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31. (1868) Curiosités esthétiques « II. Salon de 1846 » pp. 77-198

Quant aux peintres espagnols, ils sont plutôt contrastés que coloristes. […] On avait le poëte romantique, il fallait le peintre. […] Delacroix a pour lui les peintres et les poëtes ; M. Decamps, les peintres ; M.  […] Sans être un peintre de premier ordre, il a une couleur brillante et facile.

32. (1896) Hokousaï. L’art japonais au XVIIIe siècle pp. 5-298

Chassé de la maison de son maître pour des raisons restées inconnues, il va prendre la succession du peintre Tawaraya-Sôri, et se fait reconnaître pour le successeur de ce peintre. […] Et l’acteur invitait le peintre à venir le voir, ce que se gardait bien de faire Hokousaï. […] Un peintre de tori-i. […] Dans ce second volume, ce renversement a fourni à l’imagination du peintre un motif tout à fait joli. […] Chaque peintre dessiné et signé par lui.

33. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 1, du génie en general » pp. 1-13

Horace auroit dit la même chose aux peintres. […] Les plus grands versificateurs ne sont pas les plus grands poëtes, comme les dessinateurs les plus réguliers ne sont pas les plus grands peintres. […] Il convient donc de traiter ici du génie et des études qui forment les peintres et les poëtes. Si cet enthousiasme divin, qui rend les peintres poëtes, et les poëtes peintres, manque à nos artisans, s’ils n’ont pas, comme le dit Monsieur Perrault, ce feu, cette divine flâme, l’esprit de notre esprit, et l’ame de notre ame. […] Les esprits les plus communs, sont capables d’être des peintres et des poëtes médiocres.

34. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 6, des artisans sans génie » pp. 58-66

Un homme de cette trempe, que les conjonctures engagent à se faire peintre, imite servilement plûtôt qu’exactement le goût de son maître dans les contours et dans le coloris. […] Le peintre peut donc faire part des secrets de sa pratique, mais il ne sçauroit faire part de ses talens pour la composition et pour l’expression. […] On ne trouve rien de nouveau dans les compositions des peintres sans génie, on ne voit rien de singulier dans leurs expressions. […] C’est la premiere qui s’offre aux peintres qui cherchent la composition, et les figures des tableaux qu’ils ont entrepris plûtôt dans leur mémoire que dans leur imagination. […] Nous avons vû des peintres sans génie, mais devenus célebres pour un temps, par l’art de se faire valoir, travailler plus mal durant l’âge viril qu’ils ne l’avoient fait durant la jeunesse.

35. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Les frères Le Nain, peintres sous Louis XIII, par M. Champfleury »

Les frères Le Nain, peintres sous Louis XIII, par M.  […] L’ouvrage est dédié à l’un des critiques d’art qui ont le mieux parlé de ces peintres, à William Burger, c’est-à-dire le consciencieux Thoré. […] L’un d’eux pourtant, le dernier et qui survécut longtemps à ses frères, devint une espèce de peintre de cour qui jouissait de la faveur des grands. […] Champfleury d’avoir été proprement les peintres des paysans et des pauvres gens : « Les Le Nain, dit-il, chantent la vie de famille. […] C’est bien assez de Philippe de Champaigne, peintre également loyal et sincère, pour le rapprocher des Le Nain.

36. (1765) Essais sur la peinture pour faire suite au salon de 1765 « Examen du clair-obscur » pp. 34-38

La scène d’un peintre peut être aussi étendue qu’il le désire ; cependant il ne lui est pas permis de placer partout des objets. […] Je suis par rapport à ce tableau ce que je suis par rapport à la nature que le peintre a prise pour modèle. […] Elle est d’observation absolue dans le premier genre de peinture dont j’ai parlé dans l’article précédent ; elle n’est pas de même nécessité dans le second genre : le peintre y néglige tout ce qui ne s’aperçoit dans les objets que dans les points plus voisins du tableau que ceux qu’il a pris pour son point de vue. […] Le jeune homme qui avait du goût et de la vérité dans le caractère, dit à sa famille en la remerciant : Vous n’avez rien fait qui vaille, ni vous, ni le peintre. […] Le peintre n’a pas conçu combien la vertu et l’innocence prêtes d’expirer au fond d’un cachot sur un lit de paille, sur un grabat, faisaient une représentation pathétique et sublime.

37. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 25, du jugement des gens du métier » pp. 366-374

D’ailleurs, les peintres et les poëtes s’occupent des imitations comme d’un travail, au lieu que les autres hommes ne les regardent que comme des objets interessans. Ainsi le sujet de l’imitation, c’est-à-dire, les évenemens de la tragédie et les expressions du tableau, font une impression legere sur les peintres et sur les poëtes sans génie, qui sont ceux dont je parle. […] Mais les peintres et les poëtes, sans enthousiasme, ne sentent pas celui des autres, et portant leur suffrage par voïe de discussion, ils louent ou ils blâment un ouvrage en general, ils le définissent bon ou mauvais suivant qu’ils le trouvent régulier dans l’analyse qu’ils en font. […] Un peintre qui de tous les talens necessaires pour former le grand artisan, n’a que celui de bien colorier, décide qu’un tableau est excellent ou qu’il ne vaut rien en general, suivant que l’ouvrier a sçû manier la couleur. […] On voit bien que j’ai parlé seulement ici des peintres et des poëtes qui se trompent de bonne foi.

38. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Horace Vernet (suite et fin.) »

Horace Yernet, notre grand peintre de batailles, arrive demain à Djemmâa-el-Ghazaouet. […] C’est un peintre soldat : il en a le propos, la vanterie ; il en a le feu et le courage. […] Ce fut un jury composé de peintres appartenant à toutes les nations de l’Europe qui lui assigna même le premier rang, en lui décernant la grande, médaille d’honneur. […] « Mon cher monsieur Horace Vernet, je vous envoie la croix de grand-officier de la Légion d’honneur, comme au grand peintre d’une grande époque. […] monsieur Vernet, s’écrie le peintre qui l’avait reconnu ; pour un confrère !

39. (1897) Un peintre écrivain : Fromentin pp. 1-37

Non seulement il était peintre, mais encore il était homme du monde. […] Le peintre l’emporte. […] Il n’a pas indiqué, lui peintre, la couleur d’une seule robe de Madeleine. […] C’est un peintre, qui juge, avec toute la science d’un peintre et toutes les ressources d’un écrivain. […] Le peintre pensait et sentait en peintre.

40. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Topffer »

Il est peintre de paysages, peintre de mœurs, et écrivain. C’est le peintre de paysages qui a été aperçu d’abord, — qui a été goûté, vanté, et qui peut être considéré comme l’occasion de la gloire des deux autres, répondant moins aux préoccupations de l’époque et plus difficiles à apprécier. […] Et l’écrivain, l’écrivain seul ; car le peintre de mœurs n’est pas, dans Topffer, l’égal du paysagiste. […] Le peintre de mœurs, chez Topffer, manque de repli, de profondeur, de ce coup d’œil qui fouille, jusqu’au fond, le sac plein ou vide du cœur de l’homme et la besace de sa vanité ! […] Mais ce qui va bien au paysage et à son peintre : la vapeur, les traits indistincts, les lointains fuyants, mal accusés, noyés, perdus, ne va plus au peintre de l’âme, au moraliste, à l’observateur de la nature humaine qui doit voir clair, tout discerner, tout accuser d’une ligne pure et inflexible.

41. (1868) Curiosités esthétiques « I. Salon de 1845 » pp. 1-76

Delacroix est décidément le peintre le plus original des temps anciens et des temps modernes. […] Ingres, le grand peintre, l’adorateur rusé de Raphaël […] Chasseriau, il y a tout lieu d’espérer qu’il deviendra un peintre, et un peintre éminent. […] Horace Vernet, peintre héroïque. […] Serait-il donc aujourd’hui embarrassé de sa réputation de peintre ?

42. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 39, en quel sens on peut dire que la nature se soit enrichie depuis Raphaël » pp. 387-392

Section 39, en quel sens on peut dire que la nature se soit enrichie depuis Raphaël Au contraire, les peintres qui travaillent aujourd’hui tirent plus de secours de l’art, que Raphaël et ses contemporains n’en pouvoient tirer. […] Nos peintres connoissent presentement une nature d’arbres et une nature d’animaux plus belle et plus parfaite que celle qui fut connuë aux devanciers de Raphaël et à Raphaël lui-même. […] Raphaël et ses contemporains ont vêcu dans des temps où l’Asie orientale et l’Amerique n’étoient pas encore découvertes pour les peintres. […] Les pellerins anglois alloient bien à Rome en grand nombre gagner les pardons ; mais les uns et les autres n’étoient pas peintres, et ce qu’ils pouvoient raconter des animaux de ce païs-là n’en étoit pas un dessein. […] Ainsi tant que les hommes découvriront des païs inconnus, et que les observateurs pourront leur en apporter de nouvelles richesses, il sera vrai de dire que la nature considerée dans les portefeüilles des peintres et des sculpteurs, ira toujours en se perfectionnant.

43. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 9, des obstacles qui retardent le progrès des jeunes artisans » pp. 93-109

On sçait la maxime qui défend aux peintres de laisser écouler un jour entier sans donner quelque coup de pinceau : maxime qu’on applique communément à toutes les professions ; tant on la trouve judicieuse. […] La même constitution qui le fait peintre ou poëte, le dispose aux passions les plus vives. […] Enfin, comme le succès ne sçauroit répondre toujours à la précipitation d’un jeune peintre, il peut bien se dégoûter de temps en temps d’un travail laborieux, dont il ne voit pas naître un fruit qui le satisfasse. […] Quand la force du génie ramenera notre jeune peintre à une étude plus sérieuse de son art, parce que l’yvresse de la jeunesse sera passée, sa main et ses yeux ne seront plus capables d’en bien profiter. […] Les poëtes dont l’apprentissage n’est pas aussi difficile que celui des peintres, se rendent toujours capables de remplir leur destinée.

44. (1761) Salon de 1761 « Peinture —  Doyen  » pp. 153-155

Voici, si j’avais été peintre, le tableau qu’Homere m’eût inspiré. […] Ce peintre sait ordonner, et imaginer. […] Le peintre a fait sagement de s’écarter ici du poète. […] Si le peintre eût gardé cette proportion entre ses figures, les hommes auraient été des pygmées, et l’ouvrage aurait perdu son intérêt et son effet. […] Mais ayant à donner l’avantage de la grandeur à ses héros sur ses dieux, que vouliez-vous que le peintre fît de ceux-ci, sinon des génies, des ombres, des démons.

45. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Horace Vernet (suite.) »

Il est né voyageur tout autant que peintre, et, dès qu’il se met en route, il nage dans son élément. […] C’était pourtant une situation délicate que de se trouver, lui, peintre militaire, peintre de l’armée française et appelé comme tel, au milieu d’une Cour dont la politique était si peu favorable à la France. […] Cette occasion tarda, l’empereur n’étant jamais seul ; il aurait fallu, pour cela, qu’il allât poser dans l’atelier du peintre. […] Il demeurait alors au n° 58 de la rue Saint-Lazare. pas du peintre ; il observe du coin de l’œil plus de choses au moral qu’on ne croirait. […] Ce n’est plus à Mme Vernet, c’est à un peintre de ses élèves, à l’un de ses meilleurs amis, M. 

46. (1856) Le réalisme : discussions esthétiques pp. 3-105

Aussi je ne connais personne qui songe à nier les qualités de peintre de M.  […] (Ne confondez pas le peintre avec le portrait.) […] Courbet veut être le peintre du siècle. […] À droite, sont rangés tous les amis du peintre, y compris M.  […] Ce sont les peintres amis de la vérité, et non pas M. 

47. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Diderot. (Étude sur Diderot, par M. Bersot, 1851. — Œuvres choisies de Diderot, avec Notice, par M. Génin, 1847.) » pp. 293-313

Un peintre a représenté Télémaque chez Calypso : la scène se passe à table ; le jeune héros fait le récit de ses aventures, et Calypso lui présente une pêche. […] que nos peintres ont peu d’esprit ! […] Voilà le Diderot critique et peintre pris sur le fait dans ses vives ébauches. […] Sur Vernet et les sept tableaux que le peintre exposa au Salon de 1767, Diderot a fait tout un poème, je ne sais pas un autre nom. […] On m’a raconté que David, le grand chef d’école, sinon le grand peintre, ne parlait de Diderot qu’avec reconnaissance.

48. (1761) Salon de 1761 « Peinture —  Deshays  » pp. 134-138

Ce peintre, mon ami, est à mon sens le premier peintre de la nation. […] où le peintre les trouve-t-il ? […] Ma foi, ou il faut brûler tout ce que les plus grands peintres de temples ont fait de mieux, ou compter Deshays parmi eux. […] Je demande s’il est permis au peintre de l’avoir fait aussi droit, aussi ferme sur ses genoux ; je demande si malgré la pâleur de son visage, on ne lui accorde pas plusieurs années de vie ; je demande s’il n’eût pas été mieux que ses membres se fussent dérobés sous lui ; qu’il eût été soutenu par deux ou trois religieux ; qu’il eût eu les bras un peu étendus, la tête renversée en arrière, avec la mort sur les lèvres et l’extase sur le visage avec un rayon de sa joie. […] La tête en est belle ; mais on se rappelle le même sujet peint dans un des tableaux placés autour de la nef de Notre-Dame ; et l’on sent tout à coup que le peintre de ce dernier a mieux entendu l’effet des ténèbres sur la lumière artificielle.

49. (1763) Salon de 1763 « Peintures — Deshays » pp. 208-217

À droite du grand-prêtre et de l’autel, le peintre a jeté des assistants témoins de la cérémonie ; ils ont les regards attachés sur les époux. […] Le peintre n’a rien fait encore à mon sens, ni de si beau, ni de si hardi. […] Le peintre y a répandu des traits qui, sans la défigurer, décèlent l’impudence et la méchanceté. […] L’art du musicien qui, en touchant sur l’orgue l’accord parfait d’ut, porte à votre oreille les dissonants ut, mi, sol, ut, sol#, si, ré, ut, en est venu là ; celui du peintre n’y viendra jamais. […] De là la palette particulière, un faire, un technique propre à chaque peintre.

50. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 40, si le pouvoir de la peinture sur les hommes est plus grand que le pouvoir de la poësie » pp. 393-405

Il semble même que l’oeil ébloüi par l’ouvrage d’un grand peintre, croïe quelquefois appercevoir du mouvement dans ses figures. […] Les anciens prétendoient que leurs divinitez eussent été mieux servies par les peintres et par les sculpteurs, que par les poëtes. […] Le peintre qui fait un tableau du sacrifice d’Iphigenie, ne nous represente sur la toile qu’un instant de l’action. […] Un peintre qui representeroit l’instant où l’on va plonger le fer sacré dans la gorge d’Iphigenie, n’auroit pas l’avantage d’exposer son tableau devant des spectateurs aussi-bien préparez, et remplis d’amitié, et d’une amitié récente pour cette princesse. […] Enfin quelques peintres des plus modernes se sont avisez de placer dans les compositions destinées à être vûës de loin, des parties de figures de ronde bosse qui entrent dans l’ordonnance et qui sont coloriées comme les autres figures peintes entre lesquelles ils les mettent.

51. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 4, objection contre la proposition précedente, et réponse à l’objection » pp. 35-43

Mais il n’en est pas de même des hommes qui naissent peintres ou poëtes, et c’est d’eux qu’il est ici question uniquement. […] Le temps que la nature a donné aux enfans destinez à être de grands peintres, pour faire leur apprentissage, dure jusques à vingt-cinq ans. Or le génie qui rend peintre ou poëte, prévient dès l’enfance l’asservissement de celui qui en est le dépositaire aux emplois mécaniques, et il lui fait chercher de lui-même les voïes et les moïens de s’instruire. […] L’enfant né avec le génie qui fait les peintres, craïonne avec du charbon, dès l’âge de dix ans, les saints qu’il voit dans son église : vingt années se passeront-elles avant qu’il trouve une occasion de cultiver son talent ? […] L’histoire des peintres, des poëtes et des autres gens de lettres, est remplie de faits qui convaincront pleinement que rien ne sçauroit empêcher les enfans, nez avec du génie, de franchir la plus grande distance que la naissance puisse mettre entr’eux et les écoles.

52. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre premier. Beaux-arts. — Chapitre III. Partie historique de la Peinture chez les Modernes. »

Théodose, par une loi spéciale de excusatione artificium, déchargea les peintres et leurs familles de tout tribut et du logement d’hommes de guerre. […] Saint Basile va plus loin, car il assure que les peintres font autant par leurs tableaux que les orateurs par leur éloquence 125. […] Les persécutions furent poussées si loin, qu’elles enveloppèrent les peintres eux-mêmes : on leur défendit, sous peine de mort, de continuer leurs études. […] Caché dans le souterrain de l’église de Saint-Jean-Baptiste, le Religieux peignit avec ses doigts mutilés le grand saint dont il était le suppliant128, digne sans doute de devenir le patron des peintres et d’être reconnu de cette famille sublime que le souffle de l’esprit ravit au-dessus des hommes. […] Bouchet, Grec d’origine, fut le premier architecte, Nicolas le premier sculpteur, et Cimabou le premier peintre, qui tirèrent le goût antique des ruines de Rome et de la Grèce.

53. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 6, de la nature des sujets que les peintres et les poëtes traitent. Qu’ils ne sçauroient les choisir trop interressans par eux-mêmes » pp. 51-56

Section 6, de la nature des sujets que les peintres et les poëtes traitent. Qu’ils ne sçauroient les choisir trop interressans par eux-mêmes Des que l’attrait principal de la poësie et de la peinture, dès que le pouvoir qu’elles ont pour nous émouvoir et pour nous plaire vient des imitations qu’elles sçavent faire des objets capables de nous interresser : la plus grande imprudence que le peintre ou le poëte puissent faire, c’est de prendre pour l’objet principal de leur imitation des choses que nous regarderions avec indifference dans la nature : c’est d’emploïer leur art à nous répresenter des actions qui ne s’attireroient qu’une attention mediocre si nous les voïions veritablement. […] Les sujets que Teniers, Wowermans et les autres peintres de ce genre ont répresentez, n’auroient obtenu de nous qu’une attention très-legere. […] Nous loüons l’art du peintre à bien imiter, mais nous le blâmons d’avoir choisi pour l’objet de son travail des sujets qui nous interessent si peu. […] Les peintres intelligens ont si bien connu, ils ont si bien senti cette verité, que rarement ils ont fait des païsages deserts et sans figures.

54. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Dominique par M. Eugène Fromentin »

Son éducation première ne l’avait destiné ni à être peintre, ni à être précisément écrivain : c’est une double vocation qui l’a entraîné, à des heures différentes et bientôt alternatives. […] Doublement peintre et par des procédés différents, il ne confond point ses deux manières. […] Fromentin est dans cette alliance intime et cette combinaison même : le peintre, l’homme de goût, l’homme de sentiment alternent ou plutôt s’unissent et ne font qu’un le plus souvent dans ses pages. […] La curiosité d’un voyageur, le pinceau d’un peintre, ont-ils donc de ces scrupules ? […] Le peintre, avec son pinceau, peut rendre bien des choses, en dehors même de la couleur pure ; il peut donner idée du mouvement, du bruit, du fracas ; mais le silence, comment l’exprimer ?

55. (1901) L’imagination de l’artiste pp. 1-286

De même pour les peintres. […] Aux peintres la peinture ! […] Mais comment les peintres peuvent-ils y réussir ? […] Un autre peintre trouverait d’autres équivalents. […] Chaque peintre a les siens.

56. (1924) Intérieurs : Baudelaire, Fromentin, Amiel

Mais sa renommée de peintre et d’écrivain valait à Fromentin une place officielle considérable. […] Fromentin fut le peintre d’un Orient sans romantisme. […] Peintre, Fromentin ne fera pas plus de la littérature de peintre, comme Théophile Gautier, qu’écrivain il ne voudrait faire de peinture littéraire, comme Paul Delaroche. […] Le lot du peintre était forcément si réduit, que celui de l’écrivain me parut immense. […] Cet état mental survient, à un moment donné, sur un tableau pur et presque technique de peintre.

57. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Beaufort » pp. 308-316

Si vous aimez la richesse et la richesse à profusion, voyez ce sep et ces raisins qui décorent le piédestal ; et quand vous aurez jetté un coup d’œil sur l’ouvrage du sculpteur, vous cracherez sur celui du peintre. […] Je vous avais conseillé, il y a deux ans, de ne plus peindre ; un peintre de son côté vous avait conseillé de ne plus écrire ; puisque vous avez pu suivre un de ces conseils, pourquoi n’avez-vous pas pu suivre l’autre ? […] Descamp, pauvre peintre, littérateur ignoré, a mis devant une table à café, où l’on voit une serviette étalée, une cafetière, une tasse avec sa soucoupe, une petite chambrière de campagne, assise, le coude appuyé sur la table, la tête penchée sur sa main, rêvant tristement. […] état actuel de l’école française. voyons maintenant quel est l’état actuel de notre école, et revenons un peu sur les peintres qui composent notre académie. Remarquez d’abord, mon ami, qu’il y a quelques savans, quelques érudits, et même quelques poëtes dans nos provinces : aucun peintre, aucun sculpteur.

58. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 11, que les beautez de l’execution ne rendent pas seules un poëme un bon ouvrage, comme elles rendent un tableau un ouvrage precieux » pp. 71-72

Section 11, que les beautez de l’execution ne rendent pas seules un poëme un bon ouvrage, comme elles rendent un tableau un ouvrage precieux Il n’en est pas des poëtes, qui n’ont d’autre merite que celui d’exceller dans la versification, et qui ne sçavent pas nous dépeindre aucun objet capable de nous toucher ; mais qui, pour me servir de l’expression d’Horace, ne mettent sur le papier que des niaiseries harmonieuses, comme des peintres dont je viens de parler. […] On auroit tort cependant d’accuser le public de rigueur envers les poëtes et d’indulgence envers les peintres. […] La rime n’est pas l’imitation d’aucune beauté qui soit dans la nature : mais, comme je viens de le dire, il est d’une imitation précieuse des beautez de la nature dans les tableaux du peintre qui ne sçait que bien colorier. […] Dès que le erite principal des poëmes et des tableaux consiste à répresenter des objets capables de nous attacher et de nous toucher si nous les voïons veritablement, il est facile de concevoir combien le choix du sujet est important pour les peintres et pour les poëtes.

59. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 27, que les sujets ne sont pas épuisez pour les poëtes, qu’on peut encore trouver de nouveaux caracteres dans la comedie » pp. 227-236

Tous les portraits des peintres mediocres sont placez dans la même attitude. Ils ont tous le même air, parce que ces peintres n’ont pas les yeux assez bons pour discerner l’air naturel qui est different dans chaque personne, et pour le donner à chaque personne dans son portrait. Mais le peintre habile sçait donner à chacun dans son portrait l’air et l’attitude qui lui sont propres en vertu de sa conformation. Le peintre habile a le talent de discerner le naturel qui est toujours varié. […] Je conclus donc que les peintres et les poëtes qui tiennent leur vocation aux arts qu’ils professent du genie, et non pas de la necessité de subsister, trouveront toujours des sujets neufs dans la nature.

60. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1882 » pp. 174-231

la belle étude, qu’il y aurait à faire du peintre bohème de l’heure actuelle, du peintre bohème de 1850, de l’Anatole que j’ai pourtrait dans Manette Salomon. Le peintre bohème du jour affiche un chic, fait de réaction et de religiosité. […] Tout un monde de peintres et de femmes de peintres en représentation, et faisant des effets avec des arrivées en retard, comme l’arrivée diplomatique d’Heilbuth, comme l’arrivée tapageuse de Carolus Duran. […] Tout le paysage qui a une valeur, à l’heure qu’il est, descend de ce peintre, lui emprunte ses ciels, ses atmosphères, ses terrains. […] Le peintre. — 6 039, c’est bien cela, 6 039… oui, j’ai couché avec 6 039 femmes.

61. (1761) Salon de 1761 « Récapitulation » pp. 165-170

Je me moque de ces conditions ; cependant, quand elles se rencontrent dans un morceau de peinture par hasard, sans que le peintre ait eu la pensée de les y introduire, sans qu’il leur ait rien sacrifié, elles me plaisent. […] Le peintre a donné à la fiancée une figure charmante, décente et réservée. […] C’est une idée délicate du peintre. […] C’est d’ailleurs un grand paysagiste, un grand peintre d’arbres, de forêts, d’eaux, de montagnes, de chaumières et d’animaux. […] Ce morceau lui fera honneur, et comme peintre savant dans son art, et comme homme d’esprit et de goût.

62. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 24, objection contre la solidité des jugemens du public, et réponse à cette objection » pp. 354-365

Il n’en est pas de même du public quand il loüe les peintres et les poëtes, parce qu’ils ne sont jamais heureux ni malheureux du côté du succès de leurs productions, qu’autant qu’ils ont mérité de l’être. […] Les peintres et les poëtes, continuera-t-on, sont du moins les plus malheureux de tous ceux dont les ouvrages demeurent à découvert sous les yeux du public. […] Je ne pense pas que ce fut un si grand bonheur pour les peintres et pour les poëtes de n’être jugez que par leurs pairs. […] En cela les peintres et les poëtes n’ont aucun avantage sur les autres hommes. S’il se trouve des peintres et des poëtes capables de déceler sur ce que nous avons appellé le mérite étranger dans les poëmes et dans les tableaux, c’est qu’ils ont d’autres connoissances que celles de l’art de la peinture et de l’art de la poësie.

63. (1888) Préfaces et manifestes littéraires « Art français » pp. 243-257

Autrement, qu’est le peintre ? […] Croit-on, au reste, que ce soit abaisser la peinture que de la réduire à son domaine propre, ce domaine que lui ont conquis le génie de ces palettes immortelles : Véronèse, Titien, Rubens, Rembrandt, Vélasquez, grands peintres, vrais peintres ! […] — ce soleil et cette chair que la nature refusa toujours aux peintres spiritualistes, comme si elle voulait les punir de la négliger et de la trahir. […] Et avec l’inconnu et l’inédit de ces documents authentiques et sincères, nous essayons aujourd’hui, dans ce livre, de faire connaître à la France son grand peintre de mœurs.

64. (1868) Curiosités esthétiques « V. Salon de 1859 » pp. 245-358

Il y avait un paysan allemand qui vint trouver un peintre et qui lui dit : « — Monsieur le peintre, je veux que vous fassiez mon portrait. […] Mais un grand peintre est forcément un bon peintre, parce que l’imagination universelle renferme l’intelligence de tous les moyens et le désir de les acquérir. […] Il n’est précisément ni un paysagiste ni un peintre de genre. […] Presque le même peintre, presque le même nom. […] À des instincts de peintre tout à fait remarquables M. 

65. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Nouveaux voyages en zigzag, par Töpffer. (1853.) » pp. 413-430

Et ne venez pas lui dire que ces merveilleux peintres des choses naturelles ne font que copier minutieusement la nature. […] Mais en Suisse, il y avait des paysages et point de peintres. […] Il faut ici du pâtre jusque dans le peintre. […] Cependant, peu à peu, il s’enhardira ; et lui qui, au fond de son cœur, peut se dire : Je suis peintre aussi ! […] Le peintre en lui et le chrétien se sont rencontrés : Oh !

66. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 mai 1886. »

Des réalistes merveilleux, ce furent les peintres flamands, jusque cet extraordinaire dominateur de la vie. […] Et cependant nos peintres, dans leur ignorant dédain des théories, s’acharnent à confondre les deux peintures. […] J’ai regretté les vains tâtonnements où s’attarde ce peintre, autrefois hardi et sincère. […] Besnard a fait voir des œuvres plus achevées — que ce peintre deviendra bientôt, à côté de M.  […] L’effet extérieur rappelle trop le magnifique portrait sombre, le portrait d’une dame anglaise, que le peintre nous montrait, en 1885.

67. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 10, objection tirée des tableaux pour montrer que l’art de l’imitation interesse plus que le sujet même de l’imitation » pp. 67-70

Un peintre peut donc passer pour un grand artisan, en qualité de dessinateur élegant, ou de coloriste rival de la nature, quand même il ne sçauroit pas faire usage de ses talens pour répresenter des objets touchans, et pour mettre dans ses tableaux l’ame et la vraisemblance qui se font sentir dans ceux de Raphaël et du Poussin. Les tableaux de l’école lombarde sont admirez, bien que les peintres s’y soïent bornez souvent à flater les yeux par la richesse et par la verité de leurs couleurs, sans penser peut-être que leur art fût capable de nous attendrir : mais leurs partisans les plus zelez tombent d’accord qu’il manque une grande beauté aux tableaux de cette école, et que ceux du Titien, par exemple, seroient encore bien plus précieux s’il avoit traité toujours des sujets touchans, et s’il eut joint plus souvent les talens de son école aux talens de l’école romaine. Le tableau de ce grand peintre qui répresente saint Pierre martyr, religieux dominiquain, massacré par les vaudois, n’est peut-être pas, tout admirable qu’il est par cet endroit, son tableau le plus précieux par la richesse des couleurs locales ; cependant de l’aveu du cavalier Ridolfi, l’historien des peintres de l’école de Venise, c’est celui qui est le plus connu et le plus vanté.

68. (1765) Essais sur la peinture pour faire suite au salon de 1765 « Mes petites idées sur la couleur » pp. 19-25

Soyez sûr qu’un peintre se montre dans son ouvrage autant et plus qu’un littérateur dans le sien. […] En général donc l’harmonie d’une composition sera d’autant plus durable que le peintre aura été plus sûr de l’effet de son pinceau, aura touché plus fièrement, plus librement, aura moins remanié et tourmenté sa couleur, l’aura employée plus simple et plus franche. […] Mille peintres sont morts sans avoir senti la chair ; mille autres mourront sans l’avoir sentie. […] L’arc-en-ciel est en peinture ce que la basse fondamentale est en musique ; et je doute qu’aucun peintre entende mieux cette partie qu’une femme un peu coquette ou une bouquetière qui sait son métier. Mais je crains bien que les peintres pusillanimes ne soient partis de là pour restreindre pauvrement les limites de l’art, et se faire un petit technique facile et borné ; ce que nous appelons entre nous un protocole.

69. (1856) Réalisme, numéros 1-2 pp. 1-32

C’est mesquin et laid, disent les peintres, cet habit est étriqué, pas de plis, pas de couleurs. […] Horace Vernet est le peintre de la foule, que M.  […] Cela tient, je crois, à ce que les peintres sont des esprits avortés. […] Enfin tout est arrangé comme si le monde avait été fait simplement pour la joie des peintres. […] Les portraitistes, même ceux qu’on met au deuxième ou troisième rang, sont presque toujours beaucoup plus peintres dans leurs portraits, que les peintres célèbres dans leurs inventions.

70. (1767) Salon de 1767 « Peintures — La Grenée » pp. 90-121

Un peintre italien avoit imaginé ce sujet d’une manière très ingénieuse. […] Le peintre lui a planté encore ici deux ailes à la tête qui ne font pas mieux qu’ailleurs. […] Un peintre, vous le scavez mieux que moi, c’est celui-là seul, (…). […] On est toujours tenté de demander où ce peintre prend-il son beau rouge, un outremer aussi brillant ? […] Y a-t-il pour les peintres une indulgence qui n’est ni pour les poëtes ni pour les musiciens.

71. (1868) Curiosités esthétiques « IV. Exposition universelle 1855 — Beaux-arts » pp. 211-244

J’ai osé tout à l’heure, à propos de ces malheureux peintres illustres, prononcer irrespectueusement le mot : hétéroclites. […] Ingres qui a cherché la nature, mais la nature qui a violé le peintre, et que cette haute et puissante dame l’a dompté par son ascendant irrésistible. […] Quelquefois il a été plus délicat, quelquefois plus singulier, quelquefois plus peintre, mais toujours il a été grand. […] Ce singulier phénomène tient à la puissance du coloriste, à l’accord parfait des tons, et à l’harmonie (préétablie dans le cerveau du peintre) entre la couleur et le sujet. […] Delacroix, et qui fait de lui le peintre aimé des poëtes, c’est qu’il est essentiellement littéraire.

72. (1859) Cours familier de littérature. VII « XXXVIIe entretien. La littérature des sens. La peinture. Léopold Robert (2e partie) » pp. 5-80

Être compris, pour un artiste, poète, peintre, musicien, statuaire, c’est être obligé. […] qui est-ce qui a été le plus poète de ces poètes ou de ce peintre ? Nous ne craignons pas de répondre : C’est le peintre, c’est Robert, c’est le grand lyrique des Moissonneurs. […] Quel poète a soupiré comme ce peintre ? […] Mais le peintre raisonnait en politique comme Platon : c’est le défaut des artistes.

73. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Léopold Robert. Sa Vie, ses Œuvres et sa Correspondance, par M. F. Feuillet de Conches. — I. » pp. 409-426

Théophile Gautier, je n’ajouterai rien à ce que notre spirituel collaborateur a dit du peintre ; il l’a jugé en le peignant à son tour : « La moitié du génie est faite, comme on l’a dit, de patience, et le laurier de la gloire couronne le front de cet amant obstiné du beau. » Cette conclusion est notre point de départ. […] Feuillet de Conches a rassemblé sur l’homme et le peintre tout ce qu’on peut désirer, mais, de plus, l’obligeance bien connue de M.  […] Il y a eu des peintres excellents écrivains ; sans remonter plus haut, sir Josué Reynolds et M.  […] Il n’est dans le principe qu’un excellent peintre de caractère et d’imitation ; il creuse son unique objet ou lui donne tout son relief ; en cela, il a du graveur encore. […] Ce fut pour lui que le peintre se hâta de terminer une tête, de grandeur naturelle, d’une jeune fille en costume de l’île de Procida : « Comme le costume était assez pittoresque et la figure jolie, elle a plu au roi, et il me l’a prise. » Malgré ces premiers succès et les éloges qu’il recevait, malgré ceux qu’il espérait surtout de la France, qui fut toujours sa vraie patrie, il écrivait à Navez : Mais, mon cher, je suis quelquefois réellement à plaindre quand je me classe parmi les peintres, et je sens que je ne puis faire de grands progrès en traitant toujours les mêmes sujets et en ne faisant que de petites bamboches.

74. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « III — Les deux cathédrales »

Sous quel aspect est-elle donc apparue au romancier, puis au peintre ? […] Ils vivent à la même époque mais l’âme du romancier n’est pas contemporaine de celle du peintre. […] Le peintre des Cathédrales en est sorti. […] On la voit passer. » En un mot, le romancier a considéré la vie sous un aspect illusoire ; le peintre a pris la vie pour elle-même dans son intégrité. […] Et si l’artiste véritable est celui dont les sens s’épanouissent librement devant les choses, la supériorité de Claude Monet, le peintre de la Cathédrale, nous apparaît indiscutable.‌

75. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 28, du temps où les poëmes et les tableaux sont apprétiez à leur juste valeur » pp. 389-394

Il en est de même des peintres. Aucun d’eux ne parviendroit que long-temps après sa mort à la distinction qui lui est dûe, si sa destinée demeuroit toujours au pouvoir des autres peintres. […] Un peintre qui peint des coupoles et des voûtes d’église, ou qui fait de grands tableaux destinez pour être placez dans tous les lieux où les hommes ont coutume de se rassembler, est plûtôt connu pour ce qu’il est, que le peintre qui travaille à des tableaux de chevalet destinez pour être renfermez dans les appartemens des particuliers.

76. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Mercier » pp. 1-6

Évidemment son siècle, tel que Mercier le représente, n’était pas digne d’avoir un peintre ou un moraliste plus grands que lui. […] Tel peintre, tel modèle, est encore la meilleure théorie de la ressemblance ! Une époque qui aurait vécu plus que ce siècle, glacial et forcené tout ensemble, qui niait tout et qui croyait que nier tout c’était vivre, aurait eu un peintre doué de ce don merveilleux de la vie. […] Le siècle se sentait… Eh bien, ce moment de vie trouva son peintre, doué du don de la vie dans des proportions plus grandes que la vie réelle.

77. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 22, que le public juge bien des poëmes et des tableaux en general. Du sentiment que nous avons pour connoître le mérite de ces ouvrages » pp. 323-340

Ce sens est le sens même qui auroit jugé de l’objet que le peintre, le poëte ou le musicien ont imité. […] On reconnoît si le poëte a choisi un objet touchant et s’il l’a bien imité ; comme on reconnoît sans raisonner si le peintre a peint une belle personne, ou si celui qui a fait le portrait de notre ami l’a fait ressemblant. […] Les peintres mêmes diront qu’il est en eux un sentiment subit qui dévance tout examen, et que l’excellent tableau qu’ils n’ont jamais vû, fait sur eux une impression soudaine qui les met en état de pouvoir, avant aucune discussion, juger de son mérite en general : cette premiere apprehension leur suffit même pour nommer l’auteur du tableau. […] C’est le dernier but que les peintres et les poëtes se proposent quand ils prennent tant de peine à se conformer aux regles de leur art. […] La perfection d’une partie des beautez d’un tableau, par exemple la perfection du dessein, n’est bien sensible qu’aux peintres ou aux connoisseurs qui ont étudié la peinture autant que les artisans mêmes.

78. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Sophie Arnould »

Ils n’en sont que les peintres, et encore dans la manière des peintres de ce xviiie  siècle qui les a faits ce qu’ils sont… Ils peignent comme Fragonard, ils peignent comme Chardin, ils peignent comme Boucher, ils peignent comme les deux frères Le Nain, ces deux frères de Goncourt ! […] Ce sont des merveilles de peinture que leurs livres sur le xviiie  siècle, dans lesquels ils rappellent si bien, littérairement, les peintres de cette époque, dont ils fondent la couleur et la manière dans une couleur et une manière à eux. […] Il y a des choses, il est vrai, dans cette Correspondance, qu’il est impossible même à MM. de Goncourt de ne pas voir… En leur qualité de peintres, d’ailleurs, et de peintres recherchant des effets de peinture, ils ont peut-être trouvé frappant et pathétique de montrer les vices et la misère, fille de ces vices, chez la plus brillante et la plus spirituelle courtisane du xviiie  siècle, morte de misère après l’éclat et les bonheurs du talent et de la fortune, le triomphe, l’enivrement, toutes les gloires sataniques de la vie, et de faire de tout cela un foudroyant contraste, une magnifique antithèse… Mais s’ils ont montré — hardiment pour eux — la fameuse Sophie Arnould, qui naturellement devait tenter la sensualité de leur pinceau, dégradée de cœur, de mœurs, de fierté, de talent et de beauté, au déclin cruel de la vie, ils n’ont pas osé aller jusqu’à la vérité tout entière. […] Ils sont peintres bien plus que moralistes, MM. de Goncourt.

79. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Horace Vernet (suite.) »

Regardez au contraire, dans ce beau portrait de Napoléon III par Flandrin, comment le peintre s’y est pris avec le pantalon rouge de l’auguste modèle ! […] Horace n’y mettait pas tant de façon ; il voyait avec son œil de peintre et rendait à l’instant son effet. […] Un jour un peintre habile avait à peu près terminé une marine dans une gamme très-haut montée : il ne lui manquait plus qu’un coup de canon qu’il ne savait trop comment faire. […] Lui, il est bien désormais le peintre par excellence de cette guerre d’Afrique, où tout se dissémine et s’étend, où les choses ne se décident point comme dans une grande guerre parle génie d’un seul, par le concert de quelques-uns et par du canon. […] Il est bien le peintre de l’armée même, de tous les chasseurs d’Afrique, de ce qui, là et ailleurs, a gagné en effet les batailles.

80. (1763) Salon de 1763 « Peintures — Carle Vanloo » pp. 183-186

Le peintre n’a pas connu ces beautés. […] avec un peu de délicatesse le peintre eût senti qu’elle manquait son but, si je le devine. […] Avec tous ces défauts, je ne serais point étonné qu’un peintre me dît : Le bel éloge que je ferais de toutes les beautés qui sont dans ce tableau et que vous n’y voyez pas ! […] Un peintre sent un vide dans sa composition.

81. (1763) Salon de 1763 « Peintures — Restout » pp. 187-190

Quel sujet pour un poète et pour un peintre ! […] Mais le peintre en a choisi un autre. […] Ce n’est pas un repas, le peintre a mal dit ; c’est un grand couvert qui attend des convives. […] La forme bizarre du tableau peut avoir forcé la composition, ou bien le peintre a été fort sage de cacher des figures qu’il n’était plus en état de peindre.

82. (1763) Salon de 1763 « Peintures — Vernet » pp. 227-230

Vernet Que ne puis-je pour un moment ressusciter les peintres de la Grece et ceux tant de Rome ancienne que de Rome nouvelle, et entendre ce qu’ils diraient des ouvrages de Vernet ! […] L’un est un paysagiste ; l’autre un peintre d’histoire, et de la première force, dans toutes les parties de la peinture. […] Les deux figures du peintre n’arrêtent, ni n’intéressent. […] C’est vraiment un peintre étonnant.

83. (1763) Salon de 1763 « Peintures — Greuze » pp. 234-241

On se doute bien que le peintre n’a pas manqué de le peindre largement. […] Le peintre a voulu que son paralytique reçût un secours marqué de celui de qui il était le moins en droit de l’attendre. […] Le moment qu’ils demandent est un moment commun, sans intérêt ; celui que le peintre a choisi, est particulier. […] Que cet artiste est sans fécondité ; et que toutes les têtes de cette scène sont les mêmes que celles de son tableau des Fiançailles, et celles de ses Fiançailles les mêmes que celles de son Paysan qui fait la lecture à ses enfants… D’accord ; mais si le peintre l’a voulu ainsi ? […] Quoi qu’on en dise, Greuze est mon peintre.

84. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Jules Vallès » pp. 259-268

… En d’autres termes, si le peintre est dans ces Réfractaires, le peintre amer, âpre et féroce, qui nous les a faits si cruellement ressemblants, pourquoi le moraliste n’y est-il pas, le moraliste qui jugerait en dernier ressort tous ces Bohèmes de l’orgueil et de la paresse, tous ces Échappés de la Loi Sociale, et qui les internerait au bagne du Mépris, à perpétuité, pour leur peine d’avoir lâchement refusé de prendre leur part des travaux forcés de la vie ? […] que Vallès a les immenses qualités pittoresques de ce peintre de réfractaires, ou sa noblesse inouïe quand l’objet qu’il retrace est bas, ou son idéalité restée toujours pure dans l’observation la plus exacte. Je ne dirai pas non plus qu’il ait la tragique impassibilité d’Hogarth, de cet autre peintre de vices et de misères, qui fut un moraliste comme Vallès ne l’est pas ; mais je dis avec bonheur qu’il a la verve sombre, le feu noir, le nerf, le mordant, le trait brutal, qui viole, mais féconde, et l’amertume de la caricature, s’il n’en a pas toujours la gaîté. […] … Quand il nous expose ses réfractaires, ses irréguliers, ses pitres et ses monstres de foire, tout ce monde de toqués, de tiqués, de contrefaits par le vice, l’insanité et la sottise, dont son livre est la vitrine en cristal, Vallès nous relève-t-il l’âme de cette boue, et n’est-il pas un peu trop un de ces peintres dont parle Chamfort, qui, dans un palais, choisissent les latrines pour les peindre ?

85. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Erckmann-Chatrian » pp. 95-105

Il a la qualité la plus aimablement et la plus estimablement allemande : la cordialité ; et quand il aura vécu davantage, quand il aura éteint bien des tons crus qui lui restent, quoiqu’il ait déjà commencé de les adoucir, — car l’enlumineur de L’Illustre Docteur Mathéus a cédé la place au peintre dans les nouveaux Contes, — quand il aura passé sur les tableaux de genre, pour lesquels il nous semble fait, l’ombre enfumée de la délicieuse bonhomie, il aura atteint le vrai de son talent et acquis sa valeur plénière. […] Comment un tel esprit, rond et éveillé, qui se tient entre deux vins (le nom d’un de ses contes joyeux), et qui ne boit ni d’éther comme Hoffmann, le grêle et le pointu, ni d’opium comme ce frénétique, sombre et froid d’Edgar Poe ; comment ce peintre de genre littéraire, attendri souvent malgré sa gaîté, et qui pleure au fond de son sourire, comme dans cette chose émouvante et charmante : Les Fiancés de Grinderwald ; comment ce moraliste, qui dans dix ans sera bonhomme, la qualité la plus enviable très certainement pour un conteur, a-t-il pu se croire ou voulu être un fantastique, c’est-à-dire le peintre du sinistre, du mystérieux, du morbide et de l’incompréhensible humain ? […] Ce peintre d’école hollandaise levant des paysages allemands vus par la fenêtre d’un cabaret, ce peintre de genre encore trop heurté de couleur et qui attend comme un bénéfice le velours brun du temps, de l’expérience et de l’art, sur son rouge trop dur, a tout d’un coup élargi sa toile, et, dans un horizon plus vaste que celui dans lequel il se contient d’ordinaire, il est monté jusqu’à l’idéal.

86. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Idées et sensations : par MM. Edmond et Jules de Goncourt. »

Dans ce siècle qu’ils aiment de prédilection, ils traiteront incomparablement moins bien les gens de lettres que les peintres. […] Pourquoi sabrer en gros les hommes de lettres, les déporter, pour ainsi dire, en masse, quand on fait si bien la part à chaque individualité, grande ou petite, parmi les peintres ? […] On voit en quoi le poëte peut rivaliser véritablement avec le peintre et prendre à son tour ses avantages sur lui. Autrement, en faisant le peintre pur, en essayant de jouter à armes inégales, c’est-à-dire la plume à la main, on peut se signaler, briller, faire des prouesses et des tours de force, mais en définitive on est toujours battu. […] Tout est bon au peintre écrivain pour arriver, non au fac-similé direct des choses (toujours impossible par un coin et toujours infidèle), mais à l’impression pleine et juste qu’il veut en laisser.

87. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Monsieur de Balzac. » pp. 443-463

M. de Balzac fut bien un peintre de mœurs de ce temps-ci, et il en est peut-être le plus original, le plus approprié et le plus pénétrant. […] La société est comme une femme, elle veut son peintre, son peintre à elle toute seule : il l’a été ; il n’a rien eu de la tradition en la peignant ; il a renouvelé les procédés et les artifices du pinceau à l’usage de cette ambitieuse et coquette société qui tenait à ne dater que d’elle-même et à ne ressembler à nulle autre ; elle l’en a d’autant plus chéri. […] Par là il a séduit les peintres, qui reconnaissaient en lui un des leurs transplanté et un peu fourvoyé dans la littérature. […] C’est un grand peintre de nature et de paysage. […] Qu’elle fasse trêve du moins, qu’elle se repose ; qu’elle laisse aussi à la société le temps de se reposer après l’excès, de se recomposer dans un ordre quelconque, et de présenter à d’autres peintres, d’une inspiration plus fraîche, des tableaux renouvelés.

88. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Louis XVI et sa cour »

Assurément, Amédée Renée, qui se sentait peintre, dut se demander comment il s’y prendrait pour terminer cette grande œuvre, savante, mais incolore. […] Sismondi, qui n’était pas peintre et qui était économiste et philosophe, n’eût pas conçu de cette façon le règne de Louis XVI, et, s’il avait eu le temps de l’écrire, ne l’aurait pas concentré sous ce titre, qui est une manière de voir très entière et très accusée : Louis XVI et sa Cour. […] Il a été le peintre à fond de ce triste roi ; mais en le peignant ressemblant, non plus à faire peur, mais à faire pitié, il a agi comme les grands peintres qui, à force d’art, savent idéaliser les réalités les plus basses, et ici ce n’est plus magnanimité d’historien, c’est de l’art, l’art de l’homme qui sait écrire. […] V C’est que le peintre, en effet, domine tout dans cette histoire. […] Il y a l’homme d’esprit, il y a l’homme politique, l’homme politique sceptique quelquefois dans l’histoire où, excepté l’action du caractère et de la main, il y a tant de choses qui pourraient ne pas être et qui sont indifféremment là ou là ; mais, par-dessus ces divers hommes, il y a le peintre de plume, l’écrivain d’imagination et de style, l’anti-Genevois, l’anti-Sismondi !

89. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 12, qu’un ouvrage nous interesse en deux manieres : comme étant un homme en general, et comme étant un certain homme en particulier » pp. 73-80

Je ne parlerai pas plus au long de cet interêt de rapport et particulier à certains hommes comme à certains tems, d’autant qu’il est facile aux peintres et aux poëtes de connoître si les sujets qu’ils entreprennent de traiter interessent beaucoup les personnes devant lesquelles ils doivent produire leurs ouvrages. […] Les peintres et les poëtes, je l’ai déja dit, n’en doivent traiter que de tels. […] Un peintre, et principalement un poëte qui traite un sujet sans interêt, n’en peut vaincre la sterilité, il ne peut jetter du pathetique dans l’action indifferente qu’il imite qu’en deux manieres : ou bien il embellit cette action par des épisodes, ou bien il change les principales circonstances de cette action. […] Que les peintres et les poëtes examinent donc serieusement si l’action qu’ils veulent traiter nous toucheroit sensiblement, supposé que nous la vissions, et qu’ils soïent persuadez que son imitation nous affectera encore moins.

90. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Les Mémoires de Saint-Simon. » pp. 270-292

Or, ce mélange intime du moraliste et du peintre avec l’historien constitue l’originalité de Saint-Simon, et se démontre de soi-même dans l’immense fresque historique qu’il nous a laissée. […] Le peintre est déjà dans le plein de sa veine et dans la largeur de sa manière. […] Grand peintre d’histoire, Saint-Simon excelle à rendre les individus en pied, les groupes, les foules, à la fois le mouvement général et le détail particulier à l’infini : il a ce double effet et du détail et des ensembles. […] Le peintre abonde et surabonde ; il nage et s’en donne partout à cœur joie. […] S’il continue de se montrer grand peintre et observateur implacable, il l’est moins innocemment et d’une façon moins désintéressée que dans la scène de la mort de Monseigneur ; sa cruauté vindicative s’y donne trop visiblement, carrière et s’y déchaîne trop à outrance.

91. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Le Sahara algérien et le Grand Désert »

Les lions ne sont pas plus des métaphysiciens que des peintres, et voilà pourquoi les arpenteurs de l’esprit humain, qui sont orfèvres, monsieur Josse, ont mesuré si étroitement (à part le métier) les capacités militaires. […] Il leur avait préféré le côté extérieur, mouvementé, visiblement éloquent des choses, et il s’était rencontré tour à tour, mais exclusivement, le peintre de mœurs et de guerre que des ouvrages ultérieurs, comme les Chevaux du Sahara 21 les Mœurs et coutumes de l’Algérie 22, et les Principes généraux du cavalier arabe 23 ont définitivement classé. […] un peintre ! […] Comme Horace Vernet, il est le peintre lumineux des déserts, des tentes, des smalas, des burnous flottants, des chevaux buveurs d’air et des armes. […] En sa qualité de peintre littéraire, Daumas va plus au fond des hommes et des mœurs qu’il nous retrace, et il les éclaire plus intimement sous tous leurs aspects, que le peintre plastique avec lequel il a une si grande analogie.

92. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — B — Breton, Jules (1827-1906) »

. — Un peintre paysan, souvenirs et impressions (1895). […] Daudet À une époque où les littérateurs se préoccupent tellement de l’art de peindre qu’ils lui empruntent des procédés, des termes particuliers, il est curieux de voir les peintres entrer dans le domaine de la poésie avec cet éternel souci de la couleur qui peut leur devenir en littérature une qualité ou un écueil. […] Gustave Larroumet Il n’est venu qu’assez tard à la poésie : « J’ai longtemps ignoré, dit-il, le poète qu’absorbait en moi l’opiniâtre travail du peintre. » Il adorait la poésie, il lisait avec enthousiasme : « La Fontaine, Racine, H. 

93. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 21, de la maniere dont la réputation des poëtes et des peintres s’établit » pp. 320-322

Section 21, de la maniere dont la réputation des poëtes et des peintres s’établit Je m’acquitte de la promesse que j’ai faite au commencement de cet ouvrage, d’examiner avant que de le finir la maniere dont la réputation des peintres et la réputation des poëtes s’établissent. […] Un peintre, et encore plus un poëte, qui tient toujours une grande place dans son imagination, et qui lui-même est encore souvent un homme de ce caractere d’esprit violent, pour lequel il n’est point de personnes indifferentes, se figure qu’une grande ville, qu’un roïaume entier n’est peuplé que d’envieux ou d’adorateurs de son mérite.

94. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Le Conte de l’Isle. Poëmes antiques. »

Pour être pris et dominé par l’Asie, il faut la prendre où elle est puissante, c’est-à-dire dans sa nature extérieure et son énergique matérialité ; il faut avoir le sens du visible plus développé que le sens de l’invisible, qui est le plus beau visible pour les poètes, ces grands spirituels ; il faut, enfin, être beaucoup plus peintre que poète, et c’est malheureusement l’histoire de M. le Conte de L’Isle, peintre, de facultés, auquel la toile a manqué. Or, quand les peintres, trahis par l’éducation ou les circonstances, se rejettent, pour peindre, à la poésie, ils ne sont jamais… que des descriptifs ! […] Mais quel triste destin pour un poète d’être comparé même à de grands peintres dont il n’est jamais avec les mots que le pâle reflet ! […] … La gloire de Delille est chétive, j’en suis bien sûr, aux yeux de l’auteur des Poèmes antiques et indiens, qui se croit un bien autre peintre que Delille, parce qu’il a le naturalisme de l’école moderne, l’empâtement du panthéisme allemand, et qu’il a lu la Flore indienne, car l’indianisme de M. le Conte de L’Isle n’a pas plus de profondeur que cela.

95. (1874) Portraits contemporains : littérateurs, peintres, sculpteurs, artistes dramatiques

Les convives étaient le marquis de B***, le peintre L. […] Picot, peintre d’histoire, l’auteur de l’Amour et Psyché. […] Ceci est l’affaire du peintre. […] Le public comprit tout de suite qu’un grand peintre était né. […] Jamais nature ne nous fut plus sympathique ; nous aimions chez lui l’homme autant que le peintre, et le peintre autant que l’homme.

96. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Vien » pp. 74-89

Avec de la patience et du tems, le peintre des ardents peut acquérir ce qui lui manque, l’intelligence de la perspective, la distinction des plans, les vrais effets de l’ombre et de la lumière. Car il y a cent peintres décorateurs, pour un peintre de sentiment. Mais on n’apprend jamais ce que le peintre de Denis ignore. […] Vous dites que trois bons peintres ont fait trois mauvais tableaux, et que je me fais scrupule de les dénoncer au prince qui les a fait travailler. […] Le beau tableau, dira le peintre !

97. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Avant-propos » pp. 1-5

On neglige pour contempler ce tableau tragique les sujets grotesques et les compositions les plus riantes des peintres galands. […] Un charme secret nous attache donc sur les imitations que les peintres et les poëtes en sçavent faire, dans le tems même que la nature témoigne par un fremissement interieur qu’elle se souleve contre son propre plaisir. […] Que les peintres et les poëtes me pardonnent de les désigner souvent par le nom d’artisan dans le cours de ces reflexions.

98. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « M. Émile Zola, l’Œuvre. »

Il est tout à fait puéril de diviser les romanciers en psychologues, tous idiots ou charlatans, et en physiologistes, seuls peintres du vrai. […] Le peintre Claude Lantier, génie novateur et incomplet, rencontre sur son chemin une fille charmante, Christine, qui l’adore et lui est passionnément dévouée. […] Je le préviens que ce n’est plus cela du tout, les peintres d’à présent. […] Ce peintre qui, le pinceau à la main, est hanté de l’image de la chair, renonce à celle de Christine, ce qui est assez peu croyable. […] Zola a fait de son héros un peintre ?

99. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 12, des siecles illustres et de la part que les causes morales ont au progrès des arts » pp. 128-144

J’appelle donc des causes morales de la perfection des arts, la condition heureuse où se trouve la patrie des peintres et des poëtes lorsqu’ils fournissent leur carriere ; l’inclination de leur souverain et de leurs concitoïens pour les beaux arts ; enfin, les excellens maîtres qui vivent de leur temps, dont les enseignemens abregent les études et en assurent le fruit ? […] Croit-on qu’un peintre françois, qui auroit pris son essort au commencement des trente-cinq années de guerre qui désolerent la France jusqu’à la paix de Vervins, eût eu les mêmes occasions de se perfectionner, qu’il eût reçû les mêmes encouragemens qu’il auroit reçus, s’il eût pris son essort en mil six cens soixante. […] Comme nous voïons présentement qu’il se forme de temps en temps des congrès où les représentans des rois et des peuples qui composent la societé des nations, s’assemblent pour terminer des guerres et pour regler la destinée des états ; de même il se formoit alors de temps en temps des assemblées, où ce qu’il y avoit de plus illustre dans la Grece, se rendoit pour juger quel étoit le plus grand peintre, le poëte le plus touchant et le meilleur athlete. […] Les portiques publics où les poëtes venoient lire leurs vers, et où les peintres exposoient leurs tableaux, étoient les lieux, où ce qui s’appelle le monde se rassembloit. […] Qu’on juge donc de l’ardeur que les peintres et les poëtes avoient alors pour perfectionner leurs talens, par l’ardeur que nous voïons dans nos contemporains, pour amasser du bien et pour parvenir aux grands emplois d’un état.

100. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Paul de Saint-Victor » pp. 217-229

Le peintre est partout chez Saint-Victor, le peintre multiple du portrait, du tableau, de tous les genres de peinture. […] Saint-Simon est un peintre aussi, je le sais bien, — un peintre formidable, mais il est exclusivement un grand peintre de portraits, qu’il peint moins encore qu’il ne griffe, d’un pinceau tigre.

101. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre premier. Beaux-arts. — Chapitre IV. Des Sujets de Tableaux. »

Vérités fondamentales : 1º Les sujets antiques sont restés sous la main des peintres modernes : ainsi, avec les scènes mythologiques, ils ont de plus les scènes chrétiennes. 2º Ce qui prouve que le christianisme parle plus au génie que la fable, c’est qu’en général nos grands peintres ont mieux réussi dans les fonds sacrés que dans les fonds profanes. […] Au reste, nous pouvons dire ici des sujets de tableaux, ce que nous avons dit ailleurs des sujets de poèmes : le christianisme a fait naître pour le peintre une partie dramatique, très supérieure à celle de la mythologie.

102. (1763) Salon de 1763 « Peintures — Pierre » pp. 200-201

Pierre Monsieur Pierre, chevalier de l’Ordre du Roi, premier peintre de monseigneur le duc d’Orléans et professeur de l’Académie de peinture, vous ne savez plus ce que vous faites, et vous avez bien plus de tort qu’un autre. […] Depuis que ce morceau est exposé, le peintre va tous les matins le retoucher. […] C’est une chose à laquelle les peintres et les acteurs sont sujets à se méprendre.

103. (1763) Salon de 1763 « Peintures — La Grenée » pp. 206-207

Ce n’était au dernier Salon qu’un peintre médiocre, froid dans sa composition et faible dans les autres parties ; mais sa Susanne surprise au bain par les deux vieillards le met tout à coup sur la seconde et peut-être sur la première ligne. […] Vous n’avez ni cette variété de pensées, ni cette chaleur, ni ce terrible qui convient à un peintre de batailles. […] Vous ne vous doutez pas encore des connaissances nécessaires à un peintre de batailles.

104. (1896) Journal des Goncourt. Tome IX (1892-1895 et index général) « Année 1892 » pp. 3-94

répondait la femme du monde à la femme du peintre, vous croyez peut-être que je suis amoureuse de votre mari. […] Decan ajoute : « C’était un peintre du matin et non de l’après-midi. […] Une riante et claire demeure d’un ménage de peintre. […] » Enfin il m’entretient de son antipathie pour le soleil, du mystère des ciels voilés, de la séduction mystique des crépuscules, confessant, sans s’en douter, l’amoureux peintre de grisaille qu’il est. […] Et depuis quatre heures jusqu’à six heures, ç’a été, chez l’artiste, un jaillissement d’amusantes anecdotes sur les littérateurs, les peintres, et gens de toute sorte, coupées par son grognement habituel.

105. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Léopold Robert. Sa Vie, ses Œuvres et sa Correspondance, par M. F. Feuillet de Conches. — II. (Fin.) » pp. 427-443

Je suis toujours étonné de la singulière direction que l’on adopte pour devenir peintre : il me semble qu’elle est absurde ; car je ne peux pas me représenter un homme qui a quelque chose dans la tête, qui passe des années à copier. […] C’est ce qui fait que généralement, même les plus habiles peintres ont mieux réussi en cela. […] Je m’y livre entièrement et sans raison quelquefois, car la peinture doit être faite plus simplement. » On aurait pu lui appliquer ce qu’il disait d’un grand peintre contemporain qui n’en finissait pas, et ne parvenait jamais à se satisfaire. […] Marcotte : Nous avons ici, à Rome, un jeune peintre qui est de la nouvelle école, et je suis bien aise d’avoir pris par ses ouvrages une idée du genre de talent qu’on peut leur accorder. […] Ils cherchent, d’après ce qui m’a paru, une harmonie de tons : je trouve, d’après ce que j’ai vu, que quelquefois ils la trouvent… Ce peintre qui, je crois, n’était pas M. 

106. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « La Bible Illustrée. Par Gustave Doré »

Changer les figures de côté, mettre à gauche ce qui était à droite, à droite ce qui était à gauche, intervertir l’ordre des groupes, distraire un personnage de la scène ou du milieu dans lequel il était placé pour le placer dans une autre scène et quelquefois sous un autre costume, toutes ces choses, et bien d’autres que j’omets, se font et se sont faites, et la Gloire elle-même y a été prise… La Gloire un peu trop vite venue, fille du sentiment exalté d’une époque, a transformé parfois en grand peintre tel grand archéologue, qui avait assez d’exécution et de rétorsion dans la main pour cacher aux ignorants ses… butins, et c’est le critique d’art qui doit réviser ces méprises de la Gloire. […] Comptez combien il y a de grands peintres, et en face mettez ce qu’il y a de critiques d’art ! […] Le geste humain est devenu plus qu’humain, et tout a pris des proportions telles qu’il y a moins loin des contes de Perrault à Shakespeare que de Shakespeare lui-même au plus petit des douze petits prophètes, et des plus épiques personnages de l’Histoire à ces géants des premiers âges du monde, auxquels, dans le nôtre, un peintre à leur taille et de leur taille doit toujours manquer ! […] Les qualités de sa manière y brillent autant que jamais, et les défauts aussi, disent les connaisseurs, c’est-à-dire l’incorrection dans le dessin à force de vouloir sortir du convenu et conquérir l’effet à tout prix, le sacrifice de la personne ou du groupe à la masse ; car Doré est bien plus le dessinateur de la masse et le peintre des foules que le peintre de la personnalité.

107. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Lépicié » pp. 275-278

Au fond de la boîte, c’est le Christ n’ordonnant pas à ses disciples de laisser approcher les petits enfans, comme le peintre le dit ; mais les recevant, les accueillant ; ainsi Lépicié n’a su ce qu’il fesait ; et c’est le moindre défaut de son ouvrage. […] Parcourez toutes les fonctions de la vie, toutes les sciences, tous les arts, la danse, la musique, la lutte, la course, et vous reconnaîtrez dans les organes une aptitude propre à ces fonctions ; et de même qu’il y a une organisation de bras, de cuisses, de jambes, de corps propre à l’état de porte-faix, soyez sûr qu’il y a une organisation de tête propre à l’état de peintre, de poëte et d’orateur, organisation qui nous est inconnue, mais qui n’en est pas moins réelle, et sans laquelle on ne s’élève jamais au premier rang ; c’est un boiteux qui veut être coureur. Rappelez-vous toutes les études, toutes les connaissances nécessaires à un bon peintre, à un peintre né, et vous sentirez combien il est difficile d’être un bon juge, un juge né en peinture.

108. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 10, du temps où les hommes de génie parviennent au mérite dont ils sont capables » pp. 110-121

Par exemple, un grand ministre, un grand general, un grand magistrat, ne deviennent ce qu’ils sont capables d’être, que dans un âge plus avancé que l’âge où les peintres et les poëtes atteignent le dégré d’excellence où leur étoile leur permet d’atteindre. […] Comme l’imagination a plûtôt acquis ses forces que le jugement ne peut avoir acquis les siennes, les peintres, les poëtes, les musiciens et ceux dont le talent consiste principalement dans l’invention, ne sont pas si long-temps à se former. Je crois donc que l’âge de trente ans, est l’âge où communément parlant, les peintres et les poëtes se trouvent être parvenus au plus haut dégré du parnasse, où leur génie leur permette de monter. […] Il peut se trouver cinq ou six années de difference, dans l’âge auquel deux grands peintres ou deux grands poëtes seront parvenus à leur perfection.

109. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « José-Maria de Heredia »

On voit, sous ce pinceau qui n’est jamais une plume, l’Espagne à cette date de 1513 à 1514 ; on la voit, en masse, comme si on y était, ou plutôt on y est, dans cette Espagne dont on partage les sensations, comme le peintre qui, s’il n’en vibrait pas lui-même, ne pourrait pas nous les donner ! […] Les ruffians de Séville, dit Ambrosio de Salazar, dans son Miroir général de la Grammaire, ont toujours été réputés vaillants mâles, plus lestes qu’aucun moine à expédier un chrétien avec le viatique d’un blasphème et du sang frais en guise d’huiles saintes. » Voilà la manière de José-Maria de Heredia, — de ce peintre qui ne porte pas pour rien, comme vous voyez, un nom espagnol. […] Ce peintre, qui s’enivre de sa peinture, ne se met, je l’ai dit, je crois, jamais à part de ce qu’il peint. […] Le peintre est devenu l’homme foule de ce peuple qu’il ramène sous une poussée de traits pressants et de coups de pinceaux acharnés, dans l’orbe visuel de la Postérité. […] Il lui faut, à ce peintre de masses, à ce maître de la fresque qui procède toujours par de magnifiques accumulations de détails, et qui, pour les entasser, a besoin d’espace, il lui faut, pour jouer dans sa force, le pourtour d’un peuple, l’hémicycle d’une société ou d’une époque, et je ne connais guères que Macaulay, dans plusieurs de ses beaux Essais historiques, publiés dans La Revue d’Edimbourg, qui ait cette étendue et cette largeur d’embrasse ; mais Macaulay, bien plus littéraire que plastique, n’a pas la couleur de José-Maria de Heredia, quoique Macaulay, comme Heredia, ait été un poète avant de devenir un prosateur !

110. (1765) Essais sur la peinture pour faire suite au salon de 1765 « Tout ce que j’ai compris de ma vie du clair-obscur » pp. 26-33

Et réciproquement, s’il arrive que le peintre nous répète le même enchantement sur la toile, il semble que nous regardions l’effet de l’art comme celui de la nature. […] Peintres, donnez quelques instants à l’étude de la perspective ; vous en serez bien récompensés par la facilité et la sûreté que vous en retrouverez dans la pratique de votre art. […] Mais le peintre observe lui-même cette loi sur sa palette quand il mêle ses teintes. […] Et malheur aux peintres, si celui qui parcourt une galerie, y porte jamais ces principes !

111. (1765) Essais sur la peinture pour faire suite au salon de 1765 « Mon mot sur l’architecture » pp. 70-76

Citez-moi un peuple qui ait eu des statues et des tableaux, des peintres et des sculpteurs sans palais ni temples, ou avec des temples d’où la nature du culte ait banni la toile coloriée et la pierre sculptée. […] Qui est le grand peintre, ou de Raphael que vous allez chercher en Italie, et devant lequel vous passeriez sans le reconnaître, si l’on ne vous tirait pas par la manche, et qu’on ne vous dît pas Le voilà ; ou de Rembrand, du Titien, de Rubens, de Vandeick et de tel autre grand coloriste qui vous appelle de loin, et vous attache par une si forte, si frappante imitation de la nature que vous ne pouvez plus en arracher les yeux ? […] Et il y a sur la toile du peintre, deux, trois, quatre figures semblables ; elles y sont environnées d’une foule d’autres figures d’hommes d’un aussi beau caractère, toutes concourent de la manière la plus grande, la plus simple, la plus vraie, à une action extraordinaire, intéressante ; et rien ne m’appelle, rien ne me parle, rien ne m’arrête ! […] J’oserais dire qu’il n’y eut peut-être pas un plus grand poète que Raphael : pour un plus grand peintre, je le demande ; mais qu’on commence d’abord par bien définir la peinture.

112. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Lundberg » pp. 169-170

Ce peintre n’a jamais rien produit de verve, il a le génie du technique, c’est un machiniste merveilleux. […] Pourquoi un peintre d’histoire est-il communément un mauvais portraitiste ? […] Voltaire fait l’histoire comme les grands statuaires anciens fesaient le buste ; comme les peintres savants de nos jours font le portrait.

113. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 28, de la vrai-semblance en poësie » pp. 237-242

Section 28, de la vrai-semblance en poësie La premiere regle que les peintres et les poëtes soient tenus d’observer en traitant le sujet qu’ils ont choisi, c’est de n’y rien mettre qui soit contre la vrai-semblance. […] Il est permis aux poëtes comme aux peintres qui traitent les faits historiques, de supprimer une partie de la verité. […] On ne traite point de menteurs les poëtes et les peintres qui le font.

114. (1868) Curiosités esthétiques « III. Le musée classique du bazar Bonne-Nouvelle » pp. 199-209

Du reste, c’est lui qui a annoncé la venue d’Eugène Delacroix et qui a dit : « Un peintre nous est né ! […] Voici venir l’aimable Prud’hon, que quelques-uns osent déjà préférer à Corrége ; Prud’hon, cet étonnant mélange, Prud’hon, ce poëte et ce peintre, qui, devant les David, rêvait la couleur ! […] Delacroix n’est pas un peintre, mais un journaliste ; c’est du moins ce qui a été répondu à un de nos amis, qui s’était chargé de leur demander une petite explication à ce sujet. Nous ne voulons pas nommer l’auteur de ce bon mot, soutenu et appuyé par une foule de quolibets indécents, que ces messieurs se sont permis à l’endroit de notre grand peintre. — Il y a là dedans plus à pleurer qu’à rire

115. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Bernardin de Saint-Pierre »

Venu immédiatement après ces deux grands peintres, Bernardin de Saint-Pierre sut être neuf et distinct à côté d’eux. […] Si ce peintre harmonieux manquait, on chercherait vainement ailleurs une impression pareille, soit dans Jean-Jacques, soit dans Chateaubriand. […] Lamartine, qui nous offre tant de parenté de génie avec l’auteur des Études, est moins exclusivement un peintre, et sa poésie suscite des émotions élégiaques plus compliquées. […] Bernardin, le peintre du coloris fondant et des nuances mœlleuses, a su, en ses deux contes indiens, adoucir la raillerie sans l’éteindre, la revêtir d’une magnificence charmante et faire sentir le piquant dans l’onction. […] Bernardin n’a pas non plus médiocrement agi sur d’autres écrivains formés vers cette fin du siècle, et moins connus comme peintres qu’ils ne mériteraient, sur Ramond, sur Sénancour.

116. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 50, de la sculpture, du talent qu’elle demande, et de l’art des bas-reliefs » pp. 492-498

Il est vrai qu’on peut être un bon sculpteur sans avoir autant d’invention qu’il en faut pour être un excellent peintre, mais si la poësie n’est pas si nécessaire au sculpteur, un sculpteur ne laisse pas d’en faire un usage qui le met fort au-dessus de ses concurrens. […] En effet, la poësie et les expressions en sont aussi touchantes que celle du tableau où Raphaël a traité le même sujet, et l’execution du sculpteur, qui semble avoir trouvé le clair-obscur avec son cizeau, me paroît d’un plus grand mérite que celle du peintre. […] Je pense même que sur beaucoup de faits de physique, d’astronomie et de géographie, les peintres, les poëtes et les sculpteurs doivent s’en tenir à l’opinion vulgairement reçûë de leur temps, quoiqu’elle soit contredite avec fondement par les sçavans.

117. (1874) Histoire du romantisme pp. -399

Était-ce un poète, un peintre, un statuaire, un musicien ? […] De nos jours le peintre belge Henry Leys n’est-il pas un exemple frappant de ces apparitions tardives ? […] S’il exécutait en peintre, il pensait en poète, et le fond de son talent est fait de littérature. […] Le poète prenait quelquefois le crayon et le peintre la plume. […] Dans ce groupe éclatant de poètes, de peintres, de sculpteurs, de musiciens.

118. (1888) La critique scientifique « La critique scientifique — Analyse psychologique »

C’est le cas, par exemple, des romantiques en France, des peintres décoratifs encore, qui réussissent généralement si mal à peindre l’individu, le portrait. […] Si la plupart des peintres et des écrivains réalistes ont une mémoire essentiellement visuelle, les dessinateurs japonais et les de Goncourt reproduisent plus particulièrement des sensations de mouvement ; des musiciens descriptifs, tels que Berlioz, sont des auditifs. […] La nature des sujets, des visions, des métaphores, du ton, de l’allure, de la ponctuation même d’un écrivain : de la touche, des procédés, des lignes, de l’équilibre des figures, des valeurs, du coloris d’un peintre ; des timbres et des rythmes d’un musicien ; des lignes, des modules, des dimensions, de l’ornementation d’un architecte, — tous ces signes esthétiques pourront être ramenés à une signification psychologique, et l’ensemble de ces déductions pour un auteur présentera de son esprit un tableau déjà poussé, que compléteront les indications tirées des émotions qu’il suggère. […] Leconte de l’Isle, les Parnassiens, un grand nombre de peintres, la plupart des sculpteurs et des architectes, des musiciens comme Gluck, se sont appliqués à éliminer de leur œuvre toute intervention individuelle, toute exubérance et toute confusion. […] Ils empruntent en effet à celui dont ils sont les disciples leurs moyens d’expressions, les émotions dont ils jouent et il semblerait qu’appliquée ainsi à des doubles d’autrui qui peuvent être cependant des peintres éminents, comme les maîtres secondaires des écoles italiennes, de grands poètes, comme le romantique Swinburne, de grands romanciers, comme M. 

119. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Gustave Droz » pp. 189-211

c’est aujourd’hui Gustave Droz, — un peintre, je crois, qui, un matin, a trouvé une plume poussée au beau milieu de son pinceau. […] Obligé de se garder peintre de mœurs et d’être vrai, l’auteur d’Autour d’une source ne pouvait éviter la pourriture sociale qui nous fait, à tous tant que nous sommes, des taches plus ou moins grandes sur la conscience et sur le cœur. […] Le talent de peintre, on le connaissait. C’est toujours, à beaucoup d’endroits, cette touche veloutée, grasse, abondante, incarnadine, de ce peintre des premiers jours qui ombrait tout avec du rose. […] Le roman gardera peut-être son analyseur, son descriptif et son peintre… Fera-t-il du théâtre ?

120. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre V : M. Cousin historien et biographe »

Cousin a forcé son talent en se faisant historien, il l’a violenté en se faisant biographe et peintre de portraits. C’est que l’imagination du peintre ne ressemble guère à celle de l’orateur. […] Vous croyiez rencontrer un peintre ; vous subissez les élucubrations d’un antiquaire, révélateur de vieux manuscrits. […] Que les facultés de l’orateur ne sont point celles de l’historien ni du peintre. […] Faites d’un orateur un peintre : ses portraits seront sans vie ; il composera des dissertations, des démonstrations et des tirades.

121. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « PAUL HUET, Diorama Montesquieu. » pp. 243-248

L’homme ne joue guère de rôle dans cette manière d’envisager les lieux et de les reproduire : le groupe d’usage n’y est pas ; la pastorale et l’élégie y sont sacrifiées ; point de ronde arcadienne autour d’un tombeau ; point de couples épars et de nymphes folâires et d’amours rebondis ; point de kermesse rustique, de concert en plein air ou de dîner sur l’herbette ; pas même de romance touchante, ni de chien du pauvre, ni de veuve du soldat : c’est la nature que le peintre embrasse et saisit ; c’est le symbole confus de ces arbres déjà rouillés par l’automne, de ces marais verdâtres et dormants, de ces collines qui froncent leurs plis à l’horizon, de ce ciel déchiré et nuageux, c’est l’harmonie de toutes ces couleurs et le sens flottant de cette pensée universelle qu’il interroge et qu’il traduit par son pinceau. […] Hoffmann, en son admirable conte de l’Église des Jésuites, à l’endroit où le peintre Berthold, ce pauvre génie incomplet, s’épuise dans ses paysages à copier textuellement la nature, introduit à son côté un petit Maltais ironique, espèce de Méphistophélès de l’art, qui lui frappe sur l’épaule et lui donne de merveilleux conseils : on dirait que M. […] La critique de la jeune école, en 1829-1830, ne s’en tenait pas seulement aux poëtes et aux littérateurs : les peintres novateurs étaient nos frères, et la lutte que nous engagions pour nous-mêmes, nous la soutenions aussi pour eux.

122. (1823) Racine et Shakspeare « Résumé »

À mon avis, l’artiste moderne plus remarquable par la force du caractère que par le talent, est resté inférieur aux grands peintres du siècle de Louis XIV ; mais sans M.  […] Gros, Girodet, Guérin, Prud’hon, et cette foule de peintres distingués sortis de son école ?

123. (1765) Articles de l’Encyclopédie pp. 7761-7767

de cet Ouvrage ; ce fragment a été trouvé imparfait dans ses papiers : l’auteur n’a pas eu le tems d’y mettre la derniere main ; mais les premieres pensées des grands maitres méritent d’être conservées à la postérité, comme les esquisses des grands peintres. […] Ainsi les Peintres grouppent leurs figures ; ainsi ceux qui peignent les batailles mettent-ils sur le devant de leurs tableaux les choses que l’oeil doit distinguer, & la confusion dans le fond & le lointain. […] Par exemple : Si la nature demande des peintres & des sculpteurs, qu’ils mettent de la symmétrie dans les parties de leurs figures, elle veut au contraire qu’ils mettent des contrastes dans les attitudes. […] On peut comparer Raphael à Virgile ; & les peintres de Venise avec leurs attitudes forcées, à Lucain. […] Dans son fameux Bacchus, il ne fait point comme les peintres de Flandres qui nous montrent une figure tombante, & qui est pour ainsi dire en l’air.

124. (1920) Action, n° 4, juillet 1920, Extraits

Chaque aéroplane et chaque dirigeable sera peint, ou camouflé (animaux, machines, maisons) et signé par un peintre futuriste. Les peintres futuristes Baila, Russolo, Funi, Depero, Dudreville, Baldessari, Rosai, Ferrazzi, Ginna, Primo Conti, Sironi, etc…an ont déjà trouvé de fantastiques décorations pour aéroplanes. […] (art. cit., p. 70), le peintre Chéreau et Jean Tharaud. […] Ardengo Soffici (1879-1964), peintre et écrivain italien, fondateur, avec Papini et Palazzeschi, de la revue florentine Lacerba (n° 1, janvier 1913), organe officiel du mouvement futuriste jusqu’en 1915. […] On trouvera des informations biographiques sur les peintres et poètes cités dans le très complet Dizionario del Futurismo, sous la direction d’Ezio Godoli, Firenze, Vallecchi, 2001, 2 volumes.

125. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « V. M. Amédée Thierry » pp. 111-139

Il est peintre à un certain degré : par cela même, il fait mieux voir l’histoire. […] Sa grande valeur est d’être peintre, d’avoir sinon le style de l’histoire, au moins un très remarquable style d’histoire, ce style par lequel, en toutes choses, les œuvres durent, car on recommence l’histoire, on peut la recommencer cinquante fois sous d’autres arcs de lumière, avec des aperçus ou des documents de plus, mais on a beau la refaire, on la relit toujours quand elle est littérairement écrite ! […] Peintre donc, mais peintre tempéré et savant dans un sujet qui demandait à l’Art ses plus magnifiques violences, M.  […] Moderne, délicat, il ne trempa que l’extrémité de son pinceau dans le cuvier de couleur barbare ou de couleur mystique et légendaire qui aurait pu lui servir de palette, s’il avait été le peintre géant qu’il fallait, et par cela seul qu’il ne voulut pas être barbare, comme n’aurait pas manqué de l’être tout grand artiste qui aurait eu à peindre un sujet barbare comme le sien, il resta de fait au-dessous, comme effet d’impression, de tous ces moines qui avaient moins de goût que lui, mais qui avaient plus d’énergie, et dont son histoire, pour ceux qui savent les lire, ne remplacera pas les chroniques et le mauvais latin, si sublime dans son incorrecte grandeur ! […] Amédée Thierry, mais c’est le peintre, et le peintre, c’est beaucoup plus que l’érudit et même que le penseur !

126. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Fervaques et Bachaumont(1) » pp. 219-245

Mais elle a eu peu de peintres de l’art pour l’art, pour la vérité seule de la peinture. […] … C’était audacieux de la peindre, mais, puisqu’on en avait l’audacieuse fantaisie, il fallait la peindre avec l’intelligence des grands peintres, qui sauvent tout des sujets les plus dangereux par la passion et par l’accent de leur peinture. […] Ils n’ont pas, en peignant leur monstrueuse Rolande, cet accent profond qui, dans la pensée des lecteurs, sépare le peintre de son modèle ; ils n’ont pas cette manière de poser leur personnage qui n’a pas même besoin de paroles, qui n’est qu’un souffle de la plume, mais un souffle vengeur, en exposant des abominations… Certes ! […] Mais j’exige pourtant que l’on sente à quelque chose dans la peinture qu’une conscience morale s’agite dans le peintre ; qu’il y ait, enfin, dans l’artiste, l’être moral sans lequel même le grand artiste n’existe pas. […] Ils peignent leur Rolande et ses vices avec un sans-souci de peintres indifférents à tout ce qui n’est pas la couleur et la plastique de leur peinture, et avec une impassibilité plus légère, mais aussi positive que celle de Flaubert, le plus fieffé matérialiste de peinture qu’il y ait dans ce temps de matérialisme en toutes choses… Ils disent le long de leur roman que Rolande a le don de fascination, ce qui est bien facile à dire quoique pas une seule fois on ne comprenne qu’elle l’ait dans le roman où elle se meut, mais ce don de fascination qu’ils lui ont fait, évidemment elle l’a pour eux.

127. (1761) Salon de 1761 « Peinture — M. Pierre » pp. 122-126

La fuite en Egypte est traitée d’une manière Tableau de 5 pieds piquante et neuve ; mais le peintre n’a pas su de haut sur quatre de large. tirer parti de son idée. […] Le beau tableau, si le peintre avait su faire des montagnes au pied desquelles la Vierge eût passé ; s’il eût su faire ses montagnes bien droites, bien escarpées et bien majestueuses ; s’il eût su les couvrir de mousses et d’arbustes sauvages ; s’il eût su donner à sa Vierge de la simplicité, de la beauté, de la grandeur, de la noblesse ; si le chemin qu’elle eût suivi eût conduit dans les sentiers de quelque forêt bien solitaire, et bien détournée ; s’il eût pris son moment au point du jour ou à sa chute. […] Que le peintre s’en serve pour faire sortir tout l’éclat de Venus.

128. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Eugène Fromentin ; Maxime du Camp »

Peintre de talent sur la toile, que nous n’avons pas ici à apprécier, Eugène Fromentin est allé demander deux fois à l’Afrique ce que les peintres vraiment inventeurs trouvent par l’intuition seule de leur génie, fussent-ils culs-de-jatte, et voilà qu’une fois parti il n’a pu résister à la facilité de ce livre de tout le monde que chacun peut faire, et même les enfants et les femmes, car les femmes et les enfants aiment très fort à parler de leurs impressions personnelles. […] Un jour ou l’autre, s’il n’y prenait pas garde, l’Orient le chausserait de ces engloutissantes babouches dont Lœve-Weimars n’a pu se dépêtrer malgré l’alacrité vigoureuse de son esprit occidental ; et même sa main de peintre, cet organe habile, il la fourrerait tout autant que ses pieds de rôdeur dans ces fatales babouches, et c’en serait fait de son talent ! […] La description, déjà abusive chez Fromentin, qui est un peintre, est chez du Camp, qui se croit un poète, à l’état violent, furieux, insupportable : c’est un casse-tête de descriptions. […] On y discute des manières de peintre et des sujets de tableau ; on y trouve du respect pour Rembrandt, sentiment honorable, mais insuffisant pour parler dignement de ce grand homme.

129. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre quinzième. »

Tacite se plaît, comme peintre, aux spectacles qui l’affligent comme citoyen. […] quel peintre des crimes ! […] Les arrière-pensées, les doubles conduites, les sourdes menées, l’influence par les affranchis ou par les valets intérieurs, tous ces grands traits des gouvernements absolus sont communs aux deux époques, et il semble quelquefois que le même original ait posé devant les deux peintres. […] La conduite générale du personnage a fourni les traits principaux : le mélange du bien et du mal, dans la même vie, a fourni les contrastes : on dirait un portrait qu’un peintre habile aurait fait d’un inconnu d’après une tradition. […] Il n’a pas composé ces portraits dans un ordre régulier, à la façon du peintre qui dessine d’abord la figure, puis le modèle, et met la couleur en dernier lieu.

130. (1863) Le réalisme épique dans le roman pp. 840-860

Quand il décrit les richesses d’Hamilcar, on ne saurait méconnaître l’ardeur du peintre dans les efforts de sa fantaisie ; il a des traits énergiques, des choses hardiment devinées. […] Le caractère de Mâtho, fort simple il est vrai, fait honneur au peintre ; l’éblouissement du Libyen en présence de Salammbô, ce choc soudain qui ébranle tout son être, cette passion tour à tour violente et timide, ces pleurs, ces rugissements, ce désordre farouche qui le livre comme un enfant aux conseils de Spendius, tout cela est étudié avec soin et rendu en traits énergiques. […] À chaque trait nouveau ajouté par le peintre, à chaque mouvement des acteurs, on se dit : Pourquoi cela ? […] Mais non, ce n’est pas le peintre qui est coupable, c’est le système. […] Aura-t-il l’ambition de marquer sa place parmi les peintres émus et respectueux de la grande nature humaine ?

131. (1761) Salon de 1761 « Peinture —  Chardin  » p. 143

Il y a longtemps que ce peintre ne finit plus rien. […] Il s’est mis à la tête des peintres négligés, après avoir fait un grand nombre de morceaux qui lui ont mérité une place distinguée parmi les artistes de la première classe.

132. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 juin 1885. »

Enfin, les peintres, Lebrun, Poussin, et, plus tard, David, non moins réalistes, voient et peignent, dans les corps, seule la pure ligne, les contours harmonieux. […] Un théoricien et un artiste, et profondément sincère, d’une incomparable honnêteté artistique : c’est le peintre que nous ont, étonnamment, révélé ces deux œuvres. […] Odilon Redon (1840-1916) est dessinateur, graveur, aquarelliste et peintre. […] Il se définit comme un « peintre symphoniste » et recherche un art de la suggestion. […] Il qualifie les tentatives d’interpréter la musique en peintre de Fantin-Latour de « laborieuses » et préfère produire des évocations des personnages wagnériens, comme Tannhäuser, Isolde ou Parsifal.

133. (1761) Salon de 1761 « Peinture —  Parrocel  » p. 156

Il me semble qu’un grand peintre qui a précédé est plus incommode pour ses successeurs qu’un grand littérateur pour nous. […] et comment les peintres font-ils ?

134. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 48, des estampes et des poëmes en prose » pp. 484-485

Qu’on ne dise point que c’est la partie du coloris qui constituë le peintre, et qu’on n’est peintre qu’autant qu’on sçait colorier.

135. (1885) L’Art romantique

Ainsi un bon peintre peut n’être pas un grand peintre ; mais un grand peintre est forcément un bon peintre, parce que l’imagination universelle renferme l’intelligence de tous les moyens et le désir de les acquérir. […] Ai-je besoin de dire que cet enfant est aujourd’hui un peintre célèbre ? […] Quand il faut être peintre, le Français se fait homme de lettres. […] » Et ils s’en allèrent contents du peintre et contents d’eux-mêmes. […] Je ne sais si parmi les amateurs de peintures beaucoup me ressemblent, mais je ne puis me défendre d’une vive mauvaise humeur lorsque j’entends parler d’un paysagiste (si parfait qu’il soit), d’un peintre d’animaux ou d’un peintre de fleurs, avec la même emphase qu’on mettrait à louer un peintre universel (c’est-à-dire un vrai peintre), tel que Rubens, Véronèse, Vélasquez ou Delacroix.

136. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Renou » pp. 301-307

Si vous faites quelque chose de plus, vous confondez les genres, vous cessez d’être poëte, vous devenez peintre ou sculpteur. […] Finissons donc et disons à nos poëtes et à nos peintres, à nos poëtes : une seule partie de la figure ; cette partie exagérée par un module qui épuise toute la capacité de mon imagination ; un choix d’expression, un rythme, une harmonie correspondante ; et voilà le moyen de créer des êtres infinis, incommensurables, qui excéderont les limites de ma tête et qui seront à peine circonscrits dans l’enceinte de l’univers. Voilà ce que les grands génies ont exécuté d’instinct, et ce qu’aucun de nos feseurs de poétique n’a vu ; et que Dieu les bénisse. à nos peintres : certes, messieurs, l’idée qu’on prend de l’ange du livre de la sagesse n’est pas celle de vos petites têtes jouflues et soufflant des bouteilles, dont vous garnissez vos petits tableaux, que je dis petits parce qu’ils seraient toujours petits, quand ils auraient cinquante pieds de long. Et là-dessus je vous souhaite le bonsoir, et à nos peintres et à nos poëtes, car il a fallu que j’achevasse mal ce soir ce que j’aurais exécuté de verve ce matin, sans la cohue des importuns.

137. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XVII. Mémoires du duc de Luynes, publiés par MM. Dussieux et Soulier » pp. 355-368

Il aurait fait probablement le plus détestable des ministres, et il fut, sans même s’en douter, le plus magnifique peintre d’histoire. […] Incorrect, il est mieux ainsi le peintre de cette aristocratie dédaigneuse des lettres, et dont on disait qu’elle savait tout sans avoir jamais rien appris ! […] C’est le trait que ce peintre de l’aristocratie devait avoir et qui l’achève ! […] Après le peintre éclatant, amer et profond, nous avons eu le daguerréotype qui a daguerréotypé des riens !

138. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « Th. Carlyle » pp. 243-258

Et puisque c’est un peintre, et ce n’est que cela, mais puissamment, malgré les taches du protestant, de l’anglais et du puritain, et du millénaire, et même du scholar, qui sont sur son talent et indélébilement y restent, nous allons dire un mot du peintre et de la valeur de sa peinture, et nous aurons tout dit. […] Pour faire du pittoresque, comme diraient les peintres plastiques, il descendait jusqu’à la vulgarité et le mauvais goût. « Le cruel Jean Bon, — dit-il quelque part, en parlant de ce représentant du peuple et à la fin d’une page très soutenue et très solennelle, — le cruel Jean Bon ! […] … Mais quoi qu’il soit de ces défauts que je relève et de quelque manière qu’on les juge, Carlyle est un peintre d’histoire, qui a créé je ne dirai pas un genre en peinture historique, — je ne crois pas aux genres et je méprise les Écoles : pour moi, les imitateurs les plus forts ne sont jamais que les assassins de ceux qu’ils imitent et les frappent, comme Néron Agrippine, au ventre qui les a portés, — mais Carlyle a fait le premier une chose qu’avant lui on n’avait pas faite.

139. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Les Mémoires de Saint-Simon » pp. 423-461

Saint-Simon est le plus grand peintre de son siècle, de ce siècle de Louis XIV dans son entier épanouissement. […] Très peu de parties de notre histoire (si on l’essaye) résistent à cette épreuve, et échappent à ce contrecoup ; car les peintres de cette sorte sont rares, et il n’y a même eu jusqu’ici, à ce degré de verve et d’ampleur, qu’un Saint-Simon. […] C’étaient des peintres aussi, au milieu de leurs narrations un peu gênées, mais d’une gaucherie charmante et naïve, que les Villehardouin et les Joinville. […] Est-ce à dire qu’un autre observateur et un autre peintre placé à côté du premier, mais à un point de vue différent, ne présenterait pas une autre peinture qui aurait d’autres couleurs, et peut-être aussi quelques autres traits de dessin ? […] Mais, dans ce dernier cas, le peintre est trop intéressé et devient comme féroce : la mesure de l’art est dépassée.

140. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Raphaël, pages de la vingtième année, par M. de Lamartine. » pp. 63-78

Après tout, ôtez le ciel d’Italie et le costume de Procida, ce n’est qu’une aventure de grisette, embellie et idéalisée par l’artiste, élevée après coup aux proportions de la beauté, mais une de ces aventures qui ne laissent que trop peu de traces dans la vie, et qui ne se retrouvent que plus tard dans les lointains de la pensée, quand le poète ou le peintre sent le besoin d’y chercher des sujets d’élégie ou de tableau. […] Au physique comme au moral, Raphaël réunit toutes les perfections, tous les dons de l’ange, son patron, et du grand peintre, son homonyme. […] L’auteur, en essayant d’appliquer à son héros le type de beauté du grand peintre d’Urbin, a oublié une seule chose ; c’est que la première, la souveraine impression que fait sur nous la vue d’une figure de Raphaël, est une impression de pureté virginale et de chasteté. Or, je ne saurais recevoir cette impression-là, quand l’auteur, dans la traduction qu’il nous donne du portrait du peintre, s’épuise à nous décrire ces yeux, « qui sont, dit-il, imbibés de lumière jusqu’au fond, mais un peu humides des rayons délayés dans la rosée ou dans les larmes. » Je sens là une intention voluptueuse qui ne ressort pour moi d’aucune figure peinte par Raphaël, pas même de la sienne. […] Bernardin de Saint-Pierre est le Raphaël des îles de l’Inde ; il est céleste de pinceau et chaste comme l’autre peintre des divines enfances.

141. (1913) Le mouvement littéraire belge d’expression française depuis 1880 pp. 6-333

Véronèse se retrouve souvent dans Van Dyck, peintre religieux, encore plus dans Rubens. […] Les romanciers belges sont des peintres et, en général, ne sont que des peintres. […] Bruxelles, Van Oest, 1905. — Les Peintres animaliers. […] Paris, Hachette, 1888. — Les Peintres de la vie. […] Bruxelles, Franck, 1885. — Joseph Heymans peintre.

142. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1879 » pp. 55-96

Du temps de notre gloire, il y avait un peintre isolé, comme Vernet, comme Raffet, mais non tout un petit monde, pouvant faire les frais d’une exposition spéciale. […] Flaubert, l’ennemi des illustrations, songe aujourd’hui à l’illustration de sa féerie, avec des dessins de peintres — et non de dessinateurs, dit-il avec mépris. […] * * * — C’est fabuleux ce que demande, dans ce moment, le ministère des Beaux-Arts aux peintres, chargés de commandes pour le Panthéon. On a très sérieusement tâté un peintre chargé de peindre un épisode de la vie de la Vierge, pour tâcher d’obtenir de lui, qu’il n’introduisît pas la Vierge dans son tableau. […] Oui, c’était ce cabaret, le cabaret du frère de Bonvin, qui demeurait cuisinier, et attaché à la maison paternelle, tout en étant peintre et musicien.

143. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — J — Joncières, Léonce de »

C’est un merveilleux descriptif, et ses vers sont d’un peintre au moins autant que d’un poète. […] L’auteur, un peintre dotaient, est coloriste, et c’est à l’Orient qu’il a demandé la magie de son soleil et les sujets de ses belles envolées de poète.

144. (1888) Études sur le XIXe siècle

Quoi d’étonnant qu’il fût conduit des poètes de l’âme aux peintres de l’âme, des extases de la Vita Nuova à celle d’un Beato Angelico ? […] Donc, quelque étrange que cela nous paraisse, il faut reconnaître que le but du peintre, quoiqu’il ne soit pas de nature pittoresque, est accessible. […] Cela est vrai pour tous, même pour Millais, le plus « peintre » de l’École. […] Comment le peintre subtil et délicat de la vie élégante est-il parvenu à décrire, sans fadeurs bucoliques, une existence si différente de la sienne ? […] Je crois en vérité que, parmi les peintres producteurs de l’école, pas un n’avait jusque-là lu un seul des admirables livres de M. 

145. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 32, de l’importance des fautes que les peintres et les poëtes peuvent faire contre leurs regles » pp. 273-274

Section 32, de l’importance des fautes que les peintres et les poëtes peuvent faire contre leurs regles Comme les parties d’un tableau sont toujours placées l’une à côté de l’autre et qu’on en voit l’ ensemble du même coup d’oeil, les défauts qui sont dans son ordonnance nuisent beaucoup à l’effet de ses beautez. […] Nous ne voïons pas ce que le peintre a fait de bon separement de ce qu’il a fait de mauvais.

146. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Dominique par M. Eugène Fromentin (suite et fin.) »

Le public, qui aime à mettre vite une étiquette à chaque talent, l’a pris et adopté par ce côté, l’a classé comme un des peintres du Midi et de l’Orient, si bien que plus d’un lecteur a pu s’étonner de voir le paysagiste aux teintes éclatantes changer brusquement de pays, de sujet, de cadre, et nous donner des descriptions d’un aspect tout différent, d’une lumière modérée, et qui sont tout à fait françaises de ton et de caractère. […] Fromentin un peintre heureux, naturel et comme natal ; à en juger par cette application toute nouvelle qui semble une métamorphose, cela ne m’étonnerait pas si bientôt, à l’un des prochains salons, on voyait de lui, sortant de son pinceau comme ici de sa plume, des paysages français de Normandie ou de Touraine, ou de cette même Sèvre niortaise, pour faire pendant et contraste aux précédents tableaux de l’Algérie. […] Puis on n’en rencontrait plus que l’année suivante, à la même époque, au même lieu, à ce point qu’il semblait que c’était le même émigrant qui revenait. » Tout ceci est du chasseur autant que du naturaliste ; ce qui suit est particulièrement du peintre : « Des tourterelles de bois arrivaient en mai, en même temps que les coucous. […] Le roman n’est pas entièrement d’accord avec la vérité humaine, avec l’entière vérité telle que les grands peintres de la passion l’ont de tout temps conçue. […] Une chose, entre autres, m’y plaît encore : c’est que la description si riche et si vive y est pourtant toujours à sa place et n’empiète pas au-delà, comme on eût pu l’attendre et le craindre de la part d’un peintre.

147. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1852 » pp. 13-28

Les gérants, à cent sous la signature, se succèdent : le premier, Pouthier, un peintre bohème, ami de collège d’Edmond, est remplacé par un nommé Cahu, un être aussi fantastique que son nom, et qui est libraire philologique dans le quartier de la Sorbonne et membre de l’Académie d’Avranches ; et Cahu cède la place à un ancien militaire, auquel un tic nerveux fait à tout moment regarder la place de ses épaulettes et cracher par-dessus ses deux épaules. […] Là arrivent, tous les soirs, — car la bière vient du Grand Balcon, et la femme a le don capiteux de produire autour d’elle une certaine excitation de l’esprit et de mettre les imaginations en verve, — là arrivent le peintre Hafner, le plus bredouilleur des Alsaciens ; Valentin, le dessinateur de L’Illustration ; Deshayes, le petit maître aux tonalités grises, et le blond coloriste Voillemot, avec sa tignasse d’Apollon roussi, et Galetti, et le tout jeune Servin, et d’autres, et d’autres, et c’est toute la soirée un tapage et une débauche de paroles, que de temps en temps, solennellement, le maître de la maison réprime par un « Où te crois-tu !  […] Là, de grandes courses à la suite des peintres et de leurs maîtresses en joie, et comme grisées par le plein air de la campagne : des jours qui ressemblent à des dimanches d’ouvriers. […] On promène une gaieté vaudevillière par toute la forêt, même en ce Bas-Bréau, où nos fumisteries semblent faire fuir dans la profondeur de la feuillée des dos de peintres chenus, ressemblant à des dos de vieux druides.

148. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Les Femmes d’Amérique » pp. 95-110

L’auteur n’y fait pas seulement le peintre, mais le philosophe, et quel philosophe ! […] Il est de bonne foi comme un peintre qui verrait et peindrait les objets à la renverse, et qui soutiendrait qu’ils sont d’aplomb et à leur place ; car c’est ainsi que, dans tout le cours de son livre, il ne manque pas de procéder. […] Le peintre des Femmes d’Amérique est tout simplement un homme qui a lu Rousseau, qui traduit l’Émile dans un français… américain… qui, la main sur le cœur, l’honnête homme ! […] Nous n’avons nullement à défendre l’Amérique contre l’étrange fanatisme de son peintre… Qu’ils s’arrangent entre eux !

149. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « Honoré de Balzac » pp. 1-15

« Balzac, dit-il, n’est qu’un peintre de genre. […] Peintre de genre, dit-il (est-ce une insolence d’éloge ou une perfidie ?), c’est par la peinture de genre qu’il vivra, s’il vit, ce peintre effrayant de nature humaine, de société, de caractère, d’histoire, qui allait être encore un peintre de batailles, s’il n’était pas mort !

150. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LIII » pp. 206-208

— L'exposition de Peinture et de Sculpture est ouverte depuis un mois : tout d’abord, dans le grand salon, on distingue un portrait de cette même princesse Belgiojoso par le peintre Lehman, disciple d’Ingres et artiste d’un vrai talent. […] Le peintre, il paraît, a su s’élever à l’idéal et à la sainteté de cette situation touchante rendue avec tant de sublimité dans les Confessions.

151. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Parocel » pp. 255-256

Parocel qui s’est mis à jouer l’esprit fort, quand il s’agissait d’être peintre. […] Au bas ce sont deux apôtres qui dorment de bon cœur et à qui l’on ne saurait pourtant reprocher le peu d’intérêt qu’ils prennent à leur maître, car le peintre ne l’a point fait intéressant.

152. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Charles Nodier »

Le Peintre de Saltzbourg, journal des émotions d’un cœur souffrant, suivi des Méditations du Cloître, 1803. […] Nodier, à la veille du Peintre de Saltzbourg, se ressouvenait du roman de Ramond171, il ajouta même à son Peintre, par manière d’épilogue, une pièce intitulée le Suicide et les Pèlerins, qui n’est qu’une mise en vers du dernier chapitre en prose de d’Olban. Comme talent d’écrire (bien que Ramond en ait montré dans ses autres ouvrages), il n’y a pas de comparaison à faire entre le Peintre de Saltzbourg et le roman alsacien ; mais c’est le même fonds de sentimentalité. […] Ces fines qualités de style se présageaient déjà vivement dans le Peintre de Saltzbourg, qui n’a plus guère conservé d’intérêt que par là. […] Le Peintre de Saltzbourg avait de plus, sur quelques points de sa palette, ses rayons à lui.

153. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Souvenirs de soixante années, par M. Etienne-Jean Delécluze »

Je vais justifier et développer ces divers traits avec les propres récits que cet homme estimable vient de publier en dernier lieu et qu’il avait commencé à nous donner déjà dans son livre sur le peintre David et son École18. […] Delécluze s’y est montré peintre d’intérieur fort particulier et fort distingué, mais pas tout à fait peut-être dans le sens où il le croit. […] Après l’état des lieux, on a le dénombrement et le signalement, des élèves dont aucun, à ce moment-là, si, l’on excepte Granet, n’était destiné à devenir un grand peintre ; le temps des Gérard, Gros, Girodet, était passé : celui d’Ingres ne devait venir qu’un peu après. […] Il n’est pas un peintre de l’école de David, il n’est pas un élève de la race de David, mais il s’est trouvé être en définitive le chroniqueur de l’atelier de David, un Tallemant des Réaux plein de prud’homie et de sérieux. […] Tu ne seras jamais un peintre, ça se voit !

154. (1886) Quelques écrivains français. Flaubert, Zola, Hugo, Goncourt, Huysmans, etc. « J. K. Huysmans » pp. 186-212

Désirée, conduite au théâtre Bobino, perçoit la silhouette de la chanteuse, avec les omissions et les insistances d’un peintre intransigeant, puis les détails de sa toilette, comme une personne située dans la coulisse. […] Huysmans ne trouvait pas à loger dans ces âmes étroites, tout l’épanouissement de ses qualités de peintre verbal. […] Assurément, jamais Paris n’a été fouillé, décrit, découvert, examiné dans ses détails et repris dans ses ensembles, analysé et synthétisé comme en ce beau livre, par le peintre Cyprien Tibaille et le littérateur André Jayant. […] Ce livre avec lequel on pourra toujours restituer la physionomie exacte du Paris actuel, nous donne l’aspect intime de la rue le matin quand les cafés s’ouvrent sur le passage des ouvriers et des filles découchées la nuit au moment des rentrées tardives, le soir à l’heure discrète ou des messieurs bien mis enboitent le pas d’ouvrières en cheveux, au crépuscule, où déserte et morte, elle sèche d’une averse sous la flambée jaune du soleil couchant ; il nous donne les boutiques, les ateliers, le garni d’un peintre, les brasseries, les restaurants, l’appartement d’une fille, celui d’un employé, tout le dedans et le dehors de la capitale du monde moderne. […] Le peintre Cyprien n’est à l’aise que devant certains spectacles douloureux et minables ; il préfère « la tristesse des giroflées séchant dans un pot, au rire ensoleillé des roses ouvertes en pleine terre » ; à la Vénus de Médicis, « le trottin, le petit trognon pâle, au nez un peu canaille, dont les reins branlent sur des hanches qui bougent » ; formule son idéal de paysage en ces termes : « Il avouait d’exultantes allégresses, alors qu’assis sur le talus des remparts, il plongeait au loin… Dans cette campagne, dont l’épiderme meurtri se bossèle comme de hideuses croûtes, dans ces roules écorchées où des traînées de plâtre semblent la farine détachée d’une peau malade, il voyait une plaintive accordance avec les douleurs du malheureux, rentrant de sa fabrique éreinté, suant, moulu, trébuchant sur les gravats, glissant dans les ornières, traînant les pieds, étranglé par des quintes de toux, courbé sous le cinglement de la pluie, sous le fouet du vent, tirant résigné sur son brûle-gueule. » Et sur ce dolent idéal, des Esseintes renchérit encore : « Il ne s’intéressait réellement qu’aux œuvres mal portantes, minées et irritées par la fièvre » « … se disant que parmi tous ces volumes qu’il venait de ranger, les œuvres de Barbey d’Aurevilly étaient encore les seules dont les idées et le style présentassent ces faisandages, ces taches morbides, ces épidermes talés, et cegoût blet, qu’il aimait tant à savourer parmi les écrivains décadents ».

155. (1900) Le lecteur de romans pp. 141-164

Le peintre et le romancier verront le même paysage ou le même décor d’appartement ; ils le verront peut-être avec des yeux également fouilleurs, sensibles aux moindres nuances de couleur et aux harmonies des formes ; mais, si leur vision est la même, ils la rendront par des procédés et dans un but bien différents. Le peintre établira son chevalet dans une clairière de forêt, je suppose ; il dessinera les troncs et les branches des arbres, les buissons, les places d’ombre et de lumière ; il s’ingéniera à peindre ces dégradations de teintes des frondaisons qui s’éloignent et qui, vertes d’abord, se perdent bientôt dans le bleu. […] Toute son ambition de peintre, d’ailleurs très haute et très périlleuse, tend à éveiller dans une autre âme l’impression qu’a produite sur lui-même le spectacle de la forêt, — sur lui-même, observons-le bien, qui ne cherchait que la beauté, et appliquait à cette contemplation ses sens et son esprit. […] Et nous ne le comprenons plus, nous sommes en désaccord avec lui, si, tout à coup, s’arrêtant dans la clairière que nous avons imaginée, il s’abstrait de ses préoccupations, de ses amours, de ses rancunes, de ses rêves, pour contempler la nature avec la minutie, avec la longue patience d’un peintre et d’un homme de métier. […] Le secret est là, et peut-être n’existe-t-il qu’un ou deux maîtres qui l’aient toujours compris, sans jamais subir l’entraînement de ce peintre, brosseur de fresques, aquarelliste ou pastelliste, qui habite aujourd’hui dans l’âme de tout romancier.

156. (1896) Journal des Goncourt. Tome IX (1892-1895 et index général) « Année 1894 » pp. 185-293

Des reliures de Wiener de Nancy, des reliures de Prouvé, le peintre, dont l’une : « Mélancolie d’Automne » représente sur une peau, couleur de feuille morte, et en relief, le recroquevillement des feuilles sèches dans cette saison, sur les chemins. […] Mais il faut le dire, il y a des reconstitutions de Jérusalem, lavées de couleurs, qui ont un peu du caractère des grandes cités ninivites, peintes par le peintre anglais Martins. […] On parle encore longuement des procédés nouveaux et, des recherches biscornues des peintres du moment, et Geffroy cite un peintre, en train de peindre au vaporisateur, se vantant des effets inattendus, qu’il va bientôt produire en public. […] Un jeune paysan, dans sa précipitation à embrasser son amoureuse, culbute le chevalet du peintre, devant lequel elle est en train de poser. […] Rod, peint à l’huile par Rheiner, un peintre suisse (1892), sur un exemplaire de : La Course à la mort.

157. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Millet Francisque » p. 168

La condition du mauvais peintre et du mauvais comédien est pire que celle du mauvais littérateur. Le peintre entend de ses propres oreilles le mépris de son talent ; le bruit des sifflets va droit à celles de l’acteur, au lieu que l’auteur a la consolation de mourir sans presque s’en douter ; et lorsque vous vous écriez de dépit : la bête !

158. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Le Prince » pp. 206-220

Allez chez Gaignat ; voyez la foire de Teniers, peintres de paysages, et dites-vous à vous-mêmes : voilà ce qu’il faut savoir faire. […] Dans ces dernières y aurait-il certains traits fins, subtils et cachés, faciles à sentir quand on les a sous les yeux, infiniment difficiles à retenir quand on ne les voit plus, impossibles à rendre par le discours ; ou serait-ce de ces physionomies rares et des traits spécifiques et particuliers de ces physionomies que seraient empruntées ces imitations qui nous confondent et qui nous font appeller les poëtes, les peintres, les musiciens, les statuaires du nom d’inspirés ? […] Au contraire l’habillement des orientaux, des asiatiques, des grecs, des romains dévelope le talent du peintre habile et augmente celui du peintre médiocre. à la place de cette figure de tartare qui est à la droite dans le tableau de la bonne aventure, et qui est si richement, si noblement vêtue, imaginez un de nos cent-suisses, et vous sentirez tout le plat, tout le ridicule de ce dernier personnage. […] Si nos peintres et nos sculpteurs étaient forcés désormais de puiser leurs sujets dans l’histoire de France moderne, je dis moderne, car les premiers francs avaient conservé dans leur manière de se vêtir quelque chose de la simplicité du vêtement antique, la peinture et la sculpture s’en iraient bientôt en décadence. […] Mais transportez la scène de Paris à Rome ; de l’hôtel de ville au milieu du sénat ; à ces foutus sacs rouges, noirs, emperruqués, en bas de soie bien tirés, bien roulés sur les genoux, en rabats, en souliers à talon, substituez-moi de graves personnages à longues barbes, à tête, bras et jambes nus, à poitrines découvertes, et longues, fluentes et larges robes consulaires ; donnez ensuite le même sujet au même peintre tout médiocre qu’il est, et vous jugerez de l’intérêt et du parti qu’il en tirera, à condition pourtant qu’il ferait descendre autrement sa paix.

159. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « AUGUSTE BARBIER, Il Pianto, poëme, 2e édition » pp. 235-242

Son poëme se divise en quatre masses principales ou chants : 1° le Campo Santo à Pise ; c’est le vieil art toscan catholique au Moyen-Age que l’auteur y ranime dans la personne et dans l’œuvre du peintre Orcagna, contemporain de Dante ; 2° le Campo Vaccino, ou le Forum romain ; solitude, dévastation, mort ; la majesté écrasante des ruines encadrant la misère et l’ignominie d’aujourd’hui ; 3° Chiaia, la plage de Naples où pêchait Masaniello : c’est un mâle dialogue entre un pêcheur sans nom, qui sera Masaniello si l’on veut, et Salvator Rosa ; les espérances de liberté n’ont jamais parlé un plus poétique langage ; 4° Bianca, ou Venise, c’est-à-dire cette divine volupté italienne que l’étranger du nord achète et profane comme une esclave. — Telle est la distribution générale du poëme, à laquelle il faut joindre, pour en avoir l’idée complète, un prologue et un épilogue, puis, dans l’intervalle de chaque chant, un triple sonnet sur les grands statuaires, peintres et compositeurs, Michel-Ange, Raphaël, Cimarosa, etc. ; l’ordonnance en un mot ne ressemble pas mal à un palais composé de quatre masses ou carrés (les quatre chants), avec un moindre pavillon à l’extrémité de chaque aile (prologue et épilogue), et avec trois statues (les sonnets) dans chaque intervalle des carrés, en tout neuf statues. […] Ce n’est pas à l’auteur de la Curée, au peintre de la Liberté des barricades qu’il faut rappeler cela.

160. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Μ. Ε. Renan » pp. 109-147

J’avoue que je n’ai jamais été frappé de ce talent de grand écrivain et de peintre qu’on octroie à M.  […] Mais le grand trait, la touche large, la profondeur dans l’accent des physionomies, toutes les choses qui font le grand peintre, il ne les avait pas. […] Il s’agit de savoir si, en présence de ces faits colossaux qu’il fallait reproduire et faire revivre, le peintre qu’on dit être dans M.  […] et un grand peintre, un grand artiste, un grand écrivain, peut dire et penser des choses insensées, cela s’est vu ! […] Renan, qui le connaît, lui, et qui en fait une théorie, ne peut jamais être ni un grand peintre, ni un grand écrivain !

161. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Réponse à une lettre de M. Grimm » pp. 205-206

Les soldats qu’on voit à droite sur le fond ont la finesse de touche ordinaire à ce peintre ? […] Malgré ces observations qui peuvent être très justes, je persiste à croire que les tableaux que ce peintre nous a montrés cette année sont d’une grande beauté et méritent mon éloge.

162. (1899) L’esthétique considérée comme science sacrée (La Revue naturiste) pp. 1-15

Il nous faudra faire en France ce que des sculpteurs, des peintres, des poètes ont fait en Italie au xvie  siècle. […] Les harmonies du musicien, le pinceau du peintre, la lyre du poète et le ciseau du statuaire réalisent des types absolus dont l’imitation rend les races parfaites. […] Dans un grand peintre, dans un poète vrai et sévère, dans un dramaturge éloquent et fort, dans un musicien limpide et précis, il y a un penseur instruit de toutes les connaissances possibles. […] La formation des drames logiques demande autant des dons de peintre, de décorateur, de statuaire, que des instructions de poète.

163. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Edmond et Jules de Goncourt »

Ils l’aiment en psychologues et en peintres. […] Coriolis de Naz, peintre et créole, prend pour maîtresse Manette Salomon, un modèle d’atelier, se trouve enlacé et opprimé par la juive, qui peu à peu s’est révélée en elle, la subit lâchement, renonce à ses amis, renonce au grand art, épouse tout en la détestant l’horrible maîtresse… C’est un homme avili, abruti, fini. […] La misère de coloris du pénible peintre, du pauvre prix de Rome, faisait trouver et imprimer qu’il avait des « couleurs gravement chastes », etc. […] En un mot, leurs descriptions, comme celles de tous les grands peintres, rendent en même temps la figure exacte et l’âme des choses à un moment donné. […] Ils reçoivent de la réalité la même impression que le peintre le plus fou de couleurs et le plus entêté de pittoresque ; et cette impression se double chez eux du sentiment proprement littéraire.

164. (1875) Premiers lundis. Tome III « Senac de Meilhan »

Des plus distingués comme administrateur et comme peintre de mœurs sous le règne de Louis XVI, il eut surtout une réputation de grand monde et de société : la Révolution y coupa court et le jeta dans l’exil. […] Il y appréciait tout naturellement d’abord son auteur, le plus grand peintre d’histoire, et cet examen le conduisait à marquer la différence de la société moderne à l’ancienne, l’amoindrissement qu’il n’hésitait pas à y voir dans les caractères et dans les âmes.

165. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XV. La littérature et les arts » pp. 364-405

Peintres et écrivains ont mêmes modèles, même idéal. […] Les amoureux et les amoureuses de Marivaux, si fins, si délicats, si gracieux, revivent dans ceux que Watteau embarque pour Cythère : le peintre explique le poète et réciproquement. […] De vraies vaches et de vraies prairies reparaissent dans l’œuvre des peintres en même temps que dans celle de Rousseau. […] Peintre de vocation, il le resta la plume à la main. […] Comme un Italien de la Renaissance, comme un Francia, il est orfèvre autant que peintre.

166. (1895) Journal des Goncourt. Tome VIII (1889-1891) « Année 1890 » pp. 115-193

Nom de Dieu, ça vous fait mépriser l’originalité de quelques-uns de nos peintres originaux d’aujourd’hui. […] Ils sont vraiment des enfants gâtés ces peintres, ces sculpteurs. […] Thaulow, le pastelliste danois, le peintre de l’eau à la suite de la fonte des neiges, de l’eau qui est comme de la décomposition d’un prisme lunaire. […] Mais ce qu’il est vraiment ce Carrière, il est le peintre de l’Allaitement. […] Un peintre a rendu merveilleusement ce ciel, ces arbres, cette glace, ces patineurs : c’est Jonckind.

167. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « M. Denne-Baron. » pp. 380-388

Denne-Baron était alors, parmi les jeunes poètes, un élève des peintres en vogue, tels que Guérin, Girodet ; il l’était surtout de Prud’hon. […] Prud’hon est un peintre à part entre ceux qui ont reproduit l’antique mythologie ; il l’eût en partie inventée s’il ne l’avait pas trouvée autour de lui tout épanouie et florissante. […] On noterait encore de ces strophes qu’on aime à retenir, dans l’ode adressée par Denne-Baron Aux Mânes d’Octavie Devéria, sœur des célèbres peintres ; cette jeune femme, morte peu après le mariage, dans tout l’éclat de la beauté et entourée du charme des arts, a bien inspiré le poète ami : Des chœurs de l’Hyménée à peine tu déposesq, Ta chevelure encor sent l’haleine des roses Dont il te couronna comme un ciel du matin… Properce occupa de bonne heure M. 

168. (1920) La mêlée symboliste. I. 1870-1890 « Jules Laforgue » pp. 36-47

C’est une autobiographie de mon organisme, de ma pensée, transportée à un peintre, à une vie, à des ambitions de peintre, mais un peintre penseur, Chenavard pessimiste et macabre.

169. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article » pp. 239-252

Qui ne comprendra, par exemple, que dans la Description énergique du Tableau du Jugement dernier, par Michel-Ange, le Poëte a eu pour but principal, de faire sentir aux Peintres combien il est essentiel de ne pas négliger, dans leurs Ouvrages, les bienséances, les mœurs & le costume ? La Description du Démoniaque, peint par Raphaël, est encore une leçon aux Peintres, pour leur apprendre l’art de rendre avec énergie les passions fortes & impétueuses, & c. […] La vue d’un Tableau de Raphaël sera plus d’impression sur un jeune Peintre ; la lecture d’une Oraison funebre de Bossuet, saisira plus un jeune Orateur, fécondera plus l’imagination de l’un & de l’autre, que tous les préceptes des Maîtres.

170. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Casanove » pp. 192-197

Casanove Une petite bataille. bon peintre de batailles autant qu’on peut l’être sans en avoir vu. […] Quand on a une fois avoué que le soleil du peintre n’est pas celui de l’univers et ne saurait l’être, ne s’est-on pas engagé dans un autre aveu dont il s’ensuit une infinité de conséquences, la première de ne pas demander à l’art au-delà de ses ressources, la seconde de prononcer avec une extrême circonspection de toute scène où tout est d’accord ? […] Casanove est vraiment un peintre de batailles, mais, encore une fois, quelle est la description d’un tableau de bataille qui puisse servir à un autre que celui qui l’a fait ?

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