Ces parties qui s’accordent dans l’unité du tout ne sont point les matériaux inertes d’une construction immuable et fixe, ce sont les organes d’un corps mobile et vivant, assemblés pour l’action et pour une évolution sans arrêt qui les développe et les transforme. […] Quand il y a dans le discours un véritable mouvement, nulle part on n’aperçoit de solution de continuité : le développement s’achemine tout d’une suite à son but, comme, dans l’être vivant, chaque état du corps, chaque moment de la vie plongent dans l’état et dans le moment qui précèdent, et ne sauraient s’en distinguer : l’enfant devient homme insensiblement, et change en restant le même.
Nous y voyons notre image comme en un miroir, mais une image qui se retourne contre nous, nous bat, nous fait mal, nous résiste : le non-moi devient autrui, il devient vous ou lui, un autre homme, un autre être vivant en chair et en os. […] Loin de naître isolé dans sa monade, l’être vivant, surtout l’homme, naît en relation avec d’autres êtres semblables à lui.
En d’autres termes, il n’a pas senti que si des harangues, telles que les conçoit et les réalise Thucydide dans son histoire, donnent à cette histoire quelque chose de plus dramatique, de plus vivant, de plus intense, de cela seul, l’histoire est plus belle et l’historien littérairement justifié. […] Quelle peut être sur nous l’influence vivante et sincère de cet art, extérieur je le veux bien, mais dont la prétention est la simplification dans l’harmonie, alors que l’ambition de l’art, en ces derniers temps, est une concentration, aussi profonde qu’elle puisse être, dans l’harmonie aussi, mais dans une harmonie qui ne fond rien en elle pour tout unir, et, au contraire, donne la plus violente intensité à chaque détail et voudrait décupler les forces les plus vives de la vie !
Quand on n’a que le livre d’un homme, on n’a guères que la lettre morte de son talent et de son âme ; mais quand on étudie l’un et l’autre à la lumière d’une correspondance ou d’une autobiographie, on en tient réellement la lettre vivante, et la Critique peut hardiment se prononcer. […] Sans la maladie, sans la douleur qui lui a donné le peu de fil et de mordant qu’on trouve dans ses œuvres, il aurait été, comme tous les humanitaires de son temps, un badaud, un optimiste, un philanthrope, un niais d’esprit, et sans la mort prématurée qui le fait vivre, il serait mort, sur pied, de son vivant !
Il s’agit, enfin, d’expliquer ou du moins d’éclairer ce mystère de contradiction humaine, de force et de faiblesse, de stoïcisme et d’infirmité, de beauté morale, aussi pure que puisse l’être la plus pure beauté, et de passion aussi fatale et aussi profonde qu’il put en exister jamais, dans un être à peine vivant par les organes, borgne, manchot, rapporté du feu en débris, indifférent, d’ailleurs, au destin de son corps dès sa jeunesse, mais si étrangement, si énergiquement vivant par l’âme, que dès cette vie, cette âme prodigieuse eût pu démontrer aux athées l’immortalité.
Il s’agit, enfin, d’expliquer ou du moins d’éclairer ce mystère de contradiction humaine, de force et de faiblesse, de stoïcisme et d’infirmité, de beauté morale aussi pure que puisse l’être la plus pure beauté et de passion aussi fatale et aussi profonde qu’il put en exister jamais, dans un être à peine vivant par les organes : borgne, manchot, rapporté du feu en débris, indifférent, d’ailleurs, au destin de son corps dès sa jeunesse, mais si étrangement, si énergiquement vivant par l’âme, que dès cette vie cette âme prodigieuse eût pu démontrer aux athées l’immortalité.
Quand on n’a que le livre d’un homme, on n’a guère que la lettre morte de son talent et de son âme, mais quand on étudie l’un et l’autre à la lumière d’une correspondance ou d’une autobiographie, on en tient réellement la lettre vivante, et la Critique peut hardiment se prononcer. […] Sans la maladie, sans la douleur qui lui a donné le peu de fil et de mordant qu’on trouve dans ses œuvres, il aurait été, comme tous les humanitaires de son temps, un badaud, un optimiste, un philanthrope, un niais d’esprit, et sans la mort prématurée qui le fait vivre, il serait mort, sur pied, de son vivant !
, impossible à jouer, Charles de Rémusat — à ce qu’il paraît — le lisait parfois, de son vivant, aux personnes dévouées d’esprit et d’oreille à ses œuvres. […] L’Abélard saisira le Rémusat comme le mort saisit le vif, ou plutôt comme le vif saisit le mort, — car c’est ici le mort qui est le vivant !
Diogène, avec le manteau d’Antisthène qu’il avait ramassé à la borne et à travers les trous duquel passait l’orgueil qui crevait les yeux de Platon, Diogène ne buvait dans sa main et ne roulait devant lui son tonneau que pour se passer des hommes et être, tout à son aise, outrageusement insolent avec eux ; mais Benoît Labre, qui s’était fait le pauvre errant dont la main n’avait pas honte de se tendre à l’aumône, ressuscitait, par le spectacle de sa misère, la pitié et la charité dans les cœurs… Ce pauvre volontaire de Jésus-Christ, comme il s’appelait lui-même, fut, à ses risques et périls, tout le temps qu’il vécut, une prédication silencieuse, autrement éloquente que la parole des plus éloquents… C’était, continuée, vivante et incessante, la prédication du sublime sermon sur la montagne, — qu’admirait Rousseau, messieurs les philosophes ! […] Cet homme, à peine vivant sous ses haillons quelquefois sanglants, le plus souvent pourris, fulgurait d’une vie surnaturelle.
Le sujet de ceci n’est pas, comme on pourrait le croire, un roman qui se cache sous des formes négligées ou familières à dessein, pour qu’elles paraissent plus vivantes. […] … Je me le suis demandé plus haut, si cela aurait été meilleur pour sa gloire, en supposant que cet infortuné ait un jour son atome de gloire, de vivre que de mourir ; si, en vivant, il aurait mis un jour au service de quelque grande conception le talent de style contracté, affiné, acéré et passé au feu de toutes les douleurs, un jour ressenties ?
le moyen pour un artiste, fût-il le plus grand et le plus sorcier des artistes, de lutter victorieusement contre cela, contre cette première impression de la vie qui nous est restée vivante, flambante, idéale, et qui fait pâlir toute impression présente devant cette force du souvenir qui, elle aussi, a pour loi de se multiplier par la distance ! […] De tempérament, il est un merveilleux moderne, je dirais presque un tempérament romantique, si le mot n’avait bien vieilli pour exprimer une chose si jeune et si vivante que son talent.
C’est l’application du mot de Bacon : « les hommes ont peur de la mort comme les enfants ont peur de l’ombre. » Cette peur des sens soulevés prend mille formes dans les Histoires de Poe ; mais soit qu’elle se traduise et se spécifie par l’horreur qu’il a d’être enterré vivant, ou par le désir immense de tomber, ou par quelque autre hallucination du même genre, c’est toujours la même peur nerveuse du matérialiste halluciné. […] non, un corps vivant encore, mais que la mort avait marqué de sa royale estampille.
Dans l’une et dans l’autre, l’objet est vivant, c’est-à-dire soumis à une transformation spontanée et continue. […] « Jour ou nuit, midi ou nord, mer ou plage, proie morte ou vivante, tout leur est un. […] Le colibri, l’oiseau-mouche, sont la vivante image de son génie. […] L’œil glisse doucement sur les lignes molles de cette chair jeune et vivante. […] L’homme, comme toute chose vivante, change avec l’air qui le nourrit.
Que reste-t-il alors de cet ensemble de particularités vraies qui distinguaient une physionomie vivante et qui la variaient dans un caractère unique, non méconnaissable ? […] Il y a, sachons-le bien, dans chaque génération vivante quelque chose qui périt avec elle et qui ne se transmet pas. […] M. de Rémusat éprouva de cette consolation en vivant dans la société de M. de Barante. […] N’est-ce pas là un unique hommage rendu à la mémoire du mort et aussi au talent approprié du vivant ? […] Ce que M. de Rémusat a si bien fait vers la fin, on aurait pu le faire durant tout le morceau, et c’eût été, biographiquement, plus vivant.