçauroit concevoir tout le prix de l’ouvrage qu’après l’avoir vû plusieurs fois, ni lui donner la préeminence dont il est digne, qu’après avoir comparé durant un temps le plaisir qu’il lui fait, avec le plaisir que lui font ces ouvrages excellens qu’une longue approbation a consacrez.
Or, la différence qui se produit dans le passage du plaisir à la douleur est une résistance, une action contrariée. […] Il n’en est pas moins vrai qu’entre le souvenir de la peine passée et le sentiment du plaisir présent il y a une certaine opposition, une contrariété, une résistance bien vite vaincue du souvenir contre la réalité, de la douleur évanouissante contre le plaisir qui déborde. […] Supposez donc dans la conscience : 1° un changement de plaisir en douleur ; 2° un changement en sens opposé, un retour de la douleur au plaisir, dont l’image avait subsisté pendant la douleur même : ce nouvel état sensitif coïncidera avec l’image de l’ancien. […] Plus tard, par le progrès de la conscience, l’animal arrive, indépendamment du plaisir et de la douleur, à distinguer du changement l’absence de changement, de la différence la non-différence. […] C’est, en dernière analyse, par l’accord sensible du plaisir, par l’harmonie éprouvée et réalisée, que nous faisons d’abord connaissance avec l’accord intellectuel, avec l’harmonie pensée.
Il cause donc, à l’aise et dispos, et il éprouve du plaisir à causer. […] Il consiste d’abord dans le plaisir de vivre avec des gens parfaitement polis ; nul plaisir plus pénétrant, plus continu, plus inépuisable. […] On peut bien comprendre en gros ce genre de plaisir ; mais comment le rendre visible ? […] Quelles physionomies fines, engageantes et gaies, toutes brillantes de plaisir et d’envie de plaire ! […] La gaieté au dix-huitième siècle. — Ses causes et ses effets. — Tolérance et licence. — Bals, fêtes, chasses, festins, plaisirs. — Libertés des magistrats et des prélats.
Araminte commence, ainsi que Silvia, par le plaisir secret de se voir aimée sans conséquence. […] Il ôte aux autres le plaisir de se moquer de son travers, en s’en moquant lui-même. […] Il est méchant pour le plaisir de l’être. […] Il en est ainsi pour tout spectateur capable de se rendre compte de son plaisir. […] Spectacle piquant pour ceux qui savent quelque chose de cette vie aventureuse, et qui au plaisir d’assister à des pièces amusantes peuvent joindre le plaisir de se croire les confidents des plus secrètes pensées de l’auteur.
Benoit est un charmant imaginatif qui invente des histoires pour le plaisir de les inventer, les contes pour le plaisir de les conter. […] Et pourtant il n’est rien dont la littérature s’occupe moins que du plaisir, j’entends le plaisir physique. […] Mardrus la présence ou l’image du plaisir. […] Si le plaisir est lumière, la douleur est ombre. […] Bel hommage rendu au plaisir, de ne réserver comme péchés inavouables que les deux péchés contre le plaisir !
Le plaisir peut changer d’objet, et se diversifier de mille manières ; mais quelque forme qu’il prenne, plaisir physique, plaisir intellectuel, plaisir moral, c’est toujours le plaisir que l’homme poursuit. […] N’allons pas nous livrer à tous les plaisirs qui s’offrent à nous sur la route de la vie sans examiner si ces plaisirs ne cachent pas plus d’une douleur. Le plaisir présent n’est pas tout : il faut songer à l’avenir ; il faut savoir renoncer aux jouissances qui peuvent amener des regrets, et sacrifier le plaisir au bonheur, c’est-à-dire au plaisir encore mais plus durable et moins enivrant. […] L’un est plus touché dus plaisirs des sens, l’autre des plaisirs de l’esprit ou du cœur. À celui-ci la passion de la gloire tient lieu des plaisirs des sens ; à celui-là le plaisir de la domination paraît bien supérieur à celui de la gloire.
Il oublie tous les plaisirs de la France, il oublie sa famille et la richesse qui l’attendait. […] Nous laissons à d’autres le triste plaisir d’opposer les odes royalistes de M. […] Les strophes reluisent et se déroulent avec une agilité merveilleuse ; mais le plaisir de cette lecture est un plaisir stérile et ne laisse aucune trace dans la mémoire : en admirant le versificateur, nous cherchons le poète. […] Hugo ; mais cette illusion, quoique passagère, est funeste à la poésie ; elle détourne la foule des plaisirs sérieux, des plaisirs de l’intelligence, et l’habitue à de puérils délassements. […] Cet épisode est, à mon avis, un véritable hors-d’œuvre, et je le verrais disparaître avec plaisir.
Les singularités ne s’attirent point de créance au théâtre, et privent le spectateur du plaisir d’une imitation dont il puisse juger. […] Il n’y a, sur la scène, qu’un seul héros qui y fasse quelque plaisir, en se gouvernant toujours par les principes d’une vertu tranquille ; c’est Régulus, dans la pièce de Pradon. […] Notre amour propre voit avec plaisir nos défauts unis à de grandes qualités. […] La crainte même et la pitié qu’il en ressent, lui deviennent chères ; car au plaisir physique d’être ému, au plaisir moral et tacitement réfléchi d’éprouver qu’il est juste, sensible et bon, se joint celui de se comparer aux malheureux dont le sort le touche. […] Les sujets champêtres font plaisir par les tableaux naïfs qu’ils nous présentent, et sont très susceptibles d’une musique gracieuse, par les images riantes dont ils sont ornés.
Le plus heureux homme du monde n’a jamais tous ces plaisirs à souhait. […] Je trouve aussi que ces plaisirs sensuels sont grossiers, sujets au dégoût et pas trop à rechercher, à moins que ceux de l’esprit ne s’y mêlent. […] Et comme les plaisirs de l’esprit surpassent de bien loin ceux du corps, il me semble aussi que les extrêmes douleurs corporelles sont beaucoup plus insupportables que celles de l’esprit. Je vois, de plus, que ce qui sert d’un côté nuit d’un autre ; que le plaisir fait souvent naître la douleur, comme la douleur cause le plaisir, et que notre félicité dépend assez de la fortune et plus encore de notre conduite. — Je l’écoutois doucement quand on nous vint interrompre, et j’étois presque d’accord de tout ce qu’il disoit. […] Mme de Sablé et M. de La Rochefoucauld, en leur temps, trouvaient plaisir à s’entretenir avec lui : est-ce à nous d’être si difficiles ?
Le poète ne donnait à son ami que des conseils de paresseux et de sage, et Bussy y substitue des conseils chrétiens ; là où Racan avait dit : Qu’Amour soit désormais la fin de nos désirs ; Car pour eux seulement les Dieux ont fait la gloire, Et pour nous les plaisirs ; Bussy, dans sa version corrigée et tout édifiante, suppose qu’il faut lire : Que Dieu soit désormais l’objet de nos désirs ; Il forma les mortels pour jouir de sa gloire, Et non pas des plaisirs. Quoi qu’il en soit, quand Bussy, jeune, lisait cette ode qui faisait partie à ses yeux de l’héritage et de l’illustration domestique, il la lisait bien dans le premier texte, et son objet le plus cher fut, tant qu’il put d’associer les deux choses que séparait le poète, les plaisirs et la gloire, les entreprises de guerre et celles d’amour. […] Jamais homme ne s’est si peu soucié d’argent que lui… Il aimait les femmes, mais sans s’y attacher ; il aimait assez les plaisirs de la table, mais sans débauche ; il était de bonne compagnie ; il savait mille contes ; il se plaisait à les faire, et il les faisait fort bien. […] Quoi qu’il en soit, avec tous ses défauts, son inclination aux plaisirs, son goût connu et son talent irrésistible pour les épigrammes et les chansons, avec ses désordres de conduite, son grain de libertinage et d’esprit fort, sa fureur du jeu, où il avait un bonheur insolent, Bussy, vers 1659, était en passe d’arriver à la plus haute fortune militaire, lorsque la paix vint le livrer sans distraction à ses périlleux penchants. […] Telle qu’elle est, elle se fait lire avec plaisir encore.
Si vous pouviez connaître combien de plaisirs différents nous procure une réputation établie dans ce genre ! […] Ne songez-vous jamais que vous pourriez aimer ailleurs, être heureux, jouir de même, et faire servir vos plaisirs à votre fortune. […] Si les plaisirs vous dominent, suivez-les ; mais songez que le temps se passe. […] Pour moi, plus fondé dans mes principes, quoique aussi détraqué dans mes actions, je suis mes plaisirs, je les cours, je me livre à leur léthargie et en sors par le mouvement. […] Sous l’impression de cette attaque, il jette sur le papier quantité de bonnes raisons qui lui sont familières, de ces réflexions dont il est rempli sur l’ambition et sur les plaisirs ; il les approprie à leur situation à tous deux.
Il s’est trouvé des gens (et j’en connais plus d’un) qui l’ont adorée comme une maîtresse et comme une divinité, passionnément et dévotement ; des fanatiques pour qui le meilleur plaisir ou même le plaisir unique a été le spectacle de la vie de la terre, de ses formes, de ses couleurs, de ses métamorphoses ; des initiés capables de passer une journée au bord de l’eau pour voir l’eau couler, ou sous les bois pour respirer la fraîcheur féconde, pour entendre le bruissement des feuilles et la palpitation des germes et pour boire des yeux toutes les nuances du vert ; capables d’y passer même la nuit pour y surprendre des effets de lune, pour assister à des mystères, pour s’enchanter de la féerie qui se lève dans les taillis aux heurts crépusculaires. […] Nos faunes les plus Convaincus ont des rechutes, reviennent à Paris, se laissent reprendre à l’attrait malfaisant des plaisirs artificiels, des curiosités inutiles, de la vie inquiète. […] Visiblement le romancier prend plaisir à nous exposer ces choses, et ainsi l’intérêt de la fable se double pour nous de l’intérêt qu’on prend toujours à voir élucider une affaire compliquée. […] II Mais c’est assez chicaner sur son plaisir. […] Un dieu personnel qui saurait tout et pour qui l’univers serait parfaitement clair n’en jouirait que comme d’une machine bien agencée ; il savourerait des rapports de nombre ; il n’aurait qu’un plaisir de mathématicien : il ne rêverait jamais.
Bourget est très nettement de ceux qui sont moins préoccupés du monde extérieur que du monde de l’âme, moins sensibles au plaisir de voir et de rendre la forme des choses ou les divers aspects de la mêlée humaine qu’à celui de décomposer des sentiments et des idées en leurs éléments primitifs et de remonter d’un phénomène moral à un autre, jusqu’à tant qu’il s’en trouve un qui soit irréductible. […] Mais le fond de son coeur et de son être, c’est, je pense, un très douloureux souci de la vie morale, l’impossibilité de s’en tenir aux plaisirs de la curiosité et de la spéculation. […] Citons un peu, au hasard, pour le plaisir : Pareille à toutes les femmes romanesques, Hélène s’occupait de la délicatesse des voluptés communes à elle et à son ami comme d’un souci de sentiment. Ce qui rend une femme de cet ordre parfaitement inintelligible à un libertin, c’est qu’il s’est habitué, lui, à séparer les choses du plaisir des choses du cœur et à goûter le plaisir dans des conditions avilissantes ; au lieu que la femme romanesque, et qui aime, n’ayant connu le plaisir qu’associé à la plus noble exaltation, reporte sur ses jouissances le culte qu’elle a pour ses émotions morales. […] Et, s’il n’était indiscret et inutile de former des vœux, j’ajouterais : Qu’il nous propose encore, si tel est son plaisir, des cas de psychologie passionnelle ; mais qu’il ne s’y tienne pas : il serait bientôt condamné à se répéter un peu.
Il confesse qu’à une époque d’inexpérience, il donna dans l’excès du vin et dans d’autres excès auxquels il n’était pas d’ailleurs naturellement porté, mais il tirait vanité de s’entendre appeler un homme de plaisir. […] « Prenez avis de ma conduite, disait-il à son fils ; faites vous-même le choix de vos plaisirs, et ne vous les laissez pas imposer. » Ce désir d’exceller et de se distinguer ne s’égarait pas toujours de la sorte, et il l’appliqua souvent avec justesse ; ses premières études furent des meilleures. […] « Le plaisir est aujourd’hui la dernière branche de votre éducation, lui écrit ce père indulgent ; il adoucira et polira vos manières, il vous poussera à chercher et enfin à acquérir les grâces. » Mais, sur ce dernier point, il se montre exigeant et sans quartier. […] Je veux vous parler comme ferait un homme de plaisir à un autre, s’il a du goût et de l’esprit. » Et il s’exprime en conséquence, stimulant le plus qu’il peut le jeune homme vers les arrangements honnêtes et les plaisirs délicats, pour le détourner des habitudes faciles et grossières. […] Il s’y occupait de jardinage et de la culture de ses melons et de ses ananas ; il se plaisait à végéter de compagnie avec eux : J’ai végété toute cette année ici, écrivait-il à une amie de France (septembre 1753), sans plaisirs et sans peines : mon âge et ma surdité me défendent les premiers ; ma philosophie, ou peut-être mon tempérament (car on s’y trompe souvent), me garantit des dernières.
« Mon esprit, disait-elle, est comme mes jambes ; j’aime à me promener dans un terrain uni, mais je ne veux point monter une montagne pour avoir le plaisir de dire lorsque j’y suis arrivée : J’ai monté cette montagne. […] De même qu’elle grondait non pour corriger, mais pour son plaisir, de même elle donnait, non pour faire des heureux ou des reconnaissants, mais, avant tout, pour se rendre contente elle-même. […] Elle ne soupçonne pas le mal. » Ici, au contraire, cette bienfaisance mondaine et sociale cherche son plaisir, son goût particulier et sa satisfaction propre, et il s’y mêle de plus un peu de malice et d’ironie. […] Les empressements la suffoquaient ; le trop de durée, même d’un plaisir, le lui rendait insupportable ; « de la société la plus aimable, elle ne voulait que ce qu’elle en pouvait prendre à ses heures et à son aise ». […] C’est un plaisir plus grand qu’on ne suppose, de relire ces auteurs du xviiie siècle qu’on répute secondaires, et qui sont tout simplement excellents dans la prose modérée.
Assistant à toutes ces choses avec un esprit clairvoyant et non acharné, n’y prenant plaisir d’abord que pour se désennuyer, elle a en elle de bonne heure une ressource qui lui vient de famille, c’est d’écrire ; aux moments que les autres dames donnent au jeu ou à la promenade, elle s’enferme et elle note ce qu’elle a vu, ce qu’elle a entendu, pour se le rappeler un jour. […] Il y avait alors un plaisir non pareil à la voir coiffer et babiller. […] Quand la comédie italienne s’introduisit sous les auspices de Mazarin, elle se plaisait peu à ces pièces en musique : « Ceux qui s’y connaissent, disait-elle, les estiment fort ; pour moi, je trouve que la longueur du spectacle en diminue fort le plaisir, et que les vers, répétés naïvement, représentent plus aisément la conversation et touchent plus les esprits que le chant ne délecte les oreilles. » Tout cela sent un esprit juste, un cœur noble plutôt que disposé à la tendresse ou à la passion. […] Elle avait puisé dans sa belle Normandie l’amour de la campagne et de la nature, mais elle n’en savait pas jouir en courant : « La campagne, disait-elle, n’est belle qu’avec le repos et la solitude, quand on y peut goûter les plaisirs innocents que la beauté de la nature nous fournit dans les bois et auprès des rivières. » Elle disait encore en parlant des rois : J’estime bien heureux celui qui ne les connaît que par le respect qu’on doit à leur nom, et qui peut jouir de la vie douce et tranquille d’un bon citoyen qui est homme de bien, qui a de quoi vivre, et qui n’est point empoisonné par l’ambition. […] Une âme gloutonne de plaisirs !
Ne cherchez point de chaussée historique, bien cimentée, solide et continue : le parti pris des points de vue absolus domine ; on court avec lui sur des cimes, sur des pics, sur des aiguilles de granit, qu’il se choisit comme à plaisir pour en faire ses belvédères. […] Tout ce qui est plaisir, il l’aimait avec une passion violente, et tout cela avec plus d’orgueil et de hauteur qu’on n’en peut exprimer, dangereux de plus à discerner et gens et choses, et à apercevoir le faible d’un raisonnement et à raisonner plus fortement et plus profondément que ses maîtres. […] Prenez bien garde de ne lui rien dire qui ne soit juste, précis et exactement raisonnable : il saurait bien en prendre avantage et vous-donner adroitement le change17; il passerait d’abord de son tort au vôtre, et deviendrait raisonnable pour le seul plaisir de vous convaincre que vous ne l’êtes pas. […] Dans un bocage, au bord de l’Alphée, les deux oiseaux qui tout le jour chantaient, l’un ses anciens malheurs, l’autre ses plaisirs, aperçoivent un jeune berger qu’ils n’avaient point vu encore, et à l’instant tous deux, Rossignol et Fauvette, inspirés par les Muses, ils s’accordent à le célébrer dans un duo mélodieux : « Quel est donc ce berger, ou ce dieu inconnu, qui vient orner notre bocage ? […] Les autres ont le fond de l’âme élégiaque ; Tibulle, Properce, Ovide, les retiennent longtemps et leur suffisent : méfiez-vous pour eux de la langueur et des plaisirs.
Pour mériter le nom de passion, il faut qu’il absorbe toutes les autres affections de l’âme, et ses plaisirs comme ses peines n’appartiennent qu’au développement entier de sa puissance. […] La gloire des écrits ou celle des actions est soumise à des combinaisons différentes ; la première, empruntant quelque chose des plaisirs solitaires, peut participer à leurs bienfaits ; mais ce n’est pas elle qui rend sensibles tous les signes de cette grande passion ; ce n’est pas ce génie dominateur, qui, dans un instant, sème, recueille et se couronne ; dont l’éloquence entraînante, ou le courage vainqueur décident instantanément du sort des siècles et des empires ; ce n’est pas cette émotion toute puissante dans ses effets, qui commande en inspirant une volonté pareille, et saisit dans le présent, toutes les jouissances de l’avenir. […] Comme il n’y a jamais rien de suffisant dans les plaisirs de la gloire, l’âme ne peut être remplie que par leur attente, ceux qu’elle obtient ne servent qu’à la rapprocher de ceux qu’elle désire ; et si l’on était parvenu au faîte de la grandeur, une circonstance inaperçue, un obscur hommage refusé, deviendraient l’objet de la douleur et de l’envie. […] Toutes les passions, sans doute, ont des caractères communs, mais aucune ne laisse après elle autant de douleurs que les revers de la gloire ; il n’y a rien d’absolu pour l’homme dans la nature, il ne juge que parce qu’il compare ; la douleur physique même est soumise à cette loi : ce qu’il y a de plus violent dans le plaisir ou dans la douleur est donc causé par le contraste ; et quelle opposition plus terrible que la possession ou la perte de la gloire ! […] La passion de la gloire excite le sentiment et la pensée au-delà de leurs propres forces ; mais loin que le retour à l’état naturel soit une jouissance, c’est une sensation d’abattement et de mort : les plaisirs de la vie commune, ont été usé sans avoir été sentis, on ne peut même les retrouver dans ses souvenirs ; ce n’est point par la raison ou la mélancolie qu’on est ramené vers eux ; mais par la nécessité, funeste puissance, qui brise tout ce qu’elle courbe !
A son avis, la nature va au plaisir, ainsi que l’eau à la rivière ; elle y va (ce n’est pas moi qui parle), quelles que soient les digues, religion ou mariage. […] Il ne leur accorde guère qu’une obéissance extérieure et machinale ; à toute occasion il s’échappe en escapades ; son plus grand plaisir est de remarquer qu’il n’est pas leur dupe, et de le faire remarquer à son voisin. […] Il prêche le plaisir avec autant de zèle que d’autres la vertu. […] Il loue Epicure, il parle de la mort en païen, il voudrait, comme Lucrèce, « qu’on sortît de la vie ainsi que d’un banquet, remerciant son hôte. » Il ne semble pas songer qu’il y ait quelque chose au-delà de la vie et du plaisir. Il demande seulement que ce plaisir soit fin, mêlé de philosophie et de tendresses.
Si alors tu étais encore en Suisse, j’aurais du plaisir à contempler la lune à travers les clairières de Valvin, pendant que tu la verrais sur les glaciers. Nous nous réunirons tous ensuite au Limodin, et nous nous raconterons nos voyages et nos plaisirs… Pourquoi faut-il que nous soyons si éloignés ? […] Ce sentiment paisible, je n’irai point le chercher dans les Alpes ; ce n’est qu’ici que je puis le trouver : il y a quelque chose de délicieux pour moi dans la vue du bois de Champ-Rose au loin, dans l’aspect de certains arbres, dans l’étendue de nos plaines. » Et encore, car, si je m’écoutais, je ne pourrais me lasser de citer : « Que tes lettres m’ont causé de plaisir ! […] jouissons du seul plaisir qui nous reste ; regardons couler nos jours rapides, savourons l’amère volupté de nous comprendre et de nous sentir tous entraîner pêle-mêle : du moins nous nous perdons ensemble, nous n’allons pas seuls vers la fin terrible !
Semblables aux bêtes sauvages, on peut à peine en trouver deux qui s’accordent, chacun suivant son plaisir ou son caprice. […] Guéris par un si terrible remède, les peuples deviennent comme engourdis et stupides, ne connaissent plus les raffinements, les plaisirs ni le faste, mais seulement les choses les plus nécessaires à la vie. […] Ainsi les hommes veulent jouir du plaisir brutal, au risque de perdre les enfants qui naîtront, et il en résulte la sainteté des mariages, première origine des familles. […] Au contraire dans les fausses religions qui nous proposent pour cette vie et pour l’autre des biens bornés et périssables, tels que les plaisirs du corps, ce sont les sens qui excitent l’âme à bien agir.
Brunetière fût devenu réellement incapable de « lire pour son plaisir ». […] Consentant au plaisir, nous consentons à l’erreur. […] Brunetière se trompait, ce serait effroyable ; car, outre que son erreur aurait été sans plaisir, elle serait sans recours ni remède ; elle serait totale et irréparable ; ce serait un écroulement de tout lui-même.
Section 5, que Platon ne bannit les poëtes de sa republique, qu’à cause de l’impression trop grande que leurs imitations peuvent faire L’impression que les imitations font sur nous en certaines circonstances paroît même si forte, et par consequent si dangereuse à Platon, qu’elle est cause de la resolution qu’il prend de ne point souffrir l’imitation poëtique, ou la poësie proprement dite, dans cette republique ideale dont il regle la constitution avec tant de plaisir. […] Les poëtes, dit Platon, ne se plaisent point à nous décrire la tranquillité de l’interieur d’un homme sage qui conserve toujours une égalité d’esprit à l’épreuve des peines et des plaisirs. […] En effet les poëtes sçavent si bien que c’est l’agitation d’un acteur qui nous fait prendre plaisir à l’entendre parler, qu’ils font disparoître les personnages dès qu’il est décidé s’ils seront heureux ou malheureux, dès que leur destinée est fixée.
Il y fut excité « par le plaisir qu’il prit, dit-il, à la lecture de ceux du maréchal de Bassompierre. » Bassompierre avait dit pourtant un mot des plus injurieux pour le père de Saint-Simon : cela n’empêche pas le fils de trouver ses Mémoires très curieux, « quoique dégoûtants par leur vanité ». […] Il les reconnaît, il les devine à distance, il les dénonce et les démasque ; il semble, à la manière dont il les tire au jour et les dévisage, y prendre un plaisir amer et s’y acharner. […] Telle étoit à l’armée la vie de ce grand général, et telle encore à Paris, où la Cour et le grand monde occupaient ses journées, et les soirs ses plaisirs. […] L’évêque de Fréjus, dans une visite à Mme de Saint-Simon, lui fit entendre qu’on saurait son mari avec plus de plaisir à Paris qu’à Versailles. […] Ce jugement a été arrangé et modifié à plaisir, comme tout le style en général dans ces éditions de d’Argenson.
Je parle quand je veux à ce petit cahier ; je lui dis tout, pensées, peines, plaisirs, émotions, tout enfin, hormis ce qui ne peut se dire qu’à Dieu, et encore j’ai regret de ce que je laisse au fond du cœur. […] Cela fait plaisir, ce chant de printemps parmi les corbeaux, comme une rose dans la neige. […] Une de ces feuilles s’en fut à l’île de France, où elle fit bien plaisir à ce pauvre Philibert. […] Ce sont pour moi des charmes, des plaisirs que je ne puis dire. […] Je m’y plairais toujours, d’autant qu’à chaque endroit ce sont des souvenirs d’enfance, et tu sais comme ce passé fait plaisir.
L’orgueil savoure son plaisir à bon compte, et l’on se trouve ainsi généreux sans frais. […] On calcule de petits profits qui payeront de petits plaisirs. […] Quand le roi des dieux leur envoie une grue « qui les tue, qui les croque, qui les gobe à son plaisir », on est presque du parti de la grue et de Jupiter. […] Quel plaisir a-t-il eu depuis qu’il est au monde ? […] Laisse agir quelque temps le désespoir du roi ; J’y prends plaisir.
” » Il s’en était tout à coup ressouvenu, et sans plaisir. […] nous poursuivions nos faux plaisirs. […] Mais, si vous ne croyez pas à cette survie de votre âme, le plaisir d’être illustre ne sera pour vous qu’un plaisir viager, comme la simple notoriété ou comme la richesse. […] Un plaisir qui a duré la moitié de sa vie. […] Plaisir errant, que le ciel ne soit pas trop sévère à tes tréteaux !
Entre tant de gens de talent qui se fourvoient, et qui semblent, à chacune de leurs œuvres nouvelles, vouloir réaliser sur eux-mêmes la décadence dont parle le vieux Nestor à l’égard des générations successives, c’est un vrai plaisir qu’un succès soudain, brillant, facile, qui, pour l’un d’eux, remet toutes choses sur le bon pied, et montre qu’une veine heureuse n’est point du tout tarie. […] Depuis les Mémoires de Saint-Simon, qui ne s’attendait guère, le noble duc, à ces ovations finales de vaudeville (s’il l’avait su, de colère il en aurait suffoqué), jusqu’à ce qu’on appelle les Mémoires du duc de Richelieu et contre lesquels s’élevait si moralement Chamfort, plus que rongé pourtant des mêmes vices ; dans toutes ces pages on taille aujourd’hui à plaisir, on découpe des sujets romanesques ou galants, on prend le fait, on invente le dialogue : ici serait l’écueil si le théâtre n’avait pas ses franchises à part, si ceux qui écoutent étaient les mêmes tant soit peu que ceux qui ont vécu alors ou qui ont vu ce monde finissant. […] La scène où le duc arrive à son tour et parle sans se douter que le chevalier écoute, est très amusante et parfaite de jeu, quoiqu’elle ramène et promène trop à plaisir l’imagination sur les impossibles erreurs de la nuit. […] Le public est si las ; il serait si reconnaissant d’être tant soit peu amusé ou touché ; il donnerait si volontiers les mains à son plaisir !
S’il vous est arrivé jamais de concevoir l’idée d’un enfantillage, d’une équipée, d’une folie, pure fantaisie de l’esprit inquiet et désœuvré, et de passer à l’exécution sans autre raison que l’idée conçue, sans entraînement, sans plaisir, mais fatalement, sans pouvoir résister ; — si vous avez repoussé parfois de toutes les forces de votre volonté une tentation vive, si vous en avez triomphé, et si vous avez succombé à l’instant précis où la tentation semblait s’évanouir de l’âme, où l’apaisement des désirs tumultueux se faisait, où la volonté, sans ennemi, désarmait ; — si vous avez cru, après une émotion vive, ou un acte important, être transformé, régénéré, naître à une vie nouvelle, et si vous vous êtes attristé bientôt de vous sentir le même et de continuer l’ancienne vie ; — si par un mouvement de générosité spontanée ou d’affection vous avez pardonné une offense, et si vous avez par orgueil persisté dans le pardon en vous efforçant de l’exercer comme une vengeance ; — si vous avez pu remarquer que les bonnes actions dont on vous louait n’avaient pas toujours de très louables motifs, que la médiocrité continue dans le bien est moins aisée que la perfection d’un moment, et qu’un grand sacrifice s’accomplit mieux par orgueil qu’un petit devoir par conscience, qu’il coûte moins de donner que de rendre, qu’on aime mieux ses obligés que ses bienfaiteurs, et ses protégés que ses protecteurs ; — si vous avez trouvé que dans toute amitié il y a celle qui aime et celle qui est aimée, et que la réciprocité parfaite est rare, que beaucoup d’amitiés ont de tout autres causes que l’amitié, et sont des ligues d’intérêts, de vanité, d’antipathie, de coquetterie ; que les ressemblances d’humeur facilitent la camaraderie, et les différences l’intimité ; — si vous avez senti qu’un grand désir n’est guère satisfait sans désenchantement, et que le plaisir possédé n’atteint jamais le plaisir rêvé ; — si vous avez parfois, dans les plus vives émotions, au milieu des plus sincères douleurs, senti le plaisir d’être un personnage et de soutenir tous les regards du public ; — si vous avez parfois brouillé votre existence pour la conformer à un rêve, si vous avez souffert d’avoir voulu jouer dans la réalité le personnage que vous désiriez être, si vous avez voulu dramatiser vos affections, et mettre dans la paisible égalité de votre cœur les agitations des livres, si vous avez agrandi votre geste, mouillé votre voix, concerté vos attitudes, débité des phrases livresques, faussé votre sentiment, votre volonté, vos actes par l’imitation d’un idéal étranger et déraisonnable ; — si enfin vous avez pu noter que vous étiez parfois content de vous, indulgent aux autres, affectueux, gai, ou rude, sévère, jaloux, colère, mélancolique, sans savoir pourquoi, sans autre cause que l’état du temps et la hauteur du baromètre ; — si tout cela, et que d’autres choses encore !
On les trouvera rétablis dans celle-ci, et ce n’est pas un petit service rendu au public par ceux qui ont pris ce soin, puisque les nombreuses Assemblées qu’on voit encore tous les jours aux représentations des Comédies de ce fameux Auteurs, font assez connaître le plaisir qu’on se fera de les avoir dans leur pureté. […] Son Altesse Royale s’applaudit du choix qu’il avait fait d’eux, puisque le Roi les trouvait capables de contribuer à ses plaisirs, et particulièrement à toutes les belles Fêtes qui se faisaient à Versailles, à S. […] Après qu’elle fut à sa Majesté, Monsieur de Molière continua de donner plusieurs Pièces de Théâtre, tant pour les plaisirs du Roi que pour les divertissements du public, et s’acquit par là cette haute réputation qui doit éterniser sa mémoire. […] Il n’y a plus présentement dans Paris que cette seule Compagnie de Comédiens du Roi entretenu par sa Majesté : Elle est établie en son Hôtel rue Mazarini, et représente tous les jours sans interruption, ce qui a été une nouveauté utile aux plaisirs de cette superbe Ville, dans laquelle avant la jonction il n’y avait comédie que trois fois chaque semaine, savoir le Mardi, le Vendredi et le Dimanche, ainsi qu’il s’était toujours pratiqué.
D’ailleurs tout est pour cet âge l’occasion d’un plaisir plein d’attraits. […] Juvenal, en parlant des poëtes de son temps qui composoient de grands ouvrages, dit qu’ils s’abstenoient du vin, même dans les jours que la coutume établie destinoit aux plaisirs de la table. […] D’un autre côté, les plaisirs détournent les poëtes du travail, aussi-bien que le besoin. […] Il est vrai que les poëtes trouvent un plaisir sensible dans l’entousiasme de la composition.
Les compatriotes des grands artisans, peuvent-ils donner aux beaux arts cette attention qui les encourage avec tant de succès, s’ils ne vivent pas dans un temps où il soit permis aux hommes d’être plus attentifs à leurs plaisirs qu’à leurs besoins. Or cette attention generale aux plaisirs, suppose une suite de plusieurs années exemptes des inquiétudes et des craintes qu’amenent les guerres, du moins celles qui peuvent faire perdre aux particuliers leur état, parce qu’elles mettent en danger la constitution de la societé, dont nous sommes des membres. […] Le commun de la nation faisoit donc alors sa principale occupation de son plaisir, ainsi que ceux de nos citoïens qui naissent avec cent mille livres de rente, et le climat heureux de leur patrie les rendoit très-sensibles aux plaisirs de l’esprit, dont la poësie et la peinture font le charme le plus decevant.
Elle manifestait son adoption des idées nouvelles par toutes sortes d’indices plus ou moins frivoles, par l’anglomanie dans les modes, par la simplicité du frac et des costumes : « Consacrant tout notre temps, dit M. de Ségur, à la société, aux fêtes, aux plaisirs, aux devoirs peu assujettissants de la cour et des garnisons, nous jouissions à la fois avec incurie, et des avantages que nous avaient transmis les anciennes institutions, et de la liberté que nous apportaient les nouvelles mœurs : ainsi ces deux régimes flattaient également, l’un notre vanité, l’autre nos penchants pour les plaisirs. […] Ordonnons à celui de nos gens qui sait lire De bien exécuter ce que l’on vient d’écrire ; De soutenir partout prose, vers et couplets, Nonobstant les clameurs, nonobstant les sifflets : Tel est notre plaisir et telle est notre envie. […] Les autres personnages de la cour ne sont pas moins agréablement dessinés. « En s’étendant un peu longuement sur ce séjour en Russie, écrivions-nous il y a plus de quinze ans déjà, lors de l’apparition des Mémoires, l’auteur ou mieux le spirituel causeur a cédé sans doute à plus d’un attrait : là où lui-même a rencontré tant de plaisirs et de faveurs qu’il se plaît à redire, d’autres qui lui sont chers ont recueilli dans les dangers d’assez glorieux sujets à célébrer. […] Si elles firent alors plaisir à beaucoup, elles firent du bien à quelques-uns. […] S’il est vrai, comme on l’a dit, que plus tard, les circonstances européennes étant changées, Catherine, pour mieux déjouer la mission de M. de Ségur à Berlin, ait envoyé au roi de Prusse les billets confidentiels dans lesquels l’ambassadeur de France avait autrefois raillé les amours de ce neveu du grand Frédéric, elle ne fit en cela sans doute que suivre les pratiques constantes d’une politique peu scrupuleuse ; mais elle put bien y mêler aussi tout bas le plaisir de se venger d’un ancien dédain.
Elle ne paraît occupée d’abord que des plaisirs, des amusements et des bagatelles de la société ; mais n’allez pas croire avoir affaire en elle à une femmelette. […] Quand il mourut en Flandre (novembre 1704), « il fit plaisir à tous les siens ; il était blasé, hébété depuis plusieurs années de vin et d’eau-de-vie », et on le tenait hiver comme été à la frontière, avec défense d’approcher ni de sa femme ni de la Cour. […] Elle s’appelle la Surintendante de ses plaisirs, et se plaint que la charge, entre ses mains dépérit. […] elle écouterait ou ferait la lecture avec tant de plaisir ! […] Mme de Maintenon, toute bonne paroissienne qu’elle la croyait, sentait bien pourtant que cette nièce charmante n’était pas devenue une recluse, et qu’elle recevait des amis de toute espèce : « Vous savez bien vous passer des plaisirs, lui disait-elle, mais les plaisirs ne peuvent se passer de vous. » Telle était Mme de Caylus autant qu’on la peut ressaisir d’après quelques pages où ne se trouve encore que la moindre partie d’elle-même : mais, avec l’aide des témoignages contemporains, nous sommes sûrs du moins de ne lui avoir rien prêté en cherchant à la définir.
Ce fut le seul plaisir (avec celui d’écrire) qui lui resta jusqu’à la fin de sa vie. […] Elle ne se mêlait point des affaires ni de la politique, et se piquait de n’y rien entendre : Je n’ai aucune ambition, disait-elle (août 1719), je ne veux point gouverner, je n’y trouverais aucun plaisir. […] Elle nous le montre libertin, même dans les choses de l’esprit, même dans les choses de science, c’est-à-dire curieux et amoureux de tout ce qu’il voyait, et dégoûté de tout ce qu’il possédait : « Quoiqu’il parle de choses savantes, on voit pourtant bien qu’au lieu de lui faire plaisir, elles l’ennuient. Je l’en ai souvent grondé ; il m’a répondu que ce n’était pas sa faute ; qu’il prenait du plaisir à s’instruire de tout, mais que, dès qu’il savait une chose, elle ne lui faisait plus de plaisir. » Elle cite de lui une preuve de bon naturel, et « qui m’a tellement émue, dit-elle en vraie mère, que les larmes m’en sont venues aux yeux ». […] Si les princesses honnêtes femmes s’écrivaient de telles gaietés sans aucune vergogne, de quel droit reprenaient-elles les autres, celles qui cherchaient leur plaisir ailleurs et entendaient le carnaval autrement ?
Tonsuré de bonne heure, élevé dans le jeu de paume et le tripot de son père qui aimait la table et le plaisir, Regnier dut au célèbre abbé de Tiron, son oncle, les premiers préceptes de versification, et, dès qu’il fut en âge, quelques bénéfices qui ne l’enrichirent pas. […] Après plusieurs voyages, retiré aux environs de Paris, il commençait une vie heureuse dans laquelle l’étude et l’amitié empiétaient de plus en plus sur les plaisirs, quand la Révolution éclata. […] Ils n’ont assez longtemps vécu, ni l’un ni l’autre, pour arriver, au sortir des plaisirs, à cette philosophie supérieure qui relève et console. […] Ainsi, même dans les chaleurs de l’âge et des passions, et même dans les instants où la dure nécessité a interrompu mon indépendance, toujours occupé de ces idées favorites, et chez moi, en voyage, le long des rues dans les promenades, méditant toujours sur l’espoir, peut-être insensé, de voir renaître les bonnes disciplines, et cherchant à la fois dans les histoires et dans la nature des choses les causes et les effets de la perfection et de la décadence des lettres, j’ai cru qu’il serait bien de resserrer en un livre simple et persuasif ce que nombre d’années m’ont fait mûrir de réflexions sur ces matières. » André Chénier nous a dit le secret de son âme : sa vie ne fut pas une vie de plaisir, mais d’art, et tendait à se purifier de plus en plus. […] Cela ne sera vu que de moi, et je suis sûr que j’aurai un jour quelque plaisir à relire ce morceau de ma triste et pensive jeunesse. » Oui, certes, Chénier relut plus d’une fois ces pages touchantes, et lui qui refeuilletait sans cesse et son âme et sa vie, il dut, à des heures plus heureuses, se reporter avec larmes aux ennuis passés de son exil.
Mais, il est bien entendu qu’il n’est pas défendu de se reprendre et ressaisir, et il y a même à se reprendre et à réfléchir des plaisirs nouveaux. […] Les jeunes ouvrières qui lisent les romans à très bon marché ne sont capables que de l’enthousiasme du premier moment, que de ce que j’ai appelé l’abandonnement ; le second moment n’existe que pour ceux qui sont plus âgés et qui sont doués d’une certaine faculté d’observation et de mémoire ; mais ceux-ci goûtent des plaisirs beaucoup plus vifs, étant encore capables de s’abandonner, l’étant surtout de comparer le roman à la vie et d’éprouver des sensations d’admiration très vive quand ils estiment que le roman a copié la vie avec sûreté ou plutôt l’a déformée de manière à accuser plus vigoureusement ses traits caractéristiques. […] Ce ne sont point des livres faits pour le plaisir, chez l’auteur, de conter, chez le lecteur, d’entendre bien conter ; ce ne sont pas des livres d’observation générale et par conséquent que nous puissions contrôler ; ce ne sont point des livres d’idéalisation et que par conséquent nous puissions contrôler encore en ce sens qu’ils présentent comme réalisé ce qui est en nous belle inspiration, beaux rêves et belles ambitions morales. […] Ils avaient été inventés pour qu’on eût du plaisir à lire Virgile, pour qu’on ne le lût pas comme de l’Aulu-Gelle et par des gens qui savaient qu’ils goûtaient Mozart parce qu’ils avaient joué du violon, et Virgile parce qu’ils avaient fait des vers latins. […] Je veux dire qu’à chaque époque l’homme de raison, d’imagination, de sensibilité et dégoût y trouve son plaisir, à la condition qu’il ne soit pas dominé par le tour d’imagination, de sensibilité, de goût et de raisonnement qui est particulier à son temps même.
Il faut donc que la gloire le dédommage & devienne la monnoie des plaisirs moraux qu’il a procurés à la société entiere, sensations exquises au-dessus de la foule des plaisirs vulgaires, tant par leur délicatesse que par leur multiplicité. […] N’a-t-on pas en le plaisir de voir le coup de dent littéraire porté & rendu ? […] Heureux le peuple neuf qui modifie à son gré ses idées, ses sentimens & ses plaisirs ! […] Dufréni me fait dix fois plus de plaisir que Regnard. […] Beaux Arts, (a dit Voltaire) vous êtes des plaisirs.
Jamais le plaisir des dieux n’a été plus largement savouré sur la terre. […] Je sympathise pleinement avec le plaisir de l’écuyer. […] Singulier plaisir ! […] Il dit la vérité pour le plaisir de la dire. […] Elle ne peut pas se résigner au plaisir.
Aussi, malgré leurs défauts, les romans de l’auteur américain sont-ils de ceux qui procurent le plus de plaisir et d’émotion ; assez de beautés supérieures y rachètent quelques obscurités et quelques invraisemblances. […] Le bon Richard Fid ne peut s’empêcher de comparer la minceur élégante de ses haubans et de ses étais à la taille de Nelle Dalle, quand les cordages du corset ont été bien serrés, et, selon lui, toutes ces poulies, placées juste à la distance convenable les unes des autres, sont comme les yeux de la chère enfant sur un visage qui fait plaisir à voir. […] Un galion espagnol tout chargé d’or, ou une riche cargaison hollandaise ne vaut pas à ses yeux l’honneur d’humilier l’Allemand qui siège au trône d’Angleterre, le plaisir de faire couler Saint-George au fond de l’eau.
Le général Lasalle étant célèbre par sa bravoure, par son dévouement à l’empereur, par ses services depuis quinze ans (il n’en a que trente-trois), et récemment encore ayant puissamment contribué, par son courage et l’habileté de ses manœuvres, au gain de la bataille de Médelin, étant remarquable par son ton militaire, par sa gaieté éminemment française qui ne se dément jamais au fort même des combats, enfin étant messin, mon compatriote, d’une famille que j’ai beaucoup connue, fils d’une mère que j’ai un peu aimée, cousin d’un de mes confrères au parlement de Metz, j’ai pris un extrême plaisir à le voir, à l’écouter, et je veux prolonger ce plaisir en écrivant ici, aussi exactement qu’il me sera possible, toute la conversation qui a eu lieu entre lui et moi, et a été commune, pendant tout le dîner, toutes les personnes qui s’y trouvaient réunies. […] C’est déjà un plaisir assez grand que celui de faire la guerre ; on est dans le bruit, dans la fumée, dans le mouvement : et puis, quand on s’est fait un nom, eh bien ! on a joui du plaisir de se le faire ; quand on a fait sa fortune, on est sûr que sa femme, que ses enfants ne manqueront de rien ; tout cela, c’est assez. […] ) le général thiébault. — Ne nous parle pas de ce plaisir-là, à nous qui sommes condamnés à rester ici.
Grec de la décadence, Florentin d’il y a trois siècles, roué du siècle dernier, Parisien d’aujourd’hui et Français de toujours, homme de plaisir et homme d’action…, voilà bien des affaires ! […] Cependant, si l’on considère l’homme, que l’écrivain fait deviner, on voit que sa marque est la recherche constante de tous les plaisirs délicats. […] La recherche bien entendue du plaisir, ç’a été, pour beaucoup de philosophes anciens, la définition même de la vertu Si, d’autre part, vous considérez l’écrivain, vous trouverez que sa qualité la plus persistante est le bon sens. […] Dans le domaine de la pensée, la modération même de la solution où l’on a voulu s’arrêter suppose qu’on a passé en revue toutes les autres et qu’on s’est imaginé les divers états d’esprit auxquels elles correspondent, ce qui est un grand plaisir. […] Je ne répondrais pas qu’en flétrissant ces perversions il défende à son imagination de s’y attarder quelque peu, ni qu’il n’éprouve point une sorte de plaisir obscur à prolonger, sur ces objets, sa colère ou sa raillerie (nous sommes faibles) ; mais il a trop souvent commenté le Naturam sequere, et cette antique devise est trop évidemment la sienne, pour qu’on puisse douter de la sincérité de ses vertueuses indignations.
D’abord, si l’on n’avait pas de Dieu il serait impossible de le blasphémer et de pimenter ses plaisirs par l’idée du péché. […] Il y a là encore comme un plaisir de péché, en même temps qu’un moyen d’effets nouveaux. […] D’abord si l’on n’avait pas de Dieu, il serait impossible de le blasphémer et de pimenter ses plaisirs par l’idée du péché. […] Car le plaisir qui est à la fois le plus intense, le plus élevé et le plus pur, ce plaisir-là ne se trouve que dans la contemplation du Beau. […] Il y a là encore comme un plaisir de péché, en même temps qu’un moyen d’effet nouveau.
Pourquoi ne s’attendaient-ils pas à ce plaisir-là ? […] Témoins de nos plaisirs, plaindront-ils nos misères ? […] Pour trois folles que le poète s’est permis de peindre afin d’étaler toutes les ressources de son art, quelle foule de femmes douces, modestes, vertueuses, magnanimes, qu’il a pris plaisir à parer de toutes les grâces de son génie ! […] Toute la société riant de sa bonhomie, il assura qu’on était dans l’erreur, et que jamais ouvrage ne lui avait fait tant de plaisir : Credat judæus Apella. […] On donna trois représentations d’Athalie : la cour y prit un grand plaisir ; ce qui n’empêcha pas que la pièce ne se reposât encore jusqu’en 1716.
Si j’étois aussi injuste que vous, je me vengerois d’une maniere cruelle ; mais je connois la clémence & le plaisir de pardonner. […] Il faut réellement qu’il y ait du plaisir, & même de l’orgueil, à paroître bizarre. […] que de plaisirs ! […] La conversation passe de l’un à l’autre sans suite, sans liaison, & l’on quitte la table sans avoir joui du doux plaisir de parler. […] Son plaisir consiste à fronder tous ceux qui parlent, & à leur prouver qu’ils ont tort.
D’ailleurs, l’ignorance où nous sommes de nos origines et de nos fins ne saurait être une souffrance positive, puisque cette ignorance est la condition même de l’activité de l’esprit, laquelle est nécessairement un plaisir. […] … Sans réflexion, sans calcul, poussé par sa nature et par l’esprit du temps, il s’est livré à ses séductions, dont il n’a pas vu le danger : c’est si facile, si doux, si distingué, de jouer avec les idées, de s’en caresser l’intelligence, d’en extraire l’essence, et, comme un riche répand sur ses mouchoirs un parfum dont le prix nourrirait des familles, d’en saupoudrer élégamment sa vie… Cependant, ces plaisirs s’émoussent comme toutes les ivresses : le Pharisien se fatigue à la fin des arcs-en-ciel qu’allument sur toutes choses les prismes de son esprit. […] Le dilettantisme commence par être un plaisir et, quand il devient ensuite une cause de souffrance, il porte en lui-même son remède. […] Je crois que notre intérêt et notre plaisir, c’est d’aimer autre chose que nous, de travailler pour ceux que nous aimons et, par-delà, en vue de la communauté tout entière.
Tant qu’un style simple & naïf aura de quoi plaire, ses Ouvrages seront lus avec plaisir par ceux qui aiment à retrouver les traces de l’ancienne aménité Françoise. […] François I lui donna l’Abbaye de Bellosane, pour lui témoigner le plaisir qu’il avoit senti en lisant sa Traduction de l’Histoire Ethiopique d’Héliodore, plus connue sous le titre d’Histoire des Amours de Théagene & de Chariclée.
De tous les plaisirs intellectuels, le théâtre devient véritablement ainsi le plus sensuel : voilà pourquoi sans doute il est le plus populaire. Ce noble plaisir populaire du théâtre est inconnu par sa nature aux époques de barbarie ou même de jeunesse des peuples. […] Louis XIV payait largement ses plaisirs et sa gloire. […] Mais il entrait de plus dans les vues personnelles de Mme de Maintenon d’attacher le roi à cet établissement royal par l’innocent plaisir que lui procureraient les exercices presque publics de ces jeunes et belles novices. […] Il fallait compenser pour lui les pompes et les plaisirs de ses belles années par les pompes saintes et par des plaisirs sacrés qui lui fissent retrouver dans la religion quelque chose des sensualités profanes retranchées de sa vie.
Ce qu’il cherche, c’est l’amusement, non la joie déboutonnée ou le plaisir bestial. […] Les cavaliers par plaisir venaient là. […] Ils n’ont plus le plaisir d’y régner comme dans un État. […] Nous goûtons chez lui notre plaisir national. […] je ne me marierai jamais que je ne sois sûre d’abord de faire ma volonté et mon plaisir.
Mais je veux commencer par vous dire mes plaisirs. C’est d’abord un plaisir de curiosité et un plaisir de vénération. […] Il y avait, dans ce poète, un entrepreneur de plaisirs. […] On est chatouillé, on pâme, on suffoque de plaisir. […] Le peuple ne saurait être méchant dans l’instant même où il s’offre un plaisir d’art, un plaisir de bourgeois ou de noble.