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555. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre IX, les mythes de Prométhée »

Il fut un jour de la période quaternaire, où un homme agita, devant sa tribu stupéfaite, un tison qu’il avait allumé lui-même, et qu’il pouvait rallumer à sa volonté. […] Zeus laissa faire et ferma les yeux, — « Ce ne fut pas contre sa volonté », — dit Hésiode — « que le fils robuste d’Alcmène aux beaux pieds délivra le fils de Japet, mais afin que la gloire d’Hercule, né dans Thèbes, fût encore plus grande sur la terre nourricière.

556. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Le duc de Lauzun. » pp. 287-308

C’est qu’à moins d’être un homme du premier ordre, un homme qui en réunit et en assemble plusieurs en lui, on ne saurait, eût-on trente ans et même cinquante, s’affranchir jamais du cachet qu’une pareille vie première imprime à l’âme, à la volonté, à toute l’existence. […] Quelle qu’ait été la part de volonté et de caractère que Lauzun avait primitivement reçue de la nature, l’usage qu’il en avait fait dans sa première vie avait certes contribué à la diminuer en lui et à l’énerver.

557. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Le cardinal de Richelieu. Ses Lettres, instructions et papiers d’État. Publiés dans la Collection des documents historiques, par M. Avenel. — Premier volume, 1853. — I. » pp. 224-245

Parlant de la manière infructueuse et vaine dont se terminèrent les États généraux de 1614, il ajoute : Toute cette Assemblée n’eut d’autre effet sinon que de surcharger les provinces de la taxe qu’il fallut payer à leurs députés, et de faire voir à tout le monde que ce n’est pas assez de connaître les maux, si on n’a la volonté d’y remédier, laquelle Dieu donne quand il lui plaît faire prospérer le royaume et que la trop grande corruption des siècles n’y apporte pas d’empêchement. […] Cette mission lui convenait fort ; mais les propositions de la reine qui lui vinrent par le maréchal d’Ancre l’emportèrent : « Outre qu’il ne m’était pas honnêtement permis, dit-il, de délibérer en cette occasion, où la volonté d’une puissance supérieure me paraissait absolue, j’avoue qu’il y a peu de jeunes gens qui puissent refuser l’éclat d’une charge qui promet faveur et emploi tout ensemble. » En entrant au Conseil, il y devient du premier jour le personnage important ; il a, comme nous dirions, le portefeuille de la Guerre et celui des Affaires étrangères, de plus, la préséance sur ses collègues comme évêque ; et tout cela à trente et un ans.

558. (1886) Quelques écrivains français. Flaubert, Zola, Hugo, Goncourt, Huysmans, etc. « Émile Zola » pp. 70-104

Doué d’un tempérament combatif que marquent ses polémiques, ayant opiniâtrement lutté contre la misère, contre l’insuccès, contre le mépris et l’inintelligence publics, possédant la tête massive et les épaules carrées des entêtés, sa volonté tenace, son amour-propre lui ont donné l’instinct et l’adoration de la force. […] Il a encore ce que personne n’a eu avant lui, le don d’animer ainsi, d’une vie puissante, les êtres moyens, ordinaires, sans traits exceptionnels, et sans autres qualités qu’une grande bonté et une forte volonté.

559. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Henri Heine »

Il est de la race du grand poète, impie au stoïcisme, qui disait : « Je les attends, les plus enragés stoïques, à leur première chute de cheval. » Ce n’est qu’un épicurien, sentant trop la douleur pour la nier, — mais un épicurien de la Pensée, un voluptueux de l’Idéal et de la Forme, ayant la sensibilité nerveuse de la femme et l’imagination des poètes qui s’ajoute à cette sensibilité terrible… Et, dans les livres où il parle de ses souffrances avec une expression tout à la fois délicieuse et cruelle, il ne songe pas une minute à se poser comme un résistant de force morale et de volonté héroïque… En ces livres, parfumés de douleur, il n’est que ce qu’il a été toute sa vie, dans ses livres de bonheur et de jeunesse, — c’est-à-dire bien moins une créature morale qu’une charmante créature intellectuelle, intellectuelle jusqu’au dernier soupir. […] Mais, né malingre, il prétendit toujours qu’il était né mort et que sa vie n’était que le galvanisme de la volonté et des nerfs.

560. (1874) Premiers lundis. Tome I « M. A. Thiers : Histoire de la Révolution française. Ve et VIe volumes. »

Que si cependant, par suite de certaines circonstances, l’homme ou plutôt la majorité des hommes qui forment une société vient à se prendre d’une passion unique et violente ; si cette société, comme il arrive en temps de révolution, en proie à une idée fixe, s’obstine à ce qu’elle prévaille, et, irritée des obstacles, n’y répond que par une volonté d’une énergie croissante, n’est-il pas évident alors que l’historien peut et doit tenir compte de cette disposition morale, désormais ordonnatrice toute-puissante des événements, la mêler à chaque ligne de ses récits, et les pénétrer, les vivifier tout entiers de cette force des choses, qui n’est après tout que la force des hommes ?

561. (1874) Premiers lundis. Tome I « Madame de Maintenon et la Princesse des Ursins — II »

Dévouée, jusqu’à la superstition, à la volonté de Louis XIV, elle n’osait se commettre en rien, de peur de lui déplaire ; un mot de sa bouche eût sauvé Racine, et elle se garda de le risquer ; malgré sa prédilection pour le maréchal de Villeroi, elle en était venue à refuser sa protection à l’abbé de Villeroi pour l’archevêché de Lyon : « Je ne le connais pas assez, écrit-elle, pour me mêler de son établissement ; les places dans l’Église intéressent un peu la conscience de ceux qui les donnent, et l’on a bien assez de ses péchés sans avoir à répondre de ceux des autres.

562. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre XIV. De la plaisanterie anglaise » pp. 296-306

Dans les états monarchiques, où l’on dépend du caractère et de la volonté d’un seul homme ou d’un petit nombre de ses délégués, chacun s’étudie à connaître les plus secrètes pensées des autres, les plus légères gradations des sentiments et des faiblesses individuelles50.

563. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section II. Des sentiments qui sont l’intermédiaire entre les passions, et les ressources qu’on trouve en soi. — Chapitre III. De la tendresse filiale, paternelle et conjugale. »

L’éducation, sans doute, influe beaucoup sur l’esprit et le caractère, mais il est plus aisé d’inspirer à son élève ses opinions que ses volontés ; le moi de votre enfant se compose de vos leçons, des livres que vous lui avez donnés, des personnes dont vous l’avez entouré, mais quoique vous puissiez reconnaître partout vos traces, vos ordres n’ont plus le même empire ; vous avez formé un homme, mais ce qu’il a pris de vous est devenu lui, et sert autant que ses propres réflexions à composer son indépendance : enfin, les générations successives étant souvent appelées par la durée de la vie de l’homme à exister simultanément, les pères et les enfants, dans la réciprocité de sentiments qu’ils veulent les uns des autres, oublient presque toujours de quel différent point de vue ils considèrent le monde ; la glace, qui renverse les objets qu’elle présente, les dénature moins que l’âge qui les place dans l’avenir ou dans le passé.

564. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Préface »

Ces forces sont la situation, les passions, les idées, les volontés de chaque groupe, et nous pouvons les démêler, presque les mesurer.

565. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Prosper Mérimée. »

Elle est l’effort d’une volonté très hautaine et d’un très délicat orgueil.

566. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Contre une légende »

Je ne pense pas que personne, dans aucun temps, ait pris plus sérieusement la vie que ce petit Breton de vingt-cinq ans dont l’enfance avait été si pure, l’adolescence si grave et si studieuse, et qui, au sortir du plus tragique drame de conscience, seul dans sa petite chambre de savant pauvre, continuait à s’interroger sur le sens de l’univers, — et cela, dans un tel détachement des vanités humaines, que ces pensées devaient rester quarante ans inédites par la volonté de leur auteur.

567. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des recueils poétiques — Préface des « Rayons et les Ombres » (1840) »

Mais, à notre sens, un poëte complet, que le hasard ou sa volonté aurait mis à l’écart, du moins pour le temps qui lui serait nécessaire, et préservé, pendant ce temps, de tout contact immédiat avec les gouvernements et les partis, pourrait faire aussi, lui, une grande œuvre.

568. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des recueils poétiques — Dédicace, préface et poème liminaire de « La Légende des siècles » (1859) — La vision d’où est sorti ce livre (1857) »

Ce rêve était l’histoire ouverte à deux battants ; Tous les peuples ayant pour gradins tous les temps ; Tous les temples ayant tous les songes pour marches ; Ici les paladins et là les patriarches ; Dodone chuchotant tout bas avec Membré ; Et Thèbe, et Raphidim, et son rocher sacré Où, sur les juifs luttant pour la terre promise, Aaron et Hur levaient les deux mains de Moïse ; Le char de feu d’Amos parmi les ouragans ; Tous ces hommes, moitié princes, moitié brigands, Transformés par la fable avec grâce ou colère, Noyés dans les rayons du récit populaire, Archanges, demi-dieux, chasseurs d’hommes, héros Des Eddas, des Védas et des Romanceros ; Ceux dont la volonté se dresse fer de lance ; Ceux devant qui la terre et l’ombre font silence ; Saül, David ; et Delphe, et la cave d’Endor Dont on mouche la lampe avec des ciseaux d’or ; Nemrod parmi les morts ; Booz parmi les gerbes ; Des Tibères divins, constellés, grands, superbes, Étalant à Caprée, au forum, dans les camps, Des colliers que Tacite arrangeait en carcans ; La chaîne d’or du trône aboutissant au bagne.

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