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798. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre troisième. Suite de la Poésie dans ses rapports avec les hommes. Passions. — Chapitre V. Suite des précédents. — Héloïse et Abeilard. »

Donnez Racine pour interprète à Héloïse, et le tableau de ses souffrances va mille fois effacer celui des malheurs de Didon par l’effet tragique, le lieu de la scène et je ne sais quoi de formidable que le christianisme imprime aux objets où il mêle sa grandeur.

799. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamartine — Lamartine, Jocelyn (1836) »

Mais, au milieu de notre propre discussion mêlée à nos conjectures et à nos désirs sur la destinée du poëme, nous oublions Jocelyn en personne, qui est entré au petit séminaire, et qui a dû, il est vrai, y rester six longues années. […] Mais quand il la revoit si changée, quelle douleur est la sienne, mêlée de funèbre pressentiment ! […] Ces antiques et éternelles géorgiques (ascræum carmen), reprises par une voix chrétienne, ont une douceur nouvelle et plus pénétrante ; la sainte sueur humaine, mêlée à la sueur fumante de la terre, est bénie ; le respect, la religion du travail vous gagne, et, à l’heure de midi, quand la famille épuisée s’arrête et va boire un moment à la source, on s’écrie humainement avec le poëte :   Oh !

800. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. VILLEMAIN. » pp. 358-396

La connaissance qu’il en prit dès lors ne lui fut pas inutile plus tard dans les discussions de lois et d’affaires auxquelles il fut mêlé. […] Devant tous l’instinct l’emporte, la verve s’en mêle, le mot jaillit. […] S’il n’y avait eu alors les Auger, Arnault et quelques autres, je pourrais ajouter : Quelle plus inviolable tour pour assister de haut et pour ne se mêler qu’à son heure au combat !

801. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « LOUISE LABÉ. » pp. 1-38

C’est une gloire, un charme de plus pour une muse de femme de ne pas avoir rang dans la mêlée et de ne pas intervenir dans ces luttes raisonneuses. […] Mais il n’est que trois cœurs au monde qu’elle ne peut persuader ni abuser, et près desquels elle perd ses sourires : à savoir, « l’auguste Minerve, qui n’aime que les combats, les mêlées, ou les ouvrages brillants des arts, et qui enseigne aux jeunes filles, sous le toit domestique, les adresses de l’aiguille ; puis aussi la pudique Diane aux flèches d’or et au carquois résonnant, qui n’aime que la chasse sur les montagnes, les hurlements des chiens, ou les chœurs de danse et les lyres, et les bois pleins d’ombre, et le voisinage des cités où règne la justice ; et enfin la vénérable Vesta, la fille aînée de l’antique Saturne, restée la plus jeune par le décret de Jupiter, laquelle a fait vœu de virginité éternelle, et qui, à ce prix, est assise au foyer de la maison, à l’endroit le plus honoré, recevant les grasses prémices. » A part ces trois cœurs qui lui échappent, Vénus soumet tout le reste, à commencer par Jupiter, dont on sait les aventures. […] En prenant aujourd’hui parti, à la suite de plusieurs bons juges, pour sa vertu, ou du moins pour son élévation et sa générosité de cœur, nous ne craignons pas le sourire ; nous nous souvenons que des débats assez semblables se raniment encore après des siècles autour des noms d’Éléonore d’Este et de Marguerite de Navarre, et, pourvu que le pédantisme ne s’en mêle pas (comme cela s’est vu), de telles contestations agréables, qui font revivre dans le passé et qui se traitent en jouant, en valent bien d’autres plus pressantes.

802. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE KRÜDNER » pp. 382-410

C’est comme une sainte du moyen-âge qui nous apparaît, une sainte du Nord, du treizième siècle, une sainte Élisabeth de Hongrie, ou encore quelque sœur du Grand-Maître des Chevaliers porteglaive, qui, du fond de sa Livonie, attirée sur le Rhin, et longtemps mêlée aux délices des cours, ayant aimé et inspiré les illustres minnesinger du temps, ayant fait elle-même quelque roman en vers comme un poëte de la Wartbourg, ou plutôt ayant voulu imiter notre Chrestien de Troyes ou quelque autre fameux trouvère en rime française, en cette langue la plus délitable d’alors, serait enfin revenue à Dieu, à la pénitence, aurait désavoué toutes les illusions et les flatteries qui l’entouraient, aurait prêché Thibaut, aurait consolé des calomnies et sanctifié Blanche, serait entrée dans un Ordre qu’elle aurait subi, qu’elle aurait réformé, et, autre sainte Claire, à la suite d’un saint François d’Assises, aurait remué comme lui des foules, et parlé dans le désert aux petits oiseaux. […] Elle le croyait sincèrement sans doute ; mais un reste d’adresse, d’insinuation flatteuse du monde, s’y mêlait et n’y nuisait pas. […] Thibaut de Champagne probablement, qui fut mêlé aux rigueurs contre les Albigeois, contre les juifs d’Orléans, contre les pastoureaux.

803. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « George Farcy »

La Rome moderne ne remplit pas son attente ; son goût simple et pur repoussait les colifichets : « Décidément, écrivait-il, je ne suis pas fort émerveillé de Saint-Pierre, ni du pape, ni des cardinaux, ni des cérémonies de la Semaine sainte, celle de la bénédiction de Pâques exceptée. » De plus, il ne trouvait pas là assez d’agréable mêlé à l’imposant antique pour qu’on en pût faire un séjour de prédilection. […] Je ne voyais qu’un présent dont il fallait jouir, et jouir seul, parce que je n’avais ni richesses, ni bonheur à faire partager à personne, parce que l’avenir ne m’offrait que des jouissances déjà usées avec des moyens plus restreints ; et ne pas croître dans la vie, c’est déchoir. — Et cependant, du moins, tout ce que je voyais alors agissait sur moi pour me ranimer ; tout me faisait fête dans la nature ; c’était vraiment un concert de la terre, des cieux, de la mer, des forêts et des hommes ; c’était une harmonie ineffable, qui me pénétrait, que je méditais et que je respirais à loisir ; et quand je croyais y avoir dignement mêlé ma voix à mon tour, par un travail et par un succès égal à mes forces et au ton du chœur qui m’environnait, j’étais heureux ; — oui, j’étais heureux, quoique seul ; heureux par la nature et avec Dieu. […] C’est pour cela qu’aujourd’hui il nous faut faire tête au premier rang des Lyciens, et nous lancer au feu de la mêlée, afin qu’au moins chacun des nôtres dise, etc., etc… » Pour Farcy les avantages à conquérir avaient certes moins de splendeur, et le grand domaine, c’eût été une chaire.

804. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « M. Jouffroy »

Il faut avoir agi beaucoup par les idées et continuer d’agir et de pousser le glaive devant soi, pour sentir combien ce qui tient si peu de place à distance a pourtant de poids et d’effet dans la mêlée, Or, M.  […] Son tort, si nous osons percer au dedans, est, selon nous, d’avoir trop combattu le génie actif qui s’y mêlait à l’origine, d’avoir effacé l’imagination platonique qui prêtait sa couleur aux objets et baignait à son gré les horizons. […] Jouffroy, que nous tâchions ainsi de peindre avec un soin et des couleurs où se mêlait l’affection, est mort le 1er mars 1842, laissant à tous d’amers regrets.

805. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série «  M. Taine.  »

pour nous présenter en fin de compte, sous le nom de bonheur idéal, les joies mêlées, les joies terrestres que nous connaissions déjà) ; il se torture si fort l’entendement pour aboutir à ce chétif résultat, que, vraiment, le drame est beaucoup moins dans l’âme de Faustus et de Stella, les pauvres bienheureux, que dans celle du poète tristement acharné à la construction de ce pâle Eden et de ce douteux Paradis, Rien n’est plus touchant, par son insuffisance et sa stérilité même, que ce rêve laborieux du bonheur. […] Il ne m’eût pas déplu, d’abord, que le poète éliminât de son paradis l’amour charnel, parce que c’est un bien trop douteux, trop rapide, mêlé de trop de maux, précédé de trop de trouble, suivi de trop de dégoût… J’ose presque dire que M.  […] La terre mêle à son écorce Ce Protée en le transformant Tour à tour, de chaleur en force, En lumière, en foudre, en aimant.

806. (1857) Cours familier de littérature. III « XVe entretien. Épisode » pp. 161-239

Ne voulant pas mêler à cet entretien tout familier et tout poétique un autre sujet littéraire, j’insère en note, à la suite de ces vers, un morceau en prose écrit en 1848, à peu près sous les mêmes impressions, et qui n’a jamais été imprimé dans mes œuvres générales. […] Ces collines, par leur engencement, leur étagement, la mobilité des ombres qu’elles se renvoient les unes les autres sur leurs flancs, du jour qu’elles se reflètent, par leur transparence au sommet, et les couches d’or que les rayons glissants du soleil y mêlent à la fleur déjà dorée des genêts, m’ont toujours rappelé les montagnes de la Sabine près de Rome, qu’aimait tant Horace ; depuis que j’ai vu la Grèce, elles me représentent davantage les cimes rondes et à grandes échancrures des montagnes de la Laconie et de l’Arcadie. […] Le vent du midi avait redoublé d’haleine à mesure que le soleil était monté sous le ciel ; il avait pris les bouffées et les rafales d’une tempête sèche ; depuis que le soleil avait commencé à redescendre vers le couchant, il avait balayé comme un cristal le firmament ; il faisait rendre aux bois, aux rochers, et même aux herbes, des harmonies qui semblaient mêlées de notes joyeuses et de notes tristes, d’embrassements et d’adieux, de terreur et d’enthousiasme ; il amoncelait en tourbillons les feuilles mortes, et puis il les laissait retomber et dormir en monceaux miroitants au soleil : ce vent avait dans les haleines des caresses, des tiédeurs, des sentiments, des mélancolies et des parfums qui dilataient la poitrine, qui enivraient les oreilles, qui faisaient boire par tous les pores la force, la vie, la jeunesse d’un incorruptible élément.

807. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Notes et éclaircissements. [Œuvres complètes, tome XIII] »

» “Quand un père en mourant laisse des enfants, si c’est une fille, je sais que c’est beaucoup de peine et de soin pour une veuve : ce soin néanmoins est supportable, en ce qu’il n’est pas mêlé de crainte, ni de dépense. […] Mon avis serait de leur donner à gouverner une province qui méritât d’être châtiée ; ils apprendraient par leur expérience, après qu’ils y auraient tout mis sens dessus dessous, qu’ils sont des ignorants, que la critique est aisée, mais l’art difficile ; et surtout qu’on s’expose à dire force sottises, quand on se mêle de parler de ce qu’on n’entend pas. […] L’aquilon de minuit se mêle à sa prière, Et le cloître attentif en redit les accents.

808. (1913) La Fontaine « VI. Ses petits poèmes  son théâtre. »

Ô vous de qui les voix jusqu’aux astres montèrent, Lorsque par vos chansons tout l’univers charmé Vous ouït célébrer ce couple bien-aimé, Grands et nobles esprits, chantres incomparables, Mêlez parmi ces sons vos accords admirables… C’est une invocation aux poètes qui ont déjà chanté les amours de Vénus et d’Adonis. […] Quelle tragédie de ce temps-là avait ce caractère de trivialité mêlée à la pompe, de comique et de burlesque mêlés au sublime ?

809. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « VII. M. Ferrari » pp. 157-193

C’est un athée comme l’Italie, qui a toujours eu des poisons mêlés à ses parfums, a su en produire quand elle en a produit, depuis Vanini le philosophe, jusqu’à Leopardi le poète. […] L’histoire des Révolutions d’Italie, établie sur la plus fausse et la plus lâche des philosophies de l’Histoire, et qui n’a de valeur, d’éloquence et de jugement que quand elle est, en fait, inconséquente à son principe, cette histoire de la confuse mêlée des villes et des bourgs italiens au Moyen Âge, cette chronique déchiquetée et grouillant de faits lilliputiens, recueillis par cette érudition qui voit l’imperceptible, à grand renfort de bésicles, aurait bien vite cédé la place à une histoire de la littérature italienne et du génie italien dans les arts, la vraie grandeur de l’Italie. […] Athée, puisqu’il est fataliste, il ne croit pas à la justice et il n’a pas, comme nous, pour éclairer les mêlées obscures et sanglantes, la liberté humaine et la Providence qui, toutes les deux, nous font flambeau !

810. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre second. De la sagesse poétique — Chapitre III. De la logique poétique » pp. 125-167

Cette figure mêlée de métonymie et de synecdoque, tertia messis erat, c’était la troisième moisson, fut, sans aucun doute, employée d’abord naturellement et par nécessité ; il fallait plus de mille ans pour que le terme astronomique année pût être inventé. […] Or, il ne put s’introduire à Rome qu’après les guerres contre Tarente et Pyrrhus, dans lesquelles les Romains commencèrent à se mêler aux Grecs. […] Ceux qui imagineront les dieux étaient des hommes, et croyaient leur nature héroïque mêlée de la divine et de l’humaine.

811. (1898) Manuel de l’histoire de la littérature française « Livre II. L’Âge classique (1498-1801) — Chapitre II. La Nationalisation de la Littérature (1610-1722) » pp. 107-277

L’influence italienne se mêle à l’espagnole. […] Quelques jésuites aussi s’en mêlent, et, comme autrefois ils donnaient des leçons de morale, donnent maintenant des leçons de goût. […] Ces choses, mêlées ensemble en mille manières différentes et compensées l’une par l’autre, forment aussi les différents états et les différentes conditions. […] Un Auvernat fumeux, tout mêlé de Lignage Se vend chez Crébillon pour vin de l’Ermitage. […] — et la comédie « en prose mêlée de vers » dont il est fait mention dans l’inventaire de ses papiers ?

812. (1925) Portraits et souvenirs

Mêlé d’assez près aux événements politiques et militaires de son temps, il n’y a marqué sa place d’une manière ni très éclatante ni très mémorable. […] Il ne dédaignait nullement de mêler à ses inspirations propres des emprunts faits à ses devanciers de l’Antiquité et de la Renaissance ou même aux poètes de son temps. […] Au milieu d’eux, je distingue Stéphane Mallarmé, en attendant qu’un jour peut-être il soit appelé dans le chœur où sa voix fine et haute se mêlera aux grandes orgues de la poésie. […] Ce fut, je pense, durant la période troublée de son existence qui suivit les jours de la Commune, à laquelle il avait été mêlé. […] Il y était fort à sa place, car Moréas a mêlé à ses « réflexions » de nombreuses citations.

813. (1817) Cours analytique de littérature générale. Tome III pp. 5-336

On s’applaudit de ne plus tant mêler le fabuleux au réel ; on objecte aux défenseurs du système fictif que nos idées s’y refusent, que les langues modernes n’ont pas les ressources des langues anciennes, et que notre savoir n’admet plus les erreurs poétiques. […] Elle se fonde sur les époques assez reculées pour que les traditions romanesques se mêlent aux rapports historiques, et que le vrai s’y confonde avec le fabuleux. […] On interprète injustement mes expressions, lorsqu’on les soupçonne d’être mêlées d’humeur et d’amertume : prend-on pour le langage d’une aversion que je n’eus aucun sujet personnel de concevoir la chaleur involontaire que m’inspire l’évidence des principes blessés et le zèle de l’antique doctrine ? […] « Tendres adieux d’Hector qui retourne aux combats, « D’Andromaque un instant rassurez les alarmes, « Et mêlez dans ses yeux un sourire à ses larmes ! […] Tel est, je crois, l’avantage de ma stricte méthode, où la critique ne peut rien mêler, ni rien confondre.

814. (1949) La vie littéraire. Cinquième série

Gad fut découverte la dernière, mêlée aux Nestoriens et aux Afghans. […] Dans toutes ses familiarités, il y a du diabolique, et je ne sais pas bien s’il ne se mêle pas quelque sorcellerie à l’aventure de ce pauvre M.  […] Mais, s’il n’avait pas eu de vie intime, il n’aurait jamais écrit ces chefs-d’œuvre du sentiment mêlé au génie : la vie de sa sœur Henriette et les Souvenirs d’enfance et de jeunesse, dont il nous donne aujourd’hui même, sous le nom de Feuilles détachées, une suite diverse et mêlée. […] C’était un personnage mêlé à de grandes affaires. […] Le facétieux se mêle étrangement, dans ces discours, au dogmatique.

815. (1824) Ébauches d’une poétique dramatique « Conduite de l’action dramatique. » pp. 110-232

Avec quel art Racine la mêle à toutes les autres ! […] Un auteur doit avoir grand soin de ne rien mêler, dans le caractère d’un personnage, qui puisse repousser ou affaiblir l’intérêt qu’il a dessein d’y répandre. […] On fut touché de l’amour de Valérie pour son époux, de la tendresse héroïque de ses sentiments, du respect qu’elle mêle à son amour, du ménagement avec lequel elle sonde le cœur de son époux, pour y rappeler la vertu et pour assurer son honneur et sa vie. […] Mais sa magnanimité n’est ni féroce ni hautaine ; elle y mêle tant de tendresse, tant de raison et tant d’égards, qu’elle n’en devient que plus chère et plus respectable pour son époux, au moment même qu’elle le fait trembler, et que le spectateur sent à la fois le plaisir de la pitié et celui de l’admiration. […] Molière, à la vérité, mêle quelquefois le comique grossier avec le bas comique.

816. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Théocrite »

L’idylle n’est pas un genre qui puisse indifféremment venir en tout temps et partout ; il y faut une part de naturel, même quand l’art doit s’en mêler. […] Nulle églogue ne respire davantage la félicité de la campagne, l’abandon et la joie facile ; il s’y mêle la plus naïve rougeur d’enfant et les premiers troubles de la pudeur. […] J’aime mieux ne pas me détourner de l’idéal pur, et ne pas venir mêler sans nécessité le Moyen-Age à la Grèce, Gautier de Coincy à Théocrite. […] Toutes deux sont célèbres ; le Cyclope a de quoi peut-être se faire mieux goûter des modernes : le jeu de l’esprit et une sorte de malice s’y mêlent au sentiment.

817. (1858) Cours familier de littérature. VI « XXXVIe entretien. La littérature des sens. La peinture. Léopold Robert (1re partie) » pp. 397-476

Ce spectacle de l’industrie sédentaire de l’horloger, mêlé aux travaux champêtres du paysan des hautes montagnes, présentait un aspect de bien-être et de bon ordre qui faisait penser aux premiers temps du vieux monde. […] C’était la plus belle et la plus pittoresque population de tout âge et de tout sexe qu’il fût possible d’imaginer pour un poète et de reproduire pour un peintre : la taille élevée, les membres dispos, les fières attitudes, les costumes sauvages des hommes ; les profils purs, les yeux d’un bleu noir, les cheveux dorés, les épingles d’argent semblables à des poignards, les corsets pourpres, les tuniques lourdes, les sandales nouées sur les jambes nues des femmes ; les groupes formés naturellement, çà et là, le long des murs, par les captifs, les épouses ou les fiancées demi libres, s’entretenant, les joues rouges de passion ou pâles de pitié, avec leurs maris ou leurs amants, à travers les gros grillages de fer des lucarnes des cachots, ouvrant sur les cours ; les hommes assis et pensifs sur la poussière, le coude sur leurs genoux, la tête dans leur main ; les jeunes filles se tressant mutuellement leurs cheveux de bronze avec quelques tiges de fleurs de leurs montagnes, apportées par leurs aïeules la veille du dimanche, les regards chargés des images de la patrie, des arrière-pensées de la vengeance, des invocations ardentes à la liberté de la montagne ; les enfants à la mamelle allaités en plein soleil de lait amer mêlé de larmes ; toute cette scène, que nous avons contemplée souvent nous-même alors, laissait dans le souvenir, dans l’œil et dans l’imagination un pittoresque de nature humaine qui ne s’efface plus. […] Elle a noué autour de ses cheveux, à demi détachés, une couronne de fleurs sauvages d’un admirable éclat ; on y reconnaît les bleuets, les œillets rouges, les marguerites blanches, les pavots mêlés à des épis de folle avoine, toutes fleurs des hauts pâturages du Jura transportées par réminiscence sur le front de la fille des Abruzzes. […] Le hasard nous a fait connaître personnellement quelques-uns des principaux personnages et quelques-unes des circonstances de ce drame intérieur, si intimement mêlé à la vie, aux œuvres, au génie, à la mort du jeune Robert, ce Werther des peintres.

818. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre troisième »

., Montesquieu mêle avec grâce ce qu’il sait du cœur humain, ce qu’il a vu des mœurs parisiennes, ce que l’histoire lui a appris du caractère français jusque dans les Gaulois du temps de César. […] La mode même s’en mêle, et cette fois la mode a du bon, en mettant les ignorants au service de la science. […] Mais si tu le lis avec attention, tu y trouveras, selon le précepte d’Horace, l’utile mêlé à l’agréable. » J’en crois un conseil qui sent si peu le prêche. […] L’instituteur païen forme son élève pour vivre « : au plus épais de la mêlée humaine et au plein jour de la république28. » Aussi doit-on, avant toute chose, lui inspirer l’estime de lui-même et la confiance en ses forces.

819. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre sixième »

Jusque alors la comédie, tout en pensant à nous amuser, entendait mêler à cet amusement quelque enseignement sur nous-mêmes. […] Fabriquer dans un cabinet un caractère parfait comme l’Eugénie de Beaumarchais, est plus facile que de prendre dans la nature un caractère mêlé. […] L’auteur qui produit pour la seconde fois sur la scène les mêmes personnages risque d’avoir affaire à ce genre de curiosité où se mêle le doute du succès, peut-être l’attente d’un échec. […] Ce je ne sais quoi d’aimable qui manque aux personnages de Beaumarchais, ils le reçoivent de la musique, quand, au lieu de parler, ils chantent ; mais cela même est à la gloire de Beaumarchais, et ce qu’il gagne à être mêlé dans nos souvenirs avec Mozart et Rossini est la juste récompense de ce qu’il leur a prêté.

820. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre septième »

Tantôt il regarde le mystère en face, et il se porte impétueusement au plus épais des saintes obscurités, avec le généreux courage d’un soldat qui se jette dans une mêlée. […] L’impuissance même du prédicateur à contenter notre raisonnement ajoute à cette épouvante ; voilà notre cœur touché d’une inquiétude qui ne doit pas finir, et si la foi nous manque, nous avons du moins ce doute mêlé d’humilité, qui ne s’opiniâtre point et qu’accompagne le sincère désir de croire. […] Le bel esprit trouve à s’y mêler, et ses vaines fleurs, semées parmi tant de pieuses invectives, montrent que le désir de corriger l’auditoire ne fait pas négliger à l’orateur le soin de lui plaire73. […] Les belles qualités qu’on peut louer dans le Petit Carême sont mêlées, dans l’Avent, de moins de défauts.

821. (1890) L’avenir de la science « XV » pp. 296-320

Il se mêle à tous ses récits : le narré simple et objectif du fait lui est impossible ; il ne sait point l’isoler du jugement qu’il en a porté et de l’impression personnelle qui lui en est restée. […] C’est que la première raconte le fait dans sa réalité toute nue, et que la seconde mêle à ce récit un élément subjectif, une appréciation, un jugement, une manière de voir du narrateur. La première narration était simple, la seconde est complexe et mêle à l’affirmation du fait un jugement de cause 133. […] La simple énonciation du fait est ce qu’il y a de plus difficile pour le peuple ; il y mêle toujours quelque explication apparente.

822. (1890) L’avenir de la science « XVII » p. 357

C’est peine perdue de calculer et de ménager savamment les moyens ; car la brutalité s’en mêlera, et on ne calcule pas avec la brutalité. […] Car de tels actes ne vont pas sans que la passion s’en mêle, et réciproquement de telles passions ne vont pas sans éveiller quelque vue désintéressée. […] Comment voulez-vous que de telles gens, s’ils se mêlent de parler à la multitude, n’encourent pas sa disgrâce. […] Ainsi s’explique la mauvaise humeur que le peuple a montrée de tout temps contre les philosophes, surtout quand ils ont eu la maladresse de se mêler des affaires publiques.

823. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XV. La littérature et les arts » pp. 364-405

La foule prend de temps en temps une part active à la représentation, en entonnant un cantique avec les acteurs ; et dans les profondeurs de l’église, à laquelle est souvent adossé le théâtre, l’orgue mêle au chœur sa clameur puissante qui tour à tour gronde ou s’apaise au gré du Créateur. […] Zola, lui, s’est plu à donner pour centre à ses romans, quelque vaste édifice132 : une halle, un cabaret, un grand magasin, une usine, une église même ; il l’anime alors d’une vie fiévreuse, fantastique, inquiétante ; il en fait un être redoutable mêlé à l’action, agissant sur les personnages qui s’y meuvent, devenant plus d’une fois le plus important d’entre eux tous. […] Un peu plus tard, quand le goût de la campagne mêlé à une sensiblerie larmoyante s’est réveillé dans le cœur des citadins blasés, Greuze représente l’Accordée de village et d’autres scènes villageoises bien propres à toucher les âmes sensibles. […] » Décrivant un paysage du Poussin, il s’extasie sur l’idée que le peintre a eue de mettre au premier plan une femme enveloppée par un serpent, et il conclut avec assurance : « Voilà les scènes qu’il faut savoir imaginer, quand on se mêle d’être un paysagiste !

824. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre VII, seconde guerre médique. »

Les Sagastes agitaient la corde terminée par un nœud coulant, qu’ils lançaient sur la mêlée, comme un filet dans la mer. […] Léonidas tomba dans la mêlée, une lutte furieuse s’engagea autour de son corps. […] Les deux navires restèrent accrochés, d’autres, des deux côtés, vinrent à leur secours, et la mêlée s’engagea. […] Il marchait ainsi, vaisseau vivant, sur les flots de sang des mêlées.

825. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre onzième. La littérature des décadents et des déséquilibrés ; son caractère généralement insociable. Rôle moral et social de l’art. »

Ses yeux polis sont faits de minéraux charmants, Et dans cette nature étrange et symbolique Où l’ange inviolé se mêle au sphinx antique, Où tout n’est qu’or, acier, lumière et diamants, Resplendit à jamais, comme un astre inutile, La froide majesté de la femme stérile. […] L’inconnu de la mort vient pour lui se mêler à toute manifestation de la vie, le plus simple fait revêt une apparence de profondeur et de mystère ; dans la grande épouvante qu’il découvre épandue, les amours lui semblent plus forts ; et c’est toute la poésie de la mort qui s’ajoute à celle de la vie. […] Et Shelley, décrivant les fleurs d’un jardin, dira : Le perce-neige et puis la violette s’élevèrent du Mouillé d’une sol chaude pluie, et leur souffle était mêlé A la fraîche odeur de la terre, comme la voix à l’instrument. […] Lettre d’Ymbert Galloix. — Littérature et philosophie mêlées, vol. 

826. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Conclusions »

Enfin, en suprême artiste de la prose, Tolstoï suggère les puissantes émotions qu’il suscite par la nature même de tout ce qu’il ouvre, non sans y mêler trop souvent encore des accents personnels, l’expression d’une sensibilité maladive qui depuis sa prédominance a fait de lui un moraliste mystique et détaché du monde. […] Ainsi quelque profonde altération que Dickens et Dostoïewski fassent subir à ce qu’ils ont vu, ils sont réalistes, car ils sont attendris et indignés ; Tourguénef et Tolstoï qui mêlent dans leurs tableaux du monde des êtres supérieurs et heureux aux misérables et aux malheureux, touchent plutôt à l’idéalisme, mais touchent aussi à ce qui serait l’idéal de l’art, la fusion des deux ordres de représentation par embellissement et par dégradation, des deux ordres d’émotion l’exultation, la haine et la pitié. […] Toute la vie consciente de l’artiste, cette vie mêlée au monde, en laquelle se concentre et d’où se réfléchissent le ciel et la terre, est comme l’épanouissement, la prise de possession de cette rudimentaire activité intellectuelle qui monte confusément, moins sourde et moins aveugle, de la brute au génie. […] À ce point de convergence, l’optimisme elle pessimisme étant les deux parties mêlées, — en quelle proportion, on ne saurait le dire, — de la grande notion du monde, se confondent et se complètent.

827. (1894) Textes critiques

Or voici ceux qui les incarnent : Johannes Vockerat tout intellect ; Kaethe toute sensibilité, qu’imitatrice elle mêlera de quelques germes moins sympathiques que cérébraux, d’après Anna Mahr : par faiblesse et besoin n’appui. […] Ames solitaires heurtées sans pénétration — mêlée sans mélanges— en éclats douloureux, d’autant moins conscientes de leur solitude que moins intellectuelles, le vieux Vockerat et sa femme, simples par l’esprit, souffrent le moins — et ils ont où se cramponner, Kaethe, l’Idolâtré englouti, tombe les mains s’effarant au vide du piédestal. […] Après les ironies presque de guignol de la Peau de castor les assomptions des mortes aux ventouses cristallines des cloches… — Dessous, le squelette des thèses opposant front à front l’ivoire de leur jeu d’échecs ; l’escrime deux à deux ou en mêlée des idées neuves et jeunes encore dont germent les vertes pointes lancéolées. […] On connaît la Sainte couchée entre les pages, longues comme ses mains, de l’Idéalisme de M. de Gourmont, et les deux têtes, Christ et Vierge, enluminure du Latin Mystique. — Le Jugement dernier s’élabore, mais il faudrait presque qu’il ne fût point fini, car le prétexte sera lors mort de créer des faces d’anges ou de damnés, chevelues de flammes ou de rayons ; et nous n’aimerons plus, forcés, au changement, l’image — où Georgin couche la lame sonore de son verset sur la tête de mort en bois, sonnant à tous les champignons : noirs subitement germés des dalles : Levez-vous, morts, et venez au Jugement. — En attendant l’étonnement de la trompe finale, ce mois : Sainte-Cécile et son violon : sur le ciel bleu d’arrosoir d’or et l’arche-cadre des croix ornementales, le bras : de la Sainte où le sexe hésite, peut-être main de l’ange mêlée à la sienne, union ou communion.

828. (1857) Cours familier de littérature. IV « XXIIIe entretien. I. — Une page de mémoires. Comment je suis devenu poète » pp. 365-444

Dis-moi si le sycomore Prend ses feuilles de printemps ; Si ma mère y vient encore Garder ses jolis enfants ; Si sa voix, qui les appelle, A des accents aussi doux ; Si la plus petite épelle Le livre sur ses genoux ; Si sa harpe dans la salle Fait toujours, à l’unisson, Tinter, comme une cigale, Les vitres de la maison ; Si la source où tu te penches, Pour boire avant le matin Dans le bassin des pervenches, Jette un sanglot argentin ; Si ma mère, qui l’écoute, En retenant mal ses pleurs, De ses yeux mêle une goutte À l’eau qui pleut sur ses fleurs ; Et si ma sœur la plus chère, En regardant le ruisseau, Voit l’image de son frère Passer en rêve avec l’eau. […] Ces sensations de la nature se mêlaient de jour en jour davantage dans mon âme avec les pensées et les visions du ciel. […] “Démodocus”, dit le poète de Chio en se peignant sous les traits du chantre des Phéaciens, “était le favori de la muse ; mais elle avait mêlé pour lui le bien et le mal, et l’avait rendu aveugle en lui donnant la douceur des chants.” » XXIII Une exclamation d’enthousiasme éclata dans tout le jeune auditoire ; le père Béquet, qui s’était attendri, reprit sa voix virile en poursuivant la page. […] M. de Chateaubriand nous révélait le style du dix-neuvième siècle : style composite, comme le genre d’architecture auquel on applique ce nom ; style qui mêle tous les genres, qui associe le raisonnement, l’éloquence, l’élégie, le lyrisme, la peinture, la poésie, et qui recouvre le tout d’un vernis magique de paroles musicales pour faire illusion souvent sur le peu de solidité du fond.

829. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Fénelon. Sa correspondance spirituelle et politique. — II. (Fin.) » pp. 36-54

Ici Fénelon, parlant à un jeune homme, y mêle un ton d’affection plus gracieux, plus paternel ; ces lettres au vidame d’Amiens, lues à leur date à travers les autres, sont d’un effet aimable : l’énergie et quelque ton de sévérité s’y tempèrent aussitôt d’un sentiment de tendresse que l’ami du père reporte sur les enfants. […] Pourtant, comme il se mêle à tout cela bien de l’irréflexion et de la mode, selon notre usage français de tous les temps, il arrivera que pendant la très courte année où le duc de Bourgogne, devenu Dauphin après la mort de son père, se mettra un peu en frais de bonne grâce et en attitude de plaire, l’opinion se retournera subitement en son honneur, célébrera en lui une transformation soudaine, et, quand on le perdra quelques mois après, il sera pleuré comme un prince irréparable, les délices trop tôt ravies du genre humain.

830. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Chateaubriand. Anniversaire du Génie du christianisme. » pp. 74-90

Et après cette première citation : Dans un autre endroit, continue Chateaubriand, je peins ainsi les tombeaux de Saint-Denis avant leur destruction : « On frissonne en voyant ces vastes ruines où sont mêlées également la grandeur et la petitesse, les mémoires fameuses et les mémoires ignorées, etc. » Je supprime encore ce second morceau, inséré à la suite du premier, et qui prêterait aux mêmes observations comparatives ; mais je vais donner toute la fin de la lettre avec son détail mélangé, afin que le lecteur en reçoive l’impression entière, telle qu’elle ressort dans son désordre et son abandon : Je n’ai pas besoin de vous dire qu’auprès de ces couleurs sombres on trouve de riantes sépultures, telles que nos cimetières de campagne, les tombeaux chez les sauvages de l’Amérique (où se trouve le tombeau dans l’arbre), etc. […] Une part de factice peut se mêler bientôt et s’introduire dans l’exécution des longues œuvres, cela se voit trop souvent ; mais si elles sont élevées et si elles ont été puissamment émouvantes, il faut que l’inspiration première du moins ait été vive, et qu’il y ait eu un foyer.

831. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Sylvain Bailly. — II. (Fin.) » pp. 361-379

Il y mêle dans son récit de ces effusions de sensibilité dont il n’est jamais avare, et qui répandent sur ces scènes grandioses je ne sais quelle teinte encore amollie. […] » C’est par ces effronteries cent fois répétées, et mêlées aux calomnies sérieuses, qu’en temps de trouble et de passions politiques on achemine les esprits aux ignobles vengeances, et qu’on prépare au besoin les échafauds.

832. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Ramond, le peintre des Pyrénées — III. (Fin.) » pp. 479-496

Diane et la naïade seront peut-être jugées de trop, et Ramond, en les faisant intervenir, mêlait, à son tour, de ses réminiscences classiques à une nature toute vierge et qui ne rappelle qu’elle-même : ou peut-être voulait-il parler aux critiques du temps leur propre langage pour les mieux réfuter. […] Quel spectacle, une fois que les tempêtes de l’automne se seraient emparées de ces lieux comme de leur domaine ; que l’izard léger et la triste corneille, seuls habitants de leurs déserts, en auraient fui les hauteurs ; qu’une neige fine et volage, entraînée de pentes en pentes, et volant de rochers en rochers, aurait englouti sous ses flots capricieux leur stérile étendue… Et avec un enthousiasme mêlé de joie il suit le tableau dans sa succession, jusqu’au retour du prochain printemps et jusqu’à la fonte des neiges.

833. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Préface pour les Maximes de La Rochefoucauld, (Édition elzévirienne de P. Jannet) 1853. » pp. 404-421

Il se plaît à ce jeu, il se met à rédiger chaque pensée avec soin, et tout aussitôt avec talent : une sorte de grandeur de vue se mêle insensiblement sous sa plume à ce qui ne semblait d’abord que l’amusement de quelques après-dînées. […] L’Ajax de L’Iliade, portant, pendant l’absence d’Achille, le poids de l’armée troyenne, ou Ney dans le feu de la mêlée à Friedland, laissez-les faire !

834. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Santeul ou de la poésie latine sous Louis XIV, par M. Montalant-Bougleux, 1 vol. in-12. Paris, 1855. — I » pp. 20-38

Que s’il se mêle à cette question de liturgie une part de dogme, on trouvera tout naturel que je la néglige ici pour ne considérer que ce qui est du ressort du goût, ce dernier ordre de considérations étant très suffisant pour nous permettre de bien juger du caractère, du rôle et de toute la destinée de Santeul ; car il ne fut jamais qu’un homme de verve, et nullement un homme de doctrine. […] Montalant-Bougleux est estimable par le sujet et par l’intention ; il y a des idées justes, mais non assez précises, mais trop mêlées de digressions étrangères, et exprimées dans un style qui est loin d’être celui de la correction ornée : et c’est là le style qui conviendrait si bien à ce genre de dissertations littéraires.

835. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Le duc de Rohan — I » pp. 298-315

La ruine de ceux de la religion n’est pas si prochaine qu’elle ne donne aux mécontents loisir de former des partis… Songez que vous avez moissonné tout ce que les promesses mêlées de menaces vous pouvaient acquérir, et que ce qui reste combat pour la religion qu’il croit… Il finit en refusant de se prêter à aucune conclusion particulière et qui le sépare de l’intérêt général. […] Écoutons Plutarque nous exprimer et nous définir cette grâce singulière et ce je ne sais quoi de réussi qui s’attachait à toutes les actions de l’heureux mortel : Car de son temps, en Grèce, nous dit-il, beaucoup ayant été grands et ayant fait de grandes choses, desquels étaient Timothée, et Agésilas, et Pélopidas, et celui que Timoléon avait surtout pris pour modèle, Épaminondas, les actions de tous ceux-là eurent pour caractère l’éclat mêlé d’une certaine violence et d’un certain labeur, de telle sorte qu’il a rejailli sur quelques-unes et du blâme et du repentir ; mais des actions de Timoléon, si l’on excepte cette fatale nécessité au sujet de son frère, il n’en est pas une où il ne convienne, selon la remarque de Timée, de s’écrier avec Sophocle : « Ô dieux !

836. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Le duc de Rohan — III » pp. 337-355

Sur ces entrefaites, Serbelloni, se souvenant que le duc de Rohan avait été un rebelle à son roi, essaya de le tenter : il lui envoya un gentilhomme appelé Du Clausel, ancien agent du duc auprès de la Cour d’Espagne dans les guerres civiles ; le nom de la reine Marie de Médicis était fort mêlé à cette intrigue. […] La poudre manquant, on se mêla l’épée à la main par un soleil si clair, que la lueur des lames éblouissait les yeux des combattants.

837. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « La princesse des Ursins. Ses Lettres inédites, recueillies et publiées par M. A Geffrot ; Essai sur sa vie et son caractère politique, par M. François Combes » pp. 260-278

Suivent des détails d’étoffes et de chiffons mêlés à cette poursuite et à cette ambition d’un futur ministère. […] En effet, Mme de Maintenon s’en mêle, et l’affaire se consomme.

838. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Mémoires de Mme Elliot sur la Révolution française, traduits de l’anglais par M. le comte de Baillon » pp. 190-206

Quant à Mme Elliott, la maîtresse passée (quoique n’ayant que vingt-quatre ans et si belle), elle apparaît par éclairs, et représente le rappel aux devoirs du sang, la fidélité monarchique : « La politique de Mme de Buffon, nous dit-elle, était différente de la mienne. » Je le crois bien, la rivalité s’en mêlait ; mais il y avait pis auprès du duc d’Orléans que Mme de Buffon. […] Cet entourage se formait, se renouvelait presque au hasard et sans qu’il s’en mêlât.

839. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Les Caractères de La Bruyère. Par M. Adrien Destailleur. »

Mais bientôt son dessein paraît s’interrompre et s’oublier dans plusieurs chapitres mêlés, et qui ont pour titre : Des Jugements, De la Mode, De quelques Usages : on va à droite ou à gauche, à l’aventure, on revient en arrière. […] Une agréable anecdote est venue se mêler aux détails un peu secs, donnés par les bibliographes sur les nombreuses éditions qu’eurent les Caractères avant et depuis sa mort.

840. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Des prochaines élections de l’Académie. »

L’Académie française, où il n’y a pas de sections, bien que l’on pût à la rigueur en concevoir (sections de langue et de grammaire, de poésie dramatique, de poésie lyrique, d’histoire, d’éloquence proprement dite, de roman, de critique littéraire, j’y reviendrai tout à l’heure), l’Académie française, loin de voir un inconvénient dans le hasard et la mêlée des candidatures, tient à honneur d’être affranchie de tout examen préalable et de tout ordre prévu et réglé en matière d’élection ; elle estime que les qualités générales qui constituent le littérateur distingué, en quelque genre que ce soit, et l’homme de goût, sont suffisamment appréciées et senties par chacun de ses membres, et que prétendre faire plus, vouloir tracer des divisions et des compartiments, ce serait apporter en cette matière délicate une rigueur dont elle n’est point susceptible, et qui en froisserait et en fausserait la finesse. […] Scribe, que l’embarras du choix parmi les auteurs dramatiques, sans aller y mêler des écrivains purement critiques ; l’Académie regorge déjà de critiques.

841. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Madame de Staël. Coppet et Weimar, par l’auteur des Souvenirs de Mme Récamier »

Et puis cette grande dame française qui leur tombe là comme la foudre, brillante, causante, interrogeante, représentant si bien de sa personne cette nation que William Cowper appelle « la nation ingérante » ou qui aime à se mêler de tout, cela les dérange dans leur travail et les tire de leurs habitudes ; ils ne s’y prêtent d’abord qu’en rechignant ; ils s’en inquiètent, jusqu’à ce qu’ils l’aient connue et qu’ils sortent de son entretien fixés et rassurés. […] Dans la poésie la plus vantée, elle ne retrouvait pas d’idée, et dans la conversation point de sentiment. » Car elle voulait du sentiment aussi et avant tout, mêlé aux idées, avec des éclairs de gaieté fugitive, quantité de rapports fins, subtils, déliés, des anecdotes d’une application spirituelle et imprévue, de soudains essors et comme des flammes vers les plus hauts sommets ; mieux que des aperçus, des considérations politiques et historiques, fortement exprimées, mais sans s’y appesantir ; des images même, qui peut-être n’auraient point paru des images en plein soleil, mais qui en faisaient l’effet dans un salon ; puis tout à coup (car c’était une femme toujours) un soupir romanesque jeté en passant, et quelque perspective lointaine vaguement ouverte sur la destinée, les peines du cœur, les mystères de la vie ; un coin mélancolique à l’horizon.

842. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Entretiens de Gœthe et d’Eckermann (suite) »

Mais, dans l’état actuel, il faut qu’il se maintienne toujours dans un certain milieu ; il faut qu’il pense que ses œuvres iront dans les mains d’un monde mêlé, et il est par là obligé de prendre garde que sa trop grande franchise ne soit un scandale pour la majorité des esprits honnêtes. […] Mais, si on l’interrogeait sur les vrais talents, sur Béranger, sur Mérimée, auteur dès lors du théâtre de Clara Gazul, Gœthe faisait aussitôt la distinction, et il reconnaissait en eux la vraie marque, l’originalité : « Je les excepte, disait-il : ce sont de vrais talents qui ont leur base en eux-mêmes et qui se maintiennent indépendants de la manière de penser du jour. » Avoir sa base et son fondement en soi, c’était la chose qu’il estimait le plus ; il a parlé quelque part de ces faux talents, qui n’en ont que le semblant et le premier jet : « Nous vivons dans un temps, disait-il, où il y a tant de culture répandue qu’elle s’est, pour ainsi dire, mêlée à l’atmosphère qu’un jeune homme respire.

843. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Mémoire de Foucault. Intendant sous Louis XIV »

Le maréchal y alla avec 2,000 hommes, « par ordre du roi qui lui avait mandé d’aller faire une algarade aux Espagnols. » Louis XIV ne disait sans doute pas le mot en plaisantant, mais on va voir qu’en dehors de lui le sourire-se mêlait déjà à la chose. […] A ces odieux, procédés, il mêle parfois des airs d’honnête homme, des semblants de sentiment ; il joue le bon apôtre : « Le sieur d’Audrehon, ministre de Lembeye, m’étant venu voir ; me dit qu’il sentait de grands mouvements dans son cœur pour embrasser la religion catholique ; mais qu’il avait encore besoin d’un, mois pour prendre sa résolution ; sur quoi, l’ayant fait entrer dans la chapelle du château de Pau, où M. l’évêque d’Oléron recevait l’abjuration d’un ancien avocat de Pau et où il y avait beaucoup de monde, je lui demandai s’il ne sentait rien dans son cœur qui le sollicitât, à la vue de son véritable pasteur, de s’aller jeter entre ses bras.

844. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Vie de Jésus, par M. Ernest Renan »

Ce premier ami est un catholique très-docile, bien qu’instruit, et il m’a donné avec confiance, avec feu, la plupart des raisons qu’on allègue de ce côté ; seulement il avait le bon goût et la charité de n’être dur que contre la doctrine et de n’y mêler aucune injure contre l’homme. […] Mais l’ensemble est habituellement mêlé de déclamations passionnées et d’assertions non mûries.

845. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Histoire de la littérature anglaise par M. Taine. »

Les avantages d’une telle palestre savante, d’un tel séminaire intellectuel, sont au-delà de ce qu’on peut dire, et c’est ainsi qu’en doivent juger surtout ceux qui ont été privés de cette haute culture privilégiée, de cette gymnastique incomparable, ceux qui, guerriers ordinaires, sont entrés dans la mêlée sans avoir été nourris de la moelle des lions et trempés dans le Styx. […] Si l’on connaissait bien les Anciens, on accordait trop aussi à certains auteurs modernes, à ceux dont on s’exagérait de loin le prestige à travers les grilles ; on prenait trop au sérieux et au pied de la lettre des ouvrages qui mêlaient à l’esprit et au talent bien des prétentions et de petits charlatanismes ; on leur prêtait de sa bonne foi, de son sérieux, de sa profondeur ; il en reste encore quelque chose aujourd’hui après des années, même dans les jugements plus mûrs.

846. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « La reine Marie Legkzinska »

Pour la première fois qu’elle se mêlait de politique, elle s’était montrée bien faible et médiocre. […] Il redoutait le moment où il pourrait échapper à sa dépendance, s’il rencontrait quelque maîtresse qui eût du caractère et le désir de se mêler des affaires.

847. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. PROSPER MÉRIMÉE (Essai sur la Guerre sociale. — Colomba.) » pp. 470-492

Ce qui ne peut être su de cette sorte, ce qui ne peut être saisi et déterminé d’après des caractères positifs et des particularités sensibles, volontiers il l’ignore, ou du moins il fait tout comme, et l’abandonne, sans paraître s’y mêler, aux controverses et aux échos d’alentour. […] Nul doute qu’un narrateur vraiment primitif ne l’eût pris de la sorte et ne fût allé au bout ; mais, pour nous, lecteurs modernes, qui, après tout, ne sommes pas Corses, qui nous intéressons à Orso et qui tenons fort à ce qu’il ne finisse ni par le mâquis ni par les galères, nous sommes heureux de la dextérité du romancier qui nous l’a montré cédant tout autant qu’il faut et s’en tirant toutefois, ne commençant pas le premier, mais, du moment qu’il s’en mêle, faisant coup double.

848. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « La Fontaine »

Fouquet lui commande dizains et ballades, il en fait ; madame de Bouillon, des contes, et il est conteur ; un autre jour ce seront des fables pour monseigneur le Dauphin, un poëme du Quinquina pour madame de Bouillon encore, un opéra de Daphné pour Lulli, la Captivité de saint Malc à la requête de MM. de Port-Royal ; ou bien ce seront des lettres, de longues lettres négligées et fleuries, mêlées de vers et de prose, à sa femme, à M. de Maucroix, à Saint-Évremond, aux Conti, aux Vendôme, à tous ceux enfin qui lui en demanderont. […] Et puis une simplicité d’exagération s’y mêle : les romans et le jeu qui ont égaré le pécheur sont la peste des républiques, une fureur qui se moque des lois.

849. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre III. Le naturalisme, 1850-1890 — Chapitre VI. Science, histoire, mémoires »

Toutes les précautions que ce loyal esprit a prises pour éviter le parti-pris, les vues étroites ou exclusives, pour saisir toutes les parties et manifester tous les aspects de la vérité, ont donné le change aux esprits superficiels ou prévenus : en même temps que notre grossière façon d’entendre l’opposition théorique de la science et de la foi nous faisait mal juger tous ces fins sentiments, ces expansions affectueuses ou enthousiastes, qui se mêlaient sans cesse chez Renan aux affirmations du déterminisme scientifique. […] Il y a du romantisme dans Renan : c’est-à-dire qu’il a souvent mêlé sa personne dans son œuvre, et jeté des impressions toutes subjectives à travers l’objectivité de sa science.

850. (1890) L’avenir de la science « V »

Tout ce que je sais, c’est que, si elle ne le fait pas, nul ne le fera, et que l’humanité ignorera à jamais le mot des choses ; car la science est la seule manière légitime de connaître, et, si les religions ont pu exercer sur la marche de l’humanité une salutaire influence, c’est uniquement par ce qui s’y trouvait obscurément mêlé de science, c’est-à-dire d’exercice régulier de l’esprit humain. […] À l’instant, la langue s’altère, on ne parle plus pour tout le monde, on affecte les formes mystiques, une part de superstition et de crédulité apparaît tout d’un coup, on ne sait d’où, dans les doctrines qui semblaient les plus rationnelles, la rêverie se mêle à la science dans un indiscernable tissu.

851. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Pline le Naturaliste. Histoire naturelle, traduite par M. E. Littré. » pp. 44-62

Machiavel, en des années de disgrâce où il se voyait forcément mêlé à une vie vulgaire, ne les lisait qu’à une certaine heure du jour, et après avoir fait sa toilette comme pour se rendre digne de les approcher. […] Mais aussi, et tout comme chez eux, des idées morales s’y mêlent et relèvent vite ce qui a pu sembler de pure rhétorique.

852. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Lettres inédites de la duchesse de Bourgogne, précédées d’une notice sur sa vie. (1850.) » pp. 85-102

Jouons-la, puisque nous y sommes engagés ; mais, en vérité, il n’est point agréable de se mêler des plaisirs des grands. » La duchesse de Bourgogne était de cette race des grands dont l’espèce va se perdant de jour en jour, et qui sera bientôt une race disparue. […] Les quelques lettres qu’on publie d’elle au duc de Noailles, et où elle dit qu’elle n’entend rien à la politique, prouveraient plutôt que, si elle pouvait causer plus librement que par écrit, elle aimerait très bien à s’en mêler.

853. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Mémoires et correspondance de Mallet du Pan, recueillis et mis en ordre par M. A. Sayous. (2 vol. in-8º, Amyot et Cherbuliez, 1851.) — II. » pp. 494-514

M. de Hardenberg, ministre de Prusse, ayant persisté à le consulter, tandis qu’il participait dans le même temps aux négociations de la paix de Bâle à laquelle Mallet était directement opposé, ce dernier le prit fort mal ; il interrompit un travail devenu dérisoire dans cette nouvelle conjoncture : « Dans cet état de choses, écrivait-il à M. de Hardenberg, toute lettre de ma part devenait un acte d’importunité, une indécence et un contresens. » Ayant été mêlé en 1794 dans un projet de conciliation qu’offraient aux princes émigrés les constitutionnels de la nuance de MM. de Lameth, et ne s’y étant prêté qu’avec une extrême réserve, Mallet du Pan apprit qu’on en jasait pourtant dans l’armée de Condé, et il reçut de l’envoyé anglais en Suisse, M.  […] Il y dressa aussitôt sa batterie de guerre, son Mercure britannique, publication destinée à combattre avec suite, et par des tableaux mêlés de discussions, la politique du Directoire : « L’expérience est perdue, disait Mallet, si on ne la grave pas au moment même par des écrits qui en fixent l’impression. » La passion déclarée et le parti pris de l’attaque n’empêchent point dans ce Mercure la sagacité et, jusqu’à un certain point, l’impartialité des jugements.

854. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Le surintendant Fouquet. (Article Fouquet, dans l’Histoire de Colbert, par M. P. Clément.) 1846. » pp. 294-312

Dans mon parfait désintéressement, j’ai peut-être le droit de dire ces choses, et l’exemple de Fouquet, qui y mêlait d’ailleurs un peu trop de pensions, me les suggère. […] Un peu de superstition se mêlait de loin, dans le préjugé public, à l’idée de son infortune.

855. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Regnard. » pp. 1-19

Le tour d’ironie et de plaisanterie qui s’y mêle n’empêche pas l’observateur de bien voir et de faire mille retours sur la singularité de la nature humaine selon les climats et les lieux. […] Il ne songea plus désormais qu’à jouir de la vie en sage épicurien ou en cynique mitigé (c’est son expression), et à se livrer à ses goûts, où les sens se mêlaient agréablement à l’esprit.

856. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Les Faux Démétrius. Épisode de l’histoire de Russie, par M. Mérimée » pp. 371-388

Mérimée, fidèle en cela à l’esprit classique, ne mêle point les genres : Accablé par ces tristes nouvelles, Boris faisait des efforts surhumains pour cacher son désespoir. […] Il l’a rendu aussi intéressant que peuvent l’être ces époques difficiles, ces événements mêlés d’obscurité, et il a traité le problème du faux Démétrius avec une sagacité piquante.

857. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1853 » pp. 31-55

Oui, oui, il y a là de la fougue, de l’audace, de l’imprudence, enfin du dévouement à un certain idéal mêlé d’un peu de folie, d’un peu de ridicule… un journal, en un mot, dont la singularité, l’honneur, est de n’être point une affaire. […] La chevelure de l’adolescent se mêle aux cheveux déroulés de la dame, et la Vénus, comme dit Tahureau : Croisant ses beaux membres nus Sur son Adonis qu’elle baise ; Et lui pressant le doux flanc ; Son cou douillettement blanc, Mordille de trop grande aise.

858. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre I : La politique — Chapitre II : Philosophie politique de Tocqueville »

Avec l’égalité, les manières perdent, il est vrai, de leur politesse ; la délicatesse, la distinction s’efface : en revanche les hommes se connaissent mieux, puisqu’ils sont sans cesse mêlés les uns aux autres. […] Toutes les fois qu’on se mêle des intérêts des hommes, on est sûr de ne pas leur plaire.

859. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre II : La littérature — Chapitre III : La littérature du xviiie et du xixe  siècle »

Il commence par nous pénétrer de leurs beautés, et ne mêle rien d’abord à ses louanges : ce n’est qu’ensuite qu’il nous instruit en relevant leurs défauts ; mais ici l’approbation est sans cesse accompagnée d’un avertissement indirect, d’une demi-réserve, d’une discrète ironie, qui ne nous laissent pas jouir un seul instant en paix de notre admiration. […] Ajoutez que, dans Rousseau, le faux est presque toujours mêlé avec le vrai, et qu’il se trouve par là en contradiction avec le principe des vérités générales.

860. (1858) Du roman et du théâtre contemporains et de leur influence sur les mœurs (2e éd.)

… « Vie, vérité, mensonge, amour, haine, fiel et vinaigre mêlés ensemble dans mon ciboire, oui, l’univers, c’était moi. […] À des fictions pathétiques on a mêlé d’ardentes déclamations. […] Comme la vertu, elle se plaît à le mêler à l’infamie, à l’associer à toutes les abjections. […] — Je ne nie point qu’il ne se soit mêlé à quelques-unes de ces œuvres une certaine dose de satire. […] je le sais : à nos enthousiasmes d’autrefois se mêlaient bien des illusions, et peut-être quelques folies.

861. (1906) L’anticléricalisme pp. 2-381

De là cette quasi nécessité pour une religion de se revêtir ou de se mêler d’une métaphysique. […] En France le génie réussit peu, ou tardivement ; la force de pensée ne réussit pas sans le talent ; mais la moindre chose réussit quand le talent s’y joint et se mêle de lui faire un succès. […] On ne se moque pas des coquins ; on les dénonce et on les flétrit, et si la comédie se mêlait de poursuivre les coquins, elle deviendrait autre chose que ce qu’elle est. […] Les moines assomptionnistes s’étaient mêlés des élections de 1898. […] » L’affaire Dreyfus était précisément une affaire très mêlée d’anticléricalisme.

862. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Rêves et réalités, par Mme M. B. (Blanchecotte), ouvrière et poète. » pp. 327-332

Une jeune Espagnole aux grands yeux pénétrants ; Et sa voix se mêlait à la voix des rafales Qu’on entendait mugir au-dessus des torrents… Si j’osais conjecturer, je dirais que par toutes ces figures diverses qu’a évoquées autour d’elle l’imagination de l’ouvrière-poète, elle s’est plu à multiplier, comme dans un miroir légèrement enchanté, des images d’elle-même, et elle n’a changé que juste ce qu’il fallait pour pouvoir dire : Ce n’est pas moi !

863. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Appendice à l’article sur Gabriel Naudé »

Je ne sais si vous avez su que l’on lui avoit retardé le payement de ses gages, à cause qu’il s’étoit couvert impudemment devant le Cardinal et toute la Cour, sans que l’on lui en eût fait signe, et que M. le maréchal d’Estrées dit publiquement à Rome que ce n’est qu’un pédant, et qu’il s’étoit voulu mêler de lui donner une instruction, à laquelle il n’y avoit ne sel ni sauge, ne rime ni raison.

864. (1874) Premiers lundis. Tome I « Fenimore Cooper : Le Corsaire Rouge »

Mais, moins souple, moins complet que Scott, il n’a pu comme lui, au milieu de tant de préoccupations, mener de front, et presque en se jouant, une intrigue à la fois compliquée et facile, en mêler et en débrouiller les fils, les quitter et les reprendre tour à tour, et enchâsser avec art dans leur étroit tissu ses brillants hors-d’œuvre.

865. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Les legs de l’exposition philosophie de la danse »

L’homme y est mêlé et y joue son rôle.

866. (1920) La mêlée symboliste. I. 1870-1890 « Lutèce » pp. 28-35

Certes, tu n’as gardé de l’antique appareil Aucune chose en toi qui ne soit mutilée, Mais la fleur d’Idalie, à tes ronces mêlée, De ta naïade lasse embaume le sommeil.

867. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXXIV » pp. 394-401

Une lettre de madame de Sévigné, du 6 novembre, raconte avec sa grâce ordinaire comment le roi, sous le nom d’un certain Langlée, espèce d’aventurier qui tenait un jeu à la cour, lui donna la plus belle robe dont on eut jamais eu l’idée : « M. de Langlée a donné à madame de Montespan une robe d’or sur or, rebrodé d’or, rebordé d’or, et par-dessus un or frisé, rebroché d’un or mêlé avec un certain or qui fait la plus divine étoffe qui ait jamais été imaginée : ce sont les fées qui ont fait cet ouvrage en secret.

868. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des pièces de théâtre — Préface d’« Hernani » (1830) »

L’auteur de ce drame écrivait, il y a peu de semaines, à propos d’un poète mort avant l’âge : « … Dans ce moment de mêlée et de tourmente littéraire, qui faut-il plaindre, ceux qui meurent ou ceux qui combattent ?

869. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Platon, et Aristote. » pp. 33-41

On reproche à ce philosophe de s’être mêlé de quelques intrigues à la cour de Philippe & d’Alexandre.

870. (1898) Manuel de l’histoire de la littérature française « Livre II. L’Âge classique (1498-1801) — Chapitre premier. La Formation de l’Idéal classique (1498-1610) » pp. 40-106

Mêlée à celle de nos pères les barbares, elle sut raffiner, assouplir et pour ainsi dire spiritualiser ces idiomes grossiers qui sont devenus ce que nous voyons… Qu’on jette les yeux sur une mappemonde, qu’on trace la ligne où cette langue universelle se tut : là sont les bornes de la civilisation et de la fraternité européennes… Le signe européen, c’est la langue latine. » [Joseph de Maistre, Du Pape.] […] Dernières années de la vie d’Amyot. — Sa traduction des Œuvres morales et mêlées de Plutarque. — Amyot aux états de Blois. — Son rôle pendant la Ligue. — Sa rentrée à Auxerre et sa mort. — Idée générale du service rendu par les traductions. — Dans quelle mesure les circonstances de la vie d’Amyot ont profilé à son œuvre. — Une page de Rivarol sur l’utilité des traductions [préface de sa traduction de Dante]. — Longue influence du Plutarque d’Amyot, et raisons de cette influence. 3º Les Œuvres. — Théogène et Chariclée, 1547 ; — Les Sept Livres des histoires de Diodore Sicilien, 1554 ; — Daphnis et Chloé, 1559 ; — Les Vies des hommes illustres grecs et latins, 1re édition, 1559 ; 2e édition, 1565 ; 3e édition, 1567. — Œuvres morales et mêlées de Plutarque, 1re édition, 1572 ; 2e édition, 1574 ; 3e édition, 1575. […] La meilleure édition de son Plutarque est celle de Vascosan [3e édition des Vies et 2e des Œuvres mêlées] formant 15 volumes in-18. […] — Ses tragédies romaines : Porcie, Cornélie, Antigone ; — et qu’elles sont de l’histoire toute crue, mêlée d’intermèdes lyriques et descriptifs [Cf. 

871. (1837) Lettres sur les écrivains français pp. -167

Ainsi en sortant de chez moi, je trouvai un rassemblement auquel je me mêlai, pour voir. […] Il appartient par ses opinions au parti républicain, quoiqu’en général les écrivains ne se mêlent que fort peu à la politique. […] si Luchet voulait s’en mêler ! […] Casimir Delavigne avait cédé le pas, qu’on le somme de paraître, que les huissiers s’en mêlent, M.  […] J’aurais fort désiré lui parler, ou me mêler à sa conversation, mais je n’osai en saisir l’occasion qui pourtant en naquit plusieurs fois.

872. (1924) Critiques et romanciers

Il se méfiait de ses jugements et craignait d’y mêler l’opinion courante, d’y mêler même le souvenir de son ancienne opinion. […] L’on y trouve, mêlées constamment, la plaisanterie énorme des Grimaces et les illusions énormes que le testament révèle. […] … On dit cela, où il y a quelque vérité : l’on ne dit rien, où il n’y avait aucune vérité, mêlée à plus d’erreur. […] L’imprudent le remercie avec des injures : de quoi se mêle-t-il, d’arrêter les chevaux quand on s’exerce à la course ? […] Geffroy ne permet pas qu’un artiste malin se mêle de tout cela.

873. (1864) Le roman contemporain

L’Allemagne, pareille à un volcan qui exhale encore une fumée mêlée de quelques jets de flamme, mais dont la lave se refroidit, cherche son équilibre. […] On ferait un méchant calcul en essayant de travailler pour les salons, oasis équivoques et à la population mêlée, perdues dans l’immense Babylone. […] Il leur semble que, s’ils s’en étaient mêlés, ils eussent été d’effroyables mauvais sujets. […] Il leur semble que, s’ils s’en étaient mêlés, ils eussent été d’effroyables mauvais sujets. […] Perdre volontairement la trace du forçat libéré et le laisser se mêler à la foule ?

874. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Massillon. — P.-S. » pp. 38-40

Il connaissait trop bien le monde, il y avait trempé malgré lui ; les dames s’en étaient mêlées.

875. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « [Note de l’auteur] » pp. 422-425

Dans la première étude, et assez complète, que j’en ai donnée à la Revue des deux mondes dès le mois de janvier 1840, et qui a été recueillie dans mon volume de Portraits de femmes entre Mme de Longueville et Mme de La Fayette, je disais, après avoir raconté tous les incidents de monde et de société qui accompagnèrent et suivirent la publication des Maximes et dont le salon de Mme de Sablé était le centre : Le succès, les contradictions et les éloges ne se continrent pas dans les entretiens de société et dans les correspondances ; les journaux s’en mêlèrent ; quand je dis journaux, il faut entendre le Journal des savants, le seul alors fondé, et qui ne l’était que depuis quelques mois.

876. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Quatrième partie. Élocution — Chapitre VII. De la propriété des termes. — Répétition des mots. — Synonymes. — Du langage noble »

Je massacrai l’albâtre, et la neige, et l’ivoire ; Je retirai le jais de la prunelle noire, Et j’ose dire au bras : sois blanc, tout simplement… J’ai de la périphrase écrasé les spirales ; Et mêlé, confondu, nivelé sous le ciel L’alphabet, sombre tour qui naquit de Babel ; Et je n’ignorais pas que la main courroucée Qui délivre le mot, délivre la pensée… Oui, vous tous, comprenez que les mots sont des choses… Tel mot est un sourire et tel autre un regard… Ce qu’un mot ne sait pas, un autre le révèle.

877. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Introduction. Origines de la littérature française — 3. Causes générales de diversité littéraire. »

Puis pendant des siècles, une à une, les provinces qui entreront dans l’unité nationale recevront la langue de France, et mêleront à son esprit leur génie original : ce sera la rude et rêveuse Bretagne, réinfusant dans notre littérature la mélancolie celtique, ce sera l’inflexible et raisonneuse Auvergne, Lyon, la cité mystique et passionnée sous la superficielle agitation des intérêts positifs ; ce sera tout ce Midi, si varié et si riche, ici plus romain, là marqué encore du passage des Arabes ou des Maures, là conservant, sous toutes les alluvions dont l’histoire l’a successivement recouvert, sa couche primitive de population ibérique, la Provence chaude et vibrante, toute grâce ou toute flamme, la Gascogne pétillante de vivacité, légère et fine, et, moins séducteur entre ces deux terres aimables, le Languedoc violent et fort, le pays de France pourtant où peut-être les sons et les formes sont le mieux sentis en leur spéciale beauté.

878. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Un grand voyageur de commerce »

L’auteur nous décrit une tempête dans la grande sylve : «… On entend hurler et mugir, gémir et soupirer : des clameurs aiguës, des bourrasques se mêlent à la plainte du bois.

879. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — F — Fort, Paul (1872-1960) »

Fort a pris à travers champs ; sa cueillette est brutale parfois, car il a pris la fleur avec la racine ; il s’est ordonné un bouquet spécieux d’un arôme rustique, où le franc parfum d’une herbe se mêle à l’odeur d’imprimé que dégage le papier dont il protège les tiges. — M. 

880. (1920) La mêlée symboliste. I. 1870-1890 « Les Zutistes » pp. 19-27

Il y avait la poétesse Marie Krysinska, pâle et myope, et sa fidèle Denise Ahmers, pensive et recueillie puis, mêlé à quelques apprentis de lettres, le chœur des inspiratrices discrètes, essuyant, patiemment, ce flux intarissable d’éloquence, à quoi elles tâchaient de s’intéresser, par bienséance, comme les dévotes écoutent, aux offices, le latin qu’elles n’entendent point.

881. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre XVI, les Érynnies. »

Les prières ne s’y faisaient qu’à voix basse, de sourdes injures s’y mêlaient aux invocations liturgiques.

882. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre quatrième. Éloquence. — Chapitre IV. Bossuet orateur. »

« Fêtes sacrées, mariage fortuné, voile nuptial, bénédiction, sacrifice, puis-je mêler aujourd’hui vos cérémonies, vos pompes avec ces pompes funèbres, et le comble des grandeurs avec leurs ruines199 ? 

883. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « V »

La vérité vraie, c’est que procédés, métier, volonté, travail, sont intimement mêlés dans ce mystérieux exercice de l’art d’écrire ; et rien n’est plus faux que de dire : « Ceci est de l’art parce qu’on ne sent pas la rhétorique, et ceci n’est pas de l’art parce qu’on sent la rhétorique. » 17.

884. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre viii »

Et les catholiques français peuvent justement dire qu’ils se battent pour se soustraire et soustraire le monde au Dieu des Allemands, Dieu tout mêlé d’éléments grossiers et locaux.‌

885. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXIII. Des panégyriques en vers, composés par Claudien et par Sidoine Apollinaire. Panégyrique de Théodoric, roi des Goths. »

Les conquérants du Nord, qui avaient si souvent pillé Rome, mêlèrent enfin la politique à la fureur, et voulurent s’établir dans cette ville qu’ils avaient ravagée.

886. (1906) Propos de théâtre. Troisième série

Ma galanterie bien connue m’interdit d’exprimer ce que je pense des actrices qui se sont mêlées à cette affaire. […] L’interprétation a été très mêlée. […] Aussi Molière n’aurait-il pas eu raison de le mêler à une action intense que devait être l’action spécifique d’une pièce sur la Misanthropie ? […] Je dis que ceci est plus difficile, parce qu’il y a ici une mêlée, assez incommode à débrouiller, d’actions et de réactions. […] Duquesnel, d’après les souvenirs qu’il tient de son père, nous disait l’autre jour qu’il y eut applaudissements et ricanements mêlés.

887. (1896) Écrivains étrangers. Première série

La mort lui apparut, et il eut des semaines de désespoir où se mêlaient un besoin d’affection féminine, une appréhension des destinées de l’âme, mille effrois devant la vie. […] Elle se montre à chaque instant dans les lettres de Froude, mêlée, comme je l’ai dit, à toutes les fièvres d’une curiosité toujours en éveil. […] « Déjà, tandis que toi, heureux de vivre, — tu mêlais la fraîcheur des roses au noir de tes cheveux, — déjà la douleur a mêlé des fils d’argent à mes tresses blondes. — Pourquoi me tenter ? […] Verga passe en revue l’œuvre de ses confrères, avec une sévérité mêlée d’amertume. […] Mais voici qu’à cette exaltation orgueilleuse succède maintenant une sorte de découragement mêlé de méfiance.

888. (1730) Discours sur la tragédie pp. 1-458

Il y a sans doute quelque chose d’irreligieux à mêler ainsi nos imaginations avec ces monumens sacrés ; et le vraisemblable, qui en toute autre matiere s’allie si raisonnablement avec le vrai, ne suffit pas ici pour nous excuser de témérité. […] Quel dommage n’est-ce pas que les sages, seuls capables, seuls dignes de critiquer les autres, soient ceux qui s’en mêlent le moins ! […] Nouvel avantage de ces caracteres mêlés : c’est le trouble continuel où ils nous entretiennent. […] Il me reste une réflexion à faire sur le soin que doit avoir un auteur de ne rien mêler dans le caractere d’un personage qui puisse repousser ou affoiblir l’intérêt qu’il a dessein d’y faire prendre. […] On pourroit toûjours donner à un raisonnement sa gradation et sa force, au lieu que le caprice des rimes contraint souvent d’y mêler quelques foiblesses, ou quelque inutilité.

889. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre I. Les origines. — Chapitre I. Les Saxons. » pp. 3-71

. —  Il voit devant lui — les routes désertes,  — les oiseaux de la mer qui se baignent,  — étendant leurs ailes,  — le givre et la neige qui descendent, mêlés de grêle. —  Alors sont plus pesantes — les blessures de son cœur. »  — « Bien souvent, dit un autre, nous étions convenus tous deux — que rien ne nous séparerait,  — sauf la mort seule. —  Maintenant ceci est changé,  — et notre amitié est — comme si elle n’avait jamais été. —  Il faut que j’habite ici — bien loin de mon ami bien-aimé,  — que j’endure des inimitiés. —  On me contraint à demeurer — sous les feuillages de la forêt,  — sous le chêne, dans cette caverne souterraine. —  Froide est cette maison de terre. —  J’en suis tout lassé. —  Obscurs sont les vallons — et hautes les collines,  — triste enceinte de rameaux — couverte de ronces,  — séjour sans joie… —  Mes amis sont dans la terre. —  Ceux que j’aimais dans leur, vie,  — le tombeau les garde. —  Et moi ici avant l’aube,  — je marche seul — sous le chêne,  — parmi ces caves souterraines… —  Bien souvent ici le départ de mon seigneur — m’a accablé d’une lourde peine. » Parmi les mœurs périlleuses et le perpétuel recours aux armes, il n’y a pas ici de sentiment plus vif que l’amitié, ni de vertu plus efficace que la loyauté.Ainsi appuyée sur l’affection puissante et sur la foi gardée, toute société est saine. […] On voit la femme apparaître mêlée aux hommes, dans les festins, sérieuse et respectée48. […] Écoutez ces chants de guerre, véritables chants, heurtés, violents, tels qu’ils convenaient à ces voix terribles : encore aujourd’hui, à cette distance, séparés de nous par les mœurs, la langue, et dix siècles, on les entend : « L’armée sort53. —  Les oiseaux chantent. —  La cigale bruit. —  La poutre de la guerre54 résonne,  — la lance choque le bouclier. —  Alors brille la lune — errante sous les nuages ; — alors se lèvent les œuvres de vengeance,  — que la colère de ce peuple — doit accomplir… —  Alors on entendit dans la cour — le tumulte de la mêlée meurtrière. —  Ils saisissaient de leurs mains — le bois concave du bouclier. —  Ils fendirent les os du crâne. —  Les toits de la citadelle retentirent,  — jusqu’à ce que dans la bataille — tomba Garulf,  — le premier de tous les hommes — qui habitent la terre,  — Garulf, le fils de Guthlaf. —  Autour de lui beaucoup de braves — gisaient mourants. —  Le corbeau tournoyait — noir et sombre comme la feuille de saule. —  Il y avait un flamboiement de glaives,  — comme si tout Finsburg — eût été en feu. —  Jamais je n’ai entendu conter — bataille dans la guerre plus belle à voir. » « Ici le roi Athelstan55,  — le seigneur des comtes,  — qui donne des bracelets aux nobles,  — et son frère aussi — Edmond l’Étheling,  — noble d’ancienne race,  — ont tué dans la bataille,  — avec les tranchants des épées,  — à Brunanburh. —  Ils ont fendu le mur des boucliers,  — ils ont haché les nobles bannières,  — avec les coups de leurs marteaux,  — les enfants d’Edward !… Ils ont abattu dans la poursuite — la nation des Scots,  — et les hommes de vaisseaux,  — parmi le tumulte de la mêlée,  — et la sueur des combattants. —  Cependant le soleil là-haut,  — la grande étoile,  — le brillant luminaire de Dieu,  — de Dieu le seigneur éternel,  — à l’heure du matin,  — a passé par-dessus la terre,  — tant qu’enfin la noble créature — s’est précipitée vers son coucher. —  Là gisaient les soldats par multitudes,  — abattus par les dards ; — les hommes du Nord, frappés par-dessus leurs boucliers,  — et aussi les Scots — las de la rouge bataille… —  Athelstan a laissé derrière lui — les oiseaux criards de la guerre,  — le corbeau qui se repaîtra des morts,  — le milan funèbre,  — le corbeau noir — au bec crochu,  — et le crapeau rauque,  — et l’aigle qui bientôt — fera festin de la chair blanche — et le faucon vorace qui aime les batailles,  — et la bête grise,  — le loup du bois. » Tout est image ici. […] Les Saxons avaient trouvé la Bretagne abandonnée des Romains ; ils n’avaient point subi comme leurs frères du continent l’ascendant d’une civilisation supérieure ; ils ne s’étaient point mêlés aux habitants du sol ; ils les avaient toujours traités en ennemis ou en esclaves, poursuivant comme des loups ceux qui s’étaient réfugiés dans les montagnes de l’Ouest, exploitant comme des bêtes de somme ceux qu’ils avaient conquis avec le sol.

890. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « L’abbé Fléchier » pp. 383-416

Aujourd’hui que tout ce grand feu est apaisé, et qu’un esprit conciliant a prévalu, les Mémoires de Fléchier reparaissent dans les circonstances les plus propres à en faire goûter l’agrément sans qu’il doive s’y mêler aucun fiel ni aucune amertume. […] On voit de l’autre les montagnes d’Auvergne fort proches, qui bornent la vue si agréablement, que les yeux ne voudraient point aller plus loin, car elles sont revêtues d’un vert mêlé qui fait un fort bel effet, et d’ailleurs d’une grande fertilité… Fléchier en chaque occasion aura de ces descriptions de la nature, descriptions un peu maniérées et qui empruntent volontiers aux choses des salons, au cristal, à l’émeraude, à l’émail, leurs termes de comparaison et leurs images : toutefois, sous l’expression artificielle, on retrouve un certain goût et un sentiment fleuri de la nature. […] Parmi les plaisanteries et les gaietés qui se mêlèrent aux Grands Jours, il en était une assurément plus leste et plus dégagée, plus ronde que la sienne : c’était celle de Marigny, le fameux frondeur, le gai chansonnier.

891. (1869) Cours familier de littérature. XXVII « CLXIIe entretien. Chateaubriand, (suite.) »

Inconnu, je me mêlais à la foule : vaste désert d’hommes ! […] L’enfer me suscitait jusqu’à la pensée de me poignarder dans l’église et de mêler mes derniers soupirs aux vœux qui m’arrachaient ma sœur. […] J’écoute ; et au milieu de la tempête, je distingue les coups de canon d’alarme, mêlés au glas de la cloche monastique.

892. (1895) Histoire de la littérature française « Seconde partie. Du moyen âge à la Renaissance — Livre I. Décomposition du Moyen âge — Chapitre II. Le quinzième siècle (1420-1515) »

Jovialités facétieuses, et brusques indignations, apostrophes brutales, apologues satiriques, dialogues comiques ou dramatiques, quolibets des halles et pédantisme de l’école, descriptions saisissantes de vérité vécue, et parfois à l’aventure d’étonnantes images de mélancolie profonde, des jets hardis de poésie pittoresque, tout se mêlait, se heurtait dans cette verve puissante dont ils enlevaient les foules, grands et peuple. […] Çà et là, de tous côtés, surgissent de louches physionomies de brelandiers et d’escrocs : une étrange sympathie se mêle à l’ironie mordante, et dans le témoin trahit un confrère. […] Mais on a vu en lui un aristocrate, parce qu’il se moque bien fort des chaussetiers et autres bourgeois de Gand, qui veulent se mêler de diriger la politique de la jeune duchesse Marie de Bourgogne.

893. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Mme Desbordes-Valmore » pp. 01-46

J’ai peur de m’être, à moi-même, mon ami le plus cher, c’est-à-dire d’être comme tout le monde ; or il m’arrive assez souvent, je vous assure, de mêler de l’ironie aux jugements intimes que je porte sur moi. […] Elle prête à tous ceux qui l’approchent la beauté de son âme, à travers laquelle elle les voit et les entend. — À cause de sa profession première et de celle de son mari, cette très honnête femme, d’une scrupuleuse vertu, a toujours eu une partie du moins de ses relations dans un monde forcément mêlé. […] Évidemment elle le divertissait et l’attendrissait à la fois ; elle lui inspirait un respect mêlé de curiosité amusée, et qui cependant lui mouillait un peu les yeux.

894. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Alexandre Dumas fils — CHAPITRE IX »

Cette vente fut une mêlée furieuse de prodigalités et de folies. […] On voudrait que ce garçon payât de sa bourse comme de sa personne, et qu’à sa folie de cœur se mêlât du moins une folie d’argent. […] C’est un de ces anges tombés de l’aristocratie, qui s’ennuient dans leur ciel blasonné d’or et d’azur, gardé par les chastes licornes de l’art héraldique, et qui veulent, à tout prix, en descendre, pour se mêler aux saturnales du monde inférieur.

895. (1864) William Shakespeare « Première partie — Livre IV. Shakespeare l’ancien »

Mais en permettant aux poètes d’y mêler l’aventure de Plexippe et de Toxée, on a tout perdu. […] Cette géographie vertigineuse est mêlée à une tragédie extraordinaire où l’on entend des dialogues plus qu’humains : — « Prométhée. […] Eschyle, eupatride et éginétique, semblait aux grecs plus grec qu’eux-mêmes ; dans ces temps de code et de dogme mêlés, être sacerdotal, c’était une haute façon d’être national.

896. (1828) Préface des Études françaises et étrangères pp. -

M. de Lamartine a jeté dans ses admirables chants élégiaques toute cette haute métaphysique sans laquelle il n’y a plus de poésie forte ; et ce que l’âme a de plus tendre et de plus douloureux s’y trouve incessamment mêlé avec ce que la pensée a de plus libre et de plus élevé. […] C’est que les grands auteurs ont toujours été les plus grands critiques, quand ils ont voulu s’en mêler. […] Au Théâtre-Français, parce que n’ayant plus de grands acteurs tragiques, il ne peut espérer de vogue que par l’attrait d’un genre et d’un système de pièces entièrement neufs sur notre scène ; au public, parce que lassé de tant de pâles contre-épreuves de nos chefs-d’œuvre, lassé de la mesquine représentation de nos chefs-d’œuvre eux-mêmes ; il aime mieux les relire vingt fois avec délices et attendre pour revenir au théâtre que quelque chose y réponde à ce vague besoin de nouveauté qui le tourmente ; à l’art enfin, parce que faute de point de comparaison il serait à craindre que ce besoin se satisfît aveuglément avec des ouvrages prétendus romantiques, faits sans inspiration et sans étude, qui n’auraient que les formes extérieures des drames de Shakespeare, et dont toute la nouveauté consisterait à briser les unités de temps et de lieu, auxquelles personne ne songe, et à mêler des lazzis du boulevard au langage cérémonieux de notre vieille tragédie.

897. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « Gustave Flaubert »

en lui pinçant les joues, que les enfants appellent embrasser à pincettes ; puis ses pleurs et ses rires mêlés, comme les déclarations et les pirouettes ; puis (toujours) les soulèvements de la queue par ce polisson de singe ; puis ses la ! […] Mais le génie, le tempérament, l’esprit, et surtout le comique, un comique immense, qu’il mêle à ces images, en diminuent le dégoût et le danger. […] Après le vigoureux hoquet panthéiste à travers lequel saint Antoine s’écrie qu’il « voudrait se mêler à tout, voler, nager, aboyer, beugler, hurler, souffler de la fumée, avoir une carapace, porter une trompe, s’émanier avec les odeurs, couler comme l’eau, se développer comme la plante, briller comme la lumière, pénétrer les atomes, Être la matière » , tout à coup, on ne sait pourquoi, le ciel se découvre dans les nuages d’or, « et on voit dans le disque même du soleil la figure rayonnante de Jésus-Christ ».

898. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Sully, ses Économies royales ou Mémoires. — III. (Fin.) » pp. 175-194

Il voit dans ces alliances mêlées l’abâtardissement de la vraie noblesse, sous la seule forme où il la conçoit. […] À une demande que lui fait un jour le duc de Florence, et qui semblait toute simple aux Gondi et à d’autres gens de qualité mêlés dans les affaires, il répond : « À ce que je vois, M. le duc de Florence me prend pour un banquier ou un mercadant ; or, veux-je bien qu’il sache qu’il n’y en eut jamais en ma race, et partant que je n’en ferai rien. » Sully régit la fortune de l’État comme on ferait une grande fortune territoriale, en supposant toujours le cas de guerre possible, en s’aguerrissant pendant la paix et en ayant des fonds en réserve pour l’accident.

899. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « M. de Stendhal. Ses Œuvres complètes. — II. (Fin.) » pp. 322-341

Des divers ouvrages qu’il a publiés et qui sont à emporter en voyage, on peut surtout conseiller ses Promenades dans Rome ; c’est exactement la conversation d’un cicerone, homme d’esprit et de vrai goût, qui vous indique en toute occasion le beau, assez pour que vous le sentiez ensuite de vous-même si vous en êtes digne ; qui mêle à ce qu’il voit ses souvenirs, ses anecdotes, fait au besoin une digression, mais courte, instruit et n’ennuie jamais. […] La part de vérité de détail, qui peut y être mêlée, ne me fera jamais prendre ce monde-là pour autre chose que pour un monde de fantaisie, fabriqué tout autant qu’observé par un homme de beaucoup d’esprit qui fait, à sa manière, du marivaudage italien.

900. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) «  Œuvres de Chapelle et de Bachaumont  » pp. 36-55

Car des quatre grands hommes, c’était Molière surtout qui aimait à le consulter non seulement dans ses ennuis de cœur, mais dans ses embarras de directeur de théâtre (deux sortes de peines qui se mêlaient en lui volontiers) : il avait dans sa troupe trois principales actrices entre lesquelles il s’agissait de distribuer les rôles et dont il importait de mener à bien les rivalités ; et Chapelle, de la campagne, lui écrivait : Il faut être à Paris pour en résoudre ensemble, et, tâchant de faire réussir l’application de vos rôles à leur caractère, remédier à ce démêlé qui vous donne tant de peine. […] Nous fuyions vent arrière sous la misaine… Voilà bien, avec la précision de plus qui est propre aux modernes (quand ils s’en mêlent), voilà bien dans ses grands traits la vraie tempête telle qu’elle a été peinte plus d’une fois par Virgile, et surtout par Homère, lorsque Ulysse sentait son vaisseau se disjoindre sous la colère de Neptune et le naufrage prêt à l’ensevelir.

901. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « William Cowper, ou de la poésie domestique (I, II et III) — II » pp. 159-177

Il y mêla et y fit entrer avec adresse quelques parties plus gaies et d’une satire assez amusante, qu’il tâcha d’accommoder au goût du monde. […] Dès lors la vogue s’en mêla, et avec fureur ; il ne fut question pour quelque temps que de John Gilpin ; on le réimprima à part, et on en vendit des milliers d’exemplaires ; des caricatures à l’envi illustrèrent son aventure ; et (ironie des choses !)

902. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Instruction générale sur l’exécution du plan d’études des lycées, adressée à MM. les recteurs, par M. Fortoul, ministre de l’Instruction publique » pp. 271-288

Cette réforme, étant une des choses les plus considérables qu’on ait tentées depuis longtemps dans l’éducation de la jeunesse, et devant avoir l’influence la plus directe et la plus profonde sur l’avenir de la société, mérite d’être exposée dans son esprit, et je tâcherai de le faire en dégageant cet examen de tout ce qui pourrait le masquer ou l’embarrasser, et sans y rien mêler qui puisse paraître injuste envers personne. […] L’observation et l’expérience en sont le point de départ et le contrôle permanent ; l’induction et le raisonnement s’y mêlent avec plus ou moins de précaution ou de certitude, selon la nature des objets et l’ordre des faits.

903. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Une Réception Académique en 1694, d’après Dangeau (tome V) » pp. 333-350

L’éloge obligé de Richelieu, par où il reprenait, était d’une grande bigarrure de ton ; la familiarité s’y mêlait avec l’emphase. […] C’est ainsi que de sa part il se mêlait comme inévitablement du ridicule, même à une noble pensée.

904. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « [Chapitre 5] — I » pp. 93-111

Il n’en fut rien ; la mode s’en mêla ; on se fit nouvelliste et jugeur des événements du jour : « Et véritablement, dit-il, nous frondions quelquefois tout notre soûl. » L’abbé de Pomponne, homme d’esprit, mais tête de linotte, allait répétant partout l’opinion qu’il venait d’entendre, et ébruitait d’un air de mystère des conversations bonnes à huis clos. […] Mais remarquez ici même comme, en conseillant de mêler la bonne compagnie à l’étude, il trouve moyen de la flétrir de ce mot dédaigneux, si cher aux doctrinaires de tous les temps, de ce reproche de ne pas penser !

905. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Le baron de Besenval » pp. 492-510

Moi, je ne m’en suis pas mêlé, si ce n’est par un certain tour d’esprit qui me montre les choses du bon côté, quand il me serait permis de les regarder autrement. » Ce bonheur ne le quitta pas même tout à fait dans les circonstances les plus contraires : arrêté quand il allait sortir de France, en juillet 1789, il fut sauvé, par le plus grand des hasards, de la fureur populaire ; enfin, acquitté devant le tribunal du Châtelet, et redevenu libre à la veille de la ruine totale de l’ancienne société, il eut l’opportunité d’une mort naturelle et tranquille. […] Il parle quelque part du jeune vicomte de Ségur, « qui s’amusait à dire des mots plaisants sur les affaires, au lieu de s’en mêler. » Lui il en disait aussi, même en s’en mêlant.

906. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Correspondance inédite de Mme du Deffand, précédée d’une notice, par M. le marquis de Sainte-Aulaire. » pp. 218-237

Elle s’en plaignit au grand-papa, c’est-à-dire au premier ministre, pour qu’on châtiât Fréron : de quoi Horace Walpole, dès qu’il le sut, se montra très contrarié : « Nous aimons tant la liberté de l’imprimerie, disait-il, que j’aimerais mieux en être maltraité que de la supprimer. » Fréron n’avait fait, d’ailleurs, que rapporter un ouvrage traduit de l’anglais, et il n’y avait de reproche à lui faire que d’avoir reproduit cette traduction : « Dans l’exacte justice, disait M. de Choiseul, c’est le censeur qui a tort et non pas Fréron ; ils seront cependant corrigés l’un et l’autre. » Mme de Choiseul avait été mise en mouvement pour cette affaire, mais elle sent vite qu’il faut se mêler le moins possible de toutes ces tracasseries où assez d’autres se complaisent : Ne nous fourrons pas, ma chère enfant, dans les querelles littéraires ; si nous nous en sommes mêlées, c’était pour en tirer notre ami, et non pour y entrer : elles ne sont bonnes qu’à déprécier les talents, mettre au jour les ridicules.

907. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Montaigne en voyage »

Il avait naturellement la joie de l’esprit et celle de l’humeur ; il fallait qu’il eût bien fort la gravelle pour être triste, tout comme Horace qui est heureux partout, à moins que la pituite ne s’en mêle : Nisi cum pituita molesta est. […] L’air de Rome lui allait ; il le trouvait « très plaisant et sain. » Surtout il ne s’y ennuyait pas un seul instant : « Je n’ai rien, disait-il, si ennemi à ma santé que l’ennui et oisiveté : là j’avais toujours quelque occupation, sinon si plaisante que j’eusse pu désirer, au moins suffisante à me désennuyer », Et il les énumère : à défaut d’antiquités, aller voir les Vignes « qui sont des jardins et lieux de plaisir de beauté singulière, où j’ai appris, ajoute-t-il, combien l’art se pouvait servir bien à point d’un lieu bossu, montueux et inégal » à d’autres jours, à défaut de promenades, aller entendre des sermons, des thèses, ou faire la conversation chez les dames : il mêle tout cela.

908. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Histoire du roman dans l’Antiquité »

Les sophistes, les rhéteurs, les dévots de toute secte, les magiciens, s’en mêlèrent bientôt chacun à leur manière : la crédulité accueillait avidement et répétait, en les grossissant, les fables que la supercherie inventait et propageait ; la rhétorique fabriquait pour l’histoire elle-même des morceaux et des suppléments plus ou moins spécieux et vraisemblables, auxquels les contemporains couraient risque de se prendre plus encore que la postérité. […] Et pour première épreuve des plus singulières, elle se fait apporter du froment, de l’orge, du millet, de la graine de pavot, des pois, des lentilles et des fèves ; elle mêle, elle confond le tout ensemble, de manière à n’en faire qu’un monceau ; puis elle ordonne à Psyché de faire œuvre de servante et de séparer cet amas de semences qu’elle a confondues, de les mettre de côté une à une en des tas séparés.

909. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Charles-Quint après son abdication, au monastère de Saint-Just »

Après donc avoir donné ses soins à réparer ses affaires, à les régler une dernière fois et à les remettre sur un pied suffisant, il se retirait en prudent et en sage sur un dernier bon semblant de fortune, sur un succès modeste, sans pousser plus avant les chances, sans trop demander au sort, et, sans se soucier d’ailleurs des discours et propos, mêlés de sourire, qu’en tiendraient immanquablement entre eux les ennemis et les jaloux. […] Il dissimula même très bien aux yeux de tous sa reprise ou son redoublement d’action consultative dans les négociations du dehors ; surtout il ne voulut jamais paraître se mêler en rien des affaires de l’intérieur du royaume ; et le solitaire, quoique très visité des reines, ses sœurs, et des plus hauts personnages, le demi-saint, comme rappelle Brantôme, conserva jusqu’au bout son air de réserve et son attitude d’auguste reclus.

910. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Ducis épistolaire. »

Après une vie assez errante à l’étranger où il fut attaché d’abord à l’ambassade devienne, puis à l’éducation du duc de Parme, revenu à Paris et très mêlé aux Encyclopédistes, il portait dans cette société si tranchée d’opinion et si mordante d’accent une âme timide, craintive, rongée de scrupules. […] on le sait de reste. » Le nom et l’amitié de Thomas viennent sans cesse se mêler dans la pensée de Ducis à ces soins affectueux pour Deleyre.

911. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Mémoires de l’abbé Legendre, chanoine de Notre-Dame, secrétaire de M. de Harlay, archevêque de Paris. »

Il nous présente avec bien de la ressemblance ou de la vraisemblance ces figures de prédicateurs secondaires, l’abbé Anselme, l’abbé Boileau et autres, et il y mêle à l’occasion un grain de raillerie et de causticité, comme peut le faire un rival en parlant de ses rivaux. […] Il eut fort affaire pour se tirer de cette position très aventurée ; mais il paraît bien qu’il sortit de la mêlée et de la lutte, sa thèse intacte, et victorieux.

912. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « M. Émile de Girardin. »

Une pensée généreuse de progrès et d’amélioration sociale qu’il ne perdait jamais de vue le lui disait non moins nettement : car cet homme, qui parut de bonne heure si mêlé et si plongé dans les affaires, avait son but, sa visée supérieure et constante. […] Il se mêla le jeudi 2 mars à cette foule républicaine, qui partit de l’Hôtel de Ville pour le cimetière de Saint-Mandé, et il prononça sur la tombe de celui dont il portait en lui l’image voilée quelques paroles émues et simples qui obligèrent Marrast lui-même à lui donner la main.

913. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Don Quichotte (suite et fin.) »

Rabelais eut plus à faire en son temps, et il vint au milieu de la mêlée. […] Ennoblissons-le, traitons-le dignement, comme il sied et selon le ton primitif ; mais ne le changeons, pas trop, ne le chargeons pas, mêlons-y le moins possible de pensées étrangères et de ce que le trop de réflexion serait tenté d’y mettre.

914. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Mémoires de madame Roland »

L’idée récente encore et, pour ainsi dire, présente de son amie était si grande et si honorable, son image empreinte dans l’âme de tous les amis de la patrie et de l’humanité était si noble et si touchante, qu’il fallait, en quelque sorte, avoir pour elle un respect religieux et ne rien laisser paraître sous son nom qui pût mêler une idée de malignité d’esprit, de préventions et de petitesses féminines, à celle d’un si beau caractère, d’une telle virilité d’âme et d’un si auguste malheur. » Tel était le sentiment des contemporains immédiats, et il ne faut jamais le perdre de vue dans nos appréciations à distance. […] À un endroit, par exemple, Mme Roland avait englobé tous les prêtres, mêlés à la Révolution, de quelque communion qu’ils fussent, dans une même accusation d’hypocrisie, dans un seul et même anathème.

915. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Marie-Antoinette (suite.) »

Dix années, et plus de dix années, se passèrent en effet sans qu’elle se mêlât directement et essentiellement de politique ; elle contribua à faire M. de Castries ministre de la marine (1780), et, peu après, elle fit remplacer M. de Montbarey à la Guerre par M. de Ségur : son monde intérieur la détermina à intervenir activement dans ces deux cas. […] Le temps des illusions est passé, et nous faisons des expériences bien cruelles… » Elle revenait sur le même sujet deux jours après, et en citant des noms à l’appui : « La répugnance que vous me savez de tout temps de me mêler d’affaires est aujourd’hui fortement à l’épreuve, et vous seriez fatiguée comme moi de tout ce qui se passe.

916. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Saint-Simon considéré comme historien de Louis XIV, par M. A. Chéruel »

Saint-Simon aime à dire la vérité ; il croit la dire, il la cherche et se donne toutes les peines du monde pour la trouver ; mais ses informations peuvent l’abuser, sa passion l’emporte, son feu de coloriste s’en mêle : de là des excès de pinceau et des erreurs matérielles comme en contiennent nécessairement tous les Mémoires qui ne sont pas faits sur pièces et qui s’écrivent d’après des impressions ou sur des on dit. […] Elle a aujourd’hui de trop bons avocats d’office pour que je m’en mêle.

917. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « HISTOIRE de SAINTE ÉLISABETH DE HONGRIE par m. de montalembert  » pp. 423-443

Nous sommes une sorte d’époque de renaissance aussi, avec tout ce que cette situation entraîne, à ses retours, de mêlé, de diffus, de riche peut-être. […] Le souvenir d’une sœur de ce nom d’Élisabeth, morte à quinze ans, s’y mêla par une religion touchante.

918. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « UN FACTUM contre ANDRÉ CHÉNIER. » pp. 301-324

Ovide, au chant xii des Métamorphoses, avait déjà mis un récit de cette mêlée dans la bouche de Nestor ; Chénier n’a pas à redouter ici la confrontation, et dans ce tableau qu’il résume, pour la vivacité, pour la vigueur concise, il garde bien ses avantages. […] Tout au milieu, il y a mêlé l’Iris odorant de Nossis, sur les tablettes de laquelle Amour lui-même enduisit la cire ; il y a mis la marjolaine de Rhianus qui exhale l’agrément, et le jaune safran d’Érinne aux couleurs virginales…, et Damagète, cette violette noire, et le doux myrte de Callimaque, toujours plein d’un miel épais… Il a cueilli, pour y ajouter, la grappe enivrante d’Hégésippe…, et la pomme mûre des rameaux de Diotime, et la grenade à peine en fleur de Ménécrate… La ronce d’Archiloque aux dards sanglants et quelques gouttes de son amertume y relèvent la chanson de nectar et les mille brins d’élégie d’Anacréon… Le bluet foncé de Polyclète… et le jeune troëne d’Antipater n’y manquent pas…, ni surtout la branche d’or du toujours divin Platon, où tous les fruits de talent resplendissent.

919. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE SOUZA » pp. 42-61

Ne possédant rien à eux, ils apprirent, comme le pauvre, à faire leur délassement d’une promenade, leur récompense d’un beau jour, enfin à jouir des biens accordés à tous. » Mme de Souza d’ordinaire s’arrête peu à décrire la nature ; si elle le fait ici avec plus de complaisance, c’est qu’un souvenir profond et consolateur s’y est mêlé. […] est tout effroi Pour son Edmond que son amour rappelle ; Se dérobant, il est allé fidèle Mêler sa vie aux périls de son roi.

920. (1895) Histoire de la littérature française « Seconde partie. Du moyen âge à la Renaissance — Livre II. Littérature dramatique — Chapitre I. Le théâtre avant le quinzième siècle »

Le plus ancien texte connu qui mêle au latin la langue du peuple est le drame de l’Epoux ou des Vierges folles (xiie  siècle, 2e tiers) : mais il est de la région poitevine, et cette langue du peuple est un dialecte de la langue d’oc. […] Des vers de récit sont mêlés au dialogue.

921. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre III. Le naturalisme, 1850-1890 — Chapitre III. La poésie : V. Hugo et le Parnasse »

Il n’est pas tendre : quand il parle d’amour pour son compte personnel, il mêle un peu de sensualité très matérielle à la galanterie mièvre, à la rhétorique éclatante : il ne s’aliène pas assez pour connaître les grandes passions ; de sa hauteur de poète pensif, il se plaît trop à regarder l’amour de la femme « comme un chien à ses pieds 870 ». […] Il les mêle aux mots techniques : c’est un moyen d’agrandir la réalité, de développer des images finies en symboles fantastiques.

922. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « Le père Monsabré »

Et c’est peut-être encore le meilleur moyen de toucher, Dieu aidant, l’âme des incrédules, si d’aventure il s’en mêlait quelques-uns au troupeau des fidèles. […] N’est-ce pas que je vois sortir de vos yeux comme un flot de votre vie qui vient se mêler à ma vie ?

923. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Henry Rabusson »

La fâcheuse franchise, mortelle aux fictions, avec laquelle il juge la société mondaine, il la retrouve dans cette société même, comme une cause de dissolution : … Après le monologue, des trépignements de joie, auxquels se mêlèrent, il est vrai, bon nombre d’appréciations résumées d’un mot par des gommeux pleins de bon sens : Idiot ! […] La vanité se mêle à l’amour et le contient ou le limite.

924. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Alphonse Daudet, l’Immortel. »

Le plaisir qu’il vous fait est presque trop vif ; il s’y mêle un peu du malaise qu’on éprouve les jours d’orage ; on dirait, en feuilletant cette prose de névropathe, qu’il vous part des étincelles sous les doigts. […] De même, quand la sèche et sifflante Mme Astier l’attend à la fin pour lui jeter sa haine à la figure et pour lui apprendre que, s’il est arrivé à l’Académie, c’est qu’elle s’en est mêlée (… Et elle précisait les détails de son élection, lui rappelait son fameux mot sur les voilettes de Mme Astier, qui sentaient le tabac, malgré qu’il ne fumât jamais… « un mot, mon cher, qui vous a rendu plus célèbre que tous vos livres »), je cherche quel intérêt peut avoir une personne si fine à désespérer et à chasser d’auprès d’elle un mari qui ne serait rien sans elle, il est vrai, mais sans qui elle serait moins encore.

925. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre IV. Précieuses et pédantes »

Vous avez la haine de la foule et de tout ce qui est vulgaire, mais votre haine est mêlée de terreur : « Quand je suis dans la foule, j’en fais partie, et c’est parce que je sais ce que j’y deviens que je dis que je hais la foule. » Votre morale, M.  […] Ou parfois, inattendu professeur de grammaire, il recommande aux disciples — qui sont, remarquez-le, un fossoyeur, un carrier et un maçon : « Ayez soin de venir à moi à tout instant, comme d’un terme dérivatif on va à l’étymologie. » Les gens du peuple, fort nombreux dans cette tragédie, mêlent avec agrément grossièretés populaires et élégances naturistes.

926. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « La Mare au diable, La Petite Fadette, François le Champi, par George Sand. (1846-1850.) » pp. 351-370

« Il est écrit dans la loi de nature, remarque l’auteur, que de deux personnes qui s’aiment, soit d’amour, soit d’amitié, il y en a toujours une qui doit donner de son cœur plus que l’autre, qui doit y mettre plus du sien. » Les sympathies mystérieuses qui continuent, après la naissance, d’enchaîner ces deux êtres appartiennent à une physiologie obscure que l’auteur a sentie et devinée sans s’y trop enfoncer ; les superstitions populaires s’y mêlent sans invraisemblance. […] Mme Sand, même quand elle se mêle d’idylle, n’y porte pas naturellement la douceur et la suavité tendre d’un Virgile ou d’un Tibulle : elle y fait encore entrer de la fierté.

927. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Mémoires d’outre-tombe, par M. de Chateaubriand. » pp. 432-452

« Religion à part, dit M. de Chateaubriand (en un endroit où il parle de l’ivresse et de la folie), le bonheur est de s’ignorer et d’arriver à la mort sans avoir senti la vie. » Le plus souvent en effet, si l’on retranche cette parenthèse de religion qui est là comme pour la forme, on retrouve en M. de Chateaubriand tantôt une imagination sombre et sinistre comme celle d’Hamlet, et qui porte le doute, la désolation autour d’elle, tantôt une imagination épicurienne et toute grecque, qui se complaît aux plus voluptueux tableaux, et qui ira, en vieillissant, jusqu’à mêler les images de Taglioni avec les austérités de Rancé. […] Au lieu de retrouver, s’il se peut, et d’exposer simplement ses sensations et impressions d’autrefois, au lieu de les redresser même s’il le juge convenable, il y mêle tout ce qu’il a pu ramasser depuis, et cela fait un cliquetis d’érudition, de rapprochements historiques, de souvenirs personnels et de plaisanteries affectées, dont l’effet est trop souvent étrange quand il n’est pas faux.

928. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Lettres et opuscules inédits de Fénelon. (1850.) » pp. 1-21

Il émane de leurs écrits comme un parfum qui prévient et s’insinue ; la physionomie de l’homme parle d’abord pour l’auteur ; il semble que le regard et le sourire s’en mêlent, et, en les approchant, le cœur se met de la partie sans demander un compte bien exact à la raison. […] Il a rempli cet autre vœu de Fénelon : « Il ne faut prendre, si je ne me trompe, que la fleur de chaque objet, et ne toucher jamais que ce qu’on peut embellir. » Et, enfin, il semble avoir été mis au monde exprès pour prouver qu’en poésie française il n’était pas tout à fait impossible de trouver ce que Fénelon désirait encore : « Je voudrais un je ne sais quoi, qui est une facilité à laquelle il est très difficile d’atteindre. » Prenez nos auteurs célèbres, vous y trouverez la noblesse, l’énergie, l’éloquence, l’élégance, des portions de sublime ; mais ce je ne sais quoi de facile qui se communique à tous les sentiments, à toutes les pensées, et qui gagne jusqu’aux lecteurs, ce facile mêlé de persuasif, vous ne le trouverez guère que chez Fénelon et La Fontaine.

929. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Madame de Maintenon. » pp. 369-388

Nous n’avons qu’une partie de son esprit dans ses lettres, le goût, le bon ton, la raison parfaite et le tour parfois piquant ; mais ce qui animait la société, cet enjouement qu’elle mêlait discrètement à ses récits, à ses histoires, ce qui pétillait de brillant et de fin sur son visage quand elle parlait d’action, comme dit Choisy, tout cela a disparu et ne s’est point noté. […] Mme Scarron pourtant fit le discernement de ce qui s’y mêlait d’équivoque et dégagea le point précis avec justesse : « Si ces enfants sont au roi, répondit-elle aux avances, je le veux bien ; je ne me chargerais pas sans scrupule de ceux de Mme de Montespan ; ainsi il faut que le roi me l’ordonne ; voilà mon dernier mot. » Le roi ordonna, et Mme Scarron devint gouvernante des enfants mystérieux.

930. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « La Harpe. » pp. 103-122

Dans son bon temps, durant les premières années de cet enseignement alors tout nouveau, et avant que la déclamation politique s’y fût mêlée, il exerçait sur son auditoire une action puissante et même un charme. […] La Harpe n’eut point le bon esprit de ne se point choquer des critiques modérées, ni de fermer les yeux sur les injures et les méchants procédés que l’envie oppose à tout succès, à toute célébrité naissante ; et sa vie dès lors se composa de deux parties qui se mêlèrent sans cesse, et dans la confusion desquelles sa dignité d’homme et d’écrivain reçut de cruelles et irréparables blessures.

931. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Charles Perrault. (Les Contes des fées, édition illustrée.) » pp. 255-274

En le lisant, à chaque page, le vrai, le faux et l’incomplet se mêlent. […] L’auteur y mêlait, par une diversité agréable et judicieuse, les princes, les cardinaux, les ministres d’État, les hommes de guerre, les savants, les poètes, les ingénieurs, les artistes, ceux qu’on appelait encore à cette date les artisans.

932. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « La princesse des Ursins. Lettres de Mme de Maintenon et de la princesse des Ursins — II. (Suite et fin.) » pp. 421-440

Sur ce que Mme de Maintenon lui avait mandé que les Jésuites et les jansénistes s’étaient tour à tour entremis pour contrarier le choix qu’on voulait faire de deux ambassadeurs à Rome : De quoi se mêlent, s’écrie-t-elle, ceux qu’on appelle jansénistes, et le parti contraire, d’empêcher qu’on envoie à Rome des personnes qui soient ou ne soient pas dans leurs opinions ? […] C’est ainsi encore qu’elle dira, à propos des cabales de cour et de direction de conscience qui trouvaient moyen de s’immiscer autour du duc de Bourgogne jusque dans les camps et au milieu des plus grands périls : Qu’est-il question, madame, quand il s’agit d’un roi qu’on veut détrôner, d’un autre dont on veut abattre la puissance, enfin des plus grandes choses du monde, d’y mêler M. de Cambrai, les Jésuites, les libertins et les jansénistes ?

933. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Armand Carrel. — I. » pp. 84-104

C’est ainsi que partout il prend et garde sa place : au bivouac, en Espagne, il s’isole et ne permet point la familiarité, sauf à offrir d’échanger un coup de sabre avec l’indiscret qui le dérangera ; et là où il n’a plus de sabre, dans les prisons de Toulouse ou de Perpignan, il tient également à distance et en respect la compagnie assez mêlée qui s’y rencontre. […] Un homme sage, mêlé autrefois à ces guerres de parti, m’indique avec précision le point de conscience resté un peu sensible chez Carrel, et en même temps les circonstances qui triomphèrent de son scrupule.

934. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Beaumarchais. — III. (Suite et fin.) » pp. 242-260

Si j’avais voulu entrer dans le détail de certaines négociations où fut mêlé Beaumarchais, dans celles particulièrement qu’il mena à Londres, tant avec le chevalier d’Éon qu’avec le gazetier Morande, on l’aurait surpris dans des manèges peu grandioses, et qu’il vaut mieux ignorer. […] C’est bien là l’homme qui fut aimé de tous ceux qui l’approchèrent, qui mêlait un fonds de bienveillance à la joie, un fonds de simplicité à la malice, qui avait écrit sur le collier de sa chienne : « Beaumarchais m’appartient ; je m’appelle Florette ; nous demeurons Vieille-Rue-du-Temple » ; et de qui son biographe et son fidèle Achate, Gudin, a écrit naïvement : « il fut aimé avec passion de ses maîtresses et de ses trois femmes. » Et ce n’est pas seulement Gudin qui parle ainsi, c’est La Harpe, peu suspect de trop d’indulgence, et qui dit, en nous montrant le Beaumarchais de la fin et au repos, tel qu’il était assis dans le cercle domestique et dans l’intimité : « Je n’ai vu personne alors qui parût être mieux avec les autres et avec lui-même. » C’est Arnault encore, qui, dans ses Souvenirs, lui a consacré des pages pleines d’intérêt et de reconnaissance ; c’est Fontanes enfin, qui, trouvant qu’Esménard l’avait traité bien sévèrement dans le Mercure, écrivait une lettre où on lit (septembre 1800) : Quant au caractère de Beaumarchais, je vous citerai encore sur lui un mot de Voltaire : « Je ne crois pas qu’un homme si gai soit si méchant » ; et ceux qui l’ont vu de près disent que Voltaire l’avait bien jugé.

935. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Bernardin de Saint-Pierre. — II. (Suite et fin.) » pp. 436-455

Les systèmes que Bernardin avait mêlés à ses peintures n’y nuisaient pas. […] Il renchérissait sur Le Vicaire savoyard, et semblait avoir pris à tâche de le développer dans mille voies nouvelles, et où se mêlait l’attrait du mystère.

936. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Œuvres de Frédéric le Grand (1846-1853). — II. (Fin.) » pp. 476-495

Pourtant, vu dans son jour et à sa mesure, Jordan a son prix ; c’est un disciple de La Mothe Le Vayer, de Gabriel Naudé et de ces honnêtes gens qui mêlent des pensées assez libres et nullement pédantesques à des études innocentes. […] Frédéric le plaisante fort là-dessus et y mêle toutes sortes de contes où il fait intervenir les médecins de Breslau et les apothicaires.

937. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1880 » pp. 100-128

… » Le dîner a commencé gaiement, mais voici que Tourguéneff parle d’une constriction du cœur, survenue la nuit, il y a quelques jours, constriction mêlée à une grande tache brune, sur le mur en face de son lit, et qui dans un cauchemar, où il se trouvait moitié éveillé, moitié dormant, était la Mort. […] Daudet, Zola et moi, nous repartons, refusant de nous mêler à la ripaille qui se prépare pour ce soir, et revenons, en parlant pieusement du mort.

938. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre VI. Daniel Stern »

Nous ne la confondons pas avec ces sorcières de Macbeth socialistes, ramassis infect de ribaudes expulsées du vice qui n’ont de la femme que les souvenirs et la jupe, débauchées, fourbues, libres puanteurs, qui cuisinent un affreux ragoût de doctrines mêlées sous les auspices du diable Légion, dans les carrefours de la publicité, et disent « mon roi » au prolétaire. […] … comment osent-elles s’en mêler ?

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