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570. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Madame Necker. » pp. 240-263

Sa santé, dès les premiers temps, reçoit des atteintes ; c’est une altération dont on ne peut deviner la cause, mais qui tient au mal du pays, et aussi à la fatigue nerveuse qui ne fera qu’augmenter avec les années, dans cette situation nouvelle où la fortune se fait acheter par tant de devoirs et d’exigeantes convenances. […] C’est cet effort pénible qui se sent dans tout ce qu’a écrit Mme Necker, et qui contribua à miner sa santé avant le temps. […] Faisant la revue de ses richesses au moral : « Je les réduis, dit-elle, aux idées religieuses et aux idées sensibles, afin que le temps, qui s’avance, ne fasse qu’augmenter ma fortune. » Chaque jour ajoute à son dégoût pour le grand monde, où tout lui paraît factice et où son cœur trouve si peu d’aliment. […] Ainsi, lorsque je considère dans la glace mon teint flétri et mes yeux abattus, et qu’en rentrant en moi-même j’y trouve une raison plus active et plus ferme, si le temps ne m’avait pas ravi les objets d’une tendresse qui ne finira qu’avec ma vie, je ne saurais pas si je dois me plaindre de lui. […] Nos goûts sont changés, nos pensées sont affaiblies, le témoignage et l’affection d’un autre sont les seules preuves de la continuité de notre existence ; le sentiment seul nous apprend à nous reconnaître ; il commande au temps d’alléger un moment son empire.

571. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Mémoires de Marmontel. » pp. 515-538

Ce qui est à faire à l’égard de ces écrivains si estimés en leur temps et qui ont vieilli, c’est de revoir leurs titres et de séparer en eux la partie morte, en n’emportant que celle qui mérite de survivre. […] Marmontel n’a pas ce goût sévère qui avertit de s’arrêter à temps et de s’en tenir à la seule nature. […] Ainsi que la plupart des écrivains de son temps, Marmontel se faisait beaucoup d’illusions sur la bonté de l’espèce humaine. […] C’est assez pour l’honneur de sa mémoire qu’en voyant les hommes devenir tout à coup furieux et méchants, il ait arrêté à temps sa bonhomie, et ne l’ait laissée dégénérer ni en lâcheté ni en sottise. […] Dans ce choix délicat et qui demanderait plus de temps que je n’en puis donner aujourd’hui, je n’indiquerai que le petit conte intitulé Heureusement.

572. (1782) Plan d’une université pour le gouvernement de Russie ou d’une éducation publique dans toutes les sciences « Plan d’une université, pour, le gouvernement de Russie, ou, d’une éducation publique dans toutes les sciences — Plan, d’une université, pour, le gouvernement de Russie » pp. 433-452

Si l’on croyait que ces vertus, fruits du temps et des lumières, sont de convention, l’on se tromperait ; elles tiennent à la science des mœurs comme la feuille tient à l’arbre qu’elle embellit. […] Sans cesse averti du sort qui l’attend s’il ne profite pas du temps et des maîtres, une menace réitérée l’aiguillonne. […] Toutes ses belles connaissances lui seraient infiniment utiles s’il s’appelait Mœvius ou Sempronius et que nous rétrogradions aux temps d’Honorius ou d’Arcadius ; c’est là qu’il plaiderait, supérieurement sa cause. […] Le temps des serfs n’est plus et la jurisprudence féodale est restée. […] La chronologie et les premiers principes de la science économique, ou de l’emploi le plus avantageux de son temps et de ses talents.

573. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXVIII. Des obstacles qui avaient retardé l’éloquence parmi nous ; de sa renaissance, de sa marche et de ses progrès. »

Quoique les Grecs de ce temps-là fussent aussi loin peut-être de ressembler aux Grecs du temps de Constantin et de Julien, que ceux-ci étaient éloignés des Grecs du temps de Périclès et d’Alexandre, cependant ils parlaient toujours la langue d’Homère et de Platon ; ils cultivaient les arts ; et ces plantes dégénérées, à demi étouffées par un gouvernement féroce et faible, et par une superstition qui resserrait tout, portaient encore au bout de quinze cents ans, sur les bords de la mer Noire, des fruits fort supérieurs à tout ce qui était connu dans le reste de l’Europe. […] On peut dire de son temps qu’il avait, pour ainsi dire, fondu dans l’ancienne naïveté gauloise toutes les richesses nouvelles, et qu’en conservant l’esprit général de la langue, il en avait fait disparaître les mélanges qui semblaient l’altérer. […] D’ailleurs, l’étude même des anciens, et notre première admiration pour Athènes et pour Rome, dans un temps où notre goût n’était pas encore formé, purent nous égarer. […] quel est aujourd’hui, dans presque tous les États, le lieu et le temps où un homme éloquent puisse sauver sa patrie ? […] Les grands objets inspirent de grandes idées ; il est impossible de n’être pas quelquefois sublime en parlant de Dieu, de l’éternité et du temps.

574. (1861) Cours familier de littérature. XI « LXIIIe entretien. Cicéron (2e partie) » pp. 161-256

C’est l’amour de la campagne qui multipliait en lui le goût et le temps des études. […] Combien de temps encore ta fureur osera-t-elle nous insulter ? […] Ô temps ! […] toi, nommé dans tous les temps le soutien de l’empire romain ! […] Le zéphyr lui-même semble nous murmurer qu’il est temps de rentrer dans nos barques.

575. (1861) Cours familier de littérature. XII « LXXe entretien. Critique de l’Histoire des Girondins » pp. 185-304

Pour que le temps nous fasse grâce, faisons-nous justice : nous y gagnerons tous. […] L’âge n’a-t-il pas eu de tout temps l’autorité de la présomption de sagesse ? […] Ils sont présumés intéressés, versatiles, adulateurs du temps qui court, apostats de leur tradition et d’eux-mêmes. […] Le temps sait tout ; et nous ne pouvons savoir quelque chose qu’en l’associant à nos ignorances et en lui demandant ses secrets. […] Après avoir attendu quelque temps que je prisse à mon tour la parole, et voyant que je continuais à me taire, M. 

576. (1864) Cours familier de littérature. XVII « CIe entretien. Lettre à M. Sainte-Beuve (1re partie) » pp. 313-408

L’esprit de parti n’est que le lieu commun des sots qui se font passer un certain temps pour des hommes d’esprit ; l’immortalité ne les connaît pas. […] Vainement il essaya de secouer cette idée, et de continuer quelque temps sa marche : le charme avait disparu ; il revint à la hâte sur ses pas, et se renferma tout le jour. […] Avec quel attendrissement grave et quel coup d’œil mélancolique jeté sur l’humanité, sa mémoire le reportait alors aux orages des derniers temps ! […] Ce volume parut à peu près en ce temps-là. […] Lamartine m’en remercia par une lettre qui exprime bien les préoccupations et les pensées de ce temps, et qui en fixe exactement la nuance.

577. (1887) Journal des Goncourt. Tome II (1862-1865) « Année 1862 » pp. 3-73

… Car enfin on ne peut s’abstraire de son temps. […] Mais enfin dans ce temps il n’y a pas d’air. […] C’est plein de m…. ce temps-là. […] C’est le temps de mon traité, mon Dieu ! […] Les passions politiques ont eu le temps de s’apaiser depuis douze ans.

578. (1896) Journal des Goncourt. Tome IX (1892-1895 et index général) « Année 1893 » pp. 97-181

Je parle à Carrière des choses homicides de ce temps, entre autres de la cherté de la vie. […] Au bout de quelque temps, j’éprouve pour ce spectacle des acteurs en bois, la répulsion que me donne la vision de fous. […] On m’a dit que, maintenant à Paris, dans l’intimité amoureuse, les femmes n’ôtaient pas leurs bas ; de mon temps, nous les ôtions !  […] Et quelle traduction chez eux de la beauté des femmes du temps, qui est toute monastique, et dont les portraits des jeunes et des vieilles, ont l’air de portraits d’abbesses ! […] C’est chez elle une parole juste, sensée, technique, une parole coupée par des temps, et comme sortant du somnambulisme d’un être.

579. (1803) Littérature et critique pp. 133-288

Mais, depuis ce temps, elles sont revenues à mon souvenir. […] Ô temps des plus douces espérances ! […] On ne pouvait le remplir qu’à l’aide de la méditation et du temps. […] Une femme de nos temps modernes ne ressemble pas sans doute à la femme d’Ulysse. […] Mais il est temps de finir.

580. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 1, idée generale de la musique des anciens et des arts musicaux subordonnez à cette science » pp. 6-19

Il est à mon sens le plus methodique de ces ouvrages ; et comme son auteur grec de nation frequentoit tous les jours les romains, puisqu’il a vécu dans le temps que tous les païs habitez par les grecs étoient soumis aux successeurs d’Auguste, il a dû sçavoir l’usage qu’on faisoit de la musique à Rome et dans la Grece. […] L’art rithmique donnoit des regles pour assujettir à une mesure certaine tous les mouvemens du corps et de la voix, de maniere qu’on pût en battre les temps, et les battre du mouvement convenable et propre au sujet. […] L’un de ces arts qui étoit le metrique ou le mesureur, enseignoit à réduire sous une mesure certaine et reglée, toute sorte de gestes en toute sorte de sons, qui pouvoient être assujetis à suivre les temps d’une mesure, et l’art rithmique n’enseignoit plus qu’à bien battre cette mesure, et principalement à la battre d’un mouvement convenable. […] Cet écrivain judicieux observe encore en un autre endroit que dans les temps precedens la profession d’enseigner la musique et celle d’enseigner la grammaire avoient été unies, et qu’elles étoient alors exercées par le même maître. […] En un mot, tous les écrits des anciens font foi, que la musique passoit de leur temps pour un art necessaire aux personnes polies, et qu’on regardoit alors comme des gens sans éducation, et comme on regarde aujourd’hui ceux qui ne sçavent point lire, les personnes qui ne sçavoient pas la musique.

581. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre XI. Première partie. Conséquences de l’émancipation de la pensée dans la sphère des idées religieuses » pp. 315-325

Ma parole ne passera point , a dit l’Être par excellence, le seul Être inconditionnel, l’Être sans succession de temps. […] Par la religion, la parole ne cessera de régner sur le genre humain jusqu’à la fin des temps. […] Dès lors on n’a rien à redouter des prérogatives du Saint-Siège ; et ce que nous avons appelé les libertés de l’église gallicane, qui peut-être dans un temps nous a préservés de la contagion des hérésies, est devenu absolument sans objet. […] Dites-moi combien de temps le genre humain s’est reposé dans la paix ! […] Il s’agissait de délivrer un tombeau, le tombeau de celui qui racheta la nature humaine, le seul tombeau qui n’aura rien à rendre à la fin des temps, pour me servir d’une belle expression de M. de Chateaubriand.

582. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXV. De Paul Jove, et de ses éloges. »

Il nous apprend qu’elle était bâtie sur les ruines mêmes de la maison de campagne de Pline ; de son temps, les fondements subsistaient encore, et quand l’eau était calme, on apercevait au fond du lac des marbres taillés, des tronçons de colonnes et des restes de pyramides qui avaient orné le séjour de l’ami de Trajan. […] On peut dire qu’il avait une collection de grands hommes, comme dans d’autres temps on a fait des collections d’histoire naturelle ; il fut aidé dans cette recherche par des particuliers et des souverains. […] En Espagne, vous trouverez Ferdinand-le-Catholique, qui chassa et vainquit les rois Maures, et trompa tous les rois chrétiens ; Charles-Quint, heureux et tout-puissant, politique par lui-même, grand par ses généraux, et cette foule de héros dans tous les genres qui servaient alors l’Espagne ; Christophe Colomb, qui lui créa un nouveau monde ; Fernand Cortez qui, avec cinq cents hommes, lui soumit un empire de six cents lieues ; Antoine de Lève qui, de simple soldat, parvint à être duc et prince, et plus que cela grand homme de guerre ; Pierre de Navarre, autre soldat de fortune, célèbre par ses talents, et parce que le premier il inventa les mines ; Gonzalve de Cordoue, surnommé le grand Capitaine, mais qui put compter plus de victoires que de vertus ; le fameux duc d’Albe, qui servit Charles-Quint à Pavie, à Tunis, en Allemagne, gagna contre les protestants la bataille de Mulberg, conquit le Portugal sous Philippe II, mais qui se déshonora dans les Pays-Bas, par les dix-huit mille hommes qu’il se vantait d’avoir fait passer par la main du bourreau ; enfin, le jeune marquis Pescaire, aimable et brillant, qui contribua au gain de plusieurs batailles, fut à la fois capitaine et homme de lettres, épousa une femme célèbre par son esprit comme par sa beauté, et mourut à trente-deux ans d’une maladie très courte, peu de temps après que Charles-Quint eut été instruit que le pape lui avait proposé de se faire roi de Naples. […] Partout les intérêts religieux se mêlaient aux intérêts politiques et les crimes aux grandes actions ; tel était l’esprit de ce temps ; et parmi ces dangers, ces espérances, ces craintes, il dut naître une foule d’âmes extraordinaires dans tous les rangs, qui se développèrent, pour ainsi dire, avec leur siècle, et qui en reçurent le mouvement, ou qui donnèrent le leur. […] Enfin, pour connaître l’esprit de ce temps-là, il ne sera pas inutile d’observer que Paul Jove loue avec transport ce Pic de La Mirandole, l’homme de l’Europe, et peut-être du monde, qui à son âge eût entassé dans sa tête le plus de mots et le moins d’idées ; qu’il n’ose point blâmer ouvertement ce Jérôme Savonarole, enthousiaste et fourbe, qui déclamant en chaire contre les Médicis, faisait des prophéties et des cabales, et voulait, dans Florence, jouer à la fois le rôle de Brutus et d’un homme inspiré ; qu’enfin il loue Machiavel de très bonne foi, et ne pense pas même à s’étonner de ses principes : car le machiavélisme qui n’existe plus sans doute, et qu’une politique éclairée et sage a dû bannir pour jamais, né dans ces siècles orageux, du choc de mille intérêts et de l’excès de toutes les ambitions joint à la faiblesse de chaque pouvoir, fait uniquement pour des âmes qui suppléaient à la force par la ruse, et aux talents par les crimes, était, pendant quelque temps, devenu en Europe la maladie des meilleurs esprits, à peu près comme certaines pestes qui, nées dans un climat, ont fait le tour du monde, et n’ont disparu qu’après avoir ravagé le globe.

583. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Charles-Victor de Bonstetten. Étude biographique et littéraire, par M. Aimé Steinlen. — III » pp. 455-479

Seulement il confondait un peu trop les temps et attribuait à la poésie de Virgile ce qui n’est vrai que de la poésie homérique. […] À Rome, on a le sentiment qu’on domine le temps et la mort avec laquelle on aime à vivre. […] Les couleurs se perdent avec le temps, et l’esprit, ne trouvant plus dans la mémoire que des objets décolorés, se ternit.  […] Dans les tout derniers temps, l’âge l’avait atteint, ses yeux le quittaient ; sa vie intérieure restait la même. […] [NdA] Une amie des derniers temps, qui avait beaucoup voyagé.

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