Il y a telle lettre où il commence par dire qu’il n’a rien à dire, et, sous prétexte de cela, il se met à trouver de très jolies choses et très sensées ; il y donne toute la théorie de la correspondance familière entre amis : écrire toujours, un mot chassant l’autre, et laisser courir la plume sans y tant songer, comme va la langue quand on cause, comme va le pas quand on chemine. […] Il allait devenir populaire le jour et par le côté où il y songeait le moins. […] Par malheur le cheval ne songeait guère à s’arrêter déjà, et la raison, c’est que son maître, à dix bons milles de là, avait une maison.
Les hommes éminents et zélés qui avaient présidé à l’Instruction publique pendant ces années, d’ailleurs florissantes, n’avaient pas été sans songer à l’inconvénient et sans prévoir le danger. […] Mais quand je ne songeais qu’à bien faire dans cette carrière nouvelle, d’autres ne songeaient qu’à m’entraver dès le seuil et à m’ôter la parole, comme ils eussent fait dès longtemps de ma plume, s’ils l’avaient pu.
L’abbé de Caumartin eut l’idée assez naturelle que l’évêque de Noyon, du moment qu’il entrait à l’Académie, ne devait pas être reçu comme un autre, et oubliant la gravité du rôle auquel il n’était pas encore accoutumé, il osa songer à le railler en face, et presque au nom de la compagnie, du droit que les délicats croient si aisément avoir sur la vanité et sur la sottise qui vient s’étaler. […] Je n’ai garde de songer à ce qui a pu se passer de nos jours, et qui n’offrirait, je veux le croire, que de lointaines ressemblances ; mais une scène presque pareille à celle qu’on vient de voir a été la réception de La Harpe par Marmontel, le 20 juin 1776. […] Il remplit admirablement bien tous les devoirs de la dignité pastorale. » Un peu plus loin, et sans qu’on ait songé au contraste, l’abbé de Caumartin nous est rendu dans sa grâce parfaite et son amabilité : « L’abbé de Caumartin est également versé dans la scholastique et dans la positive.
Ne lui demandons point d’ailleurs un idéal qui n’est pas son fait, — ni le véritable idéal qui ennoblit la condition humaine et cherche à lui donner toute la beauté dont on la croit susceptible à de certaines heures, — ni ce faux idéal qui ne s’attache qu’aux apparences et qui se prend aux illusions ou ne songe qu’à s’en décorer. […] Honnête homme, il a, à certains égards, les mœurs de son temps ; et ce n’est pas de ce qu’il a fait à la rencontre que je m’étonne : ce qui me passe un peu, c’est qu’il ait songé par endroits à l’écrire, à le consigner exactement dans ses cahiers d’observations et de remarques : il n’a pas la pudeur ; il parle de certains actes comme un pur physiologiste, notant, sans d’ailleurs y prendre plaisir, le cas qui lui paraît rare et la singularité. […] Quoique ce ne fût véritablement pas un homme ambitieux que mon père, cependant le diable le berçait sans qu’il s’en aperçût ; il cheminait volontiers sur les voies de faire sans songer à faire, et à mesure que le goût des bagatelles diminue dans de tels esprits, ils vont jusqu’à s’ennuyer de tout ce qui n’est pas chemin de fortune.
Le poète aura l’air, par moments, de n’y plus songer ; elle lui échappera même quelquefois en mouvement touchant, en effusion de tendresse, comme dans une idylle, comme dans une élégie ; Les Deux Pigeons, critiqués par La Motte, sont le chef-d’œuvre de ce genre libre et de cette espèce d’épopée en petit : La Fontaine en est l’Homère. […] Taine se garde bien de prétendre que le fabuliste, en faisant agir et parler son sire lion, ait songé expressément à Louis XIV. […] On peut donc, jusqu’à un certain point, voir dans une œuvre autre chose encore que ce qu’y a vu l’auteur, y démêler ce qu’il y a mis à son insu et ce à quoi il n’avait point songé expressément.
Andrieux et Baour-Lormian. » Songeons à la date (1823) pour excuser quelque lange et unex æquo dans les noms, et ne voyons que la pensée. […] Delécluze lui adresse en terminant une apostrophe philosophique, sensible et un peu solennelle, qui rappelle en bourgeois le Songe, de Scipion. […] Bien entendu que c’était à Mlle Amélie qu’il songeait.
Voltaire, au chant VII de la Henriade, introduisant le fantôme divin de saint Louis et lui faisant révéler en songe à Henri IV le cours des choses futures et les destinées de sa race, a dit : Regardez dans Denain l’audacieux Villars, Disputant le tonnerre à l’aigle des Césars. […] Villars, en faisant battre le tambour, criait au contraire aux siens Milites, Milites, et les refaisait deux fois soldats, sans qu’ils eussent même le temps d’y songer. […] Puységur proposa de marquer le camp dans l’endroit où l’on était. « A quoi diable songez-vous ?
La netteté, la résolution de l’esprit se retrouvent dans la parole qui ne fait qu’un saut sur le papier, et sans songer à ce qu’on appelle le style, ni y faire songer, il se trouve qu’on en a un. […] M. de Girardin y a fait, sans y songer, le testament de sa première jeunesse.
Il n’y songea même pas ; il se contenta d’effleurer tout, en amateur, et de jeter en avant sur tout sujet ses vues personnelles, plus content d’en avoir à montrer que soucieux d’en vérifier la justesse. […] Mais si l’on songe que jusque-là, dans l’Art poétique et ailleurs, Boileau n’avait jamais regardé les œuvres littéraires que dans leur relation au genre, sorte de type analogue aux idées platoniciennes, seul élément d’estimation, et seul principe de classification, dont chaque ouvrage tirait et sa raison d’être et sa valeur, selon qu’il le réalisait plus ou moins complètement : si l’on songe qu’il n’avait jamais demandé que la connaissance des règles et le génie pour la création des chefs-d’œuvre poétiques, et ne croyait pas avoir besoin d’une autre considération pour expliquer que la Pucelle n’égale pas l’Iliade, on comprendra tout le chemin que Perrault fit faire à Boileau.
Le roitelet, la bergeronnette, le bouvreuil, ne sont pas pour nous un petit roi, une petite bergère, un petit bouvier : nous ne songeons guère à ces gentilles et poétiques images ; et ces mots valent pour nous autant que chat ou cheval, où l’étymologie ne découvre pas de figure. […] Hugo écrit : Vos régiments, pareils à l’hydre qui serpente, Vos Austerlitz tonnants, vos Lutzen, vos Lépante, Vos Iena sonnant du clairon, Vos camps pleins de tambours que la mort pâle éveille Passent pendant qu’il (Dieu) songe, et font à son oreille Le même bruit qu’un moucheron ; l’esprit, n’ayant besoin d’aucun effort pour ramener l’idée du mot propre, les batailles et les victoires, n’ayant même pas à repasser par ce mot propre, s’abandonne tout entier à l’impression de la figure, et l’imagination voit défiler toutes les scènes terribles ou glorieuses que ces grands noms font surgir de la mémoire. […] Quand l’enfant de cet homme Eut reçu pour hochet la couronne de Rome ; Lorsqu’on l’eut revêtu d’un nom qui retentit ; Lorsqu’on eut bien montré son front royal qui tremble Au peuple émerveillé qu’on puisse tout ensemble Être si grand et si petit ; Quand son père eut pour lui gagné bien des batailles, Lorsqu’il eut épaissi de vivantes murailles Autour du nouveau-né riant sur son chevet ; Quand ce grand ouvrier, qui savait comme on fonde, Eut, à coups de cognée, à peu près fait le monde Selon le songe qu’il rêvait ; Quand tout fut préparé par les mains paternelles Pour doter l’humble enfant des splendeurs éternelles ; Lorsqu’on eut de sa vie assuré les relais ; Quand, pour loger un jour ce maître héréditaire, On eût enraciné bien avant dans la terre Les pieds de marbre des palais ; Lorsqu’on eut pour sa soif posé devant la France Un vase tout rempli du vin de l’espérance ; Avant qu’il eût goûté de ce poison doré, Avant que de sa lèvre il eût touché la coupe, Un cosaque survint qui prit l’enfant en croupe, Et l’emporta tout effaré.
Car, si tout n’était pas vanité, si toute vie n’était attendue par la mort, il serait horrible de songer que nous ne connaissons qu’une vie médiocre, que nous n’avons pas de génie, que nous ne faisons rien de grand, que nous ignorons même à peu près la vie sensuelle et passionnelle et les « mille et trois » de don Juan, et que nous ne sommes pas « comme des dieux », ainsi que parlent les livres saints. […] Même quand on sait qu’on n’ira pas jusque-là, et même quand on n’y songe point, ces amusements, flirtage ou galanterie, n’ont une aussi exquise saveur que parce qu’ils y pourraient conduire. […] Elles songent trop aux conséquences.
Il ne songe même plus à regarder par-dessus la haie que font autour de lui les Rougon-Macquart. […] Songez un peu à ce que fût devenu un sujet pareil entre les mains de M. […] Trois ou quatre signes sensibles de ce détachement : le jour de leur mariage (il y a des années qu’ils sont ensemble), il ne songe pas à la traiter en mariée ; il se laisse entraîner chez Irma Bécot ; il fait poser Christine pour son grand tableau et oublie de l’embrasser après la pose.
On n’a pas affaire ici à un peintre amateur qui a traversé les champs pour y prendre des points de vue : le peintre y a vécu, y a habité des années ; il en connaît toute chose et en sait l’âme ; il sait le vol des grues dans le nuage, le babil de la grive sur le buisson, et l’attitude de la jument au bord de la haie, « pensive, inquiète, le nez au vent, la bouche pleine d’herbes qu’elle ne songeait plus à manger ». […] Il s’aperçoit que cette petite Marie, à laquelle il n’avait jamais songé pour sa beauté, est plus fraîche qu’une rose de buisson, et il se détaille le gracieux portrait en concluant : « C’est gai, c’est sage, c’est laborieux, c’est aimant, et c’est drôle… Je ne vois pas ce qu’on pourrait souhaiter de mieux. » Dans le chapitre qui suit la « Prière du soir » et qui a pour titre « Malgré le froid », il y a un moment où j’ai craint qu’une brusquerie fâcheuse ne vînt gâter la pureté de l’ensemble : mais que voulez-vous ? […] Et, à ce propos, je songeais à la marche singulière que le genre pittoresque a suivie chez nous.
Ceux qui les ont faites avaient beaucoup d’esprit, mais ils ont voulu en avoir ; il ne faut en avoir que par mégarde et sans y songer. […] Chacun fait l’entendu, comme s’il était immortel ; le monde n’est qu’une cohue de gens vivants, faibles, faux et prêts à pourrir ; la plus éclatante fortune n’est qu’un songe flatteur. […] J’aurais été vivement peiné de vous voir ici ; songez à votre mauvaise santé ; il me semble que tout ce que j’aime va mourir. » Écrire ainsi au chevalier Destouches dans une telle douleur, c’était le placer bien haut.