L’atelier de la rue de Vaugirard renferme une humanité toute réelle, l’atelier de l’Île des Cygnes est comme le domicile d’une humanité poétique, tirée du Dante, d’Hugo. […] » Un moment il dit : « Je tape trop sur le fer, je ferraille… il y a chez moi de l’indécision sur ce que je veux faire… je ne tire pas de suite, comme Laurent. » Et il ajoute qu’il veut se battre trois fois, après quoi, il trouve que ce sera satisfaisant, et qu’il cherchera un joint pour rentrer dans la vie ordinaire. […] Daudet est tenté de l’idée de tirer un bouquin de ses maux, est tourmenté d’écrire quelque chose sur la souffrance, étudiée sur lui-même. […] Promenade autour de la forêt, le long d’un treillage de la chasse israélite, qui nous empêche d’y entrer ; promenade où Porel, joliment blaguant, à tout moment, tire sa montre et s’écrie : « À ce moment Machin dit » — et il cite un vers de Britannicus, ou bien : « Chose dit » — et il cite une phrase de la Partie de Chasse de Henri IV. […] Il est là la figure tirée, trahissant une noire tristesse, sous la tenue correcte d’un vieux gentleman splénétique.
Quelle qu’en fût la cause, l’étude passionnée à laquelle se livrait Charles Labitte et d’où il tirait pour nous tant d’agréables productions, lui était à la fois un plaisir et une source de mort. […] Il était infatigable à féconder un champ qui, en soi, a l’air si peu étendu, et à en tirer jusqu’à la dernière moisson. […] On a le résultat de ces leçons dans un curieux travail (la Divine Comédie avant Dante)227, où il expose toutes les visions mystiques analogues, tirées des légendaires et hagiographes les plus obscurs. […] On se met alors à attacher une importance extrême, disproportionnée, à certaines pièces matérielles que le hasard fait retrouver, à y croire d’une foi robuste, à en tirer parti et à les étaler avec une sorte de pédanterie (c’est bien le mot) ; moins on en sait désormais, et plus on a la prétention d’y mieux voir. […] Et que n’eût-il pas fait en peu d’années à travers ce fonds, toujours renaissant, que n’en eût-il pas tiré avec son talent dispos, sa facilité d’excursion et son abondance d’aperçus ?
Les porte-voix des acteurs se tirent comme ils peuvent de ce brouhaha, percé de temps en temps par le cri aigre des vendeuses publiques de phallus et : des marchandes d’eau. […] Shakespeare était si peu imprimé, l’imprimerie existait si peu pour lui, grâce à l’inepte indifférence de la postérité immédiate ; qu’en 1666 il n’y avait encore qu’une édition du poëte de Stratford-sur-Avon, l’édition d’Hemynge et Condell, tirée à trois cents exemplaires. […] C’était la sagacité venant tirer à clair la sagesse. […] Eux cependant vont et viennent, s’appellent, se tirent, s’entraînent, quelques-uns bégayant à peine et tout chancelants encore. […] Vers le temps où Jésus-Christ était peint sur les murailles, à Rome, avec des sabots d’âne et cette inscription : Le Dieu des chrétiens ongle d’âne, au troisième siècle, pour qu’on fît de Tacite dix copies par an, ou, comme nous parlerions aujourd’hui, pour qu’on le tirât à dix exemplaires, il a fallu qu’un césar s’appelât Tacite et crût Tacite son oncle.
Enfin il y aurait à rendre compte des superstitions rabbiniques au sujet du nom incommunicable et sacré de Jeovah, nom formé, comme on sait, de la combinaison du présent, du passé, du futur du verbe être, et qui renferme, par son énergie propre, le sentiment essentiel de l’existence continue et non successive, en d’autres termes, éternelle et contemporaine de tous les temps ; ce qui, pour le dire en passant, a cela de remarquable, que le substantif par excellence tire ici son origine du verbe. […] On me dira ce qui a été déjà dit plusieurs fois, que c’est un moyen très commode de se tirer d’embarras. […] Tout n’aurait sans doute pas été susceptible d’une démonstration rigoureuse, mais on serait parvenu à prouver que la difficulté de réunir tous les faits nécessaires est le seul obstacle réel à cette démonstration : ils auraient pu tirer de là l’induction que la parole est le sens intellectuel et moral, le sixième sens de l’homme. […] Condillac a fait un roman sur la formation du langage : il en tire cette conclusion vraiment inconcevable, la nécessité de signes arbitraires. […] On s’en tirera par un choix de phrases prises dans des ouvrages consacrés, et où l’on retrouvera le mot employé dans tous les sens qui lui ont été imposés soit par l’usage, soit par le génie particulier des auteurs.
À un certain moment du roman, on traverse 1848 et sa révolution ; mais pourriez-vous tirer des faits du temps, qui sont décrits avec une exactitude de photographe, l’aspect des rues, le sac des Tuileries, l’air des pavés les jours de barricades, etc., pour quel parti penche l’auteur de ces descriptions, qui n’a de sympathie que pour les choses visibles qu’on peut retracer ? […] Cependant, parmi les citations innocentes qu’elle peut se permettre, il y en a une tirée de l’apparition de la reine de Saba, qui peut être risquée sans inconvénient et qui édifiera sur la puérilité de toutes les autres… L’apparition de la reine de Saba est une des premières visions de ce saint Antoine, qui n’est qu’un visionnaire dans le livre. […] — saint Antoine s’en tire comme il peut, ou plutôt il ne s’en tire pas. […] Il n’y a certainement que le ciel qui puisse le tirer de ce mauvais pas.
Sénèque, dans le traité De la Brièveté de la vie : « Alium in supervacaneis… Un autre se consume en minuties sur des vétilles. » Et Ménage : « J’ai tiré de côté et d’autre tout ce que j’ai composé. » « Comme j’ai beaucoup, beaucoup trop écrit, se disait encore M. […] Quand plus tard il éditera Homère dans la Collection Lefèvre, il s’en tirera par un mot d’esprit, par un mot charmant, qu’il emprunte, selon son habitude, à un passage d’un ancien. […] » Il s’en tire par une plaisanterie, par une défaite. […] Dübner est à peu près le seul qui puisse se tirer de ce grimoire d’abréviations et d’annotations familières.
J’ai parlé d’une pension qu’elle touchait ; ceci est à expliquer, d’autant plus que la correspondance sera remplie de détails pénibles, et qu’il serait injuste d’en tirer aucune conséquence extrême contre la société ni contre les hommes. […] Ce qui suffisait strictement dans les conditions ordinaires les plus simples, une fois dépassé, ne se regagne pas, et dans cette vie de prolétaire au jour le jour, une fois grevé et obéré, on ne s’en tire plus. […] Souvenirs et Correspondance, tirés des papiers de Mme Récamier ; tome II, page 194. […] Voici, dans son dossier, deux fragments de lettres qui ne lui étaient pas adressées, et qui, par le sentiment unanime où elles se sont rencontrées au départ, et les conclusions que chaque auteur en a tirées, ne peuvent laisser le public indifférent. — La première est écrite à quelqu’un qui voyait tous les jours M.
Un magistrat m’a raconté qu’ayant dû faire arrêter une femme mariée qui s’enfuyait avec un amant, il n’en avait pu rien tirer à l’interrogatoire que des pages de Balzac qu’elle lui récitait tout entières. […] Sue semblait en voie de rétracter ses précédentes assertions pessimistes trop absolues, il lui arrivait, peut-être à son insu, de ne pouvoir s’en débarrasser du premier coup et de s’en tirer par un détour. […] Avec toute autre époque on peut, je m’imagine, éluder jusqu’à un certain point ; on emprunte quelque appareil de ce temps-là, quelques locutions qui sentent leur saveur locale ; on se déguise, on jette du drame à travers, et l’on paraît s’en tirer. […] Sue en a tiré un très-grand parti en donnant l’enfant lchabod pour prophète au féroce Éphraïm, et en réservant ses deux petits anges de Gabriel et de Céleste à Cavalier.
Je pourrais insister sur bien des détails de cette édition nouvelle, en tirer peut-être quelques remarques piquantes sur les leçons successives dont on a essayé et dont plus d’une vient ici s’évanouir ; mais on me permettra de m’en tenir à quelques réflexions plus générales, que je ne crois pas moins essentielles, car il y a longtemps que, moi aussi, j’ai le cœur gros sur Pascal et que j’étouffe bien des pensées. […] On leur propose de s’occuper des papiers de Pascal mort depuis quelques années, et d’en tirer quelque chose d’utile, d’édifiant, de digne d’être offert à l’Église d’alors et aux fidèles, un volume enfin qui puisse être montré aux amis et aux ennemis. […] C’est merveille, en vérité, qu’entre tous ces écueils, en présence de cette masse de papiers très-peu lisibles, de ces pensées souvent incohérentes, souvent scabreuses, on ait, du premier coup, tiré un petit volume si net, si lumineux, si complet d’apparence, et qui, même avec une ou deux bévues (pour ne rien céler), triompha si incontestablement auprès de tous. […] De ce monceau de petites notes inachevées, il s’agissait donc de tirer, de sauver, comme d’un naufrage, quelque chose qui donnât au public une idée de ses dernières méditations.
J’aime à croire que cette sorte de découragement et de dépit ajouta, chez quelques-uns, à l’incomplet du talent et contribua au chétif emploi qu’ils en tirent ; c’est du moins une excuse. […] Si je vous quitte le dernier, N’en tirez pas grand avantage : Je fus dégoûté le premier. […] En paraissant admettre comme correctif que probablement la dame, en cela, n’avait suivi que des idées poétiques qui ne tirent pas à conséquence, Bayle a soin d’ajouter tout aussitôt, selon sa méthode de nous dérouter : « Ce n’est pas qu’on ne puisse cacher beaucoup de libertinage sous les priviléges de la versification. » A côté des vers du Ruisseau, on en trouverait bon nombre d’autres notables par la portée philosophique, et moins contestables pour la doctrine. […] Ce fut pendant ce même souper que ma mère fit ce fameux sonnet : Dans un fauteuil doré, Phèdre tremblante et blême… » Je tire ce récit des manuscrits de Brossette. — Mettez-vous à la place de la femme auteur à qui on refuse une loge ; il y a là, à ses torts envers Racine, une circonstance atténuante.
d’Aiguillon, qui, s’en étant servi quatre ans plus tôt pour se tirer des horreurs d’un procès criminel, l’avait employée depuis pour l’aider à se venger de tous ses ennemis, c’est-à-dire de tous les gens honnêtes, et pour se servir de tout le crédit qu’elle avait sur la faiblesse apathique du roi. […] En conséquence, on tira au roi la valeur de quatre grandes palettes. […] Je n’oublierai jamais que Lemonnier lui ayant dit qu’il était nécessaire qu’il fît voir sa langue, et le lit n’étant ouvert que de façon à laisser approcher à la fois l’un deux, il la tira d’un pied appuyant ses deux mains sur ses yeux, que la lumière incommodait, et la laissa tirée plus de six minutes, ne la retirant que pour dire après l’examen de Lemonnier : « À vous, Lassonne » ; et puis : « À vous, Bordeu » ; et puis : « À vous, Lorry », etc. ; et puis, et puis, enfin jusqu’à ce qu’il eût appelé l’un après l’autre tous ses docteurs, qui témoignaient chacun à leur manière la satisfaction qu’ils avaient de la beauté et de la couleur de ce précieux et royal morceau.
Écartez l’un de l’autre les coins de la bouche, il devient gai aussitôt ; tirez les sourcils l’un vers l’autre et vers le bas, aussitôt il devient grognon et triste ; et parfois, au réveil, il peut témoigner des émotions insurmontables dans lesquelles l’ascendant de l’attitude l’a jeté et enchaîné. […] Ainsi, levez la main du patient au-dessus de sa tête et fléchissez ses doigts sur la paume, l’idée de grimper, de se balancer, de tirer une corde est provoquée. Si au contraire vous lui fléchissez les doigts tout en laissant pendre son bras le long de son côté, l’idée qui s’éveille en lui est celle de soulever un poids ; et, si les doigts sont fléchis, pendant que le bras est porté en avant dans la position de donner un coup, c’est l’idée de boxer qui surgit. » Et aussitôt l’hypnotisé complète l’action, je veux dire qu’il se met à boxer, à soulever péniblement son bras, à remuer ses membres pour grimper, pour se balancer ou pour tirer. […] Enfin ils lui dirent que l’homme qui, en ligne, était le plus près de lui, venait de tomber ; aussitôt il sauta hors de son lit, s’élança hors de la tente, et fut tiré du péril et du rêve en trébuchant sur les cordes des piquets. — Après ces expériences, il n’avait point de souvenir distinct de ses rêves, mais seulement un sentiment confus d’oppression et de fatigue, et, d’ordinaire, il disait à ses amis qu’il était sûr qu’ils lui avaient joué quelque tour. » Le somnambulisme artificiel met l’esprit dans un état semblable.
Le bonasse Régent, qui l’avait embastillé, s’était laissé tirer une pension par une dédicace ; et plus tard, au moment où le ministère venait de le contraindre à imprimer clandestinement à Rouen sa Henriade, dont les exemplaires entraient la nuit à Paris dans les fourgons de la marquise de Bernière, Voltaire poussait sa première pointe à la cour, il recevait une pension sur la cassette de Marie Leczinska ; cette petite dévote se laissait ensorceler par l’esprit du poète, à qui la tête tournait en s’entendant appeler familièrement par la reine : « mon pauvre Voltaire ». […] » et il tire la morale de son aventure : « J’ai besoin de plus d’une consolation ; ce ne sont point les rois, ce sont les belles-lettres qui les donnent. » La désillusion était complète ; la brouille n’était plus qu’une question de temps515. […] Il traversa l’Allemagne, on sait avec quelles aventures héroï-comiques : arrêté à Francfort, il eut de la peine à se tirer des mains d’un agent prussien qui réclamait un volume de poésies du roi son maître. […] Il semble bien que ce soit l’Angleterre qui lui ait révélé la science et le parti qu’on en pouvait tirer.
Mais cette préférence ne me gâte ni le plaisir que j’ai à apprendre dans Montesquieu des choses si considérables avec si peu d’efforts, ni les nouveautés de cette étude du cœur humain transportée de l’homme aux sociétés, et de l’individu aux nations, ni les beautés de ces portraits des grands personnages historiques, tirés de la demi-obscurité où les avait laissés l’art ancien, et qui nous font lire dans ces âmes profondes avec l’œil de Montesquieu ; ni tout cet esprit des Lettres persanes, assaisonnant les vérités les plus élevées ; ni cette langue si neuve, qui a gardé la justesse et la propriété de l’ancienne, et qui la rajeunit sans y mettre de fard. […] Une grande dame d’alors qui l’y voyait, Mme de Chaulnes, disait de lui, ne croyant pas le louer : « Cet homme venait faire son livre dans la société ; il retenait tout ce qui s’y rapportait ; il ne parlait qu’aux étrangers dont il croyait tirer quelque chose. » Son travail est à la fois un labeur de bénédictin et un plaisir d’épicurien. […] Après ces enseignements, et comme au sortir de cette grande école, voici qu’une littérature nouvelle, « engageante et hardie », vient tirer le lecteur de lui-même, l’appelle au dehors, lui fait voir, au lieu de l’homme abstrait, l’habitant d’un pays et le citoyen d’une ville ; au lieu d’un type de société formé d’honnêtes gens qui s’occupent de leur réforme intérieure, sous une puissance établie de Dieu, des sociétés aussi diverses que les climats, les territoires et les religions. […] Entre l’idéal de l’autorité, tel qu’il apparut à Bossuet sous la forme de la monarchie absolue, tempérée par des lois fondamentales, et les dangereuses rêveries du Contrat social, il manque un corps de doctrines tirées de la science des besoins de l’homme et de l’expérience comparée des sociétés humaines, supérieur à toutes les formes de gouvernement et pouvant les perfectionner toutes.