Si l’on peut dire que le romantisme a consisté, pour une bonne part, dans le goût du pittoresque à outrance et des effets violents, on conçoit qu’il ait tourné assez rapidement au réalisme ; car, dès qu’il s’agit de forcer l’attention et d’ébranler les nerfs des dégoûtés, l’art qui peint la réalité contemporaine et qui en respecte ou en exagère les brutalités y réussira mieux que celui qui s’attarde aux âges passés ou qui donne aux choses d’aujourd’hui un air de fiction, l’air de « n’être pas arrivées » Notez que, d’un autre côté, par son développement naturel, parallèle, semble-t-il, aux progrès du sens critique et à l’accroissement de ses exigences, le roman tendait au réalisme. […] Je veux dire d’abord que MM. de Goncourt sentent avec une extrême vivacité et perçoivent dans un extrême détail les objets, les spectacles qui les entourent ; et que, tout secoués et presque souffrants de ces impressions multiples, délicates et quasi lancinantes (soit qu’ils les éprouvent pour la première fois ou qu’ils les retrouvent), il les traduisent sans les laisser s’amortir, dans une langue inquiète, impatiente et comme irritée d’être inégale à ce qu’elle veut rendre, et avec une fièvre où s’exagère encore l’acuité de l’impression primitive : si bien qu’on sent maintes fois dans leur style la vibration même de leurs nerfs trop tendus. […] 11 » Renée Mauperin, « la jeune fille moderne », spirituelle, tapageuse, garçonnière, artiste, tendre, fière et charmante, adore son père, pleure quand, voulant la marier, il lui dit qu’il ne sera pas toujours là, ne peut jouer sans pleurer la Marche funèbre de Chopin. […] Il se trouvait que ce farceur, ce paradoxeur, ce moqueur enragé des bourgeois avait, pour les choses de l’art, les idées les plus bourgeoises, les religions d’un fils de Prudhomme… Il avait le tempérament non point classique, mais académique comme la France…12 … Ce tableau était, en un mot, la lanterne magique des opinions d’Anatole, la traduction figurative et colorée de ses tendances, de ses aspirations, de ses illusions… Cette sorte de veulerie tendre qui faisait sa bienveillance universelle, le vague embrassement dont il serrait toute l’humanité dans ses bras, sa mollesse de cervelle à ce qu’il lisait, le socialisme brouillé qu’il avait puisé çà et là dans un Fourier décomplété et dans des lambeaux de papiers déclamatoires, de confuses idées de fraternité mêlées à des effusions d’après boire, des apitoiements de seconde main sur les peuples, les opprimés, les déshérités, un certain catholicisme libéral et révolutionnaire, le Rêve de bonheur de Papety entrevu à travers le phalanstère, voilà ce qui avait fait le tableau d’Anatole … 13 Anatole présentait le curieux phénomène psychologique d’un homme qui n’a pas la possession de son individualité, d’un homme qui n’éprouve pas le besoin d’une vie à part, d’une vie à lui, d’un homme qui a pour goût et pour instinct d’attacher son existence à l’existence des autres par une sorte de parasitisme naturel, etc. […] Ils s’évertuent à rendre leur style adéquat à leurs sentiments et à leurs sensations : ils trouvent que la langue ordinaire, telle qu’elle est établie par l’usage même de grands écrivains, y est impuissante : ils l’enrichissent audacieusement de vocables nouveaux et de tournures imprévues, troublent toutes ses habitudes, la tendent et la violentent à la faire crier.
Comme tout ce qui existe, elles tendent à exister pour elles-mêmes, à se hausser au rang d’une fin, à négliger les désirs égoïstes de l’homme aussi bien que son instinct social. […] Et si vous me dites que je tends ainsi à ruiner votre société, pourquoi m’en inquiéterais-je ? […] Mais par cela seul qu’une forme sociale s’est réalisée, elle tend forcément à réprimer les fantaisies individuelles, les désirs égoïstes qui la mettent en danger. […] Il dirige en ce sens nos sentiments et nos idées, ou du moins il tend à les diriger, car d’autres tendances s’y efforcent aussi, et lui-même se divise souvent, et tout ce qu’il crée ou façonne tend à vivre pour soi-même et doit être constamment surveillé et maintenu.
Instinctivement Parsifal tend son arc et lui décoche une flèche. […] » Il faut donc se rappeler que l’esthétique de Wagner tend à poser les lois du drame musical qu’elle conçoit comme l’œuvre d’art suprême, et nullement à édicter des règles générales sur la musique et la poésie. […] Les individus d’abord errants et disconnexes, se sont agrégés en familles puis celles-ci en tribus ; les tribus se sont constituées en nations, comme des fiefs réunis en provinces sont sortis les royaumes ; ceux-ci se sont assemblés en alliances qui tendent de plus en plus à englober des continents et des races. […] Historiquement, son esthétique paraît tendre expressément à ressusciter l’ancien drame grec ; en soi elle constitue apparemment un système de condensation, mais d’autre part elle semble entièrement étrangère au progrès par la spécialisation et la définition des parties. […] XI : Le Drame Allemand : — Le style idéal de Bayreuth exige, pour sa manifestation, cet endroit unique, exclusif, consacré ; mais on peut espérer que ce qui existe là comme la sphère même de l’Idéal, soit de loin aperçu comme un horizon vers lequel tendent des aspirations artistiques très différentes.
Comme toute créature, l’homme tend, par économie de forces, à persister dans son être, à le modifier le moins possible pour s’adapter aux circonstances physiques ou sociales qui varient autour de lui. […] Tout être vivant tend à se défendre contre les changements que lui impose la nature ; c’est là un fait primordial et universel que les évolutionnistes ont eu tort de ne pas apercevoirdg. […] Mais l’homme tend à persister en son être moral autant qu’en son être physique, et la défense contre le dehors devenant plus facile, la société progressant de l’état sauvage à l’état barbare, s’étendant, se compliquant et se relâchant, il y aura de faibles tentatives d’affranchissement des âmes qui se sentent souffrir de ce qu’aiment leurs proches. […] Que l’on considère que les sociétés primitives, en vertu des lois du progrès, tendront à devenir plus hétérogènes, à s’agréger à d’autres pour former une confédération supérieure d’États, à se diviser et à s’assembler en nations, en vastes empires. […] On verra aisément dans l’histoire et le roman modernes des faits plus marqués encore de cette indépendance réciproque des couches sociales ; c’est qu’en effet cette indépendance existe et s’accuse ; les sociétés, par un effet graduel d’hétérogénéité, tendent à se décomposer en un nombre croissant de milieux, et ceux-ci en individus de moins en moins semblables, libres, de plus en plus, de suivre chacun ses inclinations personnelles et d’aller aux œuvres qu’il lui convient d’admirerdw.
Chant est d’un peintre exercé ; le neuviéme Chant respire les graces tendres & touchantes. […] Plus pur, plus élégant, plus tendre, Et parlant au cœur de plus près, Nous attachant sans nous surprendre, Et ne se démentant jamais, Racine observe les portraits De Bajazet, de Xypharès De Britannicus, d’Hyppolite ; A peine il distingue leurs traits ; Ils ont tous le même mérite, Tendres, galans, doux & discrets Et l’amour qui marche à leur suite, Les croit des courtisans François. […] Les ames romaines préférent le sublime Corneille à tous les tragiques, les cœurs sensibles le tendre Racine ; les esprits mélancoliques le sombre Crebillon. […] Ses Elegies sont tendres & délicates.
Acte II, scène viii, Valère reçoit une lettre d’Isabelle : j’approuve que son âme passe tout entière dans ses yeux, pour savoir promptement s’il est aimé ; mais, une fois sûr d’un tendre retour, ne devrait-il pas respirer ? ne devrait-il pas au moins payer d’un soupir tant d’expressions tendres, tant de traits délicats échappés successivement du cœur de son amante ? […] S’il paraît l’avoir moins consacrée à sa gloire qu’à sa tendre amitié pour ses camarades, et à sa reconnaissance pour son roi, rendons justice aux motifs qui ont dicté les deux pièces, mais sans renoncer au plaisir d’y trouver le grand homme. […] Troisièmement, la mauvaise plaisanterie de Dorine, en faisant rire le parterre, n’affaiblit-elle pas le tendre intérêt que l’auteur veut inspirer pour un honnête homme persécuté par un scélérat ? […] Je comprends encore moins pourquoi Molière, en ourdissant son canevas, a tendu deux fils qui ne devaient servir à rien.
Tout ce qu’il pense, tout ce qu’il dit ne tend qu’à accréditer une Philosophie Epicurienne d’autant plus dangereuse, qu’il a su la réduire en sentiment.
Ségrais a évité cet écueil ; les idées, les sentimens, les expressions de ses Bergers sont analogues à l'ingénuité de leurs mœurs ; ils sont tendres, naïfs, & non Métaphysiciens.
Il résulte de cette croyance que toute constatation de fait tend, en langage humain, à se formuler en règle morale ; car l’illusion engendrée par le reflet de l’activité dans la conscience est si forte qu’elle domine les formes du langage et qu’elle a laissé dans les mots son empreinte.
« — Il est d’autres objets où tend l’humanité. […] Les opinions reçues lui ont été si favorables que l’avantage serait plus grand pour moi de l’approuver que de le réfuter ; mais l’intérêt de l’amour-propre ne doit pas nous détourner de tendre au vrai but de l’art. […] L’action comique, c’est-à-dire, celle qui tend à corriger par le rire, est de deux espèces, simple ou compliquée. […] Il veut que tout aille au but, que tous les ressorts tendent à l’action, et retranche les mobiles étrangers qui n’y concourent pas. […] La raison en est simple ; c’est qu’il est véhément, expansif, exalté ; que ses sentiments, loin de se contenir, tendent violemment à s’exhaler au-dehors : il en est de même d’Harpagon, dont l’inquiétude active ne peut se réprimer.
Mais Vénus, ironique, presque menaçante, la pousse des deux mains vers le lit adultère, comme dans un piège tendu par les dieux. […] Quand son nom ne signerait pas les siennes, sa manière molle et ardente, spirituelle et tendre, les désignerait entre mille. […] Le peuple tend le dos et ne fait qu’en rire. […] Elles sont courtes, serrées, précises, tendues au fait, dénuées d’agrément. […] On eût dit un vent africain souillant dans les bosquets du Pays de Tendre.
Gérardy nous tend ses délectables Pages de joie.
On leur rendroit cependant un grand service d’en retrancher une infinité de mots surannés, pour lesquels Mlle de Gournay a toujours eu la plus tendre affection, ce qui engagea Ménage à la faite figurer dans sa Requête des Dictionnaires.
Si l'expression de la sensibilité inépuisable de son cœur paroît quelquefois emprunter le langage de l'esprit, ce n'est que pour produire de ces traits fins & délicats, fruit d'une imagination tendre & vive, & rendus dans un style qui peint & anime tout.