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779. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1856 » pp. 121-159

Mon ami a une doctrine : c’est de toujours occuper la femme qui vous aime, — dût-on l’occuper à pleurer. […] Elle a conservé à Paris ses habitudes de réclusion de la femme italienne, et pour s’occuper, quand elle a découvert dans Le Constitutionnel, un roman qui ne dure pas vingt-quatre volumes, elle le traduit pour elle toute seule, en pur toscan.

780. (1888) Journal des Goncourt. Tome III (1866-1870) « Année 1870 » pp. 321-367

» Je ne répondais presque pas, tout occupé à savourer mon bonheur, et hébété, comme si j’assistais à un miracle. […] * * * Son métier, dont il a été longtemps préoccupé après sa cessation de travail, ne l’occupe plus ; ses livres sont pour lui, comme s’il ne les avait pas écrits. […] Vers le 30 mai Comme un petit enfant, il s’occupe seulement de ce qu’il mange, de ce qu’il met.

781. (1897) Un peintre écrivain : Fromentin pp. 1-37

L’amitié avec la nature peut vivre autant que nous, mais elle n’a qu’une saison pour commencer : celle de la première jeunesse, l’heure matinale, où le cœur, doué d’une puissance de désir et d’émotion qui ne sera jamais plus grande, n’est encore pris à rien et peut se prendre à tout, parce que les tendresses qui l’occuperont ne sont pas encore nées. […] Nous en connaissons et nous en supportons qui ne voyagent pas, qui ne travaillent pas, qui sont uniquement occupés à être malheureux et à nous raconter la progression lente ou rapide de leur mal. […] Les occupations mêmes de certains personnages de Dominique restent vagues, et, par exemple, je défie bien qu’on sache au juste comment ce patient, raisonnable et robuste Augustin, s’est élevé à cette haute position, d’ailleurs indéterminée, qu’il occupe à la fin du volume.

782. (1919) L’énergie spirituelle. Essais et conférences « Chapitre II. L’âme et le corps »

Il m’est impossible, en ce moment, de faire connaissance avec toutes les personnes qui m’entourent ; je me distingue d’elles cependant, et je vois aussi quelle situation elles occupent par rapport à moi. […] En résumé donc, à côté du corps qui est confiné au moment présent dans le temps et limité à la place qu’il occupe dans l’espace, qui se conduit en automate et réagit mécaniquement aux influences extérieures, nous saisissons quelque chose qui s’étend beaucoup plus loin que le corps dans l’espace et qui dure à travers le temps, quelque chose qui demande ou impose au corps des mouvements non plus automatiques et prévus, mais imprévisibles et libres : cette chose, qui déborde le corps de tous côtés et qui crée des actes en se créant à nouveau elle-même, c’est le « moi », c’est l’« âme », c’est l’esprit — l’esprit étant précisément une force qui peut tirer d’elle-même plus qu’elle ne contient, rendre plus qu’elle ne reçoit, donner plus qu’elle n’a. […] Mais, encore une fois, je ne veux pas insister ici sur un point dont je me suis longuement occupé ailleurs.

783. (1882) Essais de critique et d’histoire (4e éd.)

Mais ils ne l’occupaient pas. […] Ce furent eux qui se réunirent les premiers aux hommes qui avaient occupé la hauteur. […] Les artistes grecs s’occupent moins de toucher fort que de toucher juste. […] Malade, occupé d’une personne malade, il a regardé la campagne avec elle. […] On vivait, et l’on ne s’occupait plus que de vivre.

784. (1889) Les artistes littéraires : études sur le XIXe siècle

Elles le furent par les écrivains qui nous occupent dans ce volume ; elles le sont par ceux qui essayent de marcher sur leurs traces. […] et ce fut sans doute le cas de l’homme qui nous occupe ici. […] Si le souci des peines infernales l’occupe quelquefois, ce n’est guère aux heures du plaisir. […] et comment mériterait-il de nous occuper, sauf peut-être dans ses rapports avec celui pour qui il a été fait et auprès duquel il n’est rien ? […] Ce qui est plus bizarre dans le cas qui nous occupe, c’est que, si la règle draconienne édictée par M. 

785. (1890) La bataille littéraire. Deuxième série (1879-1882) (3e éd.) pp. 1-303

Il ne s’occupait même pas de ce qui pourrait lui arriver quand il serait seul. […] Des ouvrières étaient occupées à en broder les abeilles d’or, qu’il disait encore à ceux qui le poussaient en avant : « Non, je ne trahirai pas la République !  […] Lui-même occupait, grâce à son nom décoratif, quelques agréables sinécures dans de hautes sociétés financières. […] Il existe deux Victor Hugo ; c’est du plus grand poète qu’ait eu la France que nous nous occuperons seulement. […] Les gravures qu’on avait conservées des anciennes étaient si belles, qu’on les offrit à la nouvelle Dauphine, sans s’occuper de savoir si un pareil cadeau lui serait agréable.

786. (1868) Curiosités esthétiques « II. Salon de 1846 » pp. 77-198

Laemlein a le sentiment de la bonne couleur ; mais il y a dans ce tableau un grand défaut, c’est que le petit Chinois est si joli, et sa robe d’un effet si agréable qu’il occupe presque uniquement l’œil du spectateur. […] Decamps est un de ceux qui, depuis de nombreuses années, ont occupé despotiquement la curiosité du public, et rien n’était plus légitime. […] Ingres occupe après E. […] Il faut supposer qu’il s’occupe davantage de la nature dans les sujets qui font sa spécialité ; car ses études de chiens courants sont plus réelles et plus solides. […] D’autres, plus philosophes et plus raisonneurs, s’occupèrent surtout du style, c’est-à-dire de l’harmonie des lignes principales, de l’architecture de la nature.

787. (1894) Critique de combat

N’en déplaise aux gens qui raisonnent de la sorte, le moment n’est pas mauvais pour s’occuper des choses littéraires. […] L’humanité moyenne n’y occupe pas une place proportionnée à son importance. […] Il ne se borne pas en effet à dire avec Carlyle que c’est un des objets dont l’homme doit s’occuper parmi une foule d’objets plus importants. […] Ils sont si nigauds. — Bref, tous ceux qui s’occupent de politique, électeurs ou élus, l’auteur les renvoie dos à dos et les loge tous impartialement à… Muffleville. […] Faguet n’aime pas à replacer les hommes dont il s’occupe dans le milieu où ils se sont formés.

788. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « [Chapitre 5] — Post-scriptum » pp. 154-156

Il semble vraiment, à lire sa lettre, qu’il faille une licence de lui pour s’occuper de son arrière-grand-oncle.

789. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre III. De la comédie grecque » pp. 113-119

Démosthène, dans le siècle suivant, ne put arracher les Athéniens à leurs spectacles, à leurs occupations frivoles, pour les occuper de Philippe.

790. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section III. Des ressources qu’on trouve en soi. — Chapitre premier. Que personne à l’avance ne redoute assez le malheur. »

Les consolations de l’amitié agissent à la surface, mais la personne qui vous aime le plus, n’a pas, sur ce qui vous intéresse, la millième partie des pensées qui vous agitent ; de ces pensées qui n’ont point assez de réalité pour être exprimées, et dont l’action est assez vive cependant pour vous dévorer, excepté dans l’amour, où en parlant de vous, celui qui vous aime s’occupe de lui ; je ne sais comment on peut se résoudre à entretenir un autre de sa peine autant qu’on y pense ; et quel bien, d’ailleurs, en pourrait-on retirer ?

791. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — R — Rodenbach, Georges (1855-1898) »

Et de même qu’un comité de littérateurs s’occupe d’élever à Bruges un monument au poète de qui le nom est pour jamais lié à celui de cette ville, il faut souhaiter que soient rassemblés tous ces éléments complémentaires de l’œuvre de Georges Rodenbach.

792. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — D. — article » pp. 92-99

Une étude constante, secours nécessaire aux dons les plus heureux de la Nature, fit éclore, étendit, fortifia ses talens ; & l’habitude de ne s’occuper que de grands objets, lui procura l’heureuse facilité de s’exprimer avec noblesse selon les différentes parties qu’il embrassoit.

793. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — H — article » pp. 489-496

Par exemple, vous connoissez la ville de Strasbourg, Capitale d’Alsace : j’ignore si vous y avez jamais été ; pour moi, je sais bien que je ne l’ai jamais vue que sur la Carte ; & cependant, par un trait de sa plume magique, me voilà ès-prisons de ladite ville, occupé à faire des Vers infames, & voilà le Nécromant de Ferney en possession de mes Vers Alsaciens.

794. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article » pp. 331-337

Que ceux qui osent occuper la Scène de leurs Productions, se rappellent que Regnard n’a chaussé le Brodequin, qu’après s’être formé sur Moliere ; que les Pieces qui ont été le plus généralement applaudies, n’ont mérité leur succès, que parce qu’elles retraçoient quelques foibles étincelles de son génie.

795. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — R. — article » pp. 133-139

Ne seroit-il pas plus convenable à sa gloire, qu'il s'occupât à faire oublier ses Libelles injurieux contre tant d’Hommes de Lettres respectables, que de s’acharner à se faire un complice du plus grand de nos Poëtes, qui fut toujours très-éloigné des excès auxquels lui-même s’est porté ?

796. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre XVI. Des Livres nécessaires pour connoître sa Religion. » pp. 346-352

Rousseau de Genève occupe aussi une place dans ces réfutations, & ce n’est pas sans raison, quoiqu’il se montre moins acharné à détruire la Religion, & qu’il n’ait pas insulté, comme a fait M. de V.

797. (1763) Salon de 1763 « Peintures — Louis-Michel Vanloo » pp. 191-195

Le peintre occupe le milieu de la toile.

798. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 26, que les jugemens du public l’emportent à la fin sur les jugemens des gens du métier » pp. 375-381

La posterité n’a jamais blâmé comme de mauvais poëmes, ceux que les contemporains de l’auteur avoient loüez comme excellens, bien qu’elle puisse en abandonner la lecture pour s’occuper d’autres ouvrages encore meilleurs que ces poëmes-là.

799. (1922) Durée et simultanéité : à propos de la théorie d’Einstein « Remarque finale. Le Temps de la Relativité restreinte et l’Espace de la Relativité généralisée »

Non certes, et nous n’aurions rien d’essentiel à ajouter sur le Temps si nous introduisions dans la réalité simplifiée dont nous nous sommes occupé jusqu’ici un champ de gravitation.

800. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre troisième. Découverte du véritable Homère — Chapitre I. De la sagesse philosophique que l’on a attribuée à Homère » pp. 252-257

Je n’ai pas besoin de dire qu’on ne peut guère comprendre comment un esprit grave, un philosophe habitué à combiner ses idées d’une manière raisonnable, se serait occupé à imaginer ces contes de vieilles, bons pour amuser les enfants, et dont Homère a rempli l’Odyssée.

801. (1848) Études critiques (1844-1848) pp. 8-146

Pour ce qui est de l’ouvrage dont nous nous occupons en ce moment, nous ne pouvons lui reconnaître une valeur égale, et, bien à contrecœur, nous devons avouer que ce recueil de nouvelles, charmant par occasion, ne se conforme pas autant qu’il le faudrait aux exigences sévères du genre. […] Bien que l’auteur ait donné à ce mystère une certaine importance, puisqu’il en impose le nom au volume dont cette pièce n’occupe pas la plus grande partie, nous n’avons pas beaucoup à nous y étendre. […] Hambourg, le lieu de naissance du poète, devait occuper la meilleure place dans le Conte d’hiver. […] Beaucoup plus attentifs à se mettre en scène, à paraître devant le lecteur qu’à produire l’homme dont ils se sont fait les introducteurs, ils s’occupent bien plus de se faire beaux que de détailler la toilette de l’auteur sur les épaules duquel ils grimpent, pour essayer de se faire voir. […] À force de s’être occupé de réputations contestables, on est étonné de le trouver toujours à la quête des beautés microscopiques et de ne jamais le voir se placer à quelque distance pour faire admirer au lecteur confiant un grand ensemble.

802. (1894) La bataille littéraire. Septième série (1893) pp. -307

Comme il n’était pas probable que Renaud dût régner jamais, le roi son oncle renonça assez vite à s’occuper de lui et à le diriger. […] Simone lui parut comme un jouet qui occupait et qui ne remplissait pas sa vie. […] Tout ce que je vis ce jour-là porta la visible empreinte de ces souvenirs ; il me semblait toujours qu’on fût occupé à jouer la Révolution française plus encore qu’à la continuer. […]   Dans ce livre, la dynastie des Sanson occupe naturellement la place d’honneur. […] Larroumet y attachait un triple intérêt et par les hautes fonctions qu’il a occupées, et par son titre d’académicien, et par l’ouvrage qui lui a servi de textes.

803. (1889) Derniers essais de critique et d’histoire

Certainement, on a transporté ici une image de l’art calme et sain qui jadis occupait les âmes fortes et simples, et je ne sais pas ce qu’on souhaiterait de plus. […] C’est un peuple infini qui occupe l’espace et que l’homme n’a point encore attaqué dans son domaine. […] A mesure qu’il se retirait, les arbres ont pris sa place, et aujourd’hui ils semblent occuper l’espace. […] Il est trop ignorant, trop isolé, trop peu répandu ; il a trop peu le désir, et il a eu trop rarement l’occasion de se répandre. — Les correspondances administratives dont je parlais tout à l’heure répètent à maintes reprises que jamais, sauf dans les grandes secousses, le campagnard ne s’occupe de politique ; en effet, depuis quatre-vingts ans, l’administration s’en occupe pour lui et l’on décharge. […] Comment se figure-t-il l’État dans lequel il est compris, le gouvernement auquel il obéit, la hiérarchie sociale où il occupe une place ?

804. (1903) La pensée et le mouvant

Ils occupent le tiers du volume. […] Mon présent, en ce moment, est la phrase que je suis occupé à prononcer. […] Le « présent » occupe juste autant de place que cet effort. […] Elles occupent de l’espace. […] Ravaisson n’occupa jamais ce poste) d’un cours à la Faculté de Rennes.

805. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre quatrième. Les conditions physiques des événements moraux — Chapitre premier. Les fonctions des centres nerveux » pp. 239-315

Dans l’homme, ils sont énormes et occupent de beaucoup la plus grande portion du crâne. […] Elle est refoulée, réduite ; elle laisse les autres occuper le premier plan et s’imposer à l’attention ; mais, toute reculée et tout enfoncée qu’elle est dans le lointain et dans l’ombre, elle dure. […] Quand l’image est absorbante au point d’exclure les autres, il n’y a pas moyen d’enrayer ; bon gré mal gré, le geste et la physionomie la traduisent. — Il suit de là que, dans notre théâtre mental, l’acteur qui occupe la rampe devient pour cet instant le chef de l’orchestre et donne le branle aux instruments. […] Sur les ganglions intermédiaires ou collatéraux qui occupent la région moyenne ou postérieure de l’encéphale, sur les pédoncules cérébraux et leurs deux étages, sur les corps striés et leurs deux noyaux, sur les couches optiques, sur le cervelet, les recherches sont en cours d’exécution, et la théorie est plutôt indiquée qu’achevée. […] Tel est le premier ministère ; il occupe toute la moelle allongée, c’est-à-dire le bulbe, la protubérance et peut-être les commencements des pédoncules cérébraux.

806. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre deuxième. La connaissance des corps — Chapitre II. La perception extérieure et l’éducation des sens » pp. 123-196

. — Il est clair que, dans tous ces cas, la sensation d’élancement, d’engourdissement, de fourmillement, de douleur, n’est pas située dans le membre absent ; donc la même sensation n’y est pas située non plus lorsque le membre est présent ; ainsi, dans les deux cas, à l’état normal et à l’état anormal, la sensation n’a pas l’emplacement que nous lui attribuons ; elle est ailleurs ; ce n’est pas elle, c’est un ébranlement nerveux qui, à l’état normal, occupe l’endroit où elle semble être. […] Expérience faite, je suis sûr de le retrouver quand il me plaira ; de sa présence constatée toutes les fois qu’à la lumière j’ai tourné les yeux vers lui, j’induis sa présence constante, toutes les circonstances demeurant les mêmes, en quelque moment du temps que j’aie tourné ou que je doive tourner les yeux sur lui, en un moment quelconque du passé et de l’avenir ; il les occupe donc tous. […] Ainsi, étant donnée une sensation visuelle à laquelle ne correspond aucun objet extérieur, elle provoque le jeu d’un mécanisme interne qui la transporte hors de nous et qui, selon qu’elle est telle ou telle, munie de tels ou tels accompagnements, la situe ici ou là, toujours à l’endroit où dans les circonstances ordinaires sa cause ou condition ordinaire a coutume d’être : la loi est générale et explique toutes les illusions d’optique. — Par conséquent, même dans les circonstances ordinaires, lorsque la cause ou condition ordinaire, c’est-à-dire l’objet, est présent et occupe l’endroit désigné, lorsqu’un fauteuil rouge ou un arbre vert est réellement à six pieds de moi, le mécanisme interne fonctionne comme dans le cas exceptionnel où j’ai dans la rétine une impression consécutive, comme dans le cas exceptionnel où j’ai dans les centres cérébraux une hallucination proprement dite. […] De l’usage prolongé de ces symboles et de leur assemblage en symboles plus complexes, naissent nos idées de l’étendue visible, idées qui, comme celles d’un algébriste occupé à résoudre une équation, sont tout à fait différentes des idées symbolisées, et qui cependant, comme ces idées de l’algébriste, occupent l’esprit tout entier avec exclusion complète des idées symbolisées ». — Il suit de là qu’à l’état actuel, pendant le jeu des substituts optiques, l’image des longues sensations musculaires et tactiles qu’ils remplacent doit être absente. […] Supposez qu’un grand nombre de ces sensations localisées se produisent simultanément, et que les points auxquels nous les rapportons nous semblent à la fois distincts et continus ; composée de sensations partielles, coexistantes, distinctes et continues, c’est-à-dire telles qu’entre l’emplacement de l’une et l’emplacement de l’autre nous n’en imaginions aucune intermédiaire, la sensation totale nous paraîtra étendue. — Que le lecteur veuille bien s’observer lui-même ; il verra que tel est le cas pour les sensations de chaleur et de froid qui nous semblent occuper tout un membre, pour la sensation de contact et de pression que nous éprouvons en posant à plat notre main sur une table, pour la sensation de couleur que nous éprouvons en maintenant l’œil fixe et immobile sur une feuille verte placée à six pieds de nous.

807. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. BALLANCHE. » pp. 1-51

Mais avant ce livre, et durant ses années les plus valétudinaires qui correspondent au temps du siège de Lyon, il s’était fort occupé de l’Épopée lyonnaise, grand poëme en prose, dont parle la Préface générale, et qui ne fut jamais imprimé. […] On le croyait distrait lorsqu’il était occupé à gravir les hauteurs de la pensée, à descendre dans les abîmes des origines, etc. » Dans ce portrait idéal, tracé à distance et au point de vue des années condensées, il ne faudrait pas chercher un renseignement biographique précis. […] Le livre du Sentiment, publié en 1801, ne passa point sans être remarqué de quelques-uns ; les journaux de Paris s’en occupèrent. […] Ballanche, qui, de compagnie avec son père, s’occupait de réimpressions d’ouvrages classiques et religieux, d’une édition de la Poésie sacrée des Hébreux de Lowth, vint à Paris en 1801 ou 1802, quelques mois après la publication du Sentiment.

808. (1859) Cours familier de littérature. VIII « XLVIIe entretien. Littérature latine. Horace (1re partie) » pp. 337-410

Il y occupait même un emploi officiel et lucratif, équivalant à la fois à celui de percepteur des contributions, d’agent de change et de banquier, trois charges qui alors comme de nos jours donnent l’opulence. […] Toute la jeunesse aristocratique de Rome y passait quelques années, occupée à entendre les cours de philosophie, de poésie, d’éloquence, de la bouche des plus célèbres pédagogues. […] Il ne s’occupait que de son plaisir et de sa santé. […] Oui, la retraite pèse à qui n’en sait rien faire ; Mais l’esprit qui s’occupe y goûte un vrai bonheur.

809. (1865) Cours familier de littérature. XX « CXVIIe entretien. Littérature américaine. Une page unique d’histoire naturelle, par Audubon (1re partie) » pp. 81-159

» IX Quel est le droit des Américains du Nord à cette possession universelle de leur continent qu’ils occupent depuis si peu de jours ? […] Ce travail occupait mes nuits et mes jours. […] L’espace occupé naguère par tous ces arbres n’était plus qu’une arène vide, semée de racines et de débris ; vous eussiez dit le lit du Meschacebé mis à nu. […] Cette bouffée de vent dont la colonne occupait environ un quart de mille emporta des maisons, souleva des toitures, força des troupeaux entiers d’émigrer violemment à travers les airs.

810. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre cinquième. Principales idées-forces, leur genèse et leur influence — Chapitre deuxième. L’idée de l’espace. Son origine et son action »

Comment donc n’y aurait-il pas dans la conscience, — avant même qu’elle ait à s’occuper de l’avenir et fût-elle réduite au présent, qui est le plus pressant, — comment, dis-je, n’y aurait-il pas dans la conscience un état général répondant à la totalité des impressions de l’organisme, à la somme des actions qu’il exerce ou subit à la fois dans toutes les directions de l’espace ? […] Comme le mouvement est analysable en positions occupées à divers moments par le mobile, une foule de philosophes, après Kant et Schopenhauer, ont nié à tort la possibilité de sentir ou percevoir le fait du mouvement actuel : ils ont attribué au chien qui voit fuir le lièvre, à l’enfant qui voit passer une bougie devant ses yeux, une analyse plus ou moins consciente des positions successives. […] Quand l’intervalle de temps est réduit à 0,044”, le discernement de l’ordre de succession dans le temps devient impossible ; mais, si les étincelles sont assez rapprochées dans l’espace pour que leurs cercles d’irradiation s’enveloppent, l’œil perçoit alors leur éclat comme si c’était le mouvement d’une seule étincelle depuis le point occupé par la première jusqu’au point occupé par la seconde, et l’intervalle de temps peut alors être réduit jusqu’à 0,015”, avant que l’esprit commence à douter si le mouvement apparent a commencé de droite à gauche ou de gauche à droite.

811. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1860 » pp. 303-358

Il regarde, il cherche, il s’aperçoit que c’est devenu un bazar de jouets, et que le premier est occupé par un coiffeur. […] Il nous entretient d’une création qui a fort occupé sa jeunesse, aussi bien que quelques-uns de ses amis, et surtout son intime, Poitevin, un camarade de collège qu’il nous peint comme un métaphysicien très fort, une nature un peu sèche, mais d’une élévation d’idées extraordinaire. […] « Voyez-vous, dit Gautier en se rapprochant de nous, l’immortalité de l’âme, le libre arbitre, c’est très drôle de s’occuper de tout cela jusqu’à vingt-deux ans ; mais après, ça n’est plus de circonstance. On doit s’occuper à avoir une maîtresse qui respecte vos nerfs, à convenablement arranger son chez soi, à posséder des tableaux passables… et surtout à bien écrire.

812. (1840) Kant et sa philosophie. Revue des Deux Mondes

Les anciens monumens, que Tacite résume, nous montrent les différentes peuplades germaniques répandues sur la surface d’un vaste territoire qu’elles occupent plutôt qu’elles ne le fertilisent. […] On vit s’élever en Allemagne une infinie variété d’écoles où la vieille scholastique subit des améliorations, c’est-à-dire des altérations continuelles ; mais au milieu de cette confusion on ne trouve rien de grand, rien d’original, rien qui soit digne d’occuper sérieusement l’histoire. […] Quand donc on demande pourquoi la logique est une science certaine, on doit répondre : C’est qu’elle ne s’occupe d’aucun objet spécial et déterminé ; c’est qu’elle est indépendante de ses applications, et que sa vertu réside dans les lois même de la raison, considérée en elle-même et pure de tout élément étranger. […] On s’est occupé des objets de nos connaissances et non de l’esprit qui connaît ; on a demandé ce que c’était que Dieu, s’il était ou s’il n’était pas ; on a fait des systèmes sur le monde ; on a comparé les divers êtres entre eux ; on a saisi des rapports ; on a tiré des conséquences, toujours en travaillant sur des objets, c’est-à-dire sur des existences hypothétiques.

813. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XVIII. »

Aussi, de bonne heure, la science s’en occupa comme l’instinct populaire. […] Quelle justice qu’un autre charme sa pensée du spectacle de mes souffrances, en montant lui-même au trône pontifical, qu’il occupe sans droit, et où j’avais été promu par Dieu et les vrais serviteurs de Dieu ! […] que le silence occupe les régions du monde, pendant que je célèbre le sacrifice des pieux concerts ! […] Et puisse l’offrande de mon cœur occuper le soin de tes glorieux serviteurs, des sages messagers qui te portent les hymnes pieux ! 

814. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « De la dernière séance de l’Académie des sciences morales et politiques, et du discours de M. Mignet. » pp. 291-307

Je comptais aujourd’hui parler encore du Roman de Renart et de ces malices du Moyen Âge ; mon second article est terminé, mais on me permettra de l’ajourner à huitaine pour m’occuper d’un petit événement littéraire et philosophique qui est d’hier, et dans lequel il s’est déployé du talent, de l’habileté, de la candeur, et même un peu de ruse. […] Mignet, qui est resté, de tout temps, homme de lettres, et qui a fait une honorable exception) elle s’est empressée d’abandonner les lettres mêmes, la philosophie, la pensée, pour occuper les premiers postes de l’État, que tous n’étaient pas également aptes à remplir.

815. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Fénelon. Sa correspondance spirituelle et politique. — I. » pp. 19-35

Mais une autre conversion qui occupa le monde quelques années après et qui tint bon, fut celle de Mme de La Sablière, cette amie désabusée de La Fare, cette patronne constante de La Fontaine : Ce que vous me mandez de Mme de La Sablière, écrivait Fénelon de Versailles (1691), me touche et m’édifie. […] Mme de Grammont s’en plaignait quelquefois et semblait croire que de plus heureux qu’elles occupaient ses soins comme directeur.

816. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Ramond, le peintre des Pyrénées — I. » pp. 446-462

Mme Ramond, mère de celui qui nous occupe, était Allemande, d’une famille originaire du Palatinat. […] Il décrit dans un curieux détail les mœurs et le gouvernement des petits cantons ; il n’a rien gardé du vague et de la fougue qui dominaient dans ses précédents ouvrages ; la partie positive et commerciale l’occupe ; il ne néglige aucune des circonstances physiques des lieux qu’il parcourt ; il y mêle des considérations morales qui le montrent affranchi des lieux communs de son siècle, ou plutôt devançant l’esprit du siècle prochain.

817. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Journal du marquis de Dangeau — I » pp. 1-17

On l’aimait parce qu’il ne lui échappait jamais rien contre personne ; qu’il était doux, complaisant, sûr dans le commerce, fort honnête homme, obligeant, honorable ; mais d’ailleurs si plat, si fade, si grand admirateur de riens, pourvu que ces riens tinssent au roi, ou aux gens en place ou en faveur ; si bas adulateur des mêmes, et, depuis qu’il s’éleva, si bouffi d’orgueil et de fadaises, sans toutefois manquer à personne, ni être moins bas, si occupé de faire entendre et valoir ses prétendues distinctions, qu’on ne pouvait s’empêcher d’en rire. […] Dangeau avait de la littérature ; il rimait en homme du monde, faisait des impromptus au moment où on le croyait tout occupé ailleurs, et gagnait des gageures par des tours de force d’esprit : ce sont là des mérites bien minces de loin, mais qui sont comptés de près ; et lorsque l’on voit dans la notice des éditeurs tous ses talents divers, un peu à la guerre, un peu dans la diplomatie, sa manière de s’acquitter de bien des emplois avec convenance, ses assiduités surtout, ses complaisances bien placées, sa sûreté de commerce et son secret, on n’est pas étonné de sa longue faveur, et on est obligé de convenir qu’il la méritait ou la justifiait.

818. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « La Divine Comédie de Dante. traduite par M. Mesnard, premier vice-président du Sénat et président à la Cour de cassation. » pp. 198-214

Dante était demeuré une pure érudition, et n’occupait plus que Bayle. […] Dans la nouvelle traduction qui nous occupe, je remarque et je loue le soin d’être, autant que possible, coulant et facile en français, d’unir la fermeté du ton à l’aisance du tour et du nombre.

819. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Œuvres complètes de Saint-Amant. nouvelle édition, augmentée de pièces inédites, et précédée d’une notice par M. Ch.-L. Livet. 2 vol. » pp. 173-191

Par Saint-Amant, ce guide de joyeuse humeur, il se mit à entamer la lecture des autres poètes et écrivains de l’époque de Louis XIII, et depuis quelques années il n’a cessé de s’en occuper et de travailler à les faire connaître. […] Si, comme on peut le croire, dans le paysage probablement décrit d’après nature par Saint-Amant, il y avait en effet un coin de ruine mal famé, où l’on montrait encore de loin avec effroi ce qu’il appelle le squelette d’un amant qui s’était pendu par désespoir, je ne vois pas pourquoi il ne l’aurait pas conservé : mais autre chose est ce trait trop important pour être omis dans un paysage de ce caractère, et qui n’en occuperait dans tous les cas qu’un côté funeste et maudit, autre chose est la limace et le crapaud qu’il s’amuse à nous montrer dans la strophe suivante sur les parois de la cave ou du souterrain effondré du château : Le plancher du lieu le plus haut Est tombé jusque dans la cave, Que la limace et le crapaud Souillent de venin et de bave… Ce qui paraît d’autant plus choquant que cette cave, ainsi présentée de si laide façon, devint chez lui tout aussitôt la grotte sacrée du Sommeilq : Là-dessous s’étend une voûte Si sombre en un certain endroit, Que, quand Phébus y descendroit, Je pense qu’il n’y verrait goutte ; Le Sommeil aux pesants sourcils, Enchanté d’un morne silence, Y dort, bien loin de tous soucis, Dans les bras de la Nonchalence, Lâchement couché sur le dos, Dessus des gerbes de pavots.

820. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Guillaume Favre de Genève ou l’étude pour l’étude » pp. 231-248

Il était bien plus original que Favre ; il avait l’esprit de découverte, d’initiative, et l’instinct d’investigation dans des veines prolongées et fécondes ; mais, comme écrivains, ils sont de la même famille ; ils aiment à s’occuper de questions analogues, à s’y enfoncer, à les approfondir : la plume, pour eux, est l’auxiliaire de leur recherche bien plus que l’instrument de leur production. […] Lorsqu’il eut quitté la Suisse, il le tenait au courant de ses études qu’il allait diversifiant sans cesse ; il était d’un certain âge déjà lorsqu’il s’appliqua au sanscrit ; il s’occupait à la fois de la langue et des poésies provençales, mais le sanscrit au premier abord éclipsa tout : Voilà, écrivait-il de Paris à Favre en 1815 en lui parlant de livres indiens très rares qu’il avait fait acheter à Londres, voilà mes confessions en fait de folies érudites.

821. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Correspondance de Buffon, publiée par M. Nadault de Buffon » pp. 320-337

Il est manifeste qu’en les écrivant (à part un petit nombre de cas solennels qui tranchent sur le sans-gêne ordinaire), il n’avait aucune arrière-pensée de publicité non plus qu’aucune recherche d’agrément : il croyait n’écrire que pour l’ami à qui il s’adressait, sur ce qui l’occupait dans le moment, sur ses affaires, ses intérêts, ses affections. […] Ce fils, jeune officier aux Gardes, qui paraît avoir été assez aimable et gracieux, et d’un bon naturel sans rien de supérieur, l’occupe constamment ; il veille sur son avancement, sur sa santé, sur ses plaisirs.

822. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Histoire de la littérature française à l’étranger pendant le xviiie  siècle, par M. A. Sayous » pp. 130-145

La plus considérable de ces branches est la littérature genevoise : elle occupe la plus grande place dans les deux derniers volumes de M.  […] M. de Muralt est tout occupé de n’en pas être dupe, et de juger du fond.

823. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Mémoires pour servir a l’histoire de mon temps. Par M. Guizot »

pourquoi, en présence des collègues ou des rivaux politiques tout occupés de l’intérêt ou du péril du moment, ne s’être pas dit : Je pense, moi, à l’avenir, au lendemain ; je le conjure, je le prépare ; je viens de temps en temps à la tribune donner mon coup de main à la politique générale, mais mon principal souci est ailleurs, et je serai content de ma part d’action si je puis être le grand maître perpétuel, non seulement de l’Université, mais des jeunes générations survenantes ? — Ce rôle sérieux, franchement conçu et embrassé tout d’abord, de la manutention des études et des esprits, méritait d’occuper tout un homme, un homme tel que lui, et on ne le lui aurait pas disputé.

824. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « M. Biot. Essai sur l’Histoire générale des sciences pendant la Révolution française. »

Il me le disait encore tout récemment à l’occasion des Mémoires de M. de Candolles : il ne comprenait pas qu’on occupât ainsi le public de soi ; je ne donne pas cette opinion comme juste, mais comme sienne. […] Après l’enseignement supérieur, on s’occupa de l’enseignement élémentaire, « le plus difficile, dit M. 

825. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Le Poème des champs, par M. Calemard de Lafayette (suite et fin) »

Calemard de Lafayette était, il y a une quinzaine d’années, un jeune littérateur de Paris ; il s’occupait de poésie et de critique ; il était du groupe de l’Artiste et en train de se faire un nom, tout en se livrant à ses goûts préférés, lorsque, vers ce temps, des circonstances de famille et de fortune l’enlevèrent à la vie parisienne : il avait le bonheur et l’embarras d’être propriétaire foncier ; il se retira dans ses terres aux environs du Puy, dans la Haute-Loire, et se mit à les exploiter lui-même ; il prit goût à l’agriculture, à l’amélioration du sol et des colons ; l’amour de la poésie l’y suivit, et il combina ces deux amours, celui des champs et celui des vers : il en est résulté le poème dont j’ai à parler et qui a paru il y a quelques mois. […] C’est d’avoir dit d’une poule à qui le vautour a enlevé un de ses petits, un seul, et qu’on nous montre comme uniquement occupée de cet absent : L’infortunée, hélas !

826. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Souvenirs de soixante années, par M. Etienne-Jean Delécluze »

Delécluze (car je ne puis jouer si longtemps), quitta la pension en 1793, avant d’avoir pu achever ses études : son père, architecte fort occupé, avait de la fortune et possédait une jolie habitation à Meudon. […] Les premières heures que l’élève passe seul dans l’atelier (car Moreau ne venait que tard et rarement) sont occupées à des réflexions sans nombre ; le propre d’Étienne est de réfléchir sur tout et de chercher à se rendre compte de tout par lui-même : « Malgré l’inexpérience du jeune élève, cette journée passée dans l’atelier des Horaces et les réflexions que tant d’objets nouveaux lui firent faire agirent avec puissance sur son esprit.

827. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « La Grèce en 1863 par M. A. Grenier. »

Les nations, comme les hommes, n’ont que d’illustres moments ; aux jours de gloire et de grandeur morale qui méritent et obtiennent le triomphe, succèdent des journées monotones que le bon sens et une juste politique pratique doivent, sous peine de déchet, occuper tout entières et remplir. […] Mme de Gasparin, âme ardente, promeneuse naïve et originale, et qui se porte elle-même tout entière partout, est par trop occupée, en posant le pied à Corinthe, de rendre grâces en style biblique, et, en face du Parthénon, de discuter pour ou contre l’utilité des missionnaires.

828. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Entretiens sur l’architecture par M. Viollet-Le-Duc »

Ce que je sais, comme spectateur et témoin des mouvements et variations de notre temps, c’est que la plupart des idées et des réformes indiquées étaient depuis longtemps dans la pensée et dans les discours des hommes éclairés qui s’occupaient le plus de beaux-arts en dehors des Académies, et qu’elles venaient, bien qu’un peu tard, réaliser des vœux qu’ils n’avaient cessé d’exprimer. […] Parcourant plus tard l’Allemagne et étant à Nuremberg, cette ville gothique, toute dévote à elle-même, tout occupée à se conserver, à se repeindre, et qui est « une collection plutôt qu’une ville », il remarque qu’au milieu des raretés qu’elle offre à chaque pas « on a peine à trouver une de ces œuvres qui laissent un souvenir durable ; on est souvent étonné, jamais ému ; c’est toujours le dernier objet qui frappe le plus et qui fait oublier les autres : « Je me souviens à ce propos, dit-il, de l’impression que nous ressentîmes à Rome, il y a de cela dix-huit ans (1836).

829. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « De la poésie en 1865. (suite et fin.) »

A voir un poëte du peuple occuper et, selon eux, usurper ainsi l’entière renommée, de jeunes et beaux esprits provençaux s’étaient dit qu’ils avaient, eux aussi, un passé et un avenir ; ils se mirent de parti pris à remonter aux sources, à les rechercher et à étudier, tout en chantant ; ils fondèrent cette union de poëtes, la société des Félibres, assez singulièrement nommée, mais qui s’est justifiée et démontrée par ses œuvres : l’un d’eux, Mistral, charmant poëte, esprit cultivé et resté en partie naïf, s’est d’emblée tiré du pair et illustré par la pastorale de Mireïo. […] Buchon qui s’en occupe sur place avec zèle est très méritant.

830. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Œuvres choisies de Charles Loyson, publiées par M. Émile Grimaud »

Ses amis, et ils étaient nombreux encore, Cousin, Viguier, Patin, et bien d’autres m’en surent gré ; mais parmi les nouveaux venus, parmi ceux qui occupaient alors le devant de la scène et qui faisaient le plus de bruit, il y en eut d’assez pleins d’eux-mêmes, d’assez infatués et enivrés de l’orgueil de la vie, pour me reprocher ce souvenir donné à un humble mort, comme si par là on les volait eux-mêmes, insatiables qu’ils étaient, dans leur célébrité présente ; je recueillis de ce côté quelques injures127. […] Mais n’est-il pas honteux qu’une telle malice, curieusement et froidement élaborée, nous occupe encore après des années et s’éternise ?

831. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre III. Poésie érudite et artistique (depuis 1550) — Chapitre II. Les tempéraments »

Mais il se trompa sur les moyens : il ne fit pas une œuvre française ; il ne fut occupé qu’à coudre des lambeaux d’Homère et de Virgile, et n’échappa aux laborieuses froideurs des réminiscences que par la froideur plus laborieuse encore de la poésie de commande, dans ses notices officielles et insipides sur les prédécesseurs de Charles IX. […] Ce qui lui manqua, ce fut une pensée originale, une pensée qui ne fût occupée qu’à faire entrer le monde et la vie dans les formes du tempérament, à projeter le tempérament sur l’univers et sur l’humanité : qui par conséquent permît au tempérament de dégager toute sa puissance, et de réaliser ses propriétés personnelles.

832. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre IV. Les tempéraments et les idées (suite) — Chapitre I. La lutte philosophique »

Il n’écrit que pour occuper son loisir, tromper son impatience ; et quand il doit se dire qu’il n’y a pas de rôle pour lui en ce monde, il écrit le rôle qu’il ne jouera pas : c’est un rêve d’action que toute sa littérature développe. […] Il marqua dans son prospectus, qu’« en réduisant sous la forme de dictionnaire tout ce qui concerne les sciences et les arts, il s’agissait de faire sentir les secours mutuels qu’ils se prêtent, d’user de ces secours pour en rendre les principes plus sûrs et leurs conséquences plus claires ; d’indiquer les liaisons éloignées ou prochaines des êtres qui composent la nature, et qui ont occupé les hommes, … de former un tableau général des efforts de l’esprit humain dans tous les genres et dans tous les siècles ».

833. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Lettres de Mme de Graffigny, ou Voltaire à Cirey. » pp. 208-225

Mme de Graffigny nous le montre bien tel en effet, avide de ce qui l’occupe, avare du temps, si acharné à son ouvrage qu’il faut, pour le faire souper, l’arracher à son secrétaire, où il est travaillant encore. […] Mme de Graffigny finit par juger Voltaire « le plus malheureux homme du monde » : Il sait tout ce qu’il vaut, dit-elle, et l’approbation lui est presque indifférente ; mais, par la même raison, un mot de ses adversaires le met ce qui s’appelle au désespoir : c’est la seule chose qui l’occupe et qui le noie dans l’amertume.

834. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Madame la duchesse d’Angoulême. » pp. 85-102

La jeune Marie-Thérèse avait remarqué que son père et sa mère avaient l’air très agités et occupés dès le matin : Dans la promenade, dit-elle, ma mère me prit à part, me dit que je ne devais pas m’inquiéter de tout ce que je verrais, et que nous ne serions jamais longtemps séparés, que nous nous trouverions bien vite. […] Heureusement le chagrin augmenta mon mal, ce qui l’occupa.

835. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Le maréchal Marmont, duc de Raguse. — III. (Suite et fin.) » pp. 47-63

Ce Dandolo, homme d’esprit, assez bon chimiste, occupé de sciences, d’améliorations et d’industrie, était une tête très vive, et parlait avec facilité, abondance et feu. […] Le talent proprement dit, l’art d’écrire lui vient chemin faisant ; il dira à propos des sépulcres restés vides, qui furent construits près de Jérusalem par Hérode le Tétrarque : « Alors, comme à présent, il y avait des grandeurs passagères ; et des tombeaux promis et élevés ne recevaient pas les cendres qui devaient les occuper. » Mais c’est l’Égypte surtout qui est le but où tend le voyageur ; il y retrouve, en y mettant le pied, les souvenirs présents et les émotions héroïques de sa jeunesse.

836. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Les regrets. » pp. 397-413

Il voit tout, il lit tout, il rit de tout, il est content de tout, il s’occupe de tout. […] je suis en ce moment occupé à observer et à vérifier un fait curieux : Comment les générations évincées, si elles n’y prennent garde, passent vite à l’émigré du dedans, à l’ultra, au voltigeur de Louis XV, ou comment les ailes de pigeon leur poussent.

837. (1903) Zola pp. 3-31

Je ne m’occuperai ici, strictement, que de l’œuvre littéraire de l’écrivain célèbre qui vient de mourir. […] Il reste formidablement incomplet, comme tout le monde, sans doute, mais beaucoup plus, que ne le sont d’ordinaire ceux qui occupent un certain rang dans la célébrité.

838. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre IV : La philosophie — I. La métaphysique spiritualiste au xixe  siècle — Chapitre I : Principe de la métaphysique spiritualiste »

Le spiritualisme lui-même, souvent trop timide et qui craint trop d’ennuyer, plus occupé d’ailleurs de se défendre que de développer ses doctrines, n’a pas rendu jusqu’ici à son vrai maître, Maine de Biran, tout l’honneur qui lui était dû28. […] Vous pouvez peser l’homme physique et le comparer avec les poids des autres choses matérielles, vous pouvez mesurer l’espace qu’il occupe, vous pouvez mesurer sa durée, vous pouvez sinon mesurer, du moins évaluer le mérite intellectuel ou moral des différents hommes ; mais, si vous pénétrez plus avant encore, si vous plongez jusqu’à l’être même, que trouverez-vous ?

839. (1824) Ébauches d’une poétique dramatique « Observations générales, sur, l’art dramatique. » pp. 39-63

On dirait que d’un amour extrême, Violent, effréné (car c’est ainsi qu’on aime), Ton cœur depuis trois mois s’occupait tout entier. […] L’auteur n’a, pour occuper la scène, que le danger de Tancrède et l’incertitude des événements.

840. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Hippolyte Babou »

Ils veulent des pièces de résistance, et comme ils ne lisent pas en général pour des raisons très littéraires, mais pour passer le temps, quand ils sont oisifs, et pour se distraire, quand ils sont occupés ; comme ce ne sont pas des questions pour eux dans un livre que la profondeur des caractères ou la beauté du langage, ils se détournent naturellement de ce qui est fin, est susceptible de dégustation, pour se retourner vers ce qui est gros et peut s’avaler comme une pâtée… Alors les nouvelles, qui sont des romans concentrés, doivent être, en raison de leur concentration même, d’un très rare et d’un très difficile succès. […] Je ne m’occupe pas de ces inconséquentes et risibles pusillanimités d’âmes éprises.

841. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre VII : Théorie de la raison par M. Cousin »

Quelqu’un disait : « La métaphysique s’occupe à souffler des ballons ; la grammaire vient, et les crève avec une épingle. » Par quelle opération formons-nous ces jugements nécessaires et ces idées d’objets infinis ? […] De plus, sa grandeur continue à trois dimensions se confond absolument avec celle des corps, qu’on appelle étendue : ce qu’on exprime en disant que les corps occupent l’espace.

842. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XXII. »

Nommé tard, et sans l’avoir demandé, professeur à la chaire de langues et d’histoire modernes fondée depuis 1723 à Cambridge, il ne fit pas même une première leçon, tout occupé qu’il était d’immenses études préparatoires, et retenu par cet embarras toujours croissant d’un début tardif. […] Mit ton a gardé, pour la prose de ses controverses, ce feu de liberté trop ardent qui tourmenta sa vie, et parfois égara sa noble conscience ; et il n’en a reporté dans ses vers que quelques lointains reflets, étant là, par son inspiration même, moins occupé de la terre que du ciel, et moins citoyen que mystique.

843. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Gilbert Augustin-Thierry »

Durant plusieurs générations, les seigneurs de Mauréac, du Parlement de Bretagne, ont occupé une des quatre charges de présidents aux enquêtes, presque toujours « ordonnés pour tenir la Tournelle », — honneur redoutable que justifiaient d’ailleurs des travaux successifs sur les édits criminels, par suite une connaissance héréditaire des âmes scélérates et une pratique familiale de la question « selon l’usage de Rennes », c’est-à-dire de la torture par brûlement des pieds et des jambes.

844. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Donec eris felix… »

Il apprend que la maison habitée jadis par Victor Hugo, et qu’il lui semblait convenable d’habiter à son tour, est occupée par une famille anglaise.

845. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — C — Chénier, André (1762-1794) »

Becq de Fouquières Vers 1800, dans le groupe littéraire qui entourait M. de Chateaubriand, on s’occupait beaucoup d’André.

846. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — D — Dupont, Pierre (1821-1870) »

Henri Avenel Pierre Dupont n’est pas un chansonnier proprement dit, c’est un faiseur d’idylles, c’est une façon de Virgile égaré parmi les poetæ minores qui s’occupent de la chanson.

847. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — C — article » pp. 40-47

En parcourant l’Histoire du Théatre, on voit le Cid, les Horaces, Cinna, la Mort de Pompée, occuper la Scène avant Venceslas, la seule des Pieces de Rotrou qui ne se ressente pas de l’ignorance & du mauvais goût de son temps.

848. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — L — article » pp. 79-87

Il le trouve occupé au Grec, à la vérité, mais à du Grec à côté duquel étoit une mauvaise Traduction.

849. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Jean-Baptiste Guarini, et Jason de Nores. » pp. 130-138

Quel langage hors de nature que celui de cette bergère, occupée à se parer de fleurs, & qui les approche de sa joue, afin de faire comparaison avec elles pour la couleur, & de les couvrir de honte, en l’emportant sur leur éclat* !

850. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 5, que Platon ne bannit les poëtes de sa republique, qu’à cause de l’impression trop grande que leurs imitations peuvent faire » pp. 43-50

Il est trop à craindre que leur esprit ne se corrompe à force de s’entretenir des idées qui occupent les hommes corrompus.

851. (1913) Essai sur la littérature merveilleuse des noirs ; suivi de Contes indigènes de l’Ouest-Africain français « Contes — IV. Les ailes dérobées »

Tu y verras d’autres travailleurs déjà en train de s’occuper. » — « Mais par où monter ?

852. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Bathild Bouniol »

… Les détails ici, quand il y en a, et il n’y en a pas dans le sens exclusif qu’on donne aujourd’hui à ce mot, n’ont de prix qu’à la place qu’ils occupent.

853. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Charles Barbara » pp. 183-188

Nous parlions plus haut de l’énorme place qu’occupe déjà le roman dans la littérature moderne et de la difficulté de l’écrire d’une manière nouvelle et piquante.

854. (1900) Taine et Renan. Pages perdues recueillies et commentées par Victor Giraud « Taine — III »

A une époque où les renommées littéraires se font et s’entretiennent par d’habiles réclames, où nous voyons avec tristesse des hommes que leur talent seul suffirait à rendre glorieux, pris de la rage de s’exhiber en public, eux, leur famille et leurs animaux domestiques, — c’était un spectacle salutaire que celui de ce philosophe sans cesse occupé à dérober aux regards des marchands de publicité sa vie de labeur et d’étude. »‌ Voilà qui est parfaitement dit ; je me hâte d’y souscrire, pour reprendre bien vite le droit de présenter quelques objections.‌

855. (1898) Essai sur Goethe

Mais, pendant les nuits, Amour m’occupe autrement ; si je ne suis instruit qu’à demi, je suis doublement heureux. […] Mon intention est de me remplir l’esprit du caractère et du sort de ce poète, pour avoir quelque chose qui m’occupe en voyage. […] Quand le duc était absent, il le remplaçait, s’occupait pour lui des affaires, écrivait abondamment. […] Les acteurs étaient mal payés ; leurs lettres au chambellan Kirm, qui s’occupait de la partie matérielle de la direction, sont lamentables. […] Les hommes qui fréquentaient Goethe ne s’occupaient guère d’elle : à l’exception d’un certain M. 

856. (1938) Réflexions sur le roman pp. 9-257

Je ne m’occuperai pas de ces thèses. […] Ce n’est pas seulement la différence de deux écrivains qui nous occupe, mais celle de deux genres. […] Comme la vie reste au second plan, pendant que l’esprit occupe le premier ! […] Estaunié la reconnaît de loin, mais ne s’en occupe pas. […] Il occupe dans son œuvre cette place en porte-à-faux que tient L’Ennemi des lois dans l’œuvre de M. 

857. (1891) Enquête sur l’évolution littéraire

Il m’a fallu, tout d’abord, partir d’une actualité, de quelques-uns des faits littéraires dont le public lettré déjà s’occupait. […] Maurice Barrès occupe une place qui, si pareille enquête avait été faite il y a cinq ans, aurait certainement été celle de M.  […] Mais est-ce ma faute si personne ne veut s’occuper de leurs écrits ! […] Chaque génie y occupe son palais. […] Et pourtant la presse s’occupe d’eux, les cite, les consulte !

858. (1859) Moralistes des seizième et dix-septième siècles

La morale scientifique s’occupe, soit des préceptes, soit des motifs. […] Ce sont ces divers essais qui nous occuperont ; nous verrons ce que l’homme a cherché et ce qu’il a trouvé. […] C’est de ces derniers, et non des réformateurs, que nous avons à nous occuper ici. […] C’est la vie même qu’il reproduit, et de là le prix de son œuvre et la dignité du rang qu’il occupe. […] Qui s’occupait alors de ce pauvre peuple, si maltraité par les uns, si méprisé par les autres ?

859. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Eugène Gandar »

Avec Jules II et Léon X, je passerai de Florence à Rome, où je m’occuperai moins des obscurs essais de la poésie que des chefs-d’œuvre des beaux-arts. […] On ne saurait s’étonner que la correspondance de ce temps nous montre Gandar toujours fort occupé de beaux-arts et de peinture. […] Sa première leçon d’ouverture, du 8 janvier 1862, avait été sur Pascal, dont il s’occupa jusqu’à la fin de l’année. […] Émile Michel : « De plus en plus, mon cher Émile, je suis occupé, soucieux, fatigué de l’effort de la veille, inquiet des obligations du lendemain. […] On ne parlait plus guère au coin de notre cheminée que de cette terrible leçon dont je n’avais pu m’occuper à Remilly, vous le savez.

860. (1864) Cours familier de littérature. XVII « CIe entretien. Lettre à M. Sainte-Beuve (1re partie) » pp. 313-408

—  IV Depuis cet exil volontaire à l’intérieur, je me suis retourné tout entier vers le passé ; je ne me suis plus occupé de la politique de l’avenir, pas même par la pensée. […] Aussi voyez combien d’hommes soi-disant supérieurs, mais en réalité très médiocres, de 1789 à 1863, ont occupé l’attention trompée de leur siècle, et disparu tout entiers sous la poussière de la vogue qui les avait soulevés, — depuis M.  […] Si quelque méditation suivie l’occupait, c’était d’ordinaire un problème bien abstrus d’idéologie condillacienne ; car, privé de livres qu’il ne pouvait acheter, sevré du commerce des hommes, d’où il ne rapportait que trouble et regret, Joseph avait cherché un refuge dans cette science des esprits taciturnes et pensifs. […] J’étais plus âgé et moins lettré que vous ; ma poésie ne dépassait pas, dans son ambition, les années où je n’avais qu’elle pour occuper et pour évaporer mes longs loisirs ; mais vous vous en souvenez, et, je l’avoue, je rêvais autre chose dès cette époque que des mots cadencés et des soupirs mélodieux ! […] À ces esprits de choix, au milieu de leur vie commode, de leur loisir occupé, de leur développement tout intellectuel, la religion philosophique suffit ; ce qui leur importe particulièrement, c’est de se rendre raison des choses ; quand ils ont expliqué, ils sont satisfaits : aussi le côté inexplicable leur échappe-t-il souvent, et ils le traiteraient volontiers de chimère, s’ils ne trouvaient moyen de l’assujettir, en le simplifiant, à leur mode d’interprétation universelle.

861. (1869) Cours familier de littérature. XXVII « CLIXe Entretien. L’histoire, ou Hérodote »

Il s’occupait de cette idée, et déjà les vaisseaux étaient sur le chantier, quand il abandonna son projet, détourné, suivant les uns, par Bias de Priène, suivant d’autres, par Pittacus de Mitylène, qui, se trouvant à Sardes, et interrogé par Crésus sur ce que l’on disait de nouveau en Grèce, lui avait répondu en ces termes : « On y fait courir le bruit que les habitants des îles lèvent dix mille hommes de cavalerie, et ont le dessein de vous attaquer dans Sardes. » Crésus, prenant ces paroles au sérieux, s’écria : « Puissent faire les dieux que réellement ces insulaires pensent à venir attaquer avec de la cavalerie les enfants de la Lydie !… » Alors, celui avec lequel il s’entretenait reprit en ces mots : « Ô Crésus, si c’est avec raison qu’une juste espérance du succès vous fait désirer vivement que les habitants des îles viennent réellement attaquer le continent avec de la cavalerie, que pensez-vous que ces mêmes insulaires doivent de leur côté souhaiter plus ardemment, lorsqu’ils ont appris que vous étiez occupé à faire construire des vaisseaux, que de rencontrer vos Lydiens en mer, et de vous voir ainsi leur offrir vous-même l’occasion de venger les malheurs des Grecs du continent, que vous venez de réduire en servitude ?  […] Nous vous supplions donc de laisser venir avec nous votre fils, et d’envoyer des jeunes gens et des chiens pour nous aider à délivrer notre pays de ce monstre. » Crésus, qui n’avait point oublié ce qu’il avait vu en songe, leur répondit : « Il ne faut pas parler de mon fils, je ne puis vous le donner : il vient de se marier, et d’autres soins l’occupent. […] Il distingua donc seulement ceux qui étaient en dehors de ce mur sous les armes ; et le hasard ayant voulu que dans ce moment les Lacédémoniens y fussent de garde, il vit les uns se livrer aux divers exercices du gymnase, et les autres occupés à peigner leur chevelure. […] Indépendamment de ceux qui succombèrent sous le fer des Grecs, comme il y avait derrière les rangs des barbares des chefs de peloton armés de fouets, sans cesse occupés à pousser à grands coups les soldats en avant, beaucoup d’entre eux, ainsi pressés, tombèrent dans la mer et s’y noyèrent ; d’autres, et en plus grand nombre encore, furent, sans qu’on y fît aucune attention, écrasés tout vivants sous les pieds de la foule des leurs, qui se succédaient sans interruption.

862. (1891) Journal des Goncourt. Tome V (1872-1877) « Année 1875 » pp. 172-248

J’ai remarqué, pour mon compte, que les achats s’interrompent, quand ma vie est très amusée ou très occupée. […] Cette recherche de la petite bête abêtit les mieux doués, les détourne, — occupés qu’ils sont de la sertissure à la loupe d’une phrase — de toutes les fortes, les grandes, les chaleureuses choses, qui font vivre un livre. […] Charles-Edmond, — s’écrie-t-il, — vous rappelez-vous les heures passées près de ce temple, dans cette enceinte, occupée par des cordiers… Ah ! […] Tourguéneff raconte, que descendant au son de la cloche, au dîner, avant-hier, et passant devant le cabinet de toilette de Viardot, il l’a vu, le dos tourné, en veston de chasse, occupé à se laver les mains, puis a été fort étonné de le retrouver, en entrant dans la salle à manger, assis à sa place ordinaire. […] Quelques instants après, arrivait le sculpteur, occupé dans ce moment, du buste en marbre de la maîtresse de l’hôtel.

863. (1881) La parole intérieure. Essai de psychologie descriptive « Chapitre III. Variétés vives de la parole intérieure »

Celle-ci n’occupe jamais l’âme aussi longtemps que les précédentes ; elle est intermittente et concise ; elle interrompt brusquement une méditation, prononce son arrêt, qui est toujours un impératif non motivé, puis elle se tait jusqu’à ce qu’une nouvelle occasion se présente pour elle de rentrer en scène. […] Souvent, pour démêler la part de sérieux que renfermaient ses discours, il fallait à la fois une grande expérience et une grande perspicacité : pour renseigner exactement la postérité sur le problème qui nous occupe, il eût fallu qu’un de ses disciples s’y intéressât en naturaliste, et, malheureusement pour nous, Socrate n’a pas eu pour disciple un Aristote. […] — Le dieu qui, avant ce jour, ne m’a pas permis de te parler196. » Voici maintenant deux passages plus explicites, tirés de l’Apologie ; le premier surtout est d’une remarquable précision ; il semble que Platon ait voulu donner là, pour n’avoir plus à y revenir, la formule authentique et rigoureusement exacte du phénomène dont il ne parle ailleurs qu’en termes abrégés : « Ce qui (m’a empêché de m’occuper des affaires publiques), ô Athéniens, c’est cette chose dont vous m’avez si souvent entendu parler, ce phénomène divin et démonique que Mélétus, pour plaisanter, a inscrit dans l’accusation Il a commencé pour moi quand j’étais encore enfant ; c’est une voix qui survient, toujours pour me détourner de ce que j’ai dessein de faire, car jamais elle ne m’exhorte (à rien entreprendre). […] Parfois l’imagination développe à sa manière le thème fourni par la passion, de façon à occuper presque seule toute la scène de l’âme et à rejeter dans l’ombre le sentiment même qu’elle exprime ; d’autres fois, l’image évoquée est simple : elle représente soit l’objet direct de l’émotion, soit, quand la passion est surtout intellectuelle, un interlocuteur destiné à nous entendre bien parler du sujet qui nous anime et à se laisser convaincre sans résistance. […] Selon quelques auteurs, la parole intérieure devient vive, puis extérieure, même dans la méditation scientifique, quand nous voulons penser fortement, ou quand le problème qui nous occupe exige un grand effort d’attention et comme le concours de tout notre être (de Cardaillac, p. 320 ; cf. p. 306 ; A.

864. (1912) Pages de critique et de doctrine. Vol I, « I. Notes de rhétorique contemporaine », « II. Notes de critique psychologique »

Elle occupe une telle place dans l’histoire de la pensée française depuis un demi-siècle ! […] Dans son opinion, ces écrivains occupaient le premier rang. […] C’est de lui que je voudrais m’occuper aujourd’hui. […] On reconnaîtra plus tard (si jamais on revient à s’occuper de littérature) que c’était un grand poète. […] Maintenant vous vous occupez de problèmes d’idées.

865. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — Chapitre I. La Restauration. »

Ici les gens sont posés ; ils dissertent ou disputent ; le raisonnement est le fond de leur style ; ils sont si bien écrivains qu’ils le sont trop, et qu’on voit à travers eux l’auteur occupé à combiner des phrases. […] Sa poésie ressemble à une de ces jolies femmes maniérées, attifées, occupées à pencher la tête, à murmurer d’une voix flûtée des choses communes qu’elles ne pensent guère, agréables pourtant dans leur parure trop enrubannée, et qui plairaient tout à fait si elles ne songeaient pas à plaire toujours. […] Ces gens prennent une thèse de théologie, un lieu commun de philosophie, un précepte de poésie, et le développent en prose mesurée, munie de rimes ; ils n’inventent rien, ne sentent pas grand’chose, et ne s’occupent qu’à faire de bons raisonnements avec des métaphores classiques, en termes nobles, sur un patron convenu. […] Néanmoins tout ce plaisir reste à fleur de peau ; on n’a rien vu du fonds éternel et de la vraie nature de l’homme ; on n’emporte aucune pensée ; on a passé une heure, et voilà tout ; le divertissement vous laisse vide, et n’est bon que pour occuper des soirées de coquettes et de fats. […] Il lui faut une constitution et une religion qui le refrènent par des devoirs à observer et qui l’occupent par des droits à défendre.

866. (1865) Introduction à l’étude de la médecine expérimentale

Telles sont les raisons nécessaires de l’évolution subordonnée et arriérée des sciences qui s’occupent des phénomènes de la vie. […] En médecine, il serait également absurde de s’occuper de la question du pourquoi, et cependant les médecins la posent souvent. […] L’évolution logique et didactique d’une science expérimentale n’est pas du tout représentée par l’histoire chronologique des hommes qui s’en sont occupés. […] Mais, au lieu de me préoccuper de la validité de la théorie, je ne m’occupai que du fait dont je cherchai à bien établir la réalité. […] Dans le cas qui nous occupe, la question n’est pas de condamner l’ancienne théorie au profit de celle qui est plus récente.

867. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « [Béranger] » pp. 333-338

En 1819, les alliés qui l’occupaient ont enfin quitté le sol de la France ; Béranger s’écrie : Reine du monde, ô France, ô ma patrie !

868. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Mort de M. Vinet »

Profondément estimé en France de tous ceux qui avaient lu quelques-uns de ses morceaux de morale et de critique dans lesquels une pensée si forte et si fine se revêtait d’un style ingénieux et savant, il laisse un vide bien plus grand que la place même qu’il occupait, et il serait impossible de donner idée de la nature d’une telle perte à quiconque ne l’a pas vu au sein de ce monde un peu extérieur à la France, mais si étendu et si vivant, dont il était l’une des lumières.

869. (1874) Premiers lundis. Tome I « Mémoires de madame du Hausset, femme de chambre de madame de Pompadour. »

Représentant de toute cette partie immorale et dépravée du règne de Louis XV, et, même sous le roi honnête homme et citoyen qui lui succéda, opiniâtrement fidèle à la corruption du passé, le maréchal de Richelieu s’occupait encore aux approches de 89 à publier les scandales de sa longue vie, et les confessions cyniques que balbutiait le courtisan en cheveux blancs se perdaient dans les acclamations solennelles dont un peuple rajeuni saluait déjà sa nouvelle aurore.

870. (1874) Premiers lundis. Tome I « Mémoires de madame de Genlis sur le dix-huitième siècle et la Révolution française, depuis 1756 jusqu’à nos jours — III »

De retour à Paris, madame de Genlis s’occupe enfin de l’éducation des jeunes princesses qui lui sont confiées ; et plus tard le duc de Chartres lui remet aussi celle de ses fils.

871. (1875) Premiers lundis. Tome III « Émile Augier : Un Homme de bien »

Les jeunes gens du jour ont ce travers commun D’affubler leur candeur d’un vêtement d’emprunt, De faire les lurons à qui rien n’en impose, Et dont l’œil voit d’abord le fond de toute chose ; De ne pas sembler neufs sottement occupés, Ils mettent de l’orgueil à se croire trompés, Perdant ainsi, pour feindre un peu d’expérience, La douceur d’être jeune et d’avoir confiance !

872. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — Q. — article » pp. 572-580

Dans l’âge des passions, & favorablement accueilli du Parterre, ce Poëte eut le courage de penser que le talent d’amuser ne dispensoit point de celui d’être utile ; que les Muses pouvoient délasser, mais non occuper l’homme sociable, & que, si son penchant l’entraînoit à faire des Vers, sa probité lui ordonnoit d’avoir un état.

873. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre quatrième. Du Merveilleux, ou de la Poésie dans ses rapports avec les êtres surnaturels. — Chapitre premier. Que la Mythologie rapetissait la nature ; que les Anciens n’avaient point de Poésie proprement dite descriptive. »

Encore une fois, le polythéisme ne s’occupait point des vices et des vertus ; il était totalement séparé de la morale.

874. (1887) La vérité sur l’école décadente pp. 1-16

Pour les Jeunes dont nous nous occupons c’est d’ailleurs un « ancêtre ».

875. (1900) Taine et Renan. Pages perdues recueillies et commentées par Victor Giraud « Renan — I »

Dans les prairies de l’exégèse, il est le bon pasteur qui ne s’occupe que d’un seul mouton.

876. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « LOUISE LABÉ. » pp. 1-38

En ne craignant pas de s’occuper à son tour des œuvres de l’aimable élégiaque, M. […] Si elle dut en partie ce rôle d’exception au caractère tout intime et passionné de ses vers, elle ne le dut pas moins à la position littéraire qu’occupait alors en France la cité lyonnaise. […] J’en conclurais plutôt (s’il fallait conclure en telle matière) que Louise Labé, en mettant les choses au plus grave, dut être pendant des années aussi uniquement occupée qu’Héloïse.

877. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE KRÜDNER » pp. 382-410

Mariée à dix-huit ans au baron de Krüdner, son parent, qui, bien que jeune encore, avait un bon nombre d’années plus qu’elle, elle ne paraît jamais s’être plus occupée de lui que lorsqu’elle l’a peint, en l’idéalisant un peu, dans le personnage du Comte, époux de Valérie. […] M. de Krüdner, ambassadeur pour la Russie en diverses cours de l’Europe, y introduisit successivement la personne qui nous occupe, et qui partout ravissait, enchaînait les cœurs sur ses pas. […] M. de Krüdner occupait alors, en Danemark, son poste d’ambassadeur.

878. (1869) Cours familier de littérature. XXVIII « CLXIVe entretien. Chateaubriand, (suite.) »

« La terre des allées, détrempée par la pluie, empêchait les chevaux d’avancer ; la voiture versa ; le buste en plâtre d’Homère sauta par la portière et se brisa : mauvais augure pour le poëme des Martyrs, dont je m’occupais alors. […] On ne semblait occupé qu’à se débarrasser de sa présence à Paris, pour éviter ses rivalités d’ambition qui auraient compliqué les difficultés du règne. […] Il s’occupait à faire les honneurs de la France à Rome.

879. (1839) Considérations sur Werther et en général sur la poésie de notre époque pp. 430-451

« Jamais homme d’un génie égal au leur, mais ému par les profondes secousses de notre France, de notre Europe, n’aurait pu avoir la patience de peindre pour peindre, sans beaucoup de lyrisme au fond du cœur, comme Scott, avec une froide et étonnante impartialité ; ou, comme Cooper, avec une mélancolie assez vague, une pensée sociale incertaine et douteuse, et seulement le sentiment vif et profond de la nature extérieure : un tel homme n’aurait pu s’intéresser comme eux à ces mille petites nuances qui les intéressent ; et, tourmenté par les rudes problèmes qui occupent l’Humanité de notre âge, il lui eût été impossible de relever curieusement les moindres accidents de jour, de lumière, de paysage, de costume. […] Goethe est trop occupé des mille petits accidents intimes de sa vie, de tous les petits ruisseaux qui ont amoncelé peu à peu dans son cœur la source d’où Werther a jailli : il oublie les causes générales et les horizons éloignés d’où ces ruisseaux découlaient. […] Mais à ces époques voici ce qui arrive : ceux qui se réfugient ainsi dans la nature sans beaucoup songer à l’Humanité sont simplement poètes ; ceux qui, au sein de la nature, prient pour l’Humanité et s’occupent d’elle sont poètes dans un autre sens, dans un sens plus élevé.

880. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 15 décembre 1886. »

Vander Straeten est l’auteur de plusieurs opuscules dont le contenu se rapporte plus ou moins au sujet qui nous occupe : Rapport officiel au ministre de l’intérieur sur les représentations modèles des œuvres de Wagner organisées en 1871, à Weimar, sous la direction de F. […] Dupont et Lapissida, souvent associés dans le travail d’organisation des représentations wagnériennes, tiennent en main les destinées du théâtre de la Monnaie, on se demande si Wagner occupera enfin la place qui lui revient dans le programme de nos récréations artistiques. […] — Certainement le théâtre n’a plus l’exclusive importance qu’il avait dans l’antiquité, lorsqu’il était à peu près le seul moyen de communication artistique, mais précisément parce que l’influence de la littérature est si grande, et que le peuple a naturellement la part la plus mauvaise, il importerait que l’état s’occupât du théâtre.

881. (1881) La psychologie anglaise contemporaine «  M. Georges Lewes — Chapitre II : La Psychologie »

La grande erreur commise jusqu’ici a été, ou bien de ne s’occuper que des données de la conscience et de l’observation interne, comme les métaphysiciens ; ou bien de se borner, comme les biologistes, à combiner les données de l’observation interne avec l’interprétation du phénomène nerveux. […] Il est frappant et instructif de remarquer combien la psychologie française s’en est peu occupée. […] Appliquons ceci à la question qui nous occupe et nous verrons que le processus nerveux n’est pas l’antécédent de la sensation, mais que tous deux sont identiques.

882. (1913) La Fontaine « V. Le conteur — le touriste. »

L’altruisme par-delà la tombe, cela consiste, dans tout ce que l’on fait, dans toutes les choses desquelles on s’occupe, à considérer la postérité qui va venir et à se dire : Mes arrière-neveux me devront cet ombrage… Eh bien ! […] La Fontaine, qui ne s’occupe guère de son fils, comme vous savez, qui n’en a parlé que deux ou trois fois peut-être dans toute sa vie, en parle dans ces lettres à sa femme, et il en parle même gentiment. […] Tant que le chemin dura, je ne parlai d’autre chose que des commodités de la guerre : en effet, si elle produit des voleurs, elle les occupe à cette époque-là [c’était ainsi], ce qui est un grand bien pour tout le monde, et particulièrement pour moi, qui crains naturellement de les rencontrer.

883. (1922) Durée et simultanéité : à propos de la théorie d’Einstein « Appendices de, la deuxième édition »

Le Paul qui a des impressions est un Paul qui a vécu dans l’intervalle, et le Paul qui a vécu dans l’intervalle est un Paul qui était à chaque instant interchangeable avec Pierre, qui occupait un temps identique à celui de Pierre et qui a vieilli juste autant que Pierre. […] Et comme alors tous les systèmes ne lui apparaissent plus comme référés à l’un d’eux, — le sien, — tous passent sur le même plan : dans tous à la fois il installe ainsi des physiciens qui seraient occupés à référer, alors que, seul immobile pour l’instant, notre physicien est seul véritablement référant. […] Nous laissons maintenant de côté la considération, qui nous avait occupés jusqu’à présent, du retard que l’horloge prendrait du seul fait de quitter son siège et d’y revenir.

884. (1870) La science et la conscience « Chapitre II : La psychologie expérimentale »

Rien de pareil ne se remarque même chez cette espèce de singes qui occupent le haut de l’échelle animale, et que certains naturalistes nous donnent pour ancêtres. […] Littré et les savants de l’école positiviste qui veulent bien s’occuper de psychologie. […] La méthode consiste à étudier l’homme dans la succession des phénomènes de la vie morale et à en dégager les lois, abstraction faite des causes, dont cette école n’entend s’occuper en aucune façon.

885. (1896) Les Jeunes, études et portraits

Il a occupé la chaire de littérature étrangère à l’Université de Genève. […] Il occupe dans le pays une situation considérable. […] On s’occupe seulement d’en montrer le retentissement dans une âme. […] Henri Lavedan ayant toujours été, je ne sais pourquoi, occupé de l’état d’esprit de la société monarchiste. […] Je ne m’occuperai que des romans qui ont fait connaître chez nous M. d’Annunzio.

886. (1925) Portraits et souvenirs

De quoi s’occupe-t-il ? […] Dans le cercle, il est charmant, empressé, spirituel, attentif, quoiqu’il soit une tête bien occupée. […] Elle ne pouvait que garder la haute place qu’elle occupait dans l’admiration des lettrés. […] Aussi le problème aérien a-t-il, pendant des siècles, occupé les esprits les plus divers. […] Certes, mon grand-père me faisait un peu peur, mais pas assez pour que j’évitasse qu’il s’occupât de moi.

887. (1891) Lettres de Marie Bashkirtseff

L’idée de revoir ma tante m’occupe. […] Nous sommes presque installés à Paris, je m’occupe de peinture et ne vais presque pas dans le monde, qui d’ailleurs m’ennuierait profondément. […] Pendant deux jours en effet, je m’en suis un peu occupée de ces petits princes, après, plus du tout… Mais puisque les autres en parlent, je veux bien t’avouer que je ne les ai jamais bien regardés. […] Ai-je besoin de te dire que le Père Didon est le prédicateur dont la gloire grandit à vue d’œil depuis deux ans et dont en ce moment tout Paris s’occupe. […] Je suis trop occupée du grand tableau pour sortir-bouchon.

888. (1925) Dissociations

Remontez à huit cents ans en arrière et même à huit fois huit cents ans, vous le voyez occupé des mêmes problèmes et des mêmes futilités, et il en sera de même jusqu’à la consommation des siècles. […] Mais il paraît que les puissances célestes ne s’occupent pas des animaux et qu’il faut leur intervention pour qu’il y ait miracle. […] Mais il est convenu que de ceux-là on ne s’occupe pas. […] Mais n’est-il pas bien comique aussi qu’on occupe des magistrats surchargés de besogne à juger des causes à ce point saugrenues ? […] Bertillon, dont je ne donne ici qu’une faible idée, s’occupe également des maladies et nous révèle que le diabète sévit en particulier sur les membres du clergé, et que les coiffeurs meurent plus jeunes que les libraires.

889. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre deuxième. Les images — Chapitre premier. Nature et réducteurs de l’image » pp. 75-128

On a numéroté les pions et les cases ; à chaque coup de l’adversaire, on leur nomme la pièce déplacée et la nouvelle case qu’elle occupe ; ils commandent eux-mêmes le mouvement de leurs propres pièces, et continuent ainsi pendant plusieurs heures ; souvent ils gagnent, et contre de très habiles joueurs. […] « Je n’ai jamais joué une partie d’échecs, dit-il, sans l’avoir rejouée seul quatre ou cinq fois la nuit, dans mon lit, la tête sur l’oreiller… Dans l’insomnie, lorsque j’ai des chagrins, je me mets à jouer ainsi aux échecs en inventant une partie de toutes pièces, et cela m’occupe ; je chasse ainsi quelquefois les pensées qui m’obsèdent. » — Ce ne sont pas les plus profonds joueurs qui poussent le plus loin ce tour de force. […] « Les actes de conception et d’imagination19, dit très bien Dugald Stewart, sont toujours accompagnés d’une croyance (au moins momentanée) à l’existence réelle de l’objet qui les occupe… Il y a très peu d’hommes qui puissent regarder en bas du haut d’une tour très élevée sans éprouver un sentiment de crainte. […] Mais, comme il était occupé ailleurs et point d’humeur à jouir d’un tel amusement, il perdit patience, et, frappant rudement sur la table, il s’écria avec une violente colère : “Allez à vos affaires, impudents petits coquins !

890. (1865) Cours familier de littérature. XX « CXVIIIe entretien. Littérature américaine. Une page unique d’histoire naturelle, par Audubon (2e partie) » pp. 161-239

Dans l’après-midi, je n’eus pas le temps de m’occuper de ses allées et venues ; mais, d’un coup d’œil en passant, je pus m’assurer que, sauf les quelques minutes de relâche où son gazouillement frappait mon oreille, la construction avançait avec un degré d’activité en rapport avec l’importance de l’ouvrage. […] Il avait été arraché de la voûte, et le nouveau était fixé un peu au-dessus de la place qu’occupait l’ancien. […] De temps à autre, il descend par terre pour n’y rester qu’un moment ; c’est ce qu’il fait surtout en hiver, dans nos États du Sud, où il passe généralement cette saison ; ou bien encore au printemps, lorsqu’il est occupé à ramasser les matériaux dont se compose son nid. […] Si vous regardez les hirondelles tandis qu’elles sont en l’air, vous les voyez tournoyer par bandes autour de la cime de quelque arbre qui dépérit, s’il n’est déjà tout à fait mort : on les dirait occupées à poursuivre les insectes dont elles font leur proie ; leurs mouvements sont extrêmement rapides.

891. (1909) De la poésie scientifique

Paul Verlaine, Stéphane Mallarmé et René Ghil. » L’extraordinaire émoi, colères, ironies, enthousiasmes, suscité par le Traité du Verbe « dont toute la presse européenne s’occupa », rapportent, entre autres, M.  […] Kahn dénonça, dans un air général, des rapports évidents en plusieurs points, avec ma théorie de « l’Instrumentation verbale » qui occupait, depuis 1885, tous les esprits, poétiques21. […] Hors de France et de la langue Française, où si nombreusement lors de la parution de ma Méthode et continuement depuis, ma pensée a été exposée, reproduite et commentée et a mérité d’occuper l’attention et la méditation d’hommes à l’œuvre plus que notoire : pour saluer l’ardente réplique de leurs auteurs nous daterons deux décisions poétiques et nous en exalterons la signification. […] René Ghil occupe une place à part parmi les poètes Français.

892. (1887) Journal des Goncourt. Tome II (1862-1865) « Année 1864 » pp. 173-235

Cela nous occupe et ne nous remplit pas. […] Jeudi 28 Un long moment, nous regardons, à travers la clôture de planches, la démolition de la maison de Gavarni, son pauvre atelier éventré… Gavarni s’est campé dans la petite maison à côté, en un pauvre intérieur, dans l’arrière-boutique d’un épicier de banlieue, où un teinturier occupe le devant. […] * * * 16 juin S’il revenait, l’abbé Galiani ne manquerait pas de dire devant notre temps : « Je cherche un homme qui ne fasse pas carrière et profession d’aimer ses semblables, qui ne fonde pas d’hôpitaux, qui ne s’intéresse pas aux classes pauvres, qui ne s’occupe pas de donner des cachets de bain au peuple, qui ne soit pas membre d’une société protectrice de n’importe quoi, des chevaux ou du bagne, un homme qui ne se sacrifie pas aux déshérités, un homme qui ne se dévoue pas au journalisme, à la députation, à la tirade parlée ou écrite en faveur des malheureux, des pauvres, des soufrants, des êtres marqués de misère ou d’infamie, un homme qui ne soit pas bon, un égoïste enfin : — oui, pour l’amour de Dieu, j’en demande un…, je voudrais en voir un, brutal, cynique, sincère. » * * * 18 juin Cette nuit à deux heures du matin, nous sommes dans le LONG ROCHER, traversant des clairières, où la lune danse comme si elle allait à la cour de la reine Mab, marchant comme à travers un raccourci du Chaos, éclairé par une lumière électrique d’Opéra. […] Elle n’a nul besoin d’impressionner, nul désir de toucher, nulle ambition d’occuper un homme.

893. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Conclusions »

Conclusions esthétiques Classés par les œuvres qu’ils ont produites, les écrivains dont nous nous sommes occupé comprennent un poète, Henri Heine ; un poète-nouvelliste, Edgar Poe, et quatre romanciers plus ou moins réalistes : Charles Dickens, Tourguénef, Dostoïewski et Totstoï. […] Il est constitué d’une façon spéciale, à la fois maladive et admirable, dans son intelligence, sa sensibilité et sa volonté ; les émotions qu’il élabore en livres, le soumettent à certaines nécessité délétères ; il occupe dans la société, à laquelle il demeure extérieur et étranger, une position nécessairement douloureuse. […] Occupé à discerner les nuances de tous les spectacles que font éclore en lui les agitations de ses nerfs, habile à surprendre les mouvements d’âme qui sourdent dans son cerveau, à les arrêter et les décomposer au passage, tourmenté par l’amas d’observations psychologiques antérieures qui encombrent sa mémoire et diversifient son attention, l’artiste reste irrésolu, lassé de tendre une volonté faiblissante, se défie de ses forces et souffre de toute action. […] Entre la place que celle-ci accorde à l’artiste et celle qu’il prétend occuper, il n’y a nulle analogie.

894. (1885) La légende de Victor Hugo pp. 1-58

Paris, un instant ému, par la promenade du drapeau rouge et les charges policières du Père-Lachaise, qui revivifiaient les souvenirs de la Semaine sanglante, se remit à ne s’occuper que de celui qui fut « le plus illustre représentant de la conscience humaine ». […] Brutus Hugo, le farouche républicain de 1793, qui pourvoyait de chouans et de royalistes les pelotons d’exécution et la guillotine, fructidorise le Corps législatif avec Augereau, prend du service dans le palais de Joseph, en qualité de majordome, troque son surnom romain, contre un titre de Comte espagnol, prête serment à Louis XVIII qui le décore de la croix de Saint-Louis, se rallie à Napoléon, débarqué à Cannes, offre de reprêter serment à Louis XVIII retour de Gand, qui le met à la retraite et l’interne à Blois ; là pour occuper ses loisirs, il écrit ses Mémoires. […] Quand on étudiera le romantisme d’une manière critique, les études faites jusqu’ici n’ayant été que des exercices de rhétorique, où l’on s’occupait de louer ou de dénigrer, au lieu d’analyser, de comparer et d’expliquer, on verra combien exactement les écrivains romantiques satisfaisaient, par la forme et le fond, les exigences de la bourgeoisie : bien que beaucoup d’entre eux n’aient pas soupçonné le rôle qu’ils remplissaient avec tant de conscience. […] Si l’on ne connaissait sa piété filiale, on s’étonnerait qu’il ne se soit jamais occupé de sauver de l’oubli les œuvres « remarquables » de son père, lui qui a recueilli et si précieusement conservé ses moindres excréments littéraires, que pour leur péché d’hugolâtrie, Messieurs Vacquerie, Meurice et Lefebvre sont condamnés à publier, sinon à lire.

895. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Massillon. — II. (Fin.) » pp. 20-37

Chamfort, dans une anecdote dénuée de toute authenticité, est allé jusqu’à nommer la personne du sexe dont il le prétend occupé d’une manière mondaine9. […] Il arriva à Massillon après ses premiers succès ce qui arrive à tout prédicateur éloquent et célèbre ; il fut recherché, on accourut à lui, on le força de quitter souvent cette retraite de la maison de Saint-Honoré où il vivait humble, studieux, et occupé de la méditation de l’éternité.

896. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Nouvelles lettres de Madame, mère du Régent, traduites par M. G. Brunet. — II. (Fin.) » pp. 62-79

Madame mérite qu’on s’occupe d’elle à plus d’un titre, et en particulier parce qu’ayant beaucoup écrit, son témoignage demeure et est invoqué dans bien des cas. […] Au milieu de cette grande cour, je me suis retirée comme dans une solitude, et il y a fort peu de gens avec lesquels j’aie de fréquents rapports ; je suis de longues journées entières toute seule dans mon cabinet, où je m’occupe à lire et à écrire.

897. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « M. Daru. Histoire de la république de Venise. — III. (Suite et fin.) » pp. 454-472

Plus tard, dans ses loisirs occupés sous la Restauration, il fera de même : indépendamment de ses grands travaux d’histoire, de ses devoirs comme pair de France, de son assiduité aux commissions et aux sociétés dont il était membre, des rapports et discours académiques qu’on aimait à lui voir faire et dont il s’acquittait volontiers, il trouvait encore moyen de se donner des tâches surérogatoires : il écrivait en détail des remarques, des cahiers d’observations sur les ouvrages que des amis lui soumettaient ; il y a telle tragédie qu’il examinait plume en main, acte par acte, scène par scène, comme il eût fait aux premiers temps de sa jeunesse dans sa petite académie de Montpellier. […] Un poème de l’ordre didactique le plus élevé, L’Astronomie, occupa ses derniers loisirs104 : il l’entreprit sur le conseil même de l’illustre Laplace, et s’appliqua à confier au rythme ami de la mémoire les principales vérités de la mécanique céleste, et même l’histoire de la science et des divers systèmes en vogue avant que l’explication newtonienne eût fixé le centre du monde.

898. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Agrippa d’Aubigné. — I. » pp. 312-329

Pour moi qui me suis occupé de d’Aubigné il y a vingt-sept ans pour la première fois quand je traversais le xvie  siècle, je ne dirai aujourd’hui que ce qui me semble nécessaire pour présenter cette forte figure en son vrai jour, sans exagérer ni ses vertus, ni sa pureté, ni ses mérites, mais sans rien oublier non plus d’essentiel en ce qui le distingue. […] N’occupé-je donc que les avenues de votre affection ?

899. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Charron — II » pp. 254-269

Charron ici, dans sa définition tant de la probité que de la religion, et du lien qui les unit, a été tout occupé d’éviter à son homme de bien la crainte des châtiments futurs pour unique principe d’action, et il a trop oublié la charité et l’amour. […] Il s’occupe de l’enfant dès avant la naissance, et donne là-dessus, comme ferait un médecin, des prescriptions qui sont de pure hygiène.

900. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Le duc de Rohan — I » pp. 298-315

Mais ce n’est pas le moment de traiter ces graves et délicates questions : heureusement· le duc de Rohan n’est pas à réhabiliter, il n’est qu’à étudier, et nous n’avons à nous occuper que de lui. […] Pour un homme qu’on dit n’avoir pas eu de goût aux études classiques, il s’occupe beaucoup des antiquités, et il cite assez de latin pour qu’on puisse croire que son premier biographe a exagéré sa répugnance et son ignorance à cet égard43.

901. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « La princesse des Ursins. Ses Lettres inédites, recueillies et publiées par M. A Geffrot ; Essai sur sa vie et son caractère politique, par M. François Combes » pp. 260-278

Je fais ces remarques à regret ; mais ce serait conniver à un vice trop général que de les taire ; car ce n’est point seulement à l’estimable historien de la princesse des Ursins qu’elles s’appliquent, c’est à la plupart de ceux qui s’occupent aujourd’hui, avec tant de ferveur et de zèle, du xviie  siècle. […] Mme des Ursins, en recevant les ordres du roi par Torcy, ne se sent pas de joie ; Mme de Noailles en a la première effusion et le rejaillissement : « Au reste, madame, je suis transportée de joie, et depuis le matin jusqu’au soir je ne suis occupée qu’à penser combien vous êtes aimable. » Il est curieux de voir comme d’abord elle diminue la portée et la visée de sa mission : elle est choisie pour accompagner Mme la princesse de Savoie jusqu’à Madrid ; voilà tout ; rien au-delà ; qu’elle mette le pied en Espagne, cela lui suffit ; elle ne restera que juste autant qu’il le faudra pour ses affaires et autant que le roi le lui commandera : elle n’est qu’un instrument docile, obéissant et presque inerte dans la main des puissances de Versailles.

902. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Lettres inédites de Jean Racine et de Louis Racine, (précédées de Notices) » pp. 56-75

Qu’on mette en regard de cette lettre de Racine le moindre billet de ce brillant et libertin célibataire, si vif, si sensé, si occupé du genre humain, si dévoué aux intérêts de tous dans l’avenir, si guerroyant contre les préjugés, si infatigable jusqu’au dernier soupir, — Voltaire, — on aura une idée des deux natures d’hommes, des deux genres de vie, et aussi de deux siècles et de deux mondes. […] Racine s’occupe de la manière dont est tourné le berceau de Louis Racine : c’est estimable ; Voltaire s’inquiète de la manière dont tournera la civilisation, notre berceau à tous, et il y met la main.

903. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Connaissait-on mieux la nature humaine au XVIIe siècle après la Fronde qu’au XVIIIe avant et après 89 ? »

On méditait, si j’étais bien informé, une sorte de petite révolution littéraire aux Débats ; le ministère Martignac (on était alors sous le ministère Martignac) permettait de s’occuper de discussions poétiques, d’odes et de drames, et s’il avait duré, tout promettait quelques saisons de luttes pacifiques très vives. […] Indépendamment des grands seigneurs et des gens de qualité qui occupaient la scène et tramaient intrigue sur intrigue, taillant sans pitié dans la chose publique, il y avait des bourgeois malins, sages et prudents, restés dans leur coin à observer.

904. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Le Mystère du Siège d’Orléans ou Jeanne d’Arc, et à ce propos de l’ancien théâtre français »

C’est ce qui a été surabondamment démontré par les érudits modernes qui se sont occupés de ces questions. […] L’Église, en autorisant ces variantes et ce luxe de la liturgie, recommençait, ai-je dit, le théâtre : il est donc tout naturel que de savants religieux de notre temps, tels que le Père Cahour et aussi l’un des Bénédictins de Solesmes, Dom Piolin, se soient occupés presque en critiques littéraires, et avec prédilection, de cette branche dramatique sacrée : quand tout se passe et se joue devant l’autel et que rien ne dépasse le jubé, les La Harpe, les Duviquet peuvent être très convenablement des clercs et des religieux ayant stalle au chœur. — Un autre écrivain très-versé en ces matières du moyen âge, et qui a même porté dans ses travaux sur les chants d’Église une sagacité originale et une investigation de première main, M. 

905. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Mémoire de Foucault. Intendant sous Louis XIV »

À la nouvelle de l’approche des Français, la Junte de Navarre, assemblée à Pampelune, s’empresse d’envoyer offrir les clefs de la ville ; mais le maréchal de Bellefonds qui, sur la fin de sa carrière militaire, n’en faisait jamais plus qu’il ne fallait, n’avait pas ordre d’ailleurs de pousser sa visite jusque-là ; on se contenta d’occuper l’abbaye de Roncevaux et d’y souper. […] Si Foucault n’avait fait que des expéditions de ce genre, suivies de légers mensonges pour chatouiller l’orgueil du maître, péché bien véniel, — s’il n’avait eu pour l’ordinaire qu’à s’occuper du règlement de la justice, de sa distribution équitable et intègre (ainsi qu’il le fit) et d’autres mesures de ce genre conformes aux vrais principes et à l’Ordonnance de 1667, nous le louerions comme un digne et fidèle élève de Colbert et de Pussort.

906. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Études de politique et de philosophie religieuse, par M. Adolphe Guéroult. »

Sérieusement, il me semble que les différentes positions qui sont à prendre dans la presse périodique et qui peuvent tenter des publicistes dignes de ce nom, commencent à être toutes occupées, et à l’être comme il convient, par des écrivains de réputation et de talent, lesquels, s’ils ne disent pas tout ce qu’ils voudraient, le font du moins très-bien entendre ; et il s’en faut d’assez peu que ce qui est réclamé par la plupart comme un droit ne devienne insensiblement et par usage un fait. […] Développons, autant qu’il est en nous, l’intelligence, la moralité, les habitudes de travail dans toutes les classes de la société française ; cela fait, nous pourrons mourir tranquilles ; la France sera libre, non de cette liberté absolue qui n’est point de ce monde, mais de cette liberté relative qui seule répond aux conditions imparfaites, mais perfectibles, de notre nature. » C’est fort sensé, et du moins, on l’avouera, très spécieux ; mais cela ne satisfait point peut-être ceux qui sont restés entièrement fidèles à la notion première et indivisible de liberté, et je ne serai que vrai en reconnaissant qu’il subsiste, toutes concessions faites, une ligne de séparation marquée entre deux classes d’esprits et d’intelligences : Les uns tenant ferme pour le souffle de flamme généreux et puissant qui se comporte différemment selon les temps et les peuples divers, mais qui émane d’un même foyer moral ; estimant et pensant que tous ces grands hommes, même aristocrates, et durs et hautains, que nous avons ci-devant nommés, étaient au fond d’une même religion politique ; occupés avant tout et soigneux de la noblesse et de la dignité humaines ; accordant beaucoup sinon à l’humanité en masse, du moins aux classes politiques avancées et suffisamment éclairées qui représentent cette humanité à leurs yeux.

907. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Théophile Gautier (Suite.) »

. — Théophile Gautier a dû à Grenade et à son ciel enchanté des heures de mélancolie, — « d’une mélancolie sereine bien différente de celle du nord. » Le poète plastique, tout occupé de « donner une fête à ses yeux », et leur recommandant de bien saisir chaque forme, chaque contour des tableaux qui se développaient devant eux et qu’ils ne reverraient peut-être plus, s’y révèle avec une vivacité de sentiment et d’émotion qui témoigne d’une organisation particulière. Après une description heureuse du Généralife qui n’est, en quelque sorte, que le pavillon champêtre de l’Alhambra, et dont le charme principal consiste dans les jardins et les eaux, il termine par une image vivante et d’une adoration toute sympathique :    « Un canal, revêtu de marbre, occupe toute la longueur de Fenclos, et roule ses flots abondants et rapides sous une suite d’arcades de feuillage formées par des ifs contournés et taillés bizarrement.

908. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Corneille. Le Cid. »

Desjardins n’a pas prétendu, dit-il, faire un ouvrage, mais un essai ; il a pris un sujet de thèse historique, comme il était naturel de le concevoir à un homme qui s’est particulièrement occupé de cet immense et incommensurable champ de l’histoire. […] Goethe, comme toujours, était plus juste, et, le seul peut-être de son pays, il s’est occupé de Corneille avec une sympathie intelligente et en voulant bien entrer dans son génie.

909. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Jean-Bon Saint-André, sa vie et ses écrits. par M. Michel Nicolas. »

Jean-Bon Saint-André, quinze ans après environ, et déjà préfet de Mayence, ayant à prononcer un discours pour la première séance publique de la Société des Sciences et Arts dont on l’avait nommé membre (1804), y disait dans un sentiment de vérité et de modestie qu’il nous faut tout d’abord invoquer à sa décharge : « Citoyens, en paraissant pour la première fois au milieu de vous, étonné de la place que vos bontés m’ont assignée, je me demande à moi-même quels sont mes titres pour l’occuper. […] Il était absent et occupé dès lors à une autre mission dans le Midi, à Toulon qui, repris sur les Anglais et découronné de son nom, s’appelait le Port de la Montagne.

910. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Observations sur l’orthographe française, par M. Ambroise »

C’est un fait reconnu et que les philologues et critiques qui se sont occupés de l’histoire de la langue et qui ont étudié la naissance de la Romane, d’où la nôtre est dérivée, ont mis de plus en plus en lumière. […] Il y aura de quoi occuper, on le voit, et passionner innocemment bien des séances de l’Académie.

911. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Mémoires de Malouet »

Malouet savait décrire ; et déjà, à son premier voyage d’Amérique, allant à Saint-Domingue, il avait occupé les loisirs de la trame, dans lequel la périphrase continuelle rachète amplement l’absence de la rime, ressemble tout à fait à une traduction élégante d’un poème moderne en vers latins. […] « Cependant, dans cette surabondance de moyens, il me manque ceux de rendre des comptes et de m’en faire rendre ; d’assurer les approvisionnements, de pourvoir aux besoins pressants, de régler les dépenses, de résister aux consommations, de m’occuper efficacement de ce qui est nécessaire et de proscrire ce qui est inutile ou nuisible, c’est-à-dire que ce que je ne fais pas constitue l’administration, et ce que je fais pourrait en être retranché, ainsi que ma place et une grande partie des papiers et des commis. » Quand on en est là dans tous les ordres, les réformes graduées, telles que les concevait Malouet et qu’il les provoquait de ses conseils comme de ses vœux, sont-elles possibles, et n’en est-on pas venu, bon gré, mal gré, à ce point extrême où, à moins d’un génie au sommet, il n’y a d’issue qu’une révolution ?

912. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Mathurin Regnier et André Chénier »

Ainsi, même dans les chaleurs de l’âge et des passions, et même dans les instants où la dure nécessité a interrompu mon indépendance, toujours occupé de ces idées favorites, et chez moi, en voyage, le long des rues dans les promenades, méditant toujours sur l’espoir, peut-être insensé, de voir renaître les bonnes disciplines, et cherchant à la fois dans les histoires et dans la nature des choses les causes et les effets de la perfection et de la décadence des lettres, j’ai cru qu’il serait bien de resserrer en un livre simple et persuasif ce que nombre d’années m’ont fait mûrir de réflexions sur ces matières. » André Chénier nous a dit le secret de son âme : sa vie ne fut pas une vie de plaisir, mais d’art, et tendait à se purifier de plus en plus. […] Août 1829 Dans le morceau suivant et en mainte autre occasion j’ai été ramené à m’occuper de Chénier : j’avais déjà parlé de Regnier dans le Tableau de la Poésie française au xvie  siècle ; j’en ai reparlé, non sans complaisance et après une nouvelle lecture, dans l’Introduction au recueil des Poètes français (Gide, 1861), tome 1, page XXXI.

913. (1902) L’observation médicale chez les écrivains naturalistes « Chapitre IV »

Le vaste monde est ouvert, il n’est pas de sujet qu’il ne puisse aborder, et il devra dès lors s’occuper d’histoire, de philosophie, de sciences ; il touchera à tous les métiers, il examinera toutes les professions. […] Malot à s’occuper de médecine… »87 Nous avons volontiers tout au long transcrit ce commentaire de l’œuvre de M. 

914. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre I. La littérature pendant la Révolution et l’Empire — Chapitre II. L’éloquence politique »

L’éloquence révolutionnaire L’éloquence révolutionnaire occupe un espace de dix années (1789-1799) : dans toutes les assemblées qui se succèdent, dans les États Généraux devenus bientôt Assemblée constituante (1789-1791), dans l’Assemblée législative (1791-1792), dans la Convention (1792-1795), partout, sauf dans les deux Conseils juxtaposés des Anciens et des Cinq-Cents (1795-1799), elle est représentée par de brillants et vigoureux talents. […] Il a vu que la Révolution ne pouvait se sauver que par une translation de propriété qui intéresserait des milliers d’individus à garantir l’ordre nouveau : mais les biens du clergé vendus, les privilèges de la noblesse supprimés, l’égalité civile et politique établie, la liberté assurée, la royauté devenue constitutionnelle, Mirabeau fut content ; il ne s’occupa plus que de conserver cet ordre qu’il estimait conforme au gouvernement idéal ; et comme pour le fonder il avait fallu vaincre la royauté, tout son soin tendit à fortifier la royauté.

915. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Pierre Loti »

Chétive et misérable vie, en effet, que celle du scribe occupé dans son coin à polir ses phrases et à noter ses petites observations sur un tout petit groupe humain, quand le monde est si vaste et l’humanité si variée ! […] Enfin cette habitude des vastes spectacles naturels et des mélancolies où ils nous jettent traîne forcément après soi un certain dédain de ce qui tente et occupe les écrivains sédentaires, des civilisations étroites et de la vie des cités d’Europe, si déprimée et si factice.

916. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Jean Richepin »

Je ne parle ici au nom d’aucune morale ni d’aucune religion ; je ne m’occupe pas de la vérité : je ne m’occupe que de la beauté de la vie.

917. (1911) La valeur de la science « Troisième partie : La valeur objective de la science — Chapitre XI. La Science et la Réalité. »

Telle sensation est belle, non parce qu’elle possède telle qualité, mais parce qu’elle occupe telle place dans la trame de nos associations d’idées, de sorte qu’on ne peut l’exciter sans mettre en mouvement le « récepteur » qui est à l’autre bout du fil et qui correspond à l’émotion artistique. […] À la lumière de ce nouveau principe, examinons la question qui nous occupe.

918. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXXVI » pp. 413-441

Lorsque les deux pièces occupaient les amateurs du théâtre, madame Deshoulières, alors âgée de trente-neuf ans, voulant faire la cour au duc de Nevers et à ses sœurs, composa contre la Phèdre de Racine le fameux sonnet : Dans un fauteuil doré, Phèdre tremblante et blême, etc. […] La Champmeslé y aurait fait mal au cœur. » Si Voltaire avait eu le loisir de lire madame de Sévigné, avec l’application qu’on est en droit d’exiger d’écrivains moins occupés qui parlent d’elle, il aurait vu que les préventions de cette femme illustre, préventions qui n’ont pas été jusqu’à méconnaître le mérite de Racine et à lui préférer Pradon, tenaient à un principe moral d’une nature fort supérieure aux préceptes du goût en littérature.

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