J’ai été bien surpris d’entendre Isabelle se féliciter de ce qu’on l’avait trouvée ressemblante à la duchesse de Kingston… Isabelle, je vous dois la vérité, non désormais pour mon bonheur, mais pour le vôtre. […] Quand on veut plaire à tout le monde, on ne captive personne, et le bonheur d’une fille est d’avoir un mari… Je vous dois la vérité parce que vous l’avez demandée et que je vous crois capable de l’entendre, parce que vous êtes naïve, que vous avez désiré mon amitié, et que ma sincérité en est la plus grande preuve… Je ne fais plus de vœux pour mon bonheur, mais j’en ferai toujours pour celui des amies sensibles qui me témoignent de la confiance. » Pauvre Isabelle ! […] La sagesse est au milieu, comme le bonheur, à ce que l’on dit, dans la médiocrité. […] Il n’a point caché sa vie, mais il ne l’a pas étalée non plus ; et, pour me servir de ses propres expressions, « l’un des mérites comme l’un des bonheurs en fut d’être obscure ». […] De quelle espèce ou de quelle nature sont donc ces prétendus « besoins » qui exigent qu’on leur sacrifie « le bonheur du grand nombre » ; et, quelque définition que l’on en donne, en vertu de quel idéal ou de quelle conception théorique les proclame-t-on supérieurs à celui du bonheur ou de la réalisation de la justice ?
Le Moraliste, lui, ne se laisse pas prendre à ce mirage de bonheur. […] Mais, en amour, posséder n’est rien, c’est à se donner que consiste le bonheur, et de Ryons ne le peut pas. […] Ce n’est plus d’Hippolyte qu’elle parle, c’est de celui qui est ou qui a été tout son bonheur et tout son malheur. […] Ne sont-elles pas, en dernière analyse, son rêve du bonheur, animé, vivant, rendu réel pour quelques minutes ? […] Et comment se consoler d’avoir vu, d’avoir étreint le bonheur, pour le perdre ensuite, à jamais ?
A mesure donc que le tumulte des souvenirs, qui redouble pour d’autres, s’éclaircit pour moi et s’apaise, je me replie de plus en plus vers ces figures nobles, humaines, d’une belle proportion morale, qui s’arrêtèrent toutes ensemble, dans un instinct sublime et avec un cri miséricordieux, au bord du fleuve de sang, et qui, par leurs erreurs, par leurs illusions sincères, par ces tendresses mêmes de la jeunesse que leurs farouches ennemis leur imputaient à corruption et qui ne sont que des faiblesses d’honnêtes gens, enfin aussi par le petit nombre de vérités immortelles qu’ils confessèrent, intéressent tout ce qui porte un cœur et attachent naturellement la pensée qui s’élève sans sophisme à la recherche du bonheur des hommes. […] Elle se porte du premier pas à l’avant-garde, elle le sait et le dit : « En nous faisant naître à l’époque de la liberté naissante, le sort nous a placés comme les enfants perdus de l’armée qui doit combattre pour elle et triompher ; c’est à nous de bien faire notre tâche et de préparer ainsi le bonheur des générations suivantes. » Tant qu’elle demeure dans cette vue philosophique générale de la situation, son attitude magnanime répond au vrai ; le temps n’a fait que consacrer ses paroles. […] Pour couronner le tableau des qualités domestiques chez Mme Roland, il ne faut plus que rappeler le début de cette autre lettre écrite à Bosc, de Villefranche : « Assise au coin du feu, mais à onze heures du matin, après une nuit paisible et les soins divers de la matinée, mon ami à son bureau, ma petite à tricoter, et moi causant avec l’un, veillant l’ouvrage de l’autre, savourant le bonheur d’être bien chaudement au sein de ma petite et chère famille, écrivant à un ami tandis que la neige tombe, etc. » A côté de ces façons d’antique aloi, de ces qualités saines et bonnement bourgeoises, osons noter l’inconvénient ; à défaut du chatouillement aristocratique, la jactance plébéienne et philosophique ne perce-t-elle pas quelquefois ?
On ne sait rien ou presque rien de la vie de La Bruyère, et cette obscurité ajoute, comme on l’a remarqué, à l’effet de son œuvre, et, on peut dire, au bonheur piquant de sa destinée. […] Ils naissent instruits, et ils sont plus tôt des hommes parfaits que le commun des hommes ne sort de l’enfance. » Au chapitre des Grands, il s’est échappé à dire ce qu’il avait dû penser si souvent : « L’avantage des Grands sur les autres hommes est immense par un endroit : je leur cède leur bonne chère, leurs riches ameublements, leurs chiens, leurs chevaux, leurs singes, leurs nains, leurs fous et leurs flatteurs ; mais je leur envie le bonheur d’avoir à leur service des gens qui les égalent par le cœur et par l’esprit, et qui les passent quelquefois. » Les réflexions inévitables que le scandale, des mœurs princières lui inspirait n’étaient pas perdues, on peut le croire, et ressortaient moyennant détour : « Il y a des misères sur la terre qui saisissent le cœur : il manque à quelques-uns jusqu’aux aliments ; ils redoutent l’hiver ; ils appréhendent de vivre. […] Il a joui d’un grand bonheur et a fait preuve d’une grande sagesse : avec un talent immense, il n’a écrit que pour dire ce qu’il pensait ; le mieux dans le moins, c’est sa devise.
« Du bon emploi des forces résulte la puissance publique ; « De la bonne distribution des jouissances résulte le bonheur individuel. […] « De ces deux choses combinées, puissance publique au dehors, bonheur individuel au dedans, résulte la prospérité sociale. […] « C’est ainsi que Cosette devenait peu à peu une femme et se développait, belle et amoureuse, avec la conscience de sa beauté et l’ignorance de son amour… » XXII Ce bonheur sans conscience de lui-même est interrompu par la jalousie paternelle de Jean Valjean, qui craint une embûche de libertinage pour sa fille ; il change de domicile et de promenade.
II Avec la faculté que j’ai de suffire à mon propre bonheur et d’aimer par conséquent la solitude, la petite pension de la rue des Deux-Églises 23 eût été, en effet, pour moi un paradis, sans la crise terrible que traversait ma conscience et le changement d’assise que je devais faire subir à ma vie. […] Au train que prend maintenant le monde, c’est là un amer contresens, et, quoique la règle que j’ai choisie m’ait mené au bonheur, je ne conseillerais à personne de la suivre. […] Ils ne m’ont pas nui pour le bonheur.
Quel bonheur que ces dates ! […] Celui qui pouvait retrouver cette précieuse relique était assuré de la toute puissance et de l’immortalité. — Lohengrin, au lieu de ces dons, a trouvé le bonheur terrestre et l’amour. […] Schuré disait de la scène d’amour : « Nous traversons, dans ce dialogue de Tristan et d’Iseult, les degrés successifs de cette intense passion de la créature, qui confond tous les bonheurs, tous les ciels dans une admiration mutuelle… Cette hymne respire une sorte de paix profonde dans la passion infinie. »[NdA] 3.
» La langue du poëte, même pour redire ce bonheur céleste, ne saurait trouver que des images mortelles ; mais la passion dont il est inspiré est toute spirituelle et tout idéale. […] Il va, et ses heureuses brebis le suivent là où il les nourrit de roses immortelles et d’une fleur qui s’épanouit plus abondante, plus elle est cueillie ; il les conduit à la montagne du bien suprême ; il les baigne dans la source de l’immortelle joie ; il leur donne la pleine moisson, le pasteur et le pâturage, le seul parfait bonheur. […] » Dans ce dégoût de la terre, dans cette soif d’agonie et de bonheur céleste, les pensées de la sainte, ses stations forcées ici-bas, ses ardeurs d’espérance, sont des hymnes d’amour divin, comme n’en rêva jamais la poésie profane.
que d’esprit bien placé et qui se mêlait avec bonheur aux meilleures et aux plus sages raisons ! […] ce bonheur, cette prospérité, cette abondance et ces faciles sommeils, tous ces bonheurs de l’ancien monde allaient disparaître au milieu des tempêtes. […] Le froid amena la fièvre, et la fièvre emporta, en trois jours, tout l’espoir et tout le bonheur de ce père infortuné. […] Tel a été le bonheur de mademoiselle Lenormand. […] Ô bonheur !
Marcel Prévost doit être connu de ceux qui ont des filles et qui ont souci de leur dignité et de leur bonheur. […] Tu ne peux pas te faire une idée du bonheur que je me procure ! […] Il est tout au bonheur qu’il boit béatement. […] Entre ses bras, ce n’est pas mon bonheur, c’est le sien que j’ai cherché. […] Par un bonheur inespéré, nous réussîmes à mettre à l’eau, sans accident, une embarcation qui s’éloigna, montée par douze hommes.
Il a peur, il a horreur du mot même ; c’est tout au plus s’il l’a écrit une fois ou deux dans ce volume où il conte l’existence d’un idéaliste fieffé, qui n’a cessé de rêver et de poursuivre le bonheur de l’humanité. […] C’est un prince convaincu qu’il n’est qu’un homme et désireux de faire le bonheur de ses sujets. […] Je sais des gens qui estimeront que ce soi-disant bonhomme est un pauvre homme et que sa façon de travailler au bonheur de ses sujets laisse à désirer. […] Ils sont plus ou moins haut dans la lumière et le bonheur, selon qu’ils ont été plus ou moins justes. […] marie avec son filleul, un autre Daniel, pour se dédommager de son bonheur manqué avec une autre Denise, votre mère.
Est-ce donc une chose si peu rare que le bonheur bienveillant, pour ne pas le saluer ?
si parfois une femme, Pensive, en les lisant, à la fuite du jour, Sent son œil qui se mouille et son cœur qui s’enflamme A tes récits d’amour ; Si, parmi les amis qu’a chéris ton enfance, Un seul peut-être, un seul qui t’aurait oublié, Y trouve avec bonheur quelque ressouvenance D’une ancienne amitié ; Ou, si d’enfants chéris une troupe rieuse Qu’amusent tes récits, que charment tes accents, En t’écoutant, devient meilleure et plus joyeuse, Et t’aime pour tes chants : Ce rêve est assez beau pour enivrer ton âme !
Là, son cœur semblait avoir trouvé une demeure digne où reposer… Mais non, le poète s’est remis en route vers le bonheur, toujours hors de ce siècle.
Quelques-unes des scènes évangéliques sont reproduites avec un rare bonheur, dans un ton de forte simplicité et de grandeur calme… Psyché, qui est le Désir de l’infini, les Poèmes évangéliques, qui sont la Charité, le Sacrifice, la Douleur, expriment presque au même titre l’idéalisme religieux chez M. de Laprade.
Un souffle a passé, un besoin de bâter la justice, de vivre la vie vraie, pour réaliser le plus de bonheur possible.
Un livre récent et joli, Snob, par Paul Gavault, traitait le même sujet avec un tout autre bonheur.
Pour moi, qui ne règne par bonheur que sur le cœur de Sophie, si elle se présentait à fines yeux dans cet état, que ne deviendrais-je pas ?
C’est toute l’étendue du ciel sous l’horizon le plus élevé ; c’est la surface d’une mer ; c’est une multitude d’hommes occupés du bonheur de la société ; ce sont des édifices immenses, et qu’il conduit à perte de vue.
Admettons cependant qu’Homère a été forcé de les choisir ainsi pour se faire mieux entendre du vulgaire, alors si farouche et si sauvage ; cependant le bonheur même de ces comparaisons, leur mérite incomparable, n’indique pas certainement un esprit adouci et humanisé par la philosophie.
Et quel bonheur d’entendre, à son bras suspendue, La lointaine chanson tant de fois entendue ! […] Dans ce cœur attristé et non desséché par le célibat, il y avait peut-être des trésors de dévouement et de tendresse, tout le bonheur, toute la joie, tout l’orgueil d’un honnête homme : hélas ! […] Il est possible qu’un père refusât sa fille à Georges ; et, pour lui donner tort, il faudrait ignorer tout ce que la richesse ou la pauvreté peuvent mêler de charme ou d’angoisse au bonheur intérieur. […] C’est alors que le livre du poëte est le bienvenu, et rien ne manque à son attrait si l’on a le bonheur de le lire à la campagne, par une belle matinée de juin, au milieu des paisibles images qui se reflètent dans ses vers. […] Par bonheur, la prose de M.
Mais le bonheur d’une prompte apothéose est rare et il s’en faut qu’il se rencontre ici. […] Oui, sa maîtresse n’est pas un instant aimée ; elle joue le rôle d’un meuble où il pose son propre amour, mais en sortant de leur rêverie toute personnelle, de leur bonheur isolé, Hassan, Rolla ou Franck, n’auront jamais pour la pauvre enfant que du persiflage. […] Si nous revenons maintenant au héros, nous dirons que sa nature assez mesquine, que sa perpétuelle préoccupation de lui-même, de son bonheur et de ses jouissances parvient bientôt à nous lasser. […] Avec une pareille donnée, on a, certes, les coudées franches pour représenter le bonheur, ou au moins le plaisir ; le poète a cependant tiré un très médiocre parti de tant d’éléments réunis à si grands frais. […] Ce fut même peut-être un bonheur pour le juge littéraire que de se voir débarrassé des devoirs d’une politique sans succès.
quel bonheur ! […] Voilà la terrible vie que mènent nos deux forçats du bonheur. […] Des jours et des nuits de bonheur radieux. […] Et puis (quel bonheur !) […] Zola n’a pas décrit les unes et les autres avec le même bonheur.
Quelle joie, pour nos poètes, de respirer loin des sentiers battus du parnasse, dégoûter jusqu’à l’exaltation le bonheur d’être, de se sentir vivre parmi la lumière et les caresses des choses ! […] Fils unique, confiant dans le bonheur calme dont l’environnent les siens, il caresse tôt ses yeux à la certitude des lignes pures et des harmonies architectoniques. […] Une œuvre antique manifeste le bonheur de ses proportions, une œuvre occidentale montre une solidité. […] Un bonheur aigu, fût-ce dans le plus divin séjour du monde, n’est possible que le temps d’une surprise. […] Les deux autres livres chantent les plus nobles modalités de la vie : la Beauté et le Bonheur.
Pour cacher son bonheur nouveau, elle l’emmena en Suisse. […] On y voit un homme qui perd tout bonheur au milieu même des satisfactions de l’amour. […] Il y a, comme disait Virgile, des gens qui seraient heureux, s’ils connaissaient leur bonheur. […] Nos rêves de bonheur sont très intenses et très intense notre crainte de la souffrance. […] Les notions du divin, de l’idéal, du progrès seront toujours des appareils à gâcher le bonheur présent en vue d’un bonheur futur, également chimérique pour l’individu et pour l’espèce.
Oui, c’est le bonheur que je leur apporte. […] Mais aussi ce bonheur innocent est un des plus réels et des plus solides qui soient. […] Puis, le duc Job a tous les bonheurs. […] Là encore l’écrivain travaille un peu au petit bonheur. […] Georges de Porto-Riche, l’auteur de la Chance de Françoise et de Bonheur manqué.
— Mais une combinaison adroite de ces deux causes de bonheur ne donnerait-elle pas le bonheur lui-même ? […] Écartons-les, bien entendu, en tant que pouvant entrer en ligne de compte pour le bonheur. […] Dominer dans sa cité, voilà le bien ou le bonheur ; voilà l’idéal à poursuivre. […] Il n’y a pas de plus grand bonheur ici-bas. […] La mollesse, l’intempérance, la licence, lorsqu’il ne leur manque rien, voilà la vertu et le bonheur.
. — Pincott, vos parents meurent de faim ; mais si vous me tiraillez ainsi les cheveux, je vous prierai de leur écrire et de leur dire que je n’ai plus besoin de vos services. » Cette pécore de Pincott n’apprécie pas son bonheur. […] Son bonheur aujourd’hui est de saluer un lord. […] Les talents, comme les bonheurs, s’excluent. […] Être capable de répandre des bienfaits et du bonheur sur ceux qu’on aime est la plus grande bénédiction accordée à un homme. […] En écrivant le nom de ma femme, j’écris l’achèvement de toute espérance et le comble de tout bonheur.
Il a dit le remarquable marchand de bonheur qu’il ferait ; assurant qu’il savait très bien le bonheur qu’il fallait à chaque homme, après l’avoir interrogé sur son tempérament, ses goûts, son milieu. […] Huysmans porte sur lui le bonheur du succès de son roman : Là-Bas ; et ce bonheur chez l’auteur d’ordinaire contracté nerveusement sur lui-même, se traduit par le gonflement dilaté d’un dos de chat, quand il ronronne. […] Chez l’animal, il est un bonheur, un bonheur fait de ceci, c’est que jamais le « Linquenda tellus » d’Horace, ne lui traverse la cervelle, et que la mort le frappe, sans qu’il sache qu’elle existe, tandis que, ce soir, accoudé à la barre d’une fenêtre, au-dessus de l’odeur des roses de mon jardin, je pensais à cette obligation.
Je n’ai pas assez de bonheur pour qu’il se présente : je cherche cependant bien. » Après une tournée qu’il a faite à la tête d’une colonne mobile, il est invité par le général Meunier à assister à une distribution de drapeau et de croix qui se fait dans une plaine auprès d’Amailhou. […] Bonheur et victoire ! […] Il entreprend toutes choses, et sa santé, bien que si atteinte, semble d’abord suffire à tout : « Comme tous les nerfs de mon imagination sont tendus, les autres sont au repos par force. » Un bonheur lui arrive : un marabout se disant chérif, c’est-à-dire de la famille du Prophète, a travaillé les tribus arabes ; il a prêché la guerre sainte et a levé l’étendard. « Cher frère, la guerre, voici la guerre ! […] Le maréchal de Saint-Arnaud a un dernier bonheur
Pour le nouvel époux, les deux premières années se passèrent dans le même bonheur, dans les mêmes études. […] M’ôterez-vous tout bonheur sur cette terre ? […] Il faut que vous quittiez Paris, que vous renonciez aux projets que vous aviez formés en y allant, parce que vous ne pourrez jamais trouver, je ne dis pas le bonheur, mais au moins le repos, dans cette solitude de tout ce qui tient à vos affections. […] En reportant son regard, du haut de la montagne de la vie, vers ces sciences qu’il comprenait toutes, et dont il avait agrandi l’une des plus belles, il put atteindre un moment au bonheur serein du sage et reconnaître en souriant ses domaines.
V En effet, il fallait un homme consommé par l’âge avancé, par la science sacrée, par les vicissitudes de la vie humaine, par le bonheur et par le malheur de l’existence orageuse des assemblées et des cours, pour se rendre compte en lui-même de tout ce qu’il avait souffert, pour distinguer parmi la trame mêlée de sa vie le fil conducteur de sa destinée, et pour lui donner ce nom de consolation intime qu’il ne trouvait que dans la philosophie suprême : la résignation en conformité avec la divine volonté. […] Quand tu posséderais tous les biens créés, tu ne pourrais être heureuse ni satisfaite ; mais c’est dans la possession seule de Dieu, le créateur de toute chose, que consiste ton bonheur et ta félicité. […] C’est ne désirer, ne chercher et n’aimer que lui, c’est tout faire et tout souffrir pour lui ; c’est acquiescer en tout à sa volonté ; c’est ne vouloir que ce qu’il veut ; c’est ne s’égarer et ne se détourner jamais de la voie de sa volonté ; c’est enfin mettre son bonheur et son repos à le contenter, sans chercher à être content soi-même : mais cette conduite est contraire à la nature, et la grâce seule peut y parvenir. […] Et je me sens convaincu, tranquillisé et heureux, car le silence est une conviction, la tranquillité est une preuve, le bonheur est une paix.
Nous trouverions partout que c’est l’émotion qui est la mesure de la poésie dans l’homme ; que l’amour est plus poétique que l’indifférence ; que la douleur est plus poétique que le bonheur ; que la piété est plus poétique que l’athéisme ; que la vérité est plus poétique que le mensonge ; et qu’enfin la vertu, soit que vous la considériez dans l’homme public qui se dévoue à sa patrie, soit que vous la considériez dans l’homme privé qui se dévoue à sa famille, soit que vous la considériez dans l’humble femme qui se fait servante des hospices du pauvre et qui se dévoue à Dieu dans l’être souffrant, vous trouveriez partout, disons-nous, que la vertu est plus poétique que l’égoïsme ou le vice, parce que la vertu est au fond la plus forte comme la plus divine des émotions. […] XIV Parmi les grands écrivains poètes, les uns par impuissance, les autres par dédain, se sont dispensés avec bonheur de la forme des vers ; ils n’en ont pas moins inondé l’âme de poésie. […] elle retrouvera le bonheur loin de moi ! […] Dans son bonheur, il ne reconnaît plus d’ennemi.
III Mais je me flattais secrètement alors, au bruit des brises d’hiver dans le toit de ma mansarde et au pétillement du sarment de vigne dans l’âtre, que quelqu’une de ces tragédies, amusement de mes ennuis de jeunesse, aurait le bonheur de parvenir jusque sur la scène par la protection de quelque acteur de génie ou de quelque actrice en faveur. […] Le bonheur des méchants comme un torrent s’écoule. […] Le chœur, cette fois, fait partie lyrique du drame ; il chante, dans des strophes enfantines et pieuses, les bonheurs de l’innocence, la protection de Dieu sur les siens, sa vengeance sur ses ennemis. […] Les marques d’attention de la part du roi, dont il fut honoré pendant sa dernière maladie, durent bien le convaincre qu’il avait toujours le bonheur de plaire à ce prince.
Lorsque de toutes parts il n’était question en France, en Angleterre, en Italie, que de plaisir, d’intérêt et de bonheur, une voix s’éleva de Kœnigsberg pour rappeler l’âme humaine au sentiment de sa dignité, et enseigner aux individus et aux nations qu’au-dessus des attraits du plaisir et des calculs de l’intérêt, il y a quelque chose encore, une règle, une loi, une loi immuable, obligatoire en tout temps et en tout lieu et dans toutes les conditions sociales ou privées : la loi du devoir. […] D’un autre côté, si le devoir est supérieur au bonheur, il faut donc sacrifier dans certains cas extrêmes le bonheur au devoir, et pourtant il y a entre eux une harmonie éternelle, qui peut être momentanément troublée, mais que la raison établit et qu’elle impose, pour ainsi dire, à l’existence et à son auteur ; il faut donc qu’il y ait un Dieu, supérieur à toutes les causes secondaires, pour faire régner quelque part l’harmonie de la vertu et du bonheur.
Le premier malheur de l’abbé Prévost fut, ce me semble, d’avoir en lui et de concevoir un double idéal du bonheur, dont l’un excluait sans cesse et troublait l’autre. […] Il y a aussi l’homme de tendresse, de roman ou de passiond, qui, après quelques semaines ou quelques mois de retraite, vient déranger l’homme d’étude et le demi-solitaire, et lui représenter un bonheur plus vif dans l’amour ou dans le plaisir.
Fénelon, comme tous les vrais chrétiens, trouverait cette façon d’atteindre à la sagesse et au bonheur bien morne et bien insuffisante ; ce n’est point en se réfugiant et en se retranchant dans le moi qu’il croit possible de trouver la paix : car en nous, pense-t-il, et dans notre nature sont les racines de tous nos maux ; tant que nous restons renfermés dans nous-mêmes, nous offrons prise sous le souffle du dehors à toutes les impressions sensibles et douloureuses : Notre humeur nous expose à celle d’autrui ; nos passions s’entrechoquent avec celles de nos voisins ; nos désirs sont autant d’endroits par où nous donnons prise à tous les traits du reste des hommes ; notre orgueil, qui est incompatible avec l’orgueil du prochain, s’élève comme les flots de la mer irritée : tout nous combat, tout nous repousse, tout nous attaque ; nous sommes ouverts de toutes parts par la sensibilité de nos passions et par la jalousie de notre orgueil. […] Si peu qu’il reste de désirs et de sensibilité d’amour-propre, on a toujours ici de quoi vieillir : on n’a pas ce qu’on veut, on a ce qu’on ne voudrait pas ; on est peiné de ses malheurs, et quelquefois du bonheur d’autrui ; on méprise les gens avec lesquels on passe sa vie, et on court après leur estime.
Bailly, qui sentit le bonheur de cet à-propos et qui en profita, n’y donna d’ailleurs qu’avec grâce, légèreté, et en homme tout à fait d’esprit. […] La jeunesse, bannie de son pays, ne l’a point quitté sans douleur ; elle a trouvé un ciel plus beau, une terre plus fertile, mais ce n’était pas le sol natal ; ce n’était plus ce ciel dont la lumière avait d’abord frappé sa vue, ce n’était plus cette terre où bon avait commencé à vivre, cette terre témoin des soins paternels, des jeux de l’enfance, où l’on avait reçu les premières impressions du plaisir et du bonheur.
Ramond s’est permis d’ajouter aux descriptions du voyageur anglais forme plus d’un tiers de l’ouvrage, et n’en est sûrement pas la partie la moins intéressante. » Coxe avait voyagé en homme riche et qui s’arrête a mi-côte ; Ramond, svelte, allègre et dispos, en piéton et en homme dont ces sortes de fatigues font le bonheur. […] En parlant de la célèbre abbaye de Notre-Dame-des-Ermites ou d’Einsielden, dans le canton de Schwitz, William Coxe, ministre et chapelain anglican, s’était permis bien des ironies sur les pèlerins et leur dévotion qu’il appelait superstitieuse : ici Ramond prend à son tour la liberté d’abréger, dans sa traduction, ces sarcasmes trop faciles, et il exprime pour son compte un tout autre sentiment : Je l’avoue, dit-il, l’aspect de ce monastère m’a ému ; sa situation au milieu d’une vallée sauvage a quelque chose de frappant ; son architecture est belle, et son plan est exécuté sur de grandes proportions ; rien de plus majestueux que les degrés qui s’élèvent à la plate-forme de l’édifice et qui la préparent de loin par une montée insensible… Il est impossible d’entrer dans cette chapelle dont le pavé est jonché de pécheurs prosternés, méditant dans un respectueux silence et pénétrés du bonheur d’être enfin parvenus à ce terme de leurs désirs, à ce but de leur voyage, sans éprouver un sentiment de respect et de terreur.
L’auteur suppose qu’un des êtres de cette race intermédiaire à l’homme et aux puissantes espèces animalesx, un centaure vieilli raconte à un mortel curieux, à Mélampe, qui cherche la sagesse et qui est venu l’interroger sur la vie des centaures, les secrets de sa jeunesse et ses impressions de vague bonheur et d’enivrement dans ses courses effrénées et vagabondes. […] Il y a dans ce bonheur une profonde tristesse qui ne se peut consoler.
Il s’y forma de lui-même : Je n’avais à peu près aucune leçon, nous dit-il, j’étais l’heureux enfant de la nature, livré à mon bonheur et à ma pensée personnelle. […] Je crois que Gray n’avait jamais aimé, c’était le mot de l’énigme ; il en était résulté une misère de cœur qui faisait contraste avec son imagination ardente et profonde qui, au lieu de faire le bonheur de sa vie, n’en était que le tourment.
Le jeune Étienne est si naturellement le centre de tout ce qu’il raconte, — tout ce qui arrive, arrive si à point nommé pour le progrès et le bonheur d’Étienne, qu’on finit par s’y accoutumer. […] Ce bonheur, tant désiré, lui arriva sur la fin de 1796.
Il embrassa toute la littérature allemande, passée et présente ; il y marcha à pas de géant, peignant tout à grands traits, d’une manière rapide, mais avec une touche si vigoureuse et des couleurs si vives, que je ne pouvais assez m’étonner ; il parla de ses ouvrages peu et avec modestie, beaucoup des chefs-d’œuvre en tout genre de la France, des grands hommes qui l’avaient honorée, du bonheur de sa langue, des beaux génies qui l’avaient maniée, des littérateurs présents, de leur caractère et de celui de leurs productions ; enfin, j’étais un Français qui était allé pour rendre hommage au plus beau génie de l’Allemagne, et je m’aperçus bientôt que M. […] Frappé au mois de juin 1862, à l’âge de soixante-deux ans, d’un accident soudain qui le saisit et le paralysa dans toute la force de la pensée, il ne se releva pas, assista deux années durant à sa lente destruction, et succomba le 1er septembre 1864, avant d’avoir pu terminer l’Histoire des Cabinets de l’Europe, « cette œuvre, tourment et bonheur à la fois de sa vie. » Je dis tourment, et on va le comprendre.
Soyez l’exemple du bonheur qui suit la vertu, et pardonnez cette tirade à la tendresse qui me l’a arrachée. » Tous enfin s’accordaient à célébrer en lui le don le plus rare, qui a été départi à si peu, et peut-être à moins d’hommes encore que de femmes, la raison précoce, le fruit dans la fleur, un esprit mûr dès le premier duvet : Sotto biondi capei canuta mento. […] Ce furent les adversaires qui lui rendirent les bonheurs militaires suprêmes.
Mais à côté de ces points minutieux qui aujourd’hui nous font sourire (comme peut-être on sourira de nous un jour pour des travers qui ne pèchent point par la minutie), on lit de beaux vers et bien sentis sur le bonheur de l’étude, sur les goûts du poète, d’élégantes imitations de Catulle, de Tibulle, et une ode intitulée le Jeune poète au lit de mort, écrite à une heure de maladie trop réelle et dans un pressentiment trop vrai qui ne faisait que devancer de bien peu le terme fatal. […] Patin à entreprendre une édition de ses Œuvres, et s’il vivait, il saluerait aujourd’hui avec bonheur l’accomplissement d’un de ses vœux.
Rousseau prêche en périodes travaillées le charme de la vie sauvage, et les petits-maîtres, entre deux madrigaux, rêvent au bonheur de coucher nus dans la forêt vierge. […] Néanmoins la mousse de l’enthousiasme et des grands mots laisse au fond des cœurs un résidu de bonté active, de bienveillance confiante, et même de bonheur, à tout le moins d’expansion et de facilité.
Si le poëte reçoit du philosophe des idées générales et abstraites, c’est pour les transformer en êtres complexes et particuliers ; s’il conçoit la force qui produit une plante, c’est pour dresser dans l’air sa tige frêle et souple, étendre à l’entour des feuilles vertes et brillantes, épanouir au sommet la fleur parfumée, et répandre en son oeuvre le calme et l’harmonie qui ressemblent au bonheur. […] Il ne peut voir des êtres souffrants, heureux, passionnés, sans ressentir leur souffrance, leur bonheur, leur passion.
Desjardins rédige en style de séminariste bilieux ; il est ignorant (jusqu’à prendre les philosophes grecs comme types d’altruistes alors qu’aucun n’a envisagé la morale autrement que comme une éthique) ; il est naïf (jusqu’à se féliciter des séances politiques où la droite et la gauche s’entr’applaudissent, citant comme telles l’incident où la loyauté de M. de Cazenove de Pradines fut saluée par tous ses collègues, — ce qui est faux, car il fut nargué par la droite, — et l’intervention de l’évêque d’Angers dans la politique d’Extrême-Orient — ce qui ne provoquait l’admiration d’aucun député informé, attendu que Mgr Freppel, chacun le savait, n’agissait que pour défendre ses missionnaires) ; il est encore obséquieux avec les gens en place (jusqu’à cette platitude : « Nous avons par bonheur un ministre de l’instruction publique à tendances idéalistes »). — Mais un autre que M. […] Mais il est déplorable qu’ils n’y trouvent pas un suffisant bonheur et que, par besoin de soulagement supérieur, ils imposent la contagion de leurs accès.
Le mot juste ne lui venait pas toujours qu’il remplaçait soit par le terme anglais, soit par un équivalent français, hasardé au petit bonheur, et dont le choix n’était pas toujours heureux. […] L’idée d’Oscar Wilde était que l’homme avait droit au bonheur et, comme dit Goethe, à une philosophie qui ne détruit pas sa personnalité, et il estimait légitimes tous les moyens d’y parvenir.
Mme de Graffigny, qui voit bien tous les ridicules, apprécie en femme d’esprit ce bonheur-là. […] Je ne puis vous donner l’idée de cette sottise qu’en vous disant qu’elle est plus forte et plus misérable que son esprit n’est grand et étendu… Jugez du bonheur de ces gens que nous croyions avoir atteint à la félicité suprême !
Ce dernier, Bernardin de Saint-Pierre, dont le talent chaste, idéal, volontiers rêveur et mélancolique, semble le moins d’accord avec l’esprit de Rabelais, l’a pourtant saisi à merveille par le côté sérieux que nous indiquons, et il a dit de lui dans une page mémorable et qui n’est pas toute chimérique, bien que trop simple de couleur et trop embellie : C’en était fait du bonheur des peuples, et même de la religion, lorsque deux hommes de lettres, Rabelais et Michel Cervantes, s’élevèrent, l’un en France, et l’autre en Espagne, et ébranlèrent à la fois le pouvoir monacal et celui de la chevalerie. […] Ils n’avaient plus d’autres impulsions vers le bonheur que celles que leurs princes voulaient leur donner, si leurs Princes alors avaient été capables d’en avoir.
Les Grecs qui, par un singulier bonheur et un allégement facile de l’esprit, n’eurent d’autres classiques qu’eux-mêmes, étaient d’abord les seuls classiques des Romains qui prirent peine et s’ingénièrent à les imiter. […] Ce ne fut qu’après les belles années de Louis XIV que la nation sentit avec tressaillement et orgueil qu’un tel bonheur venait de lui arriver.
Il visita l’Écosse dans l’été même de cette année 1759, et il s’y lia avec les hommes de premier mérite dont cette contrée était alors si pourvue, et qui y formaient un groupe intellectuel ayant un caractère particulier, l’historien Robertson, David Hume, Ferguson et plusieurs autres : En somme, je dois dire, écrivait-il en revenant sur ce voyage d’Édimbourg, que ces six semaines que j’y ai passées sont, je le crois, celles du bonheur le mieux rempli et le plus dense que j’aie jamais eu dans aucun temps de ma vie ; et l’agréable et instructive société que j’y ai trouvée en telle abondance a laissé une si douce impression dans ma mémoire, que, si de forts liens ne me tiraient ailleurs, je crois que l’Écosse serait le pays que je choisirais pour y passer le reste de mes jours. […] La science chez lui est inventive, et il la rend familière : « Un singulier bonheur d’induction, a dit sir Humphry Davy, guide toutes ses recherches, et par de très petits moyens il établit de très grandes vérités. » Il ne se retient point dans ses conjectures et dans ses hypothèses, toutes les fois qu’il s’en présente de naturelles à son imagination, et il s’en est permis de fort hardies pour l’explication de certains grands phénomènes de la nature, mais sans y attacher d’autre importance que celle qu’on peut accorder à des conjectures et à des théories spéculatives.
Comme chez les romantiques et comme chez Victor Hugo en particulier, les hommes étaient peu vivants et les choses, en revanche, prenaient une âme, devenaient des êtres mythologiques et monstrueux, que ce fût le parc du Paradou, l’alambic de l’Assommoir, l’escalier et la cour intérieure de Pot-Bouille, le grand magasin du Bonheur des Dames, le puits de mine de Germinal, la locomotive de la Bête humaine. […] Il se construisit, pour soutenir et étayer ses nouvelles tendances, une philosophie très sommaire, faite de croyance en la science considérée comme devant renouveler l’essence morale de l’humanité et devant mener le genre humain à la moralité et au bonheur.
* * * La Science qui tue la poésie de rêverie (celle-là seule, car celle qui se lève l’appelle au contraire et prend en elle son principe rationnel), la Science et son positivisme n’avaient étreint les fronts encore pour le doute fécond, et tout naturellement la Poésie s’accommodait-elle des songeries des philosophes prioristes ne gênant ses religiosités, ou le plus souvent les ignorait-elle même : et le bonheur de vivre, troublé de seules mélancolies d’amour, s’épanchait aux mots sonores, et la douceur des légendes des cultes était en tout poème, en tout cantique d’amour. […] Le premier, sans composer une œuvre, a maintenant publié le livre qui semble le dépositaire de son rêve philosophique : Le Bonheur.
Les papiers de Biran eurent le bonheur de rencontrer également un éditeur dévoué et passionné qui, avec des soins infinis et de sérieux sacrifices, nous a donné tout ce qui restait de lui, à savoir un Journal, confession psychologique des plus attachantes, et trois volumes d’écrits philosophiques, parmi lesquels l’œuvre la plus complète et la plus étendue de Maine de Biran : l’Essai sur les Fondements de la Psychologie. […] Cette appréhension impatiente et avide du futur, si souvent signalée par les moralistes, devient une fatigue quand on en prend conscience ; de là, il résulte que la vie est douce dans la jeunesse, malgré toutes les douleurs, parce que, la force de vivre étant toute fraîche, la vie ne coûte aucun effort, tandis qu’elle devient lourde au contraire, même au sein du bonheur, à mesure que l’on avance en âge, par la conscience accumulée de la fatigue passée et la prévision certaine de la fatigue future.
Il n’a pas cette identité absolue avec le grand poète d’hier, qui a, pour sa gloire, le bonheur d’être mort et dont il est fanatique. […] Maurice Rollinat était trop du pays bleu des poètes pour ne pas s’enivrer de son bonheur et ne pas se fier aux sympathies de gens qui ne voulaient se servir de lui que comme d’un plumet pour leurs journaux· Ils lui avaient, pour leur compte, préparé et arrangé des exhibitions qu’il croyait nécessaires, puisqu’il était musicien et qu’il faut bien prendre les oreilles dont on a besoin où elles sont… À présent, il en a fini de ces exhibitions dont il a senti le dégoût.
Présenter la chemise au roi et aux princes, obtenir le bougeoir, faire des visites de deuil en mante ou sans mante, avoir le droit de s’enrhumer dans les carrosses du roi et d’étouffer dans un entre-sol de Marly, tels sont les graves intérêts qui emploient les forces, la pensée, le crédit des hommes les plus capables, et qui, selon l’issue, les transportent de bonheur ou les plongent dans l’extrême désespoir. « Hélas ! […] « Il semble que la naissance de cet enfant porta bonheur à ses parents. » « Condé se couvrit de gloire. » Mlle de Bourbon « portait en elle toutes les semences d’un avenir orageux. » — « Arborer l’étendard de la révolte31. » Est-ce là cet écrivain si ferme, dont le style sain sauvait les faiblesses ?
De retour à Paris, Albert Glatigny connut le plus grand, le vrai, le seul bonheur de sa vie tourmentée. […] Ce bonheur, la destinée le lui envia. […] Léon Cladel rencontra Charles Baudelaire à la Revue fantaisiste, et depuis il n’a jamais cessé de croire et de dire que ce fut là le plus grand bonheur de sa vie littéraire. […] Par bonheur, un mot se trouve toujours au détour d’une page pour racheter la phrase mauvaise, et l’on découvre aisément, quand on a des yeux, le fonds de grande et sincère pitié qui est au cœur du poète. […] Des bonheurs en miniature.
Par grand bonheur, l’activité révolutionnaire, qui emportait à cette époque presque tous les esprits, n’avait pas absolument détourné le sien de sa voie naturelle.
Les transports qui suivent la reconnaissance des deux époux ; cette comparaison si touchante d’une veuve qui retrouve son époux, à un matelot qui découvre la terre au moment du naufrage ; le couple conduit au flambeau dans son appartement ; les plaisirs de l’amour, suivis des joies de la douleur ou de la confidence des peines passées ; la double volupté du bonheur présent, et du malheur en souvenir ; le sommeil qui vient par degrés fermer les yeux et la bouche d’Ulysse, tandis qu’il raconte ses aventures à Pénélope attentive, ce sont autant de traits du grand maître ; on ne les saurait trop admirer.
Les œuvres dénuées de grâce ne durent pas, — et, comme les ossements arides ne se lèvent que sous le souffle des prophètes, toutes les préfaces de Sacy ne feront pas trouver de saveur dans un moraliste comme Nicole à la génération qui a eu le bonheur de lire Joubert, — un délicieux livre à réimprimer, par parenthèse, et que Techener ne réimprime pas.
Ils se sentaient initiés à la bienveillance universelle, au bonheur de reposer parmi des compagnons d’armes.
Et lequel au fond m’importe le plus, de mon bonheur aux dépens du reste des hommes, ou du bonheur des autres au dépens du mien ? […] Et l’on sent que pour Rousseau de telles scènes offrent l’image parfaite du bonheur. […] La naissance de cet amour est décrite avec grâce, avec bonheur ; cette part de l’œuvre fait songer à certaines pages du Lys rouge, ce roman dont M. […] Et que vaut cette tradition qui ne nous permet pas d’atteindre le bonheur et ne sait plus nous bander les yeux pour nous empêcher de le voir ? […] Il est possible que certaines âmes aspirent à un bonheur moins superficiel, mais ces âmes-là n’intéressent guère M.
… » Et plus tard : — « C’est étrange comme je suis né avec peu de foi pour le bonheur. […] Bourget a remarqué que, quand Salammbô s’empare du zaimph, de ce manteau de la Déesse « tout à la fois bleuâtre comme la nuit, jaune comme l’aurore, pourpre comme le soleil, nombreux, diaphane, étincelant, léger… », elle est surprise, comme Emma entre les bras de Léon, de ne pas éprouver ce bonheur qu’elle imaginait autrefois : « Elle reste mélancolique dans son rêve accompli… » L’ermite saint Antoine, sur la montagne de la Thébaïde, ayant, lui aussi, réalisé sa chimère mystique, comprend que la puissance de sentir lui fait défaut ; il cherche avec angoisse la fontaine d’émotions pieuses qui jadis s’épanchait du ciel dans son cœur : « Elle est tarie maintenant, et pourquoi… ? […] Si, par bonheur, il est doué d’un sens droit, la mesure sera gardée ; mais il en est beaucoup que leur imagination déborde, et alors ils ont plus d’un rapport avec les romantiques tant décriés par eux. […] Vraiment, il n’a pas eu de bonheur dans ses rencontres. […] Il appuya une échelle à côté de la fenêtre et frappa lui-même contre le volet, d’abord doucement, puis plus fort. « — Quelque obscurité qu’il fasse, on peut me tirer un coup de fusil, pensa Julien. » Cette idée réduisit l’entreprise folle à une question de bravoure… Il descendit placa son échelle contre un des volets, remonta, et, passant la main dans l’ouverture en forme de cœur, il eut le bonheur de trouver assez vite le fil de fer attaché au crochet qui fermait le volet, d’abord doucement puis plus fort. « Quelque obscurité qu’il fasse, on peut me tirer un coup de fusil, pensa Julien.
Dans ses œuvres de critique, elle attaque ce qui n’est conforme ni à la raison, ni au bonheur. […] Robert de Miranda : « Le devoir de tous ceux qui pensent est de se recueillir et de s’armer pour apporter à ceux qui n’ont ni le bonheur, ni la bonté, la douceur d’être bons avec la joie de vivre. » M. […] Il faut pourtant venir à bout de ce rebelle qui, lorsqu’on lui affirme que le bonheur de l’homme s’appelle « je crois » ou « je rêve », répond : « Le bonheur de l’homme s’appelle : je veux. » Voici justement que s’amènent ses précepteurs : Schopenhauer, l’ascète aux mains glacées dont les songeries s’envolent, chauves-souris lugubres, vers le Nirvâna ; et Wagner qui mit en musique maints paragraphes du Monde comme volonté et comme représentation. […] Et l’homme pourra se dire libre seulement le jour où, ayant oublié le sens des mots, gain, spéculation, rente, il deviendra un bel animal, sans foi ni loi, jouissant de la vie dans la plénitude de ses fonctions, heureux du bonheur d’autrui comme de son propre bonheur. […] Que de fois, au lever du soleil, quand les collines, les champs, les arbres semblent une prière devant l’astre splendide, j’ai entendu s’élever en moi l’hymne du bonheur futur.
Assez d’occasions s’offriront de ramener l’attention publique sur les titres d’une renommée qui est dès longtemps le patrimoine universel : aujourd’hui il convenait de remarquer avant tout cette partie supérieure et puissante du talent, par laquelle le poète léger, et si souvent brillant dans la gaieté et dans le badinage, a eu l’art et le bonheur de graver son nom sur l’un des marbres les plus indestructibles de l’histoire.
Mais aujourd’hui laissons tout sujet de satire ; A Bâville aussi bien on t’en eût vu sourire, Et tu tâchais plutôt d’en détourner le cours, Avide d’ennoblir tes tranquilles discours, De chercher, tu l’as dit, sous quelque frais ombrage, Comme en un Tusculum, les entretiens du sage, Un concert de vertu, d’éloquence et d’honneur, Et quel vrai but conduit l’honnête homme au bonheur.
Vinet n’a pas eu le même bonheur que Topffer ; il a vu son cher pays en proie aux violents, la culture de quinze années détruite en un jour, ses meilleurs amis dispersés ; il a bu tout le calice d’amertume dont était capable sa nature tendre, et il est à croire que, tout en sentant qu’il en souffrait et qu’il en mourait, sa belle âme en tirait un nouveau sujet de rendre grâces et de bénir.
La république, pour lui, c’est une égalité d’aisance et de bonheur, c’est une Athènes nouvelle, une république de cocagne ; que d’autres revendiquent le manteau sale et troué de Diogène, il aime bien mieux le manteau d’écarlate d’Alcibiade ; s’il est besoin de voiler la statue de la liberté, que ce soit, selon lui, non pas avec un drap mortuaire, mais avec une gaze transparente ; qu’un autel à la miséricorde s’élève à côté de l’autel de la patrie, et qu’un comité de clémence tempère l’inexorable aréopage.
Il nous paraît avoir mieux saisi notre littérature vivante et en avoir exprimé quelques traits avec bonheur.
Paris9, l’enlèvent à la poésie du moyen âge beaucoup de ce qui fait le charme et la profondeur de celle d’autres époques : l’inquiétude de l’homme sur sa destinée, le sentiment douloureux de grands problèmes moraux, le doute sur les bases mêmes du bonheur et de la vertu, les conflits tragiques entre l’aspiration individuelle et la règle sociale. » Elles tarissent en un mot les profondes sources du lyrisme.
Paul Souchon Issu d’une tige rustique, instruit de la belle antiquité sous un climat facile et comparable à celui qui régissait Athènes et Rome, ayant pris un long contact, à Paris, avec l’âme française et les jeunes hommes de sa génération, retiré maintenant dans la solitude et le bonheur, aux bords de la mer, M.
Il constate : Renan a posé son bonheur dans la science, comme dans la science toute assurance sociale. — Or la science a fait faillite, comme dit l’autre.
Ses écrits historiques ne sont pas impérissables : les arrière-neveux ne se soucieront pas de son goût de Watteau, ou de Hok’saï ; même ses prétentions à écrire les chapitres d’une clinique sociale laisseront profondément indifférent, Mais il demeurera bien un ou deux de ses romans, choisis au petit bonheur de la postérité.
Les principes du Christianisme, bien gravés dans le cœur, seroient infiniment plus forts que ce faux honneur des Monarchies, ces vertus humaines des Républiques, & cette crainte servile des Etats despotiques… Chose admirable, dit-il ailleurs, la Religion Chretienne, qui ne semble avoir d’objet que la félicité de l’autre vie, fait encore notre bonheur dans celle-ci ».
Ils nous ont sans doute laissé d’admirables peintures des travaux, des mœurs et du bonheur de la vie rustique ; mais, quant à ces tableaux des campagnes, des saisons, des accidents du ciel, qui ont enrichi la muse moderne, on en trouve à peine quelques traits dans leurs écrits.
Mais ce que nous avons vu avec bonheur, et ce que la Critique marquera comme un affermissement de l’intelligence de Méry dans une voie où cette intelligence devait s’avancer hardiment en raison même de l’élévation de sa nature, c’est la mâle et saine manière de penser sur les choses religieuses qui sont le fond de cette grande histoire, que Gibbon, malgré un talent qui approchait du génie, n’a pas su juger parce qu’il n’était pas chrétien.
En conséquence la métaphysique doit essentiellement travailler au bonheur du genre humain dont la conservation tient au sentiment universel qu’ont tous les hommes d’une divinité douce de providence.
La mémoire, c’est la lampe du soir de la vie : quand la nuit tombe autour de nous, quand les beaux soleils du printemps et de l’été se sont couchés derrière un horizon chargé de nuages, l’homme rallume en lui cette lampe nocturne de la mémoire ; il la porte d’une main tremblante tout autour des années aujourd’hui sombres qui composèrent son existence ; il en promène pieusement la lueur sur tous les jours, sur tous les lieux, sur tous les objets qui furent les dates de ses félicités du cœur ou de l’esprit dans de meilleurs temps, et il se console de vivre encore par le bonheur d’avoir vécu. […] Plus heureux que le Dante toscan, on sent le bonheur intime à travers ses rugissements de poète indigné ; car Laprade n’a connu ni les odieuses vengeances des partis politiques, ni l’exil, ni le veuvage du cœur ; heureux fils, heureux amant, heureux père ! […] Que Dieu lui conserve tous ces bonheurs : il les mérite par son caractère, de la même trempe que son génie ; car, au milieu de cette cohue de talents sceptiques, railleurs, ironiques, oiseaux siffleurs qui profanent depuis dix ans la poésie par des indécences ou des persiflages, et qui font descendre comme Heine le feu du ciel pour allumer leur cigare, Laprade, lui, conserve son honnêteté à la haute littérature.
Le loisir dans le bonheur incite seulement à rêver, c’est-à-dire à sommeiller et à dormir, la tête à l’ombre et les pieds au soleil, à pratiquer ce bel hédonisme que je nommerais volontiers édredonisme. […] Son bonheur suffit à son bonheur, si je puis dire.
Il éprouve un bonheur fiévreux, quelque rapide grandissement de soi, dans cette vie évoquée, et qu’il revit. […] Elle redoute une trahison ; mais la reine Iseult, dédaigneuse des craintes, ne connaît que son bonheur. […] Il sembla que toutes les œuvres qui ont précédé Tristan l’annonçaient et le faisaient pressentir ; et je crois que, pour qui connaît bien l’œuvre du maître, il n’y a pas de plus vif bonheur que de retrouver à chaque page ces drames musicaux qui suivirent, et jusque dans Parsifal, le souvenir presque obsédant des harmonies de Tristan.
André A Hard, Raoul Baron, Bonheur, Jules de Brayer, M. et Madame Henry Cordier, MM. […] Dans cette même œuvre, en outre, le n° 5 intitulé La Harpe éolienne, est entièrement fait d’une réminiscence du morceau précédent, le chant du bonheur du ténor, chanté ici par une clarinette quasi lointaine et enveloppée à cet effet dans un sac de cuir ou de toile. […] Et la réponse, d’abord un peu grave, bientôt paraît toute éclairée de quelque impérissable bonheur. « Oui, il faut que cela soit !
Bientôt des inquiétudes pénètrent leur bonheur et, comme la mer immense envahit peu à peu une barque frêle, les voix des douleurs arrivent à eux et les troublent. Va-t-elle donc, agonie qui se débat, sombrer dans l’universelle souffrance, la pauvre barque de leur bonheur. […] Le troisième chant nous ramène sur cette colline, devant ce calvaire où le poète releva la femme et lui fit partager son illusion de bonheur.
Justement elle a une lettre à écrire ; Raymond, penché sur son épaule, dévore des yeux les lettres à peine formées, puis il déchire le paquet maudit… Ô bonheur ! […] parce qu’il vous a plu de me faire la cour, parce que j’ai été assez confiante pour croire en vous, parce que je vous ai jugé un galant homme, vous deviendriez un obstacle au bonheur de toute ma vie ? […] Il a gagné six millions au jeu des affaires, et il porte cet insolent bonheur sans trop d’insolence ; s’il péchait, ce serait plutôt par gloriole de roture et de modestie.
À être collectionneur, voici un joli dada de bonheur. […] Tous alors nous étions des enfants, ne songions qu’à être des enfants, et c’étaient des vacances remplies à déborder de passe-temps sans déboires et de bonheurs qui avaient des lendemains. […] la comédie, c’était le grand bonheur, le plaisir des plaisirs, la joie suprême de chacun de nous !
* * * — Expression d’un marchand d’eau-de-vie artiste : « Oui, c’est de l’eau-de-vie… mais pas de l’eau-de-vie qui donne chaud sous les ongles. » Vendredi 9 février Zola disait hier chez Daudet « que nous avions un malheur… que nous avions trop besoin de nous faire plaisir… qu’il fallait, que la page que nous écrivions, nous donnât aussitôt, après sa fabrication, le petit bonheur d’une harmonie, d’un tour, d’un orné, auquel nous sommes habitués dès l’enfance. » * * * — M…, un modiste de filles, déclarait qu’il n’habillait pas les femmes du monde, parce qu’elles manquaient de conversation. […] * * * — Rue Godot-Mauroy, parmi la paille étendue sur le pavé pour le repos et la tranquillité d’une agonie, des enfants se roulent joyeusement, avec quelque chose du bonheur, qu’on a dans la campagne sur l’herbe. […] Il y a comme un éveil de bonheur bruyant à la cantonade, que l’air charrie dans les premiers plans.
Mon bonheur est grand, croyez-le, d’avoir matériellement et personnellement arraché un morceau de France aux Boches. […] Le général commandant la division, en lui épinglant le ruban sur la poitrine, lui dit : « Avant de vous féliciter, lieutenant, je dois vous dire : Merci. » Et le jeune légionnaire aussitôt d’écrire à son père : « C’est en pensant à votre joie et en remerciant Dieu de ce grand bonheur qu’il nous accorde que j’ai reçu ce matin l’accolade de l’épée. […] Le Ciel a voulu sans doute vous donner, à vous et à maman, ce bonheur au milieu de tant de sacrifices.
Je vous rapporterai tout cela si j’ai le bonheur de vous revoir et si nous causons jamais quelque part à loisir. — Adieu, mon cher Fauriel. […] Si nous avons pu paraître sévère une fois envers lui, il est juste de dire que, dans toute cette relation avec Fauriel, il se montre tout à fait à son avantage, non plus sceptique absolu, mais sceptique regrettant le bien, cœur triste, appréciant le bonheur sans l’espérer, ami affectueux du moins et reconnaissant. […] Peut-être au reste le bonheur est-il presque impossible, du moins à moi, puisque je ne le trouve pas auprès de la meilleure et de la plus sipirituelle des femmes. […] soignez bien cette plante rare qu’on nomme le bonheur ! […] Baggesen et vous sur le Mont de la Vierge, et là, oubliant tous les soucis terrestres, j’éprouvais un bonheur inespéré et pour ainsi dire céleste.
Le travail préparatoire n’en fut pas moins continué, et nous espérions bien avoir le bonheur d’aider notre illustre ami dans l’accomplissement de son travail. […] Les femmes sensibles vous trouvaient intéressant, et, s’apitoyant sur votre fin prochaine, abrégeaient pour vous l’attente du bonheur pour qu’au moins vous fussiez heureux en cette vie. […] Il préférait les enfouir dans quelque petite feuille obscure, peu rétribuée, aux abonnés problématiques, comme s’il eût été heureux de n’être pas lu — singulier bonheur ! […] Il regrettait de dépenser son talent en une foule d’œuvres éparpillées, et ce fut pour lui un bonheur d’exécuter chez M. […] Cet insuccès fut peut-être un bonheur pour son originalité.
Ainsi conçu, l’amour devient une chose presque sainte : le spectateur n’a plus envie de faire le malin et de plaisanter ; elles songent non à leur bonheur, mais au bonheur de celui qu’elles aiment ; c’est le dévouement qu’elles cherchent, et non le plaisir. « On m’appela en hâte, dit Euphrasie à Philaster en lui contant son histoire87, pour vous entretenir ; jamais homme, — soulevé tout d’un coup d’une hutte de berger jusqu’au trône, — ne se trouva si grand dans ses pensées que moi. […] Si seulement j’avais pu vivre en votre présence, — j’aurais eu tout mon désir. » Elle s’est déguisée en page, elle l’a suivi, elle a été sa servante88 ; et quel plus grand bonheur pour une femme que de servir à genoux celui qu’elle aime ? […] Il y a dix jours qu’elle ne dort plus et ne veut plus manger, et toujours la même fatale pensée lui serre la poitrine, parmi de vagues rêves de tendresse et de bonheur maternel frustré, qui reviennent en son esprit comme des fantômes98. « Nulle fausseté n’égale une promesse rompue. […] trop heureux, le bonheur rend hautain, à ce qu’on dit… Il n’y a pas de paix pour une épouse arrachée à son vrai mari, arrachée de force par un mariage infâme. […] De là le bonheur et la solidité de leur mariage.
Alors paraît la maladie du siècle, l’inquiétude de Werther et de Faust, toute semblable à celle qui, dans un moment semblable, agita les hommes il y a dix-huit siècles : je veux dire le mécontentement du présent, le vague désir d’une beauté supérieure et d’un bonheur idéal, la douloureuse aspiration vers l’infini. […] Il y a une vérité sublime derrière l’expérience grossière et les catéchismes transmis ; il y a un bonheur grandiose par-delà les agréments de la société et les contentements de la famille. […] » Il y a une beauté, une honnêteté, un bonheur en dehors des conventions et de l’hypocrisie, par-delà les prêches corrects et les salons décents, à côté des gentlemen en cravates blanches et des révérends en rabats neufs. […] La débauche avait presque gâté la belle imagination « qui auparavant était la source principale de son bonheur », et il avouait qu’au lieu de rêveries tendres il n’avait plus que des désirs sensuels. […] Dès sa naissance, il eut « la vision » de la beauté et du bonheur sublimes, et la contemplation du monde idéal l’arma en guerre contre le monde réel.
Mais quel bonheur ils ont, quelle sérénité ! […] Ce fut un des bonheurs de Flaubert de posséder cette amitié vigilante, scolaire, utile. […] Il le possédait, ce bonheur-là, et il n’en était pas plus joyeux ». […] La dernière tirade paraissait singulière, et on se demandait à quoi elle rimait : « Ô bonheur ! bonheur !
Il est heureux, tandis que moi et tous ceux qui l’ont connu nous ne pouvons plus l’être, jusqu’à ce que nous ayons le bonheur de le rencontrer dans un monde meilleur pour ne plus nous séparer.” » XIII « Frappé coup sur coup dans ce qu’il avait de plus cher au monde, Mozart se sentit défaillir. […] « Outre le plaisir et la surprise de mon arrivée imprévue, il y avait une circonstance antérieure qui rendait cette surprise et ce bonheur infiniment plus frappants pour lui, car ce jour-là était précisément le second jour du mois de novembre ou le jour des Morts, fête funèbre particulièrement solennisée dans tous les pays catholiques. […] Comme je n’avais jusque-là parlé ni peu ni beaucoup de ma chère compagne de voyage, je pensai que c’était le moment opportun de faire mention de mon bonheur à la famille ; et, pour ramener sur les lèvres la gaieté que les larmes mal contenues du père avaient contristée sur les visages, je parlai ainsi : « Ne pensez pas pourtant, mesdemoiselles mes sœurs, que je sois venu seul de Londres revoir mon pays ; j’ai amené avec moi une belle jeune femme qui a dansé comme vous sur ce théâtre, et que j’aurai probablement le plaisir de vous présenter, demain ou après-demain, comme une huitième sœur. — Est-elle vraiment aussi belle que vous la faites ? […] Laisse-moi pénétrer dans le cercle de tes ravissantes apparitions ; puissent les rêves qui tantôt m’inspirent l’effroi, et tantôt se changent en messagers de bonheur, tandis que le sommeil retient mon corps sous des liens de plomb, délivrer mon esprit et le conduire aux plaines éthérées !
Mais on peut décrire la vie du gentilhomme savoyard de ces vallées quand on a eu, comme moi, le hasard et le bonheur de vivre avec eux et de leur vie dans sa jeunesse. […] Il avait passé sa jeunesse dans les camps ; il passait son âge mûr dans sa douce retraite, qui servait de halte et d’asile à tous les parents, et là il savourait l’amour d’une cousine adorée et adorable qu’il avait épousée tard et qu’il possédait avec délices, comme les bonheurs longtemps suspendus. Ce bonheur se lisait sur son visage épanoui sous ses cheveux blancs comme un soleil d’automne sur la neige ; il était gai, content, reposé sans prétention et nullement sans charme, toujours prêt à fournir l’occasion de la réplique à ses frères pour les faire briller en s’éclipsant, parlant du comte comme d’un ancien, de l’abbé comme d’un saint, de Xavier comme du Benjamin absent et regretté de la tribu. […] Ce que je lui conseillais alors d’effacer, je l’effacerais encore aujourd’hui de ses pages : toutes les excentricités de style ne sont pas des bonheurs d’expression.
C’est Jupiter lui-même, le maître de l’Olympe, qui dispense le bonheur aux mortels, aux bons et aux mauvais à son gré. […] Personne ne le voit, l’âme des mortels le conçoit par la pensée ; il fait rapidement, chez les hommes, succéder au bonheur l’infortune. […] Et douze fois par jour, sur son trône de reine, Elle écoute à ses pieds ma pendule d’ébène, Sonner douze heures de bonheur. […] Il pouvait se cacher dans la foule, vivre et mourir incognito ; bonheur qui, par punition du ciel, m’est refusé.
Année 1874 1er janvier 1874 Je jette dans le feu l’almanach de l’année passée, et les pieds sur les chenets, je vois noircir, puis mourir dans le voltigement de petites langues de feu, toute cette longue série de jours gris, dépossédés de bonheur, de rêves d’ambition, — de jours amusés de petites choses bêtes. […] J’ai vu peu de femmes si studieusement occupées du bonheur de leurs maris, que la femme de mon ami. […] Lundi 30 novembre Le bonheur de rentrer dans son chez soi de banlieue, de s’enfermer au milieu du dos de ses livres, des reflets de ses bronzes, des éclairs de ses porcelaines, du chatoiement de ses tapis, et de ses portières ; le bonheur, à la clarté d’un feu de bois, à la lumière douce donnée par une lampe de l’ancien système, de corriger des épreuves, en remuant des bouquins, en ouvrant des cartons, en feuilletant des gravures : — cela à la fois dans le silence et la plainte d’un vent de campagne.
Nous sommes convaincu qu’il y a eu avant nous une humanité primitive tout aussi bien douée, et, disons franchement notre pensée, qui est en cela la pensée des livres sacrés, de toutes les grandes races religieuses ou historiques du globe, qu’il y a eu une humanité mieux douée de lumière, de vérités divines, de facultés et de bonheur que nous. […] C’était un homme juste. » Ici tableau patriarcal et pastoral de la richesse, de la considération, du bonheur domestique de cet homme puissant et heureux. […] « Et il a dit à l’homme : Craindre le Seigneur, voilà la sagesse ; fuir le mal, voilà l’intelligence. » Par une réminiscence naturelle, un retour sur lui-même le ramène à la contemplation de sa jeunesse et de son bonheur, dont il fait un tableau embelli par le lointain et par le regret. […] L’aspiration de la félicité le tourmente, et chacun des organes qui semblent avoir été créés pour lui demander et lui procurer du bonheur ne lui rapportent que des déceptions, des souffrances, des tortures de l’âme et du corps.
Il n’est point de parfait bonheur sur la terre, parce que ce n’est pas ici le temps des consolations, mais le temps des peines : l’élévation a ses assujettissements et ses inquiétudes ; l’obscurité, ses humiliations et ses mépris ; le monde, ses soucis et ses caprices ; la retraite, ses tristesses et ses ennuis ; le mariage, ses antipathies et ses fureurs ; l’amitié, ses pertes ou ses perfidies ; la piété elle-même, ses répugnances et ses dégoûts : enfin, par une destinée inévitable aux enfants d’Adam, chacun trouve ses propres voies semées de ronces et d’épines. La condition la plus heureuse en apparence a ses amertumes secrètes qui en corrompent toute la félicité : le trône est le siège des chagrins comme la dernière place ; les palais superbes cachent des soucis cruels, comme le toit du pauvre et du laboureur ; et, de peur que notre exil ne nous devienne trop aimable, nous y sentons toujours, par mille endroits, qu’il manque quelque chose à notre bonheur.
Devenu à vingt-trois ans veuf de sa première femme, il songea à faire un mariage d’amour, et crut pourvoir au bonheur de toute sa vie en épousant une personne accomplie, mais qui était restée dans une position fausse, duchesse de Lorraine durant quelques heures, et puis bourgeoise après comme devant. […] Il y mena quelque temps une vie d’indépendance, d’union parfaite, de bonheur sans nuage auprès de la personne distinguée qui (autant qu’on peut l’entrevoir) lui était supérieure et qui semblait l’avoir fixé.
Il avait depuis peu (novembre 1787) assuré son bonheur domestique en épousant une femme qui avait eu autrefois une grande beauté, qui en gardait quelque chose, veuve, ayant déjà passé les belles années de la jeunesse, mais qui avait été l’amie intime de sa mère : il la voyait telle encore qu’il l’avait vue au premier jour. […] Les beaux jours de Bailly sont passés, il n’aura plus désormais que des instants ; il le reconnaît lui-même, du moment qu’il est nommé maire et premier magistrat de la capitale, « ce jour-là, mon bonheur a fini ».
Après tout, assez peu lui importe qu’on atteigne à cette croyance vive qui est la source unique de la vérité et du bonheur, selon Pascal et les vrais croyants. […] Et comment voulez-vous que Charron, dans sa controverse chrétienne et dans les discours religieux qu’on a de lui, ait touché au vif la fibre humaine, lorsqu’au fond il a en tel mépris ceux qu’il appelle dogmatises et qui affirment, c’est-à-dire qui n’osent se maintenir dans cet état de balance parfaite où il place le bonheur et la sagesse ?
Il se compare à Clément Marot, poète et valet de chambre également, et qui s’est mal trouvé en Cour des accusations et calomnies de ses ennemis ; mais Sénecé n’a pas d’ennemis, il n’a pas été calomnié ; à lui, il ne lui est arrivé qu’un accident bien simple : une mort de reine l’a dégagé d’une domesticité honorifique, d’une chaîne dorée ; il est retombé dans son ordre et dans sa classe : c’est assez pour son malheur, pour son incurable ennui, car le bonheur le plus souvent dépend pour nous de ce premier cadre idéal dans lequel l’imagination, dès la tendre jeunesse, s’est accoutumée à placer et à découper la perspective flatteuse de la vie. […] Or Sénecé en a fait beaucoup de faibles, de médiocres et d’inutiles, c’est le cas de tous les auteurs d’épigrammes ; mais il en a fait aussi de bonnes, et en voici une qui me paraît excellente ; elle est imitée ou plutôt inspirée de Martial et de ses vœux de bonheur, mais avec un rajeunissement original et piquant ; elle est adressée à Bellocq, valet de chambre de Louis XIV, ancien camarade et ami intime de Sénecé : Pour être heureux, je, voudrais peu de chose Esprit bien sain, tempérament de fer, D’argent comptant bonne et loyale dose, Glace en été, bon feu pendant l’hiver ; Amis choisis, et livres tout de même ; Un peu de jeu, sans pourtant m’y piquer ; Point de procès, dispense de carême.
Après un exercice de six années, il acheta un office d’argentier du roi, puis fut trésorier de l’extraordinaire des guerres, puis trésorier des parties casuelles : il avait parfois des traverses ; les gens de finance étaient sujets alors à suspicion et à des accusations fréquentes, trop souvent justifiées ; il en rencontra sur sa route et en triompha par son bonheur et par sa probité. […] Dans le récit domestique où il raconte, sans prétendre la surfaire, cette vie si honorable d’un homme de médiocre condition, son fils André avait bien raison de dire au début : Ceux qui liront ce discours souhaiteront peut-être sa bonne fortune et tâcheront d’imiter ses vertus et perfections ; car étant aîné d’une famille médiocre en extraction et en biens, ayant perdu son père à cinq ans, sa mère s’étant remariée deux ans après, avoir par tous moyens amassé des biens suffisamment et être parvenu à des charges très honorables, n’est-ce pas un bonheur très grand et très rare ?
J’espère tout de cette crise et pour le bonheur et la santé de mon amit. […] J'espère tout de cette crise et pour le bonheur et la santé de mon ami.
Mon caractère ne serait point là placé convenablement, et, dès lors, plus de bonheur pour moi. […] « N’y comptez pas, lui écrivait Béranger ; il n’osera jamais entrer en lutte avec Rossini, je vous le prédis. » Et tout aussitôt : « Ce dont je vous félicite bien, c’est d’avoir une bonne redingote d’hiver, voilà du bonheur. » Cette redingote d’hiver nous amène à une certaine lettre du pantalon, qui est impayable.
Le mal qu’on vous dit des choses ou des gens en fait, pour bien des cœurs, le premier attrait ; le bonheur et l’innocence sont trop fades. […] Ma tendresse au bonheur ne te saurait conduire ; Même en tes yeux l’amour me sourirait trop tard.
Le voyage de Satan dans l’espace, hors du chaos, à la découverte, son arrivée aux limites du monde nouvellement créé, son déguisement, son entrée furtive dans le Paradis, le spectacle de bonheur et de délices conjugales dont il est témoin et qui le navre d’envie, ce premier tableau divin et unique du bonheur dans le mariage, tout cela prépare, inquiète, intéresse, ouvre des horizons immenses, crée un fond, une perspective antérieure, donne à la scène tout son sens et toute sa portée, fait de la place à l’action qui va suivre.
Il vient de parler des diverses hymnes et proses célèbres de la liturgie, le Dies iræ, le Vexilla, le Stabal, et il en a défini l’impression profonde avec largeur et vérité : « Je sais que beaucoup, dit-il, qui n’ont peut-être jamais mis le pied dans une église pour prier, qui n’ont jamais ressenti dans leur cœur la pieuse ferveur de la foi, riront de mon enthousiasme et de mon admiration ; mais je dois leur dire que depuis sept ans j’ai manqué peu de représentations au Théâtre-Italien, que j’ai suivi assidûment les concerts du Conservatoire, que Beethoven m’a donné la fièvre de plaisir, que Rossini m’a remué jusqu’au fond de l’âme, que Mme Malibran et Mlle Sontag ont été pour moi de bienfaisantes divinités ; que pendant près de deux ans je n’ai eu d’autre religion, d’autre espérance, d’autre bonheur, d’autre joie que la musique ; que, par conséquent, ils ne peuvent me regarder comme un trappiste qui ne connaît que ténèbres et matines ; mais il faut qu’ils sachent aussi que celui qui leur parle, et qui aujourd’hui est bien loin de la foi chrétienne, a été pendant cinq ans catholique fervent, qu’il s’est nourri de l’Évangile, de l’Imitation ; qu’élevé dans un séminaire, il y a entendu des chœurs de deux cents jeunes gens faire résonner sous une voûte retentissantel’In exitu. […] comme il manie les masses vocales et instrumentales ; quel bonheur dans le retour du mot Credo qui revient incessamment après chaque période musicale, comme une énergique et solennelle affirmation 1 quelle force !
Ici, c’est tout autre chose ; c’est le jeune homme en feu qui sort de la maison où il a conquis le bonheur ; il a besoin d’éclater, son cœur déborde ; il est dans l’impatience de dire au premier qui l’interrogera : Je suis heureux. […] pas un curieux, pas un ami, personne Qui s’attache à mes pas, me tourmente et s’étonne, Demande d’où me vient ce bonheur, cet habit, Où je vais, d’où je sors, si j’ai perdu l’esprit ?
Tout entier viens me rallumer ; De mon bonheur reine envieuse, Viens de ton âme m’animer. […] Lebrun ne passa pas moins de neuf belles saisons, jouissant du bonheur présent, anticipant en idée l’avenir, prenant volontiers sa paresse pour de l’étude, préparant de longues œuvres, se jouant à de moindres essais, se laissant aller à l’inspiration du moment, s’oubliant peut-être parfois en d’autres doux songes et en des erreurs qui valent mieux que la gloire.
Autrefois, après la lutte, on trouvait dans l’atelier et dans la maison la paix et un repos réparateur : aujourd’hui la lutte est dans la maison même ; elle continue d’une manière sourde, lorsqu’elle n’éclate pas ouvertement ; elle mine donc incessamment la société en détruisant toute chance de bonheur domestique. » La Révolution française, en s’attaquant aux désordres des règnes antérieurs et, du même coup, à tout l’ordre ancien, a dû faire appel à la passion plus encore qu’à la vérité. […] Cette grande qualité sociale, ainsi composée et combinée de deux contraires, quand on a le bonheur de l’avoir conquise et de la bien pratiquer, donne à la concurrence des esprits et au jeu des forces libres toute leur activité et toute leur vie, en conjurant les dangers qui naissent du refoulement et de la compression : « Elle permet, il est vrai, la propagation du mal, mais elle donne à celle du bien une force incomparable.
Pendant les six premières années de son séjour à Paris, et jusqu’à la chute de Fouquet, La Fontaine produisit peu ; il s’abandonna tout entier au bonheur de cette vie d’enchantement et de fête, aux délices d’une société choisie qui goûtait son commerce ingénieux et appréciait ses galantes bagatelles ; mais ce songe s’évanouit par la captivité de l’enchanteur. […] Par bonheur, une jeune femme riche et belle, madame d’Hervart, s’attacha au poëte, lui offrit l’attrait de sa maison, et devint pour lui, à force de soins et de prévenances, une autre La Sablière.
Étienne devait à son bonheur même d’avoir des envieux et des ennemis : le bruit se répandit que la pièce des Deux Gendres n’était pas de lui, ou du moins qu’il avait eu pour la composer des secours tout particuliers, une ancienne comédie en vers. […] Molé s’en est emparé avec bonheur, avec l’accent d’une vieille amitié et de la justice ; il a ainsi renoué la chaîne dont le nouvel élu n’avait su voir que les derniers anneaux d’or.
Cette contention d’esprit sur des intérêts frivoles en tout, excepté par l’influence qu’ils exerçaient sur le bonheur, ce besoin de réussir, cette crainte de déplaire, altéraient, exagéraient souvent les vrais principes du goût naturel : il y avait le goût de tel jour, celui de telle classe, enfin celui qui devait naître de l’esprit général créé par de semblables rapports. […] Un homme d’esprit disait : Le bonheur est un état sérieux.
Tandis que la plupart des hommes supérieurs, soit fatigue, soit défiance mélancolique dans les vues de l’esprit si souvent démenties, finissent par le détail, le fait, et s’éteignent dans les timides plaisirs de l’érudition, c’est le temps pour Buffon de l’invention, des affirmations hardies, de la foi dans l’esprit, de la passion pour cette recherche des causes où Virgile rêvait le bonheur du sage. […] Buffon semble nier les bonheurs du premier jet, suspecter la verve, exclure la peinture à fresque, aussi charmante dans les pages d’un livre que sur les murs d’une coupole.
On s’est étonné de cette formule : la Science pour la Science ; et pourtant cela vaut bien la vie pour la vie, si la vie n’est que misère ; et même le bonheur pour le bonheur, si l’on ne croit pas que tous les plaisirs sont de même qualité, si l’on ne veut pas admettre que le but de la civilisation soit de fournir de l’alcool aux gens qui aiment à boire.
Partant de ce principe bizarre que « nommer un objet, c’est supprimer les trois quarts de la jouissance du poème qui est faite du bonheur de deviner peu à peu », il s’interdit de traiter autrement que par allusions, les vers et les proses qu’il offrait à la sagacité de ses lecteurs… Il accuse les mots de ne pas représenter suffisamment ses concepts. […] Il eut le culte de la pensée au point de lui sacrifier tout bonheur. » M.
Le banal et superficiel déchirement de l’époque : la lutte pour rire entre un faible rationalisme appris et une faible foi apprise, enfant scrofuleux et vieillarde mourante ; entre un pessimisme qui est peut-être la vérité et une religion qui est peut-être le bonheur, qui, dans tous les cas (Bourget en est certain comme Brunetière) est aujourd’hui la meilleure savonnette à vilains. […] Paul Bourget n’a eu qu’une fois l’avilissant bonheur de renouveler en sentiment bas et personnel une pensée qui est basse et bête depuis des siècles.
L’auteur a pour but de démontrer qu’au point de vue chrétien et catholique, la communion crue et acceptée dans sa plénitude, la communion fréquente et bien faite (quand on a le bonheur d’y croire), est la plus sûre, la plus efficace et la plus vive méthode de charité. […] Trois fois dans ma vie j’ai eu le bonheur de le voir en des lieux qui lui convenaient à souhait et qui semblaient son cadre naturel : en 1831, à Juilly, sous les beaux ombrages que Malebranche avait hantés ; en 1839, à Rome, sous les arceaux des cloîtres solitaires ; et hier encore, dans les jardins de l’évêché d’Amiens où il vit près de son ami M. de Salinis.
Mais c’est surtout au xixe siècle que la preuve a eu lieu, éclatante et incontestable, de la faculté qu’ont les poètes d’entrer dans la prose avec la supériorité de leur génie, quand ils ont le bonheur d’en avoir… et d’y devenir tout à coup des maîtres. […] car l’être qu’elle le bonheur d’aimer, c’est son enfant.
Les dogmes abstraits acquis par la science se changeaient ainsi en émotions personnelles et en espérances journalières ; dans une observation de psychologie, dans une classification de logique, il apercevait contenus sa conduite et son bonheur. […] On se dissipe, on s’occupe, on oublie, on rit : bonheur léger et passager qu’il faut prendre ou perdre, sans beaucoup le regretter ni l’attendre, et sur lequel il ne faut pas réfléchir.
Le rêve et l’abstraction, telles furent les deux passions de notre renaissance : d’un côté l’exaltation sentimentale, « les aspirations de l’âme », le désir vague de bonheur, de beauté, de sublimité, qui imposait aux théories l’obligation d’être consolantes et poétiques, qui fabriquait les systèmes, qui inventait les espérances, qui subordonnait la vérité, qui asservissait la science, qui commandait des doctrines exactement comme on commande un habit ; de l’autre, l’amour des nuages philosophiques, la coutume de planer au haut du ciel, le goût des termes généraux, la perte du style précis, l’oubli de l’analyse, le discrédit de la simplicité, la haine pour l’exactitude ; d’un côté la passion de croire sans preuves ; de l’autre la faculté de croire sans preuves : ces deux penchants composent l’esprit du temps. […] Pendant trente ans, tout jeune homme fut un Hamlet au petit pied, six mois durant, parfois davantage, dégoûté de tout, ne sachant que désirer, croire ou faire, découragé, douteur, amer, ayant besoin de bonheur, regardant au bout de ses bottes pour voir si, par hasard, il n’y trouverait pas le système du monde, entre-choquant les mots Dieu, nature, humanité, idéal, synthèse, et finissant par se laisser choir dans quelque métier ou dans quelque plaisir machinal, dans les coulisses de la Bourse ou de l’Opéra.
Zola ses romans synthétiques comme le Bonheur des Dames. […] Chateaubriand, qui s’est cru la victime de tous les malheurs, a eu au contraire tous les bonheurs imaginables. […] Il ne songea pas à la douleur qu’il lui causait ; il la punit malgré lui de ne lui avoir pas donné le bonheur qu’il attendait. […] Ses torts n’ont pas d’autre cause que l’excès de son bonheur. […] Cette invasion, il faut le dire, n’a porté bonheur à personne.
Rien, même de mes pleurs, à celui qui s’en joue, Qui m’a pris mon bonheur et ne me connaît plus !
Une cigale a chanté, et presque aussitôt le poëte a répondu par un hymne mélodieux à cette reine invisible des bois, dont il envie le bonheur, puisqu’elle s’enivre de rosée, et qu’elle chante tout le jour.
Il le fera souvent avec bonheur et avec succès, s’il a soin de le faire discrètement et adroitement, et de ne pas abasourdir le lecteur sous une avalanche de mots baroques et incompris, d’encadrer le terme spécial entre des expressions vulgaires, qui l’enserrent et en expriment pour ainsi dire le contenu, de le déterminer si bien par cet entourage que le sens en jaillisse aussitôt, et qu’il ait la clarté d’un mot vulgaire.
Sully Prudhomme : Le Bonheur.
. — Peinture de la vie bourgeoise, du bonheur honnête et de la vertu protestante. — Le ministre de Wakefield. […] Au milieu de cette gloire et de ce bonheur, elle reste humble, dévouée et tendre ; son cœur est plein, et de toutes parts la reconnaissance y afflue encore. « Cette pauvre, pauvre sotte fille sera aujourd’hui, midi sonné, aussi bien sa femme que s’il épousait une duchesse ! […] On prend en haine son caractère rancunier, concentré, opiniâtre, qui est tout à la fois celui d’un roi absolu habitué à se contenter aux dépens du bonheur des autres et celui d’un rustre qui n’a de l’éducation que le vernis. […] Regardez dans Terburg ou Miéris une femme qui fait son marché, un bourgmestre qui vide son long verre de bière ; les figures sont vulgaires, les naïvetés comiques, la marmite est à la place d’honneur ; pourtant ces bonnes gens sont si paisibles, si contents de leur petit bonheur régulier, qu’on leur porte envie. […] Il n’a pas un coin du feu pareil, ni autour de lui des visages si gais1090. » Voilà le bonheur moral.
Là, elle fut aimée d’un doux savant, nommé Ackermann, qui faisait des dictionnaires et rêvait le bonheur de l’humanité. […] M. de Maupassant l’a trouvé avec un peu d’effort, peut-être, mais avec un plein bonheur. […] Mais, par bonheur, on ne meurt pas toujours, et cela passe. […] Autant et plus qu’un autre, M. de Banville eut ce bonheur-là. […] Chez lui l’humaniste précède l’historien et apporte avec bonheur à l’histoire la contribution des lettres.
Rien qu’un couteau à enfoncer et il a conquis le bonheur. […] Aspirations, Histoire du bonheur, Réveil, telles sont les trois divisions du Songe de l’amour. L’histoire du bonheur commence par les divins enfantillages. […] Rien de plus charmant que les joies enfantines de ces deux âmes qui semblent unies pour toujours ; un rien est un bonheur pour tous deux. […] Avant de chercher son propre bonheur, n’aurait-elle pas du assurer celui de l’être qu’elle chérissait le plus au monde ?
et encore : On meurt en plein bonheur de son malheur passé.
Andrieux professa au collège de France, comme, depuis plusieurs années déjà, il professait à l’intérieur de l’École Polytechnique, et ses cours publics, fort suivis et fort aimés de la jeunesse, devinrent son occupation favorite, son bonheur et toute sa vie.
Le bouddhisme, enfin, est le meilleur baume à la pensée souffrante… Quel bonheur, quand on y songe, que tout ne soit que rêve et vanité !
Rêve de justice et de bonheur universel, amour des faibles et des opprimés, malédiction jetée à une société pourrie ; extase prophétique, pitié, colère, révolte, ce ne sont qu’attitudes généreuses (certes !)
Si on le savait là, on s’éveillerait plus vite et le chercherait ; car le but est le supplice où l’on viole le droit d’asile du Christ houiller ci-devant ; les ouvrages de défense gourmands ne tolèrent une prémice de bonheur et avancent de la porte Sud. — Or, le guet se dégrade lui-même, belluaire pleurant devant le chrétien.
Paul Verlaine : Bonheur.
On ajoute que, son confesseur lui représentant le bonheur de l’autre vie avec des expressions basses & peu correctes, Malherbe l’interrompit, en lui disant : Ne m’en parlez plus, votre mauvais stile m’en dégoûteroit.
En effet, une âme honnête ne se moquerait pas des misérables, quand même elle serait assurée d’être toujours dans le bonheur.
Il serait à souhaiter, pour le bonheur du genre humain, que cette histoire fût vraie, et qu’après les grands crimes, des spectres vengeurs poursuivissent du moins ceux qui, par leur place et leur pouvoir, sont au-dessus des lois.
Tacite nous montre très bien dans ses annales le progrès de cette funeste indifférence ; lorsqu’Auguste fut près de mourir, quelques-uns discouraient vainement sur le bonheur de la liberté, pauci bona libertatis incassum disserere ; Tibère arrive au pouvoir, et tous, les yeux fixés sur le prince, attendent pour obéir, omnes principis jussa adspectare .