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539. (1912) L’art de lire « Chapitre VII. Les mauvais auteurs »

S’exercer à la moquerie, c’est avoir déjà et se conférer la volonté d’impuissance.

540. (1932) Les idées politiques de la France

Mais force nous est de prendre aujourd’hui le capitalisme tel qu’il est, c’est-à-dire comme la chose acquise, la fortune acquise, un système d’intérêts, une doctrine d’intérêts, une volonté d’intérêts à défendre. […] Et l’on peut, à volonté et du même fonds, appeler Clemenceau le plus grand des radicaux ou un demi-radical. […] Le radicalisme, alors, c’était le pays : le pays à qui la politique coloniale a été, contre sa volonté, imposée par des groupes d’hommes d’affaires intelligents et prévoyants. […] Saint-Just, lui, emploie le mot idée cartésiennement, dans un sens très général : aussi bien sentiment, désir, volonté. […] la pensée socialiste et la volonté du prolétariat, identifiées à l’âme même de la paix active.

541. (1809) Tableau de la littérature française au dix-huitième siècle

Il avait eu en mépris les opinions et les volontés des hommes, et il avait voulu les soumettre entièrement au joug. […] Elles agissent d’une façon plus intime, et déterminent le sentiment, la volonté, l’action. […] D’où vient que l’autorité ne trouva ni volonté ni force pour la réprimer ? […] Alors, le roi absolu ne pouvait faire sa volonté ; aujourd’hui, le roi de la Charte est tout-puissant pour faire le bien de son peuple. […] Dès qu’une volonté peut prévaloir contre la justice, il y a despotisme ; absence de justice, c’est absence de liberté.

542. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre IV. L’âge moderne. — Chapitre II. Lord Byron. » pp. 334-423

Il était trop replié sur soi pour s’éprendre d’autre chose : le roidissement habituel de la volonté empêche l’esprit d’être flexible ; sa force, toujours concentrée pour l’effort et tendue vers la lutte, l’enfermait dans la contemplation de lui-même, et le réduisait à ne jamais faire que l’épopée de son propre cœur. […] Nul appui intérieur, sinon le ressentiment enraciné et la fixité de la volonté roidie. […] Ce que la civilisation tout entière a développé uniquement chez l’Anglais, c’est la volonté énergique et les facultés pratiques. […] Ses volontés sont des velléités, ses idées des aspirations et des rêves. […] et des convulsions courent sur les membres de Manfred, lorsqu’elle disparaît ; mais un instant après, les esprits voient qu’il « se dompte et fait de sa torture l’esclave de sa volonté. » — « S’il eût été l’un de nous, il eût été un esprit redoutable1295. » La volonté, voilà dans cette âme la base inébranlable.

543. (1922) Nouvelles pages de critique et de doctrine. Tome I

La fortune prodigieuse du petit lieutenant d’artillerie devenu Empereur n’était-elle pas là pour attester que rien ne résiste au génie servi par la volonté ? […] Il est le dévoué par excellence, le dévoué jusqu’au sacrifice du sang, jusqu’au sacrifice de la volonté. […] Il a voulu vouloir, et aucune de ses volontés n’étant fondée sur une perception nette et sûre, il s’est trouvé sans cesse arrêté par le fait. […] Cette volonté, ce serait celle de l’assassiné de Sarajevo. […] L’exemple, quand il est celui du devoir sur le champ de bataille, rallie d’un tel élan les volontés autour du drapeau !

544. (1925) Feux tournants. Nouveaux portraits contemporains

Le souvenir, la volonté, le mysticisme, la sympathie, l’oubli, le désir, autant d’interrogations qui recevaient dans ces lettres les réponses les plus subtiles et trouvaient un souple vêtement. […] Une volonté de déconsidérer l’art dans ce qu’il a de factice, la négation de l’existence des choses, du public, du vocabulaire. […] Une volonté bien établie de collaboration a-t-elle des chances de succès ? […] Mais la volonté de Drieu, pour ne s’être pas encore exprimée d’une manière publique et brutale, s’enrichit lentement d’expériences dont Lefèvre ne voulait pas tenir compte. […] Mais le rôle de l’écrivain, tout le porte à l’élargir dans le sens social ; de Barrès il tient cette volonté et le sentiment de la grandeur, du réalisme.

545. (1864) Études sur Shakespeare

C’est l’homme qu’il veut ressusciter ; c’est l’homme qu’il interroge sur le secret de ses impressions, de ses penchants, de ses idées, de ses volontés. […] Dieu emploie la volonté humaine à accomplir des intentions que l’homme n’a point eues, et le laisse marcher librement vers un but qu’il n’a pas choisi. […] Macbeth, Othello, Coriolan, également actifs et aveugles dans la conduite de leur destinée, attirent de même sur eux, avec la force d’une volonté passionnée, l’événement qui doit les écraser. […] Émus à l’aspect de ce que nous serions capables d’éprouver, nous y livrons notre imagination sans avoir rien à demander à notre volonté. […] Zaïre, passant tout à coup de son amour dévoué pour Orosmane à la plus entière soumission pour la foi et la volonté de Lusignan, a quelque peine à nous rendre, dans sa situation nouvelle, autant d’illusion qu’elle nous en a fait perdre par un si brusque changement.

546. (1891) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Quatrième série

Je me bornerai donc à dire, sans les vouloir mettre en parallèle, que, comme Corneille avait retrouvé, dans le caractère de sa propre volonté, la grande loi du théâtre, la loi fondamentale — qui est de nous montrer la volonté de l’homme luttant contre les circonstances, — Le Sage, lui, a trouvé la loi du roman — qui est de nous montrer les circonstances maîtresses de la volonté, — dans une certaine paresse d’esprit et dans une certaine incapacité qu’il avait lui-même de composer. […] L’homme n’est pas une intelligence pure, il est aussi une volonté, et celle volonté, le cartésianisme l’énerve, ou plutôt il l’anéantit, en lui enlevant, son objet, qui est de vivre. […] D’où vient à ce propos la relation singulière, mais constante, qu’il semble qu’il y ait dans l’histoire entre le pessimisme et la philosophie de la volonté ? […] Sa volonté éternelle est que le bien soit préféré au mal, et le bien général au bien particulier. […] la loi politique dont un accord fictif ou réel des volontés ne soit l’origine, le principe, et la sanction ?

547. (1887) Essais sur l’école romantique

c’est toi seul, c’est ta force, Ta sagesse et ta volonté, Ta vie et ta fécondité, Ta prévoyance et ta bonté ! […] Je me diminue peut-être en me défendant de m’être conduit par ambition : car l’ambition suppose le caractère et la volonté, et ce n’est pas peu douer un homme, quelle que soit l’intention, que de le douer en ce temps-ci de caractère et de volonté. […] L’homme tout entier est dans chaque ligne ; il se rendra ce témoignage, en finissant, que, sauf l’infirmité humaine, il n’a point de sa propre volonté manqué à sa noble tâche. […] C’est peut-être le plus grand charme des chefs-d’œuvre des littératures anciennes et des grands monuments de la nôtre, qu’on y sent, dans l’ensemble et dans les détails, cette force de volonté et de conscience sans laquelle l’instinct le plus heureux ne produit rien de parfait. Il y a telle scène de Racine, tel morceau de Bossuet, où l’idée de prodigieux efforts de volonté, dissimulés sous les grâces et la facilité de l’instinct, nous jette dans une sorte d’admiration religieuse qui rabat notre orgueil sans nous décourager.

548. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 octobre 1885. »

Et les théories philosophiques, précisément, dominent ; et domine, entre elles, le Pessimisme de la Volonté Absolue, invoqué toujours. […] Nous pourrions faire voir, encore, dans Religion et Art, la réfutation des théories sur la Méchante Volonté. […] Et Wagner nous montre la folie de toute résistance : agir au dehors, c’est affirmer la volonté personnelle, fausse et meurtrière. […] L’esquisse des Vainqueurs fut rédigée pendant l’hiver 1855-1856, après que Wagner a lu L’introduction à l’histoire du bouddhisme indien d’Eugène Burnouf, mais c’est sa lecture de Schopenhauer qui lui avait fait connaître cette philosophie en 1853 à travers Le Monde comme Volonté et Représentation.

549. (1898) La cité antique

Fondez-la sur la religion, il ne le pourra plus : un lien plus fort que la volonté de l’homme unit la terre à lui. […] Ce qui fait que le fils hérite, ce n’est pas la volonté personnelle du père. […] Le consul fait amener une victime et la frappe de la hache ; elle tombe : ses entrailles doivent indiquer la volonté des dieux. […] Pour eux le sort n’était pas le hasard ; le sort était la révélation de la volonté divine. […] La volonté ou le caprice du peuple n’était pas ce qui pouvait créer légitimement un magistrat.

550. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « De l’état de la France sous Louis XV (1757-1758). » pp. 23-43

Au milieu de ces revers, qui affectent si profondément l’honneur militaire et l’avenir de la monarchie, l’apathie de Louis XV est complète ; « Il n’y a pas d’exemple qu’on joue si gros jeu avec la même indifférence qu’on jouerait une partie de quadrille. » Le seul honneur de Bernis chargé de la partie politique, mais naturellement exclu des questions militaires, et qui n’a qu’un peu plus de faveur que les autres sans avoir plus d’autorité et d’influence aux heures décisives, est de comprendre le mal et d’en souffrir : « Sensible et, si j’ose le dire, sensé comme je suis, je meurs sur la roue, et mon martyre est inutile à l’État. » Il demande un gouvernement à tout prix, du nerf, de la suite, de la prévoyance : « Dieu veuille nous envoyer une volonté quelconque, ou quelqu’un qui en ait pour nous ! […] Son illusion était de croire qu’après avoir été ministre influent et en première ligne, il pourrait se replier à volonté, s’associer un collègue et non un rival, se fondre intimement avec lui, et, sous cette forme agréable qu’il définit lui-même familièrement de deux têtes dans un bonnet, faire le bien de l’État, sans plus porter seul tout l’odieux et en décomposant le fardeau : Je vous parle comme je pense, écrivait-il à Choiseul ; répondez-moi de même et franchement.

551. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Nouvelles lettres de Madame, mère du Régent, traduites par M. G. Brunet. — I. » pp. 41-61

Elle aurait volontiers emprunté de l’illustre philosophe son idée d’un rapprochement et d’une fusion, d’une réconciliation entre les principales communions chrétiennes ; elle traduisait cela un peu brusquement à sa manière lorsqu’elle disait : « Si l’on suivait mon avis, tous les souverains donneraient ordre que parmi tous les chrétiens, sans distinction de religion, on eût à s’abstenir d’expressions injurieuses, et que chacun croirait et pratiquerait selon sa volonté… » Au milieu de cette cour de Louis XIV, qui allait être si unanime sur la révocation de l’édit de Nantes, elle apportait et elle conserva d’inviolables idées de tolérance : « C’est ne se montrer nullement, chrétien, disait-elle, que de tourmenter les gens pour des motifs de religion, et je trouve cela affreux ; mais lorsqu’on examine la chose au fond, on trouve que la religion n’est là que comme un prétexte ; tout se fait par politique et par intérêt. […] Le second billet, par lequel Madame soumet au roi une lettre qu’elle vient de recevoir de la reine d’Espagne, avec la réponse qu’elle y a faite, se termine par des protestations du même genre : « Ayez la bonté de me marquer la volonté du Roi.

552. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Le président Hénault. Ses Mémoires écrits par lui-même, recueillis et mis en ordre par son arrière-neveu M. le baron de Vigan. » pp. 215-235

Ce que j’atteste, c’est que je n’ai jamais fait de mal à personne ; que le peu de crédit que j’avais n’a jamais, par ma volonté, tourné à mon profit ; que je ne l’ai employé qu’au profit de mes parents, de mes amis et de mes connaissances ; et que je n’ai pas laissé de rendre de grands services, dont on s’est souvenu, — si l’on a voulu. […] Avec des éditions semblables, on crée des ministres comme des maréchaux de France, à volonté.

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