La causticité de Bussy se retrouverait dans ce dernier trait, si on la voulait chercher ; mais il faut reconnaître qu’ici elle semble bien d’accord avec la vraie observation humaine. […] Mais le prince de Conti n’était qu’un généralissime manqué : les vrais généraux et les hommes d’État ne purent jamais passer à Bussy ce tour d’esprit si contraire à l’ordre et au commandement, et qui déjouait le respect dans les choses sérieuses. […] On sent ici du moins une plainte vraie, un soupir, quelque chose d’humain. […] Il est vrai qu’il me répondit si froidement, que je ne doutai pas de quelque nouvelle disgrâce. […] C’est un vrai conquérant, il n’est plus reconnaissable ; Fabius est devenu Alexandre. » 37.
Il est vrai que là où la division du travail commence, nous ne voyons pas l’égalitarisme apparaître ; au contraire. […] Si une société ne peut être compliquée sans avoir été préalablement différenciée, la réciproque n’est pas vraie : elle peut rester différenciée sans devenir compliquée. […] Toutefois, sans parler encore de tout ce qui peut limiter ces exigences propres, est-il vrai que ces influences soient, partout et toujours, aussi « isolantes » qu’on le prétend ? […] En ce cas, est-il vrai que la multiplicité des groupes dont un homme fait partie tend à l’égaliser aux autres hommes ? […] Il est vrai que, dans certains cas, l’oubli n’est pas complet.
S’il est vrai, ce que vous croyez, que j’aie montré le chemin à beaucoup de gens, comme j’avoue qu’ils y ont fait plus de progrès que moi, ils ne peuvent pas nier que je ne leur aie ouvert le passage en leur montrant le chemin. […] Il est vrai que, dans toutes ces lettres ou billets produits après la mort d’un des correspondants, Costar peut être soupçonné d’avoir ajouté quelque chose du sien. […] Il est vrai qu’il continuait en relevant quelques fautes et des imperfections dans ce recueil de lettres ramassées de toutes parts et sans assez de choix. […] Il est vrai, monsieur, et je n’attendrai point la question pour le confesser : ces violentes figures, qui dans vos ouvrages ravissent les esprits, les transportent, les entraînent, les saisissent d’admiration et d’étonnement, ne se remarquent point dans les siens. […] Boileau, qui de bonne heure en fut investi, devait rendre au procès son vrai caractère et y apporter la vraie conclusion : il mit les parties dos à dos, et prononça l’arrêt sans appel par un tour, et un procédé bien simple, en contrefaisant la manière de l’un et de l’autre écrivain dans deux lettres charmantes.
Il y avait bien, il est vrai, la ressource de la moquerie et du grotesque ; déjà Villon et Regnier avaient fait jaillir une abondante poésie de ces mœurs bourgeoises, de cette vie de cité et de basoche ; mais Boileau avait une retenue dans sa moquerie, une sobriété dans son sourire, qui lui interdisait les débauches d’esprit de ses devanciers. […] pendant ce long séjour aux champs, en proie aux infirmités du corps qui, laissant l’âme entière, la disposent à la tristesse et à la rêverie, pas un mot de conversation, pas une ligne de correspondance, pas un vers qui trahisse chez Boileau une émotion tendre, un sentiment naïf et vrai de la nature et de la campagne3. […] Boileau, selon nous, est un esprit sensé et fin, poli et mordant, peu fécond ; d’une agréable brusquerie ; religieux observateur du vrai goût ; bon écrivain en vers ; d’une correction savante, d’un enjouement ingénieux ; l’oracle de la cour et des lettrés d’alors ; tel qu’il fallait pour plaire à la fois à Patru et à M. de Bussy, à M. […] On a appelé Boileau le janséniste de notre poésie ; janséniste est un peu fort, gallican serait plus vrai. […] Il y a même de l’élégance vraie et du gallicisme dans l’incomplet de certaines métaphores.
On aimait jadis à peindre la grâce de certains défauts, la niaiserie des qualités estimables ; mais ce qui est désirable aujourd’hui, c’est de consacrer l’esprit à tout rétablir dans le sens vrai de la nature, à montrer réunis ensemble le vice et la stupidité, le génie et la vertu. […] Ce qui serait sensible et vrai dans la langue usuelle, peut être ridicule en vers. […] Le véritable objet du style poétique doit être d’exciter, par des images tout à la fois nouvelles et vraies, l’intérêt des hommes pour les idées et les sentiments qu’ils éprouvaient à leur insu ; la poésie doit suivre, comme tout ce qui tient à la pensée, la marche philosophique du siècle. […] L’imagination, dans notre siècle, ne peut s’aider d’aucune illusion : elle peut exalter les sentiments vrais ; mais il faut toujours que la raison approuve et comprenne ce que l’enthousiasme fait aimer66. […] Il faut être hardi dans la conception, mais prudent dans l’exécution, et suivre à cet égard en littérature un principe qui serait également vrai en politique : plus l’ensemble du projet est hasardé, plus les précautions de détail doivent être soignées, presque timidement.
Qu’on veuille être tranquille d’ailleurs : je n’ajouterai pas un mot à ce que je crois vrai sur ce penseur supérieur et respectable. […] de société politique, et une, une seule constitution de société religieuse, la réunion et l’accord de l’une et de l’autre composant la vraie société civile. […] C’est sur cette doctrine, chez lui fondamentale, et qui est le résultat du raisonnement comme la donnée de la foi, qu’il va discourir jusqu’au dernier jour, dire, redire sans cesse et répéter (car s’il est l’homme qui varie le moins, il est celui qui se répète le plus), et enchaîner toutes sortes de pensées élevées, fines ou fortes, souvent malsonnantes et tout à fait fausses, mais le plus souvent vraies encore d’une vérité historique relative au passé. […] Il a, même dans les choses vraies qu’il énonce, de ces expressions et de ces manières de dire qui sont le contraire de l’insinuant. […] J’aime à noter les mots vrais, et que d’ordinaire on n’écrit pas.
L’idée de justice, indépendante en elle-même, y est exposée d’après les vrais principes de l’institution sociale. […] » C’est exactement de la même manière que, dans L’Esprit des lois, montrant un utopiste anglais qui a sous les yeux l’image de la vraie liberté, et qui va en imaginer une autre dans son livre, il dira « qu’il a bâti Chalcédoine, ayant le rivage de Byzance devant les yeux ». […] Avant d’y arriver, voyageant sur le continent avec un Anglais, lord Waldegrave, il disait déjà « qu’il n’y avait gens de vrai bon sens que ceux qui étaient nés en Angleterre ». […] Il remarque que, de son temps, les ambassadeurs ou ministres étrangers ne connaissaient pas plus l’Angleterre qu’un enfant de six mois ; la liberté de la presse les abusait : « Comme on voit le diable dans les papiers périodiques, on croit que le peuple va se révolter demain ; mais il faut seulement se mettre dans l’esprit qu’en Angleterre comme ailleurs le peuple est mécontent des ministres, et que le peuple y écrit ce que l’on pense ailleurs. » Montesquieu apprécie cette liberté dont chacun veut là-bas et sait jouir : « Un couvreur se faisait apporter la gazette sur les toits pour la lire. » Il ne se fait point d’ailleurs d’illusion en beau sur l’état du pays et des institutions ; il juge au vrai la corruption des mœurs politiques, la vénalité des consciences et des votes, le côté positif et calculateur, cette peur d’être dupe, qui mène à la dureté. […] Et n’est-ce pas lui qui, dans le secret du cabinet, a dit : « Les histoires sont des faits faux composés sur des faits vrais, ou bien à l’occasion des vrais. » Et n’est-ce pas lui qui a dit encore : « On trouve dans les histoires les hommes peints en beau, et on ne les trouve pas tels qu’on les voit. » Qu’est-ce donc quand on ne s’attache qu’au génie de l’histoire ?
Mais il est vrai que Ciceron n’est pas un auteur facile à manier, & c’est beaucoup d’en approcher. […] Il est vrai qu’on se propose seulement d’instruire ; mais le genre didactique a ses graces particuliéres, j’en appelle à l’Art de penser. […] On y donne de grands éloges à des saillies de bel esprit, plûtôt qu’aux vraies productions de génie. […] Selon l’auteur Jésuite, cette éloquence, la seule qu’il admette pour vraie, tire peu de secours des regles ordinaires, parce que, dit il, elles ne peuvent être que générales & vagues. […] Et si l’éloquence des Philippiques de l’Orateur grec & de l’Orateur romain est une fausse éloquence, il n’y en eut jamais de vraie.
C’est le privilège de la vraie grandeur de se dessiner davantage à mesure qu’on s’éloigne, et de commander à distance. […] Son enfance et son adolescence sont ainsi régulières, pures, et toutes dirigées dans l’avenue du temple : On ne voit pas trace d’un défaut dans son enfance ou d’une légèreté dans sa jeunesse, a dit M. de Lamartine ; il semblait échapper sans lutte aux fragilités de la nature, et n’avoir d’autre passion que le beau et le bien (et le vrai). […] Le premier point du discours où l’orateur glorifie la bonté de Jésus, toute conforme à sa vraie nature, est marqué par des bonds et des élans, des termes vifs et impétueux, des mots significatifs qui enfoncent la pensée ; un peu d’archaïsme s’y mêle dans l’expression : Et à ce propos (de la miséricorde), il me souvient, dit l’orateur, d’un petit mot de saint Pierre par lequel il dépeint fort bien le Sauveur à Corneille : Jésus de Nazareth, dit-il, homme approuvé de Dieu, qui passait bien faisant et guérissant tous les oppressés : Pertransiit benefaciendo… Ô Dieu ! […] Il montre ce Sauveur qui cherche avant tout la misère et la compassion, évitant de prendre la nature angélique qui l’en eût dispensé, sautant par-dessus en quelque sorte, et s’attachant à poursuivre, à appréhender la misérable nature humaine, précisément parce qu’elle est misérable, s’y attachant et courant après quoiqu’elle s’enfuît de lui, quoiqu’elle répugnât à être revêtue par lui ; voulant pour lui-même une vraie chair, un vrai sang humain, avec les qualités et les faiblesses du nôtre, et cela par quelle raison ? […] Il aura des termes encore plus effrayants quand il voudra signifier la sentence finale, la dispersion par le monde de la nation juive, et nous en étaler les membres écartelés : « Cette comparaison vous fait horreur », ajoute-t-il aussitôt, il est vrai ; et cependant il la pousse à bout et ne craint pas de s’y heurter.
Je ne connais que Virgile ; — et un peu Homère. » Il est vrai qu’il écrivait cela avant d’être chargé de l’éducation du dauphin ; dans le cours de cette éducation il eut des loisirs, et il put se remettre à cette lecture, moins faite pourtant que celle d’un David pour son génie. […] Nommons vite André Chénier, pour nous rattacher avec lui au sol sacré et au vrai rivage. […] Charles IX, qui jouerait ici le rôle d’Auguste, n’est qu’un enfant maladif et gouverné ; il aime les vers, il est vrai, et il en commande volontiers à son poète ; mais une Saint-Barthélemy jetée à la traverse fait un terrible contre-temps. […] Il n’a pas, à la vérité, les traits aigus de Lucain et de Stace, mais il a quelque chose que j’estime plus, qui est une certaine égalité nette et majestueuse qui fait le vrai corps des ouvrages poétiques, ces autres petits ornements étant plus du sophiste et du déclamateur que d’un esprit véritablement inspiré par les muses. […] Ce n’est qu’un maçon de poésie, et il n’en fut jamais architecte, n’en ayant jamais connu les vrais principes ni les solides fondements sur lesquels on bâtit en sûreté.
Il y fut élevé, et, si Pollion a dit vrai, il garda toujours quelque chose de sa province, même dans son élégante élocution. […] Son histoire, il est vrai, ne nous exprime pas seulement son talent, elle nous déclare son âme. […] On a ensuite, il est vrai, l’admirable seconde guerre punique, les guerres de Macédoine et la première guerre d’Asie ; mais tout ce qui suit et ce qui eût été d’un si haut intérêt, manque, les luttes de Marius et de Sylla, la rivalité de Pompée et de César, la vraie histoire politique réelle, ces époques récentes que Tite-Live savait dans leur esprit et dans leur détail par les mémoires du temps, par les récits d’une tradition prochaine, par cette transmission animée et vivante qui est comme un souffle fécondant. […] Les chapitres sur Machiavel, sur Montesquieu, sont très beaux, très vrais. […] Si l’on ôte quelques passages où la simplicité est affectée et la sagacité raffinée, on croit entendre un des anciens jurisconsultes ; Montesquieu a leur calme solennel et leur brièveté grandiose ; et du même ton dont ils donnaient des lois aux peuples, il donne des lois aux événements… Suivant moi, pour que le livre sur Tite-Live fût entièrement vrai (car il l’est sur presque tous les points, et pleine justice est rendue d’ailleurs à l’historien), il eût suffi de laisser au sens du génie oratoire, du génie de l’éloquence déclaré dominant chez lui, la valeur d’un aperçu littéraire, sans lui attribuer la valeur d’une formule scientifique ; il eût suffi enfin de ne pas inscrire à la première ligne de cette étude, de n’y pas faire peser le nom et la méthode de Spinosa, de ne pas rapprocher des termes aussi étonnés d’être ensemble que Spinosa et Tite-Live.
Sandeau, après avoir parlé librement et médit d’un chacun, est présenté comme s’arrêtant devant un seul nom, celui de Gustave Planche ; il coupe court, sur ce que celui-ci est, dit-il, son ami particulier ; ce qui était vrai en effet. […] Mais c’est là un abominable procédé de maître de maison ; c’est une vraie traîtrise. […] M. de Pontmartin nous a assez étalé son état de fortune pour que nous sachions qu’il ne pouvait faillir par les mêmes raisons que le pauvre Mürger, s’il est vrai pourtant que l’aimable Mürger ait eu les torts qu’il lui reproche. […] Il faut que ses admirateurs, qui remplissent les Revues de province et qui, hier encore, injuriaient en son nom l’univers, que ses coryphées qui se faisaient écho de Quimper à Suze-la-Rousse, d’un bout de la France à l’autre, renoncent à dire : « Lisez les volumes de M. de Pontmartin, et sous l’influence de cette lecture vous sentirez grandir en vous l’amour du beau, du vrai et du bien ! […] Mais enfin M. de Pontmartin est meilleur juge de sa situation que nous ; il en dit trop pour qu’il n’y ait pas du vrai dans ses doléances, et il se présente dans tout son livre comme si mécontent, si battu de l’oiseau, si en guerre non seulement avec nous autres gens de lettres, mais avec les personnes de sa famille, avec les nobles cousines qui ont hérité d’un oncle riche à son détriment, avec les amis politiques qui lui ont refusé un billet d’Académie pour une séance publique très-recherchée, avec ses paysans mêmes et les gens de sa commune qui ont traversé indûment son parc et à qui il reproche jusqu’aux fêtes et galas qu’il leur a donnés, qu’il est impossible de ne pas voir dans tout cela une disposition morale existante et bien réelle, celle de l’homme vexé, dépité.
On sait que cette belle langue, si florissante au xiie siècle et qui balançait pour le moins celle du Nord, avait été vaincue, compromise dans le désastre même qui suivit la croisade contre les Albigeois, et que, privée désormais de ses principaux centres et foyers où elle était cultivée avec pureté et avec élégance, elle était bientôt retombée à l’état de patois ; c’est en parlant d’elle qu’il m’est arrivé de dire que le patois est « une langue qui a eu des malheurs. » Mais ce patois de la langue provençale ainsi réduite était encore le plus riche de tous, le plus pittoresque et le plus sonore ; il n’avait cessé, même dans sa décadence, de permettre à de vrais poëtes de se produire : Goudouli est le plus célèbre ; mais combien d’autres dignes de plus de renom et d’un auditoire plus étendu ! […] Il y a une trentaine d’années, un poëte naturel, sorti des rangs du peuple, Jasmin, est venu remettre à la mode, étendre et comme renouveler cette flore du Midi, restée longtemps si morcelée et si locale : homme d’esprit et de sensibilité, artiste habile, acteur et poëte, vrai talent, il avait su, par ses heureuses combinaisons et par ses récitations chaleureuses, remettre en honneur le vieux patois, nécessairement altéré, et faire accroire un moment à toutes les populations du Midi qu’elles s’entendaient entre elles, puisqu’elles l’entendaient, lui, et qu’elles l’applaudissaient. […] Buchon pour la Franche-Comté, cette circonstance de changer de patois, d’un pays et d’un clocher à l’autre, était vraie dans un temps pour toute la France. […] Luzel nous définit à son tour son pays de Bretagne, « le pays par nous tous tant aimé, mer tout autour, bois au milieu. » Quoiqu’il soit vrai de remarquer que Brizeux n’a si bien réussi à faire accepter et aimer sa Bretagne que parce qu’il a donné ses idylles ou poëmes en français ; quoique les hommes qui ont fait ou qui font le plus d’honneur au nom breton soient encore des transfuges de cette patrie ou de cette langue primitive, Chateaubriand, Lamennais, Renan, je tiens compte à M. […] Boulay-Paty était un vrai poëte, c’est-à-dire qu’il était cela et pas autre chose ; il avait le feu sacré, la religion des maîtres, le culte de la forme ; il a fait de charmants sonnets61, dont je comparais quelques-uns à des salières ciselées, d’un art précieux ; mais les salières n’étaient pas toujours remplies : il avait plus de sentiment que d’idées.
Il y a dans ces premiers choix du talent un instinct qui rarement égare ; le vrai poëte a bientôt démêlé ce qu’il aime, comme Achille saisissait un glaive parmi les parures de femme. […] Le Départ, il est vrai, me paraît dicté par un sentiment naturel et gracieux. […] Il s’en débarrasse naturellement, dès qu’un sentiment vrai et propice à son talent revient le saisir : témoin la fin de la Messénienne sur le général Foy. […] Cela est vrai du genre. […] L’auteur de Bertrand et Raton, lequel, il est vrai, n’y regardait pas tout à fait de si près, et qui n’a accepté, en matière de difficultés, que l’indispensable, a réussi à faire rire.