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1137. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Première série

Cela est fort remarquable, et surtout cela l’est devenu, par ce temps de morosité, d’inquiétude et de complication intellectuelle. […] Toutes ces petites « méditations » sont tristes, et d’une tristesse qui ne berce pas, mais qui pénètre, qui n’est pas compensée par le charme matériel d’une forme musicale, mais plutôt par le plaisir intellectuel que nous donne la révélation de ce que nous avons de plus rare au cœur. […] Surtout nous aimons vivre avec les Grecs et nous nous plaisons à dire qu’ils sont nos vrais pères intellectuels et que nous leur ressemblons. […] Cela nous avertit qu’il ne s’agit pas précisément d’un système philosophique, d’une théorie de l’univers et de la vie, mais plutôt d’un état intellectuel et sentimental. […] Je jouis de leurs économies de pensée ; je suis reconnaissant à ces pauvres gens qui m’ont procuré, par leur sobriété intellectuelle, de si vives jouissances.

1138. (1888) Impressions de théâtre. Première série

Le personnage de Polyeucte, surtout, a bénéficié des progrès du sens critique et de la curiosité intellectuelle. […] Tout son être intellectuel et moral est dans deux habitudes, deux tics : le goût de la précision inutile et le respect du « convenable ». […] Vraiment, c’est le comble de l’art, et l’on sent comme une allégresse intellectuelle dans cette maîtrise de soi et dans cette triomphante perfection de métier. […] L’opération intellectuelle qui produit en moi des pensées et qui les traduit ensuite par des mots, il me semble qu’elle se fait sans moi, que je n’y suis et que je n’y puis être pour rien ; et à chaque instant je crains qu’elle n’échoue, j’ai peur que ce travail inconscient et mystérieux ne s’arrête subitement et ne me laisse la plume en l’air. […] Et il ne faut point s’indigner de ces libertés qu’ont prises d’aimables esprits avec ces dieux vénérables et charmants de l’antiquité grecque ; car ces dieux sont un peu les nôtres ; nous aimons à regarder les Grecs comme nos ancêtres intellectuels, et ce ne sont donc là qu’amusements de famille.

1139. (1895) Nouveaux essais sur la littérature contemporaine

D’autres éléments, sans doute, s’y sont joints, dont l’origine est plus intellectuelle, et, depuis Baudelaire, l’art s’est encore compliqué d’intentions ou de prétentions nouvelles. […] Son attitude intellectuelle a été celle non seulement de l’érudit, mais à vrai dire celle du zoologiste ou du botaniste en présence de l’espèce qu’ils étudiaient ; et d’une manière vraiment nouvelle, vraiment conforme à son ambition, c’est ainsi qu’il a réalisé d’abord l’alliance ou l’union de la science et de la poésie. […] Entre tant de formes ou d’espèces du roman, le roman d’aventures est la plus amusante, le roman de mœurs est la plus passagère, le roman à thèse est la plus amusante, la plus passionnante, mais le roman psychologique est peut-être la plus conforme à la notion même du genre, la plus intellectuelle, et d’ailleurs la plus difficile à traiter. […] Ces trois histoires réunies constituent ce qu’on peut appeler l’histoire de la civilisation, la civilisation étant le résultat de la collaboration alternative de la Grèce, de la Judée et de Rome. » Il ajoute encore plus loin : « Ce que la Grèce, en effet, a été pour la culture intellectuelle, ce que Rome a été pour la politique, les Sémites nomades l’ont été pour la religion… Les promesses faites à Abraham ne sont mythiques que dans la forme. […] Gumplowicz, n’est plus partout qu’une notion historique… La race est une unité qui, au cours de l’histoire, s’est produite dans le développement social et par lui… Ses facteurs initiaux sont intellectuels : langue, religion, coutume, droit, civilisation… Ce n’est que plus tard qu’apparaît le facteur physique : l’unité du sang : celui-ci est bien plus puissant, il est le facteur qui maintient l’unité. » Nous dirons la même chose d’une manière encore plus brève : ce n’est pas le sang qui fait la race, mais, au contraire, la race fait le sang.

1140. (1923) Nouvelles études et autres figures

Le Jansénisme entreprend de déconsidérer la Compagnie dans l’opinion des chrétiens et de lui arracher la direction intellectuelle et spirituelle de la jeunesse. […] Shelley, qui lui devait le meilleur et le pire de sa substance intellectuelle, apprit tout à coup qu’il n’était pas mort, et, dans une lettre naïve, il lui en exprima son étonnement et sa joie. […] Au point de vue intellectuel, il est dans la haute moyenne : rien de plus. […] Elle pardonnera à Renan sa Réforme intellectuelle et morale, bien qu’elle n’ait jamais eu à essuyer de réquisitoire plus méprisant et plus décisif : sa Vie de Jésus le rend tabou. […] La vie intellectuelle des maîtres de Saint-Julia se concentrait sur la religion.

1141. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Appendice. »

Plein de feu, d’ardeur, d’une âme affectueuse et amicale, unissant à un fonds d’instruction solide les goûts les plus divers, ceux de l’art, de la curiosité et de la réalité, il semble ne vouloir faire usage de toutes ces facultés que pour en mieux servir ses amis ; il se transforme et se confond, pour ainsi dire, en eux ; et ce sont eux les premiers qui, de leur côté, sont obligés de lui rappeler qu’il y a aussi une propriété intellectuelle qu’il faut savoir s’assurer à temps par quelque travail personnel : il est naturellement si libéral et prodigue de lui-même envers les autres qu’on peut sans inconvénient lui conseiller de commencer un peu à songer à lui, de penser à se réserver une part qui lui soit propre, et, en concentrant ses études sur un point, de se faire la place qu’il mérite d’obtenir un jour.

1142. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Sismondi. Fragments de son journal et correspondance. »

Il avait, on le sait, besoin d’aimer ; ce nouvel attachement, où il rencontrait un accord intellectuel parfait, remplit bientôt son existence, et lui permit de supporter la perte de sa mère qui mourut peu après.

1143. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Madame Desbordes-Valmore. »

. — Ce qui me décide (outre l’amitié qui m’y autorise) à publier la lettre suivante, est l’appréhension intellectuelle qui y est exprimée, et qui se déduit assez logiquement de ce qu’un homme, bien placé pour cela, peut, observer de plus en plus en littérature tous les jours : « Mon cher maître, , écrivait le correspondant de Sainte-Beuve, vous avez dû recevoir de nombreux compliments à propos de votre belle étude sur Mme Valmore ; et cependant chacun ne saurait trop vous dire quelle portée prend (dans ce temps plus que jamais) l’analyse si intime de ce caractère de femme. — Il est à craindre que vous ne soyez le dernier homme de lettres du siècle.

1144. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « L’Académie française »

Ce n’est pas faire le prophète que d’avancer que l’Académie française est à la veille d’un renouvellement décisif et qu’elle va se trouver en présence d’un état intellectuel et littéraire de la société qui ne s’était pas vu encore.

1145. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Diderot »

Diderot, bon qu’il était par nature, prodigue parce qu’il se sentait opulent, tout à tous, se laissait aller à cette façon de vivre ; content de produire des idées, et se souciant peu de leur usage, il se livrait à son penchant intellectuel et ne tarissait pas.

1146. (1875) Premiers lundis. Tome III « De la loi sur la presse »

Cette peine corporelle est une petite torture lente, imperceptible, indigne d’être infligée, chez un peuple civilisé, à des hommes qui n’ont eu qu’une erreur intellectuelle (si tant est qu’ils l’aient eue en effet).

1147. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre III. Les grands artistes classiques — Chapitre IV. Racine »

Mais songez surtout à son accès de fureur prophétique, à ce qu’il a fallu de puissance poétique, de hardiesse artistique, pour concevoir et pour offrir à ce monde de raisonneurs et d’intellectuels un prophète, un vrai prophète, inspiré, délirant, dessinant l’avenir en images actuellement extravagantes.

1148. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre septième. »

J’ai dit que la matière unique de l’activité intellectuelle de ce siècle, c’était l’homme, l’humanité considérée du point de vue le plus général.

1149. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 janvier 1886. »

Il était malade, car il consultait un médecin (IV, 352) ; il sentait la nécessité d’un repos intellectuel, car il écrit à un ami, qu’il a l’intention de « faire le paresseux » pendant un an, et il ajoute qu’il est convaincu, que pour qu’une œuvre dramatique soit vraiment forte et originale, il faut « qu’elle soit le résultat d’un pas en avant dans la vie, d’une nouvelle période dans le développement de l’artiste », et que « ceci ne peut être le cas tous les six mois ».

1150. (1863) Le réalisme épique dans le roman pp. 840-860

Il est dans l’histoire intellectuelle de notre pays certains épisodes auxquels on ne peut penser sans une impression de surprise et de tristesse.

1151. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1858 » pp. 225-262

» Octobre Ayant ouvert un livre de Gerdy : Physiologie philosophique des sensations, je pense au beau travail qu’il y aurait pour un Michelet, au lieu de mettre sa pensée sur l’Insecte ou l’Oiseau, de prendre, comme sujet d’étude, ce petit monde inconnu : l’Enfant, et de raconter, avec des observations mitoyennes à la médecine, mais planant au-dessus, l’éveil successif de ses sensations et l’éclairage, petit à petit, de la rose intellectuelle de son cerveau.

1152. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre septième. L’introduction des idées philosophiques et sociales dans la poésie. »

Un théorème, d’astronomie nous donne une satisfaction intellectuelle, mais la vue du ciel infini excite en nous une sorte d’inquiétude vague, un désir non rassasié de savoir, qui fait la poésie du ciel.

1153. (1913) La Fontaine « II. Son caractère. »

Le voilà peint tout entier, du moins pour ce côté d’inconstance légère, d’inconstance aimable, de la nécessité où il était de varier ses plaisirs intellectuels et de varier les aspects de sa sensibilité, de jouir précisément de tous les aspects divers d’une sensibilité, du reste infiniment délicate et infiniment ployable à tous les événements et à toutes les impressions.

1154. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « II. M. Capefigue » pp. 9-45

Qui est organisé, dans ce temps d’anarchie intellectuelle, d’individualités jalouses ?

1155. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Michelet » pp. 167-205

Or, la meilleure des idées anti-chrétiennes sur laquelle on pût établir toute la vie morale et intellectuelle de l’enfant, — du jeune ouvrier de l’avenir, — c’est encore l’idée de Justice opposée à la Grâce, — cette idée de Justice comme elle n’est pas, mais comme ils ont dit et voulu nous faire croire, les révolutionnaires, qu’elle était, dans la Révolution !

1156. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Du docteur Pusey et de son influence en Angleterre »

Il défendait l’unité de sa vie intellectuelle et religieuse ; car, en 1841, il avait publié une brochure sur le fameux Traité XCe , — Tract XC historically examined, — dans lequel il soutenait les mêmes opinions que Ward sur les XXXIX articles.

1157. (1898) Les personnages de roman pp. 39-76

Brunetière, à propos des romans ruraux de George Eliot, remarque justement : « Il n’y a rien de si difficile, dans le roman et ailleurs, que de borner le vocabulaire des gens que l’on fait parler aux limites exactes de leur petit univers intellectuel et moral. » Épreuve dangereuse, en effet, piège redoutable.

1158. (1919) L’énergie spirituelle. Essais et conférences « Chapitre II. L’âme et le corps »

Il en est qui se traduisent par ce que nous appelons des sensations, d’autres par des souvenirs ; il en est, sans aucun doute, qui correspondent à tous les faits intellectuels, sensibles et volontaires : la conscience s’y surajoute comme une phosphorescence ; elle est semblable à la trace lumineuse qui suit et dessine le mouvement de l’allumette qu’on frotte, dans l’obscurité, le long d’un mur.

1159. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre XIII. »

Réglant le fonds intellectuel de ton cœur, monte heureusement aussi par la route détournée, et contemple l’unique roi de l’univers.

1160. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre quatrième. La connaissance des choses générales — Chapitre III. Le lien des caractères généraux ou la raison explicative des choses » pp. 387-464

Par l’influence combinée de l’état antérieur et des aptitudes et facultés héréditaires, il explique son état social, intellectuel et moral au moment donné ; par l’influence combinée de cet état nouveau et des mêmes aptitudes et tendances héréditaires, il explique son état social, intellectuel et moral au moment postérieur, et ainsi de suite, soit en remontant le cours des temps depuis l’époque contemporaine jusqu’aux plus anciennes origines historiques, soit en descendant le cours des temps depuis les plus anciennes origines historiques jusqu’à l’époque contemporaine. — On conçoit que dans cette prodigieuse évolution, qui s’étend depuis la formation du système solaire jusqu’à celle de l’homme moderne, les lacunes soient grandes et nombreuses ; elles le sont en effet, et souvent nous n’avons pour les combler que des conjectures.

1161. (1894) Journal des Goncourt. Tome VII (1885-1888) « Année 1885 » pp. 3-97

Non, la multiplication des travaux et des occupations de la vie d’un lettré, vous défend absolument avant la mort, les quelques années de repos cérébral, de retraite de la vie intellectuelle, qu’il serait si bon d’avoir. […] Elle a cette femme, un charme à la fois mourant et ironique tout à fait singulier, et auquel se mêle la séduction des Slaves : la perversité intellectuelle des yeux et le gazouillement ingénu de la voix !

1162. (1895) Journal des Goncourt. Tome VIII (1889-1891) « Année 1891 » pp. 197-291

Il voit dans des interview, des interview autres que ceux qui se font dans les journaux, un moyen de propagation intellectuelle tout nouveau, un moyen qu’il veut beaucoup employer, en ne le bornant pas seulement à l’interrogation de l’homme de lettres. […] Moi. — Non… et cependant, tenez… sous un régime monarchique c’était logique, mais sous un gouvernement républicain, l’ironie de la chose est vraiment amusante pour un sceptique… Mais examinons de haut la question… Nous avons comme président, un président qui peut être un parfait honnête homme, mais qui est la personnification du néant, et qui n’a dû sa nomination qu’à la constatation par tous de ce néant, et par là-dessus c’est un président très pudibard… Maintenant nous avons une Chambre qui est la représentation de la médiocratie intellectuelle de la province… car à l’heure qu’il est, Paris est sous le joug de l’obscurantisme des prétendus grands hommes de chefs-lieux… Autrefois, du temps où il y avait plus de Parisiens à la Chambre, il y en avait certes de médiocres dans le nombre, mais le Parisien médiocre ressemble un peu à nos jeunes gens sans grande intelligence de la diplomatie, qui au bout d’un certain nombre d’années, par la fréquentation de l’humanité supérieure des grandes capitales ou ils passent, ont dépouillé quelque chose de leur médiocrité.

1163. (1860) Cours familier de littérature. IX « LIVe entretien. Littérature politique. Machiavel (3e partie) » pp. 415-477

La France a répandu son esprit de rénovation dans toute l’Europe ; la France, nation moins douée des dons intellectuels, mais plus militaire et plus unifiée que vous, vous a conquis à son tour ; elle a fait d’abord chez vous des républiques à son image : républiques parthénopéenne, romaine, ligurienne, cisalpine, où Naples, Rome, Gênes, Milan, croyaient quelques jours renaître à la liberté en revêtant les noms et les costumes antiques ; puis, quand la France a repris pour sceptre le sabre du général Bonaparte, elle vous a transformés ou travestis à son image.

1164. (1860) Cours familier de littérature. X « LVIIIe entretien » pp. 223-287

Un seul homme en Italie, Mezzofanti, un seul homme en France, le comte de Circourt, ont offert au monde ce phénomène de l’universalité des langues et des connaissances humaines ; mais ces deux hommes étaient deux miracles d’organisation intellectuelle achevés par les années et par les études.

1165. (1863) Cours familier de littérature. XV « LXXXIXe entretien. De la littérature de l’âme. Journal intime d’une jeune personne. Mlle de Guérin (2e partie) » pp. 321-384

II Quand son premier amour de famille ici-bas, son frère Maurice, fut mort entre ses bras au Cayla, et qu’elle-même fut morte après son père, on retrouva dans ses papiers ces dernières notes de son journal adressées à ce cher mort Maurice, et on les recueillit pour notre édification intellectuelle comme des reliques que la flamme aurait profanées.

1166. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série «  Leconte de Lisle  »

On peut succomber aux souffrances physiques qui jettent l’homme hors de soi, l’affolent et le font crier ; on peut succomber aux mécomptes qui ont pour objet des personnes ; mais les douleurs purement intellectuelles ne tuent pas, parce que, dans la plupart des cas, à mesure qu’elles croissent, croît aussi notre orgueil.

1167. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série «  M. Taine.  »

Il descend des grands Italiens, hommes d’action de l’an 1400, aventuriers militaires, usurpateurs et fondateurs d’Etats viagers ; il a hérité, par filiation directe, de leur sang et de leur structure innée, intellectuelle et morale.

1168. (1920) Enquête : Pourquoi aucun des grands poètes de langue française n’est-il du Midi ? (Les Marges)

C’est pour cela que la Normandie, la Champagne, dont les relations ont été faciles et continues avec le centre intellectuel qu’était et qu’est demeuré Paris, ont fourni à la littérature française tant de poètes et d’écrivains.

1169. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre quatrième »

Ses vers si fort admirés, et ses préceptes si obéis, attirèrent les esprits à ces études fécondes où nous devions prendre le goût d’ouvrages plus parfaits que les siens ; cet enthousiasme, même mal exprimé, pour ce qui a fait depuis lors le fond de notre éducation intellectuelle, a de la vie.

1170. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre sixième. »

Combien qui aiment plus la vérité en spéculatifs que pour l’application, plus comme une conformité avec leur nature intellectuelle, qui flatte leur vanité, comme une règle de conduite immédiate qui les oblige !

1171. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Conclusion »

En tout cas, ce regret ne fait pas tort à l’homme illustre qui nous avait donné tant d’ambition pour lui146, et il ne nous rend pas indifférents à ce qui fut, il y a quarante ans, comme un souffle puissant de spiritualisme, qui purifia notre atmosphère intellectuelle des grossières vapeurs que le sensualisme du dix-huitième siècle y avait répandues.

1172. (1902) Le culte des idoles pp. 9-94

Tandis que le beau livre de Renan, la Réforme intellectuelle et morale, si plein de pensées fortes, neuves, lumineuses, est à peu près inconnu des jeunes gens, et n’eut à son apparition qu’un tout petit succès d’estime dans le monde des lettres, l’œuvre de M. 

1173. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre I. Le broyeur de lin  (1876) »

Rien de plus respectable que ce noble de campagne quand il restait paysan, étranger à l’intrigue et au souci de s’enrichir ; mais, quand il venait à la ville, il perdait presque toutes ses qualités, et ne contribuait plus que médiocrement à l’éducation intellectuelle et morale du pays.

1174. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 avril 1886. »

Mais on peut concevoir comme concret et vivant l’homme idéal : il est un être indépendant et moral, le but de notre développement intellectuel, le résultat — aujourd’hui rêvé seulement — de tout notre progrès intérieur.

1175. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 juillet 1886. »

Mais voici que s’approchait à la Musique un homme si extraordinaire que ses origines intellectuelles demeureront à jamais mystérieuses : un extravagant prodige anéantissantes lois où nous nous complaisions sur l’hérédité, l’adaptation aux milieux : un compositeur dont l’influence pour la musique ultérieure fut partielle, funeste, mais qui rendit un peu superflues toutes musiques ultérieures ; un être qui, seul dans l’Art, a connu tout le domaine de l’Art ; un musicien dans l’âme duquel ont vécu, précises et réelles, toutes les émotions humaines, toutes absolument ; un Dieu donc, puisqu’il fut de tous les hommes le plus surnaturel : le claveciniste flamand Ludwig van Beethoven.

1176. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 15 décembre 1886. »

L’homme qui, en Belgique, se montra l’adversaire avoué, irréconciliable de Wagner et qui mit à le combattre une opiniâtreté aveugle de sectaire, était précisément celui que sa haute culture intellectuelle et sa profonde science musicale rendaient le mieux apte à deviner le génie novateur, à le faire comprendre et admirer de ses contemporains. — Mais combien de fois, en matière musicale, n’a-t-on pas vu ceux qui devaient faire la lumière, employer leurs efforts à répandre l’erreur ?

1177. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — CHAPITRE VI »

C’était l’adolescent ramolli d’esprit, dépravé de cœur, « pourri de chic », c’est le mot, imperméable aux choses intellectuelles et aux idées généreuses, les repoussant avec les formules courantes de l’argot pervers, ne croyant qu’à l’argent et aux plaisirs qu’il procure, produit mal venu du cynisme et du béotisme.

1178. (1904) En méthode à l’œuvre

En quoi, il eût été le plus hautement et évolutivement propre aux intellectuelles spéculations, tandis que par la phonalité (et par le sens du Rythme, qui, nous le verrons, ne s’en peut séparer), il aurait gardé l’émotivité et le mouvement même de la sensation traduite primordialement parle cri.

1179. (1888) Préfaces et manifestes littéraires « Romans et nouvelles » pp. 3-80

En 1877, ces libertés et ces franchises, je viens seul, et une dernière fois peut-être, les réclamer hautement et bravement pour ce nouveau livre, écrit dans le même sentiment de curiosité intellectuelle et de commisération pour les misères humaines.

1180. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1883 » pp. 236-282

Seulement alors il demandait qu’on l’injectât de morphine, mais à des doses infinitésimales, et qui lui donnaient le repos et le calme, pendant quelques minutes, puis il revenait à sa vie douloureuse, se secouait, et disait à l’ami médecin, qui se trouvait près de lui : « Faisons un peu de gymnastique intellectuelle, causons de… » Et il nommait une thèse médicale quelconque, voulant conserver intactes les facultés de son cerveau, jusqu’au bout.

1181. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Villemain » pp. 1-41

… Quelle perspective ou quel fantôme a donc altéré la grasse paix de cet universitaire, qui n’avait peut-être eu jamais de souci et d’anxiété dans sa vie, si ce n’est le jour où le baron d’Echstein, ce terrible savant qui n’a pas lu les Pères de l’Église seulement pour faire la classe à des conscrits intellectuels, lui défendit, au nom du sérieux de l’histoire (telle du moins se raconte l’anecdote), de toucher à ce grand sujet du pontificat de Grégoire VII que les journaux avaient annoncé, et qui, effectivement, n’a paru qu’après la mort du baron d’Echstein.

1182. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre vii »

Mais Belmont, c’est un saint et un grand intellectuel.

1183. (1910) Propos de théâtre. Cinquième série

La gloire consiste à ébranler si fortement l’imagination, l’esprit, le cœur, la conscience de vos contemporains, qu’ils vous lèguent à leurs descendants comme leur héritage intellectuel. […] Les Anglais, flattés de croire savoir que l’humour est exclusivement anglaise, ont fait entrer dans l’humour toutes les qualités morales et intellectuelles. […] Guillaume Huszar, sera guéri radicalement de cette admiration traditionnelle pour Corneille qui ne repose sur rien, si ce n’est sur un frivole amour-propre national, et qui fait de nous la risée de l’Europe intellectuelle. […] Les littérateurs, en France surtout, vivent à la ville, c’est-à-dire à Paris, centre d’activité intellectuelle et le seul endroit ou ils puissent tirer parti de leur talent. […] Il y aurait à faire le même travail, mais non en rhéteur, non en sophiste, en toute probité intellectuelle, sur les parties chrétiennes du théâtre de Corneille.

1184. (1907) Propos de théâtre. Quatrième série

Cette Judith, très « intellectuelle », et qui fréquenta la Sorbonne avec intensité, jusqu’à en devenir bachelier ès lettres et qui sait l’hébreu comme M. Ledrain, peut-être moins, s’est éprise d’Aubier parce qu’il est intellectuel, lui aussi, et Aubier s’est laissé aller à se laisser aimer. […] Et Aubier, que l’on comprend un peu mieux, car « c’est un faible », c’est un « intellectuel “ qui me paraît un peu bête, comme il y en a beaucoup, et il a été jeté à Judith, quoique y résistant, par une petite fatalité ; Aubier, que l’on comprend un peu mieux, n’est pas excellemment intelligible encore. […] Ça doit bien vous impatienter de ne pouvoir rien expliquer, et précisément devant des hommes qui, n’ayant pas le temps de réfléchir, auraient besoin qu’on leur expliquât tout. » Ces six pages sur la formation intellectuelle et morale de Michel Aubier, c’est par quoi M.  […] Elle a trop de désirs pour n’être pas chrétienne. — Lune de miel passée, elle s’aperçoit que son petit camarade est un simple jeune daim et, très « intellectuelle », elle le méprise.

1185. (1913) Les idées et les hommes. Première série pp. -368

Pour évoquer le martyre intellectuel et moral d’une génération française, un jeune Français moins extraordinaire ne valait-il pas mieux ? […] Non : l’esthétique de Flaubert est vivante ; et lui, parmi les romanciers de génie, l’un de ceux qui ont saisi et mis dans leurs ouvrages le plus de réalité, intellectuelle et physique, vivante elle-même. […] La nouveauté, c’est la philosophie que les pauvrettes vous notifieront, si leur escapade vous déconcerte : et vous saurez qu’elles ont droit au bonheur, qu’elles ont accompli leur devoir intellectuel en exaltant leur personnalité. […] (Et il convenait que les sens, non seulement les plus intellectuels, la vue et l’ouïe, mais aussi les plus voluptueux, l’odorat, le toucher, le goût, fussent approchés de Cybèle immense et magnifique. […] Orgueilleuse, elle se confinera dans l’aristocratie intellectuelle des cénacles.

1186. (1876) Romanciers contemporains

Balzac relève moins encore de ceux qui étudient l’art que des spécialistes qui décrivent et analysent les phénomènes intellectuels. L’incomparable fécondité de ce cerveau tout bouillonnant, cette intensité de vie indicible, cet état incessant de fièvre productrice, d’hallucination désordonnée, ce mouvement perpétuel de la pensée en ébullition, tout cela est du ressort du physiologiste constatant jusqu’où peuvent aller les forces intellectuelles de l’homme. […] Il est certain qu’au point de vue de la force intellectuelle productrice, les temps modernes peuvent et doivent opposer à l’antiquité, après Shakespeare, Balzac. […] Mais on a le droit d’exprimer au moins quelques regrets, quand on est dans un pays aussi ignorant que celui-ci, dans une ville qui se pique d’être la capitale intellectuelle du monde, et où tant de gens néanmoins connaissent Louvois seulement par la place qui porte son nom et le vainqueur de Denain par les Dragons de Villars. […] Cette gestation intellectuelle est incessante, elle s’opère même pendant le demi-repos que procure le sommeil.

1187. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « Lamartine »

Deschanel et Reyssié ; mais notre fastueux Sarrasin voulait reculer le plus possible dans le passé l’époque où il n’était pas encore original, et nous communiquer en même temps cette impression que les Méditations s’élevèrent tout à coup comme un chant céleste, absolument spontané, involontaire, inattendu, et sans lien apparent, même dans le développement intellectuel de l’auteur, avec aucune autre poésie, quelle qu’elle fût. […] Les conceptions les plus hardies, les images les plus éclatantes, les vers les plus mâles, le sentiment le plus large de la nature extérieure, toutes les vraies richesses intellectuelles du poète sont contenues dans la Chute d’un ange. […] Tant qu’enfin la superbe intellectuelle du Désert et la charité d’Utopie se réconcilient dans cette image :     Ainsi quand le navire aux épaisses murailles, Qui porte un peuple entier bercé dans ses entrailles, Sillonne au point du jour l’océan sans chemin, L’astronome chargé d’orienter la voile Monte au sommet des mâts où palpite la toile, Et, promenant ses yeux de la vague à l’étoile, Se dit : « Nous serons là demain ! 

1188. (1891) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Quatrième série

Et c’est même pour cette raison qu’à de certains égards la destruction de Port-Royal, qui semble n’être dans notre histoire politique intérieure qu’une mesure d’ordre administratif, à la vérité violente et tyrannique, est dans notre histoire intellectuelle et morale un fait presque aussi considérable que la révocation de l’édit de Nantes.

1189. (1885) L’Art romantique

Ne savons-nous pas que la saison des Michel-Ange, des Raphaël, des Léonard de Vinci, disons même des Reynolds, est depuis longtemps passée, et que le niveau intellectuel général des artistes a singulièrement baissé ? […] Je crois cependant que cette impression affecte surtout ces hautains solitaires qui ne peuvent se faire une famille que par les relations intellectuelles. […] Bref, les concerts de Wagner s’annonçaient comme une véritable bataille de doctrines, comme une de ces solennelles crises de l’art, une de ces mêlées où critiques, artistes et public ont coutume de jeter confusément toutes leurs passions ; crises heureuses qui dénotent la santé et la richesse dans la vie intellectuelle d’une nation, et que nous avions, pour ainsi dire, désapprises depuis les grands jours de Victor Hugo. […] Peu content du pouvoir qu’elle exerce sur les cœurs en y réveillant toute la gamme des sentiments humains, il lui rend possible d’inciter nos idées, de s’adresser à notre pensée, de faire appel à notre réflexion, et la dote d’un sens moral et intellectuel… Il dessine mélodiquement le caractère de ses personnages et de leurs passions principales, et ces mélodies se font jour, dans le chant ou dans l’accompagnement, chaque fois que les passions et les sentiments qu’elles expriment sont mis en jeu.

1190. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « M. DE LA ROCHEFOUCAULD » pp. 288-321

Cet article sur La Rochefoucauld (s’il m’est permis de le faire remarquer aujourd’hui) indique une date et un temps, un retour décisif dans ma vie intellectuelle.

1191. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Charles Labitte »

Quiconque a traversé, dans son existence intellectuelle, l’une de ces phases d’incrédulité stoïque et d’épicuréisme élevé, sait à quoi s’en tenir sur ces monstres que de loin on s’en figure.

1192. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre I. Littérature héroïque et chevaleresque — Chapitre I. Les chansons de geste »

Par eux, les aptitudes poétiques de la race celtique, engourdies sous la domination romaine par l’élégant rationalisme de la littérature savante, comme par la pression monotone de la protection administrative, furent réveillées : les âmes, préparées déjà par le christianisme, violemment secouées par l’instabilité du nouvel état social, recouvrèrent le sens et le don des symboles merveilleux ; et dans la famine intellectuelle que produisit la ruine des écoles, l’aristocratie gallo-romaine, sujette des rois francs et compagne de leurs leudes, associée aux fêtes comme aux affaires, quitta sa délicatesse et ses procédés raffinés de pensée et de langage : elle retourna à l’ignorance, au peuple ; elle se refit peuple, avec toute la rudesse, mais avec toute la spontanéité du génie populaire.

1193. (1895) Histoire de la littérature française « Seconde partie. Du moyen âge à la Renaissance — Livre I. Décomposition du Moyen âge — Chapitre II. Le quinzième siècle (1420-1515) »

Commynes est un intellectuel, espèce rare alors, et c’est bien la première fois que nous rencontrons ce type pur.

1194. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « M. Deschanel et le romantisme de Racine »

En un sens, rien de plus vrai ni de plus philosophique que la tragédie, qui nous montre les forces élémentaires, les instincts primitifs déchaînés sous la plus fine culture intellectuelle et morale.

1195. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « M. Paul Verlaine et les poètes « symbolistes » & « décadents ». »

C’est que notre vie intellectuelle est en grande partie inconsciente.

1196. (1828) Préface des Études françaises et étrangères pp. -

Villemain en appliquant son étonnante sagacité à l’étude approfondie du rhythme, de l’harmonie, de la fabrication du vers ou de la strophe, enfin de tout le matériel poétique, se convaincrait et convaincrait facilement ses auditeurs, des immenses progrès que la nouvelle école a faits dans la partie artiste, comme dans la partie intellectuelle et littéraire de la poésie.

1197. (1885) Les étapes d’un naturaliste : impressions et critiques pp. -302

Autant de chapitres, autant de documents d’un état intellectuel en mal de croissance, en pleine crise de développement. […] Mais, enivrée de tant de délices, la cité n’oubliait pas qu’elle était la patrie de Montaigne, de la Boétie et de Montesquieu ; les lettres y étaient toujours cultivées, les grandes traditions intellectuelles s’y ravivaient dans les douceurs de la paix et de la richesse. […] Cet empressement nous fait concevoir l’espérance — plus que l’espérance, — la certitude d’un relèvement littéraire pour l’Espagne, qui a déjà une littérature en pleine maturité, celle des chanteurs catalans, et à qui il ne manquait plus que de redorer, définitivement, le vieux blason intellectuel de Castille et de Léon. […] Filon, espérer en l’avenir intellectuel des Iles Britanniques, quoique peut-être, de cette littérature maladive et en crise d’enfantement, je n’attende pas la guérison par la même médicamentation que lui, si je puis m’exprimer ainsi. […] Pour juger Coligny, il part de ce principe que ne pas accepter le Credo catholique est un crime, crime moral, intellectuel, pour lequel il ne réclame, je le reconnais volontiers, nulle pendaison, nul bûcher, mais enfin, crime — alors qu’on doit ÿ voir plutôt un malheur, une cause de pitié.

1198. (1836) Portraits littéraires. Tome I pp. 1-388

Une fois bien assurés de l’originalité intellectuelle et morale de ses ouvrages, nous ne pouvons pas attacher un bien vif intérêt aux analogies prochaines ou lointaines qui l’unissent à d’autres poètes de la même nation. […] La composition, dans le sens intellectuel et technique du mot, porte bien plus sur la charpente de la fable que sur le style des chapitres et des pages. […] C’est une conclusion logique et glorieuse dans la série des tentatives intellectuelles qu’il a courageusement abordées en 1824. […] Cette disposition est, dans l’ordre intellectuel, quelque chose qui correspond assez bien au chatoiement du style, dans l’ordre littéraire. […] Quand Trenmor a complété pour nous la physionomie intellectuelle de Lélia, Pulchérie paraît sur la scène, et l’entretien des deux sœurs nous apprend tout ce qu’il y a d’angoisses et de blasphèmes dans cette organisation mutilée, harcelée sans relâche par des désirs infinis, humiliée à toute heure par l’impuissance de ses facultés.

1199. (1866) Dante et Goethe. Dialogues

Ainsi qu’un astre à son lever, une idée commence à poindre aux dernières limites de notre horizon intellectuel. […] Dans un juste sentiment de son pouvoir intellectuel et de son ascendant sur les esprits, Dante s’adresse aux princes, aux tyrans, aux peuples. […] À mesure que notre domaine intellectuel s’étend, il nous devient moins facile de le posséder et de le fertiliser. […] Gœthe prenait plaisir à l’instruire, à causer avec elle de choses élevées ; je n’en voudrais pour témoignage que cette belle poésie scientifique sur la métamorphose des plantes, ce chef-d’œuvre du genre, qu’il lui dédie, et qu’il a composée évidemment pour répondre aux curiosités intellectuelles de sa maîtresse. […] Sa haute et noble stature, sa démarche, son port, son front superbe où se dessine fièrement l’arc de ses noirs sourcils, son nez aquilin, sa chevelure d’ébène, son grand œil italien qui flamboie, imposent à qui l’approchent admiration et respect. « Une pareille alliance de la beauté physique et de la beauté intellectuelle ne s’était encore vue chez aucun homme », dit Hufeland.

1200. (1896) Études et portraits littéraires

Plus ils demandent de sacrifices à l’autonomie intellectuelle de leurs contemporains, plus ils en obtiennent. […]   Or voici qu’un homme particulièrement qualifié, celui qui naguère indiquait aux nouvelles générations les Sources de la paix intellectuelle, s’est posé à son tour cette question de la vie. […] L’idée type de l’homme engage donc chacun de nous à parfaire en lui ce qu’elle signifie, à ne pas laisser sommeiller ses puissances, à actuer ce que son essence requiert, c’est-à-dire à mettre en œuvre toutes ses facultés, celles surtout qui font l’éminente qualité de son être, les intellectuelles, les morales. […] Donc point d’effusion oratoire, nulle passion même intellectuelle.

1201. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME GUIZOT (NEE PAULINE DE MEULAN) » pp. 214-248

En un mot, en se rencontrant tout d’abord, Mlle de Meulan et lui, à une grande élévation d’idées, ils y arrivaient partis d’origines intellectuelles diverses et presque contraires.

1202. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE LONGUEVILLE » pp. 322-357

Nicole tout simplement. » Au tome XII des Ouvrages de morale et de politique de l’abbé de Saint-Pierre, on trouve sur le genre d’esprit et la qualité intellectuelle de Mme de Longueville ce témoignage assez particulier qu’on n’aurait guère l’idée d’aller chercher là, et dont l’espèce de bizarrerie n’est pas sans piquant176 : « Je demandai un jour à M.

1203. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXXIIe entretien. Socrate et Platon. Philosophie grecque. Deuxième partie. » pp. 225-303

La division du peuple en professions arbitraires et infranchissables ; La suppression de la propriété, seule responsabilité de l’homme rétribué héréditairement par son travail ; La communauté des biens, c’est-à-dire de la misère ; La communauté des femmes et des enfants, qui supprime du même coup les trois amours dont se perpétue l’espèce humaine : l’amour conjugal, l’amour maternel, l’amour filial, et toutes les vertus aussi humaines que divines qui émanent de ces trois sources d’amour ; L’impudeur, aussi flagrante que l’impudicité, dans cette gymnastique des femmes de tout âge s’exerçant nues devant le peuple à des luttes dégoûtantes d’obscénité ; Le meurtre des enfants mal conformés, punissant le tort de la nature par la mort de ses victimes ; La population maintenue, au moyen d’une loi révoltante, au même nombre par l’immolation des hommes nés en dépit de la loi ; Les arts, proscrits de cette démocratie des métiers, de peur que l’esprit ne se corrompe par ses plus belles manifestations intellectuelles ; Enfin, on ne sait quel gouvernement de vieillards, écoliers jusqu’à cinquante ans dans des gymnases de sophistes, et n’arrivant au gouvernement qu’à l’âge où les passions généreuses meurent généralement dans l’homme en même temps que les passions fougueuses, c’est-à-dire un gouvernement d’eunuques sur un troupeau de brutes esclaves : Voilà, encore une fois, ce délire d’un philosophe que l’on continue à appeler le divin Platon !

1204. (1869) Cours familier de littérature. XXVIII « CLXVIe entretien. Biographie de Voltaire »

Fut-elle, comme on n’a pas cessé de l’écrire, une simple impiété, impiété non-seulement anti-chrétienne, mais anti-divine, confondant dans un même scepticisme et dans un même sacrilége toutes les manifestations religieuses, qui sont l’instinct le plus sublime, le besoin le plus intellectuel, et l’aspiration la plus sainte de l’humanité ; en un mot, Voltaire fut-il athée ?

1205. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre deuxième »

Et qu’entend-on par la nature dans l’ordre intellectuel, sinon ce qu’il y a de semblable et d’identique dans tous les hommes, c’est-à-dire la raison ?

1206. (1911) La morale de l’ironie « Chapitre III. Les immoralités de la morale » pp. 81-134

Et sans doute il a un « mérite » de persévérance et de volonté, seulement c’est un autre mérite que le mérite intellectuel, et d’ailleurs on ne sait pas si l’autre élève n’en est pas également doué, tant qu’une épreuve décisive ne s’est point offerte.

1207. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre IV. Le Séminaire d’Issy (1881) »

L’institut de Saint-Sulpice a exercé sur moi une telle influence et a si complètement décidé de la direction de ma vie, que je suis obligé d’en esquisser rapidement l’histoire, d’en exposer les principes et l’esprit, pour montrer en quoi cet esprit est resté la loi la plus profonde de tout mon développement intellectuel et moral.

1208. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « III »

Deux pays, la France et l’Allemagne, sont en présence, deux pays unis par un séculaire échange d’idées et d’efforts, un jour séparés par une guerre folle et à jamais détestable : mais la paix a été faite, les anciennes relations, si amicales, ont été retrouvées ; depuis des générations, c’était, entre les deux, une réciprocité de salutaires influences, un constant retour, au-dessus des rives du vieux Rhin, de ces choses intellectuelles et morales dont vivent les peuples ; à grand peine donc, et malgré les fanatismes un instant renouvelés, l’œuvre de mutuelle régénération est reprise ; et voilà que l’un de ces pays enfin a produit l’œuvre qui résume son âme, l’artiste absolu lui est né en qui aboutissent les qualités nationales éminentes, l’homme par excellence dont l’œuvre résume toutes les aspirations d’une race ; à son tour, ce pays offre à l’autre, à travers les frontières, ce magnifique tribut d’idéalité nouvelle : appartient-il à quelqu’un de protester ?

1209. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Lettres de m. l’Abbé Sabatier de Castres ; relatives aux trois siecles de la littérature françoise.ABCD » pp. -641

Nos Descendans s'imagineront qu'il y a eu plusieurs Hommes de ce nom ; &, graces à lui, le Monde Intellectuel aura son Hercule, comme le Monde Fabuleux.

1210. (1856) La critique et les critiques en France au XIXe siècle pp. 1-54

Même doctrine, sauf quelques détails, sur l’essence du beau, sur la nécessité de l’idéal, sur la réduction de toute espèce de beauté à la beauté intellectuelle et morale.

1211. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « H. Forneron » pp. 149-199

Et cependant, cette histoire, individuellement dramatique, pouvait s’ouvrir à plus larges battants, et l’action du premier Guise se produire sur un grand fond qui n’est pas ici, et qui devait être le tableau complet, moral et intellectuel de l’Europe.

1212. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Victor Hugo »

Et un roman, c’est aussi un drame, c’est une œuvre de création et d’imagination poétiques, c’est-à-dire un livre dans les puissances intellectuelles de Victor Hugo.

1213. (1900) Le rire. Essai sur la signification du comique « Chapitre II. Le comique de situation et le comique de mots »

Pour bien lire, il suffit de posséder la partie intellectuelle de l’art du comédien ; mais pour bien jouer, il faut être comédien de toute son âme et dans toute sa personne.

1214. (1926) La poésie de Stéphane Mallarmé. Étude littéraire

A l’éclat de la nature extérieure et lointaine, il dut répondre moins par la tendresse fière de la Maison du Berger, moins par l’ironique désillusion du Voyage, que par la fièvre intellectuelle de l’idéaliste, celle qui s’exalte au quatrième acte d’Axël. […] Que ces gens, ou leur progéniture intellectuelle, ouvrent l’Après-midi d’un Faune, ils ne seront pas mystifiés, parce que Mallarmé prend sur lui l’apparence de la mystification, porte, comme disait Courier, son masque à la main. […] Si nous remontons aux sources, il continue l’état d’esprit qui naquit dans l’humanité lorsqu’il s’agit pour les Grecs d’Alexandrie d’expliquer la mythologie spontanée de leur race comme une enveloppe de vérités idéales, et qu’ensuite Alexandrie, métropole intellectuelle du christianisme, légua à la religion nouvelle comme une clef précieuse qui permît de faire concorder les deux Testaments chacun à chacun, l’ensemble des deux avec la sagesse grecque. […] La durée sociale n’est pas partout et en tout temps identique à elle-même, elle est en fonction d’états religieux, intellectuels, d’inventions comme l’écriture, l’imprimerie, les chronographies. […] A Oxford, à Cambridge, il s’émerveille de voir la vie anglaise, apparemment haletante et pratique, ménager à la méditation indépendante, au recueillement intellectuel, à la culture désintéressée, un privilège : là, des collèges libres et riches recrutent leurs fellows, prébendés pour leurs dons de penser, d’écrire ou de parler, et à qui leur vie durant on ne demande rien que toucher une pension.

1215. (1854) Nouveaux portraits littéraires. Tome I pp. 1-402

Or, parmi les hommes exclusivement voués à l’étude de l’histoire littéraire, il en est peu qui connaissent les trois derniers siècles de notre pays aussi bien que Béranger ; il n’a pas interrogé avec la patience et la curiosité d’un érudit toutes les figures qui ont pris part au mouvement intellectuel de ces trois siècles ; il a négligé volontairement les personnages qui n’ont fait qu’obéir, pour s’occuper des personnages qui ont commandé. […] Sans prétendre, en effet, établir aucune ressemblance littérale entre ces trois illustres modèles et le poète qui, dans ma pensée, s’est formé à leurs leçons, je ne crois pas qu’on puisse nier la parenté intellectuelle qui les unit. […] Le poète qui a écrit la Métempsycose et Mon Âme ne doute pas de l’immortalité intellectuelle, et je peux lui parler de la postérité sans amener sur ses lèvres un sourire de raillerie incrédule. […] Le travail intellectuel échappe à tous les calculs des économistes, et, de toutes les parties du travail intellectuel, le travail poétique est, à coup sûr, celui qui les déjoue le plus constamment.

1216. (1925) Dissociations

Mais Pierre de Maricourt avait eu sans doute un maître lui aussi : la loi de constance intellectuelle exige qu’il n’y ait pas eu de lacune dans la conception philosophique du monde. […] Elles ont estimé un peu trop leurs acquisitions intellectuelles, négligé leurs dons naturels, leur féminité.

1217. (1907) L’évolution créatrice « Chapitre III. De la signification de la vie. L’ordre de la nature et la forme de l’intelligence. »

Le devoir de la philosophie serait donc d’intervenir ici activement, d’examiner le vivant sans arrière-pensée d’utilisation pratique, en se dégageant des formes et des habitudes proprement intellectuelles. […] Mais il y a loin d’une attente et d’une réaction machinales du corps à l’induction proprement dite, qui est une opération intellectuelle.

1218. (1894) La bataille littéraire. Septième série (1893) pp. -307

Préface Mon cher Ami, Je viens de revivre avec vous près de vingt années de notre vie intellectuelle. […] C’est le désir de protester contre ce mal intellectuel qui a poussé M.  […] L’Astre noir est en effet le livre d’un jeune, il est plein de sève et de vie, et cette œuvre d’une haute intelligence est peut-être celle qui résume le mieux l’effort intellectuel de la nouvelle génération ; il y a là de quoi fournir des centaines de pièces à l’école d’Ibsen, des milliers de pensées qui apparaissent lumineuses d’abord et disparaissent subitement dans la nuit, comme les grappes d’étincelles d’un feu d’artifice. […] Les pensées les plus abstraites, comprises par une élite intellectuelle, servent de base et de méthode à tous les travaux scientifiques, littéraires et artistiques contemporains.

1219. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Les Mémoires de Saint-Simon » pp. 423-461

Il se livrait à toutes ses passions intellectuelles et à ses aversions morales sans scrupule, et sauf à se mettre en règle à de certains temps réguliers et à s’en purger la conscience, prêt à recommencer aussitôt après.

1220. (1859) Cours familier de littérature. VIII « XLVIIIe entretien. Littérature latine. Horace (2e partie) » pp. 411-480

alors, Horace est le poète qui vous a été préparé de toute éternité pour ami ; c’est le poète de la bonne humeur, c’est l’ami des heureux, c’est le philosophe des insouciants, c’est le plus charmant causeur de cette société immortelle qui commence à Anacréon, qui passe par l’Arioste en Italie, par Pope en Angleterre, par Boileau, par Saint-Évremond, par Voltaire, par Béranger en France, et qui, supérieure en poésie et en délicatesse exquise à tous ces génies de l’agrément, vous laissera peu de choses dans le cœur, mais des paroles sans nombre de sagesse légère et de volupté intellectuelle dans la mémoire.

1221. (1862) Cours familier de littérature. XIII « LXXVIIe entretien. Phidias, par Louis de Ronchaud (2e partie) » pp. 241-331

L’idée du beau, produit d’une conception tout intellectuelle, n’a rien de commun avec ces rêves bâtis d’une imagination sombre et superstitieuse.

1222. (1863) Cours familier de littérature. XV « LXXXVIIe entretien. Considérations sur un chef-d’œuvre, ou le danger du génie. Les Misérables, par Victor Hugo (5e partie) » pp. 145-224

Ces quatre lois accomplies, tout rentrera de soi-même dans l’ordre, jusqu’à ce que de nouveaux besoins physiques, intellectuels ou moraux, constatés, demandent à la société de nouvelles satisfactions légitimes.

1223. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre III. Les grands artistes classiques — Chapitre III. Molière »

La délicatesse est dans le mécanisme intellectuel et à la surface des manières : le tempérament reste robuste, ardent, grossier, largement, rudement jovial, d’une gaieté sans mièvrerie, où la sensation physique et même animale a encore une forte part.

1224. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre II. L’époque romantique — Chapitre III. La poésie romantique »

Les vers, les périodes, les couplets ne sont pas rares chez eux, où les mots ne représentent plus aucune idée, absolument rien d’intellectuel, mais chez l’un des frémissements de la sensibilité, ou des perceptions de l’œil, chez l’autre seulement des perceptions de l’œil736.

1225. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre I — Chapitre deuxième »

La demoiselle ne voulait qu’un commerce intellectuel ; elle était, dit Froissart, « aussi lie (douce) aux aultres gens qu’elle ert (était) à moi. » Elle se maria.

1226. (1911) La morale de l’ironie « Chapitre II. Le rôle de la morale » pp. 28-80

Admettons que des réflexions sur la supériorité physique, intellectuelle, morale et sociale du père y soient intervenues chez l’enfant, que des illusions aussi s’y soient mêlées2.

1227. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 14 mars 1885. »

Beaumarchais, avec une prescience vraiment extraordinaire, va jusqu’à dire : « Il m’a semblé qu’à l’Opéra, les sujets historiques doivent moins réussir que les sujets imaginaires. » Il ajoute : « Je penserais donc qu’on doit prendre un milieu entre le merveilleux et le genre historique », désignant ainsi la légende comme la source par excellence de l’opéra futur ; et enfin, dans un élan qui dépasse peut-être les limites accoutumées de sa vision intellectuelle : « Ah !

1228. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 mars 1886. »

Les uns consacrent leur temps, leur intelligence, toutes leurs forces au développement intellectuel et moral de leur pays … » Angers-Revue ne dit pas ce que font les autres.

1229. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « Introduction »

L’expression naturelle des passions, la variété des langues et des événements de l’histoire sont autant de faits qui permettent de remonter jusqu’aux causes mentales qui les ont produits : les dérangements morbides de l’organisme qui entraînent des désordres intellectuels ; les anomalies, les monstres dans l’ordre psychologique, sont pour nous comme des expériences préparées par la nature et d’autant plus précieuses qu’ici l’expérimentation est plus rare.

1230. (1914) Boulevard et coulisses

Quand Paul Bourget a écrit cette admirable confession intellectuelle de toute une génération : les Essais de Psychologie contemporaine, il a indiqué par quelle série d’influences, à l’école de quels maîtres s’étaient formés les plus graves esprits de son temps, et il en a ajouté un qui était lui-même.

1231. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre XIV : Récapitulation et conclusion »

Et comme la sélection naturelle agit seulement pour le bien de chaque, individu, tout don physique ou intellectuel tendra à progresser vers la perfection.

1232. (1855) Préface des Chants modernes pp. 1-39

Un grand mouvement intellectuel se fait dans l’humanité ; les nouvelles religions paraissent et se formulent peu à peu ; les vieilles se défendent et argumentent à outrance.

1233. (1919) L’énergie spirituelle. Essais et conférences « Chapitre V. Le souvenir du présent et la fausse reconnaissance »

Échappera-t-on à la difficulté en niant la dualité des images, en invoquant un « sentiment intellectuel » du « déjà vu » qui viendrait parfois se surajouter à notre perception du présent et nous faire croire à un recommencement du passé ?

1234. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE STAEL » pp. 81-164

Malgré son goût pour les types incomparables qui font saillie dans ses romans, elle croyait à l’égalité de la famille humaine ; Mme Necker de Saussure nous apprend que, même à l’égard des facultés intellectuelles, elle estimait que c’était assez peu de chose au fond, une assez petite disproportion originelle, qui constituait la supériorité des talents éminents sur la moyenne des hommes. […] Elle songea donc sérieusement à faire un plein usage de ses facultés, de ses talents, à ne pas s’abattre ; et, puisqu’il était temps et que le soleil s’inclinait à peine, son génie se résolut à marcher fièrement dans les années du milieu : « Relevons-nous enfin, s’écriait-elle en sa préface du livre tant cité, relevons-nous sous le poids de l’existence ; ne donnons pas à nos injustes ennemis et à nos amis ingrats le triomphe d’avoir abattu nos facultés intellectuelles.

1235. (1923) Critique et conférences (Œuvres posthumes II)

j’en ai fini avec les petites (et grosses) infamies qui, de régions prétendues uniquement littéraires, s’insinueraient dans la vie privée pour s’y installer ; et veuillez, lecteur, me permettre de m’étendre un peu, maintenant qu’on a brûlé quelque sucre, sur le pur plaisir intellectuel de vous parler du présent ouvrage qu’on peut ne pas aimer, ni même admirer, mais qui a droit à tout respect en tout consciencieux examen ? […] Pourtant quelles que soient ma sympathie et mon admiration pour le génie de l’un et le si grand talent de l’autre, le poète que je suis, réservant toutes autres préoccupations intellectuelles, veut aujourd’hui s’inquiéter uniquement de pure poésie, seule actualité qu’il lui faille.

1236. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. BALLANCHE. » pp. 1-51

La langue et les traditions latines étant pénétrées maintenant par les esprits, il demandait qu’on se portât vers les langues de l’Orient, et qu’on ouvrît de nouveaux sillons de linguistique et de nouvelles formes intellectuelles.

1237. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Charles Nodier »

Sa vie intellectuelle ainsi, dans sa variété et son recommencement de tous les jours, est le contraire d’une spécialité, d’une voie droite, d’une chaussée régulière.

1238. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre troisième. Les sensations — Chapitre II. Les sensations totales de la vue, de l’odorat, du goût, du toucher et leurs éléments » pp. 189-236

Voyez aussi : De la vibration nerveuse et de l’action réflexe dans les phénomènes intellectuels, par le Dr Onimus. — Plusieurs physiologistes admettent que ce déplacement des molécules nerveuses peut être comparé à une vibration, ou mouvement de va-et-vient.

1239. (1858) Cours familier de littérature. VI « XXXIIe entretien. Vie et œuvres de Pétrarque (2e partie) » pp. 81-155

Vie et œuvres de Pétrarque (2e partie) I L’amour de Laure était si réellement la vie intellectuelle et morale de Pétrarque qu’après la disparition de cette étoile de son âme à l’horizon de la terre le grand poète cessa, pour ainsi dire, de vivre ici-bas pour suivre cette étoile au ciel ; son âme, jusque-là légère, mobile, inquiète, quelquefois errante, sembla se revêtir du deuil éternel de Dante après la mort de Béatrice et s’ensevelir vivante dans le sépulcre et dans l’unique pensée de Laure.

1240. (1859) Cours familier de littérature. VIII « XLIIIe entretien. Vie et œuvres du comte de Maistre (2e partie) » pp. 5-80

VI Après avoir ainsi divinisé la guerre, il divinise la force matérielle, et il l’autorise à martyriser toutes les forces intellectuelles qui osent penser autrement que l’État ne veut qu’on pense.

1241. (1859) Cours familier de littérature. VIII « XLVe entretien. Examen critique de l’Histoire de l’Empire, par M. Thiers (2e partie) » pp. 177-248

Thiers, juste cette fois, et juste parce qu’il est sévère, caractérise vigoureusement cette tendance de la médiocrité jalouse à se créer des idoles plus grandes que nature pour les opposer aux véritables supériorités intellectuelles de leur temps.

1242. (1860) Cours familier de littérature. IX « XLIXe entretien. Les salons littéraires. Souvenirs de madame Récamier » pp. 6-80

La France, fauchée à nu par la Révolution, décimée de grandeur intellectuelle et de liberté par l’Empire, semblait pressée d’éclore sous la Restauration, comme si la nature eût compris que la saison serait courte et qu’il fallait se hâter de fleurir.

1243. (1861) Cours familier de littérature. XI « LXIVe entretien. Cicéron (3e partie) » pp. 257-336

À l’époque de l’invasion de l’Italie par les barbares, les manuscrits qui contenaient la richesse intellectuelle de tant de siècles tombèrent dans le mépris de conquérants qui ne savaient ni parler ni lire ; et, quand le christianisme vint prendre la place des superstitions et des philosophies antiques, les moines qui recueillirent ces manuscrits se servirent de ces pages pour écrire des ouvrages chrétiens.

1244. (1865) Cours familier de littérature. XX « CXVIIe entretien. Littérature américaine. Une page unique d’histoire naturelle, par Audubon (1re partie) » pp. 81-159

Voici comment il analyse cet instinct d’observation solitaire, ce dévouement à une innocente étude, cette abnégation de tous les soins matériels, cette force intellectuelle d’un homme qui, sans maître, fait toute son éducation d’histoire naturelle au fond des bois, et complète seul une branche de la science, branche importante que l’on désespérait de compléter jamais.

1245. (1866) Cours familier de littérature. XXI « CXXIIe entretien. L’Imitation de Jésus-Christ » pp. 97-176

Puis vient la magnifique opposition entre ce que le philosophe appelle la nature et ce que Dieu appelle la grâce, c’est-à-dire le don intellectuel conquis par l’humble, accordé par Dieu.

1246. (1866) Cours familier de littérature. XXI « CXXIIIe entretien. Fior d’Aliza » pp. 177-256

Le prince avait été séduit par la jeunesse, la beauté et les grâces intellectuelles de sa compagne ; il l’avait aimée, mais il n’avait pu conserver son estime, encore moins son amour.

1247. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XVI. La littérature et l’éducation publique. Les académies, les cénacles. » pp. 407-442

Au xixe  siècle, l’École normale supérieure et l’École des Chartes n’ont certes pas imprimé à ceux qui ont traversé l’une ou l’autre la même direction intellectuelle.

1248. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 juillet 1885. »

Eh bien, tout le monde sait qu’après un long développement purement intellectuel, pendant lequel l’homme a travaillé sans relâche à se construire un monde artificiel, il a fini par en sentir la sécheresse et la fausseté.

1249. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1860 » pp. 303-358

* * * — Si, dans notre vie, il n’y a eu, jusques à présent, ni chance, ni hasard heureux, nous avons du moins cette grande chose, une chose peut-être unique depuis que le monde existe, cette société intellectuelle de toutes les heures, cette mise en commun de nos orgueils, enfin cette communion des cœurs, à laquelle nous sommes habitués comme à la respiration : un bonheur rare et précieux.

1250. (1898) Manuel de l’histoire de la littérature française « Livre premier. Le Moyen Âge (842-1498) » pp. 1-39

Les fabliaux attestent l’émancipation intellectuelle du vilain.

1251. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « III. M. Michelet » pp. 47-96

Bien des hommes qui portent dans les sources de leur vie morale et intellectuelle le venin du xviiie  siècle n’oseraient ainsi le dégorger dans une œuvre retentissante et faite pour la publicité.

1252. (1890) Impressions de théâtre. Quatrième série

Quelquefois sa parole s’émeut et s’échauffe, mais c’est encore, si je puis dire, d’une chaleur tout intellectuelle Ce qui communique alors à son discours une vibration particulière, c’est le plaisir que donne à l’orateur quelque vérité fortement saisie et démontrée qu’il se sait gré d’avoir découverte et de nous rendre subitement évidente. […] Ce marmiteux n’aurait jamais amené Orgon à lui offrir la main de sa fille (car ce n’est pas un effet très ordinaire de la dévotion que de détourner les bourgeois opulents du souci de marier richement leurs enfants) ; et jamais il n’aurait exercé sur Orgon et sur Mme Pernelle une séduction qui implique chez le séducteur quelque grâce, quelque autorité, une supériorité intellectuelle. […] Tout cela est à merveille… Seulement… (toujours comme dirait Bassecourt), il ne prononce pas une seule phrase qui n’exprime la conviction où il est de l’imbécillité de Péponet, de sa propre supériorité intellectuelle et morale, et la joie immense que lui cause cette triple conviction. […] Il est dans sa supériorité intellectuelle et morale. […] A un certain degré de culture intellectuelle, l’admirable nouvelle de Barbey d’Aurevilly : le Bonheur dans le crime, a mille chances de plus d’être vraie que le roman de Dostoïewsky… Et puis, excusez-moi, je ne suis pas Slave pour un sou.

1253. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Madame de Verdelin  »

Il l’a médité longtemps dès sa tendre jeunesse, il doit le placer au premier rang de ses pères intellectuels ; il le reproduit par quelques traits intimes de ressemblance, par un spiritualisme, un déisme ardent et sincère, par la passion de la nature et de la campagne, par l’enthousiasme et l’ivresse du cœur dans les courses pédestres solitaires.

1254. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Delille »

Jamais l’idée ne serait venue à André Chénier d’intituler le premier chant d’un poème de l’Imagination : L’homme sous le rapport intellectuel.

1255. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Deuxième partie. — L’école critique » pp. 187-250

Elle sent vaguement que les choses les plus disparates, les plus contraires même peuvent être comprises dans le vaste sein de la beauté, comme de la vérité, et c’est pourquoi les contradictions, ce stigmate de l’erreur, un l’importunent pas à l’excès ; on ne la voit point faire effort pour s’en débarrasser à tout prix, comme doit faire toute personne sérieuse, qui a quelque souci de sa propre dignité intellectuelle.

1256. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre deuxième. Les images — Chapitre premier. Nature et réducteurs de l’image » pp. 75-128

VI On peut, d’après ces exemples, se former une idée de notre machine intellectuelle.

1257. (1859) Cours familier de littérature. VII « XLIIe entretien. Vie et œuvres du comte de Maistre » pp. 393-472

L’auteur de ces oracles meurt sans avoir atteint la grande célébrité européenne ; un silence de quelques années se fait sur sa tombe ; mais tout à coup un des deux partis d’idées en lutte dans le monde intellectuel, religieux, politique, éprouve le besoin de confondre, d’éblouir, de foudroyer le parti contraire par l’éclat d’un génie solidaire qui lui prête un style, des armes, des idées et de l’audace contre ses adversaires.

1258. (1861) Cours familier de littérature. XI « LXIIe entretien. Cicéron » pp. 81-159

Sa vocation aux choses intellectuelles fut si prompte, si merveilleuse et si unanimement reconnue autour de lui dans les écoles d’Arpinum, qu’il goûta la gloire, dont il devait épuiser l’ivresse, presque en goûtant la vie.

1259. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXXe entretien. Œuvres diverses de M. de Marcellus (3e partie) et Adolphe Dumas » pp. 65-144

Médite la parole divine, ne la perds jamais de vue ; dirige vers elle toute la force intellectuelle de l’âme.

1260. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CVe entretien. Aristote. Traduction complète par M. Barthélemy Saint-Hilaire (3e partie) » pp. 193-271

On n’y regrette que deux choses : la première, c’est qu’elle ait été tronquée par le temps ; la seconde, c’est qu’un écrivain aussi consommé n’ait pas suffisamment insisté dans sa description des animaux sur la partie intellectuelle de leurs mœurs.

1261. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre troisième »

C’est plus qu’un homme de génie qui trouve sa voie, et un grand écrivain qui crée sa langue : c’est la France elle-même, qui, après avoir montré dans Descartes tout ce qu’elle a de puissance intellectuelle, dans Pascal tout ce qu’elle a d’âme, dans Bossuet toutes ses grandes qualités à la fois dans leur force native et leur culture la plus achevée, apparaît dans Montesquieu découvrant les vérités premières et créant la langue de la science sociale.

1262. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre septième »

Le mot est trop sévère pour tout ce qu’expriment d’aimable, de tendre, de charmant, ces pages où Vauvenargues semble moins un critique appréciant Racine, qu’une belle âme parlant de la plus douce de ses amitiés intellectuelles.

1263. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « VIII »

Pour atteindre ce but, nous devons rechercher le moment de la vie de Wagner où a été conçu Parsifal, et quel est le milieu intellectuel où cette conception s’est développée.

1264. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1857 » pp. 163-222

Pour lui donner toutes les joies intellectuelles à sa portée, et nous nourrir avec elle de choses en situation, nous allons louer, au cabinet de lecture de l’endroit, le premier roman venu de Paul de Kock : L’Homme aux trois culottes.

1265. (1891) Journal des Goncourt. Tome V (1872-1877) « Année 1874 » pp. 106-168

Mardi 8 décembre Dans ce moment, c’est pour moi un intérêt de voir se métamorphoser en livre, ma laide et incorrecte écriture, d’assister à la jolie et proprette matérialisation d’une chose intellectuelle.

1266. (1894) Journal des Goncourt. Tome VII (1885-1888) « Année 1887 » pp. 165-228

Samedi 7 mai Me voici au bout de mon existence intellectuelle.

1267. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Le Comte Léon Tolstoï »

Il fallait donc que Tolstoï admît qu’il n’en est point ainsi et recourût à la réponse traditionnelle des religions ; mais cet espoir n’eût en rien atténué ses souffrances d’observateur essentiellement réaliste : ou que, par une haute opération intellectuelle, il accolât à l’idée générale de l’existence du mal, l’idée de sa nécessité, de son utilité, de sa diminution graduelle par l’effet de lentes causes auxquelles lui-même coopère, et qu’il se sentît participant à celle futurition d’un bien universel, par la notion de sa permanence dans le tout ; mais le cerveau de Tolstoï était incapable de ces spéculations, et ni ses observations en se fondant en types, ni sa faculté verbale en substituant à chaque chose individuelle sa désignation générique, ne l’ont conduit aux généralisations et aux idées.

1268. (1864) William Shakespeare « Première partie — Livre II. Les génies »

Dans l’ordre des faits intellectuels, le génie germanique a d’autres frontières que l’Allemagne.

1269. (1857) Cours familier de littérature. IV « XXe entretien. Dante. Deuxième partie » pp. 81-160

» Ainsi finit, par une grotesque ascension plus digne de Gulliver que de Virgile, le poème de l’Enfer du Dante ; poème dont les conceptions sont au-dessous des Mille et une Nuits arabes, mais dont le style (aux cynismes près) est la plus robuste nudité de poésie qui ait jamais manifesté la force des muscles intellectuels sur les membres d’un Hercule de la pensée !

1270. (1889) Essai sur les données immédiates de la conscience « Chapitre II. De la multiplicité des états de conscience. L’idée de durée »

L’imagination du rêveur, isolée du monde externe, reproduit sur de simples images et parodie à sa manière le travail qui se poursuit sans cesse, sur des idées, dans les régions plus profondes de la vie intellectuelle.

1271. (1896) Matière et mémoire. Essai sur la relation du corps à l’esprit « Chapitre IV. De la délimitation, et de la fixation des images. Perception et matière. Âme et corps. »

Il ne saurait ni engendrer ni occasionner un état intellectuel.

1272. (1856) Le réalisme : discussions esthétiques pp. 3-105

Ce sont deux modes de notre éducation, à la fois sensible et intellectuelle, qui se touchent dans la conscience, ne différant entre elles que par l’organe ou la faculté qui leur sert de véhicule. […] Sans doute, l’art ne va point chercher dans la philosophie ses instincts et ses doctrines ; nous voulons seulement constater que la formation des idées tient à l’histoire intellectuelle du genre humain, à son développement ; qu’une idée-mère a sa génération presque fatale, et qu’elle se produit de haut en bas de l’échelle des concepts, avec des différences sans doute, mais jamais sans le signe analogique de son origine.

1273. (1925) Proses datées

Cette dernière remarque est curieuse et précise très nettement les affiliations intellectuelles de Lamartine. […] Et il ajoute : « Cependant, goût très vif de la vie et du plaisir. » Il semble assez probable que, chez Baudelaire, ce sentiment précoce de solitude devait s’accompagner de vives curiosités intellectuelles. […] J’emploie à dessein cette expression, quoique Poe et Baudelaire ne se soient jamais connus ; mais j’ai souvent imaginé quelles eussent été la surprise et la sympathie de ces deux hommes, également originaux et singuliers, si la destinée les avait mis face à face et qu’ils eussent pu constater l’étrange parenté intellectuelle qui les unissait, car si leurs visages humains ne se contemplèrent jamais, leurs âmes se correspondaient mystérieusement.

1274. (1889) Impressions de théâtre. Troisième série

C’est une joie, et c’est aussi un attendrissement, de se sentir encore, à travers vingt-trois siècles écoulés, en communion avec les plus chers et les plus respectés de nos ancêtres intellectuels. […] L’auteur y a mêlé des réflexions judicieuses, où l’agrément ne manque pas, mais qui communiquent surtout au lecteur un sentiment de sécurité intellectuelle. […] On peut parfaitement vivre de toute la vie intellectuelle dont un homme est capable de nos jours, sans avoir jamais vu jouer un drame de Victor Hugo ni une comédie d’Émile Augier. […] Ce sentiment, bizarre à première vue, très explicable au fond, consiste à trouver un délicieux plaisir intellectuel dans la constatation de ce que la réalité a de plus lamentable. […] On dirait que le peuple, dans les moments où il ne souffre pas trop de sa dure condition, sent confusément son ignorance, sa faiblesse, sa pauvreté intellectuelle, l’étroitesse de son horizon, et combien, tout seul, il ferait peu d’honneur à la planète Terre, et que ce qui fait la gloire et la beauté de la vie, l’art, la poésie, la philosophie, la science, ce qui est la vraie raison d’être de l’humanité, tout cela s’élabore au-dessus de lui, dans les « classes » qui le dirigent et jusqu’aux qu’elles il peut d’ailleurs s’élever par ses enfants.

1275. (1874) Histoire du romantisme pp. -399

Avertissement On trouvera dans le présent livre cette phrase : « L’homme fait des projets, sans compter sur la mort, et nul n’est sûr d’achever la ligne commencée. » Théophile Gautier avait dans ses derniers jours formé bien des projets qu’il n’a pas eu le temps de réaliser, et, dans toute la plénitude de sa puissance intellectuelle, la plume lui glissa des doigts. […] Un chagrin inconnu plus ou moins mal dévoré, cette immense fatigue qui suit parfois chez les jeunes poètes un trop violent effort intellectuel, le désaccord du réel et de l’idéal, une de ces causes ou toutes ces causes ensemble, peut-être aussi le regret ou le scrupule de certaines audaces, avaient-ils recouvert de leurs cendres grises le poète de Feu et Flamme. […] Ce bayeur aux corneilles, ce chasseur de papillons, ce souffleur de bulles, ce faiseur de ronds dans l’eau menait au contraire l’existence intellectuelle la plus active.

1276. (1892) Essais sur la littérature contemporaine

Mais s’ils aiment mieux qu’on leur cite un Français, Auguste Comte n’a pas moins bien montré, dans sa Philosophie positive, que « dans tous les genres quelconques de composition intellectuelle, soit scientifique, soit littéraire, soit artistique », de même qu’en histoire naturelle, « une classification méthodique était non seulement l’indispensable résumé du système actuel de nos connaissances, mais encore le principal instrument logique de leur perfectionnement ultérieur ». […] Je le crains, si je les entends… « Que chaque écrivain, nous dit l’un d’eux, — et non pas l’un des moindres, — écrive selon son tempérament, sans se soucier dans quel genre il écrit ou il doit écrire » ; et un autre ajoute : « Les systèmes sont d’enfantines manières de se donner l’illusion d’une liberté intellectuelle que nul ne peut avoir. » On ne saurait dire plus nettement que la volonté ne peut rien dans l’art, ce que dément toute la suite de l’histoire de l’art, et ce qui est d’ailleurs la négation de l’art même. […] Maurice Spronck s’est donc proposé de chercher l’expression de notre « vie intellectuelle contemporaine, et surtout sensorielle et sentimentale, à son degré suprême d’intensité ». […] Spronck, lui, n’admet plus à l’honneur de témoigner de la vie « intellectuelle, sentimentale et sensorielle » de leur temps, que les artistes littéraires : Gautier, Baudelaire, MM. de Goncourt, M.  […] Mais, en attendant, et de même qu’après s’être endormi, par exemple, à Bruxelles, si l’on se réveille à Francfort ou à Milan, à peine croit-on avoir changé de ville, tant les rues, tant les magasins, tant les passants se ressemblent, de même, en passant du français à l’allemand ou à l’anglais, on ne change vraiment pas assez d’atmosphère intellectuelle, et on s’imagine être toujours chez soi.

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