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508. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre vii »

C’était la devise, c’était l’âme des études de Joseph Déchelette, qui fut tué le 3 octobre 1914 à la tête de sa compagnie. […] Il prend part aux attaques des 8, 9 et 10 mai ; blessé légèrement, il refuse d’être évacué et entre dans Carency le premier de tous, à la tête des hommes qui emportent le fortin. […] Je m’en voudrais de m’en faire orgueil et je me contente de porter cette croix la tête haute, sachant qu’elle n’est pas un fruit d’injustice. […] Que l’enthousiasme monte vos têtes, que l’honneur électrise vos cœurs, que le feu sacré de la victoire brille dans vos yeux, qu’en arborant les marques insignes de la gloire vos âmes soient exaltées !‌ […] Le 66e a l’honneur d’attaquer et le 1er bataillon en tête, le mien.

509. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Chateaubriand — Chateaubriand, Vie de Rancé »

On raconta donc qu’étant à la campagne lorsque arriva cette mort imprévue de la plus belle personne de la Cour, et qui le préférait à tous les autres, il revint sans en être informé, et que, montant tout droit dans l’appartement dont il savait les secrets accès, il trouva l’idole non-seulement morte, mais encore décapitée ; car les chirurgiens avaient, dit-on, détaché cette belle tête pour la faire entrer dans le cercueil trop court. L’imagination émue des conteurs ne s’arrêta pas en si beau chemin, et il ne coûta rien d’ajouter que cette tête si chère, emportée par lui, devint plus tard l’objet de ses méditations à la Trappe, le signe transformé, et présent à toute heure, de son culte pénitent.  […] Si l’histoire du saint personnage n’est écrite de main habile et par une tête qui soit au-dessus de toutes vues humaines, autant que le ciel est au-dessus de la terre, tout ira mal. […] Fi des nuages qui volent sur une tête blanchie ! » Ce saint qui ne retourne jamais la tête, qui la cache sous le froc et sous la cendre, qui s’abîme, qui s’humilie et s’accuse, mais à qui il n’échappe jamais une confidence ni un aveu, il le contemple, il l’admire par moments, il ne peut se décider à l’aimer : « Tel fut Rancé, dit-il en finissant ; cette vie ne satisfait pas : il y manque le printemps… » Et encore, parlant de la Correspondance de Rancé et de ses Lettres de piété, dont la monotonie est frappante, il a écrit ces pages qu’on nous pardonnera de tirer du milieu du livre, pour les offrir ici, à demi profanes, dans leur vérité durable et dans tout leur charme attristé ; on n’ira pas bien avant sans avoir retrouvé la touche immortelle, incomparable :  « Rancé a écrit prodigieusement de lettres.

510. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre XIV, l’Orestie. — Agamemnon. »

Et le roi Agamemnon était au milieu d’eux, semblable par les yeux et par la tête à Zeus qui se réjouit de la foudre, par la stature à Arès, et par l’ampleur de la poitrine à Poséidon. […] Hélène est toujours la femme d’autrefois. » Cette beauté venait de la protéger dans les massacres de Troie, contre l’épée de Ménélas dressée sur sa tête : en la revoyant, le glaive était tombé des mains de l’époux ravi. […] Sa harangue hardiment perfide encense la victime ; c’est avec une sorte d’effronterie grandiose que le faux amour y grimace : la tête de Méduse sourirait ainsi. […] Cassandre se précipite, tête basse, dans le palais meurtrier : la porte roule et retombe sur elle comme la pierre d’un tombeau. […] Ces têtes blanches tergiversent presque comiquement.

511. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Alexandre Dumas fils — Chapitre XV »

Elle s’avance bizarrement accoutrée et la tête haute, dans ce salon bruyamment hostile, le fend d’un long sillage, va droit à la duchesse stupéfaite, boit d’un trait la tasse que celle-ci lui tend d’un geste méprisant, lui remet, en échange, un chèque de vingt-cinq-mille francs, et lui dit qu’elle espère bien, à son tour, avoir sa visite. « Nous parlerons de M.  […] Restée seule avec lui, elle saute à son cou, se jette à sa tête ; elle s’offre, elle se livre, avec une sorte d’emportement forcené. […] et ils s’éloignent discrètement pour les laisser en tête à tête, au moment voulu ! […] Elle fait sauter les fortunes et tourner les têtes. […] Aime-t-elle même son fils, enfant étiolé dans une serre trop chaude, gommeux précoce qui salue de la tête et les talons joints les invités de sa mère ?

512. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Madame de Pompadour. Mémoires de Mme Du Hausset, sa femme de chambre. (Collection Didot.) » pp. 486-511

La même, toujours d’après son frère, suggérait l’idée qu’il serait utile d’engager le roi à se mettre à la tête des armées : Ce n’est pas qu’entre nous, ajoutait-elle encore, il soit en état de commander une compagnie de grenadiers, mais sa présence fera beaucoup ; le peuple aime son roi par habitude, et il sera enchanté de lui voir faire une démarche qui lui aura été soufflée. […] Il semblait que la marquise eût le sentiment de tout ce qui s’amoncelait d’orages là-haut sur sa tête, quand elle disait : Après moi le déluge ! […] Tenant en main le cahier de musique avec légèreté et négligence, elle en est tout à coup distraite ; elle semble avoir entendu du bruit et retourne la tête. […] Sa tête ainsi tournée laisse voir le profil du cou dans toute sa grâce, et ses petits cheveux très courts, délicieusement ondés, dont les boucles s’étagent et dont le blond se devine encore sous la demi-poudre qui les couvre à peine. La tête nage dans un fond bleu clair qui, en général, est celui de tout le tableau.

513. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Études sur Saint-Just, par M. Édouard Fleury. (2 vol. — Didier, 1851.) » pp. 334-358

Un jour, il se rendit en visite à la tête des paysans de Blérancourt au château de Manicamp, chez le comte de Lauraguais, colonel des gardes nationales du canton, et un peu pour le braver : On nous dit que le comte était aux champs, raconte Saint-Just dans une lettre, et moi cependant je fis comme Tarquin : j’avais une baguette avec laquelle je coupai la tête à une fougère qui se trouva près de moi sous les fenêtres du château, et sans mot dire, nous fîmes volte-face. […] Je ne sache pas qu’on ait vu jamais, sinon chez des esclaves, le peuple porter la tête des plus odieux personnages au bout des lances, boire leur sang, leur arracher le cœur et le manger ; la mort de quelques tyrans à Rome fut une espèce de religion. […] On dirait que le soleil du 10 août, qui se lève déjà à l’horizon, lui donne sur la tête et lui embrase le cerveau : Je vous prie, mon cher ami (écrit-il à un M.  […] Ce jeune homme blond, à la coiffure soignée, si plein de respect pour lui-même, et qui portait sa tête comme un saint sacrement, débitait ses discours écrits, à la tribune, carrément, symétriquement, d’un air impassible et compassé, d’une voix âpre et sèche, mais quelquefois aussi avec des adoucissements hypocrites de ton qui simulaient les caresses et les ondulations perfides du chat-tigre. […] Un collègue de Saint-Just, le conventionnel Levasseur, qui, peut-être par jalousie de métier, lui conteste le courage physique, lui reconnaît la force de tête et des parties d’organisateur.

514. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « M. Daru. Histoire de la république de Venise. — II. (Suite.) » pp. 434-453

Alexandre Duval s’en est plaint assez amèrement dans la notice qu’il a mise en tête de La Jeunesse de Henri IV. […] Daru succédait à Collin d’Harleville, à ce talent bienveillant et aimable qu’on citera toujours pour avoir fait L’Optimiste, Les Châteaux en Espagne et Le Vieux Célibataire ; auteur comique d’un genre tout particulier, qui avait ses comédies dans le cœur encore plus que dans la tête. […] Je roule dans ma tête un sujet qui, suivant l’usage, me paraît le plus beau qui se soit présenté à moi. […] Devenu directeur de l’Opéra après l’avoir été du théâtre Louvois, il concevait encore le vague espoir de faire quelque œuvre considérable avant la fatigue et le déclin du talent : J’ai dans la tête, écrivait-il en septembre 1812 à M. Daru, alors engagé dans la campagne de Russie et à peine arrivé à Moscou, j’ai dans la tête de grands sujets de comédies, et si je pouvais vous devoir un peu de liberté d’esprit et de loisir, je les entreprendrais ; mais que voulez-vous ?

515. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Histoire de Louvois et de son administration politique et militaire, par M. Camille Rousset, professeur d’histoire au lycée Bonaparte. (Suite et fin) »

La bonne intelligence régna sur les frontières ; le commerce ne fut point interrompu ; l’Empire demeura tranquille, et j’eus le loisir de me pourvoir abondamment de tous mes besoins. » Le grand dessein n’éclate qu’au commencement du printemps (1672) : « J’avais disposé mes projets de guerre de manière que je devais tomber en même temps sur quatre places considérables des ennemis, dans la pensée que j’avais qu’on ne pouvait faire un trop grand effort dans le commencement pour déconcerter les États-Généraux et leur abattre le courage. » Le prince de Condé, à la tête d’une armée, Louis XIV, à la tête d’une autre, débouchent de concert dans la Belgique par les Ardennes et par Charleroi, et sont rejoints au-delà de la Meuse par les troupes venues du pays de Cologne. […] Le comte de Guiche, à la tête des cuirassiers et de la brigade de Pilloy et de plusieurs gens de qualité de la cour volontaires, se jeta dans le Rhin ; un escadron des ennemis, qui était posté dans le Tolhus, débusqua brusquement de son poste et se jeta de son côté d’assez bonne grâce dans le Rhin pour disputer le passage de ce fleuve au comte de Guiche, et fit sa décharge dans le milieu de l’eau, de laquelle Guitry, grand maître de ma garde-robe ; Nogent, maréchal de camp et maître de ma garde-robe ; Théobon et quelques autres officiers ou volontaires furent tués ; Revel, colonel des cuirassiers, et quelques autres blessés. […] Survient l’incident fâcheux, l’emportement des jeunes gens « de la première qualité de France » qui, au moment où le prince de Condé s’approche des retranchements des ennemis pour accélérer leur retraite, se jettent en avant et les forcent à plus de résistance qu’ils n’en comptaient faire : « Tous ces volontaires, la plupart jeunes gens désireux de se distinguer à ma vue, et de mériter mon estime et celle du plus grand capitaine de l’Europe qui était à leur tête, donnèrent d’abord beaucoup d’occupation au prince de Condé pour les retenir ; mais enfin le duc d’Enghien et le duc de Longueville lui échappèrent et voulurent forcer une barrière pour, joindre les ennemis. […] ce n’est pas le style bref et nu, le style abrupt et souverain de Napoléon racontant ses campagnes, ce n’est pas une plume d’airain qui écrit : c’est un roi qui, même à cheval et à la tête de ses armées, parle à loisir et sans se presser sa langue héréditaire.

516. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Marie-Antoinette (suite.) »

Je ne peux pas dire qu’il me traite en dessous et en enfant, et qu’il ait de la défiance pour moi : au contraire ; il lui échappait l’autre jour un long discours devant moi et comme s’il parlait à lui-même sur les améliorations à introduire dans les finances et dans la justice ; il disait que je devais l’aider, que je devais être la bienfaisance du trône et le faire aimer, qu’il voulait être aimé ; mais il n’a pas énuméré ses moyens d’action, soit qu’il ne les ait pas encore combinés, soit qu’il les garde pour ses ministres ; il leur écrit beaucoup ; c’est au vrai un homme qui est tout en lui, qui a l’air d’être fort inquiet de la tâche qui lui est tombée tout à coup sur la tête, qui veut gouverner en père. […] Mais autre chose est causer politique et avoir une tête politique. […] Enfin je suis bien malheureuse… « Je crains beaucoup, dit-elle encore, que l’archevêque ne soit obligé de partir tout à fait, et alors quel homme prendre pour mettre à la tête de tout ? […] Sa tête y blanchit. […] Et puis toutes les grandes dames de ce temps, les plus honnêtes et les plus vertueuses, avaient dans leur bibliothèque ces livres en vogue, ces romans à la mode qui nous paraissent aujourd’hui scandaleux et qui alors ne produisaient pas cet effet. » — De son côté, le bibliophile Paul Lacroix, qui a publié le catalogue des livres du Petit-Trianon, et qui a mis en tête une préface sous forme de lettre adressée à Jules Janin, ne dit pas autre chose : « Car pour être reine, on n’en est pas moins femme, et les femmes, avant la Révolution, ne lisaient guère que des romans, des poésies et des pièces de théâtre. » Si tout le monde est à peu près d’accord, on se demande pourquoi donc tout ce bruit et cette querelle.

517. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Marie-Antoinette (suite et fin.) »

Malheureusement, quoiqu’en assez grand nombre, ils ne sont pas les plus forts ; mais, avec de la douceur et une patience à toute épreuve, il faut espérer qu’au moins nous parviendrons à détruire l’horrible méfiance qui existait dans toutes les têtes, et qui a toujours entraîné dans les abîmes où nous sommes. » Elle annonçait que l’Assemblée allait venir s’installer à Paris, bien que réduite par la désertion de quelques membres ; elle exprimait le vœu que ceux qui étaient partis pour les provinces travailleraient à les calmer, au lieu de les animer sur les événements accomplis : « Car tout, disait-elle, est préférable aux horreurs d’une guerre civile. » Revenant sur les journées des 5 et 6 octobre, elle les résumait sommairement en disant : « Jamais on ne pourra croire ce qui s’y est passé (à Versailles) dans les dernières vingt-quatre heures. […] Il y avait, sans doute, des têtes dans l’Assemblée, une entre autres, qui sentaient où l’on allait et que la monarchie, déjà désemparée, était près de s’abîmer si l’on n’y mettait au plus tôt bon ordre. Mais comment discerner ces têtes capables et d’une arrière-pensée bienveillante, comment avoir l’idée de les rapprocher de soi, quand elles apparaissaient chargées de toutes les souillures, presque de tous les crimes, et quand on était soi-même avec un triple bandeau de préventions sur les yeux ? […] Ce fut vers ce moment que l’idée de recourir à Mirabeau germa dans les têtes royales, soit qu’elle y vînt d’elle-même, soit qu’elle eût été suggérée. […] Je suis prête à tout événement, et j’entends aujourd’hui de sang-froid demander ma tête.

518. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Essai sur Talleyrand (suite.) »

Pendant que vous avez été à la tête des relations extérieures, j’ai voulu fermer les yeux sur beaucoup de choses. […] Toutes les têtes exaltées, les imaginations ardentes, les intrigants de toute espèce, les hommes à projets et à espérances, y affluaient et cherchaient à pénétrer, les uns jusqu’à l’empereur Alexandre, les autres au moins jusqu’à M. de Talleyrand. […] La voici telle qu’un témoin délicat et sûr l’a recueillie de sa bouche et l’a écrite aussitôt : « En 1814, M. de Talleyrand était à la tête d’une espèce de conspiration, dont le but d’abord fut de faire passer l’empire à Napoléon II, sous la régence de Marie-Louise ; puis, le but se transformant, il se prit à travailler au retour des Bourbons. […] » — « Les têtes graves doivent réfléchir. » — « C’est mon avis, monsieur l’archevêque. » — « Il y a telle circonstance dans la vie politique où un homme peut racheter tout un passé. » — « Croyez-vous, monsieur ?  […] On lui faisait son lit avec un creux profond au milieu, se relevant ensuite aux pieds et à la tête, et sa façon d’être couché était presque encore de se tenir sur son séant.

519. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Mme du Châtelet. Suite de Voltaire à Cirey. » pp. 266-285

Je crois bien que sa tête est pour eux une maison de force, et non pas le lieu de leur naissance ; c’est le cas de veiller soigneusement à leur garde. […] C’est une disparate si singulière, que la tête m’en a tourné de douleur. […] Ici, elle pense évidemment à elle-même ; elle se flatte d’avoir reçu du ciel une de ces âmes tendres et immuables (voilà le coin d’illusion), qui savent se contenter d’une seule passion, même quand elle n’est plus partagée, et qui restent à jamais fidèles à un souvenir : J’ai été heureuse pendant dix ans, avoue-t-elle, par l’amour de celui qui avait subjugué mon âme, et ces dix ans, je les ai passés tête à tête avec lui, sans aucun moment de dégoût et de langueur. […] Il fut près de faire un coup de tête.

520. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Madame Sophie Gay. » pp. 64-83

À l’une des cérémonies qui accompagnèrent sa première communion, comme elle était en toilette avec une robe longue et traînante qui l’embarrassait, et qu’elle se retournait souvent pour la rejeter en arrière, une de ses compagnes lui dit : « Cette Sophie est ennuyeuse avec sa tête et sa queue. » — « Toi, ça ne te gênera pas, répondit-elle, car tu n’as ni queue ni tête. » Toute la personne même de Mlle de Lavalette était celle d’une jolie brune piquante, avec des regards pleins de feu, plus faits encore pour exprimer l’ardeur ou la malice que la tendresse ; d’une charmante taille, qu’elle garda jusqu’à la fin, d’une taille et d’une tournure bien françaises. […] Ce n’est là qu’un commencement : la façon dont cet amour de tête chez Léonie se découd chaque jour insensiblement et comme fil à fil est très bien démêlée. […] Léonie le sentait aussi et en souffrait à sa manière, mais plus profondément : « On est si humilié, remarque-t-elle, de découvrir une preuve de médiocrité dans l’objet qu’on aime, qu’il y a plus de honte que de regret dans le chagrin qu’on en éprouve. » Un certain Edmond de Clarencey, voisin de campagne, se trouve là d’abord comme par un simple effet du voisinage ; il cause peu avec Léonie et semble ne lui accorder qu’une médiocre attention ; il accompagne Alfred dans ses courses et lui tient tête en bon camarade. […] Voici les vers faciles et maternels qu’elle avait écrits en tête de l’exemplaire donné à Mme de Canclaux, qui venait de se marier au moment où le roman parut : À ma fille Aglaé.

521. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Beaumarchais. — III. (Suite et fin.) » pp. 242-260

Le sang me montait à la tête. […] Toute cette société se mit donc en mouvement pour la pauvre femme, et Beaumarchais en tête, un peu Don Quichotte de philanthropie, on le voit : J’offris la main, ajoute-l-il, à Mme la princesse de Nassau pour aller chez M.  […] Un vertige s’est emparé de la tête de tout le monde. » Il aurait pu ajouter : « Et de la mienne aussi. » Sourd comme il l’est devenu, il ne paraît pas même se rendre très bien compte de la situation générale. […] On lit à la fin de sa sixième Époque ou de son sixième mémoire, après un quatrain digne de Pibrac, cette signature pleine d’innocence : « Le citoyen toujours persécuté, Caron Beaumarchais. — Achevé pour mes juges, à Paris, ce 6 mars 1793, l’an second de la République. » Tout rempli de son unique objet, il ne se représente pas au juste ce que c’est que la Convention nationale ; ce qui étonne, c’est qu’il y ait sauvé sa tête. […] Il était plus fidèle à sa nature quand il écrivait à Collin d’Harleville qui lui avait envoyé un poème allégorique sur Melpomène et sur Thalie : Pour lire un joli poème, s’amuser d’un charmant ouvrage, il faut, mon cher citoyen, avoir le cœur serein, la tête libre ; et bien peu de ces doux moments sont réservés à la vieillesse.

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