Sainte-Beuve Il y a dans la manière de Madame Tastu la nuance d’animation ménagée ; la blanche pâleur, si tendre et si vivante, où le vers est, pour la pensée, comme le voile de Saphoronie, sans trop la couvrir et sans trop la montrer ; la grâce modeste qui s’efface pudiquement d’elle-même, et enfin cette gloire discrète, tempérée de mystère qui est, à mon sens, la plus belle pour une femme-poète.
Quand nous disons pleines de philosophie, nous ne prétendons pas parler de cette philosophie bizarre, qui eût peut-être accrédité cet Ouvrage chez les esprits frivoles, & en eût fait pardonner les défauts en faveur de la hardiesse des sentimens & de l’enflure du style ; nous parlons de cette philosophie qui tend à éclairer les hommes, & à les garantir de l’illusion.
Elle est assez communément noble, facile, ingénieuse, tendre, & délicate.
De fait, l’œil n’étant autre chose qu’un sens, c’est-à-dire en définitive un nerf tendu de la périphérie au centre, ne peut qu’enregistrer certaines vibrations. […] En vain l’iris se tord, profère à tous les vents le cri de son parfum, se tend de tout son vouloir vers les étoiles, sa corolle retombe exténuée sur le sol. […] Elles s’épanouissent à nouveau d’époque en époque, mais les unes après les autres et non plus tendues dans un seul équilibre, tant qu’elles finissent par se tourner les unes contre les autres. […] Vous souvient-il que cette année 1893 fut particulièrement heureuse et tendre. […] On a accusé ces derniers d’obscurité, alors que leurs efforts ont tendu, de toute leur foi lyrique, à la renaissance d’une poésie rustique, ingénue et de primesaut.
Esquiros tend à inspirer par ses vers l’amour et la fréquentation des beautés naturelles du monde, telles que les varie le cours harmonieux des saisons ; c’est là une prédication aussi haute que morale… On doit à M.
La craintive et tendre Desdémona, tout d’un coup, en plein sénat, devant son père, renonce à son père ; elle ne songe pas un instant à lui demander pardon, ni à le consoler. […] si tendre pour ma mère, — qu’il n’aurait pas souffert que les vents du ciel — vinssent trop rudement visiter son visage. […] On suit les mélodies tendres ou gaies sans réfléchir qu’elles interrompent l’action. […] Il est triste parce qu’il est tendre ; il sent trop vivement le contact des choses, et ce qui laisse indifférents les autres le fait pleurer306. […] Il noue et dénoue ces amours comme des chœurs de danse, et l’on voit passer auprès des buissons verts, sous les yeux rayonnants des étoiles, ces nobles et tendres figures, tantôt humides de larmes, tantôt illuminées par le ravissement.
Celles-ci tendent également à renaître, et la loi qui s’applique aux éléments s’applique également aux composés. […] En effet, quand l’image de la forme aperçue tend à renaître, elle entraîne avec elle les images de ses différents accompagnements. […] Chaque sensation faible ou forte, chaque expérience grande ou petite, tend à renaître par une image intérieure qui la répète et qui peut se répéter elle-même, après de très longues pauses, et cela indéfiniment. Mais comme les sensations sont nombreuses, et à chaque instant remplacées par d’autres, sans trêve ni fin, jusqu’au terme de la vie, il y a conflit de prépondérance entre ces images, et, quoique toutes tendent à renaître, celles-là seules renaissent qui possèdent les prérogatives exigées ; par les lois de la renaissance ; toutes les autres demeurent inachevées ou nulles, selon les lois de l’effacement. — Incessamment, en vertu de cette double loi, des groupes d’aptitudes efficaces deviennent inefficaces, et les images retombent de l’existence réelle dans l’existence possible.
Un prophète, dans la Bible, mange un livre que lui tend un ange, et l’esprit de ce livre l’emplit aussitôt ; il le sait et il le répète comme s’il l’avait appris mot par mot. […] Eh bien donc, vogue au gré des vents, lancée vers les flots du Cocyte, toute la race de Laios haïe d’Apollon » — La supplication des femmes persévère avec une tendre pitié. — « C’est un affreux désir qui te porte à ce meurtre fécond en fruits amers, à répandre sur la terre un sang défendu. » Mais Étéocle voit ce que le Chœur ne voit pas, l’Erynnis qui le tient et qui lui fait signe, la Malédiction qui le somme d’exécuter ce qu’elle a juré. — « Non, c’est l’Imprécation de mon père qui veut être accomplie ! […] Avant cela, cette ville sera renversée de son faîte, puisque son défenseur a péri, toi qui la protégeais, et ses femmes fidèles et ses petits enfants. » Et elle termine par ce regret d’une spiritualité pénétrante. — « Hector, tu me laisses en proie à d’affreuses douleurs, car en mourant tu ne m’as point tendu les bras de ton lit, et tu ne m’auras point dit quelque sage parole dont je puisse me souvenir, les jours et les nuits, en versant des larmes. » — La vieille Hécube vient ensuite ; plus haineuse et plus sombre dans son désespoir. […] Mais il convient que nous chantions avant elles l’hymne discordant d’Erynnis, et que l’odieux pœan soit entendu par Hadès. » — Un tendre mouvement de pitié les incline vers les tristes sœurs. — « Hélas !
C’est ainsi, qu’à l’heure actuelle, le prolétariat de tous les pays tend à solidariser ses intérêts, indépendamment et au-dessus parfois des distinctions nationales qui classent ses membres parmi des groupes nationaux différents. […] Les faibles de naguère tendent à devenir les forts d’aujourd’hui et déjà l’on peut redouter que cette force nouvelle, devenue tyrannique, ne détermine une forme nouvelle de l’oppression et ne supprime la liberté individuelle qui aura pu fleurir durant peut-être un bref laps de temps grâce à l’incertitude d’une lutte encore inégale entre deux principes contraires. […] Une attitude d’utilité, elle l’est même pour lui doublement : dans l’intérieur du groupe, en tant qu’elle y atténue les égoïsmes individuels entre nationaux, hors du groupe, en ce que, propagée parmi les autres nations sous son déguisement de vérité universelle, elle tend à les affaiblir, à les désarmer et à en faire des proies. […] La croyance nouvelle tendait à fonder le droit successoral sur la parenté par le sang dont elle reconnaissait déjà l’importance jusque-là sacrifiée.
Si, du moins, à mesure que les sociétés passent des types inférieurs aux plus élevés, le taux de la criminalité, c’est-à-dire le rapport entre le chiffre annuel des crimes et celui de la population, tendait à baisser, on pourrait croire que, tout en restant un phénomène normal, le crime, cependant, tend à perdre ce caractère. […] Mais les deux seuls arguments sur lesquels il appuie cette distinction sont les suivants : l° Le mot de maladie signifie toujours quelque chose qui tend à la destruction totale ou partielle de l’organisme ; s’il n’y a pas destruction, il y a guérison, jamais stabilité comme dans plusieurs anomalies. […] Plusieurs faits que nous avons indiqués à propos du suicide (voir Le Suicide, p. 420 et suiv.) tendent, au contraire, à nous faire croire que ce développement est, en général, morbide.
Quand les sociétés n’ont plus la flamme qui crée les grandes œuvres et l’intérêt palpitant qui s’y attache longtemps avec une passion, qui est au génie ce qu’un cœur tendre est à un grand cœur, l’amour de l’archéologie, ce touche-à-tout des vieillards redevenus enfants, s’empare de ces esprits qui baissent, et on joue aux bagatelles de l’histoire, aux curiosités, aux minuties. […] On a beau être tendre et essayer d’être léger, on n’efface pas la cuistrerie radicale qu’il y a sous ces légèretés et sous ces tendresses. — Le cuistre remonte par-dessus tout cela, le cuistre incompressible et éternel ! […] Les Précieuses, honnies depuis par les valets de Molière, génie positif qui comprenait fort peu le Royaume du Tendre, prirent la tête de cette réaction, et Mme de Hautefort fut l’une d’elles. […] âmes aussi fortes que tendres qui, après avoir jeté tant d’éclat, avez voulu vous éteindre dans l’obscurité et le silence ; enseignez-moi à sourire comme vous à la solitude, à la vieillesse, à la maladie, à la mort !
On ne saurait dire tout ce qu’il y a d’ingénieux et de combiné dans la plus tendre simplicité de l’un, dans la plus rapide indignation de l’autre ; quelle part d’étude antique détournée à l’innovation actuelle ; quels sucs nombreux et mélangés dans ces fruits tombés d’hier et de si franche saveur. […] Ce sont d’autres souvenirs du pays et de la famille, des noces singulières, des retours de vacances, des adieux et de tendres envois d’un fils à sa mère, de calmes et riants intérieurs de félicité domestique ; ce sont par endroits des confidences obscures et enflammées d’un autre amour que celui de Marie, d’un amour moins innocent, moins indéterminé et qui peut se montrer sans rivalité dans les intervalles du premier rêve, car il n’était pas du tout de même nature ; ce sont enfin les goûts de l’artiste, les choses et les hommes de sa prédilection, le statuaire grec et M.
Ballanche, le jeune homme, qui, plein de nobles et de sincères affections, repousse d’abord le temps présent, comme incomplet et aride, qui résiste aux destinées sociales encore incertaines, et se réfugie de désespoir dans un passé chimérique ; ce jeune homme, type fidèle de bien des âmes tendres de notre âge, finit par se réconcilier avec cette société nouvelle mieux comprise, et par reconnaître, à la voix du vieillard initiateur, c’est-à-dire à la voix de la philosophie et de l’expérience, que nous sommes dans une ère de crise et de renouvellement, que ce présent qui le choque, c’est une démolition qui s’achève, une ruine qui devient plus ruine encore ; que le passé finit de mourir, et que cette harmonie qu’il regrette dans les idées et dans les choses ne peut se retrouver qu’en avançant. […] L’art se souvient du passé qu’il a aimé, qu’il a compris, et dont il s’est détaché avec larmes ; mais c’est vers l’avenir que tendent désormais ses vœux et ses efforts ; sûr de lui-même, intelligent du passé, il est armé et muni au complet pour son lointain pèlerinage.
Lorsque l’autorité commet de pareils actes, il importe peu de quelle source elle se dise émanée, qu’elle se dise individu ou nation ; elle serait la nation entière, moins le citoyen qu’elle opprime, qu’elle n’en serait pas plus légitime. » L’idéologie démocratique tend à résorber toutes les libertés dans la liberté dite politique. […] Enfin, pour terminer par le troisième et dernier point que nous avons indiqué au début de ce chapitre, nous remarquerons que la pratique politique en vigueur dans la démocratie (suffrage universel, parlementarisme, action des partis, des ligues, des comités, etc.) tend tout entière et aboutit à asservir les individus à des groupes, à des mots d’ordre de groupe, à des influences collectives et anonymes.