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405. (1694) Des ouvrages de l’esprit

Il porte plus haut ses projets et agit pour une fin plus relevée : il demande des hommes un plus grand et un plus rare succès que les louanges, et même que les récompenses, qui est de les rendre meilleurs. […] J’en juge par le mouvement qu’ils se donnent, et par l’air content dont ils s’applaudissent sur tout le succès. […] Ce qu’il y a eu en lui de plus éminent, c’est l’esprit, qu’il avait sublime, auquel il a été redevable de certains vers, les plus heureux qu’on ait jamais lus ailleurs, de la conduite de son théâtre, qu’il a quelquefois hasardée contre les règles des anciens, et enfin de ses dénouements ; car il ne s’est pas toujours assujetti au goût des Grecs et à leur grande simplicité ; il a aimé au contraire à charger la scène d’événements dont il est presque toujours sorti avec succès : admirable surtout par l’extrême variété et le peu de rapport qui se trouve pour le dessein entre un si grand nombre de poèmes qu’il a composés. […] Il y a des artisans ou des habiles dont l’esprit est aussi vaste que l’art et la science qu’ils professent ; ils lui rendent avec avantage, par le génie et par l’invention ce qu’ils tiennent d’elle et de ses principes ; ils sortent de l’art pour l’ennoblir, s’écartent des règles, si elles ne les conduisent pas au grand et au sublime ; ils marchent seuls et sans compagnie, mais ils vont fort haut et pénètrent fort loin, toujours sûrs et confirmés par le succès des avantages que l’on tire quelquefois de l’irrégularité.

406. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « X. M. Nettement » pp. 239-265

Vus à travers le double prestige du talent et du succès de leurs écrits, lui paraîtraient-ils moins coupables ? […] Telle est la question que la Critique se pose et que, blasée d’œuvres médiocres et inutiles, elle aurait peut-être oublié de se poser, si en ce moment on ne capitonnait pas avec beaucoup de soin l’oreiller commode et doux d’un succès au livre de M.  […] Nettement mérite bien, du reste, le succès qu’on lui manigance. […] mais haute et courageuse, on ne penserait pas à lui arranger de petits succès plus ou moins habiles, et comme toutes les œuvres qui peuvent se moquer du temps et des hommes, parce qu’elles ont la solidité, il atteindrait dans une paix obscure son tour et son heure.

407. (1864) Études sur Shakespeare

Il ne possédait point de privilège ; de nombreux concurrents lui disputaient la foule et le succès. […] Mais le temps de la puissance des puritains n’était pas encore venu, et, pour obtenir un succès décisif, c’était trop d’avoir à dompter à la fois le goût national et celui de la cour. […] En 1583, peu de temps après le succès momentané des puritains contre les théâtres de cette ville, huit troupes de comédiens y jouaient chacune trois fois par semaine. […] À peine dans le cours des succès du poète démêle-t-on quelques traces de l’homme, et rien ne nous reste de ces premiers temps où lui seul aurait pu nous parler de lui. […] Cependant il faut satisfaire à tout ; le succès même le veut.

408. (1874) Premiers lundis. Tome I « Victor Hugo : Odes et ballades — I »

Tant soit peu injuste par représailles, elle eut ses prédilections et ses antipathies : Casimir Delavigne et surtout Béranger furent ses poètes ; et ils le méritaient bien sans doute ; mais d’autres aussi méritaient quelque estime, qui, après des succès de salon, n’obtinrent du public que peu d’attention et force plaisanteries. […] Une autre cause nuisit au succès ; à côté des odes de circonstance se trouvaient dans le premier recueil des pièces telles que la Chauve-Souris et le Cauchemar, qui trahissaient chez M. 

409. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre VII. De la littérature latine, depuis la mort d’Auguste jusqu’au règne des Antonins » pp. 176-187

Vainement la plupart des féroces empereurs de Rome montrèrent-ils un goût excessif pour les jeux et pour les spectacles ; aucune pièce de théâtre digne d’un succès durable ne parut sous leur règne, aucun chant poétique ne nous est resté des honteux loisirs de la servitude. […] Enfin à cette époque, comme on n’avait pas découvert la véritable méthode qu’il faut suivre dans l’étude de la nature physique, l’émulation n’était point excitée dans une carrière où de grands succès n’avaient point encore été obtenus.

410. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre IX. Beltrame » pp. 145-157

Fulvio, intrigué en reconnaissant sur le dos du courrier une défroque qui lui appartient, fait naître les soupçons de Mezzetin et empêche de nouveau le succès de la ruse. […] Cette pièce de L’Inavertito, qui est devenu L’Étourdi, ou les Contre-temps, eut un grand succès que Beltrame constate dans sa dédicace à Madame Christine de France, princesse de Piémont.

411. (1920) La mêlée symboliste. I. 1870-1890 « Le lyrisme français au lendemain de la guerre de 1870 » pp. 1-13

Quand c’est le moyen âge qui met sa griffe sur la révolution, quand c’est le passé qui se substitue à l’avenir, l’impossibilité est mêlée au succès et l’ahurissement du triomphe s’ajoute à la stupidité du vainqueur. […] ……………………………………… Moi, comme pris d’un vin qui grise, Rêvant de succès généreux, Vain et lâche j’ai fait comme eux, J’ai déballé ma marchandise1.

412. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Jules Vallès » pp. 259-268

Étudier la raison d’un succès est toujours une belle question en critique… S’il est un livre pour lequel le journalisme ait battu de tous ses tambours, — et aux champs encore, — c’est ce livre des Réfractaires 24… L’auteur en fut un, m’a-t-on dit ; ce qui prouve, Dieu merci ! qu’ils ne s’en vont pas tous finir à la Morgue et à Bicêtre, mais qu’il en est qui se décident à emboîter le pas… gymnastique, pour aller plus vite, derrière cette société en marche qu’ils ne voulaient ni servir ni suivre, et même à avoir avec elle de ces manières très peu sauvages à l’aide desquelles on prend le succès à Paris.

413. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre premier. De la louange et de l’amour de la gloire. »

Il est trop facile d’avoir des succès d’un moment, pour chercher à obtenir des succès plus pénibles.

414. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre VII. D’Isocrate et de ses éloges. »

Plusieurs de ses disciples devinrent de grands hommes ; et comme partout le succès fait le mérite, leur gloire ajouta à la sienne. […] Des sophistes qui avaient l’orgueil d’être ses rivaux, sans en avoir le droit, et qui s’indignaient d’une réputation qu’ils n’avaient pas, lui faisaient un crime de ses succès.

415. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « M. Charles Magnin ou un érudit écrivain. »

Magnin a défriché, l’un des premiers, avec infiniment de labeur et de patience, et avec un notable succès, des portions d’histoire littéraire ingrates et restées encore obscures ; les origines de notre comédie nationale lui doivent beaucoup ; il y a porté une curiosité d’examen, un intérêt et une finesse d’attention, un goût délié, une clarté et une élégance d’exposition qui le désignent à l’estime de quiconque reprendra la suite de ces mêmes études. […] Il s’essaya d’abord, non sans succès, dans les concours académiques : il eut un accessit à l’Académie française en 1815 pour une pièce de vers sur les Derniers Moments de Bayard, une mention en 1820 pour un Entretien sur l’Éloquence. […] Prendrait-il fait et cause pour le succès d’une œuvre dans laquelle il ne reconnaissait, après tout, qu’une moitié de ses théories ? […] Il compliqua de trop de considérations et de prenez-y garde le jugement très-simple et très-net qu’il y avait à donner sur ce succès, qui était à moitié un succès de contraste et d’opposition, et qui avait, à sa date, une signification tranchée.

416. (1887) George Sand

Ce fut un succès de grâce renaissante. […] Nous ne la suivrons pas longuement dans cette voie nouvelle, dans laquelle l’auteur ne rencontrera jamais un succès égal à son mérite, à son effort, à son visible désir de bien faire. […] Elle en a été heureuse, comme du succès d’un fils chéri de son imagination. […] Le réalisme ne faisait que commencer ; elle put à peine connaître le premier grand succès de M.  […] « Ce n’est pas vrai, puisque l’absence de succès t’irrite et t’affecte. » Pas de mépris pour le public !

417. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « PARNY. » pp. 423-470

Il serait vraiment fâcheux pour nous que ce qui a paru une nuance si délicate et en même temps si vive aux contemporains de Parny nous échappât presque tout entier, et qu’en le refeuilletant après tant d’années, nous eussions perdu le don de discerner en quoi il a pu obtenir auprès des gens de goût ce succès d’abord universel, en quoi aussi sans doute il a cessé, à certains égards, de le mériter. […] Il est à croire que le succès de ses vers éclaira l’auteur lui-même ; l’intérêt que le public se mit aussitôt à prendre à Eléonore, et que vinrent entretenir d’autres pièces à elle adressées dans les Opuscules poétiques de l’année suivante (1779), acheva de décider le choix du poëteamant, et lui indiqua le parti qu’il lui restait à tirer de sa passion : dans les éditions qui succédèrent, les Aglaé, les Euphrosine, furent sacrifiées ; l’inconstance devint un crime, tandis qu’auparavant on ne voyait que l’ennui de criminel ; en un mot, Parny s’attacha à mettre de l’unité dans ses élégies et à pousser au roman plus qu’il n’avait songé d’abord. […] Au moment de l’apparition du volume, Ginguené, ancien camarade de collége de Parny, mais poussé surtout par son zèle pour la bonne cause, donna dans la Décade jusqu’à trois articles favorables181, analyses détaillées et complaisantes, dans lesquelles il étalait le sujet et préconisait l’œuvre : « L’auteur, disait-il, l’a conçue de manière que les uns (les Dieux) sont aussi ridicules dans leur victoire que les autres dans leur défaite, et qu’il n’y a pas plus à gagner pour les vainqueurs que pour les vaincus. » Après toutes les raisons données de son admiration, le critique finissait par convenir qu’il se trouvait bien par-ci par-là, dans les tableaux, quelques traits « qu’une décence, non pas bégueule, mais philosophique, et que le goût lui-même pouvaient blâmer » ; il n’y voyait qu’un motif de plus pour placer le nouveau poëme à côté de celui de Voltaire, de cet ouvrage, disait Ginguené, « qu’il y a maintenant une véritable tartufferie à ne pas citer au nombre des chefs-d’œuvre de notre langue. » Le succès de la Guerre des Dieux fut tel, que trois éditions authentiques parurent la même année, sans parler de deux ou trois contrefaçons. […] Le succès de la Guerre des Dieux ne fit que mettre Parny en verve, et il continua sur le même ton dans divers chants restés inédits et dans d’autres petits poëmes qui parurent sous le titre de Portefeuille volé, en 1805. […] La société, qui renaissait et qui obéissait déjà à tout un autre reflux d’idées, y accourut en foule et dans les dispositions d’une curiosité quelque peu malicieuse ; c’était le même monde qui venait d’inaugurer le Génie du Christianisme, et tout récemment de faire le succès de la Pitié de Delille, succès qu’on peut considérer comme une revanche sociale de celui de la Guerre des Dieux.

418. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre III. Les grands artistes classiques — Chapitre III. Molière »

Une fois établi à Paris, une fois en possession de la gloire et du succès, il aurait pu regretter les durs temps de sa jeunesse. […] Mais, d’abord, le succès l’a justifié, et, sans lui, on ne saurait guère si Boisrobert ou Cyrano ont écrit des scènes si plaisantes : c’est à lui qu’ils doivent de n’être pas plus oubliés qu’ils ne sont. […] De là son succès, qui fut très grand de son temps, en dépit de ses ennemis. […] Don Garcie de Navarre, qui tombe ; l’École des maris, qui a un grand succès. […] L’École des femmes est jouée en décembre 1662 : c’est le plus grand succès de Molière.

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