/ 2496
728. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Histoire des cabinets de l’Europe pendant le Consulat et l’Empire, par M. Armand Lefebvre. »

Alquier était ambassadeur, il avait eu à le remplacer pendant des absences et avait été admis à lire dans l’âme de cette fameuse reine Caroline, fille de Marie-Thérèse, l’amie d’Acton et des Anglais, notre ennemie jurée, une femme violente, capricieuse, passionnée, et qui a laissé dans l’histoire des souvenirs romanesques et sanglants. […] Sa santé altérée et sa fin prochaine l’empêchèrent d’exécuter ce beau dessein ; mais il laissa à son fils des notes nombreuses, des souvenirs vivants, l’esprit même de la tradition. […] Armand Lefebvre avait cette forme d’esprit exigeante ; il était un peu comme Tocqueville, et, sans avoir comme lui le style qui grave, il avait la pensée qui pénètre et qui creuse ; il pesait longtemps avant de conclure, il concentrait plus qu’il ne déployait ; et, dans la conversation même, si mes souvenirs sont bien fidèles, son œil pétillant et vif, son sourire fin, laissaient deviner plus encore que sa parole n’en disait ; son geste fréquent, moins décisif que consultatif, et qui semblait s’adresser à sa propre pensée, exprimait cette habitude de réflexion et comme de dialogue intérieur.

729. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Œuvres choisies de Charles Loyson, publiées par M. Émile Grimaud »

Un critique de cette nouvelle école, — moi-même, — après vingt ans écoulés, je m’avise de rechercher dans le passé ceux de nos devanciers dont les reliques ont quelque prix et qui, sans être arrivés jusqu’à la gloire, méritent un pieux souvenir et l’honneur d’un modeste monument. […] Ses amis, et ils étaient nombreux encore, Cousin, Viguier, Patin, et bien d’autres m’en surent gré ; mais parmi les nouveaux venus, parmi ceux qui occupaient alors le devant de la scène et qui faisaient le plus de bruit, il y en eut d’assez pleins d’eux-mêmes, d’assez infatués et enivrés de l’orgueil de la vie, pour me reprocher ce souvenir donné à un humble mort, comme si par là on les volait eux-mêmes, insatiables qu’ils étaient, dans leur célébrité présente ; je recueillis de ce côté quelques injures127. […] Biré lui-même, en le remerciant de l’envoi de son volume : « Moi aussi, lui ai-je dit, j’ai vu l’année 1817, et je m’en souviens.

730. (1902) L’observation médicale chez les écrivains naturalistes « Chapitre II »

Retrouver aujourd’hui cette prononciation enfantine, entendre sa voix comme je l’ai entendue dans ce passé effacé, lointain, où les souvenirs ne rencontrent que la mort, cela me fait peur ». […] Flaubert avait trouvé, dans sa famille même et mêlées à ses souvenirs d’enfant, de sérieuses leçons anatomiques : son père, ancien prosecteur à l’hospice de Rouen, habitait un logement enclavé dans l’Hôtel-Dieu et s’était installé un véritable laboratoire où, quotidiennement, il professait en famille. […] Sainte-Beuve, Souvenirs et indiscrétions.

731. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre VIII. De l’invasion des peuples du Nord, de l’établissement de la religion chrétienne, et de la renaissance des lettres » pp. 188-214

La corruption universelle avait effacé jusqu’au souvenir de la vertu : qui aurait voulu la rappeler n’aurait obtenu qu’un étonnement mêlé de blâme. […] La religion chrétienne dominait les peuples du Nord, en se saisissant de leur disposition à la mélancolie, de leur penchant pour les images sombres, de leur occupation continuelle et profonde du souvenir et de la destinée des morts. […] L’imagination, les talents qui en dérivent ne raniment que les souvenirs ; mais c’est uniquement par la méthode métaphysique qu’on peut atteindre aux idées vraiment nouvelles.

732. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre deuxième. Les mœurs et les caractères. — Chapitre III. Inconvénients de la vie de salon. »

Mme de Genlis, les Dangers du monde, I, scène VII ; II, scène IV   Adèle et Théodore, I, 312   Souvenirs de Félicie, 199  Bachaumont, IV, 320. […] Mme de Genlis, Souvenirs de Félicie, 76, 161. […] « L’homme instruit et impartial qui soumettrait au calcul les probabilités du succès de la Révolution trouverait qu’il y avait plus de chances contre elle que contre le quine à la loterie ; mais le quine est possible et malheureusement cette fois il fut gagné. » (Duc de Lévis, Souvenirs.

733. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Notes sur l’Ancien-Régime »

Selon le duc de Lévis (Souvenirs, 156), il rapporte au moins 600 000 livres de rente. […] (Duc de Lévis, Souvenirs, 156.) […] Si une épingle le pique, la nourrice ne doit pas l’ôter ; il faut chercher et attendre une autre femme ; l’enfant crie dans tous ces cas, il se tourmente et s’échauffe, en sorte que c’est une vraie misère que toutes ces cérémonies. » (Mme de Genlis, Souvenirs de Félicie, 74.

734. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « J.-J. Weiss  »

En mesurant une œuvre, il se souvient de toutes celles qu’il a déjà mesurées : il porte en lui une sorte d’étalon immuable ; Il demeure le même en face des œuvres multiples qui lui sont soumises : et c’est pour cela que l’on comprend les raisons de tous ses jugements et qu’ils peuvent former un corps de doctrine. […] Weiss frémir devant « la noble tête de vieillard »   On se souvient qu’il y a quelques années, quand la Comédie-Française donna Œdipe, tout le monde fit cette réflexion que c’était un excellent mélodrame. […] Mais, si son impression du moment le pénètre et le possède au point d’opprimer et de chasser presque ses souvenirs ; si toutes ses admirations sont, ou peu s’en faut, égales, étant toutes sans limites, il en est du moins quelques-unes qui le ressaisissent plus fréquemment et qui nous révèlent certaines préférences décidées et foncières.

735. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « Alphonse Daudet  »

Je la mis dans ma poitrine en souvenir de lui79. […] Il a beau supplier et pleurer, évoquer les jours d’autrefois : sa maîtresse ne se souvient de rien, ne le reconnaît pas ; et cela est si douloureux que saint Pierre lui-même ne peut s’empêcher d’être ému. […] » — Est-ce que cette phrase : « Tais-toi, boulanger, je t’en prie », ne vous remet pas sous les yeux toute la scène de la Diligence de Beaucaire 96, le rémouleur immobile sous sa casquette pendant que ce farceur de boulanger conte les aventures de la jolie rémouleuse   Qui a pu lire le Phare des Sanguinaires 97 et oublier le gros Plutarque à tranches rouges, toute la bibliothèque du phare, et, parmi les grondements de la mer, dans le crépitement de la flamme et le bruit de l’huile qui s’égoutte et de la chaîne qui se dévide, la voix du gardien psalmodiant la vie de Démétrius de Phalère   Vous souvenez-vous de ce qu’on trouve au fond du portefeuille de Bixiou98 le vieux caricaturiste aveugle, le funèbre et féroce blagueur : « Cheveux de Céline coupés le 13 mai ? 

736. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Les Gaietés champêtres, par M. Jules Janin. » pp. 23-39

Peut-il exister en dehors des divers systèmes politiques, aux confins des doctrines qui se combattent et se font la guerre, un terrain plus ou moins neutre, une sorte de lisière, où l’on est bien venu à errer un moment, à rêver, à se souvenir de ces choses vieilles comme le monde et éternellement jeunes comme lui, du printemps, du soleil, de l’amour, de la jeunesse ; à se promener même (si la jeunesse est passée) un livre à la main, et à vivre avec un auteur d’un autre âge, sauf à en raffoler tout un jour et à demander ensuite, en rentrant dans la ville, à chaque passant qu’on rencontre : L’avez-vous lu ? […] Eugène se souvient qu’il a quelque part en Brie, au château de Fontenay, un ami, Hubert, le fils du régisseur. […] Dans sa verve de composition, la plume de l’auteur a de ces méprises qui ne sont qu’un malentendu entre deux souvenirs qui se pressent trop.

737. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Franklin. — II. (Suite.) » pp. 149-166

Le savant, chez Franklin, se souvenait toujours de l’homme de main et d’industrie, et de l’ouvrier. […] Il la considérait comme une navigation dont la traversée est obscure et dont le terme est certain, ou encore comme un sommeil d’une nuit, aussi naturel et aussi nécessaire à la constitution humaine que l’autre sommeil : « Nous nous en lèverons plus frais le matin. » Arrivé en Amérique, salué de ses compatriotes et ressaisi par le courant des affaires publiques, Franklin porte souvent un regard de souvenir vers ces années si bien employées, et où l’amitié et la science avaient tant de part. […] II, p. 488 de sa publication de Franklin), ne s’est pas souvenu du témoignage de Priestley, et s’est borné à réfuter une assertion de lord Brougham, qui, par une méprise mêlée d’embellissement, avait reporté la petite scène, devenue par là plus dramatique, au moment même de la signature du traité de paix entre l’Angleterre et l’Amérique, novembre 1782.

738. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre IV : La philosophie — I. La métaphysique spiritualiste au xixe  siècle — Chapitre I : Principe de la métaphysique spiritualiste »

En supposant que cela fût, cette existence éternelle n’a laissé aucune trace dans notre souvenir. […] Nous ne remontons par la mémoire que jusqu’à une certaine période de notre vie, et les intervalles vides de souvenir s’augmentent et grandissent à mesure que nous rétrogradons par la pensée. […] Si nous remontons encore plus loin dans cette vie obscure et parasite qui précède la naissance, ce n’est plus par le témoignage des hommes, c’est par l’induction et l’analogie que nous sommes autorisés à croire que la sensibilité n’a jamais été complètement absente, et que les premiers instincts accompagnés d’une conscience confuse ont dû coïncider avec l’éclosion même de l’être nouveau ; mais enfin à ce dernier moment ou plutôt à ce point initial où a dû commencer, s’il a commencé, l’être qui plus tard dira je ou moi, à ce moment tout fil conducteur nous fait défaut : la conscience, le souvenir, le témoignage, l’induction, l’analogie, tout vient à nous manquer, et l’œil se perd dans un immense inconnu.

739. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 24, des actions allegoriques et des personnages allegoriques par rapport à la peinture » pp. 183-212

Je ne me souviens pas que Raphael ni le Poussin aïent jamais fait l’usage vicieux des personnages allegoriques que j’ose critiquer dans le tableau de Rubens. […] Je ne me souviens que d’une seule composition purement allegorique qui puisse être citée comme un modele, et que le Poussin et Raphael voulussent avoir faite, à juger de leur sentiment par leurs ouvrages. […] Les anciens eussent dit que la pieté l’avoit inspiré et que c’étoit elle qui lui avoit suggeré le moïen d’éterniser le souvenir de ces grandes actions, en témoignant qu’il le vouloit éteindre.

740. (1860) Ceci n’est pas un livre « Une croisade universitaire » pp. 107-146

Argument A-t-on souvenir de l’émeute universitaire soulevée, l’année dernière, par M.  […] Qu’il n’en reste plus qu’un souvenir, une place vide où nous écrirons : Ci-gît la littérature de 1825… En avant, mes amis. […] « Démolissons-le, qu’il n’en reste plus qu’un souvenir, une place vide où nous inscrirons : “Ci-gît la littérature de 1825.” » — N’est-ce pas un peu présomptueux à vous de composer l’épitaphe de l’ours avant de l’avoir tué ?

741. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « PENSÉES » pp. 456-468

Quand nous intervenons, nous d’une génération déjà autre, au milieu des jeunes gens avec nos souvenirs, nous faisons plus ou moins l’effet de Nestor revenant avec ses éternels combats des Épéens et des Pyliens, au moment le plus intéressant de l’action entre les Troyens et les Grecs, et coupant l’intérêt qui ne demande qu’Achille et qu’Hector. […] — C’est comme un souvenir que j’agite en chemin, C’est le parfum de ma jeunesse.

/ 2496