Quel profond intérêt s’en exhale au contraire, et comme ces êtres-là sont aussi vivants et colorés que les gens du moyen âge et de la cour de Louis XV, et vous voulez que là où un homme seul est très beau, quatre ou cinq réunis ne soient pas très beaux aussi. […] Janin de ne pas confondre réalisme avec tableaux vivants (V. feuillet du 30 juin.). […] 2º Le modèle vivant agrandi par la pensée déplaît aux intelligences prosaïques. […] Du reste le rendu, conforme à la nature, d’un modèle vivant, ne me paraît pas plus une pensée que l’élégance trichée de Jean Goujon. […] Être à même de traduire les mœurs, les idées, l’aspect de mon époque, selon mon appréciation, en un mot faire de l’art vivant, tel est mon but. » Ceci est net.
Mais du moins je n’étais pas seul alors ; la présence de ma sœur rendait cette retraite vivante. […] C’était le dernier être vivant qu’on venait d’arracher d’auprès de moi, et ce nouveau coup avait rouvert toutes les plaies de mon cœur. […] assez longtemps tu as souillé la terre par ta présence ; puisse-t-elle t’engloutir vivant et ne laisser aucune trace de ton odieuse existence ! […] Malgré la maladie qui l’a enlevée, et qui avait altéré ses traits, elle eût été belle encore sans une pâleur effrayante qui la déparait : c’était l’image de la mort vivante, et je ne pouvais la voir sans gémir.
Ce comique incline à la farce : et jamais il n’est plus vivant, ni plus naïf que lorsqu’il y plonge385. […] Et dans la fantaisie des Fourberies de Scapin, que de morceaux d’humanité vivante ! […] Même les types de convention que la tradition comique offrait à Molière, il les a rendus vivants, par réflexion aux mœurs de son temps : Laporte et Gourville sont les équivalents réels des Mascarille et des Scapin ; et les Martine ou Dorme, les servantes du vieux temps, qui sont de la famille et ont leur franc parler, n’ont rien de conventionnel que leurs jeunes visages. […] Paysans de la banlieue rusés et cupides, escrocs de tous les mondes, notaires dignes des galères, procureurs âpres, joueurs et joueuses, bourgeois enrichis et avides de s’anoblir, gentilshommes ruinés, avides de se refaire, chevaliers entretenus, comtes à vendre aux veuves que la roture ennuie, bals, tripots, foires, lieux de rencontre et de plaisir, tous les originaux marqués, tous les endroits à la mode, toute la vie du temps : voilà ce que donne Dancourt dans ses pièces anecdotiques, et dans ses grandes comédies, avec une verve toujours en haleine, avec une sûreté singulière dans le coup de crayon qui note un geste caractéristique, ou fait sortir une silhouette vivante.
Bossuet semble tout prendre de l’Ecriture et de la tradition de l’Eglise : en fait, aucune réalité vivante, aucune vérité manifeste n’a été volontairement négligée par lui ; ce prêtre s’est nourri des inventions de la raison profane et même païenne. […] Son imagination, toute pleine d’images et de visions bibliques, pleine aussi de toutes les formes, de toutes les impressions de la réalité prochaine et vivante, répand une couleur pittoresque sur le dessin de l’argumentation. […] Car il unit à un fond d’amples ou profondes vérités, de principes universels et transcendants, une forme concrète, colorée, vivante, de fortes et nettes images, des symboles immenses et saisissants. […] Mais, en se proposant avant tout d’instruire des vivants à l’occasion des morts, Bossuet n’a pas oublié que son office était de faire entendre l’éloge des morts.
Rappelons quelques passages caractéristiques : Anatole était le vivant exemple du singulier contraste qu’il n’est pas rare de rencontrer dans le monde des artistes. […] Mais combien d’autres, originales aussi et vivantes ! […] Conclusion et résumé d’un coin de la banlieue, l’été : «… Paysages sales et rayonnants, misérables et gais, populaires et vivants, où la nature passe çà et là entre la bâtisse, le travail et l’industrie, comme un brin d’herbe entre les doigts d’un homme19. » Conclusion et résumé d’une description du bois de Vincennes : «… Une promenade banale et violée, un de ces endroits d’ombre avare où le peuple va se ballader à la porte des capitales, parodies de forêts pleines de bouchons, où l’on trouve dans les taillis des côtes de melon et des pendus. […] L’épithète étant toujours, dans cette manière d’écrire, le mot le plus important, voici des tournures qui mettent l’épithète au premier plan en la transformant en substantif neutre (à la façon des Grecs) : «… Mais c’était le ciel surtout qui donnait à tout une apparence éteinte avec une lumière grise et terne d’éclipsé, empoussiérant le mousseux des toits, le fruste des murs…37 » — «… Des voix fragiles et poignantes attaquant les nerfs avec l’imprévu et l’antinaturel du son38. » — « Et il mit une note presque dure dans le bénin de sa parole inlassable et coulante39. » Les mots abstraits surabondent dans cette prose si vivante : ce qui semble contradictoire, mais s’explique avec un très petit effort de réflexion.
La légende d’Alexandre était éclose avant que la génération de ses compagnons d’armes fût éteinte ; celle de saint François d’Assise commença de son vivant. […] La condition essentielle des créations de l’art est de former un système vivant dont toutes les parties s’appellent et se commandent. […] Chaque trait qui sort des règles de la narration classique doit avertir de prendre garde ; car le fait qu’il s’agit de raconter a été vivant, naturel, harmonieux. […] Ce sentiment d’un organisme vivant, on n’a pas hésité à le prendre pour guide dans l’agencement général du récit.
Depuis ce jour il court le monde, l’arc en main, vivant de rapines, dans un accoutrement misérable. […] Kundry, la pécheresse, est le caractère le plus vivant du drame. […] Or, le domaine artistique nous offre un exemple frappant de cette relation entre la Négation et l’Affirmation : en général, on ne cherche dans l’art qu’une distraction, c’est-à-dire le contraire ou la négation des fatigues et des préoccupations journalières ; mais pour l’artiste créateur, son œuvre est ce qu’il y a de plus positif, de plus vivant. […] avaient senti cette nécessité ; elle s’imposera, par Wagner, à l’Art de demain, et, par Wagner se complètera d’une intuitive Philosophie, assignant à l’Art sa raison, la rédemption d’une Apparence ennuyeuse, et sa tâche, la création incessante d’une meilleure et plus vivante Vie.
La médecine, qui a existé partout et toujours, n’a pu se passer de l’étude du corps vivant. […] Le poëte le conçoit à l’image du nôtre, mais plus beau, plus harmonieux ; la vie y est plus pleine et plus largement savourée : il y contemple des formes visibles et palpables, concrètes, vivantes, plus réelles pour lui que la réalité. […] Heine (de l’Allemagne), a dit du plus sec des métaphysiciens : « La lecture de Spinoza nous saisit comme l’aspect de la grande nature dans son calme vivant : c’est une forêt de pensées hautes comme le ciel, dont les cimes fleuries s’agitent en mouvements onduleux, tandis que leurs troncs inébranlables plongent leurs racines dans la terre éternelle : On sent dans ses écrits flotter un souffle qui vous émeut d’une manière indéfinissable : on croit respirer l’air de l’avenir. » Les métaphysiciens sont donc des poëtes qui ont pour but de reconstituer la synthèse du monde Ces grandes épopées cosmogoniques disparaîtront-elles ? […] L’idée de progrès, d’évolution ou de développement, qui est devenue prépondérante de nos jours dans toutes les sciences qui ont un objet vivant, a été suggérée par la double étude des sciences naturelles et de l’histoire.
Nous adoptons cette notion, plus vivante et plus concrète que celle de l’indétermination. […] Ils constituent une réaction de l’être vivant par rapport à ces objets, et aucune explication en termes d’objets ne rendra jamais compte de la réaction subjective qui est au fond du plaisir ou de la souffrance, surtout au fond du désir, sans lequel il n’y aurait ni plaisir ni souffrance. […] Enfin on veut prêter une action à la durée vraie, à la « durée concrète », en la considérant elle-même « comme une force », non sans doute dans les êtres matériels et inertes, sur lesquels la durée glisse sans les atteindre, mais chez les êtres vivants et conscients, où la durée produit un changement perpétuel. « Une sensation, dit-on, par cela même qu’elle se prolonge, se modifie au point de devenir souvent insupportable ; le même ne demeure pas ici le même, mais se renforce et se grossit de tout son passé171. » Qu’importe, s’il se grossit selon des lois ? […] Cette idée du temps nous semble mythique ; fût-elle réalisée, elle ne constituerait pas pour cela une véritable liberté, mais une sorte de hasard vivant.
C’est le musée Curtius de tous les dieux, demi-dieux, héros et hommes célèbres de l’antiquité : on les explique, on les commente ; ils sont en cire et leurs costumes ont été achetés au Temple ; mais cela ne fait rien : on pousse le ressort, ils remuent les yeux, ils baissent la tête, ils lèvent le bras, cela suffit ; on se persuade qu’ils sont vivants. […] — À ce que la littérature n’a point encore osé aborder les œuvres modernes et réellement vivantes. Racontant toujours les mêmes histoires, refaisant toujours le même roman, mettant toujours en scène les mêmes personnages, chantant toujours les mêmes rimes sur le même ton, ne vivant absolument que dans des idées absolument épuisées, elle a cru qu’elle ne pouvait se rajeunir que paila forme. […] c’est que Molière était vivant au milieu de sa génération ; c’est qu’il peignait les ridicules, les mœurs, les petitesses et les mesquineries des jours qu’il traversait.
Pour nous, si nous nous risquons à en parler, c’est que nous ne nous guérirons jamais de cette vieille habitude d’aller à ce qui est vivant, de nous arrêter à chaque vaillant début d’un talent neuf et vigoureux, et de lui payer publiquement ce premier et bien légitime hommage, — l’attention, — dussions-nous mêler aux éloges quelques remarques critiques et quelques observations morales. […] De plus sérieux contradicteurs, et plus désintéressés, soutiennent qu’il est pénible, à travers ce déploiement continu de force et de talent, d’être constamment obligé (soi, lecteur) d’avoir en perspective ce qui est l’idée fixe de ce malheureux et maniaque Roger, c’est-à-dire l’image toute matérielle d’un partage physique ; que c’est une fin peu digne d’un art aussi vivant et aussi expressif, que c’est un but peu en proportion avec une monodie aussi déchirante.
— Retiré des affaires et vivant dans sa maison du faubourg Saint-Jacques, près des collèges, pour y mieux vaquer à l’éducation de ses enfants, Perrault fit un jour le poëme du Siècle de Louis-le-Grand, et il le lut dans une séance publique de l’Académie, assemblée exprès pour célébrer la convalescence du roi après la fameuse opération (27 janvier 1687). […] Qu’il y ait au fond de son imagination un horizon d’or, l’âge féerique, homérique, légendaire, appelez-le comme vous le voudrez, — un âge d’une poésie naturelle et vivante.
Le professeur, dans sa chaire, ne distribue guère que la science morte ; l’esprit vivant, celui qui va constituer la vie intellectuelle d’un peuple et d’une époque, il est plutôt dans ces jeunes enthousiastes qui se réunissent pour échanger leurs découvertes, leurs pressentiments, leurs espérances7. » Je laisse les applications à faire en ce qui est de notre temps. […] Qui n’a connu un talent que tard et ne l’a apprécié que dans son plein ou dans ses œuvres dernières ; qui ne l’a vu jeune, à son premier moment d’éclat et d’essor, ne s’en fera jamais une parfaite et naturelle idée, la seule vivante.
Toutes ces circonstances de l’histoire de Jésus, tous ces personnages si connus de nom et montrés aux yeux, semblables aux gens d’à présent, devaient toucher les simples, les ignorants, qui étaient alors le grand nombre, et devenaient un enseignement vivant, parlant à tous. […] Quoi qu’il en soit, ces scènes vulgarisées se succèdent d’une manière assez amusante et vivante, si on les suppose vues et non lues ; et c’est ainsi qu’on arrive aux scènes de la Madeleine qui, sans être « délicieuses », comme le prétendent les enthousiastes, nous paraissent assez piquantes.