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396. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — chapitre VII. Les poëtes. » pp. 172-231

La vérité est qu’il ne songe qu’à ses phrases, à sa réputation d’auteur, et qu’une caresse du prince de Galles va fondre tout son stoïcisme. […] Sauf la vérité, rien n’y manque. […] « La Vérité craintive s’enfuit dans son ancienne caverne, menacée par des montagnes de casuistique entassées sur sa tête. […] Il se vante « de les avoir tempérés » l’un par l’autre, et d’avoir « navigué contre les extrêmes. » La vérité est qu’il ne les a point entendus, et qu’il mêle à chaque pas des idées disparates. […] Il est emphatique et phraseur, compose des tirades sur le sentiment, invective contre le siècle, apostrophe la Vertu, la Raison, la Vérité et les divinités abstraites qu’on grave en taille-douce sur les frontispices.

397. (1911) Lyrisme, épopée, drame. Une loi de l’histoire littéraire expliquée par l’évolution générale « Appendices » pp. 235-309

À la vérité, son argumentation incisive est parfois un peu âpre, voire même dédaigneuse ; mais que ne pardonnerait-on pas à la spontanéité d’un si beau lutteur ? […] Or il est vrai que l’art n’a qu’un seul but : la beauté ; l’art n’a pas à se préoccuper de la morale ; c’est une vérité qu’il faut proclamer bien haut ; pour ma part je la défends depuis vingt ans. […] La vérité psychologique, dans la libre création, avec ou sans histoire, voilà la seule exigence possible. […] Pénétrés d’un idéal sévère, songeant à l’œuvre beaucoup plus qu’à la foule, Corneille et Racine usèrent hardiment de quelques « artifices » très simples, pour marcher plus vite au but même, à la vérité psychologique. […] D’après Platon, le Beau se confond avec le Bien, ou la Perfection, qui est supérieure à la vérité et à la science.

398. (1803) Littérature et critique pp. 133-288

On trouve en effet, dans cet ouvrage, des vérités utiles énergiquement exprimées. […] Les vérités morales sortent en foule de leurs narrations et de leurs tableaux. […] « Les écrivains de la nouvelle école flétrissent l’imagination avec je ne sais quelle vérité qui n’est point la véritable vérité. […] « Virgile a mis la même vérité dans ses peintures. […] Ici les haines finissent, et la vérité seule demeure.

399. (1864) Études sur Shakespeare

Le comique, cette portion des réalités humaines, avait droit de prendre sa place partout où la vérité demandait ou souffrait sa présence ; et tel était le caractère de la civilisation que la tragédie, en admettant le comique, ne dérogeait point à la vérité. […] Il n’y a là qu’une combinaison décousue, sans intérêt comme sans vérité. […] C’est dans la vérité dramatique, non dans la vérité historique, qu’il établit son domaine. […] Et cependant, science admirable de la vérité ! […] La vérité est toujours là, devant les yeux du poëte : il les baisse et il écrit.

400. (1898) Impressions de théâtre. Dixième série

Scène excellente, de vérité simple, profonde, lamentable. […] Telle est, ce me semble, la vérité humaine. — Ou peut-être M.  […] Telles sont les vérités dont la comédie de M.  […] La pièce était triste, d’une vérité forte. […] Où est la vérité ?

401. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre VI. Premiers pas hors de Saint-Sulpice  (1882) »

Du moment que le christianisme n’était pas la vérité, le reste me parut indifférent, frivole, à peine digne d’intérêt. […] Le fond resta le même ; la direction morale de ma vie sortit de cette épreuve très peu infléchie ; l’appétit de vérité, qui était le mobile de mon existence, ne fut en rien diminué. […] Si le public avait la tête assez forte, il se contenterait de la vérité. […] Le temps qui peut me rester à vivre, en tout cas, sera consacré à des recherches de pure vérité objective. […] Désormais, je n’apprendrai plus grand’chose ; je vois bien à peu près ce que l’esprit humain, au moment actuel de son développement, peut apercevoir de la vérité.

402. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Sieyès. Étude sur Sieyès, par M. Edmond de Beauverger. 1851. » pp. 189-216

Il est plus juste de juger le passé sur le présent, et de convenir que les prétendues vérités historiques n’ont pas plus de réalité que les prétendues vérités religieuses. […] Vous auriez dû voir que les vérités les plus certaines, que les meilleures idées ouvrent aux fripons et aux coquins de nouveaux moyens d’exercer leurs funestes passions. […] Cet effet de nouvelles vérités a été frappant, et cependant il (Sieyès) l’a aperçu longtemps avant vous, et il a fermé sa main. […] Lui qui croyait tenir la vérité et n’avoir qu’à la distribuer aux hommes, il la retire et il ferme la main. […] On n’écrit pas de telles pages pour soi seul, quand on n’est pas profondément convaincu de la vérité de ce qu’on écrit.

403. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « Octave Feuillet »

Mais de quelle vérité… N’importe !… Qu’elle soit ce qu’elle pourra, indigente, misérable, petite, facile à ramasser, comme une paille, à nos pieds, et non difficile à rapporter, comme une perle, du fond des mers, c’est toujours quelque chose qu’une vérité ! […] C’est la vérité — la navrante vérité pour ceux qui aiment le mouvement, la verve, l’originalité et la vie, — qu’il y a en France un pareil monde, et que c’est le monde ! C’est même la vérité qu’il n’y en a pas un autre que nous puissions lui préférer. […] Beaucoup de ceux qui lisent Feuillet ont nié la vérité, en nature féminine, de ce changement, mais, moi, je le crois d’une vérité absolue.

404. (1884) L’art de la mise en scène. Essai d’esthétique théâtrale

Il y faut conserver un certain rapport avec la vérité. […] Aussi les personnages y prennent un caractère remarquable de vérité et de naturel. […] Mais la vérité, ainsi vue sous un angle étroit, n’est plus la vérité idéale : c’est en quelque sorte une vérité tangible et mesurable, née de l’observation directe des faits, de l’examen des objets et de la confrontation des êtres particuliers qu’a réunis un même acte criminel ou une même situation comique. […] Ce qu’elle cherche, c’est donc une vérité plutôt relative qu’absolue. […] Une telle conclusion serait injuste et contraire à la vérité.

405. (1896) Écrivains étrangers. Première série

C’est le seul chemin vers la vérité. […] Il l’habitua à voir la contrepartie de toute vérité de raison. […] Plus tard, à la vérité, le travail lui était devenu un peu plus facile. […] N’est-ce pas elle qui est dans la vérité ? […] Cet amour de la vérité, ce désir effréné de la vérité absolue, est non seulement puéril, mais irrévérencieux.

406. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre II. Les formes d’art — Chapitre II. La tragédie »

Décadence de la tragédie : ni nature ni vérité. […] Jamais je ne trouve dans son théâtre un mot qui soit pour la vérité d’abord ; je sens que ce poète vise toujours un point de l’esprit du public ; la vérité s’y rencontre, si elle peut. […] Il était à craindre que, la vérité mise à part et la nature, la tragédie n’eût plus d’autre objet que de présenter d’ingénieuses applications des règles.

407. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre VIII. Suite du chapitre précédent. De la parole traditionnelle. De la parole écrite. De la lettre. Magistrature de la pensée dans ces trois âges de l’esprit humain » pp. 179-193

La vérité est sans danger, mais la manière d’interpréter la vérité peut en avoir beaucoup. […] Lorsque Pythagore avait deux doctrines, ce n’était point qu’il voulût en celer une, mais il voulait y amener graduellement ses disciples ; ou plutôt il avait appris, dans les initiations, que nul n’est propre à recevoir la vérité, si elle n’est pas déjà en lui. Le système de Platon a prévalu dans le monde, et il devait y prévaloir ; mais soyons persuadés que, sans le petit nombre de pythagoriciens qui sont restés fidèles à la doctrine des épreuves et des ménagements ; qui savent que le pain des forts ne peut pas être distribué à tous ; que tous ne peuvent pas être nourris de la moelle du lion ; que le lait doit être donné à l’enfant jusqu’à ce qu’il puisse manger les fruits de la terre ou la chair des animaux ; soyons persuadés, dis-je, que sans le petit nombre de pythagoriciens fidèles, les vérités seraient encore plus-gaspillées qu’elles ne le sont, et déshonorées par plus de discussions intempestives : heureusement il en est resté en réserve.

408. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « M. Jules Girard » pp. 327-340

c’est la vérité que cette ressemblance, ou plutôt cette identité qu’il signale entre l’esprit grec et le génie de Thucydide, qui est, je le veux bien, l’expression la plus haute de l’esprit grec dans l’histoire. C’est la vérité que tout ce qui distingue l’un, l’autre le possède, en le spécialisant. […] III Cette vieille poétique, qui est probablement « la poétique de l’avenir », comme la raison philosophique de la Grèce doit être « la raison de l’avenir », cette vieille poétique n’est autre que la littérature des Grecs passée, après coup, à l’état de théorie, et qui a droit de retour et de despotisme si elle a l’absolu d’une vérité ; Or, pour M.  […] Girard l’archaïste, qui se croit un Athénien en voyage à Paris, parce qu’il est allé à Athènes et en est revenu faire des conférences à l’École normale, les us et coutumes littéraires des Grecs doivent être la vérité catholique dans le sens d’universel.

409. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XXVI. Médecine Tessier »

Avec le genre d’occupations et de préoccupations auxquelles M. le docteur Tessier a dévoué sa vie, on peut s’étonner qu’il fasse partie de ces « derniers Romains » qui périront probablement à la peine et à l’honneur de la vérité ; mais, s’il y a là une raison pour être surpris, il y en a une autre pour applaudir et pour admirer ! […] M. le docteur Tessier n’est pas uniquement préoccupé de spiritualiser l’instruction et de tenir compte de la magnifique duplicité humaine, même dans l’intérêt de l’observation physiologique ; il va plus loin et plus haut… « Le rationalisme dogmatique, dit-il, ne saurait coordonner les phénomènes physiologiques, et comprendre les rapports de la physiologie et de la médecine, mais, sur le terrain de la pathologie, ce rationalisme devient la négation de TOUTE vérité. » Ainsi, comme on le voit, l’enseignement n’est pas seulement matérialiste ; il est de plus arbitraire et antimédical, et l’habile écrivain le prouve avec une rigueur dont, certes, il n’avait pas besoin aux yeux de ceux qui savent jusqu’où peut porter une idée. […] Le plus bel effort des esprits vigoureux est de renouer les traditions, en toutes choses, quand elles ont été rompues ; c’est de se rattacher à ce passé qui est toujours une vérité ensevelie. […] Hippocrate, en effet, ce vieillard divin, — car l’Histoire, pour honorer ce grand observateur, n’a trouvé rien de mieux que de l’appeler comme le vieil Homère — avait reconnu l’immutabilité des maladies, quand il s’écriait avec le pressentiment d’une révélation : « Il y a là quelque chose de Dieu (quid divinum) », et quand aussi Démocrite, tenant de plus près la vérité, écrivait ce mot singulier : « L’homme tout entier est une maladie », comme s’il eût deviné ce dogme de la Chute, après lequel il n’y a plus rien à l’horizon de l’Histoire ni à l’horizon de l’esprit humain !

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